Ainsi, les sentiments littéraires d’Uranie ne dépendent point des théories littéraires, ni des prétendues notions innées du beau, du comique, du parfait, et c’est précisément le défaut de cette dépendance logique, qui rend nécessaire pour son goût la souveraineté douce et libérale de l’intelligence314.
Quand on les a connus, on ne les quitte plus, ou, si on est obligé de les quitter, on les regrette toujours. « Rien n’est comparable260, dit Voltaire, à la douce vie qu’on y mène au sein des arts et d’une volupté tranquille et délicate ; des étrangers, des rois ont préféré ce repos si agréablement occupé et si enchanteur à leur patrie et à leur trône… Le cœur s’y amollit et s’y dissout, comme les aromates se fondent doucement à un feu modéré et s’exhalent en parfums délicieux. » Gustave III, battu par les Russes, dit qu’il ira passer ses vieux jours à Paris dans un hôtel sur les boulevards ; et ce n’est pas là une simple politesse ; il se fait envoyer des plans et des devis261.
La seule chose qui en moi se reproduise intacte et entière, c’est la nuance précise d’émotion, âpre, tendre, étrange, douce ou triste, qui jadis a suivi ou accompagné la sensation extérieure et corporelle ; je puis renouveler ainsi mes peines et mes plaisirs les plus compliqués et les plus délicats, avec une exactitude extrême, et à de très grandes distances ; à cet égard, le chuchotement incomplet et défaillant a presque le même effet que la voix. — Mais si, au lieu de prendre pour exemple un homme enclin à remarquer surtout les sentiments, on considère des hommes accoutumés à remarquer surtout les couleurs et les formes, on trouvera des images si nettes qu’elles ne différeront pas beaucoup des sensations.
Quand mes infirmités me feront sentir que je ne puis plus me livrer à un travail assidu ni vaquer aux affaires comme auparavant, alors je remettrai avec joie les rênes de l’empire en d’autres mains, et j’aurai la douce satisfaction d’avoir fait, jusqu’à la fin, tout ce qu’il a été en mon pouvoir de faire.
» Animés par ces reproches mutuels, les esclaves de Cicéron se jettent à ses pieds, lui font une douce violence, le forcent à remonter dans sa litière, et le portent, par des sentiers détournés et ombragés, des jardins vers le rivage, où la galère l’attendait à l’ancre.
Dans le premier poème ils exigeaient simplement des Dieux, en paiement de Walhall, le trésor de leurs ennemis, les Nibelungs : ici, au contraire, c’est Freia, la déesse de la jeunesse et de la beauté qu’ils ont voulu gagner, « pour qu’une femme vienne habiter chez nous autres, pauvres géants, une femme belle et douce ».
Goltz et Loeb ont montré que les chiens deviennent doux quand on leur enlève leur lobe occipital : de bons traitements et une bonne éducation peuvent avoir le même effet ; mais il serait absurde, dit V.
Le charme, l’ascendant vitalement doux qui émanaient de l’homme, proche, et lointain de rêve, de sa parole harmonieuse et subtile, indiciblement nous séduisaient, matérialisaient une atmosphère de silence.
Jean, tout jeune, était doux et farouche.
Il veut qu’en punition de ce travestissement, on mène ces faquins de bourgeois au bord d’un fleuve, pour les y jetter tous la tête la première à l’endroit le plus profond, « eux & leurs billets doux, leurs lettres galantes, leurs vers passionnés, & leurs nombreux volumes ».
Si son sort est tolérable ou doux, la mort est là, à deux pas de lui, qui change sa félicité même en désespoir par le sentiment de sa brièveté.
Puis il était revenu à Rome avec l’Église ; il avait été l’ami de Pie VI, le plus doux des papes, et du cardinal Gonsalvi, le plus séduisant des ministres.
Ainsi le lion est le seul animal dont les petits naissent les yeux ouverts ; les poissons de mer ne se nourrissent pas de l’eau salée, mais de cette portion d’eau douce que l’eau salée renferme ; les chiennes et les truies n’ont tant de petits que parce qu’elles ont plusieurs matrices ; en Libye, où les ânes sont de très grande taille, ils ne couvrent jamais que des jumens rasées, de tous leurs crins, car si elles avaient encore cet ornement qui les pare si bien, elles ne recevraient pas de tels maris : curieuse intuition, pour le dire en passant, du principe de la sélection, sexuelle, dont Ch.
L’œil d’un Picasso, aigu à percer les nuages commodes, déchire les voiles des brouillards trop doux pour éclairer d’une lumière inexorable les mystères cachés derrière chaque objet, chaque forme, chaque couleur.
Je me souviens d’avoir été vivement frappé des traces de dénudation que présentent certaines îles volcaniques, qui ont été lentement rongées par les vagues, au point d’être entourées aujourd’hui d’une ceinture d’escarpements perpendiculaires d’une hauteur de 1, 000 à 2, 000 pieds : l’inclinaison en pente douce des torrents de lave refroidie dont ces îles sont formées indiquant, au premier coup d’œil, jusqu’où leur lit rocheux avait dû s’étendre un jour dans la mer.
Isidore, on divisa perpendiculairement en deux parties égales la lettre H, & l’on prit la premiere moitié I− pour signe de l’esprit rude, & l’autre moitié −I pour symbole de l’esprit doux. […] Notre distinction de l’h aspirée & de l’h muette répond à celle de l’esprit rude & de l’esprit doux des Grecs ; mais notre maniere est plus gauche que celle des Grecs, puisque leurs deux esprits avoient des signes différens, & que nos deux h sont indiscernables par la figure.
Cette paix dans la plus douce des sujétions, que le Gallo-Romain chérissait tant, était le dissolvant de ses énergies natives. […] Orné et disposé avec goût, l’aspect en devrait être plaisant, intime, cordial, et l’atmosphère réchauffante, reposante, douce. […] Dormir est doux.
mon individualisme incurable garde au cœur je ne sais quel regret des temps de somnolence et d’anarchie, où le professeur du haut enseignement littéraire, rouage peu utile de la machine sociale, bénédictin laïque pensionné par l’État, pouvait, à l’ombre de son cloître, dans la profonde paix d’une douce sinécure pédagogique, recueillir pour lui seul le fruit de ses chères et libres études. […] Et voici, au xvie , deux autres poètes, huguenots tous deux, mais d’humeurs aussi opposées que possible, Clément Marot et Agrippa d’Aubigné : L’un, doux, bénin et gracieux, Et l’autre turbulent et plein d’inquiétude ; l’un, rimeur courtois, gamin craintif et polisson comme un prototype de Panurge, ayant, comme Rutebeuf, comme Villon aussi, la conscience du mauvais calembour auquel son nom prêtait ; l’autre, d’une main toujours prête à saisir, à « agripper » ses pistolets, traçant à la hâte, au milieu des camps et des alarmes, ses vers fumeux et enflammés qui sentent « la poudre, la mèche et le soufre ». […] Quand donc, par désir d’être du grand monde littéraire, on ouvre les ouvrages de cette époque de noble simplicité, sitôt qu’on éprouve une sorte d’ennui doux y on se croit déjà dans les belles régions de la noble simplicité, et l’on croit bien faire de parler avec une grande vivacité d’admiration de ce qu’on a lu tout au plus avec tiédeur53. […] Par malheur pour le culte des héros et pour le sentiment de l’admiration, qu’il serait si doux et si utile d’entretenir dans nos cœurs comme une flamme sacrée, il n’arrive guère, chez les fils des hommes, que la grandeur intellectuelle et morale présente cette harmonieuse unité de toutes les parties qui est moins humaine que divine, et dont Carlyle proclame éperdument la beauté, et la nécessité bien plus qu’il n’en constate l’existence. […] Il paraît que l’ingénieux inventeur de la poudre sans fumée ne songeait point au problème du tir invisible ; sa seule ambition était de trouver, pour les armes de petit calibre, un moteur à la fois énergique et doux.
Mais d’autant que ces détails, — comme une Étude sur le C dans les langues romanes, ou sur le rôle de l’accent latin dans la langue française, — nous paraissent moins dignes en soi du temps, de la peine, et même du papier qu’ils coûtent, on est plus étroitement tenu de nous montrer qu’ils ont un intérêt général, et un intérêt assez grand pour justifier une application qui ne serait sans cela rien de plus que l’effet d’une curiosité vaine ou l’obstination d’une douce manie. […] Les grands crimes sont toujours les grands crimes ; et, en dépit de nos « criminologues », on aime à croire que, longtemps encore, on les traitera comme des crimes plutôt que comme des maladies ; par la prison, de préférence aux bromures ; et avec plus de sévérité que d’affectueuse indulgence ou de douce pitié. […] L’Andante qui finit pare l’albe de l’Ève, Un peu de son, des parfums doux, et du très lent. […] C’est même l’explication d’une prédilection singulière dont ils affectent d’honorer Lamartine, pour lequel, au contraire, assez généralement, les « artistes » du Parnasse n’ont qu’un mépris tranquille et doux.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies ; Et d’autres corrompus, riches et triomphants, Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. […] S’il est des couleurs dont la vue nous laisse indifférents, il en est qui nous affectent de quelque manière, qui sont excitantes ou déprimantes, agréables ou désagréables : par là elles présentent une analogie avec les sentiments qui augmentent ou diminuent notre tonicité morale, qui sont doux au cœur ou de nature pénible. […] « Avant même de connaître la pensée du peintre, on est préparé à la comprendre par une sorte de mélodie qui s’en dégage comme un prélude, mélodie grave ou légère, mélancolique ou triomphante, douce ou tragique. » Et c’est en cela vraiment qu’il est grand coloriste, pour avoir profondément senti l’harmonie de la couleur et du sentiment, plutôt que pour avoir obtenu quelques combinaisons chromatiques originales. […] Pourtant des traits horizontaux, qui s’accordent mieux que les autres avec le mouvement habituel des yeux, ont quelque chose de plus doux qui les rend propres à exprimer les teintes neutres.
Quoi de plus doux pour l’adversaire en pensée que de sentir la présence de l’adversaire. […] Il est le premier de sa race qui est forcé de filer doux. […] Le Juif est forcé de filer doux dans les siècles et dans les siècles : de là le raidissement éternel de leurs nuques. […] (Il ne pensait qu’à sa mort physique, car un homme capable d’une aussi douce parole, et aussi profondément innocente, ne portait évidemment aucune trace de cet endurcissement de l’âme qui aboutit à la mort spirituelle). — Quel dommage, (disait-il), qu’il faille renoncer à la vie.
Le dénouement n’en est pas plus doux. […] Cela fait un total énorme de destinées moyennes, sans fortes initiatives, sans événements importants, d’une monotonie assez douce. […] Coppée, énumérant ses poètes favoris, dans les Intimités, célèbre : Non ceux que le lyrisme emporte aux fiers sommets, Mais les doux, les souffrants, mais Sainte-Beuve, mais… Et Baudelaire, élève alors sur les bancs de ce même lycée Louis-le-Grand, vers 1838 ou 40, — je n’ai pas la date exacte dans ma mémoire, — adressait à ce même Sainte-Beuve une épître où je relève cet admirable cri, égal aux plus poignants des Fleurs du mal : … Tous les êtres aimés Sont des vases de fiel qu’on boit les yeux fermés. […] Cette évidence qui me remplit d’espoir, au point que cette lecture de Busch m’est presque douce dans son affreuse amertume, l’Empereur allemand doit la voir, et bien plus forte que moi, chaque fois qu’il pense à Sedan.
Il habitait, avec son père et sa mère, au quatrième étage d’une maison de la rue de Tournon, dans un logis bien modeste, dont le minuscule salon lui était réservé, pour qu’il pût y travailler en paix, par cette excellente mère, la seule servante de ce pauvre intét rieur, et si fine de physionomie, si douce de manières ! […] Et encore : … Les mortes en leur temps jeunes et désirées, D’un frisson triste et doux troublent nos sens rêveurs. […] Ton doux pays, Tes parents quittés, ta fiancée ; Moi, mon existence dépensée En vœux trahis… et ne pas y reconnaître l’accent d’un cœur trop aisément blessable par la vie ?
Il amène cette pauvre douce femme qui pleure et résiste.
Ainsi que la douce saveur de quelques gouttes de miel disparaît dans une vaste quantité d’eau, de même l’affection que font naître ces noms si chers se perdra dans un État où il sera complètement inutile que le fils songe au père, le père au fils, et les enfants à leurs frères.
Considérons ce qu’elle peut devenir, lorsque, se livrant tout entière à cette poursuite, elle s’élève par ce noble élan du fond des flots qui la couvrent aujourd’hui, et qu’elle se débarrasse des cailloux et des coquillages qu’amasse autour d’elle la vase dont elle se nourrit, croûte épaisse et grossière de terre et de sable10. » Puis, dans cette sage conciliation que Platon a tentée entre le sensualisme ionien et l’idéalisme de Mégare, il employait la douce ironie qu’il avait apprise de Socrate, à se moquer « de ces hommes semés par Cadmus, de ces vrais fils de la terre, qui soutiennent hardiment que tout ce qu’ils ne peuvent pas palper n’existe en aucune manière ; de ces terribles gens qui voudraient saisir l’âme, la justice, la sagesse, ou leurs contraires, comme ils saisissent à pleines mains les pierres et les arbres qu’ils rencontrent, et qui n’ont que du mépris, et n’en veulent pas entendre davantage, quand on vient leur dire qu’il y a quelque chose d’incorporel11 ».
La haine sauvage dont il fit preuve en d’autres circonstances, envers le doux et inoffensif Fénelon, montre bien que la violence lui était naturelle.