À son geste, on verra les murs éteints flamboyer d’un enchantement de couleurs.
Le ridicule est toujours le viol d’une convention ou d’une convenance sociales — d’une manière générale de sentir et de penser ; et les Bas-bleus, avec leurs livres, leurs thèses et leurs affectations, ont tant bleui le monde, que le monde ne s’apercevra bientôt plus de la couleur de leurs bas !
Ce naturaliste, en ce cas témoin aussi hostile que soigneux observateur, a constaté que les variétés jaunes et blanches de la même espèce, étant croisées ensemble, produisent moins de graines que ces mêmes variétés, fécondées avec le pollen des variétés de même couleur. Il affirme de plus que lorsque des variétés jaunes et blanches d’une même espèce sont croisées avec les variétés jaunes et blanches d’espèces distinctes, les croisements entre fleurs de même couleur produisent plus de graines qu’entre des fleurs de couleur différente. Cependant ces variétés de Verbascum ne présentent d’autres différences que la couleur de leurs fleurs, et quelquefois une variété s’obtient de la graine d’une autre.
… C’est la sobriété, c’est l’économie et la distribution de la couleur, c’est la langue, quand elle n’est pas l’argot de Renée, et elle ne l’est pas longtemps ; ce sont enfin les qualités mâles d’hommes qui se possèdent et qui ne font plus que ce qu’ils veulent. […] On peut peindre de toutes les couleurs un cadavre, mais on ne parvient jamais qu’à faire une momie d’un cadavre peint. […] Il ne s’y trouve que l’effet brut, l’effet, à l’œil, de la couleur sans illusion, et l’odieux, le fourmillant détail physique et technique et tout cru, et que l’art — je ne dis pas l’art suprême, mais l’art le plus élémentaire, — devrait cacher. […] En ce livre où, à travers des détails rarement jolis, comme, par exemple, « le château aux paons blancs », qui a de la couleur d’Edgar Poe, il y a de très plats hors-d’œuvre qu’on pouvait supprimer pour y faire gagner le roman.
On voit apparaître Chimène, la fille du comte ; mais sous quelles couleurs ! […] Au vu des lettres, don Diègue change de couleur ; il soupçonne que le roi veut le punir et le faire tuer : « Écoutez-moi, dit-il, mon fils, mettez ici toute votre attention. […] D’accord avec Martin Antolinez, il va préparer deux coffres : « Remplissons-les de sable, dit-il, afin qu’ils soient bien pesants ; recouvrons-les de cuir, et clouons-les bien : le cuir de couleur rouge, et les clous bien dorés. » Ce sont ces deux coffres de si belle apparence qu’il donnera aux Juifs en dépôt comme s’ils contenaient de l’or pur, et sur lesquels il leur empruntera six cents marcs.
1837 Un ami qui habite le voisinage des montagnes, et à qui je demandais si la vue n’en était pas monotone à la longue, me répondait : « Non, elles ne le sont pas : elles ont, à leur manière, la diversité continuelle de l’Océan, et sans parler des couleurs changeantes, des reflets selon les heures et les saisons, et à n’y voir que les contours et les lignes, elles sont inépuisables à contempler. […] Le ranz des vaches de cette contrée, le ranz des Colombettes, celui, entre les divers ranz, auquel l’air célèbre est attaché, a de plu une petite action dramatique, vive de couleur et de poésie1. […] La plante est là, entière, authentique et reconnaissable à un certain point ; mais où est sa couleur, son port, sa grâce, le souffle qui la balançait, le parfum qu’elle abandonnait au vent, l’eau qui répétait sa beauté, tout cet ensemble d’objets pour qui la nature la faisait vivre, et qui vivaient pour elle ?
Des changement secrets s’accomplissent en eux, au sein de leur génie, et quelquefois le transforment ; ils subissent ces changements comme des lois, sans s’y mêler, sans y aider artificiellement, pas plus que l’homme ne hâte le temps où ses cheveux blanchissent, l’oiseau la mue de son plumage, ou l’arbre les changements de couleur de ses feuilles aux diverses saisons ; et, procédant ainsi d’après de grandes lois intérieures et une puissante donnée originelle, ils arrivent à laisser trace de leur force en des œuvres sublimes, monumentales, d’un ordre réel et stable sous une irrégularité apparente comme dans la nature, d’ailleurs entrecoupées d’accidents, hérissées de cimes, creusées de profondeurs : voilà pour les uns. […] Ces productions de jeunesse que nous possédons attestent un sentiment vrai sous l’inexpérience extrême et la faiblesse de l’expression et de la couleur ; avec un peu d’attention, on y démêle en quelques endroits comme un écho lointain, comme un prélude confus des chœurs mélodieux d’Esther : Je vois ce cloître vénérable, Ces beaux lieux du Ciel bien aimés, Qui de cent temples animés Cachent la richesse adorable. […] Racine a quelquefois laissé à Euripide des détails de couleur qui eussent été aussi des traits de passion : Dieux !
Avec cela, style et langue sont chez lui complexes, un peu disparates : il a un style spirituel et une langue d’homme du monde ; il a aussi un style objectif, et une langue d’artiste, à qui tous les mots sont bons, pourvu qu’ils fournissent de la couleur. […] Il nous découvre une délicatesse de goût sensible surtout à la couleur pittoresque et à la grâce élégiaque. […] Tout est excellent, tout est neuf dans le chapitre de l’Histoire : il veut qu’une histoire soit philosophique par l’explication des causes, par l’étude des institutions et de leurs transformations, dramatique par la peinture des mœurs, des caractères, par la vraie et vive couleur du récit.
M. de Régnier est surtout un droit et pur artiste ; son vers a des lignes bien tracées, des couleurs transparentes et rares disposées avec justesse ; il démontre une grande probité d’écriture, un idéal d’art austère, la volonté d’un homme qui garde haute sa conscience. […] En soi, peut-être ce dernier trait ne serait-il pas un très grand mal ; ce qui nous intéresse c’est l’homme en dehors de l’époque et du pays où vécut tel personnage ; que ce personnage fût italien, allemand, lapon, nègre ou malais, cela importerait peu si le Poète devenait à son gré lapon, malais ou italien, et s’il n’était tenté aussi de sacrifier l’esprit de son œuvre aux puérilités de la « couleur locale ». […] Enfanté par l’invention, c’est elle encore qui l’alimente sans cesse ; il a moins d’eurythmie que de variété, plus de couleur que de plans, des gestes plutôt que des attitudes, le mouvement avant l’harmonie.
Pour peindre la comtesse de Fiesque, par exemple, il dira : « Elle avait les yeux bruns et brillants, le nez bien fait, la bouche agréable et de belle couleur, le teint blanc et uni, la forme du visage longue : il n’y avait eu qu’elle au monde qui s’était embellie d’un menton pointu. » Ce n’est qu’un rien, mais remarquez-vous comme cela est dit ? […] Ce langage de Bussy est un joli langage ; il est brillant et comme reluisant, non par les couleurs, mais à force de poli et de netteté. […] Et là-dessus Bussy ayant écrit à son ancien général une lettre de compliment et de reconnaissance, Turenne lui avait répondu par une lettre qui, « dans sa manière courte et sèche (c’était son genre), était peut-être une des plus honnêtes qu’il ait jamais écrites ». — Je crois maintenant en avoir assez dit, mais il m’était resté comme un remords de n’avoir caractérisé qu’imparfaitement ce portrait de Turenne par Bussy, lequel portrait, d’ailleurs, est en soi l’une des pièces les plus nettes et les plus achevées de notre littérature : c’est un simple dessin sans couleur aucune, mais des plus expressifs et des plus parlants.
Je n’attends rien et j’espère cependant quelque chose d’impossible, un transport, je ne sais comment, loin des milieux où je vis, loin des journaux annonçant ou n’annonçant pas le passage du Tessin par les Autrichiens, loin de mon moi, contemporain, littéraire et parisien, un transport qui me jetterait dans une campagne couleur de rose, semblable à la Folie de Fragonard, gravée par Janinet, — et où la vie ne m’embêterait pas. […] * * * — Dans les troubles de l’art, à la fin des vieux siècles, quand les nobles doctrines sont mourantes, et que l’art se trouve entre une tradition perdue et quelque chose qui va naître, il apparaît des décadents libres, charmants, prodigieux, des aventuriers de la ligne et de la couleur qui risquent tout, et apportent en leurs imaginations, avec une corruption suave, une délicieuse témérité. […] Il me parle d’un travail qu’il lui a fallu faire d’abord, tout simplement pour se convaincre que cela était comme il le disait, puis il se plaint de l’absence de dictionnaire qui le force aux périphrases pour toutes les appellations, trouvant que les difficultés augmentent à mesure qu’il avance, et forcé d’allonger sa couleur locale, ainsi qu’une sauce.
Irons-nous plus loin encore, et supposerons-nous que l’éloquent Athénien, en Égypte ou ailleurs, a connu quelques parties des livres saints d’Israël, qu’il en a recueilli des vérités, emprunté des couleurs, qu’il est poëte à leur exemple ? […] Devant toi la nuit brillera comme le jour, l’obscurité comme la lumière. » Sous ces feux d’une incomparable poésie, la pensée se sent éblouie ; et cette grande peinture dont Platon nous étonnait tout à l’heure, n’est plus qu’un reflet amoindri de la splendeur du jour, qu’un de ces seconds arcs-en-ciel où vont s’affaiblissant les plus éclatantes couleurs, qui d’abord, après l’orage, avaient couronné les voûtes célestes d’un premier cercle glorieux que bordaient les cimes des montagnes. […] Dépouillé du spectacle dont il s’entourait alors, arrivé jusqu’à nous sous les couleurs affaiblies de versions successives, on y sent encore ce feu d’enthousiasme que l’art ne saurait feindre et qui atteste la grandeur du péril et de la délivrance.
Il ne songe pas à rehausser et à redorer son cadre, à rajeunir ses images de bordure et de lointain par l’observation de cette nature nouvelle, qu’il avait eue pourtant sous les yeux et qu’il éteignait sous des couleurs un peu vagues : il estimait que Bernardin de Saint-Pierre l’exagérait et la rendait trop ; lui, il ne la rendait pas. […] Il n’y ajoute rien ; il n’y met pas des couleurs à éblouir et à distraire du fond, il ne pousse pas non plus de ces cris à se tordre les entrailles.
Ici je vois quatre ou cinq recueils en un : l’Ame, — les Jeunes filles, — la Vie, — Paris, — l’Art, — autant de livres distincts et qui ont chacun la diversité de couleur ou de sujets. […] Ainsi nous avons ici affaire à un poëte de talent et de pensée, qui ne dit non ni à la science, ni à la philosophie, ni à l’industrie, ni à la passion, ni à la sensibilité, ni à la couleur, ni à la mélodie, ni à la liberté, ni à la civilisation moderne.
ugène Bareste vient de donner une traduction en prose française dans laquelle il s’est efforcé de rendre la couleur plus exactement que Dugas-Montbel et ses prédécesseurs ne l’avaient fait. […] uatremère de Quincy, en réintroduisant la couleur dans la statuaire, a par là même éclairé et restitué directement l’Olympe homérique, lequel en sort comme repeint d’une nouvelle fraîcheur, avec sa variété brillante de déités aux yeux bleuâtres, aux cheveux dorés, avec son luxe de dénominations et d’épithètes nées du sanctuaire.
Au sortir des boudoirs, des toilettes et de tous ces bosquets de Cythère et d’Amathonte, dont il s’est tant moqué, mais dont il aurait dû se garder davantage, il se réfugie au sein de la nature, comme en un temple majestueux où il respire et se déploie plus à l’aise ; il la voit peu et sait peu la retracer sous les couleurs aimables et fraîches dont elle se peint autour de lui ; il préfère la contempler face à face dans ses soleils, ses volcans, ses tremblements de terre, ses comètes échevelées, et plonge avec Buffon à travers les déserts des temps. […] Cette charmante mythologie que le xviie siècle avait défigurée en l’adoptant, et dont le jargon courait les ruelles, il la recompose, il la rajeunit avec un art admirable ; il la fond merveilleusement dans la couleur de ses tableaux, dans ses analyses de cœur, et autant qu’il le faut seulement pour élever les mœurs d’alors à la poésie et à l’idéal.
Vous perfectionnez par les nuances ; mais celui qui a pu s’emparer avant tous les autres des couleurs primitives, conserve un mérite d’invention, donne à ses tableaux un éclat que ses successeurs ne peuvent atteindre. […] Maintenant la médiocrité toute puissante force les esprits supérieurs à se revêtir de ses couleurs effacées.
Qu’ils prennent donc des traductions, celles plutôt qui sont fidèles à l’esprit et à la couleur qu’au sens littéral. […] Leur goût se développerait et s’affinerait, à faire ainsi la part du tempérament de l’artiste et du génie de son siècle, à reconnaître la couleur et la forme accidentelles que peut prendre une vérité universelle.
Sa prosodie imprécise a rendu plus musicale la poésie française, qui se surchargeait de couleurs pittoresques et se raidissait en structures architecturales. […] Il traita la phrase en ronde bosse, en accusa les creux et les reliefs et la vêtit de couleurs éclatantes.
Il est à peine honnête de donner couleur de critique à des admirations ou à des mépris gratuits puisque non justifiés. […] Mais la couleur est-elle fraîche, séduisante ?
La moelle allongée est cette partie de l’encéphale qui lie le cerveau et le cervelet à la moelle épinière ; elle est analogue à celle-ci par la couleur, blanche à l’extérieur et grise à l’intérieur, ce qui est le contraire du cerveau. […] Il nous reste à dire que la substance du cerveau est de deux couleurs, l’une grise et l’autre blanche.
Il en est de même des autres sens, on peut avoir la perception de telle couleur et non de telle autre, ressentir encore le goût du sucre, perdre le goût du sel, etc. ; ces perturbations étranges et isolées nous conduiront-elles à localiser chacune de ces sensations ? […] Gall admettait dans le nerf optique l’existence d’autant d’éléments doués de propriétés spéciales que nous pouvons distinguer de couleurs.
Savez-vous qu’elle décide quelquefois la couleur ? […] La couleur pâle et blême ne messied pas aux poètes, aux musiciens, aux statuaires, aux peintres.
Intensité de la couleur, mais intensité fulgurante, netteté coupante des lignes du dessin, inattendu et délié du détail, se dentelant et se détachant dans la transparence du récit, comme se dentellent et se détachent les rebords déchiquetés d’un édifice délicat et hardi dans la transparence de l’éther : voilà ce qui frappe d’abord dans les récits de cette visionnaire à l’œil perçant et clair qui a de l’aigle et du lynx, qui y voit grand, qui y voit petit, qui y voit pur, qui y voit tout ! […] Lisez en effet tous ces récits de la sœur Emmerich, et entre tous, ce splendide et angoissant récit de la Passion, suivie d’heure en heure, de minute en minute, sans rien oublier ; et voyez si la sublimité de l’Évangile a éteint les couleurs de ce récit et diminué son effet déchirant et profond !
Une autre fois qu’elle allait aussi chez la reine, c’était dans des jours moins heureux, la princesse lui dit : « J’ai rêvé de vous cette nuit, ma chère Rose ; il me semblait que vous m’apportiez une quantité de rubans de toutes couleurs, et que j’en choisissais plusieurs ; mais, dès qu’ils se trouvaient dans mes mains, ils devenaient noirs… » L’éditeur a compris qu’il n’y avait pas là de quoi faire un volume : il a donc grossi le sien de notes sur le comte de Charolais, le duc d’Orléans, MM. de Choiseul et de Maurepas, qui ne se rattachent aucunement au texte ; ils sont à peine nommés dans l’ouvrage, et voilà qu’on nous donne en notes toute leur vie privée et publique.
Il Pianto, destiné à peindre le voyage du poète en Italie, est d’une couleur comparativement sereine, et le tonnerre qui s’éloigne n’y gronde plus que par roulements sourds.
Émile Blémont excelle à décrire en poésie, ainsi qu’on faisait jadis, les tableaux de nos peintres, auxquels ses vers semblent rendre leurs mouvements et leurs couleurs ; signalons, avant de finir, une pièce charmante : « Le Volant », un élégant Watteau en quatrains.