Le but principal de cette leçon est moins de vous dire ce que c’est que la métaphysique, d’en déterminer l’idée que de vous prémunir contre cette habitude universelle de questionner, contre cette impatience de voir défini ce qu’il n’est pas encore temps de définir. […] Ils nous montrent comment des collections d’idées se rassemblent en une seule idée en se résumant sous un seul signe, comment la langue et la pensée marchent ainsi peu à peu vers des expressions plus abrégées et plus claires, comment la série immense de nos idées n’est qu’un système de transformations analogues à celles de l’algèbre, dans lequel quelques éléments très-simples, diversement combinés, suffisent pour produire tout le reste, et où l’esprit peut se mouvoir avec une facilité et une sûreté entières, dès qu’il a pris l’habitude de considérer les jugements comme des équations, et de substituer aux termes obscurs les valeurs qu’ils doivent représenter.
« Le poète, écrit-il justement, doit flatter avec ses vers une habitude ancestrale. » Qui a dit le contraire ? […] Le vers libre n’est vers qu’en tant qu’il épouse, par son accentuation ou ses homophonies, des courants naturels et des habitudes ancestrales du français.
Il y avait ici des circonstances aggravantes : le feuilleton de Janin était léger, inexact, hostile ; la rapidité même avec laquelle on l’a inséré (sans attendre le lundi d’habitude) était une hostilité et une désobligeance de plus ; mais un auteur a toujours mauvaise grâce à venir défendre son ouvrage critiqué et à dire : mon sonnet est fort bon.
Mais c’est que toutes les facultés de ce rare talent se font équilibre et se tiennent d’une étroite manière ; et, même à l’occasion de ces feuilles légères des Memoranda, c’est ce talent tout entier qu’il convient d’évoquer… Quoi qu’il en soit des causes dont ces habitudes ont été l’effet visible, il est certain que, pareil à ce lord Byron qu’il aime tant, M. d’Aurevilly aura vécu dans notre dix-neuvième siècle à l’état de révolte permanente et de protestation continue… M. d’Aurevilly est, au plus beau et au plus exact sens de ce mot, un poète, — un créateur ; même sa poésie est aussi voisine de celle des Anglais que sa Normandie est voisine de l’Angleterre.
Ces deux monuments, changés de place, auraient perdu leur principale beauté, c’est-à-dire leurs rapports avec les institutions et les habitudes des peuples.
Ce serait contraire à toutes ses habitudes logiques. […] Je crois donc que le besoin est surtout de changer d’habitudes une fois l’an. […] C’est à ce moment-là que se prennent les bonnes et les mauvaises habitudes. […] Quel embarras pour des mots qu’on a l’habitude de personnifier ! […] Une habitude ou une découverte ?
Partout vos concitoyens réclament le libre exercice de tous les cultes ; partout ces hommes simples et bons qui couvrent nos campagnes et les fécondent par leurs utiles travaux tendent leurs mains suppliantes vers les pères du peuple en leur demandant qu’il leur soit enfin permis de suivre en paix la religion de leur cœur, d’en choisir à leur gré les ministres et de se reposer, au sein de leurs plus douces habitudes, de tous les maux qu’ils ont soufferts ! […] Des soldats. — Qui, même après le 9 thermidor, quand l’humanité se réveillait dans tous les cœurs, reprit encore au premier signal ces habitudes de carnage, et, répondant par des coups de canon aux justes représentations d’un peuple libre, porta de nouveau dans les murs de Paris l’épouvante et la mort ? […] Nous voici délivrés à la fois des habitudes serviles de l’ancien ordre et des exagérations passionnées du nouveau, appelés par notre gouvernement à délibérer sur de grands intérêts, reconnus par lui-même assez sages pour les bien déterminer ; eh ! […] « Coppet, ce 21 juillet (1804). » Camille, enchaîné par ses habitudes et un peu casanier, ce semble, résista encore. […] Quoiqu’il soit homme d’esprit et qu’il ait le goût et l’habitude du monde, je ne sais pourquoi il ne me plaît guère.
Elle s’impose à notre vie de chaque jour, change peu à peu les dispositions de nos demeures, modifie nos habitudes. […] Qui peut dire quelle influence l’habitude de si nobles plaisirs aura au bout de quelques générations sur les masses populaires ? […] Les vieilles habitudes féodales persistent et se font jour à tort et à travers de la manière la plus capricieuse. […] La pratique des mêmes vertus crée à peu près partout les mêmes habitudes, et des habitudes analogues engendrent des formes analogues. […] D’ailleurs cet ennui si funeste avait fini par lui devenir nécessaire, il était devenu une habitude comme l’opium et le tabac.
Tel qu’il est, et avec tous les défauts et les infractions qu’il se permet, le Journal des Débats reste le journal le plus décent, le seul même en France qui continue de respecter jusqu’au sein de la publicité certaines habitudes de bonne compagnie, et il est à souhaiter que, dans cette lutte contre la Presse, il réussisse à garder sa prééminence.
Vacquerie, on est tenté de le prendre pour un romantique intransigeant, d’autant plus qu’il a été longtemps le disciple du chef de l’école romantique, ou qu’il s’est donné pour tel (avec une modestie qui l’honore), et que les disciples ont, comme on sait, l’habitude d’exagérer les défauts des maîtres.
N’en voit-on pas plusieurs parmi ceux qui écrivent assez correctement dans ces Langues étrangeres, en convenant eux-mêmes qu’il leur seroit imposible de les parler supportablement, à cause de la prononciation dont ils n’ont aucune habitude ?
Le repos de l’âme est nécessaire à quiconque veut écrire sagement sur les hommes ; or, nos gens de lettres, vivant la plupart sans famille, ou hors de leur famille, portant dans le monde des passions inquiètes et des jours misérablement consacrés à des succès d’amour-propre, sont, par leurs habitudes, en contradiction directe avec le sérieux de l’histoire.
Law1 Il ne faut pas s’y tromper, les habitudes de la pensée sont inexorables, et on ne fait pas impunément la même chose quand on la répète constamment ; il se trouve qu’au bout d’un certain temps, et lorsqu’on veut la modifier ou la changer, on la répète toujours.
Les Carthaginois furent arrêtés de bonne heure dans cette carrière par la subtilité naturelle de l’esprit africain, encore augmentée par les habitudes du commerce maritime.
En un mot, il n’y a rien de romanesque dans ces pages ; ce sont des études sérieuses et impartiales qui nous initient fidèlement aux habitudes et au caractère du peuple. […] C’est en retraçant les habitudes et les actions de ses personnages qu’il nous donne ordinairement la mesure des sentiments et des désirs qui les animent. […] Viennent les enfants, et ceci et cela ; — comment, je vous le demande, une femme de chambre mariée pourrait-elle remplir son devoir et se conformer à toutes les habitudes de sa maîtresse ? […] C’est, je vous l’avoue très-franchement, une habitude que je ne puis pas souffrir. […] Contrairement à l’habitude de tous les poitrinaires, il ne se faisait du reste aucune illusion sur son état : et cependant il ne se désespérait nullement, et ne fit même pas la moindre allusion au sort qui lui était réservé.
David, il ne faudrait pas moins la mener promener de temps en temps, la conduire au bal de M. le bourgmestre ou de madame la sous-préfète ; il faudrait changer mes habitudes, je ne pourrais plus aller le chapeau sur l’oreille, ou sur la nuque, la cravate un peu débraillée, il faudrait renoncer à la pipe… ce serait l’abomination de la désolation : je tremble rien que d’y penser. […] — Sans doute, Christel ; je le regrette aussi. » La petite Sûzel ne dit rien, mais elle paraissait toute triste, et ce soir-là Kobus, fumant comme d’habitude une pipe à sa fenêtre, avant de se coucher, ne l’entendit pas chanter de sa jolie voix de fauvette, en lavant la vaisselle. […] Plus de cent personnes les regardaient sur les portes et le long des fenêtres, car les voitures de poste ne passent pas d’habitude par la rue des Acacias, elles suivent la grande route. […] Ils prirent donc leurs distances, pour se promener autour de la salle, comme cela se fait d’habitude. […] Si je restais, ma femme croirait que je prends de mauvaises habitudes ; elle serait inquiète.
Sully Prudhomme, une habitude prise qui traduit en plaisir certains groupements de syllabes suivant des rythmes familiers. […] Je ne conteste pas non plus qu’il y ait une sorte d’origine physiologique ou organique à quelques-unes de ces habitudes. […] Toutes les hardiesses de Victor Hugo heurtèrent d’abord beaucoup de vieilles habitudes et de vieux préjugés. […] Mes habitudes intellectuelles m’éloignent des problèmes qui ne me semblent pas nettement posés. […] Les habitudes intellectuelles de M.
Pour soutenir ce fardeau et travailler d’ailleurs, il a fallu le tempérament de Louis XIV, la vigueur de son corps, la résistance extraordinaire de ses nerfs, la puissance de son estomac, la régularité de ses habitudes ; après lui, sous la même charge, ses successeurs se lassent ou défaillent. […] De 1775 à 1789191, récapitulant lui-même ce qu’il a fait, il trouve « cent quatre chasses au sanglier, cent trente-quatre au cerf, deux cent soixante-six au chevreuil, trente-trois hourailleries, mille vingt-cinq tirés », en tout quinze cent soixante-deux jours de chasse, c’est-à-dire une chasse au moins tous les trois jours ; outre cela, cent quarante-neuf voyages sans chasse, et deux cent vingt-trois promenades à cheval ou en voiture. « Pendant quatre mois de l’année192 il va à Rambouillet deux fois par semaine et n’en revient qu’après avoir soupé, c’est-à-dire à trois heures du matin » Cette habitude invétérée finit par se tourner en manie et même en quelque chose de pis. « Il n’y a pas d’exemple, écrit Arthur Young, le 26 juin 1789, d’une nonchalance et d’une stupidité pareilles à celles de la cour ; le moment demanderait la plus grande décision, et hier, pendant qu’on discutait s’il serait doge de Venise ou roi de France, le roi était à la chasse. » Son journal semble celui d’un piqueur. […] Jusque dans les grades secondaires, on retrouve ces habitudes somptueuses. […] Ceux de France, même dans les provinces éloignées, ont fréquenté les salons du commandant ou de l’intendant, et rencontré en visite quelques dames de Versailles ; c’est pourquoi « Ils ont toujours quelque habitude des grandes manières, et sont à peu près instruits des vicissitudes de la mode et du costume ». […] Il y avait alors, presque chaque jour, des passants roués à Paris par les voitures à la mode, et c’était l’habitude chez les grands d’aller très vite.
C’est esquiver la difficulté que de distinguer, comme on le fait d’habitude, deux espèces de quantité, la première extensive et mesurable, la seconde intensive, qui ne comporte pas la mesure, mais dont on peut dire néanmoins qu’elle est plus grande ou plus petite qu’une autre intensité. […] L’habitude s’est ainsi contractée d’assigner une hauteur à chaque note de la gamme, et le jour où le physicien a pu la définir par le nombre de vibrations auxquelles elle correspond dans un temps donné, nous n’avons plus hésité à dire que notre oreille percevait directement des différences de quantité. […] Ce qui fortifie d’ailleurs votre illusion sur ce point, c’est l’habitude contractée de croire à la perception immédiate d’un mouvement homogène dans un espace homogène. […] Mais faites abstraction de vos souvenirs et de vos habitudes de langage : ce que vous avez aperçu réellement, ce n’est pas une diminution d’éclairage de la surface blanche, c’est une couche d’ombre passant sur cette surface au moment où s’éteignait la bougie. […] Les variations d’éclat d’une couleur donnée — abstraction faite des sensations affectives dont il a été parlé plus haut — se réduiraient donc à des changements qualitatifs, si nous n’avions pas contracté l’habitude de mettre la cause dans l’effet, et de substituer à notre impression naïve ce que l’expérience et la science nous apprennent.
Tous deux écrivent purement ; tous deux respectent ce qu’on appelle le génie de la langue, c’est-à-dire, en somme, ses habitudes. […] Ils s’évertuent à rendre leur style adéquat à leurs sentiments et à leurs sensations : ils trouvent que la langue ordinaire, telle qu’elle est établie par l’usage même de grands écrivains, y est impuissante : ils l’enrichissent audacieusement de vocables nouveaux et de tournures imprévues, troublent toutes ses habitudes, la tendent et la violentent à la faire crier. […] Je pense qu’il faut voir une simple négligence, non une recherche harmonique qui dérogerait à leurs habitudes, dans cette première phrase de Sœur Philomène : « La salle est haute et vaste. […] Allons plus loin : dans presque tous les cas, si l’on essaye de substituer à la locution extraordinaire inventée par MM. de Goncourt une locution conforme aux habitudes de la langue, on reconnaîtra que celle qu’ils ont préférée est réellement plus expressive, contient quelque chose de plus.
Enfin, avec la méthode de Descartes, Pascal continua les habitudes d’esprit de ce grand homme, sa passion pour la vérité, sa soif de l’évidence. […] On y sent une habitude ancienne et presque une pratique de ces penseurs, une comparaison déjà douloureuse de son propre intérieur avec ce qu’ils ont découvert de celui de l’homme. […] Ni enthousiasme, ni emportement ; une conviction lente, qui s’acharne à son objet, qui craint de le laisser échapper : une foi non d’habitude, mais qu’il faut disputer tous les jours à quelque objection nouvelle, et risquer tous les jours de perdre, si l’objection est la plus forte ; une foi, pour ainsi dire, arrachée et convulsive. […] Mais les Provinciales n’enfoncent pas si avant que les Pensées ; elles ne jettent point dans la réflexion et la rêverie ; elles s’adressent, pour ainsi dire, à ce qui est toujours prêt en nous, à la raison courante, à la conscience d’habitude, à ce sentiment du ridicule qui cherche sans cesse où se prendre.
C’est ainsi que la plupart de ses inventions primitives, celles de l’habillement, celles qui touchent à l’alimentation, ont eu pour but, par des modifications artificielles des circonstances ambiantes, de lui permettre de conserver ses dispositions organiques, son aspect, ses habitudes, en dépit de certaines variations contraires naturelles des mêmes circonstances14. […] Cette assertion paraît évidente et elle l’est en effet, bien qu’on ne la prenne pas d’habitude au sens absolu où nous la posons. […] On citera la prédilection des ouvriers pour les aventures qui se passent dans un fabuleux grand monde, l’attrait des histoires romanesques ou sentimentales pour certaines personnes d’occupations incontestablement prosaïques, le charme que les habitants des villes trouvent aux paysages, le goût que montrent des hommes simples et calmes d’habitude pour les musiques les plus passionnées. […] Il n’est pas indifférent de connaître les habitudes élégantes de César, le plaisir que Frédéric le Grand prenait à la musique de chambre de son temps, le penchant de Napoléon pour Ossian et la musique romantique, les spéculations industrielles de Pascal, la façon dont Spinoza se délassait de l’Éthique.
Cette seule habitude d’honneur et de vaillance chevaleresque, cette loyauté du duel guerrier, est une moralité relative qui mérite déjà la victoire. […] Parlant de ces habitudes asiatiques et lâchement cruelles par lesquelles ces empereurs grecs rivaux se réconciliaient en apparence, faisaient mine de s’embrasser, s’invitaient à des festins, et se crevaient les yeux à l’improviste, Villehardouin nous dit : « Jugez maintenant s’ils étaient dignes de tenir la souveraineté et l’empire, des hommes qui exerçaient de telles cruautés les uns envers les autres ; qui se trahissaient les uns les autres si déloyalement. » S’il y a quelque moralité naturelle dans cette croisade des Français d’alors et dans leur victoire sur Byzance, elle est tout entière dans cette réflexion, qui était aussi celle de Baudouin et de son frère, de ces nouveaux empereurs, vrais chrétiens et honnêtes gens.
Cet appesantissement en partie physique qui augmentait avec l’âge, cet enchaînement aux habitudes, ce besoin d’avoir toujours autour de soi une grosse Cour, finirent par retenir le monarque à Versailles et dans ses maisons. […] Les gouttes, les fièvres, aidées des médecines de précaution dont Fagon abuse, tournent en habitude chez Louis XIV, malgré son fonds d’excellente constitution.
Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet. […] Je voudrais, selon mon habitude, donner quelque idée, par une citation, du genre d’esprit et de finesse de cet excellent conteur, qui était d’ailleurs de l’étoffe dont on fait les bons ministres.
Jésus, selon son habitude, passa le val du Cédron, et se rendit, accompagné des disciples, dans le jardin de Gethsémani, au pied du mont des Oliviers 1093. […] Judas, connaissant les habitudes de Jésus, avait indiqué cet endroit comme celui où on pouvait le surprendre avec le plus de facilité.
Peu de temps après, un mot tout à fait inattendu, que le roi prononça tout simplement et comme par habitude, marqua l’époque d’un changement heureux dans la condition de la gouvernante. […] Elle était l’objet des secrètes et tendres sollicitations du roi et ne voulait pas y répondre ; et madame de Montespan était de nouveau rendue aux habitudes de ce prince, pour qui le plaisir était un besoin.