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1101. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

La conjecture de Malone perdit tout à coup tout crédit, quand on eut retrouvé, en 1825, un exemplaire du Hamlet de Shakespeare, différent, par la date comme par le texte, du Hamlet jusqu’alors connu. […] Il semble que Shakspeare ait voulu peindre ici, sous leurs différents points de vue, les premiers beaux jours d’un heureux mariage. […] Les Joyeuses Bourgeoises de Windsor offrent une action toute différente, présentent Falstaff dans une autre situation, sous un autre point de vue. […] Le choix entre différentes versions est d’ailleurs le droit le moins contesté et le moins contestable des auteurs dramatiques. […] Cet événement a été considéré sous différentes faces, et une anecdote assez singulière nous a révélé l’existence d’une autre tragédie sur le même sujet, antérieure, à ce qu’il paraît, à celle de Shakspeare, et traitée dans un esprit tout différent.

1102. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Thiers est de ceux qui, bien différents en ce point de plusieurs autres esprits distingués et dédaigneux de ce temps-ci, ne se rebutent jamais du simple, et il se réservait d’en relever ce qui touchait au commun par la vivacité et l’à-propos de ses aperçus. […] Il s’est nommé le prieur de Saint-Savin ; les habitants lui en ont donné le titre, et il a obligé l’évêque même à le lui conserver Je me rendis de nouveau sur la terrasse pour jouir d’un spectacle tout différent, celui de la vallée délivrée des brouillards, fraîche de la rosée et brillante du soleil. […] Les Tablettes furent la première tentative d’union entre les jeunes générations venues de bords différents, celle des proscrits de l’Université (Jouffroy, Dubois, etc.), les jeunes doctrinaires, fleur des salons sérieux (M. de Rémusat en tête), et les deux méridionaux directement voués à la révolution, MM. […] Quand on est arrêté, c’est différent ; on veut plus de réflexion, plus de philosophie, on réagit contre les faits ; mais, pour se laisser guider au fil du courant, rien de plus séduisant, de mieux vu et de plus rapide ; les obstacles disparaissent, sont aplanis.

1103. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Le tragique, ce n’est pas le sort des personnages, le châtiment effroyable du crime ou le malheur attendrissant de l’innocence ; c’est la contradiction accidentelle des différentes phases de la Vérité morale, formant pour l’imagination poétique le cercle des Dieux190 et leur retour nécessaire à l’identité. […] En effet, la substance identique et impersonnelle de Dieu se dissout dans la mythologie en un cercle de divinités différentes et même contradictoires, qui sont autant de personnes morales, et comme l’antiquité païenne ne conçoit pas encore la personne morale sous la forme de l’esprit immatériel, ces divinités ont un corps ; dès lors elles sont sujettes à toutes les passions humaines208. […] Car il n’y a que ces deux moments principaux de l’action qui puissent, dans la division de la poésie dramatique, s’opposer l’un à l’autre comme genres différents. […] Ainsi Aristophane, dans les Parabases, se met en rapport de différentes façons avec le public athénien.

1104. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Cette législation spéciale s’appelle discipline ; les hommes qui composent nos armées sont extraits par différents modes, coercitifs ou volontaires, de la population jeune du pays ; ces hommes reçoivent une modique solde pour enlever toute excuse au pillage, cet abus de la force dans le pays ami, cette stérilisation des ressources dans les pays conquis ; ces hommes reçoivent des armes de différente nature, selon les corps distincts dans lesquels ils sont enrôlés ; ces hommes reçoivent une éducation militaire conforme aux différents usages que le général se propose de faire de leurs armes distinctes dans la proportion numérique de ces différentes armes pendant ses campagnes : infanterie, cavalerie, artillerie, génie, baïonnettes, fusils, canons de campagne, canons de siège, passages des ponts, transports militaires, ambulances ou hôpitaux suivant l’armée.

1105. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

« Ces hommes, et ceux qui leur ressemblent, dit Goethe, sont des natures de génie, pour lesquelles tout est différent ; ils ont dans leur vie une seconde puberté, mais les autres hommes ne sont jeunes qu’une fois. — Chaque âme est un fragment de l’éternité, et les quelques années qu’elle passe unie avec le corps terrestre ne la vieillissent pas. — Si cette âme est d’une nature inférieure, elle sera peu souveraine pendant son obscurcissement corporel, et même le corps la dominera ; elle ne saura pas, quand il vieillira, le maintenir et l’arrêter. — Mais si, au contraire, elle est d’une nature puissante, comme c’est le cas chez tous les êtres de génie, non seulement, en se mêlant intimement au corps qu’elle anime, elle fortifiera et ennoblira son organisme, mais encore, usant de la prééminence qu’elle a comme esprit, elle cherchera à faire valoir toujours son privilège d’éternelle jeunesse. […] Entre les chants, les Tyroliens jouèrent différentes danses nationales, sur une espèce de cithare couchée, avec un accompagnement de flûte traversière d’un son clair. […] Ces dames et ces messieurs désirent peut-être aller au théâtre de meilleure heure. » Cette hâte paraît singulière à Goethe, puisqu’il était à peine quatre heures ; cependant il consent et se lève ; nous nous dispersons dans les différentes pièces de la maison. […] « J’avais pensé, disait-il, que je partirais avant lui ; mais Dieu dispose tout comme il le trouve bien, et à nous autres pauvres mortels il ne reste rien qu’à tout supporter, et à rester debout comme il le veut et tant qu’il le veut. » La nouvelle funèbre trouva la grande-duchesse mère à son château d’été de Wilhelmsthal ; les jeunes princes étaient en Russie. — Goethe partit bientôt pour Dornbourg, afin de se soustraire aux impressions troublantes qui l’auraient entouré chaque jour à Weimar, et de se créer un genre d’activité nouveau et un entourage différent. — Il lui était venu de France des nouvelles qui le touchaient de près et qui avaient réveillé son attention ; elles l’avaient ramené une fois encore vers la théorie du développement des plantes. — Dans son séjour champêtre il se trouvait très bien placé pour ces études, puisqu’à chaque pas qu’il faisait dehors il rencontrait la végétation la plus luxuriante de vignes grimpantes et de plantes sarmenteuses.

1106. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Je fus frappé d’abord d’un fait singulier, c’est la séparation, l’isolement des différentes branches de l’art réunies autrefois dans le drame complet. Associés successivement, appelés à coopérer tous à un même résultat, les arts avaient fourni, par leur concours, le moyen de rendre intelligibles à un peuple assemblé les buts les plus élevés et les plus profonds de l’humanité ; puis les différentes parties constituantes de l’art s’étaient séparées, et désormais, au lieu d’être l’instituteur et l’inspirateur de la voix publique, l’art n’était, plus que l’agréable passe-temps de l’amateur, et, tandis que la multitude courait aux combats de gladiateurs ou de bêtes féroces dont on faisait l’amusement public, les plus délicats égayaient leur solitude en s’occupant des lettres ou de la peinture. […] Dans un traité sur l’art de diriger le drame (1869) il posera l’idéal du chef d’orchestre, menant l’œuvre entière et non la musique seule, si différent des chefs d’orchestre d’opéra. […] On voit dans cet article combien les termes de wagnéristes, de wagnériens peuvent avoir des sens différents selon les contextes.

1107. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Une seule fois je me suis expliqué en français, dans la préface de la traduction de mes quatre principaux opéras, sur les relations des nations romanes avec les Allemands et sur la mission différente qui me paraît incomber à celles-là et à ceux-ci. […] Ainsi, Wagner et Tolstoï, forcés à des règles détaillées du renoncement, les donnent différentes, suivant la différence de leur race et de leur esprit, et la différence des désirs égarant leurs paroles, dans le vain rêve cruel de la vie égoïste. […] Cependant, sous la profonde parité des théories, nous éprouvons, lisant les deux livres, deux étrangement différentes émotions. […] Wilder donne la perfection de la traduction vulgarisatrice : sa traduction est exacte de sens ; elle est écrite littérairement ; elle est claire, tellement que les Allemands qui ne comprendront point des vers de la Walkure en chercheront l’intelligence en la Valkyrie ; au lieu des mots inusités, inventés ou renouvelés, du texte allemand, les mots sont ordinaires ; la grammaire, traditionnellement correcte, n’a rien des insolites complications de la grammaire Wagnérienne ; la métrique Wagnérienne est abandonnée pour l’usuelle versification des poèmes dramatiques français, — le vers rimé (nécessaire à une œuvre populaire), non allitéré, coupé selon le goût français non correspondamment au vers allemand ; c’est une francisation de ces œuvres formidablement différentes, une simplification d’elles qui les popularisera et, éminemment, une vulgarisation.

1108. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Le rôle que Madame concevait pour elle en France était donc de préserver son pays natal des horreurs de la guerre, de lui être utile dans les différents desseins qui s’agiteraient à la cour de France et qui étaient de nature à bouleverser l’Europe. […] De secrets rapports font les nobles attachements d’estime et de respect ; et les grandes âmes, quoique les traits de leur grandeur soient différents, se sentent et se ressemblent.

1109. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Différent d’opinion avec elle sur un point délicat qui touche à la réputation de l’antique Lesbienne, il s’exprime avec une politesse et une galanterie inusitées chez les commentateurs : « Mlle Le Fèvre, dit-il, a eu sans doute ses raisons pour n’être pas de ce sentiment, et il faut avouer qu’elle a donné au sien toute la couleur qu’il était possible de lui donner. » Enfin, de même que deux jeunes cœurs se font des signes d’une fenêtre à l’autre ou à travers le feuillage des charmilles, Mlle Le Fèvre et M.  […] Ce poème est si différent de l’Iliade par sa nature, qu’il ne saurait produire des impressions semblables à celles qu’on reçoit de ce dernier ouvrage.

1110. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il semble qu’on ait tout dit à l’honneur des lettres et pour célébrer la douceur dont elles sont dans les différentes circonstances et aux différents âges de la vie ; il y a longtemps qu’on ne fait plus que paraphraser le passage si connu de Cicéron plaidant pour le poète Archias : « Haec studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant… », Frédéric nous offre une variante piquante à cet éloge universel des lettres et de l’étude ; il va jusqu’à prétendre, sans trop de raffinement et d’invraisemblance, que toutes les passions (une fois qu’elles ont jeté leur premier feu) trouvent leur compte dans l’étude et peuvent, en s’y détournant, se donner le change par les livres : Les lettres, écrit-il au prince Henri (31 octobre 1767), sont sans doute la plus douce consolation des esprits raisonnables, car elles rassemblent toutes les passions et les contentent innocemment : — un avare, au lieu de remplir un sac d’argent, remplit sa mémoire de tous les faits qu’il peut entasser ; — un ambitieux fait des conquêtes sur l’erreur, et s’applaudit de dominer par son raisonnement sur les autres ; — un voluptueux trouve dans divers ouvrages de poésie de quoi charmer ses sens et lui inspirer une douce mélancolie ; — un homme haineux et vindicatif se nourrit des injures que les savants se disent dans leurs ouvrages polémiques ; — le paresseux lit des romans et des comédies qui l’amusent sans le fatiguer ; — le politique parcourt les livres d’histoire, où il trouve des hommes de tous les temps aussi fousaf, aussi vains et aussi trompés dans leurs misérables conjectures que les hommes d’à présent : — ainsi, mon cher frère, le goût de la lecture une fois enraciné, chacun y trouve son compte ; mais les plus sages sont ceux qui lisent pour se corriger de leurs défauts, que les moralistes, les philosophes et les historiens leur présentent comme dans un miroir.

1111. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Mais le journal que l’abbé Le Dieu s’est avisé de tenir durant des années, et qu’il a commencé quatre ans environ avant la mort de Bossuet pour le poursuivre presque jusqu’à l’époque de sa propre mort (1699-1713), est d’un caractère tout différent, et j’ai peine à ne pas regretter qu’il ait été publié in extenso : car il ne fait honneur à personne. […] C’est là où Son Éminence écoute les dames, les prélats et les puissants de la terre, qui sont tous debout en différents coins, tandis que le cardinal occupe le milieu de la cheminée avec ceux qu’il entretient.

1112. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Lainé et son égal à l’entrée de la carrière, signalé comme lui à l’attention publique et aux honneurs du nouveau régime par le même acte de résistance au régime précédent, il sent bien vite quelle destinée différente ont faite à son ami ses talents d’orateur, et quelle disproportion de classement il en résulte entre eux dans l’opinion ; il en souffre, il s’abandonne tout bas au découragement et prend une part de moins en moins active aux discussions de la Chambre : J’en suis puni (écrivait-il à la fin de l’année 1814) par la perte de cette considération personnelle dont je jouissais il y a un an. […] Dans le journal très intéressant, et qui ne va plus discontinuer depuis lors, de ses impressions et de ses pensées, on suit parfaitement, sans en rien perdre, les différents temps et presque les motifs de ses désirs, de ses troubles et de ses transformations de doctrine.

1113. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Vous ne me connaissez pas encore assez pour me rendre une entière justice sur ces différents points. […] Ce ne peut être ni jalousie ni rivalité : vos génies sont différents ainsi que vos langages, ainsi que les matières que vous avez traitées.

1114. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Une nuit du mois de juin présente un coup d’œil différent et plus brillant peut-être, quoique moins animé ; c’est alors que les luciole ou mouches luisantes sont plus abondantes ; leur vol irrégulier et l’éclair passager qu’elles lancent et cachent tour à tour frappent et éblouissent presque les yeux. La montagne est étincelante ; si l’on abaisse les regards sur quelque vallon, il forme un lac de lumière ; la terre entière paraît électrisée et pétillé de toutes parts. » « L’hiver, auquel la neige est inconnue, présente aussi ses beautés : le gazon conserve sa verdure ; il est même émaillé de fleurs dont quelques-unes mériteraient une place dans les jardins, comme différentes anémones, toutes les espèces de narcisses, les jacinthes, les ellébores, etc.

1115. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Très peu d’esprits ont le loisir et la faculté de tout lire, d’avoir présents au même instant à la pensée les différents termes de comparaison, et de ne se décider qu’après examen et toutes pièces vues, toutes parties entendues. […] Elle donne des différents princes et des princesses de la famille Royale, de ses nouveaux parents, d’assez agréables esquisses et qui ressemblent encore.

1116. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Il nous force de lever en haut les yeux, et de les attacher uniquement sur cette montagne qu’il nous faut gravir par des sentiers différents, mais aboutissant tous au même point, et qui elle-même nous fournit, dans l’abondance des eaux qu’elle fait couler de son sein fécond, tous les secours nécessaires pour parvenir à son sommet… Oh ! […] La Mennais a mis à peine le pied sur la grande scène, qu’il conçoit l’idée d’un rôle bien différent, d’une action publique à exercer sur l’opinion, et il essaye d’y associer son aîné.

1117. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

J’ai retrouvé dans ma mémoire un vers qui va à ces deux si différentes humeurs : Le malheur est partout, mais le bonheur aussi. […] Dans un genre tout différent, M. de Talleyrand dut aussi songer d’assez bonne heure à M. 

1118. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Ces propos piquants et familiers de Benjamin Constant sont aussi inséparables de l’esprit et du caractère de l’homme que le peuvent être, par exemple, les mots de M.Royer-Collard dans un sens si différent. […] Et, pour prouver que je n’ai aucun parti pris après non plus qu’avant, je veux citer de lui une lettre encore, mais toute différente de celles qu’on connaît, une lettre fort simple en apparence, et qui a cela de remarquable à mon sens, qu’entre toutes les autres que j’ai vues, elle est la seule où il témoigne avoir un peu de calme et de contentement dans la tête et dans le cœur.

1119. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

« La vue de la misère cause différentes sensations chez les hommes. […] Leurs noms, prononcés par différentes nations, s’altérèrent dans des idiomes étrangers.

1120. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Ils ne sont pas si différents : le premier a plus de tendresse, et le second plus de dureté qu’on ne croirait. […] Résultats généraux du xvie  siècle Dans ce défilé rapide des écrivains du temps de Henri IV, on n’a pas eu de peine sans doute à saisir au passage quelques traits communs de ces physionomies si différentes.

1121. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Tel fait est pris sous un jour un peu différent de celui sous lequel on le vit d’abord ; on ajoute une réflexion que n’eût pas faite l’auteur des travaux originaux, mais qu’on croit pouvoir légitimement faire. […] À propos du célèbre passage Regnum meum non est de hoc mundo… NUNC AUTEM regnum meum non est hinc (Joann, XVIII, 36), plusieurs écoles, dans des intentions très différentes, ont insisté sur le vüv [en grec], et, le traduisant par maintenant, en ont tiré diverses conséquences.

1122. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Une espèce vivante, animale ou végétale, à mesure qu’elle se répand et occupe une aire plus étendue, se trouve exposée à des conditions fort différentes de climat, de sol, de lumière, de chaleur ; aussi la voit-on donner naissance à des variétés nombreuses. […] 3° La ségrégation : les forces en causant cette multiplication des effets produisent du mouvement en sens divers d’où résulte la convergence des unités mues dans le même sens, la divergence de celles qui sont mues en des sens différents.

1123. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Au sortir de cet élan romanesque, Rousseau rentre dans la réalité plus qu’il ne faudrait, en étalant à ces deux jeunes femmes, qu’il ne connaît pas, le détail de ses maux physiques, de ses infirmités : Vous parlez de faire connaissance avec moi ; vous ignorez sans doute que l’homme à qui vous écrivez, affligé d’une maladie incurable et cruelle, lutte tous les jours de sa vie entre la douleur et la mort, et que la lettre même qu’il vous écrit est souvent interrompue par des distractions d’un genre bien différent. […] Mais je ris de ma simplicité, de prétendre faire entendre raison sur une situation si différente à une femme de Paris, oisive par état, et qui, n’ayant pour toute occupation que d’écrire et recevoir des lettres, entend que tous ses amis ne soient occupés non plus que du même objet… Je sais, lui dit-il encore avec autant de vérité que d’amertume, je sais qu’il n’est pas dans le cœur humain de se mettre à la place des autres dans les choses qu’on exige d’eux.

1124. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Bazin est tout différent ; en s’attaquant directement aux mœurs du siècle, l’auteur a trouvé sa matière. […] Bien différent de l’historien moraliste Lemontey, avec qui il n’était pas sans quelque rapport, mais qui resta toujours académique dans le mauvais sens et précieux, son propre style, à lui, s’était simplifié ; les derniers écrits sortis de sa plume sont aussi ce qu’il a produit de mieux et de plus parfait : il était arrivé à l’excellent.

1125. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

L’auteur, en les terminant, a eu vraiment le droit d’en juger comme il l’a fait : « Je crois pouvoir dire qu’il n’y en a point eu jusqu’ici qui aient compris plus de différentes matières, plus approfondies, plus détaillées, ni qui forment un groupe plus instructif ni plus curieux. » Ces vastes mémoires, qui n’ont paru au complet qu’en 1829-1830, étaient dès longtemps connus et consultés par les curieux et les historiens ; Duclos et Marmontel s’en sont perpétuellement servis pour leurs histoires de la Régence. […] Deux ou trois incidents burlesques, tels que le bras du gros Suisse endormi, qu’on voit s’allonger tout à coup près du canapé, ou l’apparition de Madame, en grand habit de cour, pleurant et hurlant de douleur à tue-tête sans savoir pourquoi, viennent se joindre à ces différentes formes de deuil pour les varier et les égayer ; car Saint-Simon n’oublie rien de ce qui est dans la nature.

1126. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

M. de Bonald avait pris pour épigraphe cette phrase de Rousseau dans le Contrat social : « Si le Législateur, se trompant dans son objet, établit un principe différent de celui qui naît de la nature des choses, l’État ne cessera d’être agité jusqu’à ce que ce principe soit détruit ou changé, et que l’invincible nature ait repris son empire. » — M. de Bonald se réservait de prouver qu’ici la nature n’était autre chose que la société même la plus étroitement liée et la plus forte, la religion et la monarchie. […] La Législation primitive qui paraissait tout à côté du Génie du christianisme, et dans le même sens réparateur, était d’un genre bien différent : La vérité dans les ouvrages de raisonnement, disait M. de Bonald, est un roi à la tête de son armée au jour du combat : dans l’ouvrage de M. de Chateaubriand, elle est comme une reine au jour de son couronnement, au milieu de la pompe des fêtes, de l’éclat de sa cour, des acclamations des peuples, des décorations et des parfums.

1127. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Dans les années qui suivirent, il réforma les différentes parties de cette arme, il simplifia les calibres de campagne, rendit le matériel léger, d’un facile transport, et établit le système qui a fait le tour de l’Europe pendant toutes les guerres de l’Empire. […] Marmont n’avait à lui que 7 500 hommes d’infanterie appartenant à 70 bataillons différents, et par conséquent ne se composant que de débris, et 1 500 chevaux.

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