Il y a dans les langues une beauté visible que l’on diminue en introduisant dans la cité verbale des figures étrangères, des voix dissonantes. […] Niveau est, tout aussi bien que l’italien livello, la figure exacte du latin libella ; il a été nivel, et, comme tel, a donné niveler ; mais sa forme niveau l’aurait donné tout aussi bien, comme taureau a suggéré récemment taurelle.
Dupe, ou, pour dire un mot moins dur, victime du génie de Cooper, Ferry a cru qu’on pouvait reprendre la création achevée d’un immense artiste, et il ne s’est pas aperçu que dans Fenimore Cooper le véritable personnage, le vrai héros des poèmes que nous avons sous les yeux, c’est l’Amérique elle-même, la mer, la plaine, le ciel, la terre, la poussière enfin de ce pays qui n’a pas fait son peuple et qui est émietté par lui… Il n’a pas vu qu’en ôtant Bas-de-Cuir lui-même des romans de Fenimore, — cette figure que Balzac, qui avait le sens de la critique autant que le sens de l’invention, a trop grandie en la comparant à la figure épique de Gurth dans Ivanhoe et qui n’est guères que le reflet du colossal Robinson de Daniel de Foe, — il n’a pas vu qu’il n’y avait plus dans les récits du grand américain qu’une magnifique interprétation de la nature, que l’individualisation, audacieuse et réussie, de tout un hémisphère, mais que là justement étaient le mérite, la profondeur, l’incomparable originalité d’une œuvre qui n’a d’analogue dans aucune littérature.
Ce qui donne à leur figures tant de poids et d’autorité, c’est qu’ils ne se révoltent contre la convention que là où ils savent qu’elle est véritablement telle, — dans leur art. […] … Toutes mes difficultés me désertent, et il n’est point à présent de problème qui m’exerce, tant j’obéis avec bonheur à la mobilité de ces figures ! […] Pour l’avoir saisi d’instinct, — avec cette sensibilité si jeune et si sûre qui dans tous ses rôles la guide, — Mme Ludmilla Pitoëff fut l’autre soir une inoubliable figure de la Chasteté, — petite-fille non indigne de ces figures allégoriques des Vertus que nous ont léguées les grands artistes italiens. […] Ce qui en effet investit la figure de Claude de son puissant, de son pressant intérêt, c’est que son cas fait affleurer la nappe spéciale que nous offrent aujourd’hui certains sentiments. […] Quant à Aimée, le rapport de sa figure à celle de François constitue une valeur esthétique des plus rares.
Toutes, en écoutant, prennent la tête d’expression de leur figure. […] On le voit, dans la coupe verticale de l’utérus, comme ces figures incrustées et pliées dans le cadre des médaillons d’un chœur de cathédrale du xve siècle. […] — n’est-ce pas le style du moyen âge, le sentiment de cet art, qu’on croirait par moments n’avoir eu pour modèle qu’un peuple de figures à demi formées et comme une race de vivants embryonnaires ? […] À travers la figure il a une grande éraflure. […] Une figure de l’Echo — ou du moins l’image que je m’en faisais, — entrevue entre des arbres dans un bois de chênes-liège, répétait la musique, aussitôt qu’elle cessait, une, deux, trois fois, sur une note moqueuse.
— Oui. — Avez-vous jamais rencontré dans la nature des figures aussi belles, aussi parfaites que celles-là ? […] Hâte-toi, car ces figures prendront dans un instant une autre position moins heureuse peut-être. […] L’esprit philosophique veut des comparaisons plus resserrées, plus strictes, plus rigoureuses, sa marche circonspecte est ennemie du mouvement et des figures. […] Sont-ce les deux figures adossées à la fontaine ? […] Coupez seulement cette fontaine avec les deux figures qui y sont adossées ; et vous emporterez sous votre bras un morceau de prix.
Toutes les énergies de la sève, toutes les forces de la nature naturante, toutes les obscénités du rut universel, prennent forme et souffle, figure et costume, pour se grouper autour de leur chef. […] » — Souvent aussi il se montrait en bête fauve : une pierre gravée le représente sous la figure d’un lion à face humaine, comme une idole ninivite. […] L’Éros des haras et des étables, le bestial Priape qu’on disait fils de Bacchus et d’Aphrodite, y paraît sous la figure d’un nain monstrueusement conformé. […] Les Ménades, dépouillées de leur beauté païenne, découvrent de hideuses figures de sorcières. […] Mais, quelle que soit la figure qu’il prenne, les historiographes du Sabbat constatent tous sa morne tristesse et son air d’ennui méprisant.
Leurs figures constitue la planche la plus creusée, la plus corrosive, la plus implacable et la plus juste qui ait été burinée d’après l’âme parlementaire. […] René Bazin qui ont fait sortir des limbes la figure du travailleur ainsi comprise. […] Henry Bordeaux ne s’intéresse qu’aux figures vraies et vivantes : il aime la vie, il comprend la passion de vivre. […] Les figures y deviennent plus précises, plus significatives et plus originales. […] Armé de cet outil souple et bien trempé, il cisèle des figures qui intéressent et divertissent et qui sont curieuses d’aspect et de contours, étant souvent même singularisées par un tic discret.
Oui certes ; mais on n’y voit pas les dieux des païens exprimant les passions des patriarches ; et c’est une sorte de fiction bien étrange et bien compliquée que celle qui masque les figures divines d’une religion avec les figures divines d’une autre. […] C’en serait trop si, comme chez le Camoëns, cette déesse, simplement figurée, était de plus, sous une double figure, l’image d’une autre divinité. […] On croit les approcher, les entendre, et l’âme pure s’envisage elle-même au nombre des divinités sous la délicate et timide figure de Psyché. […] On sait que la poésie ne réussit en ce dernier que par le droit qu’elle a d’exagérer ses figures. […] Elle ne figure assez ni les choses, ni les chimères.
Leurs figures anciennes demeurent aujourd’hui reconnaissables ; chacune relève d’une tradition qui l’enracine en pleine histoire. […] Toutes ces figures de la réaction ont alimenté et alimentent la littérature. […] Si les Français perdent rieur héritage, la France reste un héritage, et le Français figure, en Europe, le grand héritier. […] Le catholicisme social, sous la figure qu’il présente aujourd’hui, et qu’il tient d’un certain passé, n’est point un cléricalisme. […] La timide figure qu’elles font aujourd’hui dans tous les Parlements, à commencer par le nôtre, révèle leur état de santé.
Il a commencé, contre l’ordinaire des récipiendaires, sans exorde, sans remerciement plus ou moins exagéré ; il s’est mis, dès la première phrase, à louer son prédécesseur et à tracer de cette figure aimable qu’il avait à deviner, ne l’ayant pas connue, une esquisse ou, comme il a dit, un léger crayon. […] Le romancier gracieux, qui a si souvent introduit dans ses ouvrages des figures de personnages aristocratiques en y mêlant une fine pointe d’ironie, n’a eu cette fois qu’à imaginer un personnage de plus, celui d’un homme de lettres né dans les rangs du peuple, aussi peu né que possible, mais avec des goûts distingués et une vocation d’homme de qualité, qui eût été abbé dans l’ancien régime, qui eût été toute sa vie le gentil abbé de l’hôtel d’Uzès et à qui il n’a manqué de nos jours, pour remplir cette destinée d’autrefois, que le titre et le petit collet.
Origine des principales figures. Ces figures du langage, ces créations de la poésie, ne sont point, comme on l’a cru, l’ingénieuse invention des écrivains, mais des formes nécessaires dont toutes les nations se sont servies à leur premier âge, pour exprimer leurs pensées.
Elle se révèle par l’expression dans le style, comme le caractère dans la figure. […] Elle avait vingt-huit ans, les cheveux blonds, la figure maigre, et sur la joue gauche de petites taches. […] Le brave portier la regardait attentivement et sa figure s’épanouit. […] Sa figure naturellement dépourvue d’expression, comme celle des sourds-muets, semblait à présent pétrifiée. […] Guérassime cacha sa figure dans ses mains.
et comme cela aide plutôt à la figure qu’à cette courte distance ils font déjà ! […] Au sortir donc des gorges et des rampes étroites où nous avons gravi longtemps, où nous avons fini par triompher et nous acquérir quelque nom, nous nous trouvons, grâce à notre succès même, portés sur le plateau, dans la plaine ; il s’agit de faire bonne figure au soleil et devant tous dans cette nouvelle position, et de tenir décemment la campagne. […] Plus tard, dans d’admirables biographies, telles que celle de Fénelon déjà et celle de Byron enfin, dans ses cours animés d’intéressantes et nombreuses figures, dans ses deux leçons, par exemple, sur Bernardin de Saint-Pierre, M. […] Chacun, dans cette lecture, peut apprécier la marche du critique, le procédé savant des tableaux, la nouveauté expressive des figures, cette théorie éparse, dissimulée, qui est à la fois nulle part et partout, se retrouvant de préférence dans des faits vivants, dans des rapprochements inattendus, et comme en action ; cette lumière enfin distribuée par une multitude d’aperçus et pénétrant tout ce qu’elle touche. […] Il se penche, il s’avance des lèvres vers l’auditoire : si le premier banc, légèrement reconnu, ne le préoccupe pas trop, ne le gêne point par quelques figures peu compatibles et contradictoires, sa parole se lance ; il s’inquiète encore de son auditoire sans doute, mais c’est de tous alors et non de quelques-uns.
Laissons maintenant de côté notre figure de lumière avec ses déformations successives. […] Ce plan, ce cercle, cette droite, ce mouvement, voilà les éléments parfaitement déterminés de l’opération par laquelle la figure se traçait. Mais la figure toute tracée n’implique pas nécessairement ce mode de génération. […] Si donc, au sens que nous définissions tout à l’heure, l’hélice contient moins que la circonférence et le mouvement qu’on y prétend retrouver, en un autre sens elle contient davantage : une fois acceptée comme l’amalgame d’une certaine figure plane avec un certain mode de mouvement, on y découvrirait aussi bien une infinité d’autres figures planes complétées respectivement par une infinité d’autres mouvements. […] J’ai construit ma figure sur vos indications, mais votre hypothèse reste une hypothèse.
Cette figure mêlée de métonymie et de synecdoque, tertia messis erat, c’était la troisième moisson, fut, sans aucun doute, employée d’abord naturellement et par nécessité ; il fallait plus de mille ans pour que le terme astronomique année pût être inventé. […] Mais, à mesure que l’esprit humain se développa, à mesure que l’on trouva les paroles qui signifient des formes abstraites, ou des genres comprenant leurs espèces, ou unissant les parties en leurs entiers, les expressions des premiers hommes devinrent des figures. […] Ces caractères n’étaient autre chose que les caractères mathématiques et les figures géométriques, que les Phéniciens avaient eux-mêmes reçus des Chaldéens, les premiers mathématiciens du monde. […] C’est peut-être pour cette cause que plus tard le mot lettré a fini par avoir à peu près le même sens que celui de savant. — Il est encore résulté de cette ignorance de l’écriture, que dans les anciennes maisons il n’y a guères de mur où l’on n’ait gravé quelque figure, quelqu’emblème. […] C’est que le même homme est envisagé dans l’une, je supposé, sous le rapport de la figure, de la puissance, etc. ; dans l’autre, sous le rapport de son caractère, des choses qu’il a entreprises.
À cette figure froidement sinistre du noble, il oppose la figure idéalement chevaleresque du chef républicain. […] La figure de Frédérique est une création de premier ordre. […] Bourget, c’est d’abord l’originalité des figures à dessiner. […] » semble dire la figure qu’a esquissée le Dumas nouveau. […] vous n’aurez ni teintes claires ni figures honnêtes.
Le grand Gœthe, le maître de la critique, a établi ce principe souverain qu’il faut surtout s’attacher à l’exécution dans les œuvres de l’artiste, et voir s’il a fait, et comment il a fait, ce qu’il a voulu : « Il en est beaucoup, disait-il, qui se méprennent, en ce qu’ils rapportent la notion du beau à la conception, beaucoup plus qu’à l’exécution des œuvres d’art ; ils doivent ainsi, sans nul doute, se trouver embarrassés quand l’Apollon du Vatican et d’autres figures semblables, déjà belles par elles-mêmes, sont placés sous une même catégorie de beauté avec le Laocoon, avec un faune ou d’autres représentations douloureuses ou ignobles. » Il y a donc, selon lui, une part essentielle de vérité, qui entrait dans les ouvrages des anciens, dans ceux qu’on admire et qu’on invoque le plus, et c’est cette part de vérité, cette nature souvent crue, hideuse ou basse, moins négligée des anciens eux-mêmes qu’on ne l’a dit, qu’il ne faut point interdire aux modernes d’étudier et de reproduire : « Puisse, s’écriait Gœthe, puisse quelqu’un avoir enfin le courage de retirer de la circulation l’idée et même le mot de beauté (il entend la beauté abstraite, une pure idole), auquel, une fois adopté, se rattachent indissolublement toutes ces fausses conceptions, et mettre à sa place, comme c’est justice, la vérité dans son sens général ! […] Une grande figure est celle du moine prédicateur renouvelé du Moyen Âge ; je sais gré à l’auteur de n’en avoir pas fait une caricature. […] Enfin, dans la dernière partie où intervient et domine la figure de l’artiste enthousiaste à la fois et un peu misanthrope, Marcel, il se révèle une qualité que la vigueur du romancier avait pu dissimuler quelquefois et qui finit par éclater à son tour ; il y a de l’esprit.
Le chevalier de la Triste Figure est un héros naturel et sa folie, d’origine littéraire — romantique, si vous voulez — lui cache le prosaïsme de son époque, fait de lui un admirable et poétique anachronisme. […] Le plaisant, c’est que Matilde Serao s’oublie assez souvent à croire, elle aussi, à la supériorité de Lucie Altimare, et qu’il lui arrive de la proclamer une figure « grande et haute ». […] Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire ». — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme.
Il souffrait et il triomphait avec ces phénomènes visibles que son imagination recouvrait d’une figure idéale. […] Le Dieu lui-même, sous la figure d’un de ses prêtres, conduisait la pompe, le lierre au front et le thyrse en branle, beau comme une vierge, farouche comme une bête, proclamant par des cris sauvages le délire dont il était plein. […] Génie tout lyrique et bachique encore, Phrynicos se vantait d’avoir dans l’esprit autant de figures de danses, « qu’une nuit orageuse soulève, pendant l’hiver, de vagues sur la mer ».
* * * — Dans l’hypertrophie du cœur, la figure, après la mort, prend le caractère extatique. […] — Gavarni disait de Dickens « qu’il avait une vanité énorme et paralysante, peinte sur la figure ». […] » Le meilleur des hommes et le marchand le plus paresseux, le plus flâneur, le plus boubouilleur, le plus incapable de tirer un gain d’une chose qu’il vend, — et qui, 365 fois par an, a besoin de voir, autour de son dîner, cinq ou six figures, si ce n’est au moins autour de la table, où, du matin au soir, se vident les canettes.
* * * — Se figure-t-on Dieu, au Jugement dernier, Dieu prenant l’arc-en-ciel et se le serrant autour des reins comme l’écharpe d’un commissaire, etc., etc. […] Elle me conta sa vie, mille choses tristes, sinistres, qu’elle coupait par un zut qui semblait boire des larmes… Il m’apparut dans cette peau de voyou, je ne sais quelle petite figure attristée, songeuse, rêveuse, dessinée sur l’envers d’une affiche de théâtre. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.
sur des figures célèbres ou oubliées du xviie siècle, et cela dans le but respectable de rire un petit et de nous amuser. […] Prude, en somme, sous ses airs de page, honnête toute sa vie sans que cela lui coûtât un sou d’effort pour le rester, coquette d’esprit, de coiffure, de corsage, de bras nus abandonnés, qui se donnaient à tous et qui n’ont jamais étreint personne, coquette même de maternité, madame de Sévigné résume en elle deux figures de Molière qui, dédoublées, font la femme française : Elmire et Célimène. […] Aucun des côtés, déformés par la Calomnie, de cette honnêteté héroïque (le mot y est et l’épithète aussi), n’a échappé à Hippolyte Babou, qui a redressé et rectifié les lignes de cette majestueuse et touchante figure abîmée par d’imbéciles iconoclastes historiques, et qu’il a rétablie dans sa beauté première… J’espère bien qu’après cela on n’y touchera plus !
Il est tout entier dans la figure de Jean Gigon, type du soldat français en ces dernières années12, et qui n’est plus du tout, quoiqu’il y ait identité de cette bravoure qui est venue des Gaulois à nous et qui s’appelle la furie française, qui n’est plus du tout la figure connue des soldats français des autres temps. […] C’est un Turenne du peuple, sans génie, sans bâton de maréchal resté dans la giberne pour donner raison à Louis XVIII, et aussi sans la piété du grand Turenne, qui lui aurait ôté, s’il l’avait eue, cet air triste qui ne lui va pas, pour mettre à la place l’air serein, le véritable air d’une figure, d’une vie, d’une conscience comme la sienne ; car le scepticisme qui nous déborde, et qui n’a pas fait de foi aux plus grandes âmes, a versé son ombre et sa misère sur les fronts les mieux nés pour être sereins.
A la fin du second Empire, Carpeaux, sur la façade de l’Opéra de Paris, figure la danse par un groupe de bacchantes échevelées, et il n’en faut pas davantage pour évoquer l’image de la haute vie parisienne durant les années qui précédèrent la débâcle de 1870. […] Ne dirait-on pas des figures détachées de l’Arc de triompher Cette influence des arts qui s’adressent à la vue s’est fait sentir non seulement à l’imagination des auteurs, mais à la langue littéraire elle-même. […] Le volume imprimé évoque des figures, des scènes entières devant les regards de l’illustrateur et c’est par centaines qu’on nommerait ceux qui de nos jours ont excellé à traduire par des lignes ou des couleurs la pensée ou les rêves d’autrui. […] On se figure très bien sous ces voûtes sonores une chanson guerrière déclamée d’une voix tonnante, quelque conte gras et gaillard faisant éclater un gros rire sur de larges faces ; on entend à la rigueur un chant d’amour charmant l’ennui des longues soirées d’hiver où la châtelaine rêve et soupire. […] L’un, Nicolas de Clémengis, rappelle que d’ordinaire le diable est peint sous la figure d’une femme cornue.
Il y a, dans ces premières pages, un portrait très saisissant de la vieille Lætitia, de la mère inconsolée du César disparu, cette figure d’aïeule antique, avec ses mains de cire, et le ronronnement incessant de son rouet dans le silence du grand palais. […] En m’apercevant, Flaubert a un sursaut, comme s’il se réveillait, comme s’il voulait rappeler à lui sa figure officielle d’homme fort : « Eh bien, voilà ! […] La maison est égayée par un enfant intelligent et beau, sur la figure duquel, se trouve, joliment mêlée, la ressemblance du père et de la mère. […] Au milieu, figure posée sur le rebord de la fenêtre, une grande photographie représentant le prince impérial. […] Puis sa parole meurt, et sa figure s’assombrit dans une moue mélancolique, dont il est très difficile au partant de n’être pas touché.
Qu’Adam soit vêtu d’une tunique rouge, mais Ève d’un vêtement de femme blanc, avec un voile de soie blanc, et que tous deux se tiennent debout devant la Figure (la Figure, c’est le nom par lequel Dieu est habituellement désigné dans le courant de la pièce), Adam plus rapproché pourtant, le visage respectueux, Ève la tête un peu plus inclinée. » Tout ceci est pour la mise en scène ; ce qui suit est pour la récitation ; écoutez ! […] Après quoi la Figure Dieu, qui vient de former le premier homme du limon, l’appelle par son nom Adam ; celui-ci répond : Sire ! […] Après un petit chant du chœur qui succède, Dieu ou la Figure paraît, revêtue d’une étole « Adam, ubi es ?
alors que ceux-là s’y pâment comme devant un évangile nouveau où chaque parole est grosse de révélations et mettent à les défendre une ardeur si jalouse que la moindre objection prend à leurs yeux figure de sacrilège et que la critique en reste intimidée. […] Et c’est ainsi qu’il en arrivait à déclarer à Edmond de Goncourt qui le rapporte dans son journal : « Le livre, c’est la parole sous la figure du silence » et encore : « Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef. » Il voulut « incorporer l’abstraction » et pour cela imagina de substituer à la musique des instruments, la musique de la « parole intellectuelle à son apogée ». […] Lorsque Mallarmé, écrit Paul Valéry, m’ayant lu le plus uniment du monde son Coup de dés, comme simple préparation à une plus grande surprise, m’en fit enfin considérer le dispositif, il me sembla voir la figure d’une pensée, pour la première fois, placée dans notre espace… Ici, véritablement, l’étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles. […] Son inquiétante figure de sphinx grandit avec le recul du temps et se dresse plus obsédante que jamais à l’horizon.