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319. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Avant que la légende se formât, il était enfin temps, grand temps même, que l’on essayât de fixer la vérité de l’histoire. […] Biré a formé les deux volumes les plus amusants… si l’on n’éprouvait toujours quelque tristesse de ne pouvoir estimer ni aimer un grand poète autant qu’on l’admire. […] Nous ne formons pas dans la nature un empire dans un empire et il n’y a pas de « règne humain ». […] Des races, encore aujourd’hui, se forment sous nos yeux, prennent conscience d’elles-mêmes comme races, se posent et s’opposent à d’autres comme telles. […] Comment s’est formée la race française ?

320. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

C’est ainsi que l’étude des statues antiques a longtemps exercé les meilleurs artistes, et que se sont formées les belles écoles des Michel-Ange et des Raphaël. […] Notre goût tient d’eux ce qu’il lui faut pour s’exercer, et s’est formé par leurs excellentes leçons. […] On y aperçoit déjà les éléments dont il est formé. […] L’art ne se manifeste pas en réussissant au hasard, mais en exécutant la volonté marquée dans le plan qu’il se forma. […] Pour former notre muse tragique, envoyez-la par monts et par vaux courir les théâtres d’Espagne !

321. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Mais notre moyen âge, avec sa grossièreté bourgeoise, ses serfs, ses corporations de métiers, ses hommes d’armes et son commun peuple, ses savants et ses tribunaux qui parlaient latin, n’est pas fait non plus pour rendre le langage simple mais poétique, les tournures élégantes et pittoresques d’un historien formé par Homère, et qui forma Thucydide. […] Ni la poésie ni l’éloquence n’étaient encore formées chez les Romains, et il suffisait à Cicéron d’être le plus grand orateur de Rome. […] On parlait aussi d’un rassemblement formé par un esclave du malheureux Agrippa ; et l’on pouvait craindre des complots parmi les grands de l’empire. […] Alors sous le règne de Néron se forma une éloquence, une poésie analogue, pour ainsi dire, aux frénésies du pouvoir absolu. […] Beauté, naissance, richesse, esprit, que chacune de ces choses, ou que toutes ensemble, et plus encore, forment ton attribut et soient couronnées en toi !

322. (1902) Le critique mort jeune

Il a fait choix de quelques-unes qui lui paraissent justes et qui, un peu coordonnées, formeraient un véritable système. […] Et c’est ainsi que s’est formé le singulier mélange de ses idées politiques. […] Le mélange formait un poison d’une violence extraordinaire. […] L’Union Tolstoï formera sans doute de dangereux fanatiques. […] Le roman surtout formait à ces recherches une riche matière.

323. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

A la fin du dixieme siecle le françois se forma. […] Quand il y a peu de société, l’esprit est retréci, sa pointe s’émousse, il n’a pas dequoi se former le goût. […] La matiere dont étoient formés les chérubins du saint des saints, auroit pû servir également aux fonctions les plus viles. […] Colitur pro Jove forma Jovis. […] Forma Dei montes habitare ac numina gaudet.

324. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Les poètes formés par la poétique nouvelle s’appelèrent cultos, ou, comme nous dirions en français, puristes. […] » Radieux me plaît fort : un œil plein de lumière, Et qui fait sur nos cœurs l’impression première D’où se forment enfin les tendresse d’amour. […] Ils portent la marque des trois dispositions d’esprit qui forment comme autant d’époques dans sa vie. […] Formé, malgré lui, par la discipline de Malherbe, il se range à des règles qu’il n’approuve pas, et il traite un genre sans le porter à sa perfection. […] Aussi est-il d’une injustice puérile de juger Boileau sur ce qu’il n’a pas voulu dire, et de lui opposer une sorte d’idéal formé de traits empruntés à tous les grands poètes de toutes les nations.

325. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Les divers morceaux de l’histoire Byzantine ne forment pas un tout complet, & les auteurs en sont ou flatteurs ou passionnés. […] Ils sont propres d’ailleurs à former de bons militaires. […] C’est en Allemagne que s’est formée cette religion qui a ôté tant d’Etats à l’Eglise Romaine. […] Il se forma pour le style sur Ciceron. […] Ces histoires particuliéres partagent presque également les deux gros vol. qu’elles forment.

326. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« Sa législation paraît, au reste, n’avoir en vue qu’un État peu étendu, puisque tous les artisans doivent y être la propriété de l’État, sans y former une classe accessoire de citoyens. […] Regardera-t-on si, toute faible qu’elle est, elle peut suffire cependant à gouverner l’État, ou même à former par elle seule une cité complète ? […] « Si dans l’État un individu, ou même plusieurs individus, trop peu nombreux toutefois pour former entre eux seuls une cité entière, ont une telle supériorité de mérite que le mérite de tous les autres citoyens ne puisse entrer en balance, et que l’influence politique de cet individu unique, ou de ces individus, soit incomparablement plus forte, de tels hommes ne peuvent être compris dans la cité. […] « Il est évident que l’association politique est surtout la meilleure quand elle est formée par des citoyens de fortune moyenne ; les États bien administrés sont ceux où la classe moyenne est plus nombreuse et plus puissante que les deux autres réunies, ou du moins que chacune d’elles séparément. […] Tous ces éléments sont bons pour former le gouvernement que ces hommes-là dirigent.

327. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Il semble même que dans la crainte de ne pouvoir former trois volumes in-4°. il n’a pas craint d’être diffus & de se répéter. […] Plaute formé sur Aristophane, donna dans les bouffonneries, les turlupinades, les jeux de mots de ce Poëte Comique. […] Si Catulle corrompt les mœurs, les sentences de Publius Syrus peuvent les former. […] C’est en le lisant sans cesse qu’on peut se former un goût parfait & se préserver de la contagion du faux esprit qui regne dans tant d’écrits modernes. […] Le Cardinal de Polignac forma dès-lors le dessein de les réfuter.

328. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Quant à la grande discussion sur les rapports du contenu et de la forme : « Il fatto estetico è forma, e niente altro che forma 38. » Une conséquence logique de l’identité entre intuition et expression, c’est l’indivisibilité de l’œuvre d’art. […] La forma logica o scientifica, in quanto tale, esclude la forma estetica. Chi si fa a pensare scientificamente, ha già cessato di contemplare esteticamente ; benché il suo pensamento prenda di necessità, a sua volta, come si è detto e sarebbe superfluo ripetere, una forma estetica. […] « — Qual’ è la forma estetica della vita domestica, della cavalleria, dell’ idillio, della crudeltà, e cosi via ? […] La forma non si può esprimere, perchè è gia essa stessa espressione.

329. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Une destinée sur la terre, qui commence à sa naissance et qui finit à sa dernière respiration, à sa petite place sur ce petit atome en mouvement qu’on appelle le globe, destinée toute correspondante à cette matière dont nos sens, empruntés pour quelques jours à la terre, sont formés. […] On parlait latin, cette, normand, italien, espagnol, arabe, allemand, breton, provençal, languedocien ; de toutes ces langues mal comprises et mal fondues se formait un patois semi-barbare, qui ne pouvait servir encore de forme logique et de véhicule à une pensée littéraire. […] Aussi (et remarquez bien ici un fait qui nous explique le peu d’originalité dont on accuse très justement la littérature française), quand il fallut choisir définitivement sa langue, au moment où, sous les Valois, la nation fut assez formée et assez policée pour avoir une littérature, que fit-elle ? […] Tant de nuances concourent à former cette atmosphère qu’il est impossible à l’homme qui la sent de la décomposer ; il aime ou il n’aime pas, voilà toute son analyse ; le jugement n’est qu’une impression aussi rapide qu’un instinct, et aussi infaillible en nous que l’impression que nous ressentons en plongeant la main dans une eau brûlante, tiède ou froide. […] Cet homme, disions-nous, était formé pour le sacerdoce, pour le pontificat, pour l’autel, pour le parvis, pour la chaire, pour la robe traînante, pour la tiare.

330. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Mais avant d’être des nations nous n’avons tous formé qu’une même Europe, homogène, indivise, inarticulée, si l’on peut ainsi dire, — l’Europe féodale, l’Europe des croisades ; — et c’est pourquoi le premier caractère de la littérature française du Moyen Âge, c’est son caractère d’uniformité. […] L’épopée ne cesse pas d’exister ; et les Chansons qui forment le « cycle de la Croisade », sont un témoignage assuré de la longue survivance du genre. […] C’est ainsi que dans cette Europe naguère encore étroitement unie, les nationalités se forment, par agglomération du semblable au semblable, par une espèce de groupement autour de quelques idées ou de quelques sentiments que l’hérédité transformera plus tard en caractères de race. […] Les Enfances Guillaume], qui ont pour objet est de donner aux héros une origine et des débuts dont les merveilles s’accordent avec la grandeur de leurs exploits. — Comparaison des poèmes de ce genre avec les poèmes cycliques de la poésie grecque ; — et avec les « généalogies » sémitiques. — Que nos dernières Chansons de geste sont déjà, dans le vrai sens du mot, des épopées littéraires ; — non moins artificielles qu’en d’autres temps une Henriade ou une Pétréide ; — mais que l’inspiration vraiment sincère se retrouve, en même temps que la cause reparaît, dans les chansons qui forment le Cycle de la Croisade [Ex. la Chanson du Chevalier au Cygne]. […] D. — Si les uns ou les autres ont ajouté quelque chose à leurs modèles provençaux, — et qu’il semble qu’ils aient pris l’amour plus au sérieux. — Mais peut-être cela ne tient-il qu’au caractère de la langue ; — moins formée, et par conséquent d’apparence plus naïve que la langue d’oc. — Ils ont toutefois exprimé quelques sentiments qu’on n’avait pas exprimés avant eux ; — et, sous le rapport de la forme, quelques-unes de ces Chansons courtoises sont peut-être ce que la littérature du Moyen Âge nous a laissé de plus achevé.

331. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Situé entre la colline et le fleuve, il était enveloppé d’un côté par des roches que les pluies avaient mises à nu et qu’aucune végétation ne recouvrait, de l’autre par le marécage que formaient les inondations du Mincio, et où le jonc tenait la place de l’herbe. […] Les mêmes effets doivent se reproduire sur toute la côte italienne ; et Virgile, composant les Géorgiques à Naples, voyait certainement se former dans le golfe les tempêtes qui venaient fondre sur les campagnes voisines. » Il est deux façons de commentateurs : ceux qui se resserrent, qui écrivent sur une marge étroite et y font tenir le plus de choses dans le moins de mots. […] Le roi envoya son oncle, le duc de Cumberland, offrir à Pitt, qui était à la campagne (17 juin 1705), carte blanche pour former une administration. Pitt n’avait pas de parti, pas d’amis politiques ; mais il était si populaire, on avait une si grande idée de son génie, il exerçait un tel ascendant dans la Chambre des communes, qu’il aurait pu former un ministère, en faisant, comme avait fait George Grenville, une scission dans le parti whig, un tiers-parti comme nous dirions.

332. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Pour le bien connaître, voyons-le se former. — Il s’établit en même temps que la monarchie régulière et la conversation polie, et il les accompagne non par accident, mais par nature. Car il est justement l’œuvre de ce public nouveau que forment alors le nouveau régime et les nouvelles mœurs : je veux dire de l’aristocratie désœuvrée par la monarchie envahissante, des gens bien nés, bien élevés, qui, écartés de l’action, se rejettent vers la conversation et occupent leur loisir à goûter tous les plaisirs sérieux ou délicats de l’esprit348. […] De là le moule classique : il est formé par l’habitude de parler, d’écrire et de penser en vue d’un auditoire de salon. […] L’instrument à peine formé manifeste déjà ses aptitudes ; on sent qu’il est fait pour expliquer, démontrer, persuader et vulgariser ; un siècle plus tard, Condillac aura raison de dire qu’il est par lui-même un procédé systématique de décomposition et de recomposition, une méthode scientifique analogue à l’arithmétique et à l’algèbre.

333. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Ils forment comme une sorte d’illustration populaire où toute la suite de l’histoire religieuse est figurée et découpée en scènes. […] C’était chose longue et coûteuse que la préparation d’un mystère : tantôt le clergé, tantôt un prince, tantôt la ville, et tantôt des confréries ou des corporations en faisaient les frais ; il se formait des associations temporaires, à seule fin de jouer un mystère, comme celle qui entreprit à Valenciennes de jouer la Passion en 1547 ; les frais étaient communs et l’on partageait les bénéfices. […] La Basoche était la corporation des clercs de procureurs au parlement de Paris : les clercs de procureurs au Châtelet en formaient une autre, soumise à la première ; les clercs de procureurs à la Cour des Comptes nommaient leur association l’Empire de Galilée. […] Toutes les œuvres conservées, si diverses qu’elles soient d’origine et de date, forment un ensemble homogène.

334. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

A Orléans, il apprit le grec sous Wolmar, luthérien, qui forma des espérances sur ce qu’il appelait la courbure 64 de l’esprit de Calvin. […] Un complot se forma pour assembler le conseil général de Genève, à l’insu des syndics amis de Calvin, et des conseils inférieurs, où abondaient les émigrés. […] Ainsi se forma le corps de la doctrine calviniste, le Livre-Somme, qui, de 1536 jusqu’à la fin du xviie siècle, fut dans toutes les mains savantes, et qui, au xvie  siècle, fut comme le formulaire de toute l’Europe théologique. […] Par une autre conformité non moins marquée avec cet esprit, tandis que Rabelais se modelait sur les Grecs, Calvin se formait sur la langue latine, et en naturalisait parmi nous bon nombre de tours et d’expressions qui y sont demeurés.

335. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

On se raille de ceux qui s’enquièrent encore de la réalité des choses, et qui, pour se former une opinion sur la morale, la religion, les questions sociales et philosophiques, ont la bonhomie de réfléchir sur les raisons objectives, au lieu de s’adresser au critérium plus facile des intérêts et du bon ton 191. […] On peut regretter le temps où le grand homme se formait sans y penser et sans se regarder lui-même ; mais les déportements ridicules de quelques faibles têtes ne sauraient faire condamner la volonté réfléchie et délibérée de viser à quelque chose de grand et de beau. […] La méthode de ces sciences est ainsi devenue le critérium de certitude pratique des modernes ; cela leur paraît certain et scientifique, qui est acquis d’une manière analogue aux résultats des sciences physiques, et si les sciences morales leur paraissent fournir des résultats moins positifs, c’est qu’elles ne répondent pas à ce modèle de certitude scientifique qu’ils se sont formé. […] Ceci explique comment la science formait une partie essentielle du système intellectuel de Goethe.

336. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Son père, jusque dans ses plus grandes rigueurs, ne pouvait s’empêcher de le reconnaître : « Il y a bien du physique dans ses écarts. » Que ne pouvait-on pas attendre, en fait de fougue et d’exubérance, de celui qui, en venant au monde, avait dans la bouche deux dents molaires déjà formées ; qui, sortant de Vincennes après quarante-deux mois de réclusion, à l’âge de plus de trente ans, se trouvait non seulement grossi, mais grandi au physique, et dont la chevelure immense était douée d’une telle vitalité, que vers la fin, dans ses maladies, le médecin, avant de lui tâter le pouls, demandait en entrant au valet de chambre comment était ce jour-là la chevelure de son maître, si elle se tenait et frisait d’elle-même, ou si elle était molle et rabattue ? […] On a une brochure, alors imprimée, de lui, où il raconte par le menu et où il décrit les pompes et solennités touchantes dont la ville de Pontarlier fut le théâtre en cette occasion, et le repas donné aux notables du lieu par M. de Saint-Mauris, et les courses, de bague, vieil usage légué par les Espagnols, et les soixante bourgeois qui s’étaient formés en un corps de dragons volontaires, et les devises et les illuminations, enfin tout un bulletin naïf et sentimental. […] Son plan, à lui, est déjà tout formé dans sa tête ; il l’exécutera. […] Ce donjon de Vincennes fut le dur cabinet d’études où il acheva de se former.

337. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Boeck l’a essayé de nos jours ; mais aussi, on doit l’avouer, ils ne les entendaient pas avec la même sagacité, la même précision de sens hellénistique ; ils savaient le grec plus bonnement, plus naïvement : leur science n’avait pas autant pénétré dans la société grecque et n’en connaissait pas aussi bien tous les usages et toutes les formés ; et, d’autre part, leur goût s’alarmait de ces formes étrangères. […] Vers le même temps cependant, une main plus habile, formée du moins à l’école de la tradition classique, dont elle recueillait les nobles artifices, s’essaya sur le génie qu’Horace avait nommé jadis inimitable. […] Plus d’une cause explique cette conformité singulière ; mais la première est dans ce fonds religieux et lyrique qui formait l’imagination du grand orateur et qu’avait nourri son ardente étude des livres saints, sa fréquentation solitaire du Liban et du Carmel. […] Car ce poëte, ce musicien, est un sage, un disciple immédiat de l’école philosophique la plus pure avant Socrate et Platon, de cette école pythagoricienne qui, mêlant l’ardeur ascétique à la science, inspira les premiers martyrs de la vérité morale et forma plus tard le héros le plus honnête homme de l’antiquité, Épaminondas, élève du chanteur Olympiodore et du philosophe Lysis, en même temps que le plus agile coureur de la lice thébaine8, Épaminondas, grand homme, sans les vices trop fréquents des héros antiques et les défauts ordinaires des hommes.

338. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Enfin l’abbé Prévost (c’est tout simple) proposait un plan agréable, expéditif et un peu mondain, et il n’entrait pas dans celui de dom Rivet, dont l’originalité était dans le complet même : Ce sont, disait encore dom Rivet insistant sur ce plan qu’il voulait fertiliser à force de patience et animer d’une certaine vie suffisante aux esprits solides, ce sont les monuments connus de la littérature gauloise et française, recherchés avec soin, réunis avec méthode, rangés dans leur ordre naturel, éclaircis avec une juste étendue, accompagnés des liaisons convenables, dont nous formons l’Histoire littéraire de la France. On y aura un tableau vivant et animé, non des faits d’une nation policée, puissante, belliqueuse, qui se borne à former des politiques, des héros, des conquérants, mais des actions d’un peuple savant, qui tendent à former des sages, des doctes, de bons citoyens, de fidèles sujets.

339. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Devant la maison natale était suspendu une sorte de dôme, également formé de guirlandes naturelles et qui produisait un effet charmant ; enfin, on y avait déjà disposé les mâts vénitiens et les lanternes de papier de couleurs vives et variées pour l’illumination du soir. […] Vincent, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres) et enfant d’Hesdin, formaient le groupe d’honneur. […] » Combien de fois ne forma-t-il point là-dessus, d’avance, un système de vie paisible et solitaire : J’y faisais entrer une maison écartée, avec un petit bois et un ruisseau d’eau pure au bout du jardin ; une bibliothèque composée de livres choisis, un petit nombre d’amis vertueux et de bon sens, une table propre, mais frugale et modérée.

340. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Boileau a pu dire de lui « que Saint-Amant s’était formé du mauvais de Regnier, comme Benserade du mauvais de Voiture : — Opinion fausse qu’il serait inutile de discuter », ajoute M.  […] Dans ses nombreuses stances, l’intention me semble valoir beaucoup mieux que le résultat ; voici, au reste, un des meilleurs endroits où il rappelle, en se l’appliquant, une parole du saint livre : Profaner le talent, c’est pis que l’enfouir :   Ces hautes paroles m’étonnent, J’en dois être en mon cœur bien plus touché que toi ;   J’en blêmis, j’en tremble d’effroi, Et jusque dans mon âme à toute heure elles tonnent ; Ma plume en est confuse, et tous ses jeunes traits N’en forment à mes yeux que d’horribles portraits. […] Pour moi, qui me réserve de faire un choix sévère dans cette masse de poésies, ma simple conclusion sera : relisons ces livres du passé, connaissons-les bien pour éviter les jugements tout faits et nous former le nôtre, pour nous faire une juste idée avant tout des mœurs et des modes d’esprit aux diverses époques ; soyons comme les naturalistes, faisons des collections ; ayons-les aussi variées et aussi complètes qu’il se peut, mais ne renonçons point pour cela au jugement définitif ni au goût, cette délicatesse vive : c’est assez que nous l’empêchions d’être trop impatiente et trop vite dégoûtée, ne l’abolissons pas.

341. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Molé) s’entendent autour du roi, pour former un Cabinet qui change plusieurs fois de président, mais qui, tant qu’il dure, laisse au parti du juste-milieu toute son étendue et sa force. […] Molé, entouré de ministres secondaires, forme son Cabinet du 11 avril 1837, ministère d’amnistie et de conciliation, mais que ses adversaires appellent de concession, et contre lequel tous les princes de la parole, tous les grands amours-propres qui n’en sont pas, se coalisent pour le renverser, sans réussir le lendemain de leur victoire à en former un pour leur compte. […] Dès à présent, et comme on n’a pas tout à fait oublié d’ailleurs ce qui s’est passé ensuite, on est en mesure, ce me semble, de répondre à la première question que je me suis posée : Quelle idée peut-on se former, d’après cette seule lecture, du régime politique que l’ouvrage est destiné à justifier ou même à glorifier ?

342. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Sans entrer ici (ce qui me conviendrait moins qu’à personne) dans aucune des questions controversées entre les savants et les théologiens des diverses communions et en me gardant pour vingt raisons excellentes d’aller m’y heurter, il est bien clair à mes yeux, comme aux yeux de tout le monde, que puisqu’il y a quatre Évangiles canoniques et non pas un seul, il y a des différences, au moins apparentes, entre ces Évangiles également reçus, et il a été de tout temps réputé utile de s’en rendre compte pour se former une idée plus exacte, plus suivie et mieux ordonnée, de la vie et de la prédication de Jésus. […] Sa taille est grande et bien formée, son air est doux et vénérable, ses cheveux sont d’une couleur qu’on ne saurait guère comparer : ils tombent par boucles jusqu’au-dessous des oreilles, d’où ils se répandent sur ses épaules avec beaucoup de grâce, et sont partagés sur le sommet de la tête à la manière des Nazaréens. Il a le front uni et large, et ses joues ne sont marquées que d’une aimable rougeur : son nez et sa bouche sont formés avec une admirable symétrie.

343. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

César à Rome, Louis XIV chez nous97, ont échappé à cette légende épique qui tend à se former, comme un nuage, autour du front des grands dominateurs ou conquérants, pour les hausser encore. […] On saisit très-bien, dans ces faits qu’on pourrait aisément rendre plus nombreux, des indications et comme des vestiges de ce qui se serait formé en d’autres temps, où le Moniteur, les mémoires, l’histoire, n’auraient pas été là pour rogner les ailes chaque matin à la légende populaire. […] Hugo ; mais dans son poëme, au milieu de nombreux hasards et de quelque inexpérience, il a mainte fois monté avec bonheur le char ailé qui se formait de lui-même sous lui.

344. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

En effet, c’est seulement pour la commodité de l’étude que nous séparons nos événements les uns des autres ; ils forment effectivement une trame continue où notre regard délimite des tranches arbitraires166. […] « Chez les annelés, chaque ganglion correspond à un segment du corps formé souvent de plusieurs anneaux, comme par exemple chez les sangsues, dont toutes les parties se répètent de cinq en cinq anneaux. […] Il en est ainsi du Polyophthalme, chez lequel chaque segment est muni de deux yeux rudimentaires qui reçoivent chacun du ganglion correspondant un filet nerveux, véritable nerf optique. » Chacun de ces segments est un animal, complet, et l’animal total est formé « de plusieurs animaux élémentaires placés à la suite les uns des autres ».

345. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

C’était un disciple de Ronsard que ce capitaine huguenot qui, dans les loisirs forcés d’une blessure lente à guérir214, mettait au service de ses irréconciliables haines une science des vers formée par les exemples de la Pléiade et par la pratique de la poésie mignarde et galante. […] Entre les deux partis extrêmes, un parti de modérés, amis de la paix, de l’ordre et de l’union, sa forma et peu à peu éleva la voix. […] Le corps de la satire est formé par la copieuse et bouffonne description des Etats de la Ligue.

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