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1335. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Une fois constitué, ce moule de la tragédie parut si beau que le public resta pendant deux siècles en admiration devant lui, et s’imagina qu’on y pouvait verser n’importe quoi… C’est que le public tient plus aux moules qu’aux choses qu’on met dedans… Le signe fait plus d’effet que la chose signifiée… Le drapeau tricolore symbolise plus d’idées (et quelquefois d’autres idées) que le gouvernement qu’il représente. […] Dumas nous dit, par la bouche de Daniel, des choses curieuses, peut-être inquiétantes ; et son grand mérite, c’est de les avoir dites il y a plus de vingt ans : « … Nous avons été forcés, nous autres Israélites, de nous glisser dans les interstices des nations, d’où nous avons pénétré dans les intérêts des gouvernements, des sociétés, des individus. […] dans le journal de Vernouillet, Giboyer dira tout ce que l’on voudra pour ou contre les gouvernements, pour ou contre les individus sans en penser un mot.

1336. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Le voici : Un membre du Parlement demande un bel emploi à un ministre : le ministre lui répond : « Monsieur (je cite de mémoire), vous m’avez fait l’honneur de m’adresser une lettre par laquelle vous voulez bien me faire savoir : 1° que la législature est tout près de finir ; 2° que pendant cette législature vous avez rendu des services signalés au gouvernement de la Reine ; 3° qu’il serait convenable et juste que le gouvernement de la Reine reconnût ces services en vous appelant à un poste honorable et rémunérateur. Le gouvernement de la Reine a l’honneur de vous faire connaître que la première de ces trois propositions est la seule sur laquelle il a l’honneur et le plaisir d’être d’accord, pleinement du reste, avec vous ; et il saisit cette occasion pour vous assurer de la très haute considération qu’il professe à votre endroit. » Voilà ce que l’on entendait très précisément par humour dans la seconde partie du dix-huitième siècle.

1337. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Un gouvernement autoritaire trouverait, dans chacun de nos auteurs classiques, de quoi le faire pendre dix fois. […] Ensuite le propre d’un gouvernement, c’est de déclarer hideux l’ordre de choses qui l’a précédé ou celui qui pourrait le remplacer et d’affirmer, à l’aide de métaphores compliquées et généralement contradictoires, que rien ne cloche dans l’État. […] Il ne les a pas eus aussi soutenus et complets que son admirable talent le méritait, par cette ânerie bien connue des esprits étroits et que multiplient les assemblées ; ânerie qui consiste à douter qu’on puisse être poète et homme de gouvernement : « J’ai l’instinct des masses, écrivait Lamartine, voilà ma seule vertu politique.

1338. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

De là son arrêté de pluviôse an IV (1796) qui est à rapporter comme document, et aussi parce que, peut-être sans le vouloir, l’auteur y a mis le grain de sel, à côté des lourds ingrédients administratifs : « Le Directoire exécutif, informé que le royalisme et l’aristocratie, comprimés de toutes parts, s’agitent encore et cherchent un dernier asile dans les spectacles, où ils épient avec soin et saisissent avec avidité les occasions de troubler l’ordre ou de dépraver la morale publique, premier et puissant ressort du gouvernement républicain ; considérant que le but essentiel de ces établissements publics où la curiosité, le goût des arts et d’autres motifs attirent chaque jour un rassemblement considérable de citoyens de tout sexe et de tout âge, étant de concourir par l’attrait même du plaisir à l’épuration des mœurs et à la propagation des principes républicains, ces institutions doivent être l’objet d’une sollicitude spéciale de la part du gouvernement ; arrête : le bureau central de police et les administrations municipales feront fermer les théâtres sur lesquels seraient représentées des pièces tendantes à dépraver l’esprit public et à réveiller la honteuse superstition de la royauté!

1339. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Ils en font des plaisanteries faciles : « Et les gouvernements se succédaient, et la tour de six cents mètres avait succédé à la tour de trois cents mètres, et la tour de douze cents mètres à la tour de dix-huit cents pieds, et la cinquantième dynastie de généraux (artillerie) avait succédé à la quarante-neuvième dynastie de généraux (cavalerie légère) ; et le trois mille sept cent dix-huitième volume des œuvres posthumes de Victor Hugo émergeait à l’horizon avec tranquillité. » Voilà qui va bien ; seulement cela ne nous regarde pas. […] Lisane qui s’est partagée, avec son inconscience ordinaire, entre l’affreux Tassin, bandit de lettres et voleur à l’occasion, et le pauvre naïf Glatigny, est maintenant chanteuse excentrique et danseuse acrobatique dans un café-concert monté par son ancien directeur sur le revers oriental de « la Butte », et elle est vaguement fidèle à Glatigny, en attendant que Tassin sorte d’une pension de l’État où le gouvernement le retient sur avis de la quatorzième ou quinzième chambre. […] Aubier avait précisément le même caractère que son mari, et que, donc, ce n’était pas la peine de changer de gouvernement ?

1340. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Il a aussi contre lui les hommes de gouvernement et d’action ; mais la seule objection de ces derniers se réduit à ceci : « Pourquoi, diantre !

1341. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Il ne paraît pas jouer un grand rôle dans les pièces d’Aristophane, parce que l’auteur, occupé à faire sans cesse la satire du gouvernement et de ses concitoyens, ne s’est point occupé à peindre les symptômes et les ridicules de cette passion.

1342. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Rien ne leur est plus favorable qu’un gouvernement à la fois pacifique et glorieux. […] Mais les lettres ne se développent que sous un gouvernement qui les aime et qui les honore.

1343. (1900) La culture des idées

Lors donc que l’on demande aux hommes de sacrifier leurs plaisirs personnels à la prospérité de la société, on leur demande d’agir en esclaves, de remettre aux lois le gouvernement de leurs sensations, la direction de leurs gestes, le maniement général de leur sensibilité. […] Le rôle de la France, avilie par des gouvernements indignes, étant désormais purement littéraire (à moins d’un improbable réveil), la question qui peut amuser est celle-ci : dans quelle proportion, à côté de la langue du vainqueur, les langues des vaincus futurs peuvent-elles espérer de vivre littérairement ?

1344. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Le même progrès qui, dans l’ordre moral, a fait passer l’individu du règne des instincts à celui de l’intérét ou du devoir ; dans l’ordre social, de la sauvagerie primitive à l’état  d’organisation ; dans l’ordre politique, de l’individualisme presque absolu à la constitution d’un gouvernement  le même progrès, dans l’ordre intellectuel, a fait passer du règne de l’attention spontanée au règne de l’attention volontaire.

1345. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

En outre de nouvelles générations survenaient, moins disposées que les précédentes à l’enthousiasme et à l’admiration, n’ayant vu d’ailleurs l’école spiritualiste qu’au gouvernement et non dans l’opposition.

1346. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Au milieu de tous ces soucis littéraires j’avais fort délaissé les écoles du gouvernement qui devaient me couvrir du service militaire. […] Il me conta beaucoup de ce qu’il a écrit dans les Confessions (je sais bien que je ne suis pas le seul à avoir recueilli ces confidences) mais avec un brio, un relief que je n’ai pas retrouvé dans son livre, notamment une promenade au matin dans Paris insurgé, et une lecture de la proclamation du gouvernement de la Commune, à son gré si belle, si fière et tout émanée d’anonymes, ce qui en rehaussait la valeur. […] La Flandre est restée nationalisée, ses communes ont résisté à la poussée d’un gouvernement central, mais la machine et l’industrie l’ont profondément modifiée.

1347. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Ses productions furent même très recherchées par les étrangers, et il y eut une année où l’on exporta ses dessins et ses gravures par centaines, mais presque aussitôt cette exportation fut défendue par le gouvernement de Tokougawa. […] Une étude amusante de ces animaux affectionnés par les Japonais qui, par des croisements, cherchent à en faire des animaux phénomènes, comme longueur des oreilles, comme couleur des yeux, si bien que le gouvernement a frappé ces animaux, il y a une dizaine d’années, de l’imposition d’un dollar.

1348. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il semble que, pour un moment, le gouvernement de la terre soit entre les mains du démon. […] S’il est honnête sous le gouvernement moscovite, il fera infailliblement connaissance avec les juges et la kibitka… Qui sait ? […] dites au peuple républicain : « Tu t’es grandement trompé lorsque tu as voulu faire de celui-ci un tribun ; à quoi songeais-tu quand tu lui confias une part du gouvernement de la république ?

1349. (1932) Le clavecin de Diderot

Henninsj et trouvères, je n’étais pas en avance pour mes dix-huit ans, mais, au sortir de l’aristocratique Janson-de-Sailly, le désir d’être autre chose qu’un sportif, un ingénieur diplômé du Gouvernement, témoignait d’une soif de connaissance bien insolite pour le 16e arrondissement.

1350. (1883) Le roman naturaliste

Avertissement J’ai retranché, de cette nouvelle édition du Roman naturaliste, deux études : l’une, sur les Romans de miss Rhoda Broughton, qui n’y était peut-être pas tout à fait à sa place ; et l’autre, sur le Roman du Nihilisme russe, qui n’avait plus d’intérêt ni, en vérité, d’objet même, depuis la publication du beau livre de M. E.-M. de Vogüé sur le Roman russe. Elles ont été remplacées par quatre autres, dont on m’excusera d’être allé reprendre la première, sur les Petits Naturalistes, dans un ancien volume. La seconde, sur la Banqueroute du Naturalisme ; la troisième, sur l’Évangéliste, de M. 

1351. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Si en effet Cléon est coupable du crime dont on l’accuse, si le poète n’a fait que la satire des vices personnels du général athénien, si le bouffon qui s’est fait le vengeur du gouvernement a dit juste, une fois en sa vie, si cet ardent délabreur de réputations n’a fait que remettre l’usurpateur à sa place, alors il faudra bien que Cléon courbe la tête, et qu’avouant la victoire du poète, il se retire devant cette allusion dentée et pleine d’aiguillons. […] C’est le grand charme et c’est la toute-puissance de la comédie de Molière de ne s’occuper ni du gouvernement, ni de la chose publique, mais des mœurs, des lois, des vices, des usages, des passions… et pourquoi donc comptez-vous cette supériorité incontestable… la joie ineffable et charmante, inconnue à la comédie grecque, la joie inépuisable des jeunes amours ?

1352. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

La police est sur les dents, le Gouvernement est très ennuyé. […] La police est sur les dents, le Gouvernement est très ennuyé.

1353. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Comment séparer les mœurs et le gouvernement, sans mutiler la réalité par un effort d’abstraction impossible à prolonger ? […] Il ne met pas en scène un financier, un homme d’État, un négociant, un journaliste, sans vous exposer, à cette occasion, sa théorie du crédit et du gouvernement, du commerce et de la presse.

1354. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

parce qu’ils avoient érigé presque tous ces objets en autant de déesses, ou qu’ils les croyoient sous le gouvernement immédiat de quelque divinité femelle.

1355. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

L’exhortation Aux chrétiens dans les temps d’épreuves, l’Hymne à l’Esprit-Saint, l’Hymne au Christ, les Révolutions dégagent le sens véritable de l’Évangile, s’indignent des emplois où les politiques ont abaissé la sainte parole, affirment le progrès humain par la bonté et le sacrifice, et la croyance à un dessein divin dans le gouvernement du monde et dans l’économie de l’histoire… Et ces choses avaient été dites, je crois ; et l’on s’est mis, depuis dix ans, à en répéter quelques-unes, mais non pas mieux ni plus clairement, ni plus magnifiquement, parce que cela est impossible.

1356. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

l’on viendra nous représenter, à Paris, la physionomie de Héros qui ne nous intéressent plus, qui nous sont étrangers, qui n’appartiennent ni à nos mœurs, ni à nos usages, ni à notre gouvernement !

1357. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Thiers, un esprit fort peu accessible au lyrisme, s’est pourtant oublié un jour jusqu’à écrire la phrase suivante, dans laquelle sa pensée devient successivement une source, un incendie, une montagne, un cheval et un vaisseau : « En remontant à la source de ces bruits, il fallut bien reconnaître que la main des royalistes avait, encore une fois, allumé l’incendie de la guerre civile ; mais des cimes élevées où l’élu de la France tenait les rênes du gouvernement, il n’était pas donné à une folle tentative de faire sombrer le vaisseau de l’État. » L’Union et l’Assemblée nationale MM. 

1358. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

De ces droits les gouvernements les ont plus ou moins dépouillés, sous prétexte qu’il y aurait incompatibilité entre la liberté individuelle et l’intérêt public.

1359. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Tallien ne manquait ni de talent ni de capacité ; quant à la probité, il en avait au moins autant que la plupart des hommes de gouvernement d’alors. […] Sa fille, moins bavarde, put cependant trouver le temps d’apprendre à Pedro que son père était un employé du gouvernement, mis en disponibilité à Santander, quatre mois avant, et qui allait à Madrid pour solliciter sa réintégration dans les cadres administratifs.

1360. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Corneille I. Comédie française : le Cid 15 juin 1880. La Comédie française a fêté l’anniversaire de Corneille en nous donnant le Cid, c’est-à-dire le plus jeune et, tout le monde le sent, quoique tout le monde ne l’avoue pas, le plus beau de ses drames ; j’ajoute bravement : le seul que j’aime sans réserve et de tout mon cœur. La représentation a été, dans son ensemble, brillante et chaleureuse. Les comédiens semblaient soulevés d’un vent d’enthousiasme ; les grands vers et les beaux vers héroïques et amoureux sonnaient avec allégresse.

1361. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Il est aujourd’hui sans danger d’attaquer l’Église, car elle ne dispose plus de bûchers ; il n’y a pas grand péril non plus à écrire contre les gouvernants et les gouvernements, car on risque au pis-aller d’être emprisonné, et l’on a comme compensation la gloriole du martyre. […] Alors il passe avec le gouvernement de son pays un contrat aux termes duquel il renonce à jamais, moyennant une somme d’un million de francs, à tous les titres, situations officielles et privilèges qui lui restent encore. […] Il négocie avec des banques au sujet d’un gros emprunt de son gouvernement et se fait avancer de fortes sommes sur l’affaire à conclure.

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