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549. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Marmont, fidèle au génie français, et l’un des plus distingués capitaines de cette école de l’armée d’Italie, penchait encore pour l’offensive et en prenait volontiers l’attitude, même quand son rôle était purement défensif. […] L’armée française fut vaincue. […] Vous, par exemple (et il prenait le bras de Marmont), si, l’ennemi ayant envahi la France et étant sur la hauteur de Montmartre, vous croyiez, même avec raison, que le salut du pays vous commandât de m’abandonner, et que vous le fissiez, vous seriez un bon Français, un brave homme, un homme de conscience, et non un homme d’honneur. […] C’est là qu’il va livrer un des plus glorieux combats dont les annales françaises conservent le souvenir, le dernier combat de 1814. […] Les troupes françaises se replièrent sur le plateau en arrière de Belleville et où se trouvait un moulin à vent.

550. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Qu’est-ce que son discours l’Universalité de la langue française ? […] Mais les biographes de Rivarol sont Français, et, en France, la causerie qu’il convenait d’attaquer est sacrée. […] elle est la plus jolie des gloires françaises, et rien ne prévaudra contre elle. […] Par contre du journaliste retrouvé dans le grand historien romain, Napoléon aurait-il trouvé, dans le journaliste français, le grand historien que Burke y a vu le premier ? […] En ce temps-là, les séminaires versaient dans la plus haute société française une corne d’abondance d’esprits distingués et supérieurs.

551. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Lisbonne seule compte trois librairies françaises. […] Une inévitable décadence menace les lettres françaises. […] Aicard l’a fait en français. […] Sa place est à l’Académie Française. […] Soyez de la grande école française.

552. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

L’amour du paysan français pour la terre est plus qu’un amour, c’est une religion. […] Vous donne-t-il bien envie de chercher en lui le Normand et le Français ? […] Sa culture est autant française et latine que saxonne et anglaise ; ce qu’il lit, ce sont les livres français, joignez-y quelques poètes italiens, Pulci, Arioste, le Tasse, et vous atteindrez les limites de cette culture. […] C’est un gentilhomme qui est introduit auprès du public français par des gentilshommes. […] Le gentilhomme français ne répondit rien dans le moment et reconduisit la jeune fille au château.

553. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Préface En 1849, ayant vingt et un ans, j’étais électeur et fort embarrassé ; car j’avais à nommer quinze ou vingt députés, et de plus, selon l’usage français, je devais non seulement choisir des hommes, mais opter entre des théories. […] Il me paraissait qu’une maison ne doit pas être construite pour l’architecte, ni pour elle-même, mais pour le propriétaire qui va s’y loger. — Demander l’avis du propriétaire, soumettre au peuple français les plans de sa future habitation, c’était trop visiblement parade ou duperie : en pareil cas, la question fait toujours la réponse, et d’ailleurs, cette réponse eût-elle été libre, la France n’était guère plus en état que moi de la donner : dix millions d’ignorances ne font pas un savoir. […] Les Français de l’Ancien Régime sont encore tout près de nos regards. […] J’ai voulu suppléer à ces omissions, et, outre le petit cercle des Français bien élevés et lettrés, connaître la France.

554. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Geoffroy Saint-Hilaire ont été les disciples, les continuateurs de Buffon, et que le grand précurseur français de Darwin, c’est Lamarck. […] Il nous offre alors cette éloquence didactique, ordonnée, lumineuse, animée, dont il a donné la formule dans son discours de réception à l’Académie française. […] Il entre à l’Académie française en 1753 […] Darwin et ses précurseurs français, 1870, in-8.

555. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

S’il est vrai que la perfection de l’esprit français au dix-septième siècle ait consisté dans son intime union avec les deux antiquités païenne et chrétienne, le jour où cette union sera rompue, ce jour-là verra l’esprit français déchoir, et le temps sera passé des œuvres parfaites. […] Il y fait moins la critique de l’Iliade grecque que les honneurs des timidités savantes et des hardiesses calculées de l’Iliade française. […] Les lettres françaises doivent à ce beau dessein deux ouvrages charmants, la Pluralité des mondes et les Éloges des savants. […] Faire siéger dans la même Académie, à côté des savants français, les savants étrangers, c’est une des plus grandes idées inspirées à Louis XIV par Colbert. […] Effets du mépris des deux antiquités sur la littérature française au dix-huitième siècle.

556. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

La musique française n’a pas produit d’art ? soit : il n’y a pas d’art musical français. […] Pour nous en tenir aux pays de langue française, disons que la première représentation à Bruxelles est ancienne déjà. […] C’est ainsi que la douce femme perdit son époux. » Ce court récit de Wolfram est conforme à la version française septentrionale. […] Notre étude ne serait pas inutile si elle pouvait persuader à nos acteurs français de faire le voyage de Bayreuth, pour étudier cette mimique incomparable.

557. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Stendhal a prétendu toute sa vie que la vanité était le tout du Français. […] C’est la raison des peuples sociables, c’est celle des Français essentiellement. […] Les Français vivent comme cela. […] L’originalité de lieu manque trop à nos auteurs français. […] Aussi de tous les sociologues français il a été certainement le plus lu.

558. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Le Vouet est regardé comme le fondateur de l’Ecole Française. […] On dirait que ce genre est devenu le langage naturel du Français. […] Jamais vos Pédagogues Français ont-ils formé un pareil Eleve ? […] Je reconnus les différens Journalistes Français. […] Ce Poëte y fit voir aux Français toutes les ressources, toutes les richesses de leur Langue, assez peu estimée jusqu’àlors par les Français mêmes.

559. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Elle avait fort encouragé Bonstetten à écrire en français ; elle était faite plus que personne pour goûter ce qu’il y avait de nouveau, d’original, dans sa façon de dire. […] [NdA] Il faut convenir qu’il était un peu ingrat envers le français qui se laissait si bien manier par lui. […] Cela sera plus difficile qu’on ne croit, parce que en Russie on est engoué du français, et que chacun, se croyant capable d’écrire sa langue, refuse de reconnaître la supériorité d’un auteur qui sait s’en servir avec talent. Il y a plus : le français est, selon moi, la langue la plus ingrate, la plus sourde, la plus pauvre, la moins souple, mais de toutes la plus soignée ; semblable aux femmes françaises qui, moins belles comme race qu’aucune autre race européenne, sont de toutes les femmes les plus habiles à se faire valoir par les grâces, l’esprit et le tact si rare de toutes les convenances du lieu et du moment. […] « Savez-vous, écrivait-il vers ce temps, combien je trouve dans ma mémoire de personnages considérables avec lesquels j’ai eu des relations familières avant le commencement de la Révolution française ?

560. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Ce que Dryden, Addison avaient de français, l’induisait à goûter dans une certaine mesure leurs qualités anglaises. […] Le prince, qui s’est fait traduire Wolf en français pour le lire, met volontiers la philosophie sur le tapis : il donne à Voltaire l’exemple de la libre pensée. […] Le gouvernement français se chargea de transformer cette inclination naturelle en un principe réfléchi de philosophie politique. […] La grandeur de la littérature française sous Louis XIV l’attache à ce règne, et l’emplit d’admiration. […] Desnoiresterres, Voltaire et la société française au xviiie  siècle, Paris. 8 vol. in-8, 1867-1876.

561. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

C’est ce que savent bien tous ceux qui ont pratiqué ses Moralistes français, ou ses Poètes français sous Louis XIV, ou son Histoire de la Littérature française au xviiie  siècle, ou ses Études, — le premier volume surtout de ses Études sur la littérature française au xixe  siècle, où il a si bien parlé de Chateaubriand et de madame de Staël. […] Est-ce que quelqu’un aurait la prétention d’apprendre le français à l’auteur du Termite ? […] Un chevalier français épouse une Vénitienne dont on vient, au lendemain du sac de Brescia, de décapiter le père. […] Mais qu’on traite seulement le français, le vieux français, comme on faisait jadis le latin, empiriquement… et modestement. […] et que c’est donc elle qu’il faut que l’on maintienne à la base d’un enseignement secondaire classique purement français ?

562. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Cette probabilité, d’elle-même, deviendra certitude, et les pauvres gens, tout honteux de leur réputation nouvelle, baisseront le dos, laisseront passer l’orage et se tiendront cois, silencieux dans leur cachette, espérant que, dans cinquante ans peut-être, la doctrine des esprits les plus lucides, les plus méthodiques et les plus français qui aient honoré la France, cessera de passer pour une philosophie de niais ou d’hommes suspects. » Voilà le raisonnement que se fit mon vieux sensualiste. […] Il les ramène à leur origine, et note les légères différences qui les séparent ; il marque soigneusement le sens des mots et les nuances des expressions ; il enseigne aux gens le français qu’ils croient avoir appris, et la logique qu’ils pensent savoir de naissance. […] Nos Français du siècle dernier ont eu la même puissance, et méritent le même respect. […] On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales ; que les faits découverts en Angleterre et les théories inventées en Allemagne ont besoin de passer par nos livres pour recevoir en Europe le droit de cité ; que nos écrivains seuls savent réduire la science en notions populaires, conduire les esprits pas à pas et sans qu’ils s’en doutent vers un but lointain, aplanir le chemin, supprimer l’ennui et l’effort, et changer le laborieux voyage en une promenade de plaisir. S’il en est ainsi, l’idéologie est notre philosophie classique ; elle a la même portée et les mêmes limites que notre talent littéraire ; elle est la théorie dont notre littérature fut la pratique ; elle en fait partie puisqu’elle la couronne, et l’on peindrait en abrégé son dernier défenseur, en disant qu’avec les grâces aimables, la politesse exquise et la malice délicate de l’ancienne société française, il conserva la vraie méthode de l’esprit français.

563. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

À quel auteur français s’apparente de plus près la prose de Flaubert ? […] Toute une province française est menacée de ruine par la maladie des vers à soie. […] Taine a tort de faire d’un mouvement comme la Révolution française un problème de psychologie. […] En comprenant le rôle particulier que cette province joue dans la synergie française. […] Un grand chrétien y revit, qui fut aussi un grand Français.

564. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre premier »

Chacun dit : « Je ne me mettrai pas » fût-ce par une pensée secrète, en travers de rien qui travaille au salut de la patrie. » Le prêtre songe de l’instituteur et l’instituteur du prêtre : « Puissé-je m’être trompé, chaque fois que j’ai douté de celui qui m’a méconnu. » Et tout Français qui voit le fils de son adversaire monter dans le train et prendre le chemin de la frontière, forme dans son cœur des vœux pour le jeune soldat et salue ses parents. […] C’est la vie morale des Français à la guerre exposée dans sa prodigieuse richesse. […] Pour la gloire du génie français, essayons un premier débrouillement.‌

565. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Hennique très indigné s’en retourne, en criant dans les corridors : « Voilà ce que c’est que d’écrire en français !  […] Et là-dessus Daudet s’élève contre la fausseté des femmes, représentées par le roman français contemporain, comme des possédées d’éréthisme, s’élève contre la fausseté des femmes françaises décrites par le romantisme, ces femmes rugissantes, ces femmes affolées par des passions tropicales, — et nous disons qu’il y aurait un intelligent et spirituel article à faire, pour remettre la femme française de la littérature, au point réel. […] Pas un monument rappelant notre architecture française. […] Voici ce que les Français doivent acheter ; — quant aux tableaux, il faut les laisser aux Américains. […] Il y a vraiment de l’ironie française chez ce peuple japonais.

566. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Le candidat a eu à traiter, suivant l’usage, un double sujet en latin et en français. […] Dans la thèse française, qui est devenue la principale et pour laquelle il avait réservé ses plus grandes forces, M.  […] Il y a eu la phase française, la phase italienne, la phase anglaise. […] Le second s’ouvre avec Perrault, qui rallume la guerre en lisant à l’Académie française son poème du Siècle de Louis le Grand, composé tout à la glorification de l’âge présent et au détriment de l’Antiquité (1687). […] Rigault a conçu son travail à un point de vue plus étendu que je ne l’aurais fait moi-même : j’en aurais voulu faire, ce me semble, et si l’on me permet cette imagination bien facile après coup, un épisode distinct et tranché de l’histoire littéraire française, une pure et vraie querelle, une fronde en trois actes, avec une sorte d’intérêt et de gradation, avec début, milieu et fin, les complications étrangères y tenant moins de place, et les grands philosophes énigmatiques comme Vico ne faisant tout au plus que s’apercevoir à l’horizon ; car, dès qu’ils interviennent, ils écrasent un peu trop les nôtres.

567. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Car, tel il était, cet homme si bien de race française, quoique sa famille fût réfugiée depuis trois siècles en Suisse et que trois cents ans de protestantisme l’eussent défrancisée, mais qui reparaissait française dans son dernier descendant, dans la personne de ce brillant esprit, de ce sceptique élégant du xviiie  siècle, qui a fait sur les Religions un livre bien français dans son insuffisance et dans sa légèreté religieuse !… Benjamin Constant, qui a traduit le Wallenstein, qui parlait allemand et qui s’est marié en allemand à une femme de grande maison allemande, Mademoiselle Charlotte de Hardenberg, Benjamin Constant, dont la nerveuse inconsistance toucha un jour à la trahison politique, fut, de nature et de mœurs, le plus agité et le plus étourdi des Français. […] Il n’avait d’allemand que ses cheveux, ces célèbres cheveux blonds, et jusque dans son sentiment pour les femmes il était un Français encore, bien plus près de la galanterie et du libertinage que de l’amour.

568. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

L’atroce ennui qui s’échappe de sa logique, et sa logique est tout son système, ne servira pas de bouclier à Hegel contre les Heine de l’avenir, qui l’attendent, car comme Kant tué par un Allemand, il ne mourra pas d’une plaisanterie française. […] Universitaire français sous un nom espagnol (descend-il de l’historien Vera ?) […] Il a traduit, avec, une expression française qui est à l’allemand ce que l’opale est à du grès, cette logique, qui n’est plus la logique des autres philosophies et à laquelle Hegel s’est vanté de donner une existence substantielle. […] Certes, nous pourrions continuer longtemps des citations de cette espèce : mais quel lecteur français continuerait de lire un chapitre de cet allemand-là ? […] Diderot, qui était presque un Allemand du dix-neuvième siècle parmi les Français du dix-huitième, écrivait avec le même aplomb qu’Hegel : « On ne sait pas plus ce que les animaux étaient autrefois qu’on ne sait ce qu’ils deviendront. — L’homme est un clavecin, doué de sensibilité et de mémoire… Que ce clavecin animé et sensible soit doué aussi de la faculté de se nourrir et de se reproduire, et il produira de petits clavecins. » Il disait : « Même substance, différemment organisée, la serinette est de bois, l’homme de chair. » Et encore : « Nos organes ne sont que des animaux distincts que la loi de continuité tient dans une identité générale », et il concluait comme s’il l’avait vu : « Quand on a vu la matière inerte passer à l’état sensible, rien ne doit plus étonner ! 

569. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Comment pourrait-on soupçonner qu’en sa qualité de Français il pût être jaloux du gouvernement, de la prospérité, du bonheur ou de la gloire des Vénitiens ? […] Ce n’est point en trempant sa plume dans la couleur vénitienne, c’est avec la seule correction du dessin français et l’espèce de réflexion raisonnable qui s’y mêle, qu’il a exposé cette suite de tableaux. […] Au moment où parut cette Histoire, la nouvelle école française qui s’inspirait de Walter Scott ou de Froissart, et qui avait déjà produit des œuvres en partie originales et en partie spécieuses, était régnante. […] Daru, dans le premier moment, répondant peu et ne paraissant pas entendre : « Comte Daru, lui dit Louis XVIII, puisque vous n’entendez plus Horace, je vais vous le traduire en beaux vers français. » Et avec toute sa coquetterie royale, il se mit à réciter à l’auteur le passage de sa traduction même. […] L’Académie française usa beaucoup de M. 

570. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Ce qu’il dit des qualités et défauts de la nation française, par opposition à l’anglaise, le montre observateur judicieux et impartial. […] Bref, il ne faut pas être Français, ou regretter la perte que la France a faite de son bonheur. […] Car, une fois ces guerres religieuses entamées, ce fut l’honneur de M. de Rohan de ne jamais donner les mains à des traités particuliers et de ne pas sacrifier son parti ; c’est en cela autant que par ses talents de capitaine qu’il se distingue des autres seigneurs tôt ou tard défectionnaires, et qu’il a mérité que cette cause protestante française restât identifiée à son nom. […] Il est de la race des graves, des contrariés et des moroses, dont le brillant même est rembruni et sombre, qui ont eu plus de mérite que d’occasion et de bonheur, estimés quoique souvent battus, et qui tirent tout le parti possible de causes morcelées et rebelles : il est de la famille, en un mot, des Coligny, des Guillaume d’Orange ; moins Français peut-être qu’étranger de physionomie. Au lieu de l’éclair à la française, la Réforme a mis sur son front son cachet pensif et son froncement de sourcil qui annonce moins le guerrier inspiré que le guerrier raisonneur 41.

571. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Le théâtre français, dans sa partie sérieuse, émouvante et pathétique, dans ce qui n’est pas la comédie, a déjà eu une double existence bien distincte et qu’on peut dire accomplie. […] On avait déjà commencé de la lui faire dans les drames farcis : on appelle ainsi de petits drames dans lesquels, par égard pour l’auditoire et le populaire qui n’entendait pas le latin, on consentait, à introduire une part de français. […] On a un exemple de ces petits drames farcis dans le mystère des Vierges sages et des Vierges folles ; elles y parlent en latin avec un refrain en roman ou provençal ; ailleurs, l’entrelardement devait être en français. […] Le premier et le plus ancien exemple qu’on ait d’une production dramatique en français, en dialecte anglo-normand, est celui d’Adam, publié pour la première fois en 1854 par M.  […] Ce drame, dont la composition remonte au xiie  siècle, est au premier rang parmi les très-rares échantillons que l’on possède du drame purement religieux, — ou hiératique comme disent les savants, — en vieille langue française.

572. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Ce sont mes amis intimes de tous les temps, et ce sont les plus honnêtes gens et les meilleurs citoyens ; ce que sont peu de Français. » Il y a cela, je ne l’efface pas. […] Mais le tort des Français, trop souvent, a été de se comporter et de parler devant l’étranger comme s’ils n’étaient point patriotes : on se trompe sur eux, mais on le croit. […] La dauphine obtint par exception de garder Mlle Sylvestre, fille du célèbre peintre français, établi à Dresde. […] Il explique pourquoi il n’aurait pu lui-même être choisi pour cette mission de Dresde à la place du duc de Richelieu : « Il faut que ce soit un Français né sujet du roi. […] Or la société moderne française est loin de là: les sommités officielles d’un état dit égalitaire et démocratique se montrent fort jalouses de ce même titre qui faisait les rebuts de la cour de Louis XV.

573. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Voilà donc le premier Rabelais176, l’ami de Budé, le contemporain intellectuel de Marguerite et de Marot, et qui achève avec eux d’éclairer la première période du xvie  siècle français. […] Mais il fit cet étrange Cymbalum mundi, la première œuvre française qui manifeste, entre les deux théologies également intolérantes, l’existence d’un tiers parti de libres philosophes. […] Et par là Rabelais est en plein dans la pure tradition du génie français, qui jusqu’au milieu du xviie  siècle ne connaît guère la femme et cette vie tout affective dont elle nous semble être essentiellement source et sujet. […] Despériers, très savant en grec et en latin, collabore avec Olivetan pour la Bible française (1535), avec Dolet pour les Commentaires de la langue latine (1536). […] Éditions : Œuvres françaises, Louis Lacour, 1856 ; le Cymbalum, F.

574. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il passa au premier plan par la victoire du bel esprit français et mondain sur l’art antique : il fut naturel alors que le roman, qui avait toujours eu la faveur des gens du monde, devînt un des grands genres. […] Si Gil Blas est devenu une des pièces de ce qu’on peut appeler la littérature universelle, et si Marcos Obregon, et tous les autres romans picaresques, sont restés purement espagnols, c’est par ce que Lesage a mis dans son œuvre de français et d’humain. […] Mais partout où l’on aime à s’arrêter, partout où l’on trouve une fine satire des sottises humaines, de chaudes peintures des mœurs du temps, soyez sûr que les sources de Gil Blas doivent se chercher dans la littérature française, et dans la société française. […] Dans l’exploitation de ses modèles, puisque modèles il y a, Lesage se laisse guider par sa connaissance de la réalité prochaine, de l’homme vu dans le Français. […] Plaçant son action en Espagne, il s’obligeait à tout Imaginer : rien de ce qui était exact n’était « d’après nature », puisque Lesage n’avait pas vu l’Espagne, et ce qui était « d’après nature » ne pouvait être exact, puisque les mœurs françaises ne pouvaient passer dans une action espagnole sans un certain arrangement.

575. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Ce que Prévost-Paradol avait fait pour les moralistes français, M.  […] Très au courant de la science allemande comme de l’érudition française, fortement influencé par Renan, mais s’interdisant d’aborder directement les controverses brûlantes comme de discuter abstraitement les questions philosophiques, M.  […] Il y a bien quelque réaction du sentiment français à l’extrême point de départ de ses travaux sur les origines de la féodalité. […] Mais enfin je ne sais rien de plus pénétrant et de plus fort que les études de Fustel sur les institutions d’Athènes, de Sparte, de Rome, sur la monarchie franque et la transformation de la société gallo-romaine en féodalité française. […] français), 2 vol. in-16.

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