/ 2099
310. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 8, des differens genres de la poësie et de leur caractere » pp. 62-63

S’il est permis de parler ainsi, l’esprit est d’un commerce plus difficile que le coeur.

311. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il est bien difficile de le dire et, en tout cas, inutile ; car ce n’est pas à ce stade de développement de la vie mentale que s’exerce la réflexion volontaire. […] Quant aux images ou extraits d’images, adjoints au mot, il serait bien difficile de dire ce qui reste en eux des mouvements inclus dans les perceptions originelles. […] Ceci s’accorde d’ailleurs avec ce fait d’expérience que la réflexion abstraite est impossible pour beaucoup de gens, difficile et fatigante pour presque tout le inonde. […] Ce château est intérieur, dans notre âme ; il n’y a pas à sortir de nous pour y pénétrer ; mais la route est longue et difficile. […] Mais nous avons aussi noté incidemment ce fait d’observation vulgaire que, dans l’état de fatigue, d’épuisement, l’attention est très difficile, souvent impossible, toujours sans durée.

312. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

» Les difficiles ont beau dire, ils ne nous empêcheront pas d’étudier cette iconographie, incomplète, je le veux bien, mais enfin quelle chose est complète ici-bas ? […] Ainsi crient-ils ; demandez-leur cependant, à ces difficiles, quel âge ils ont en effet, eux qui parlent ? […] L’âge mûr est le creuset de tes mérites, et le monde, étonné de tes cheveux blancs, va savoir enfin ce que tu vaux par toi-même, ou si vraiment tu étais assez bien doué pour atteindre à la palme ardue et difficile ! […] Sa mère jouait la comédie, et aussi sa jeune tante dont la beauté était célèbre dans un temps où il était difficile de se faire remarquer parmi tant de beaux visages. […] Chose difficile cependant, même une résurrection d’une heure !

313. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Il est difficile, en général, de ramener à l’unité l’œuvre éparse d’un critique ; il est délicat surtout de prétendre saisir le point central et le noyau de ces organisations de plus d’étendue que de relief. […] Magnin, toujours curieux jusqu’à être subtil, se pique de distinguer entre des genres bien voisins, de reconnaître les farces qui étaient dues aux basochiens et celles qui appartenaient au répertoire des Enfants sans souci ; il est difficile, en bien des cas, d’établir la distinction et de marquer la limite. […] Il serait difficile cependant de surprendre dans aucun des articles écrits par lui, qui se rapportent à sa dernière période de croyance, la moindre trace de ses préoccupations austères et sombres, si ce n’est peut-être dans un article du Journal des Savants d’octobre 1859 : à l’occasion d’un livre de M.  […] Je n’ai point à entrer dans le récit de sa fin, dans les particularités de son testament, par lequel il demandait à être transporté à Salins après sa mort, léguant de plus à cette ville une partie de son bien, moyennant des conditions ou intentions à long terme qui paraissent difficiles à remplir.

314. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Si cela est vrai, comme nous le disons, des hautes époques et des Siècles de Louis XIV, cela ne l’est pas moins des époques plus difficiles où la grande gloire est plus rare, et qui ont surtout à se défendre contre les comparaisons onéreuses du passé et le flot grossissant de l’avenir par la réunion des nobles efforts, par la masse, le redoublement des connaissances étendues et choisies, et, dans la diminution inévitable de ce qu’on peut appeler proprement génies créateurs, par le nombre des talents distingués, ingénieux, intelligents, instruits et nourris en toute matière d’art, d’étude et de pensée, séduisants à lire, éloquents à entendre, conservateurs avec goût, novateurs avec décence. […] Cela est plus difficile et on y réussit souvent bien moins qu’aux premiers abords, déjà si difficiles à surmonter. […] Villemain, semblent briller d’une nuance radoucie de son talent, je ne veux pourtant pas oublier ici un maître bien goûté de ceux qui l’approchent, et qui soutient une partie du difficile héritage.

315. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Je voulais essayer mon talent, encore douteux pour moi-même, dans une grande œuvre en prose ; l’histoire me paraissait et me paraît encore la première des tragédies, le plus difficile des drames, le chef-d’œuvre de l’intelligence humaine, la poésie du vrai. […] C’est la plus difficile des libertés à établir consciencieusement, mais c’est la plus sainte et la plus favorable à l’action religieuse sur les sociétés dont l’âme est toujours une foi libre. […] Il m’avait tout offert, avec des instances qui rendaient le refus difficile à un cœur touché de ses embarras ; j’avais tout refusé. […] Sentir m’était aisé, savoir était plus difficile ; j’y mis tous mes soins.

316. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Ce passage y est, d’ailleurs, moins difficile à effectuer qu’en psychologie. […] Les faits sont peut-être plus difficiles à interpréter parce qu’ils sont plus complexes, mais ils sont plus faciles à atteindre. […] Ce qui rend cet affranchissement particulièrement difficile en sociologie, c’est que le sentiment se met souvent de la partie. […] Dès lors, chaque homme cherche naturellement à se procurer une femme et une seule, parce que, dans cet état d’isolement, il lui est difficile d’en avoir plusieurs.

317. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Les phrases de ces secrétaires sont difficiles à citer, tant elles sont longues, chargées de parenthèses et d’incidences : les phrases d’Homère ou celles d’Hérodote ne sont pas plus difficiles à ponctuer que les leurs. […] Rosny fut toujours d’humeur assez difficile et assez ombrageuse ; mais sa prudence précoce eut pourtant de la jeunesse ; il eut ses heures de bonne grâce, ses conversations avec les dames, son art de les entretenir et de les faire parler.

318. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Il fit durant les six mois qu’il resta à Paris une conquête plus difficile que ne l’était celle de Mme Necker : il acquit la bienveillance de Mme Du Deffand, si susceptible en fait d’ennui, et qui trouva sa conversation « charmante et facile ». […] Lord Sheffield, livré par goût à la vie active et publique, était à quelques égards plus difficile à contenter que lui ; il avait besoin des ressources d’un monde dont Gibbon se passait très bien : Vous êtes toujours, lui écrivait ce dernier, à la recherche du savoir, et vous n’êtes content de votre monde qu’autant que vous en pouvez tirer information ou amusement peu commun. […] Il apprit, au printemps de 1793, que la femme de son ami lord Sheffield venait de mourir ; il n’hésita pas à voler vers lui, à se mettre en route pour l’Angleterre par l’Allemagne, et à faire ce voyage depuis quelque temps différé, que les circonstances présentes et la guerre engagée rendaient alors plus difficile.

319. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Bonne et fidèle amie, sûre, vraie, droite, aisée à prévenir et à choquer, fort difficile à ramener ; grossière, dangereuse à faire des sorties publiques ; fort Allemande dans toutes ses mœurs, et franche ; ignorant toute commodité et toute délicatesse pour soi et pour les autres, sobre, sauvage et ayant ses fantaisies. […] Elle parle de tout indistinctement comme un homme, n’est jamais dégoûtée en paroles, et n’y va jamais par quatre chemins quand elle a à exprimer quelque chose qui serait difficile et embarrassant pour toute autre. […] Mais il n’est pas besoin de ce genre d’explication avec une nature si aisée à prévenir, si difficile à ramener, et que tout mettait en opposition et en contraste avec le point de départ et le procédé de Mme de Maintenon.

320. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il n’avait pas cette doctrine austère et plus difficile qui élève et perfectionne l’âme en vieillissant, celle que connurent les Dante, les Milton, les Haydn, les Beethoven, les Poussin, les Michel-Ange, et qui, à n’y voir qu’une méthode sublime, serait encore un bienfait. […] Ce public, tel que nous le connaissons aujourd’hui, ne serait pas si difficile sur son plaisir : qu’on lui offre seulement quelque chose d’un peu vrai, d’un peu touchant, d’honnête, de naturel et de profond, soit en vers, soit en prose, et vous verrez comme il applaudira. […] Beyle a arrangé ce livre de manière à se l’approprier, et il a cherché à déguiser son plagiat par des changements, des additions et des transpositions qui rendent difficile la recherche des passages que l’on voudrait comparer.

321. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

On le trouve, en 1788, faisant l’office de secrétaire auprès du comte de Périgord, commandant de la province de Languedoc, au milieu de la crise difficile qui se termina par la suppression des parlements : le comte de Périgord lui reconnut une prudence et une mesure au-dessus de son âge. […] Le conseil habituel du père Lefebvre à son jeune ami, c’est de profiter de son heureuse flexibilité qui tend à se porter sur toutes sortes de genres et de sujets, mais de ne s’y point livrer trop rapidement, d’attendre avant de publier : « L’âge est le meilleur des Aristarques. » Ses scrupules de traducteur, dans le travail qu’il avait entrepris sur la Bible, fatiguaient et consumaient le père Lefebvre : « Ce métier de traducteur dont je me suis occupé toute ma vie, disait-il, me paraît toujours plus difficile à mesure que j’avance, soit que l’âge me glace le sang, soit que mon goût s’épure à force d’approfondir ; une page de traduction m’épuise pour huit jours. » Et ailleurs : Je suis revenu de la campagne à la ville, mais j’étais si essoufflé qu’il m’a fallu un grand mois pour reprendre haleine. […] C’est dans cette guerre pénible de Suisse où l’on manquait de tout, où il fallait faire venir les grains de France, c’est-à-dire de la distance de quatre-vingts lieues, par des chemins difficiles ; où l’argent aussi venait de France, mais rarement et en petite quantité ; où le personnel des commissaires des guerres était insuffisant d’abord, et où les choix n’étaient pas toujours tels qu’il l’aurait voulu ; c’est au milieu de ces difficultés de tout genre que Daru s’aguerrit au rôle d’intendant en chef et de pourvoyeur des grandes armées ; sa réputation de capacité et de rigidité date de là.

322. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Henri IV était le seul homme qui eût pu calmer, et il y arrivait par son habileté, par sa justice, par sa force si bien tempérée d’adresse ; il mourut trop tôt, et, après lui, il était bien difficile que les ferments mal apaisés, et qu’excitait derechef l’air du dehors, ne se renflammassent pas. […] Une paix alors se marchande et se conclut, que Richelieu au début de ses grands desseins ne rend pas trop difficile, que les ambassadeurs d’Angleterre et de Hollande, deux puissances pour lors alliées de la France, conseillent impérieusement aux réformés, et dont Rohan a l’air de triompher plus qu’il ne convient. […] Il le redira plus tard en vingt endroits : « Qui a affaire à un peuple qui ne trouve rien de difficile à entreprendre, et qui, en l’exécution, ne pourvoit à rien, se trouve bien empêché. » Il souhaite à ceux qui viendront après lui « d’avoir autant d’affeclion, de fidélité et de patience qu’il en a eu, et de rencontrer des peuples plus constants, plus zélés et moins avares. » Cette âme fière, ce capitaine énergique fait pour commander, cette nature aristocratique, ambitieuse de grands desseins et entravée à chaque pas, avait dû beaucoup souffrir.

323. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

La vérité sur les hommes comme sur les choses est difficile à trouver, et quand elle est trouvée une fois, elle n’est pas moins difficile à conserver. […] Le succès même a toujours quelque chose d’avilissant par le soin qu’on a d’encourager je ne sais quels bateleurs d’Italie à tourner le sérieux en ridicule et à gâter le goût dans le comique (allusion aux parodies qu’on faisait de ses pièces)… J’ai toujours été indigné pour vous et pour moi, que des travaux si difficiles et si utiles fussent payés de tant d’ingratitude ; mais à présent mon indignation est changée en découragement.

324. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Les critiques, de nos jours, sont plus ou moins comme les moutons de Panurge : il leur est bien difficile de ne pas sauter les uns après les autres, toutes les fois que se présente un nouveau sujet. […] Votre sort est à peine ébauché, vous serez épouse et mère, et c’est dans le centre de ces heureuses affections que vous coulerez des jours dont le reflet encore suffira pour embellir ceux de vos amis. » A tout moment elle trahit son impétuosité de cœur, son fonds de nature première, avec une expansion que plus tard elle réprimera : «… Je suis plus difficile à guérir que le roi d’Angleterre (Georges III, qui avait des temps de folie) ; quel est donc votre talent si vous y réussissez ? […] Il semble apparemment plus difficile et plus beau de revenir de près que de loin.

325. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

C’est ce qu’il est difficile d’admettre. […] L’impression que me lit cette déclaration est difficile à peindre : je n’y retrouvais point l’homme que j’avais entendu, ni celui qu’on m’avait signalé, ni celui dont, je connaissais l’histoire ; mais je n’avais pas le droit de lui demander compte de sa conduite ; ses talents m’étaient connus. […] Le Musée britannique possède la lettre autographe qu’il écrivit à cette occasion à l’abbé Raynal, et qui est datée d’Ajaccio, l’an 1er de la liberté (1790) : « Monsieur, il vous sera difficile de vous ressouvenir, parmi le grand nombre d’étrangers qui vous importunent de leur admiration, d’une personne à laquelle vous avez bien voulu faire des honnêtetés.

326. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il explique plus qu’il ne peint, mais une pénétration ingénieuse éclaire tous ses récits : et dans l’art si difficile de l’histoire, l’étendue et la précision des recherches, l’intelligence exacte des grandes choses, et le talent d’écrire soutenu dans un long ouvrage, sont des qualités rares, dignes d’un succès durable. […] Malgré ces défauts que je ne cherche pas à dissimuler, et quoiqu’elle reste assez difficile à lire dans toute sa continuité pour les esprits qui ne sont pas très sérieux et attentifs, l’Histoire de M.  […] Il est difficile de croire que cette sorte d’inimitié personnelle contre Retz ne l’ait pas entraîné à quelques excès en sens contraire ; tout ce que Retz met en relief, par exemple, il affecte de l’éteindre et de l’effacer.

327. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Car un tel don est difficile à ménager et à conduire avec prudence, avec discrétion, et en n’en abusant jamais. Salomon a dit quelque part dans le livre des Proverbes : « Comme on voit se réfléchir dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les cœurs des hommes sont à découvert aux yeux des sages. » Mais il est difficile de rester prudent et sage quand on lit à ce degré jusqu’au fond dans l’âme des autres hommes ; il est difficile, même lorsqu’on n’en abuserait point pour des fins intéressées et sordides, de ne point haïr, de ne point mépriser, de ne point marquer ses propres antipathies et ses instincts ; et le faible de Saint-Simon comme homme, de même qu’une partie de sa gloire comme peintre, est de s’être livré avec passion et flamme à tous les mouvements de réaction que cette seconde vue, dont il était doué, excitait en lui.

328. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Il a remarqué que, dans son pays de Langres, les vicissitudes de l’atmosphère sont telles, qu’on passe en vingt-quatre heures du froid au chaud ; du calme à l’orage, du serein au pluvieux, et qu’il est difficile que cette mobilité du climat n’aille pas jusqu’aux âmes : Elles s’accoutument ainsi, dès la plus tendre enfance, dit-il, à tourner à tout vent. […] Quiconque lira Diderot saura bien reconnaître ce que nous voulons indiquer, et dont il est difficile d’administrer des preuves. […] Goethe, toujours plein d’une conception et d’une ordonnance supérieures, a essayé d’y trouver un dessin, une composition, une moralité : j’avoue qu’il m’est difficile d’y saisir cette élévation de but et ce lien.

329. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Les grands événements dont il était témoin et en partie victime dégagèrent en lui la pensée forte et un peu difficile, et ce fut aux coups redoublés de l’orage qu’il sentit qu’il avait des vérités à exprimer. […] Mis même en circulation et livré à la publicité, il n’aurait pu avoir d’ailleurs aucune influence à cause de sa forme obscure, difficile et dogmatique. […] Dans la Législation primitive, le corps du livre, qui ne se compose que d’une suite de propositions et d’axiomes souvent très contestables, rangés et numérotés comme les pierres d’un édifice non construit, ou comme une table de matières, a paru et paraîtra toujours d’une lecture difficile et ingrate.

330. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il sera toujours difficile de répondre à ce genre de plaisanterie, et même de n’y pas prendre part, lorsqu’on relit de sang-froid les odes, même célèbres, des modernes, où il entre tant d’emphase, de grands mots, d’images fastueuses, eu disproportion avec la réalité, et où il faut, pour se mettre au ton, imiter tout d’abord, en les récitant, ce qu’on a appelé le mugissement lyrique. […] Il vise lui-même à remplir quelques-unes de ces conditions difficiles qu’il impose au génie ; il sait qu’une muse n’atteindra jamais aux beautés sévères, « si elle n’a point le courage d’acquérir dans le silence littéraire cette mâle vigueur que ne sauraient énerver ni le bon ton ni la bonne compagnie : Ceux dont le présent est l’idole Ne laissent point de souvenir : Dans un succès vain et frivole Ils ont usé leur avenir. […] Une des choses auxquelles il est le plus difficile de s’accoutumer en jugeant les hommes, c’est de maintenir la part de leurs talents ou de leurs qualités, après qu’on a reconnu celle de leurs défauts ou de leurs vices.

331. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Et quant au moral de l’homme, il a dit : « On l’avait surnommé l’incorruptible ; il l’était en effet comme ceux qui veulent tout prendre à la fois. » Il a rendu avec une entière vérité, comme témoin et comme acteur, le mouvement impétueux et confus, le sentiment d’explosion de cette jeunesse thermidorienne qui savait ce dont elle ne voulait plus, mais pas encore ce qu’elle voulait, qui avait appuyé la Convention contre Robespierre, et qui prétendait chasser la Convention devant une opinion qui n’était pas mûre encore : « Jamais peut-être, nous dit Fiévée, l’ancienne royauté ne fut plus complètement oubliée qu’à cette époque ; nous n’étions pas encore assez difficiles pour y penser. » Pour lui, paresseux, une fois sorti de ses habitudes, il est précis, prudent, prévoyant, très hardi les jours d’action. […] Fiévée montre au Premier consul la société telle qu’elle est véritablement au fond, lasse, épuisée, se reprenant à une espérance précaire sitôt que quelques bons symptômes reparaissent : « On peut dire des peuples qui sont entrés dans la carrière des révolutions, qu’après s’être fatigués d’idées et d’espérances, ils retombent lourdement sous le joug de leurs besoins. » Il montre cette situation favorable à tout pouvoir qui s’élève, mais bien difficile à ménager : La Révolution ayant exagéré toutes les espérances populaires et n’ayant produit qu’un plus grand malaise, le peuple, toujours dupe de ceux qui l’exaltent, attendait tant de ses flatteurs qu’on ne peut rien faire pour lui qui approche de ce qu’on lui avait promis. […] Il signale, à cette date, l’absence de toute règle et de toute direction dans les écoles du gouvernement : « En ne considérant que les résultats, on trouverait que le gouvernement paye aujourd’hui pour que l’on instruise des hommes qui deviendront de plus en plus difficiles à gouverner. » Toutes ces idées de M. 

332. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Ces nuages s’obscurcissent, s’épaississent, descendent et vont couvrir le haut d’une fabrique qui occupe le côté droit de la scène, s’enfonce dans le tableau et fait face au côté gauche ; c’est un hôpital, partie importante du local dont il est difficile de se faire une idée nette, même en la voyant. […] Il est difficile d’exécuter un tableau d’après une description donnée et détaillée, il l’est peut-être encore davantage de l’exécuter d’après une estampe. […] Le groupe des deux figures dont l’une se déchire les flancs (quoiqu’il y ait peut-être dans Rubens ou ailleurs un possédé que Doyen ait regardé), sera toujours d’un grand maître ; que s’il a pris cette figure, c’est ut conditor et non ut interpres, et que ce Greuze qui lui en fait le reproche n’a qu’à se taire, car il ne serait pas difficile de lui cogner le nez sur certains tableaux flamands où l’on retrouve des attitudes, des incidents, des expressions, trente accessoires dont il a su profiter, sans que ses ouvrages en perdent rien de leur mérite.

333. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

C’est une suite d’articles de critique sur des sujets consanguins, réunis, pour tout procédé de composition, par le fil du brocheur, et sous le couvert d’une préface, car faire un livre n’est pas maintenant plus difficile que cela ! […] Mais les faire pardonner au monde, c’est plus difficile et plus grave, et telles sont la prétention et la politique du livre de M.  […] Comme tous les savants qui n’ont point la hauteur de la vue adéquate à l’état de leurs connaissances, il aime les bagatelles difficiles.

334. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Louer les Athéniens devant les Athéniens et faire accepter le portrait n’est pas la chose la plus difficile : « Mais s’il fallait, dit quelque part Socrate, louer les Athéniens parmi les gens du Péloponèse, ou ceux du Péloponèse parmi les Athéniens, c’est alors qu’il faudrait bien de l’habileté pour persuader son auditoire37. » Hâtons-nous de dire que si M.  […] Il semblerait difficile, à son point de vue, avec les données qu’il s’est imposées, parlant au nom d’une société établie, au nom d’un esprit ordonné et constitué, et comme entre les colonnes d’un tribunal souverain, qu’il le jugeât autrement.

335. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Mais justement il est difficile de distinguer ce qui, dans la beauté totale de quelques-uns de leurs vers, revient au sentiment et ce qui revient à la forme. […] Et à ce scrupule de poètes irréprochables se mêlait naturellement un orgueil aristocratique, la fierté et peut-être aussi l’affectation de ne jamais traduire dans la langue des dieux aucune émotion vulgaire, de se confiner dans des impressions exquises, rares, difficiles, inaccessibles à la foule.

336. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Peut-être si le baptiste, à l’autorité duquel il lui aurait été difficile de se soustraire, fût resté libre, n’eût-il pas su rejeter le joug des rites et des pratiques extérieures, et alors sans doute il fût resté un sectaire juif inconnu ; car le monde n’eût pas abandonné des pratiques pour d’autres. […] La « réforme de toutes choses 357 » voulue par Jésus n’était pas plus difficile.

/ 2099