Or, ces gens-là, que suppose Feydeau pour avoir le plaisir de leur répondre, sont évidemment des cuistres de moralité, faciles à découdre sans qu’on soit pour cela, en fait de raisonnements vainqueurs, un sanglier d’Érymanthe ; mais la question n’en reste pas moins tout entière de la moralité dans l’art, lequel n’atteint réellement son but idéal et suprême qu’à la condition d’étre moral dans l’effet ou l’émotion qu’il produit, — ce qui, par parenthèse, est précisément le contraire de l’effet produit par les livres de Feydeau.
Non : les mœurs changent, les formes politiques s’altèrent, les langues se détruisent, et la transplantation des races peut accroître et hâter toutes ces mutations inévitables ; mais l’âme humaine, avec ses points divers et ses touches sonores de sensibilité, de jugement et d’imagination, ne change pas, ne dégénère pas, ne perd aucune des conditions de sa puissance.
Mais on conviendra que son culte de la pauvreté soulevait, dans ces conditions, des difficultés exceptionnelles. […] Ce n’est qu’à ces conditions qu’on s’élève à la grande poésie. […] Dans ces conditions, Abel de Sauvenas a bien raison d’obéir à une vocation évidente et d’entrer au grand séminaire de Rodez. […] Sur les cinq enfants de Charles d’Este vont se déchaîner à la fois les fatalités de leur condition et les manœuvres des deux intrigants. […] Son père exige qu’il épouse la jeune princesse Isabelle et ne le reconnaît pour son fils qu’à cette condition.
Lucilius, né dans une condition médiocre, s’était élevé par son mérite au rang de chevalier romain, et avait obtenu la place d’intendant en Sicile. […] Il n’y a presque aucune condition dans la société qui ne puisât dans Sénèque d’excellents préceptes de conduite. […] Le secret et le silence sont les conditions d’un pacte entre le bienfaiteur délicat et son obligé ; et ces conditions sont également sacrées pour tous deux. […] Que nous serions heureux, si nous réfléchissions sur les avantages que nous devons à notre médiocrité, et dont les hautes conditions sont privées ! […] Chaque cause rassemblera autour d’elle un nombreux cortège d’effets : ces systèmes, d’abord isolés, se fondront les uns dans les autres en s’étendant ; et de plusieurs causes il n’en restera qu’une plus ou moins lentement réduite à la condition d’effet.
Il y a deux manières de servir les niasses populaires : améliorer leur situation morale et matérielle, les aidera supporter les maux inhérents à la condition imparfaite des sociétés humaines. […] Pendant huit ans elle est femme, elle est mère, elle vit sous le toit conjugal, où lui étaient cependant imposées « des conditions inacceptables ». […] Vous ramenez la femme à la condition ignominieuse d’où elle a été tirée par la grande victime du Calvaire. […] Jules Sandeau l’a découpé en scènes de comédie, sans se soucier des conditions littéraires du théâtre, qui ne sont pas les mêmes que celles du livre. […] Changer la condition sociale pour changer la condition humaine, pour abolir la misère, le prolétariat, voilà l’utopie contemporaine plus dangereuse que son aînée.
Je ne vois guère que l’Énéide qui ait rencontré des conditions analogues de publicité. […] Et il faut dire qu’il a vécu dans les meilleures conditions pour la conquérir. […] Dès lors il n’avait, semble-t-il, qu’à accepter les conditions ordinaires du jeu académique : courtoisie envers son prédécesseur et hommage au souverain. […] Nous voyons peut-être plus clair aujourd’hui qu’au sortir de la Révolution et de l’Empire sur les conditions d’un bon gouvernement. […] En revanche, c’est une condition excellente pour la poésie.
Charles Foleÿ a recueilli sous ce titre quelques dizaines de lettres écrites de tous les points du front par des maris, des fils, des frères, gens de toute condition naguère et d’une seule condition devant l’ennemi, des héros. […] Il fait le malin ; mais il est malin, débrouillard ; il s’adapte vite aux conditions héroïques de la vie, et de la mort. […] « En adaptant son système de politique extérieure à des conditions nouvelles, remarque M. […] Les conditions n’étaient plus les mêmes, lorsque le diligent Becq de Fouquières commença ses travaux. […] Il le tue, pour ainsi parler, dans les meilleures conditions de secret, de sécurité.
Il ne choquait personne — ce qui est une condition essentielle pour réussir. […] Il travaille avec ardeur, il acquiert de l’instruction, il s’élève peu à peu au-dessus de son humble condition et finit par épouser la jeune fille. […] Voici dans quelles conditions il fut composé. […] Là, Daniel pourrait concevoir de légitimes espérances… à condition qu’il parlât, qu’il avouât son amour… Il se contente d’écrire des lettres brûlantes, mais il ne les signe pas. […] Hermann a grandi dans une atmosphère intellectuelle ; il a beaucoup vu, beaucoup réfléchi ; la science a tué en lui l’orgueil, il s’est attristé au spectacle de la condition humaine, il en est arrivé à se convaincre, qu’en dépit de son blason il est l’égal de ses sujets et il se jure de les aider, d’améliorer leur condition, si jamais la fortune lui en donne les moyens… La fortune l’exauce.
Que serait, dans ces conditions, la littérature wagnérienne ? […] Les unes n’ont duré qu’un siècle, les autres ont duré cent siècles, parce qu’elles avaient des conditions d’existence plus ou moins étroites. […] D’autres n’ont eu qu’une existence virtuelle, laquelle, faute de conditions avantageuses, n’a point passé à l’acte. […] Suivant leurs milieux, la durée de leur hérédité humaine, et les conditions de cette hérédité, ils ont d’autres esprits ; et, — l’esprit étant l’ensemble des désirs, — d’autres désirs. […] Un chimiste, ayant la loi de l’atome, transformera toute chose ; un biologiste modifiera les conditions de la vie.
Chacun, dans sa condition et selon sa force, prend part aux affaires ; la populace casse la tête des gens qui ne veulent pas boire à la santé de Sacheverell ; les gentilshommes viennent en cavalcade à sa rencontre. […] Puis se retournant vers les communes : Un Parlement ainsi lié et contrôlé, sans cœur et sans liberté, au lieu de limiter la prérogative de la couronne, l’étend, l’établit et la consolide au-delà de tout précédent, de toute condition et de toute limite. […] The condition you are reduced to would disarm a private enemy of his resentment, and leave no consolation to the most vindictive spirit, but that such an object, as you are, would disgrace the dignity of revenge. […] A parliament thus fettered and controlled, without spirit and without freedom, instead of limiting, extends, substantiates, and establishes beyond all precedent, latitude, or condition, the prerogatives of the crown. […] I can never be convinced that the scheme of placing the highest powers of the state in church-wardens and constables and other such officers, guided by the prudence of litigious attornies and jew-brokers, and set in action by shameless women of the lowest condition, by keepers of hotels, taverns and brothels, by pert apprentices, by clerks, shop-boys, hairdressers, fiddlers and dancers of the stage (who in such a commonwealth as yours will in future overbear, as already they have overborne, the sober incapacity of dull uninstructed men, of useful but laborious occupations) can never be put into any shape, that might not be both disgraceful and destructive.
Chaque siècle, chaque peuple ayant possédé l’expression de sa beauté et de sa morale, — si l’on veut entendre par romantisme l’expression la plus récente et la plus moderne de la beauté, — le grand artiste sera donc, — pour le critique raisonnable et passionné, — celui qui unira à la condition demandée ci-dessus, la naïveté, — le plus de romantisme possible. […] Delacroix a reçu le génie ; qu’il avance avec assurance, qu’il se livre aux immenses travaux, condition indispensable du talent ; et ce qui doit lui donner plus de confiance encore, c’est que l’opinion que j’exprime ici sur son compte est celle de l’un des grands maîtres de l’école. » A. […] Eugène Delacroix, prodigieusement étonné de cette condition bizarre et de ces conseils ministériels, répondit avec une colère presque comique qu’apparemment s’il peignait ainsi, c’est qu’il le fallait et qu’il ne pouvait pas peindre autrement. […] Chacun de ces hommes a compris que sa royauté était un sacrifice, et qu’à cette condition seule il pouvait régner avec sécurité jusqu’aux frontières qui la limitent. […] Il est un homme qui, plus que tous ceux-là, et même que les plus célèbres absents, remplit, à mon sens, les conditions du beau dans le paysage, un homme peu connu de la foule, et que d’anciens échecs et de sourdes tracasseries ont éloigné du Salon.
Nous sommes tous hommes, monsieur le comte, et cette condition est dure. […] Il croit volontiers qu’en histoire les modernes ne doivent viser qu’au fait même, à l’expression simple de leur idée : moindres que les anciens à tant d’égards, ils sont plus savants, plus avancés dans les diverses branches sociales, obligés dès lors de satisfaire à des conditions plus compliquées, et leur principal besoin, en s’exprimant, est d’autant plus d’être clair, net, et de tout faire comprendre. […] Cousin l’écrivait récemment34, « le style n’est rien que l’expression de la pensée et du caractère : quiconque pense petitement et sent mollement n’aura jamais de style ; quiconque, au contraire, a l’intelligence élevée, occupée d’idées grandes et fortes, et l’âme à l’unisson de cette intelligence, celui-là ne peut pas ne pas écrire de temps en temps des lignes admirables, et, si à la nature il ajoute la réflexion et l’étude, il a en lui de quoi devenir un grand écrivain. » Napoléon, certes, réunissait en lui plusieurs de ces hautes conditions, et, toutes les fois qu’il a parlé de ce qu’il savait à fond, il a dit les choses d’une manière parfaite, définitive.
Pourtant, si l’on a trouvé singulier que Boileau, s’adressant à Molière, lui dise tout d’abord par manière d’éloge : Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime, il peut sembler également assez particulier que le premier éloge accordé ici à Leopardi soit de s’être passé de la rime, ce qui est possible en italien, mais à de tout autres conditions qu’en français, et ce qui d’ailleurs ne paraît point absolument vrai du savant poëte dont il s’agit. […] En tête d’un fragment traduit de la Théogonie d’Hésiode (la bataille des Dieux et des Titans) il se livre à des réflexions approfondies et vives sur le mérite propre de cette poésie d’Hésiode, surtout dans les Travaux et les Jours ; il la met presque au-dessus de celle d’Homère pour une certaine sincérité et ingénuité incomparable (schiettezza), il incline fort à la croire du moins supérieure en âge, et à ce propos il s’étend sur les conditions diverses qu’exige la traduction des poëtes anciens. […] Il fit la connaissance de Niebuhr, qui l’apprécia dignement, et qui essaya même de lui faire donner un emploi par le cardinal Consalvi ; mais on n’y consentait qu’à la condition que Leopardi embrasserait la carrière ecclésiastique.
Nul, en son temps, ne l’a pratiquée mieux que lui et dans les vraies conditions du genre, à petit bruit, sans amour-propre, sans montre, à l’abri des gros livres et comme sous le triple retranchement des catalogues ; car, avec lui, c’est derrière tout cela qu’il la faut chercher. […] Lui qui n’était pas philosophe ni protestant à demi, il jugeait qu’il y avait plus de place encore pour des opinions quelconques sous la noble pourpre flottante de ses patrons que sous l’habit noir serré du ministre ; mais c’était à condition toujours de n’en rien laisser passer242. […] La seconde Fronde lui laissait peu d’espoir de recouvrer sa condition première ; il accepta d’honorables propositions de la reine Christine, et partit pour la cour de Stockholm, où il fut bibliothécaire durant quelques mois.
Maintenant je n’essaye pas de ces choses-là, et cependant, même dans ma vieillesse la plus avancée, je n’ai pas du tout à me plaindre de stérilité ; mais ce qui, dans mes jeunes années, me réussissait tous les jours et au milieu de n’importe quelles circonstances, ne me réussit plus maintenant que par moments et demande des conditions favorables. […] La vieillesse et la réflexion qui la suit ramènent ses pensées à des principes plus modérés que ceux de sa jeunesse ; il admet l’identité des tendances, mais les atermoiements lui paraissent une condition et une partie des améliorations. La première condition du bien, c’est d’être possible.
Groult se disposant à les porter dans la voiture, la femme qui venait de les lui vendre, lui disant : « Il y a encore une condition… ce sont mes aïeux… et je ne consentirai à les laisser sortir, que la nuit tombée. » Et la vendeuse promenait dans les vignes son vendeur jusqu’au crépuscule. […] Dimanche 9 février Aujourd’hui, j’ai donné à Ajalbert l’idée de faire une pièce de La Fille Élisa, dans ces conditions. […] Puis pour moi, la France commençant à Avricourt, n’est plus la France, n’est plus une nation dans des conditions ethnographiques qui lui permettent de se défendre contre une invasion étrangère, et j’ai la conviction que fatalement, et malgré tout, il y aura un dernier duel entre les deux nations : duel qui décidera si la France redeviendra la France, ou si elle sera mangée par l’Allemagne.
Je n’ai point à entrer dans le récit de sa fin, dans les particularités de son testament, par lequel il demandait à être transporté à Salins après sa mort, léguant de plus à cette ville une partie de son bien, moyennant des conditions ou intentions à long terme qui paraissent difficiles à remplir. […] Magnin de les goûter et de les savourer dans des conditions particulières qui valent la peine qu’on les rappelle et qu’on les décrive.
Et pour ce que les femmes ne se montrent volontiers en public seules, je vous ai choisie pour me servir de guide, vous dédiant ce petit œuvre… » Louise Labé se présente donc devant le public en tenant la main de cette demoiselle honorée dont elle se signe l’humble amie : voilà sa condition vraie et si peu semblable à celle qu’on lui a faite à distance. […] Ceci était de convenance dans la Revue des Deux Mondes, où l’article a paru d’abord ; mais n’ayant pas, dans un volume, à observer les mêmes conditions de réserve rigoureuse, je laisse glisser le fruit savoureux : Oh !
Il y en a deux : premièrement, la force nationale, qui donne aux États les conditions défensives de leur nationalité par les armes ; car nous ne sommes pas de ces béats de la paix universelle qui croient supprimer la guerre entre les peuples, comme si l’on pouvait supprimer jamais l’injustice, la cupidité, l’ambition, l’oppression, l’égoïsme, les passions, qui forment malheureusement la moitié de la nature des individus ou des peuples ! […] Au congrès de Châtillon, et le Rhin franchi par sept cent mille hommes, M. de Metternich tentait encore de négocier pour qu’on offrît des conditions plus tolérables au vaincu de Leipsick (lisez les correspondances diplomatiques entre Napoléon et ses plénipotentiaires au congrès de Châtillon ; elles sont écrites du champ de bataille ; elles varient de la nuit au jour, selon la défaite ou la victoire).
Fatale condition des hommes qui, à force de vouloir plaire à tout le monde, se sont rendu toute action impossible ! […] On ne lui marchanda pas les conditions.
Son ambition est sans limite et, par suite, son despotisme est sans détente : « Je suis à part de tout le monde, je n’accepte les conditions de personne », ni les obligations d’aucune espèce. […] Vous ne pouvez imaginer d’autres conditions de vie que celles qui vous ont été faites ici-bas par une puissance inconnue.
L’isolement, l’éloignement d’un monde où dominent les conventions et la mode, c’est la première condition pour l’idéalisation dans l’Art. […] Il n’y avait pas de drame allemand ; mais le sauveur nous est trouvé ; la complète beauté des formes lyriques et du dialogue dramatique ne pouvait s’accomplir que par le mariage de la parole avec la musique ; et ce n’est qu’à cette condition que le monde mythologique allemand pouvait être réveillé à une nouvelle vie.
Mais il fallait bien faire payer à l’auteur son premier succès, qui avait été d’entraînement et de surprise : au reste, je ne l’en plains pas ; il est de force à soutenir la lutte, il en a besoin peut-être, et il n’est pas de ces jolis talents qui ne vivent qu’à condition d’être dorlotés.
Je reviendrai tout à l’heure, avec plus de détail, sur l’ensemble des conditions qui me semblent à réunir pour aborder avec avantage de tels problèmes biographiques ; mais, en ce qui est de Chateaubriand, l’auteur d’abord s’est peint lui-même, s’est analysé en tous sens dans des portraits de jeunesse ; il s’est réfléchi et projeté à tout moment dans ceux mêmes de ses écrits subséquents qui, par le sujet, auraient dû être le moins personnels ; il s’est, dans sa vieillesse, raconté de nouveau et avec toutes sortes de variations dans des Mémoires dits d’Outre-Tombe.
Cet autre roman étrange, moins brillant, moins haut en couleur que le Bug-Jargal définitif, et plus analogue à la manière sobre et précise des premières odes dont il forme le lien avec les secondes, fut compris de travers à sa naissance, et on y chercha je ne sais quelle inspiration désordonnée, au lieu de le classer parmi les romans chevaleresques dont il remplissait à la rigueur toutes les conditions.
Quelques amitiés solides et variées, un petit nombre d’intimités au sein des êtres plus rapprochés de nous par le hasard ou la nature, intimités dont l’accord moral est la suprême convenance ; des liaisons avec les maîtres de l’art, étroites s’il se peut, discrètes cependant, qui ne soient pas des chaînes, qu’on cultive à distance et qui honorent ; beaucoup de retraite, de liberté dans la vie, de comparaison rassise et d’élan solitaire, c’est certainement, en une société dissoute ou factice comme la nôtre, pour le poëte qui n’est pas en proie à trop de gloire ni adonné au tumulte du drame, la meilleure condition d’existence heureuse, d’inspiration soutenue et d’originalité sans mélange.
Dans son morceau sur l’influence méridionale, sur la sonorité harmonieuse et un peu vaine de la langue et de la mélopée des troubadours, dans les hautes questions qu’il a posées sur les conditions d’une véritable et vivante épopée, dans sa définition brillante et presque flatteuse du peintre exclusif et du coloriste, il s’est montré un juge supérieur jusqu’au sein du panégyrique, et en même temps la plus religieuse amitié n’a pas eu un moment à se plaindre ; car s’il a eu le soin de maintenir et comme de suspendre ses critiques à l’état de théorie, il a mis le nom à chacun de ses éloges.