/ 2207
390. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Sa morale est celle que nous savons ; il nous répète avec un charme nouveau ce qu’on nous a dit mille fois, nous fait repasser avec de douces larmes ce que nous avons senti, et l’on est tout surpris, en l’écoutant, de s’entendre soi-même chanter ou gémir par la voix sublime d’un poète. […] La vie de campagne, la vie patriarcale de famille dans ces belles provinces qu’arrose la Saône, les hautes herbes qui ploient sous l’aquilon, les bois dont le murmure et l’ombre sont au maître, les entretiens des pâtres autour des feux allumés, ces rayons de soleil couchant sur les fléaux, les socs de charrue et les gerbes des chars, ces ombres allongées des moulins monotones, toutes ces douces géorgiques de notre France ont une beauté forte et reposée qui égale à nos yeux la splendeur blanchissante du Golfe de Gênes et les autres tableaux enchantés que l’Italie a inspirés au poète.

391. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit ; le plaisir de sa propre perfectibilité s’y trouve également, l’indépendance des autres, le constant usage de ses facultés ; mais ce qu’il y a de sensible dans tout ce qui tient à l’âme, fait de l’exercice de la bonté une jouissance qui peut seule suppléer au vide que les passions laissent après elles ; elles ne peuvent se rabattre sur des objets d’un ordre inférieur, et l’abime que ces volcans ont creusé, ne saurait être comblé que par des sentiments actifs et doux qui transportent hors de vous-même l’objet de vos pensées, et vous apprennent à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ; c’est la ressource, la consolation la plus analogue aux caractères passionnés, qui conservent toujours quelques traces des mouvements qu’ils ont domptés. La bonté ne demande pas, comme l’ambition, un retour à ce qu’elle donne ; mais elle offre cependant aussi une manière d’étendre son existence et d’influer sur le sort de plusieurs ; la bonté ne fait pas, comme l’amour, du besoin d’être aimé son mobile et son espoir ; mais elle permet aussi de se livrer aux douces émotions du cœur, et de vivre ailleurs que dans sa propre destinée : enfin, tout ce qu’il y a de généreux dans les passions se trouve dans l’exercice de la bonté, et cet exercice, celui de la plus parfaite raison, est encore quelquefois l’ombre des illusions de l’esprit et du cœur.

392. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Applaudissez aux poëmes divins de Virgile ; promenez-vous dans une ville immense, où les chefs-d’œuvre de la peinture, de la sculpture et de l’architecture suspendront à chaque pas vos regards d’admiration ; assistez aux jeux du cirque ; suivez la marche des triomphes ; voyez des rois enchaînés ; jouissez du doux spectacle de l’univers qui gémit sous la tyrannie, et partagez tous les crimes, tous les désordres de son opulent oppresseur. […] Tu détruis tout, et le goût et les mœurs ; tu arrêtes la pente la plus douce de la nature.

393. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Relire Lire est doux ; relire est — quelquefois — plus doux encore. « A Paris, on ne relit pas, disait Voltaire ; vive la campagne où l’on a le temps ! 

394. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Fils d’un tisserand du Palatinat, son père, qui avait émigré, s’était marié dans cette douce contrée, le pays de la bonhomie vraie qu’on appelle l’Oberland badois, et c’est là, entre le Rhin et les hauteurs boisées de la Forêt Noire, que ce poète de la bonhomie — car tel est le caractère distinctif de la poésie de Hebel et son originalité supérieure — nourrit son génie de ces premières impressions qu’on devait toujours y retrouver, et qui entrent dans la pensée d’un homme profondément organisé comme le goût du thym dans le miel de l’abeille et la saveur des serpolets vierges dans la chair sauvage des chevreuils. […] « Un doux éclat de soleil couchant — nous dit-il plus loin, avec ce sentiment de poète qui sent la poésie dans les autres, — rayonne de l’âme de Hebel, pure et tranquille, et teint de rose toutes les hauteurs qu’il fait surgir. » Et Jean-Paul ajoute cette phrase mélodique et enchantée du ranz des vaches que son imagination pastorale jouait toujours : « Hebel embouche d’une main la trompe alpestre des aspirations et des joies juvéniles, tout en montrant, de l’autre, les reflets du couchant sur les hauts glaciers, et commence à prier quand la cloche du soir se met à sonner sur les montagnes. » De son côté, Goethe, ce grand critique, ce grand esprit lymphatique, ce Talleyrand littéraire qui fait illusion par la majesté de l’attitude sur la force de sa pensée, cet homme que l’on a cru un marbré parce qu’il en a la froideur, Goethe, ce blank dead, comme l’appelleraient les Anglais, ce système sans émotion et dont le talent fut à froid une combinaison perpétuelle, disait de cette voix glacée qui impose : « L’auteur des poésies allemaniques est en train de se conquérir une place sur le Parnasse allemand.

395. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

que la royauté, peuples, est douce et belle ! […] Afin que votre vigne ait toujours un doux fruit. […] Il pencha son front sur ma main, Et resta jusqu’au lendemain, Pensif, avec un doux sourire. […] dit Tsilla, l’enfant blond, La fille de ses fils, douce comme l’aurore ; Et Caïn répondit : — Je vois cet œil encore ! […] Les forts les appellent des filles, Et les malins des innocents : Ils sont doux, ils donnent leurs billes.

396. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Un vase corrompu aigrit la plus douce liqueur. » « L’étude du cœur de l’homme est notre plus digne étude : Assis au centre obscur de cette forêt sombre Qui fuit et se partage en des routes sans nombre, Chacune autour de nous s’ouvre : et de toute part Nous y pouvons au loin plonger un long regard. » Belle image que celle du philosophe ainsi dans l’ombre, au carrefour du labyrinthe, comprenant tout, immobile ! […] On a l’épilogue de l’Hermès presque achevé : toute la pensée philosophique d’André s’y résume et s’y exhale avec ferveur : Ô mon fils, mon Hermès, ma plus belle espérance ; Ô fruit des longs travaux de ma persévérance, Toi, l’objet le plus cher des veilles de dix ans, Qui m’as coûté des soins et si doux et si lents ; Confident de ma joie et remède à mes peines ; Sur les lointaines mers, sur les terres lointaines, Compagnon bien-aimé de mes pas incertains, Ô mon fils, aujourd’hui quels seront tes destins ? […] Et les dauphins accourent vers lui. » En attendant, il avait traduit, ou plutôt développé, les vers de Pindare : Comme, aux jours de l’été, quand d’un ciel calme et pur Sur la vague aplanie étincelle l’azur, Le dauphin sur les flots sort et bondit et nage, S’empressant d’accourir vers l’aimable rivage Où, sous des doigts légers, une flûte aux doux sons Vient égayer les mers de ses vives chansons ; Ainsi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente, Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante. […] Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ; Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux, Dit : Baisez, baisez-vous, colombes innocentes, Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ; Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. » L’édition de 1833 (tome II, page 339) donne également cette épitaphe d’un amant ou d’un époux, que je reproduis, en y ajoutant les lignes de prose qui éclairent le dessein du poëte : Mes mânes à Clytie. — Adieu, Clytie, adieu.

397. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Aurore d’un beau jour, tant en moi qu’au dehors ; soleil au ciel et dans mon âme : Dieu soit béni de ces douces lueurs qui ravivent parmi les angoisses ! […] Ces chants doux et réjouissants sous un genévrier, montant avec l’air dans ma chambrette, sont d’un effet que je ne puis dire. […] Je vais partir avec les souvenirs les plus agréables et les plus doux, tant du dedans que du dehors : famille charmante où je suis adoptée, où j’ai reçu les témoignages les plus touchants d’affection, affection si vraie puisqu’elle est désintéressée. […] que cela me serait doux si je ne pensais pas à Maurice, à qui je dois ce bonheur dont je jouis après sa mort ! […] à elle-même ; elle note simplement ses impressions de la journée sans penser qu’un autre œil que le sien sondera jamais ces doux mystères.

398. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Deux grands bœufs blancs, aussi luisants que le marbre des statues qui brillent sur le quai de Pise, étaient attelés au timon du char : un petit bouvier de quinze ans, avec son aiguillon de roseau à la main, se tenait debout, arrêté devant les gros bœufs ; il leur chassait les mouches du flanc avec une branche feuillue de saule ; leurs cornes luisantes, leur joug poli, de bois d’érable, étaient enlacés de sarments de vigne encore verte dont les pampres et les feuilles balayaient la poussière de la route jusque sur leurs sabots vernis de cire jaune par le jeune bouvier ; ils regardaient à droite et à gauche, d’un œil doux et oblique, comme pour demander pourquoi on les avait arrêtés, et ils poussaient de temps en temps des mugissements profonds, mais joyeux, comme des zampognes vivantes qui auraient joué d’elles-mêmes un air de fête. […] La famille du bargello était très aimée dans le peuple des boutiques et des places de Lucques, parce que, malgré ses fonctions, le bargello, chargé des prisons, était doux et équitable, et qu’il avait dans ses fonctions même de police mille occasions d’être agréable à celui-ci ou à celui-là. […] CLXXII Mais au lieu de cela, mon père, elle ne parla seulement pas de la musique nocturne, pensant sans doute que j’avais étudié un air pour la neuvaine de Montenero, pèlerinage de matelots de la ville de Livourne, et, d’une voix très douce et très encourageante, elle me demanda ce que je comptais faire tout à l’heure en sortant de chez eux, et si j’avais quelque père et quelque mère ou quelque corps de pifferari ambulants qui me recueillerait à Prato, ou à Pise, ou à Sienne, pour me reconduire dans les Abruzzes, d’où je paraissais être descendu avec ma zampogne. […] Mais ton visage, ajouta-t-elle en riant, et en me passant la main sur la joue pour en écarter les boucles blondes, ton visage est bien doux pour la face d’un porte-clefs ; il faudra que tu te fasses, non pas méchant, mais grave et sévère : voyons, fais une moue un peu rébarbative, quoique tu n’aies pas encore un poil de barbe. […] Lucques n’est pas une terre de malfaiteurs ; le peuple des campagnes est trop adonné à la culture des champs qui n’inspire que de bonnes pensées aux hommes, et le gouvernement est trop doux pour qu’on conspire contre sa propre liberté et contre son prince.

399. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Dans les Voix intérieures, des sages s’attristent sur le festoiement des fous, et l’A Olympia, oppose à la douce gravité du poète, les clameurs des haineux. […] Que l’on relise une pièce comme Dieu est toujours là ;  on y verra exposés avec la plus irritante certitude, ces aphorismes ; l’été est chaud, le pauvre humble, l’orphelin doux et triste, les chaumières fleuries, le riche charitable, les enfants « innocents, pauvres et petits ». […] Les mères sont tendres, les aïeuls, doux. […] Là Tout est modeste et doux, tout donne le bon exemple. […] Tout ce passage est à lire jusqu’aux vers : Ainsi tous les souffrants m’ont apparu splendides Satisfaits, radieux, doux, souverains, caadides.

400. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Que pouvait bien penser de toute cette révolution le plus doux des académiciens, celui qui sut noblement se complaire parmi les humbles, à qui enfin il sera beaucoup pardonné parce qu’il a beaucoup aimé ! […] Comme on le voit, c’est une leçon très fine et très douce que le poète du bonheur mélancolique et simple donne aux jeunes pontifes — oh ! […] Il ne faut point qu’un poète fasse retentir dans de dures trompettes mugissantes les bruissements doux de l’eau, des printemps, des fleurs. […] Ta voix qui m’enveloppe douce. Douce ainsi qu’une chatte rousse, Roulant mon cœur sur de la mousse, Ta voix molle de cloche d’or.

401. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

J’étais, à quatorze ans, un enfant doux et pieux, mais résolument jacobin et terroriste, pour avoir lu M.  […] Je ne suis pas, sans doute, comme le doux Michelet qui avait infiniment plus de pitié des bourreaux que des victimes. […] Combien, par exemple, la tâche est plus douce pour M.  […] Elle est, si je puis dire, plus intérieure et se trahit au dehors par des déplacements de lignes beaucoup plus lents et plus doux. […] On devine, à certains passages, que le doux poète s’est fait gronder, tout comme un jeune homme, par ses belles amies.

402. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Pour nous, à mesure que nous lisions les pages les plus heureuses de l’auteur genevois, il nous semblait retrouver, au sortir d’une vie étouffée, quelque chose de l’air vif et frais des montagnes ; une douce et saine saveur nous revenait au goût, en jouissant des fruits d’un talent naturel que n’ont atteint ni l’industrie ni la vanité. […] Combien n’y a-t-il pas eu, autour de ce Léman de Genève ou de Vaud, de jeunes cœurs poétiques dont la voix n’est pas sortie du cadre heureux, étroit pourtant, et qui, en face des doux et sublimes spectacles, au sein même du bonheur et des vertus, et tout en bénissant, se sont sentis parfois comme étouffés ! […] Le Télémaque et Virgile lui enseignaient au même moment l’amour des paysages et le charme simple des scènes douces. […] non pas ; je laisse au bourgeon, comme il l’appelle, le soin de lui dire toutes ces choses, de lui en suggérer beaucoup d’autres ; et bien plutôt, pour mon propre compte, je revois en idée les lieux, les doux coins de terre tranquilles qui se peignent dans ses écrits ; il reste, à qui une fois les a bien connus, un regret de n’y pas toujours vivre. […] Je trouve chez une humble et douce muse de l’Angleterre, chez mistriss Caroline Southey, femme ( ?)

403. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

De tous les suffrages qui soutinrent Boileau dans sa guerre contre les poètes à la mode, aucun ne lui fut plus doux que celui d’Arnauld. […] Nicole a mis toute son âme dans cette douce et persuasive exhortation à la paix. […] Dans Nicole je ne vois qu’une raison douce qui éclaircit à loisir quelques principes de morale chrétienne. […] N’ai-je pas été d’accord avec ce doux maître, qu’il est injuste de vouloir être aimé ? […] Il vaut mieux les laisser chercher dans les Essais ; elles nous y causent une douce surprise, et nous aident à marcher où nous mène l’auteur, à une conclusion pratique.

404. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Les premiers paysages qu’il retrace, et qui sont les plus cités dans les cours de littérature, sont ceux de la vallée de Campan et des rives de l’Adour : Je ne peindrai point cette belle vallée qui voit naître (l’Adour), cette vallée si connue, si célébrée, si digne de l’être ; ces maisons si jolies et si propres, chacune entourée de sa prairie, accompagnée de son jardin, ombragée de sa touffe d’arbres ; les méandres de l’Adour, plus vifs qu’impétueux, impatient de ses rives, mais en respectant la verdure ; les molles inflexions du sol, ondé comme des vagues qui se balancent sous un vent doux et léger : la gaieté des troupeaux et la richesse du berger ; ces bourgs opulents formés, comme fortuitement, là où les habitations répandues dans la vallée ont redoublé de proximité… Il finit cette description riante par des présages menaçants qui font contraste, et qui furent trop réalisés l’année suivante (1788) par l’affreux débordement qui dévasta ces beaux lieux. […] Pour lui, laissant là en arrière ses compagnons et son guide, et retrouvant son sentiment allègre des hautes Alpes, il se met à gravir seul et en droite ligne vers la cime : « Je l’atteignis en peu de temps, et, du bord d’un précipice effroyable, je vis un monde à mes pieds. » C’est ici qu’il entre dans une description parfaite et de ce que la vue embrasse du côté des plaines, et des rangées de monts qui s’étagent en amphithéâtre au midi, et des collines et pâturages plus rapprochés qui s’élèvent du fond du précipice vers la pente escarpée du Pic et forment un repos entre sa cime et sa base : Là, dit-il, j’apercevais la hutte du berger dans la douce verdure de sa prairie ; le serpentement des eaux me traçait le contour des éminences ; la rapidité de leur cours m’était rendue sensible par le scintillement de leurs flots. […] Tableau doux et champêtre dont la simple nature a fait les frais, il doit réunir comme elle la vénérable empreinte de l’antiquité aux charmes d’une immortelle jeunesse, et se renouveler au retour de chaque année comme la feuille des arbres et comme l’herbe des prés… Cette rencontre était un heureux hasard pour la troupe dont je faisais partie, et de pareils objets lui présentaient un bien nouveau spectacle ; mais nul ne leur pouvait trouver comme moi ce charme dû à la comparaison et au souvenir, et depuis longtemps ami des troupeaux, seul je les abordais en ami, jouissant de leur curiosité, de leurs craintes et de leur farouche étonnement.

405. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Une femme poète, mère de famille, pieuse et sans tache, un esprit profond et doux, Mrs. […] doux Esprit ! […] Ta voix, — son faible et doux et fervent accent d’adieu, que j’entends encore vibrer à travers la tempête de l’agonie comme une brise expirante ; — oh !

406. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Dans la dernière année et quand la maladie déjà mortelle retenait Bossuet à Paris, il l’y venait voir, passait avec lui plusieurs heures, lui lisant l’Évangile et lui en parlant : entretiens doux et graves, élevés et purs, entre ces deux chrétiens si à l’unisson ; c’est là ce qu’on aimerait à entendre et à connaître ; mais Le Dieu ne nous donne que le titre de l’entretien. […] On ne trouva pas son mérite digne de sa réputation : son premier discours, qui était contre les libertins, et qu’il avait, dit M. de Meaux, assez mal amené à l’évangile du jour, parut faible : on loua sa piété et sa modestie, sa voix douce, son geste réglé, jusqu’à lui accorder, contre l’avis de quelques-uns, la grâce de l’élocution : on trouva de la politesse dans son discours, des termes choisis et de l’onction : il fut très bien écouté, et le roi et la Cour en furent édifiés. […] On aime à rejoindre ces détails sur le Bossuet de la fin et sur son bel organe, éclatant une dernière fois, avec ce que le même biographe nous a dit de lui dans sa jeunesse, quand il nous le montre affectionné à chanter l’office de l’Église et les psaumes : « Il avait la voix douce, sonore, flexible, mais aussi ferme et mâle.

407. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Elle s’aiguise d’une fine ironie, lorsqu’elle touche quelques-uns de nos travers : une douce et noble chaleur anime les endroits où l’idéal du bien nous est proposé. […] , — que la nécessité, dis-je, aiguillonne et arrache à la douce paresse, que l’occasion encourage et multiplie, et qui, une fois voué à cette vie de labeur et de publicité incessante, ne déroge point pour cela, ne tombe point par là même en décadence, mais a chance de se varier, de s’élever, de se perfectionner parfois. […] Il est si doux, si beau, de s’être fait soi-même, De devoir tout à soi, tout aux beaux-arts qu’on aime, a dit André Chénier : mais encore faut-il que ce soit possible, et que l’organisation de la chose littéraire s’y prête.

408. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Avant ces excroissances de l’orgueil individuel, il était le plus doux et le plus placide des rêveurs, un innocent sublime. […] Il ne cessa, dans aucun temps, d’être pour Mme Récamier un ami fidèle, constant, attaché, non exigeant, se plaignant à peine d’être rejeté au second ou au troisième plan (car il y avait une hiérarchie marquée dans ce monde d’amis), mais prouvant par la délicatesse et la suite de son affection qu’il eût été digne d’être mieux traité, d’être avancé au moins d’un cran. « Il n’y a de doux, de consolant, et je dirais même d’honorable, lui écrivait-il après trente années de liaison, que la suite et la persévérance des sentiments. […] Il y avait plus de nuances que d’éclat ; l’esprit y était fin et doux, — couleur gris de perle, si l’on voulait à toute force lui trouver une couleur.

409. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Je pourrais ajouter, si ce n’était ici une digression, qu’il y en a un troisième, celui qu’on rencontre par hasard dans le monde, doux, poli, non tranchant, modeste dans son langage, d’un coup d’œil et d’un ton de voix affectueux, presque caressant ; il est impossible de l’avoir rencontré quelquefois et d’avoir causé avec lui sans avoir reconnu dans cet ogre tant détesté, et qui a tout fait pour l’être, l’homme doué de bien des qualités civiles et sociales. […] Ai-je, d’un jour si beau, vu le doux lendemain ? […] Le temps n’a pas marché ; c’est hier, c’est tout à l’heure : J’étais là, près du lit de mon père expirant, J’allais d’un ami mort vers un ami mourant… ; Et vous, trésors de Dieu, trésors qu’au moins je pleure, Biens que j’eus un instant et dont j’ai su le prix, Doux enfant, chaste épouse, ô gerbe moissonnée !

410. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Vauvenargues, voulant exprimer le charme qu’a pour le talent un premier succès et un début heureux dans la jeunesse, a dit avec bien de la grâce : « Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. » De même pour le critique qui étudie un talent, il n’est rien de tel que de le surprendre dans son premier feu, dans son premier jet, de le respirer à son heure matinale, dans sa fleur d’âme et de jeunesse. […] Je ne sais pas de jouissance plus douce pour le critique que de comprendre et de décrire un talent jeune, dans sa fraîcheur, dans ce qu’il a de franc et de primitif, avant tout ce qui pourra s’y mêler d’acquis et peut-être de fabriqué. […] Prenez les mots les moins choquants, les plus doux que vous voudrez, la chose arrive à presque tous.

411. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

La méthode la plus douce était de convertir les gens avec promesse de pension du roi. […] Non content d’écrire à Louvois pour réclamer des mesures de rigueur, et avant même d’avoir la réponse, Foucault s’adresse au Père de La Chaise pour lui suggérer d’autre part des moyens auxiliaires plus doux ; il propose non plus ici des cavaliers et des dragons, mais d’autoriser une conférence, par exemple, où les points controversés soient agités, disant que les ministres et les principaux religionnaires de ces contrées ne cherchaient qu’une porte honnête pour rentrer dans l’Église : « Ceux, ajoute-t-il, qui sont les plus considérés et les plus accrédités dans le parti m’ont assuré que c’était la seule voie qui pût faire réussir le grand projet des conversions ; que celles de rigueur, de privation des emplois, les pensions et les grâces seraient inutiles. » Dans un voyage qu’il fait à Paris, il en parle également au chancelier Le Tellier, lequel a d’ailleurs peu de goût pour Foucault, et qui ferme l’oreille à sa proposition : « Il la rejeta absolument, disant qu’une pareille assemblée aurait le même succès que le Colloque de Poissy ; que le pape trouverait mauvais que l’on fît une pareille conférence sans sa participation, et me défendit d’en parler au roi. Sa timidité naturelle, dans une entreprise qu’il jugeait périlleuse, est peut-être cause que l’ouvrage des conversions, qui aurait pu réussir par les conférences, soutenues d’autres moyens doux, a causé la ruine d’un si grand nombre de religionnaires et la perte du commerce et des arts. » Contradiction singulière et bizarrerie de la conscience humaine !

412. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

« Ou enfin mettrai-je au-dessus de tout la douce température, le beau ciel, l’aspect de la mer immense, et y aura-t-il quelque chose de solennel dans la paix de mes derniers jours ? […] Serai-je ainsi isolé, et ces plus douces perceptions de l’infini me suffiront-elles dans ma faiblesse ? […] « Je n’imagine rien de plus doux sur la terre humaine telle qu’elle est que de se confiner avec une femme tranquille et aimable dans une cabane heureusement située.

413. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Bérénice, bien que commandée par Madame, me semble tout à fait dans le goût secret et selon la pente naturelle de Racine ; c’est du Racine pur, un peu faible si l’on veut, du Racine qui s’abandonne, qui oublie Boileau, qui pense surtout à la Champmeslé, et compose une musique pour cette douce voix. […] Mais Bérénice ne me fait pas tout à fait l’impression de Didon ; la nuance est plus douce, on sent dès l’abord, et malgré toutes les menaces, qu’elle ne se tuera pas ; elle languira, elle pâlira dans l’absence, elle s’en ira lentement mourir de son ennui. […] L’idée de reprendre Bérénice devait venir du moment que mademoiselle Rachel était là ; et qu’à défaut de rôles modernes, elle continuait à nous rendre tant de ces douces émotions d’une scène qui élève et ennoblit.

414. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il goûte voluptueusement Les forêts, les eaux, les prairies, Mères des douces rêveries. […] Ils s’abandonnaient à cette séduction, à ce je ne sais quoi si puissant et si doux. […] En son léger et clair langage d’homme du monde, il a laissé couler dans quelques pièces et dans quelques lettres une fine tristesse, sans éclat et sans espoir, dont l’emplissaient la vue de la vanité des choses, le sentiment de l’irrévocable passé, de son être, tout entier ; pour jamais écoulé, et par ces douces sensations même où il aspirait.

415. (1890) L’avenir de la science « XII »

Chaque être trouve ensuite en lui des instincts qui lui rendent son rôle aussi doux que possible. […] Un jour, ma mère et moi, en faisant un petit voyage à travers ces sentiers pierreux des côtes de Bretagne qui laissent à tous ceux qui les ont foulés de si doux souvenirs, nous arrivâmes à une église de hameau, entourée, selon l’usage, du cimetière, et nous nous y reposâmes. […] Ces pauvres femmes, séparées, eussent été vulgaires et n’eussent fait presque aucune figure dans l’humanité ; réunies, elles représentent avec énergie un de ses éléments les plus essentiels du monde, la douce, timide et pensive piété.

416. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Ou, au contraire, reproduit-il avec prédilection les nuances douces et tendres, les harmonies délicates et changeantes comme celles du cou de la colombe ? […] Ici ce sera une harmonie douce, berceuse, un peu monotone et assoupissante, pareille au murmure des vagues qui expirent sur la plage ou au souffle du vent qui se joue dans les branches ; telle vous la trouverez dans les vers de Lamartine. […] Parcourez toute l’œuvre de Colin d’Harleville : vous n’y trouverez que des affections douces, des sentiments tendres voilés d’une légère brume de mélancolie.

/ 2207