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2275. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Voici qui paraît bien français, et l’on croirait que nous ne sommes point au Monomotapa. […] Sans croire, comme certains philosophes, que la nature partage également bien tous ses enfans, il est pourtant certain que c’est l’éducation qui met, entre un homme et un autre, l’énorme différence qui s’y trouve quelquefois : c’est d’ailleurs une opinion qu’on ne saurait trop répandre, parce qu’elle est le meilleur moyen d’encourager les réformes que l’on peut faire dans l’éducation, réformes sans lesquelles il est impossible de changer les fausses opinions et les mauvaises mœurs. […] Cependant ce qui ferait croire que c’est le peuple qui parle, ce sont les vers suivans : V. 14….

2276. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Je l’ai lu sans partialité, et quoique je ne puisse être de son avis, je le crois très-propre à fortifier celui qui croit et à raffermir celui qui chancelle. […] Je crois toutefois qu’il ne faudrait admettre aux leçons de ces deux professeurs que le petit nombre des étudiants qui montreraient des dispositions singulières.

2277. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Elle avait toujours eu, je crois, le tort de n’être pas jolie. […] On saura maintenant si le bavardage effréné de ce bas-bleu qu’on appelle Mme Sophie Gay, au talent de qui nos pères ont cru avec tant de bonhomie ou de galanterie, peut être encore supporté et paraître quelque chose qui ressemble à du talent quelconque ! […] Il n’est rien d’impatientant comme la fausse gloire à tous les degrés… Mme Gay a vécu quatre-vingts ans à l’état de petite puissance littéraire… On la croyait presque une étoile, et ce n’était qu’un rat-de-cave, dont nous allons souffler le lumignon !

2278. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Le Romantisme, ce Résurrectionniste, en ravivant, aux lueurs de son flambeau, toutes les gloires du seizième siècle, de ce siècle que le dix-septième et le dix-huitième, descendants ingrats de pères plus grands qu’eux, avaient cru pouvoir effacer, le Romantisme avait laissé dans l’ombre cette petite gloire d’une traduction qui est un bijou… Tous ou presque tous de ce siècle qui a la beauté d’une aurore, depuis Rabelais, Montaigne, Ronsard, d’Aubigné, Régnier, Amyot, Desportes, jusqu’à Mathieu, le splendide Pierre Mathieu, qui écrivait sous Henri IV et qui précéda immédiatement cette littérature, exécutée comme la Noblesse et dont Malherbe et Despréaux vont tout à l’heure être les Richelieu et les Louis XIV, tous avaient eu leur édition ou du moins leur page d’histoire ou de critique qui disait la nécessité ou la convenance de l’édition, comme on a la niche, en attendant la statue. […] Courier, je crois, a été le dernier mécontent qui ait parlé, en grommelant, de Larcher, qu’on laissait en son pignon sur rue d’académicien et de traducteur d’Hérodote, attitré et accrédité. […] qui ne tendait la main qu’au renseignement historique et non pas, comme Homère, au morceau de pain ; malgré même ce sourire malin dans sa barbe, quand il dit ce joli mot naïf et fin dont il excusait ses commérages : « Je suis tenu de conter ce que l’on dit et non pas de le croire du tout ! 

2279. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Nous devons donc le croire, l’illustre historien s’est dit que des biographies n’étaient, en somme, ni moins importantes, ni moins nécessaires, que le récit des événements avec leur développement grandiose, et que là surtout, au contraire, était l’interprétation la plus intime de ces événements, le secret de l’humaine et divine comédie. Je ne sais pas si Guizot, à une autre époque de sa vie intellectuelle, n’a pas cru à cette généralisation, à cette abstraction, à cette panthéification (qu’on me passe le mot !) […] Il a laissé là tous ceux auxquels il serait malaisé à toutes les philosophies de l’histoire d’arracher l’influence et d’en faire les mystiques instruments d’une force cachée, idée ou chose, divinités abstraites de tous ceux qui ne croient pas au Dieu vivant et personnel, et il a choisi des individualités secondaires par-dessus lesquelles un esprit superficiel aurait passé.

2280. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Il avait enfin appartenu à la jeune Italie, à ce parti de terrassés qui ne se croient jamais vaincus, et ce n’était pas là pour nous des recommandations bien puissantes. […] J’ose penser… que, si les temps avaient été moins critiques, moins irritants, on n’aurait pas cru pouvoir consciencieusement me condamner à mort ni à de longues années d’une affreuse captivité. […] Au lieu de cette conduite sage et chrétienne, je croyais que l’on pouvait professer ouvertement l’opposition, et j’avais la folie de voir sous un aspect avantageux les sociétés secrètes qui pullulaient en Italie. » Voilà, à toute page de la Correspondance, le langage de Silvio Pellico.

2281. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

… Catherine II, qui n’avait pas vu Galiani aux soupers du baron d’Holbach, sa perruque sur le poing, arrachée, dans le feu de l’inspiration, de sa tête fumante, disait que : « quand elle avait devant elle une lettre de Galiani elle croyait avoir le Vésuve », et son imagination ne la trompait pas. […] Par le tour hardi de son esprit, qui méprisait la vérité bête et qui la croyait moins, à cause de sa bêtise, la vérité, Galiani était digne et peut-être capable d’écrire cette histoire qui épouvante les plumes timorées. […] Je ne le crois pas.

2282. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Esprits, du reste, tous les deux, qui sont des exemples et qui nous font dire, — et ce serait avec désespoir, si nous croyions à cette grande vanité de la philosophie, — qu’il n’y aura pas de gloire qui s’appelle en France, au dix-neuvième siècle, la gloire philosophique ! […] Saisset, un miaulement tigresque, — si je pouvais seulement ranimer une espérance… pacifier un cœur souffrant, je croirais que ces humbles pages n’ont pas été entièrement perdues. » Et dans la préface du Devoir : « J’ai combattu ces impiétés (l’impiété d’avoir condamné cet hérétique d’Abeilard et Descartes !!) […] Jules Simon n’est pas, comme on pourrait le croire, un ignorant en christianisme ; et malgré la simplicité, chère aux esprits vulgaires, de sa religion naturelle dont il nous donne les preuves humaines, psychologiques, individuelles et par conséquent peu obligatoires, ce qu’il y a d’illusionnant et de dangereux dans cette religion, à portée de toutes les faiblesses, c’est encore ce que le christianisme, dont l’action nous pénètre comme la lumière, y a versé d’influence secrète et démentie !

2283. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Il avait enfin appartenu à la jeune Italie, à ce parti de terrassés, qui ne se croient jamais vaincus, et ce n’était pas là pour nous des recommandations bien puissantes, Quoique nous reconnussions que l’accent du livre des Prisons ne fût pas un accent de la terre, cependant cet accent qui nous troublait, s’arrêtait à une certaine place de notre âme. […] J’ose penser… que, si les temps avaient été moins critiques, moins irritants, on n’aurait pas cru pouvoir consciencieusement me condamner à mort ni à de longues années d’une affreuse captivité. […] Au lieu de cette conduite sage et chrétienne, je croyais que l’on pouvait professer ouvertement l’opposition, et j’avais la folie de voir sous un aspect avantageux les sociétés secrètes qui pullulaient en Italie. » Voilà à toute page de la correspondance le langage de Silvio Pellico.

2284. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

A nos yeux, dès qu’un homme édite ses œuvres de jeunesse, c’est qu’apparemment il les croit dignes de sa maturité, et c’est que le temps ne l’a pas rendu plus grand qu’elles. […] aime à peindre, il ne lui passe jamais sur le front, comme au chantre de Rolla, de ces lueurs sublimes d’un ciel auquel il ne croit plus. […] … Selon nous, ce poème de Melænis n’a aucune des qualités qui font vivre les œuvres, et nous ne croyons pas que le poète les ait davantage.

2285. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Se croire heureux est plus encor. […] Auguste de Châtillon n’était pas de l’école des Matériels qui font feu de toutes pierres et de toutes couleurs dans la poésie contemporaine, orfèvres qui croient que des bijoux consolent de tout, comme leur honnête parent, M.  […] à ce cruel moment, s’il naît dans le sang versé de son cœur, car c’est là toujours que les poètes naissent, une fragilité comme un poète élégiaque, une créature de bonté, de simplicité, de tendresse, doit-on s’étonner que son talent s’altère dans ce milieu qui pèse de toutes parts sur son inspiration première, et peut-on croire que cette fragilité inouïe puisse un jour, grâce aux conseils de la Critique, s’arracher à ce joug de l’Idéal abaissé ?

2286. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

On aurait cru déroger, en parlant une langue qui n’avait pas deux mille ans d’antiquité ; d’ailleurs, il fallait bien mettre un grand prix à ce qu’on avait étudié toute sa vie ; et ceux qui aspiraient à la renommée, ou qui avaient l’orgueil plus grand de la donner aux autres, se croyaient sûrs d’être immortels, parce que Cicéron, Démosthène et Tacite l’étaient. […] Enfin des hommes qui honoraient de grandes places par de grandes lumières, tels que le cardinal d’Ossat et le président Brisson ; et ce Harlay, intrépide soutien des lois parmi les crimes79 ; et ce L’Hôpital, poète, jurisconsulte, législateur et grand homme, qui empêcha en France le fléau de l’inquisition, qui parlait d’humanité à Catherine de Médicis, et d’amour des peuples à Charles IX ; qui fut exclu du conseil, parce qu’il combattait l’injustice ; qui sacrifia sa dignité, parce qu’il ne pouvait plus être utile ; qui, à la Saint-Barthélemi, vit presque les poignards des assassins levés sur lui, et à qui d’autres satellites étant venus annoncer que la cour lui pardonnait : « Je ne croyais pas, dit-il d’un air calme, avoir rien fait dans ma vie qui méritât un pardon. » Voilà les noms les plus célèbres que l’on trouve dans les éloges de Sainte-Marthe.

2287. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Qu’on voie donc combien il est raisonnable de croire que la mancipation prit naissance dans les murs de la seule ville de Rome, comme un mode d’acquérir le domaine civil usité dans les affaires privées des citoyens ! […] On jugera aussi si l’un a eu raison de croire jusqu’ici que Tarquin l’Ancien prétendit donner aux nations dans la formule dont nous venons de parler, un modèle pour les cas semblables. — Ainsi le droit des gens héroïques du Latium resta gravé dans ce titre de la loi des douze tables : si quis nexum faciet mancipiumque uti lingua nuncupassit ita jus esto . […] Quoiqu’on dise que l’usufruit prend fin, il ne faut pas croire que le droit finisse pour cela, il ne fait que se dégager d’une servitude pour retourner à sa liberté première. — De là nous tirerons deux corollaires de la plus haute importance.

2288. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Sans affirmer l’existence ni l’époque précise d’un seul Orphée, croyons qu’il dut s’en élever plusieurs, à la naissance de cette société grecque sortant de la barbarie par la guerre et la gloire, et de bonne heure humanisée par les arts. […] « Dans le bois sacré près de l’Hélicon, dit-il, après les statues des Muses, après celles d’Apollon et de Mercure, de Thamyris aveugle, la main sur une lyre brisée, on voyait une statue d’Orphée, ayant près de lui debout Télète, comme symbole de l’initiation aux mystères, et entouré d’animaux en marbre et en bronze, attentifs à ses chants55. » D’après ces monuments, Pausanias, sans croire qu’Orphée ait été le fils de la Muse Calliope, ni qu’il soit descendu vivant aux enfers pour redemander sa femme, suppose du moins qu’il avait surpassé dans l’art des vers tous ses devanciers, et qu’il avait acquis un grand pouvoir par la science des mystères divins et des expiations, des maladies et des remèdes qui détournent la colère des dieux. […] Laissons donc pour ce qu’elle vaut la citation d’Élien, et contentons-nous de croire, avec Hérodote et Plutarque, que le musicien Arion avait excellé sur le mode Orthien et le mode Pythien, les plus grandes puissances de l’antique mélodie, et que le jour où, charmant par ses accords les matelots âpres à sa dépouille, il eut le temps de sauter du milieu de ces brigands sur un dauphin préservateur, il avait employé au soutien de ses vers et de sa voix suppliante ces deux modes harmoniques, dont Platon a vanté la vertu pour adoucir tes âmes et calmer, sur place, même une sédition politique.

2289. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Il a dressé pour ce fils une Instruction publiée depuis peu11, et qui n’est pas, comme on pourrait croire, une instruction morale, mais un état de biens, une pièce de précaution et de défense en cas de procès de famille : l’esprit normand, par un coin, s’y retrouve. […] À en juger par ce qu’on a de lui, on croirait qu’il a eu de la jeunesse à peine ; il en a eu pourtant, et il l’a sentie. […] Mais sans Malherbe, sans sa juste et ferme direction, on peut croire que Racan n’eût point été ce qu’on l’a vu, et lui-même, s’adressant à son maître, a dit : « Je sais bien que votre jugement est si généralement approuvé, que c’est renoncer au sens commun que d’avoir des opinions contraires aux vôtres. » Né en 1589 au château de La Roche-Racan, en Touraine, aux confins du Maine et de l’Anjou, Racan, de trente-quatre ans plus jeune que son maître, connut Malherbe étant page de la chambre de Henri IV. […] Chapelain, sans le vouloir, lui perçait le cœur lorsqu’il lui écrivait dans le premier âge d’or de l’institution (août 1634) : Quand il n’y aurait autre avantage qu’une fois la semaine on se voie avec ses amis en un réduit plein d’honneur, je ne croirais pas que ce fût une chose de petite consolation et d’utilité médiocre. […] On croit sentir qu’il n’aime le courtil et le moutoir qu’en vers.

2290. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Et toi qui fidèlement me retraces celle qui m’est si chère, hôte bienvenu quoique inattendu ici, qui m’ordonnes d’honorer d’un vers aimant et simple une mère depuis si longtemps perdue, j’obéirai non seulement de bon gré, mais avec joie, comme si l’ordre me venait d’elle ; et tandis que ces traits viennent renouveler ma filiale douleur, l’imagination ourdira un charme pour me consoler ; elle me plongera dans une rêverie élyséenne : — songe d’un moment qui me fera croire que tu es elle. […] si j’en crois ce sourire maternel, il me répond : Oui ! […] Longtemps je crus à ce que je désirais ardemment, et, toujours déçu, je me laissais tromper toujours, leurré chaque matin d’une attente nouvelle, et dupe du lendemain, même dès l’enfance ! […] La maladie de Cowper continuait encore sous une forme religieuse, et il ressentait souvent des terreurs que ses amis faisaient tout pour combattre et pour guérir, mais que pourtant leur doctrine rigide sur la prédestination et sur la grâce n’était que trop propre à fomenter : « Il se présente à moi toujours formidable, disait-il de Dieu, excepté quand je le vois désarmé de son aiguillon pour l’avoir plongé comme en un fourreau dans le corps de Jésus-Christ. » Ces terribles images du Jugement et de la réprobation, même au moment où il croyait en avoir triomphé, le poursuivaient donc et dominaient encore sa pensée. […] Une pensée se présente naturellement dans l’étude de cette maladie religieuse de Cowper : c’est qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’entre un Dieu si puissant et si mystérieux jusque dans ses miséricordes et la créature si prosternée, il eût su voir encore, et se donner quelques points d’appui rassurants, soit dans une Église visible ayant pour cela autorité et pouvoir, soit dans des intercesseurs amis comme le sont pour des âmes pieuses la Vierge et les saints ; mais, lancé seul, comme il l’était, sur cet océan insondable des tempêtes et des volontés divines, le vertige le prenait malgré lui, et il avait beau adorer l’arbre du salut, il ne pouvait croire, pilote tremblant et timide, qu’il ne fût point voué à un inévitable naufrage.

2291. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Il croyait avoir au fond de sa conscience (ce sont là les sophismes de l’esprit de faction) de quoi se relever de l’engagement qu’il venait de prendre, et de quoi s’absoudre en dernier ressort. […] On a cité quelque chose de sa harangue devant le conseil de la ville à Montauban, dans la première guerre ; il y disait : « Je vous prie de croire que je ne vous abandonnerai point, quoi qu’il arrive. […] Ce n’est que dans la seconde guerre que Rohan rencontra en face l’ascendant de ce glorieux cardinal, en qui il crut ne voir d’abord qu’un favori de plus : « À cette faveur, dit-il en parlant du marquis de La Vieuville, succéda celle du cardinal de Richelieu, introduit par La Vieuville dans les affaires ; voilà comme tous ces favoris se servent fidèlement les uns les autres… L’appui que le cardinal trouve en la reine mère fait durer sa faveur plus longuement que celle des autres, et aussi la rend plus insolente. » Il paraît avoir été quelque temps avant de s’apercevoir qu’il avait rencontré en lui son grand et fatal adversaire. […] Bref, et comme on l’a vu par le récit deRohan, après la défaite de Soubise en l’île de Ré, la paix se fit, mais non pas telle tout à fait que Rohan se plaît à le dire : le cardinal sans doute, sachant bien « que toute la prudence politique ne consiste qu’à prendre l’occasion la plus avantageuse qu’il se peut de faire ce qu’on veut », et sentant que les grandes et diverses affaires que le roi avait pour lors sur les bras ajournaient plus ou moins cette occasion, dissimula et laissa croire aux réformés qu’il ne leur était pas un irréconciliable adversaire : « Car ce faisant, dit-il, il avait moyen d’attendre plus commodément le temps de les réduire aux termes où tous sujets doivent être en un État, c’est-à-dire de ne pouvoir faire aucun corps séparé et indépendant des volontés de leur souverain. » Toutefois, par ce traité du 5 février 1626, le roi, déjà plus roi qu’auparavant, donnait la paix à ses sujets et ne la recevait pas ; et, du côté de La Rochelle expressément, il se réservait le fort Louis comme une citadelle ayant prise sur la ville, et les îles de Ré et d’Oléron comme deux autres places « qui n’en formaient pas une mauvaise circonvallation ». […] Croire qu’il s’embarquerait dans ses grands desseins de combinaisons étrangères en laissant La Rochelle ouverte à l’Anglais et en communication avec les Cévennes mal soumises et avec le Languedoc à demi rebelle, c’était ne pas le connaître.

2292. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

En 1830, la révolution qui nous affranchit d’un régime rétrograde l’exalte et le transporte comme un jeune homme : « La France, s’écrie-t-il, a relevé l’humanité à mes yeux. » Il croit voir s’ouvrir une ère nouvelle ; et les mécomptes du lendemain aussi, il les ressent presque comme l’un des nôtres. S’il croit apercevoir chez nous, vers la fin de sa vie (1842), corruption et décadence, il s’en attriste ; il a beau être redevenu Genevois ou cosmopolite, la France, à ses yeux, est comme le cœur de l’humanité. […] Mais retrouvant dans ses études sur l’Italie les illustres Sismondi de Pise, dont une branche était venue en France au commencement du XVIe siècle, et reconnaissant les mêmes armes de famille, il crut pouvoir se rattacher à eux, guidé par l’analogie, « sans actes d’ailleurs ni titre » ; il en convient : son véritable titre à cet anoblissement un peu arbitraire, ce fut son Histoire des Républiques italiennes. […] Charles Nodier méditait et rêvait vers ce même temps son Peintre de Saltzbourg ; il ne se peut certes rien de plus éloigné de Sismondi que Charles Nodier, et cependant on croit entendre, de l’un à l’autre, à distance, comme un vague écho qui se répondait. […] Je crois même que la remarque qui vous a frappée était faite à l’avantage du comte Alfieri8… Mais Schlegel a une manière si âpre et si dédaigneuse en même temps de parler et d’écrire, que bien souvent il blesse alors même qu’il voudrait louer. » Schlegel n’avait pourtant pas tort, quand il parlait de la tragédie d’Alfieri ; il peut sembler plus rigoureux dans ses sévérités pour celle de Racine.

2293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

C’est à croire qu’elle ne revient si vite à la charge que pour avoir occasion de revoir Rodrigue. […] S’il ne tient pas à vivre, se croyant condamné par elle, que du moins il songe à l’idée qu’on prendra de lui s’il succombe ; il y va de sa gloire : « Quand on le saura mort, on le croira vaincu. » La passion a ses sophismes : c’est au nom même de son père mort, de ce comte si redouté, qu’elle prétend prouver à Rodrigue qu’il est obligé de se défendre vaillamment contre un moins vaillant que ce guerrier illustre : autrement on croira que le comte valait moins que don Sanche. […] Corneille, pour amener plus vite Chimène à ses fins, a cru avoir besoin de l’engager ainsi et de la compromettre par un éclat involontaire. […] Corneille avait dans sa bibliothèque, nous dit Fontenelle, le Cid traduit en toutes les langues d’Europe : sa pièce fut même retraduite en espagnol, elle fut imitée du moins par Diamante, que Voltaire a cru trop à la légère un des devanciers de Corneille.

2294. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Mais en même temps, sur le prompt effet que produisit l’odieux édit, devant la soudaine résistance qui s’organisa et l’attitude résolue des montagnards, il crut devoir accepter l’assistance armée de Louis XIV, qui lui était offerte depuis des mois et déjà toute préparée à la frontière. […] On crut d’abord que la maladie et le typhus en débarrasseraient le vainqueur et dispenseraient de prendre un parti. […] … Deux ou trois années se passèrent ; le mal du pays tenait à cœur aux Vaudois exilés ; ils se comparaient aux Hébreux en captivité, et, comme le peuple de Dieu, ils croyaient fermement au retour et à la délivrance. […] On aime à croire que lorsque Catinat, sur la fin de sa vie, se promenait à Saint-Gratien en philosophe et sans épée, il se disait qu’il avait parfois employé cette noble épée à une œuvre plus qu’équivoque, et qu’il en avait un léger remords comme sage ou même comme chrétien. […] Je sais que, toutes les fois qu’on parle de Catinat, il est de mode de dire beaucoup de mal de Feuquières ; Catinat n’eut pas à se louer de lui en deux circonstances, et il est plus que possible que Feuquières, en effet, par son caractère, et dans la pratique, ait eu quelques-uns des inconvénients qu’on lui a reprochés ; il faut bien croire, puisque tous l’ont dit, qu’il avait des vices de cœur : il n’en est pas moins vrai que, comme écrivain militaire, Feuquières est un esprit supérieur, et que la lecture de ses Mémoires ne soit un des livres qui donnent le plus à réfléchir.

2295. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Étienne Pivert de Sénancour, né à Paris, en novembre 1770, d’un père contrôleur des rentes, semble avoir eu une enfance maladive, casanière, ennuyée. « Une prudence étroite et pusillanime dans ceux de qui le sort m’a fait dépendre a perdu mes premières années, et je crois bien qu’elle m’a nui pour toujours. » Et ailleurs : « Vous le savez, j’ai le malheur de ne pouvoir être jeune. […] Aux heures propices de liberté, il s’essayait dès lors à ce roman de son cœur. « Plusieurs fois j’étais dans les bois avant que le soleil parût ; je gravissais les sommets encore dans l’ombre, je me mouillais dans la bruyère pleine de rosée ; et, quand le soleil paraissait, je regrettais la clarté incertaine qui précède l’aurore ; j’aimais les fondrières, les vallons obscurs, les bois épais ; j’aimais les collines couvertes de bruyère ; j’aimais beaucoup les grès renversés, les rocs ruineux ; j’aimais bien plus ces sables vastes et mobiles dont nul pas d’homme ne marquait l’aride surface sillonnée çà et là par la trace inquiète de la biche ou du lièvre en fuite. » Si l’on a le droit de conclure d’Oberman à M. de Sénancour, genre de conjecture que je crois fort légitime pour les livres de cette sorte, en ne s’attachant qu’au fond du personnage et à certains détails caractéristiques, il paraît que, dans une de ses courses à travers la forêt, le jeune rêveur fut conduit, à la suite d’un chien, vers une carrière abandonnée, où un ouvrier, qui avait pendant plus de trente ans taillé des pavés près de là, n’ayant ni bien ni famille, s’était retiré, pour y vivre d’eau, de pain et de liberté, loin de l’aumône et des hôpitaux. […] Austère, scrupuleux en morale, dépourvu d’une jeunesse entraînante, dévoré d’une sensibilité vague qu’il désespérait de fixer sur un choix enchanté, désireux avant tout de s’asseoir dans une existence indépendante et rurale, M. de Sénancour se laissa dire, et se crut délicatement engagé : on peut saisir quelques traits de ces circonstances personnelles sous l’histoire de Fonsalbe, au tome second d’Oberman. […] À la conception profonde et à la stricte pratique de l’ordre, à cette fermeté voluptueuse que préconise l’individu en harmonie avec le monde, on croirait par moments entendre un disciple d’Épictète et de Marc-Aurèle ; mais néanmoins Épicure, l’Épicure de Lucrèce et de Gassendi, le Grajus homo, est le grand précédent qui règne. […] L’auteur des Libres Méditations y touche en effet, et si, comme nous aimons à le croire, il a dit là son dernier mot, le progrès philosophique le plus avancé qui se pût déduire des Rêveries et d’Oberman est visiblement accompli.

2296. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Et croyez que cet art est le plus grand de tous, bien supérieur à la petite habileté qui équilibre de bonnes phrases correctes, à la rhétorique qui enferme toutes les idées dans le même moule, aux recettes littéraires qui font la période de Rousseau et de Johnson, ou le vers de Pope et de Voltaire. […] Le dédale des coeurs dans ses détours n’enserre Rien qui ne soit d’abord éclairé par les dieux… Un païen qui sentait quelque peu le fagot, Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot. […] Je crois que s’ils ont tant de puissance, c’est qu’ils remettent l’âme dans l’état sensitif et primitif. […] Force coups, peu de gré ; puis, quand il était vieux On croyait l’honorer chaque fois que les hommes Achetaient de son sang l’indulgence des dieux. […] « Il dit qu’il portait pour nous seuls les fruits les plus pesants du labeur des années ; parcourant sans s’arrêter de long cercle de peines qui ramène dans nos champs, en revenant sur soi, ce que Cérès nous donne et ce qu’elle vend aux animaux ; que cette suite de fatigues avait, de tous tant que nous sommes, pour récompense force coups, peu de gré ; puis que, quand il était vieux, on croyait l’honorer toutes les fois que les hommes achetaient l’indulgence des cieux au prix de son sang. » Il fallait faire ainsi « le peseur de syllabes et le regratteur » de consonnes, et se hasarder jusqu’à la critique de Batteux et de Denys d’Halicarnasse, pour montrer que l’instinct d’un poète, même bonhomme, est aussi savant que la réflexion d’un philosophe.

2297. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Voici quelques réflexions que je crois nouvelles. […] « À l’aspect attendrissant du convolvulus, qui entoure de ses fleurs pâles quelque aune décrépit, il croit voir une jeune fille presser de ses bras d’albâtre son vieux père mourant ; l’ulex épineux, couvert de ses papillons d’or, qui présente un asile assuré aux petits des oiseaux, lui montre une puissance protectrice du faible ; dans les thyms et le calamens, qui embellissent généreusement un sol ingrat de leur verdure parfumée, il reconnaît le symbole de l’amour de la patrie. […] Tous les deux crurent que ce qu’ils avaient tant aimé ne pouvait être insensible à leur souvenir ; ils ne purent concevoir que ces absents si regrettés, toujours vivants dans leurs pensées, eussent entièrement cessé d’être ; qu’ils ne se réuniraient jamais à cette autre moitié d’eux-mêmes. […] Les Bourbons étaient trop intéressés à croire à sa constance pour la contester. […] Quand cela serait, croient-ils me persuader que le christianisme est petit ?

2298. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Cependant, pour peu que la transformation des habitudes et des goûts qui nous a frappés ait une certaine profondeur et qu’elle apparaisse en plusieurs milieux éloignés et différents de langue et d’organisation sociale, il est bien difficile de croire à une transmission d’une pareille promptitude et l’on est obligé de se demander s’il n’y a pas eu sur ces points divers naissance multiple de phénomènes semblables. […] Il est donc permis de croire que les nations de l’Occident, unies par des intérêts solidaires et par des liens fraternels en dépit des barrières et des inimitiés qui les séparent, se sont par moments trouvées en communion spontanée de pensées et de désirs174. […] Je crois, par exemple, qu’Aristote eût été fort surpris des choses que les scolastiques lui faisaient dire et même des préceptes tyranniques qu’un abbé d’Aubignac prétendait tirer de sa Poétique. […] Ainsi la Chine idyllique, telle que les écrivains de notre xviiie  siècle la dépeignent souvent, pourrait bien, comme leur fameux état de nature, n’avoir été qu’une aimable création de leur fantaisie ; ainsi, pour quantité de Français, la Suisse demeure aujourd’hui un pays simple et patriarcal où l’on fabrique des montres et des fromages ; ainsi encore, avant 1870, la France croyait à l’existence d’une Allemagne sentimentale, rêveuse, pacifique, où la petite fleur bleue de l’idéal fleurissait dans les cœurs comme le myosotis au bord des ruisseaux. […] Aussi, curieux effet de cette lenteur dans la propagation des idées, la France, en 1870, aimait et croyait encore vivante la grande Allemagne de Kant et de Gœthe.

2299. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Je n’ai pas à m’étendre sur ces scènes de la Ligue qui firent en quelques mois, du riche et florissant Amyot, « le plus affligé, détruit et ruiné pauvre prêtre qui soit, comme je crois, dit-il, en la France » (9 août 1589). — Pauvre Amyot ! […] par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux. Dans ses préfaces, dans ses dédicaces, dans le petit nombre de pages de son cru, sauf de rares endroits, Amyot est faible ; il écrit moins bien pour son compte que quand il traduit. […] On a été, je le crois, injuste et dur à l’excès envers l’un, mais on n’a été que justement favorable à l’autre. […] « Tous les doctes savent, dit Méziriac, que le style de Plutarque est fort serré et ne tient rien de l’asiatique. » Mais croyez-vous qu’Amyot tout le premier ne sût pas ces choses ?

2300. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

crois-en Misis à tes genoux, etc. […] J’ai cru devoir étaler la plaie sans réserve. […] On se serait cru revenu aux beaux jours de la petite guerre d’épigrammes entre Scarron et Gilles Boileau, et c’était le temps d’Austerlitz ! […] On ajoute qu’Andrieux, qui voulait faire un discours sur la tombe, garda son cahier en poche ; mais je n’en crois rien26. […] Il croyait donc au triomphe de l’esprit et à une immortalité, au moins poétique et terrestre.

2301. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Madame, j’ai reçu les chapes que vous m’avez envoyées, qui sont venues extrêmement à propos ; elles sont extrêmement belles, et ont été reçues comme telles de la compagnie à qui je les devais… Je suis maintenant en ma baronnie, aimé, ce me veut-on faire croire, de tout le monde ; mais je ne puis que vous en dire encore, car tous les commencements sont beaux, comme vous savez. […] Je quitte ce discours pour vous dire que nous n’avons point trouvé dans mes hardes une tunique et une dalmatique de taffetas blanc qui accompagnaient les ornements de damas blanc que vous m’avez fait faire : c’est ce qui fait que je crois que cela a été oublié… Nombre de lettres à Mme de Bourges traitent ainsi de son ménage et de ses affaires domestiques, dont il plaisante assez agréablement. […] « Il fallait, en cette occasion, s’écrie Richelieu, mépriser sa vie pour le salut de l’État ; mais Dieu ne fait pas cette grâce à tout le monde. » Il revient souvent sur cette idée, que le courage qui fait entreprendre les choses sensées et justes dans l’ordre public est une grâce spéciale de Dieu ; et ce n’est point chez lui une forme de langage : évidemment il le croit. […] Richelieu n’est pas un philosophe ; ce haut esprit, qui est surtout un bon esprit armé d’un grand caractère, paie tribut aux idées et aux préjugés de son temps ; il parle en maint endroit comme croyant aux présages, aux horoscopes et aux sortilèges ; il est superstitieux : mais aussi il est sincèrement religieux, il croit au don de Dieu qui s’étend sur certains hommes destinés à être des instruments publics de salut : si les fautes commises envers les personnes publiques lui paraissent d’un tout autre ordre que celles commises contre des particuliers, les fautes de ces personnes publiques elles-mêmes lui semblent aussi plus graves et de plus de poids, eu égard à la responsabilité et à l’étendue des conséquences. […] Et Richelieu, qui nous démêle toutes ces intrigues et nous les peint avec plus d’un trait de Tacite, ajoute de ce Thémines qui arrêta ce jour-là le prince de Condé que, s’il fit bien, aussi crut-il l’avoir fait ; car depuis ce temps-là il ne fut jamais content, de quelques récompenses que le pût combler la reine : Elle le fit maréchal de France, lui donna comptant cent et tant de mille écus, fit son fils aîné capitaine de ses gardes, donna à Lauzières, son second fils, la charge de premier écuyer de Monsieur ; et, avec tout cela, il criait et se plaignait encore : tant les hommes vendent cher le peu de bien qui est en eux, et font peu d’estime des bienfaits qu’ils reçoivent de leurs maîtres !

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