L’homme, délivré des folles terreurs de son enfance, commençait à envisager avec calme sa destinée. […] Une ère nouvelle commence. […] On commençait à ne plus philosopher à la façon de M. […] Mais restons fermes dans le chemin commencé. […] Il commença pourtant par être chrétien.
Aux approches du dix-neuvième siècle commence en Europe la grande révolution moderne. […] » C’est cet essaim de songes grandioses ou gracieux que la servitude du labeur machinal et de l’économie perpétuelle venait écraser lorsqu’ils commençaient à prendre leur vol. […] À ce moment, l’étroit habit puritain commençait à craquer ; déjà la société lettrée d’Édimbourg l’avait francisé, élargi, approprié aux agréments du monde, garni d’ornements peu brillants à la vérité, mais bien choisis. […] Là, je suis aussi faible qu’une larme de femme1180. » Même il eut la crainte de ne pas finir en paix et l’amertume de demander l’aumône. « Un coquin de mercier, écrivait-il à son cousin, s’étant mis dans la tête que je vais mourir, a commencé une procédure contre moi, et va infailliblement envoyer ma maigre carcasse en prison… Oh ! […] Ayant refusé à Éton d’être le domestique1229 des grands écoliers, « il fut traité par les élèves et par les maîtres avec une cruauté révoltante », se laissa martyriser, refusa d’obéir, et, refoulé en lui-même parmi des lectures défendues, commença à former les rêves les plus démesurés et les plus poétiques.
Alors je commence à être joyeux. […] Paul Fort commence à éreinter par derrière (ce qui est le commencement du succès). […] Léon Bazalgette commence par affirmer sa profession de foi littéraire. […] C’est ainsi que dans certaines intelligences, on commence à comprendre que l’Esprit Nouveau nous conduit directement à une Renaissance classique. […] Avec l’Essai sur l’Amour, commence, pour l’École naturiste, la période des grandes réalisations.
Un homme bien supérieur à nous, Voltaire lui-même, quoique coupable d’une débauche d’esprit bien autrement cynique et bien autrement répréhensible dans son poème de la Pucelle, avait commencé, comme nous, par mépriser l’Arioste sur parole ; mais quand il eut vieilli, quand il eut essayé vainement lui-même d’imiter et d’égaler cet inimitable modèle de plaisanterie poétique, il changea d’avis ; il se reconnut vaincu, il écrivit les lignes suivantes en humiliation et en réparation de ses torts : « Le roman de l’Arioste, dit-il dans son examen des épopées immortelles, est si plein et si varié, si fécond en beautés de tous les genres, qu’il m’est arrivé plusieurs fois, après l’avoir lu tout entier, de n’avoir d’autre désir que d’en recommencer la lecture. […] Quand l’Italie commença à vieillir, elle produisit les poèmes facétieux du Morgante, du Roland amoureux, du Roland furieux ; quand l’Espagne toucha à sa sénilité, elle produisit le Don Quichotte ; quand la France sentit les atteintes de l’âge après son dix-septième siècle, elle produisit Voltaire et la Pucelle ; quand l’Angleterre eut passé son âge de raison pour arriver à son âge de désillusion littéraire, elle produisit le Don Juan de Byron, ce poème de l’ironie de toute chose, même de l’amour et de la poésie. […] On redescendait alors pour se rencontrer sur les terrasses, et pour commencer nonchalamment une seconde matinée, jusqu’à l’heure où le soleil touchait presque à la mer, où la première rosée du soir mouillait l’herbe, et où l’on annonçait que la calèche était attelée pour la promenade du soir, aussi régulière que le coucher du soleil. […] oui, s’écria naïvement l’innocente Thérésina, lisez, lisez, caro professore ; j’aimerai bien le livre s’il me fait pleurer. » Alors le professeur commença la lecture des aventures de Ginevra ; mais, pour les rendre plus distinctes de cette nuée d’aventures dans lesquelles elles sont intercalées comme un fil d’or dans une trame mêlée de l’Orient, il les cribla pour ainsi dire de tout leur alliage et il en fit un tout non interrompu de vaine digression.
Jean-Jacques ne s’entend pas avec le camarade ; et c’est au moment où le refroidissement commence entre Mme de Warens et lui, qu’il fait aux Charmettes ce délicieux séjour de trois étés (1738-1740), où il est presque toujours seul, quoi qu’il ait dit, où il refait son éducation, lisant toutes sortes de livres, philosophes, historiens, théologiens, poètes : il en sortira armé et prêt à la lutte. […] Mais voici le danger pour cette nature immensément orgueilleuse, et fanfaronne de sincérité : du jour où il a pris position par un livre devant le public, il croit son honneur en jeu s’il n’est pas l’homme de sa théorie ; il commence à se singulariser à outrance. […] La corruption commence le jour où sur la sensation s’applique la réflexion, où la raison se superpose à l’instinct. […] Ce Dieu devient le ressort de la moralité : Julie, mariée à l’homme qu’elle n’aime pas, humiliée, désespérée, commence l’œuvre de son renouvellement en présence de Dieu, devant « l’œil éternel qui voit tout ».
Il organisa l’Université, il fonda une bibliothèque et des archives, il attira les poëtes à Paris, et il commença ainsi la destruction des dialectes féodaux. […] Nous avons commencé par imiter l’Orient. […] Et de même que le monument duquel nous faisons dater les premières traditions de la prose française est un récit, de même je ne m’étonne pas que les premières traditions de notre poésie et de notre langue poétique datent d’un roman satirique, c’est au Roman de la Rose que doit en commencer l’histoire. […] Charles d’Orléans est le dernier poëte de la société féodale ; Villon est le poëte de la vraie nation, laquelle commence sur les ruines de la féodalité qui finit.
Araminte commence, ainsi que Silvia, par le plaisir secret de se voir aimée sans conséquence. […] Il avait commencé par se moquer des nouveautés de Lamotte, de son Homère abrégé et traduit, et de ses odes en prose. […] Disciple passionné de Diderot d’abord, et, comme le lui dit en termes grossiers une satire du temps, Singe impuissant de son dieu Diderot, Beaumarchais commence par exagérer les doctrines du maître. […] Enfin, Figaro c’est Beaumarchais lui-même se vengeant sur tout le monde des difficultés de sa vie, si semblable à celle de son héros, dont il commença par porter la guitare en bandoulière.
On peut dire de l’oraison funèbre qu’elle commence et finit avec Bossuet. […] C’est par là que doit commencer le prédicateur chrétien. […] J’en dis trop peu, il les épouvantera par ce spectacle d’un si grand travail et depuis tant de siècles commencé, où se sont consumés une si longue suite de grands hommes, pour expliquer le mal dans le monde et pour en affranchir l’homme par la vertu. […] Vanter à l’homme ses passions, même en arrêtant l’éloge où commencent leurs dangers, c’est risquer de diminuer la force qui leur tient tête.
La composition fut commencée en octobre 1857. […] Wagner, dans des lettres parues dans la Deutsche Rundschau de février-mars 1887, dit, le 28 septembre 1865, qu’il a terminé les Nibelungen et commencé un Parsifal. […] On commençait à connaître die Welt als Wille und Vorstellung d’Arthur Schopenhauer bj ; Wagner fut un de ses premiers partisans et lui dédia un exemplaire de la Tétralogie. […] Les trois titres correspondent à des passages importants de Parsifal ainsi qu’à des idées forces. « Der Reine Thor » désigne « le chaste fol », c’est-à-dire l’innocent qui pourra sauver le monde du Graal par sa capacité à ressentir la souffrance d’autrui. « Durch Mitleid » : ces deux mots commencent la prophétie énoncée par la voix céleste descendant de la coupole à la fin de l’acte I : « Durch Mitleid wissend, der reine Tor », « Pitié rend sage le chaste fol.
La question spéculative, et avec elle la pensée scientifique, ne commence que plus tard ; en présence d’un objet, la pensée ne dit plus : que faire ? […] D’abord, outre les principes logiques du raisonnement, qui, à eux seuls, demeureraient conditionnels, la notion de loi appliquée à la nature enveloppe des principes mathématiques, qui commencent à lui conférer un caractère de nécessité assertorique. […] Quand le mouvement commencé s’accroît et s’achève sous la pression du désir même, il y a là deux termes unis par un lien encore plus étroit que ceux dont nous avons parlé tout à l’heure. […] Enfin, avant à démontrer le principe des causes finales comme différent du mécanisme, on commence par supposer que le mécanisme même est impossible sans les causes finales ; de la dépendance réciproque des diverses parties de l’univers on tire immédiatement, sans démonstration, la conclusion suivante : « Il faut donc que, dans la nature, l’idée du tout ait précédé et déterminé l’existence des parties. » Cela revient à dire que la nécessité réciproque des parties dans un tout présuppose toujours l’idée de ce tout comme cause, conséquemment une cause idéale ou finale ; or, c’est précisément ce qui est en question : il s’agit de savoir si la soudure indestructible des parties d’un mécanisme suppose partout un ouvrier qui les ait soudées d’après une idée, ou si, au contraire, les lois du déterminisme et du mécanisme ne suffisent pas à expliquer cette détermination réciproque et mécanique des parties.
Année 1864 1er janvier 1864 Nous commençons par aller où se trouvent nos vrais parents : au Louvre. […] 5 avril En littérature, on commence à chercher son originalité laborieusement chez les autres, et très loin de soi… plus tard on la trouve naturellement en soi… et tout près de soi. […] Toute dame tenue à un service de cour, prenait, avant de le commencer, un, deux, trois lavements, tant qu’il en fallait enfin, pour n’être plus distraite de son service, de toute la journée. […] — Pas mal… Mais tu verras, elle n’aura pas plus de chance que les autres… Dans deux ou trois jours, le tétanos va la prendre… On lui desserrera les dents, pour commencer, avec une lame de couteau… et puis il faudra les lui casser, pour la faire boire. » * * * — Mon Dieu, que cette figure de Mme Récamier m’ennuie !
Au dix-huitième siècle, la littérature ayant acquis avec les Voltaire et les Rousseau un empire presque sans bornes, une hégémonie politique et sociale, les littérateurs commencèrent à se considérer comme les nouveaux souverains du monde. […] Lui-même intitule Obsession la pièce qui commence par ces vers : Grands bois, vous m’effrayez comme des cathédrales ; Vous hurlez comme l’orgue ; et dans nos cœurs maudits, Chambres d’éternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis. […] C’est lui supposer véritablement le don de prescience que de lui demander de ressentir une impression poétique alors qu’il ne lui est rien dit de ce qui l’a fait naître ; car, en réalité, les impressions qui nous viennent des choses ont leur cause première en nous-mêmes, et, pour les faire partager à qui que ce soit, il faut commencer par lui découvrir l’état de conscience qui les a déterminées. […] La littérature de Baudelaire lui-même, avec ses splendeurs et aussi ses « charognes », est une littérature très simple ; sous son air de richesse, elle cache une pauvreté radicale non seulement d’idées, mais de sentiments et de vie ; elle commence un retour, par un chemin détourné, à la poésie de sensations, d’images sans suite, de mots sonores et vides qui caractérise les tribus sauvages ; et celle-ci a cette énorme supériorité qu’elle est sincère, l’autre non.
Il commence à se revendiquer avec un sentiment un peu orgueilleux de son innocence, et de la disproportion entre ses fautes, s’il en a commises, et son châtiment. […] Mais, puisqu’il a commencé à me briser, qu’il achève ! […] » On sent à cette interrogation terrible le doute suprême qui commence à blasphémer, l’immortalité qui échappe, l’athéisme qui rôde autour du désespoir. […] Le poème, commencé par un récit, poursuivi comme un drame, dialogué comme une argumentation, chanté comme un hymne, pleuré comme une élégie, vociféré comme un blasphème, foudroyé par un éclat de lumière surnaturelle, finit par une adoration, comme tout doit finir entre l’homme et Dieu.
Commençons par ses quatre tableaux de même grandeur, représentant les quatre états, le peuple, le clergé, la robe et l’épée. […] Il a ébauché un ibis dont on commence à discerner le bec et les pattes. […] Que cette fumée rougeâtre et enflammée commence à inspirer la terreur. […] Voilà que vous commencez à vous calmer, et il y a plaisir à vous entendre.
Renoncer à certaines habitudes de penser et même de percevoir est déjà malaisé : encore n’est-ce là que la partie négative du travail à faire ; et quand on l’a faite, quand on s’est placé à ce que nous appelions le tournant de l’expérience, quand on a profité de la naissante lueur qui, éclairant le passage de l’immédiat à l’utile, commence l’aube de notre expérience humaine, il reste à reconstituer, avec les éléments infiniment petits que nous apercevons ainsi de la courbe réelle, la forme de la courbe même qui s’étend dans l’obscurité derrière eux. […] Et des analyses décisives n’ont-elles pas montré qu’il n’y a rien autre chose, dans ce sentiment, que la conscience des mouvements déjà effectués ou commencés à la périphérie du corps ? […] Dans la perception concrète la mémoire intervient, et la subjectivité des qualités sensibles tient justement à ce que notre conscience, qui commence par n’être que mémoire, prolonge les uns dans les autres, pour les contracter dans une intuition unique, une pluralité de moments. […] L’obscurité de ce problème, dans l’hypothèse dualiste, vient de ce que l’on considère la matière comme essentiellement divisible et tout état d’âme comme rigoureusement inextensif, de sorte que l’on commence par couper la communication entre les deux termes.
Le roi, sans y songer, commençait à faire sa partie dans le concert et à psalmodier avec les autres ; mais Gabrielle, qui était près de lui et qui songeait à ce que pouvait devenir une telle imprudence défigurée par la malignité, lui mit aussitôt la main sur la bouche en le suppliant de ne plus chanter ; ce qu’elle obtint. […] Henri commence en marquant son intention : Allons nous promener, nous deux seuls, lui dit-il en lui prenant la main et passant familièrement, selon sa coutume, ses doigts entre les siens ; j’ai à vous entretenir longuement de choses dont j’ai été quatre fois tout près de vous parler ; mais toujours me sont survenues, en ces occasions, diverses fantaisies en l’esprit qui m’en ont empêché.
D’ailleurs, nous n’avons pas toujours été riches, nous finirons comme nous avons commencé, en vivant de notre travail… » Quelques années après, ayant à parler, lors de la réception de M. […] Le but de l’auteur était de préparer ainsi et de commencer l’histoire générale de France par une histoire particulière de chacune des provinces prise jusqu’à l’époque de sa réunion.
Une lettre souvent citée qui commence ainsi : « Enfant de saint Louis, imitez votre père… », indique en termes généraux quelle largeur de piété et quelle ouverture de cœur il lui souhaitait pour se faire aimer des bons, craindre des méchants, estimer et considérer de tous. […] Il voudrait le voir s’émanciper enfin, ne plus être soumis toujours ni docile à l’excès et subordonné ; il l’excite à prendre sur lui et à user de toute l’étendue des pouvoirs qu’il a en main, pour le bien du service : « Un prince sérieux, accoutumé à l’application, qui s’est donné à la vertu depuis longtemps, et qui achève sa troisième campagne à l’âge de vingt-sept ans commencés, ne peut être regardé comme étant trop jeune pour décider. » Le duc de Bourgogne lui répond avec calme, avec douceur, peut-être même avec raison sur certains détails, mais sans entrer dans l’esprit du conseil qui lui est donné ; et, quand il a tout expliqué et froidement, un scrupule d’un autre genre le prend, et il dit à Fénelon dans une espèce de post-scriptum : « Je me sers de cette occasion pour vous demander si vous ne croyez pas qu’il soit absolument mal de loger dans une abbaye de filles : c’est le cas où je me trouve.
Je n’ai dessein pour cette fois encore que de continuer ma vue de Bossuet considéré dans sa première carrière, non pas avant sa renommée (car elle commença de bonne heure), mais avant sa gloire. […] Il est allé, dans la question présente, jusqu’à soutenir que ce Louis XIV qui le gêne n’a été tout à fait lui-même et n’a, en quelque sorte, commencé à dominer et à régner qu’après l’influence épuisée de M. de Lionne et de Colbert, deux élèves de Richelieu et de Mazarin ; voilà le grand règne reculé de dix ou quinze ans, et la minorité du monarque singulièrement prolongée par un coup d’autorité auquel on ne s’attendait pas43.
Cette Histoire in-folio qui commence à la naissance de Henri IV et qui se termine à la fin du siècle et à l’édit de Nantes, se compose de trois tomes qui furent imprimés successivement en 1616, 1618, 1620. […] Les guerres civiles n’épouvantent point d’Aubigné ; bien qu’il y abhorre la cruauté lâche et l’assassinat, bien qu’en racontant quelques exploits dont se vantaient les massacreurs de la Saint-Barthélemy, il lui échappe de dire énergiquement : « Voici encore un acte qui ne peut être garanti qu’autant que vaut la bouche des tueurs » ; bien qu’il déteste autant que personne ces atroces conséquences des factions parricides, il aime la chose même qui s’appelle luttes et combats entre Français pour cause religieuse ; il en est fier, et non attristé ; il s’y sent dans son élément ; il a bien soin de marquer les époques des grandes guerres de ce genre, conduites avant 1570 sous le prince de Condé et l’amiral de Coligny ; il traite comme enfants et nés d’hier ceux qui ne font commencer ces grandes guerres que depuis la journée des Barricades, quand elles ont recommencé en effet.
Or, dans la peinture générale qu’il fait de l’homme, il commence par étaler, sans compensation et sans contre-poids, toutes les causes de misère, d’incertitude et d’erreur ; il humilie l’homme tant qu’il peut, et, à ne considérer même les choses qu’au point de vue purement naturel, il ne tient point compte de cette force sacrée qui est en lui, de cette lumière d’invention qui lui est propre et qui éclate surtout dans certaines races, de ce coup d’œil royal et conquérant qu’il lui est si aisé, à l’âge des espérances et dans l’essor du génie, de jeter hardiment sur l’univers. […] Il fait commencer l’instruction dès les plus tendres années de l’enfant ; il montre la force des premières impressions, il développe le « quo semel est imbuta recens… » : « Cette âme donc toute neuve et blanche, tendre et molle, reçoit fort aisément le pli et l’impression que l’on lui veut donner, et puis ne le perd aisément. » Cette jolie et franche expression (une âme toute neuve et blanche, mens novella) est-elle bien de luim ?
Les lettres de ce temps que Henri adresse à M. de Saint-Geniez, son lieutenant général en Béarn et l’un de ses meilleurs serviteurs, montrent à quel point il commence à s’occuper sérieusement de ses affaires, et, à cet âge de trente-trois ans où il est arrivé, à devenir tout à fait l’homme de conseil et de maturité qu’il sera depuis : « N’accomparez plus les actions de feu Monsieur (le duc d’Alençon) aux miennes ; si jamais je me fiai en Dieu, je le fais à cette heure ; si jamais j’eus les yeux ouverts pour ma conservation, je les y ai. […] Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).
L’étude du passé, où de grands talents ont allumé des phares qui ont attiré toutes les sortes d’esprits, commence à devenir un entraînement de mode et un piège. […] D’un autre côté, il eut à se défendre par-devant les siens contre des censeurs qui, la plupart, avaient eu les bras croisés durant la guerre, et à justifier « ses bonnes intentions blâmées, et ses meilleures actions calomniées. » Nous commençons à voir le rôle ingrat et difficile qu’il eut à remplir, et qui le deviendra bien davantage dans les deux guerres suivantes, en présence de Richelieu.
La guerre voyage en grande dame : elle a commencé en Amérique, à présent elle est arrivée dans l’océan et dans la Manche ; elle n’a pas débarqué encore, et si elle prend terre le printemps qui vient, elle pourrait peut-être, pour plus grande commodité, cheminer en litière, de sorte qu’on la verra venir de loin ; et, après tout, on est exposé à tant de hasards dans le cours commun de la vie, que la guerre n’y ajoute qu’un petit degré de plus. […] La formidable année 1757 commence ; c’est celle qui fut la plus fertile en péripéties de toutes sortes, et où Frédéric parut épuiser toutes les chances contradictoires de la fortune : il n’en eut plus dans les années suivantes que des répétitions encore bien rudes, mais affaiblies.
Cousin ; mais on ne commencerait point par là ; on ne se piquerait pas d’emblée d’être érudit avant d’avoir été tout uniment instruit (le grand et détestable travers du moment et le danger littéraire de l’avenir !) ; on observerait les proportions et le ton, les convenances ; on ne commencerait point par donner tête baissée dans l’inédit, avant d’avoir lu ce qui est imprimé depuis deux siècles, ce qui hier encore était en lumière et faisait l’agrément de toutes les mémoires ornées ; on ne débuterait pas avec le xviie siècle par des découvertes : mais si l’on en faisait, on les exprimerait d’une façon plus simple, mieux assortie aux objets, plus digne de ce xviie siècle lui-même ; on ne jurerait pas avec lui en venant parler de lui ; on ne parlerait pas un langage à faire dresser les cheveux sur la tête à ce monde poli qu’on met en avant à tout propos ; on ne s’attaquerait pas enfin, de but en blanc, à ces gens de Versailles comme si l’on arrivait de Poissy ou de Pontoise.
Le trône écroulé, le roi arrêté et mis en jugement, lui, prince du sang, il se figurait qu’il allait continuer de vivre à Paris à son aise, dans les plaisirs et en riche citoyen ; et son amie Mme de Buffon, femme gracieuse, qui montra plus tard bien du dévouement, écrivait au duc de Biron (un autre intime), alors à la tête de l’armée du Rhin, une lettre curieuse, incroyable34, où elle lui racontait à sa manière et sur un ton badin, les événements du 10 août, les arrestations qui en étaient la suite, les exécutions qui devaient commencer le lendemain au Carrousel : Au milieu de ces arrestations, disait-elle, Paris est calme pour ceux qui ne tripotent point. — J’oubliais de vous dire que Mme d’Ossun est à l’Abbaye. […] Le duc répondit : « Elles sont en effet terribles, mais dans toutes les révolutions on a toujours versé beaucoup de sang, et une fois commencées, on ne peut les arrêter quand on veut. » Il me parla, continue madame Elliott, de l’abominable meurtre de Mme de Lamballe, de sa tête qu’on lui avait apportée au Palais-Royal pendant son dîner.
Elle se fait, croyez-le bien, les objections ; elle se rend bien compte que, pour lui donner raison, il faut commencer par tourner le dos à la nature et se placer « dans la partie la plus providentielle des desseins de Dieu. » Aussi tous ceux qui feront ce chemin sous sa conduite et en fils dociles passeront-ils légèrement sur ses défauts pour se récrier à tout moment sur la beauté des points de vue. […] Le traité de la Résignation, d’ailleurs, échappe à la critique proprement dite : il est entremêlé de prières, et, dès que la prière commence, la critique littéraire expire.