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654. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

  Naguère encore, il ne se mêlait, et pour cause, que fort peu de sympathie, même intellectuelle, aux sentiments que nous inspirait le nouvel Empereur. […] Il y a, pour le moins, deux choses que les bonnes âmes de tous les pays  et aussi, j’en suis sûr, du pays d’Allemagne  trouveraient toutes naturelles et toutes simples, mais dont les politiques, je ne l’ignore pas, déclareraient l’entreprise impossible et absurde, bien que ces fortes têtes n’en apportent d’autres preuves que leurs affirmations et leur chétive expérience. […] Le bon tyran de nos rêves méditerait le désarmement de tous les États de l’Europe ; et comme il serait sincère, comme il serait assez fort pour le proposer et même pour le commencer, on le croirait.

655. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Le serment des Seize dans le souterrain, l’apparition du fantôme de Guise qui vient armer Clément d’un poignard, sont des machines fort épiques, et puisées dans les superstitions mêmes d’un siècle ignorant et malheureux. […] Son Éternel est sans doute un Dieu fort équitable, qui juge avec impartialité le bonze et le derviche, le juif et le mahométan ; mais était-ce bien cela qu’on attendait de sa Muse ? […] Son amour-propre lui fit jouer toute sa vie un rôle pour lequel il n’était point fait, et auquel il était fort supérieur.

656. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

II Adoration… c’est bien fort ; mais ce ne l’est pas trop pour exprimer le sentiment qui circule à travers le nouvel ouvrage de Cladel. Shakespeare a dit quelque part, en parlant d’un fort orage, que « le vent et la pluie se battaient à qui serait le plus puissant » . […] Comme Antée, il faut qu’il ait sous les pieds ce morceau de terre sacrée pour être fort… Malgré son talent herculéen de peintre, Cladel perdrait la moitié de sa palette s’il ne peignait pas son pays, ou si ce pays perdait lui-même ses mœurs, ses saveurs séculaires, sa puissante originalité.

657. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Un autre fait : depuis longtemps on avait remarqué dans l’épopée, telle que nous la possédons, une forte influence cléricale ; je me souviens que, en 1891 déjà, mon maître Henri Morf reprochait un peu à Gaston Paris de n’avoir pas, dans son Manuel, rangé l’épopée dans la littérature religieuse. […] Or, qu’on y prenne garde : le concours de toutes ces circonstances, en contribuant au succès passager, constitue un gros danger pour l’artiste, pour les qualités de l’œuvre. — Puis il y a les conventions ; le théâtre ne saurait vivre sans elles ; mais elles sont fort diverses selon les temps. […] Dramatique sans effort, lyrique délicieusement, polémiste et pamphlétaire, savant et amoureux, il eût fait des chefs-d’œuvre dans le roman psychologique, si sa forte culture classique ne l’eût fait céder tout naturellement à la tradition lettrée qui mettait la tragédie bien au-dessus du roman. […] Moins forte la compression, et plus faible la réaction. […] Les décors étaient d’un artiste, très réussis ; toutefois, ils exigeaient des changements de scènes, et ces entr’actes coupaient la trame légère de l’action d’une façon fort désagréable.

658. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borrelli, Raymond de (1837-1906) »

Entre temps, sous ce joli titre : Rimes d’argent, il a réuni une soixantaine de morceaux fort divers et fort remarquables, où sa « muse », comme on disait jadis, se montre à la fois tendre délicieusement et martiale avec crânerie.

659. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 130-131

Il substitua, aux pointes ridicules de Mairet & des autres Poëtes dramatiques qui l'avoient précédé, des pensées vives & fortes qui naissoient du sujet. […] Ce n'est pas que le péril où je me trouve ne soit fort grand , répondit-il, puisqu'au moment où je vous écris, on sonne pour la vingt & deuxieme personne qui est morte aujourd'hui : ce sera pour moi quand il plaira à Dieu.

660. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIX. Du Jardinage & de l’Agriculture. » pp. 379-380

. ; l’édition de 1756. est fort augmentée. […] On s’est lassé d’écouter tous ces apôtres politiques, qui prêchant sans mission une réforme rigoureuse, se livroient à des déclamations empoulées & avoient presque toujours le défaut impardonnable d’être fort ennuyeux.

661. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

L’imagination s’en accommode fort, si l’équité en murmure un peu. […] messieurs les philosophes, vous avez affaire à forte partie ! […] Il s’échauffa si fort à son monologue, qu’il tomba à la fin en une espèce d’étourdissement. […] Quoique les idées sur l’épopée proprement dite et régulière aient fort mûri dans ces derniers temps, et quoique le résultat le plus net de tant de dissertations et d’études soit apparemment qu’il n’en faut plus faire, on a fort à regretter que Fontanes n’ait pas donné son dernier mot dans ce genre épique virgilien. […] L’Empereur, dans ces libres entretiens, aimait fort à parler littérature, théâtre, et il attaquait volontiers Fontanes sur ces points.

662. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Voilà comment l’habitude et la routine seront presque toujours plus fortes que les meilleures intentions. […] Il était bien amoureux et bien jaloux, il était au plus fort de sa gloire et de sa passion ; — il rencontre un pauvre, il lui donne un louis d’or […] Si pourtant Molière, le poète ami du peuple, n’eût pas tenu si fort à nous montrer dans cet appareil funèbre, la statue absurde et sublime, elle pouvait rester fort paisiblement à cheval sur son tombeau ! […] Aussi peu il est permis de toucher à Tartuffe, aussi fort peut-on toucher à L’Amour médecin. […] Il ne tient ni à la naissance, ni au nom, ni même à l’âge, fort peu même à la beauté ; tout lui convient, pourvu que cela soit vite fait.

663. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Prenons Malherbe dans ses bonnes pièces, dans ses odes historiques et ses stances religieuses : ce sont des œuvres fortes et simples, où il y a, en vertu même des sujets, plus de conviction que de passion, plus de raisonnement que d’effusion ; le mouvement, la chaleur viennent surtout de l’intelligence. Cela est sobre, juste, fort, exactement proportionne et solidement équilibré : en un mot, cela est complet. […] « La raison qu’il disait pourquoi il fallait plutôt rimer des mots éloignés que ceux qui avaient de la convenance, est que l’on trouvait de plus beaux vers en les rapprochant qu’en rimant ceux qui avaient presque une même signification ; et s’étudiait fort à chercher des rimes rares et stériles, sur la créance qu’il avait qu’elles lui faisaient produire quelques nouvelles pensées, outre qu’il disait que cela sentait son grand poète de tenter les rimes difficiles qui n’avaient point été rimées265. » Pour peu qu’on soit familier avec la poésie romantique, on ne peut avoir de doute sur la valeur et la portée de ces idées. […] Le sens profond de ses boutades et de ses maussades jugements, c’est que l’intention a besoin du métier pour s’exprimer ; c’est aussi que la perfection consiste à condenser : le moyen d’être fort, c’est d’être sobre.

664. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Ses deux fils, Alexandre et Rufus 1162, y étaient fort connus. […] Les crucifiés de forte complexion ne mouraient que de faim 1189. […] Quelques moments avant de rendre l’âme, il avait encore la voix forte 1190. […] Deux considérations historiques, dont l’une est assez forte, peuvent d’ailleurs être invoquées en faveur de la tradition.

665. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

Taine a apporté dans la critique un esprit autrement clair et fort : il cherche le rapport de l’auteur avec son œuvre, et le rapport des auteurs avec l’ensemble social dont ils font partie. […] Quelques pages de biographie à la Sainte-Beuve, pour celle-là même, seraient d’un fort bon secours. […] Toute œuvre, du reste, et c’est le cas pour la peinture, ne manifeste guère ces caractères intellectuels : le raisonnement juste ou fautif, le jugement sain ou faux, la faculté forte ou faible de généralisation, etc. […] Il importe de savoir comment un peintre travaille, pour juger si l’attention chez lui est forte ou faible, etc.

666. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Ni Augustin Thierry ni Guizot eux-mêmes, les œdipes officiels de ce temps qu’ils n’ont pas deviné toujours et qu’ils ont calomnié quelquefois ; ni Augustin Thierry ni Guizot n’ont été assez forts pour se soustraire à ces préjugés du siècle dernier qui offusquent tout, quand il s’agit du Moyen Âge, Il est vrai que, pour Guizot, le moment n’est peut-être pas fort éloigné où l’Histoire de la Civilisation rencontrera quelque contradicteur terrible ; quant à Augustin Thierry et à ses travaux, il s’est lui-même, avant de mourir, passé par les armes. […] Grandement compris, excusé en ce qu’il a de vrai, saisi sur le vif de la nature humaine elle-même, le point d’honneur, cette opinion plus forte que les institutions au Moyen Âge, aurait mis sa lumière au sein des faits incohérents. […] dressa la chevalerie à la guerre chrétienne, acheva par les cathédrales le mouvement commencé par les châteaux forts, et enfin mit ses cent bras de Briarée partout, jusque dans les décisions de l’Église, qui établirent la Trêve de Dieu, mais qui l’établirent… avec des lances !

667. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Belle pourtant encore en beaucoup de parties, mais quelquefois incorrecte, cette langue est forte, large et acérée comme l’épée romaine. […] Il est peut-être, dans sa simplicité forte, plus moralement qu’intellectuellement beau, mais il est beau encore, et je conçois que M.  […] plus fort qu’elle, comme l’instinct est plus fort que la réflexion.

668. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Cette vie fort douloureuse et fort triste, qu’il fut toujours disposé à donner pour rien et qu’il a donnée pour moins que rien, car ce fut pour une question qui ne le regardait pas, toute cette vie fut éternellement dominée par deux impossibilités qui la rendirent intolérable. […] En sa qualité d’homme du fait, il est fort maladroit à dégager cette loi qu’il ne voit pas, et d’ailleurs il s’en soucie peu, quoiqu’il en parle comme un doctrinaire ; car, ne nous y trompons pas ! […] C’était même un journaliste moins fort que bien d’autres dont les œuvres moins sérieuses vivront plus longtemps que les siennes.

669. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Mettons pour Hegel, qui est le plus fort de tous ces Allemands, mettons quelque chose comme quatre-vingts à cent ans d’influence malsaine sur le monde, quelque chose comme la beauté de Ninon qui, vieille, fit des conquêtes, jusqu’à l’épée dans le ventre, car on se tua pour ses beaux vieux yeux chargés de tant d’iniquités. […] Vera est tellement hégélien, qu’il pourrait bien rester tel par une de ces destinées qui tiennent à l’ordre hiérarchique des esprits dont les plus forts, dans un ordre d’idées, sont les plus fidèles ; mais s’il reste hégélien, nous lui devrons toujours Hegel, cet Hegel auquel il devra, lui, sa philosophie. […] Je n’ai jamais vu d’esprit si fort et moins indépendant. […] Il est évident qu’Hegel est l’homme le plus éminent de la philosophie, dans la nation la plus forte en philosophie qu’il y ait présentement dans le monde, et si c’est là une mesure très rassurante pour ceux qui tiennent la philosophie pour le peu qu’elle est, c’est une chose troublante et très entraînante pour ceux-là qui l’aiment et qui l’exagèrent parce qu’ils l’aiment.

670. (1899) Arabesques pp. 1-223

Je rêve l’homme plus beau, plus fort et plus libre. […] Elle est fort instructive — et je m’en applique la morale. […] Des fresques du Primatice fort louables. […] C’est trop fort ! […] Voilà qui semble fort équitable.

671. (1932) Les idées politiques de la France

Le parti radical se trouva fort dépourvu quand la séparation fut venue. […] Ils ont passé du suffixe fort au suffixe faible. […] À plus forte raison, y a-t-il une mystique socialiste. […] La France radicale sera pacifique, mais forte, — forte, mais pacifique. […] risque fort d’en amoindrir le prestige.

672. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Le premier supérieur de cette communauté, Saint-Cyran, théologien subtil et écrivain distingué, s’était fait mettre à la Bastille pour quelques doctrines sur la grâce, qui sentaient fort la prédestination de Calvin. […] On le lit fort peu, et ceux qui le lisent le lisent tard, par curiosité ou nécessité d’étude plutôt que par goût. […] Et quand la nature et la mauvaise habitude ont été les plus fortes, ne lui dois-je pas d’avoir senti ces regrets qui sont le commencement de la réforme ? […] Des vérités familières, de simples remarques sur les caractères et sur les mœurs, quelle qu’en soit d’ailleurs la justesse, risquent fort de ne pas piquer notre attention. […] Dès 1660, l’Académie française, par ses travaux sur la langue, Port-Royal, par son enseignement, avaient fort avancé la double tâche de fixer la langue et de faire l’éducation du public.

673. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

L’impression que me fit Athènes est de beaucoup la plus forte que j’aie jamais ressentie. […] Le paganisme se dégageait derrière la couche chrétienne, souvent fort transparente. […] J’en ai vu qui, au début de leur engagement, avaient entre les mains des sommes assez fortes. […] Ma bonne maman, comme je l’appelais, était un fort aimable modèle de la bourgeoisie d’autrefois. […] Le faucon est la part infiniment plus forte d’égoïsme et de grossièreté qui constitue le train du monde.

674. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Souvent fort par les tours ; il est ordinairement foible par les choses.” […] ne l’entendoit jamais sans être sensiblement frappé des vérités fortes & pathétiques qu’il lui annonçoit. […] Port majestueux, son de voix agréable, geste naturel & réglé, il joignit à ces beaux dehors une éloquence forte & vive. […] Gautier, leur contemporain, avoit la déclamation forte, beaucoup de feu, une imagination aussi brillante que féconde, une action qui entraînoit après elle le suffrage de ses juges & l’esprit de ses auditeurs. […] L’Académie françoise & plusieurs autres Sociétés littéraires ont donné un choix des discours qu’elles ont couronnés ; le détail en seroit trop long ; ces sortes de livres sont d’ailleurs fort communs.

675. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Un livre récent (fort exact, très complet), de M.  […] Et c’est à cause de cette médiocrité qu’il plut si fort à son nouveau biographe. […] Chailley-Bert est d’ailleurs un sociologue fort lettré. […] Pékin fut jadis une fort belle ville. […] Car nous avons le bonheur ou (si l’on veut) le malheur d’appartenir au sexe qui se croit le plus fort.

676. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Tout à coup, il s’anima ; sa voix devint mordante et forte. […] C’est une parabole fort ancienne que M.  […] On y sent un idéal de forte vie. […] Le sentiment religieux était très fort en lui. […] Pourtant son action sur l’Église fut forte et durable.

677. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

La couleur locale le tentait fort : il s’y essayait à demi. […] « Sans parler ici, dit le jeune auteur, de la compilation fort inégale de M.  […] Tout cela n’était pas fort inquiétant. […] Ces dix années, de 45 à 55, ont été fort mêlées et entrecoupées ; mais les précédentes, de 33 à 45, avaient été entières. […] Guessard est purement sur la défensive et fort sceptique : je crois qu’il serait prouvé aujourd’hui qu’il l’était trop.

678. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il n’y en a pas de plus fort, ni de plus borné, ni de plus malheureux ; car il n’y en pas de plus destructeur. […] Voilà nos deux partis, fort anciens, comme chacun sait, fort peu graves, comme chacun voit. […] —  Mais voici la plus forte des raisons ; celle-là est tout à fait invincible. […] Ses passions, comme son esprit, sont trop fortes. […] Comme une brosse trop forte, la bouffonnerie a emporté l’étoffe avec la tache.

679. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Un homme de large et vive conception, montrant un jour à quelqu’un sa bibliothèque, qu’il avait fort belle, arrivé devant les écrivains ecclésiastiques du règne de Louis XIV, s’écria : « Fleury à côté de Bossuet ; et pourtant quelle distance ! […] On les voudrait taire, mais puisque Le Dieu nous les a transmis, nous ne pouvons plus les ignorer : Le samedi au soir (23 janvier 1700, Bossuet étant à Versailles), il fut fort parlé de Télémaque. […] Bossuet avait en lui, dans sa mâle et ferme parole et jusque dans ses fortes tendresses, quelque chose qui devait lui faire goûter médiocrement, en effet, cette qualité traînante, agréable et un peu amollie qui plaît tant à d’autres chez Fénelon, chez Massillon, et qu’aura plus tard aussi Bernardin de Saint-Pierre. […] Quant à ce qui est dit, en un autre endroit du journal, de plus fort et de plus dur encore contre Fénelon, que Bossuet « tranche avoir été toute sa vie un parfait hypocrite », ce sont de ces paroles regrettables qui peuvent échapper dans le laisser-aller d’un tête-à-tête familier, et que celui même qui les a prononcées ne reconnaîtrait pas s’il les voyait produites au grand jour : faiblesses et traces de l’humanité, qu’il est fâcheux que Le Dieu ait recueillies et qu’il ait comme trahies en les révélant. […] Ce discours était très tendre et très édifiant, nous dit Le Dieu, et M. de Meaux l’a prononcé avec toutes ses grâces, et aussi avec une voix nette, forte, sans tousser ni cracher d’un bout à l’autre du sermon : en sorte qu’on l’a très aisément entendu jusqu’aux portes de l’église, chacun se réjouissant de lui voir reprendre sa première vigueur.

680. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

C’est un petit livre fort imprévu que celui que vient de lancer, sous ce simple titre, notre ami et collaborateur M.  […] Après la première déclaration d’Adolphe à Ellénore, celle-ci a refusé de le recevoir dans l’absence du comte de P…, et, pour être plus forte contre elle-même, elle est partie brusquement pour la campagne. […] Une de ses amies, frappée de son silence et de son abattement, lui demanda si elle était malade. — Je n’ai pas été bien dans ces derniers temps, répondit-elle, et même à présent je suis fort ébranlée. — J’aspirais à produire dans l’esprit d’Ellénore une impression agréable ; je voulais, en me montrant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à l’entrevue qu’elle m’avait accordée. […] Suit un portrait en pied, ou du moins en buste, où le rival est peint dans sa majesté virile et sa forte placidité, avec tous les avantages qui peuvent inquiéter et humilier un être susceptible et faible, et encore plus nerveux que tendre : Lorsque le dîner fut fini et que les convives eurent été s’asseoir dans le grand salon autour des tables de whist, lentement je me rapprochai de Fanny qui se chauffait les pieds devant le feu. […] Ils ajoutent qu’à mesure qu’on avance dans la lecture, sans pouvoir s’en détacher, on subit la sensation d’une sécheresse brûlante, et qu’on garde, en fermant le livre, une impression trop forte, trop fiévreuse, une impression d’écrasement.

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