Veissier-Descombes a compris ce défaut, et a tâché de s’en garder.
Personne mieux que lui n’a compris l’Océan, ses murmures et ses teintes, son calme et ses tempêtes ; personne n’a eu le sentiment aussi vif et aussi vrai d’un navire et de ses rapports sympathiques avec l’équipage.
La jeune fille aimait Julien, et son chagrin se comprend du reste.
Le « concert européen » — formé seulement des grosses puissances intéressées, et qui ne comprend ni la Suisse, ni la Belgique, ni la Hollande, ni le Danemark, ni la Suède et la Norvège — s’est mis à poursuivre un accord presque impossible et toujours fuyant : faux tribunal d’Amphictyons, où manquent à la fois les petits peuples libres — et le Pape.
On ne comprend plus qu’avant d’être causes de certains effets ils ont été effets de certaines causes, qu’avant de modifier les milieux où ils vécurent ils ont eux-mêmes été façonnés par ces milieux.
On comprend que c’est une galanterie.
Dans les sentiments esthétiques, nous sentons pour sentir, plutôt que pour comprendre ou pour agir.
Les pauvres enfants auxquels on a fait croire que les syllabes du mot stère contiennent l’idée de solide ne sont-ils pas tout disposés à comprendre stéréoscope ?
L’une a prospéré, l’autre a été frappée d’une lettre de cachet ; l’idée qui fait le fond de la première restera longtemps encore peut-être voilée par mille préventions à bien des regards ; l’idée qui a engendré la seconde semble être chaque soir, si aucune illusion ne nous aveugle, comprise et acceptée par une foule intelligente et sympathique ; habent sua fata ; mais quoi qu’il en soit de ces deux pièces, qui n’ont d’autre mérite d’ailleurs que l’attention dont le public a bien voulu les entourer, elles sont sœurs jumelles, elles se sont touchées en germe, la couronnée et la proscrite, comme Louis XIV et le masque de fer.
Il eût risqué de n’être compris que d’une étroite minorité : il préféra être l’un des bienfaiteurs de l’esprit français.
Pour se faire bien comprendre, il dut donner quelque développement à son sujet, et le partagea en quatre conférences. […] Ce fut un tort ; mais ce qui peut le faire comprendre, c’est que l’hôtel de Rambouillet et l’hôtel de Bourgogne suffisaient à la cour, à la société polie de Paris, tandis que lui-même ne suffisait peut-être pas toujours aux beaux esprits du Limousin et de l’Armagnac. […] Vous pouvez dès lors comprendre toute la portée de cette scène entre Cléante et Orgon, qui, en 1664, ne fit et ne devait faire qu’un effet médiocre. […] Pour lui, ce sera une énigme impossible, et il n’y comprendra rien du tout, avec ses idées de l’an 500 avant Jésus-Christ. […] C’est par là qu’ils durent plus longtemps que les genres où ils ont excellé, et qu’ils méritent encore de nous intéresser, quand bien même nous ne comprenons plus les mœurs qu’ils nous peignent.
Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants.
Il s’agissait de louer M. le comte Molé, que remplaçait M. de Falloux, et M. de Falloux, qu’une telle succession honore, surtout si l’on songe qu’elle a été presque une désignation, ou du moins un désir du mourant, a compris que c’était l’éloge de cet homme d’État illustre et de cet homme d’esprit aimable qui devait remplir tout son discours.
Tel est l’effet magique de ces petits chefs-d’œuvre venus à leur moment : ils sont comme un miroir où chacun se reconnaît et apprend, pour ainsi dire, à se nommer ; on se fût cherché sans cela vaguement, bien longtemps encore, sans se bien comprendre ; mais voilà qu’on se regarde à l’improviste dans un autre, dans le grand artiste de la génération dont on est, et l’on s’écrie tout à coup : C’est moi, c’est bien moi !
Les mots qui servent aux autres passions, sont très souvent empruntés de celle-là, parce qu’elle est une image matérielle de tous les sentiments qui s’appliquent à de plus grandes circonstances ; ainsi, l’amour du jeu aide à comprendre l’amour de la gloire, et l’amour de la gloire à son tour explique l’amour du jeu.
Shakespeare, au fond, a procédé de même ; à la peinture extérieure des émotions il mêle des mots, des traits, des couplets qui nous font pénétrer au-delà du trouble grossier et confus des sens, qui organisent ce désordre, nous le débrouillent et nous font comprendre le jeu régulier de ces ressorts que le hasard seul semblait d’abord mettre en branle.
J’ai compris, en le voyant, cet axiome de sa préface : « Le chirurgien doit être un artiste et non pas un manœuvre », et cette tranquille déclaration : « On a objecté que mes procédés étaient dangereux et inaccessibles à la majorité des opérateurs.
et je t’aime de ne plus me comprendre, dans ta foule, ô Forêt, que comme une floraison très pâle seulement.
Elle s’évanouit au cri que poussa Dion, mais le héros comprit le présage. — Quelques jours après, Dion était égorgé par ses soldats révoltés, son fils se jetait du haut d’un toit et mourait, sa femme et son nouveau-né périssaient en mer.
Nous ne comprenons plus, sans études préalables, le vieux français ; la tradition a été rompue le jour où les deux littératures, française et latine, se trouvèrent réunies aux mains des lettrés ; les hommes qui savent deux langues empruntent nécessairement, quand ils écrivent la plus pauvre, les termes qui lui manquent et que l’autre possède en abondance.
La première comprend le dessein de l’Histoire des flagellans ; & la seconde l’exécution.
On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince.
L’intelligence ainsi dirigée est plus propre que toute autre à comprendre le devoir ; la volonté ainsi armée est plus capable que toute autre d’exécuter le devoir. […] Car la race est, par nature, capable d’émotions profondes, disposée, par la véhémence de son imagination, à comprendre le grandiose et le tragique, et cette Bible, qui est à leurs yeux la propre parole du Dieu éternel, leur en fournit. […] Que les beaux gentilshommes bâillent, se moquent, et réussissent à ne pas comprendre : je suis sûr que, parmi les autres, beaucoup sont troublés. […] Il a beau avouer tout haut qu’en l’état où il est, son ennemi « désarmerait une rancune privée » ; il redouble. « Pour ma part, je ne prétends point comprendre ces prudentes formes du décorum, ces douces règles de discrétion que certaines gens essayent de concilier avec la conduite des plus grandes et des plus hasardeuses affaires. […] Aucun des deux ne comprend l’autre, et chacun des deux déteste l’autre.
Bien moins encore faut-il subtiliser pour faire comprendre pourquoi l’écrivain qui n’est occupé que de soi manque de variété. […] Bossuet ne comprendrait pas ces subtilités. […] Je le comprends : c’est le plus pénétré de ce vif intérêt que lui inspirent les choses humaines. […] Il était donc d’un grand intérêt que tous ces schismes, y compris celui-là même qui tira tant d’autorité de la vertu incommode mais irréprochable de ses défenseurs, le jansénisme, fussent vaincus par le véritable esprit de la nation, représenté plus ou moins bien et défendu plus ou moins innocemment par la puissance publique. […] Et pour en finir avec Bossuet, je cherche qui nous a fourni plus de lumières pour connaître le sens des grands changements qui devaient lui donner un démenti, et pour comprendre la forme nouvelle qu’il a plu à Dieu d’imprimer, après dix-huit siècles, à l’édifice de la société chrétienne.
Quand je compare ce peuple aux peuples de progrès et de liberté, marqués au signe de ce sinistre affairement moderne, en lutte avec le budget de chaque jour, massacrés d’impôts, y compris celui du sang, je trouve vraiment que les mots se payent bien cher. […] * * * — Les étrangers parlent haut en public, ils ont la conscience de parler une langue qu’ils sont seuls à comprendre. Le Français parle bas, parce qu’il se sait compris de tous, et parler la langue universelle. […] La princesse l’interrompt, en lui jetant au nez la barbarie des chirurgiens, leur insensibilité, le peu d’émotion qu’il faut qu’ils aient… « Si, riposte Phillips, j’en ai beaucoup, mais seulement pour les enfants… Ces pauvres petits êtres auxquels on ne peut pas faire comprendre que c’est pour leur bien… Oh ! […] » Et il entre dans tout le détail technique de son horrible maladie, parlant du pus qu’il rend par l’anus, comme s’il voulait, en appuyant sur les dégoûts qu’il a de lui-même, désarmer le dégoût des autres… Il nous paraît désespérément résigné… Un moment il reprend haleine, puis nous dit : « Je me fais encore lire… mais à bâtons rompus… vous comprenez… je ne peux plus assembler mes idées. » Un silence.
On ne les comprenait qu’à la seconde et à la troisième lecture, mais plus on comprenait, plus on admirait. […] Je crois vous comprendre. […] Il y a dans cette sensation des frissons intérieurs d’isolement posthume et de plaisir philosophique que les hommes jeunes et avides de regards ne peuvent comprendre. […] … elle ne nous comprend pas !
Cette seule idée était déjà d’une vue pénétrante : c’était comprendre qu’une telle histoire présenterait beaucoup plus d’intérêt qu’on ne pouvait se le figurer au premier abord. […] Il y aurait profit à se le rappeler toutefois ; penser beaucoup et sérieusement au passé en telle matière et le bien comprendre, c’est véritablement penser à l’avenir : ces deux termes se lient étroitement et correspondent entre eux comme deux phares. […] Charles Labitte comprit dans toute leur étendue les ressources de son sujet, et s’il y avait une critique à lui adresser à cet endroit, ce serait de les avoir épuisées.