Il a besoin de s’entourer d’un décor brillant. […] Pour cela, il était besoin de calme et de solitude. […] Cette théorie, je n’ai pas besoin de vous le dire, prise sous une forme aussi absolue, est une théorie fausse. […] Je n’ai pas besoin de vous dire que tous ne sont pas parvenus à la gloire. […] Les critiques, eux, n’ont pas besoin d’être beaux.
Ce qui le distingue entre tous les autres, c’est le besoin de la sensation âpre et poignante. […] Les idées sont contagieuses, surtout les idées trop simples qui s’autorisent à force de promesses et qui érigent en droits les besoins. […] Là-dessus il n’est pas besoin d’insister. […] D’ailleurs il est à peine besoin de le combattre ; tous les gens réfléchis sont d’accord pour le traiter de jonglerie. […] A la vérité, le lecteur aura besoin de faire effort.
La science a besoin de nous autres artistes. […] Sans cesse ils ont le besoin de l’aveu, la manie de la confession. […] Il n’était pas besoin de ces évocations pour nous démontrer que M. […] Si ceux-ci refusent, qu’on procède au besoin à des expropriations… Mais, hélas ! […] Elle n’a pas besoin de faire la désossée.
Quand je songe que, dans l’âge voisin de la vieillesse et de ses infirmités, me voilà seul sur la terre, comme un célibataire débauché ou un homme personnel qui n’a vu que lui dans la nature ; que le sein sur lequel je m’appuie doucement, pour y chercher la consolation, est le sein d’une bonne mère de soixante-quinze ans ; que les objets qui devaient vivre avec moi et auprès de moi m’ont précédé si jeunes dans le tombeau ; quand je parcours tout cet espace qu’on appelle la vie, et que j’embrasse d’un coup d’œil cette longue chaîne de besoins, de désirs, de craintes, de peines, d’erreurs, de passions, de troubles et de misères de toute sorte, je rends grâces à Dieu de n’avoir plus à sortir du port où il m’a conduit ; je le remercie de la tendre mère qu’il me laisse, et des amis qu’il m’a donnés, et surtout de pouvoir descendre dans mon cœur, sans le trouver méchant et corrompu. […] « J’ai besoin, disait-il, de porter sur ce point mille mouvements d’indignation qu’excitent en moi les passions cruelles que je vois se montrer de tous côtés avec impudence. » Après le 10 août, le ministre de l’Intérieur, Paré, voulut faire de lui le conservateur de la Bibliothèque nationale : il refusa, au nom de ce Corneille même, dont il avait embrassé la carrière, et avec qui il avait surtout de commun, disait-il, « une impropriété absolue pour tout ce qui demande les soins de la plus simple administration. » Il n’était point hostile à la Révolution en elle-même : elle l’avait séduit et enlevé plus qu’on ne l’a dit, par ce qu’elle avait de magnanime. […] Donnez une base solide à votre bonheur par votre raison et par votre conduite ; et, croyez-moi, votre bonheur profitera à votre beau et original talent que personne ne vous contestera. » Quelle juste leçon donnée à ceux qui cultivent l’art du comédien, et qui sont trop tentés d’oublier que cet art brillant, loin d’être l’ami des mœurs déréglées et de ne jamais mieux s’inspirer que dans le désordre, a besoin, comme tous les arts où il s’agit avant tout d’exceller, d’une juste économie de la vie et de beaucoup de conduite ! […] Mon revenu, tout chétif qu’il est, suffit à peu près aux dépenses d’un homme pour qui les besoins de convention n’existent pas. […] Ducis, pour grandir, n’a nul besoin d’être comparé.
On avait trop besoin les uns des autres pour se chicaner sur la légitimité des titres. […] La nature, quoi qu’il en dise, ne l’avait pas créé éloquent ; il avait besoin de cuver longtemps, sa plume à la main, des discours rares et lus ; ses foudres se forgeaient péniblement dans son cabinet, au feu soufflé de ses rancunes. […] On eût dit qu’il n’avait jamais eu besoin d’indulgence, et que le monde ne continuait de vivre après lui que pour se charger de ses vengeances. […] Et, à propos de ces crimes, il est curieux de lire ce qu’en dit M. de Talleyrand lui-même cité par M. de Marcellus : « Est-ce qu’un homme habile a jamais besoin de crimes ? […] » Puis, se tournant vers moi, dit M. de Marcellus, il ajoute : « Les sentiments sont si naturels, le sens si clair, que celui de nous qui n’a pas appris le grec en naissant n’a nul besoin d’interprète.
Ce romanesque, qui sort des événements arbitrairement inventés pour les besoins du drame, est la partie faible du roman. Toutes les fois que l’auteur a besoin d’un personnage, il l’appelle du fond du néant, comme dans les contes de fées ou comme dans les contes de Voltaire, et le personnage obéit contre toute vraisemblance au signe de l’écrivain. […] Victor Hugo, au contraire, n’a eu besoin que de son âme, d’ouvrir les yeux autour de lui, au milieu de nous, de décrire une maison déserte et un jardinet inculte dans un de nos faubourgs les plus reculés, et d’y placer deux êtres qui se sont entrevus, deux innocents, deux sauvages de la grande ville, Cosette et Marius ; et, avec ces simples personnages, il a fait, en racontant leurs entrevues et leurs entretiens, le plus ravissant tableau d’amour qu’il ait jamais écrit. […] C’était là tout ce que les passants pouvaient entrevoir ; mais en arrière du pavillon il y avait une cour étroite et au fond de la cour un logis bas de deux pièces sur caves, espèce d’en-cas destiné à dissimuler au besoin un enfant et une nourrice. […] Il y a entre les êtres et les choses des relations de prodige ; dans cet inépuisable ensemble, de soleil à puceron, on ne se méprise pas ; on a besoin les uns des autres.
La mort de sa mère (1798), celle d’une sœur, le refont chrétien : il n’a pas besoin de raisons pour croire ; il lui suffit que la religion soit un beau, un doux rêve ; elle participera au privilège que tous les rêves de M. de Chateaubriand possèdent, d’être à ses yeux des réalités. […] Il se donna toutes les joies, toutes les grandeurs, sans avoir besoin de personne : et il se sentit au-dessus de l’humanité. […] Il y a plus : il est très certain que le christianisme avait besoin d’être réhabilité. […] Ainsi le procédé qui consiste à éveiller par des tableaux pittoresques ou pathétiques toutes les vagues religiosités endormies dans nos âmes, à escompter rapidement ces émotions au profit du catholicisme, avant qu’on ait eu le temps de se reconnaître, ce procédé, au point de vue pratique, s’est trouvé souverain : il répondait exactement au besoin en ne visant qu’à créer de nouvelles associations dans les âmes. […] Chateaubriand n’avait pas besoin de nous le dire ; on sent que cette vie militaire a été vécue.
Il cherche à s’évader, à retrouver sa patrie, à la refaire au besoin. […] Il convient de se résigner à ce qu’il ait toujours besoin de béquilles. […] Ils ont besoin de dénigrer ce qu’ils n’ont pu avoir, surtout s’ils l’ont désiré. […] Il est uni au « moi » et au « nous », il sort d’eux et pourtant il s’oppose à eux, et les combat au besoin. […] Il est bon qu’un esprit se forme pour comprendre cette manœuvre, la diriger et la contrarier au besoin.
Les religions dogmatiques vont s’affaiblissant ; plus elles deviennent insuffisantes à contenter notre besoin d’idéal, plus il est nécessaire que l’art les remplace en s’unissant à la philosophie, non pour lui emprunter des théorèmes, mais pour en recevoir des inspirations de sentiment. […] C’est que l’homme est malheureux et qu’il a besoin d’oublier. […] Et moins qu’un vestige lui suffit, et il prie : Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour. […] Malgré tout il lui faut croire, il a besoin de s’appuyer quand même. […] Ce que l’homme ici-bas appelle le génie, C’est le besoin d’aimer ; hors de là tout est vain.
La guerre de trente ans eut pour mobile, dans les peuples, le besoin d’acquérir la liberté religieuse ; dans les princes, le désir de conserver leur indépendance politique. […] L’esprit militaire ne peut exister que lorsque l’état de la société est propre à le faire naître, c’est-à-dire lorsqu’il y a un très-grand nombre d’hommes que le besoin, l’inquiétude, l’absence de sécurité, l’espoir et la possibilité du succès, l’habitude de l’agitation, ont jetés hors de leur assiette naturelle. […] Leurs écrivains ont une conscience littéraire qui leur donne presque autant le besoin de l’exactitude historique et de la vraisemblance morale que celui des applaudissements du public. […] La manière dont Schiller développe les motifs qu’on leur présente, et gradue l’effet que produisent sur eux ces motifs ; la lutte qui a lieu dans ces âmes farouches entre l’attachement et l’avidité ; l’adresse avec laquelle celui qui veut les séduire proportionne ses arguments à leur intelligence grossière, et leur fait du crime un devoir, et de la reconnaissance un crime ; leur empressement à saisir tout ce qui peut les excuser à leurs propres yeux, lorsqu’ils se sont déterminés à verser le sang de leur général ; le besoin qu’on aperçoit, même dans ces cœurs corrompus, de se faire illusion à eux-mêmes, et de tromper leur propre conscience en couvrant d’une apparence de justice l’attentat qu’ils vont exécuter ; enfin le raisonnement qui les décide, et qui décide, dans tant de situations différentes, tant d’hommes qui se croient honnêtes, à commettre des actions que leur sentiment intérieur condamne, parce qu’à leur défaut d’autres s’en rendraient les instruments, tout cela est d’un grand effet, tant moral que dramatique. […] Les Français ont un besoin d’unité qui leur fait suivre une autre route.
Il est bien certain qu’une de ses raisons, une seulement, pour s’affranchir de la vie de famille, a été un besoin de liberté et d’indépendance. […] Qu’est-il besoin que je retrace Une garde au soin non pareil. […] Il fallut enfin retourner à l’hôtellerie, et le lendemain nous nous écartâmes de la Loire… » Voilà qui est très significatif, et je n’ai pas besoin de dire que l’accent de la vérité est dans cette prose et dans ces vers. […] Il cherche nos besoins au fond de notre cœur ; Il nous épargne la pudeur De les lui découvrir nous-même ; Un songe, un rien, tout lui fait peur Quand il s’agit de ce qu’il aime. […] Ils sont atteints par les maladies, par la vieillesse et par la mort, mais ils ne sont pas atteints par ce détraquement d’un esprit, d’une cervelle que nous avons trop tenaillée, que nous avons trop exploitée, que nous avons trop tirée dans tous les sens… Donc La Fontaine savait que les animaux, non seulement étaient nos frères inférieurs pour lesquels nous devrions nous montrer généreux, mais encore des êtres qui pourraient, au besoin, nous apprendre quelque chose, et c’est précisément pour cela qu’il a fait ses Fables, dont nous aurons bientôt le plaisir de nous entretenir.
Selon nous, ce besoin d’unité si profond, si consenti qu’il a fait son nom dans la langue et que le mot d’unitéisme se rencontre sous toutes les grandes plumes de ce temps, cache l’avenir d’une philosophie qui remonte vers la religion. […] Le jugement individuel, cette lèpre d’anarchie incessante, n’y ronge pas tout… On y retrouve une autorité, une tradition, un enseignement, une hiérarchie, une Église enfin, et une Église vassale encore dans ses coutumes, dans ses cérémonies, dans son besoin d’unité, de l’Église de Rome qu’elle insulte. […] qui prouvait seulement, comme l’a remarqué un historien, la différence d’agir du protestantisme au xvie siècle et du protestantisme au xixe , et surtout le besoin retrouvé de l’union après la séparation consommée, c’est-à-dire, dans une donnée étroite encore mais qui finira par s’élargir, l’influence de cette idée d’unité qui tourmente la pensée universelle, et que Dieu a répartie dans tous les vents qui soufflent actuellement sur le monde, comme une semence de l’avenir. […] Par les livres, par les idées, par la science, par les besoins religieux des peuples, par la tendance générale vers une unité nécessaire, il ramène dans son flot toujours montant le catholicisme, et c’est le débordement de la vérité ! […] Cet ouvrage, qui ne mène le mouvement d’opinion dont nous parlons qu’en 1846, aurait besoin d’être continué.
À présent il a besoin de la ville : il a besoin de ce Paris qui va devenir le Paris de Louis XIV ; il a besoin de cette cour qui est toute la France, pour cent ans au moins. […] Elle le méprise si fort, qu’au besoin elle lui présenterait, comme son amant, M. […] Or Adraste est en fonds de bonnes ruses ; pour aller à son but Adraste n’a pas besoin, comme le comte Almaviva, que son valet lui prépare toutes les voies. […] comme tout cela aurait besoin d’être joué avec beaucoup de goût, de retenue, de modestie, et de politesse. […] Il n’a plus besoin de fortune à présent, pour être considéré.
Le poète n’a pas besoin de remonter si loin pour retrouver cet état d’esprit. […] Elle implique une généralisation qui aurait besoin d’être appuyée à tout le moins sur de nombreux exemples. […] L’invention poétique a besoin d’aliments. […] Au cours d’un long travail de composition, il ira d’une méthode à l’autre, selon les besoins du moment. […] En réalité, le besoin d’une révolution ne se fait pas encore sentir.
Qu’avais-je besoin de savoir leur nom et leurs affaires, moi, passeur d’eau ? […] Mais, si on a besoin de les vendre pour elle, il le faudra bien. […] Le besoin d’une circulation impossible ne cesse de tourmenter le sang de ce grand corps, ce sang qui ne se répand pas et bouillonne sans cesse. […] « Mais en attendant que le monde, encore enfant, se délivre de ce jouet féroce, en attendant cet accomplissement bien lent, qui me semble infaillible, le soldat, l’homme des armées, a besoin d’être consolé de la rigueur de sa condition. Il sent que la patrie, qui l’aimait à cause des gloires dont il la couronnait, commence à le dédaigner pour son oisiveté, ou le haïr à cause des guerres civiles dans lesquelles on l’emploie à frapper sa mère. — Ce gladiateur, qui n’a plus même les applaudissements du cirque, a besoin de prendre confiance en lui-même, et nous avons besoin de le plaindre pour lui rendre justice, parce que, je l’ai dit, il est aveugle et muet ; jeté où l’on veut qu’il aille, en combattant aujourd’hui telle cocarde, il se demande s’il ne la mettra pas demain à son chapeau.
Je sens que je suis honnête homme, et qu’il me serait impossible de ne pas l’être, non pour plaire à un Être suprême qui n’existe pas, mais pour me plaire à moi-même, qui ai besoin de vivre en paix avec mes préjugés et mes habitudes, et pour donner un but à ma vie et un aliment à mes pensées. […] Il lui reste longtemps des besoins d’expression plus parfaite qu’il cherche involontairement à jeter dans sa nouvelle forme. […] Vous avez fini par comprendre qu’avec un être aussi faible et aussi mobile que l’homme, la bienveillance faisait partie de la justice, et qu’il fallait donner aux autres cette indulgence dont nous avions besoin pour nous-même ; ainsi vous êtes devenu bon en devenant juste. […] Les noms de ces premiers patrons, et aussi celui de Varus, décorent les essais bucoliques du poète, leur impriment un caractère romain, avertissent de temps en temps qu’il convient que les forêts soient dignes d’un consul, et nous apprennent enfin à quelles épreuves pénibles fut soumise la jeunesse de celui qui eut tant de fois besoin d’être protégé. […] Restons ce que nous sommes, et ne trempons pas plus qu’en 1847 dans ces coalitions de vengeance et de colère incapables de rien réparer, car elles n’apportent à l’opinion que des passions contraires, unies par le besoin commun de détruire, et dont l’union inconsidérée ne présente à l’analyse que la ligue inopportune et inconséquente des républicains et des royalistes combattant ensemble un jour avec le radicalisme socialiste pour conquérir le champ de bataille où ils s’entre-détruiront le lendemain de la victoire.
Ainsi, à Lacédémone, chacun emploie les esclaves, les chevaux et les chiens d’autrui, comme s’ils lui appartenaient en propre ; et cette communauté s’étend jusque sur les provisions de voyage, quand on est surpris aux champs par le besoin. […] « C’est que les hommes sont poussés au crime non pas seulement par le besoin du nécessaire, que Phaléas compte apaiser avec l’égalité des biens, excellent moyen, selon lui, d’empêcher qu’un homme n’en détrousse un autre pour ne pas mourir de faim ou de froid ; ils y sont poussés encore par le besoin d’éteindre leurs désirs dans la jouissance. […] C’est le superflu et non le besoin qui fait commettre les grands crimes. […] Il est certainement préférable que la cité, grâce aux institutions primitives du législateur, puisse se passer de ce remède ; mais, si le législateur reçoit de seconde main le gouvernail de l’État, il peut, dans le besoin, recourir à ce moyen de réforme. […] C’est donc un grand bonheur que les citoyens aient une fortune modeste, mais suffisant à tous leurs besoins.
Ne travaillant que pour les besoins de la restauration populaire, ils épicent en conséquence la nourriture qu’ils destinent à des estomacs grossiers. […] Mon père m’a parié quelle mourrait ; et moi, pensant que tu aurais encore besoin de la comtesse dans la suite du feuilleton, j’ai parié qu’elle se tirerait de ce mauvais pas. […] Il signera d’une main généreuse des romans, des drames, des mélodrames, qui l’enrichiront et le rendront célèbre, sans qu’il ait à peine besoin d’y penser. […] Le problème n’est ni plus ni moins que ce problème redoutable : la démocratie deviendra-t-elle une réalité par l’existence d’un peuple vraiment libre qui élève ses propres besoins en élevant son intelligence et sa volonté ? […] Après tout, c’est peut-être mon « ancienne profession » qui déteint sur mes convictions… N’importe, La vie ne donne jamais toute la satisfaction au besoin de justice que ressent le peuple.
Non ; l’homme, sans cesse agité par de nouveaux besoins, de nouvelles crises, oubliant celles qui l’ont autrefois le plus mis à la gêne, oublie avec elles les remèdes et le médecin. […] Quarante-huit ans après, c’était le même homme qui publiait son Mémoire sur la société polie ; ce qui faisait dire à M. de Talleyrand, parlant au fils de l’auteur : « Il y a une chose remarquable dans la vie de votre père, et qui n’est peut-être arrivée à personne avant lui, c’est qu’à cinquante ans de distance il a publié deux ouvrages, dont le premier a fondé sa réputation, et dont le second vient de la couronner. » En même temps et aux approches de 89, Roederer avait l’habitude et le besoin d’écrire sous forme plus courante et plus brève sur toutes les questions du jour, sur les événements ou conflits qui occupaient à Metz l’attention publique : en un mot, comme Franklin, il était par nature et par goût journaliste ; il le sera pendant une grande partie de sa vie, et conciliera, tant qu’il y aura moyen, ce genre de publication avec les hauts emplois et les dignités même de l’État. […] Cependant son besoin d’écrire et d’occuper son activité le porta presque aussitôt à rendre compte dans le Journal de Paris des séances de la Convention commençante. […] C’était dans un temps où les subsistances se dérobaient au besoin, qui ne pouvait les payer que par du papier avili.
Il ne se pique ni de naissance ni de titres illustres ; mais il est assez riche pour n’avoir besoin de personne… On trouve dans ce portrait sorti d’une plume amie tout ce qui peut expliquer les succès et la réputation du président dans le monde et en son bon temps. […] Nous avons vu de nos jours de ces hommes d’esprit, témoins de tout, consultés sur tout, qui faisaient au besoin les mots spirituels des grands jours et des circonstances d’apparat ; qui écrivaient sous main les discours, les déclarations solennelles, et quelquefois rédigeaient des chartes : ces hommes-là ont trop vu, trop regardé la tapisserie par l’envers ; ils ne prennent les choses ni les personnages bien au sérieux, et ne s’y prennent pas trop eux-mêmes ; éclairés d’ailleurs, serviables, indulgents, d’un amour-propre aussi commode que d’autres l’ont ombrageux et cruel. […] , a dit Voltaire par un mot qui résume tout, et qui insinue le correctif dans la louange ; il a dit autre part du président en des termes tout flatteurs : « Il a été dans l’histoire ce que Fontenelle a été dans la philosophie ; il l’a rendue familière. » Il faut bien, au reste, se garder de prendre à la lettre tous les éloges que Voltaire donne au président en ces années où il croyait avoir besoin de lui en Cour, le président étant devenu surintendant de la maison de la reine ; il ne l’appelle pas seulement un homme charmant, à qui il dit : « Vous êtes aimé comme Louis XV » ; il le déclare son maître, « le seul homme qui ait appris aux Français leur histoire », et qui y a trouvé encore le secret de plaire. […] Je laisse les noms propres, et j’en viens à des fautes d’un autre genre dont il est besoin d’être averti.
Ne lui demandez pas de se soigner, de se relire : « Mes affaires et mes amis, dit-il, ont besoin de moi, et le peu de temps qu’on me laisse est mieux employé à composer qu’à m’appesantir sur des révisions de style… Si je me contraignais pour me rendre méthodique, je suis certain que je serais moins lu encore que je ne le serai dans toute la pompe de la négligence et des écarts2. » Dans la Théorie de l’impôt, qui est censée une suite à l’entretiens ou discours tenus et prêchés à Louis XIV par Fénelon, cet éloquent prélat parle le plus rébarbatif des langages ; il dira que « l’honneur, ce gage précieux dont le monarque est le principal et presque le seul promoteur, a comme toute autre chose, son acabit ou son aloi nécessaire ». […] En général, et à ne les considérer que d’après les points qui leur sont communs, ces doctrines de Mirabeau et des autres réformateurs aristocratiques ou monarchiques d’alors tendaient à opérer la réforme par en haut, pour éviter une révolution par en bas, à refaire, à relever après Louis XIV ce qu’il avait en grande partie détruit et nivelé sans parvenir à le simplifier définitivement : elles tendaient à remettre quelque peu les choses sur le pied et comme à partir de Louis XIII et de Henri IV, et à introduire dans l’État une constitution moyenne en accord à la fois avec les besoins nouveaux et avec les mœurs et les restes d’institutions de l’ancienne France. […] Mirabeau toujours préoccupé de l’idée que Vauvenargues n’est pas ambitieux, qu’il est philosophe par tempérament et par choix (il le juge trop sur la mine, et par le dehors), qu’il est porté à l’inaction et au rêve, le presse souvent et dans les termes d’une cordiale amitié de se proposer un plan de vie, un but, de ne plus vivre au jour la journée : « Nous avons besoin de nous joindre, mon cher ami ; vous appuieriez sur la raison, et je vous fournirais des idées. » Vauvenargues décline ce titre de philosophe auquel, dit-il, il n’a pas droit : Vous me faites trop d’honneur en cherchant à me soutenir par le nom de philosophe dont vous couvrez mes singularités ; c’est un nom que je n’ai pas pris ; on me l’a jeté à la tête, je ne le mérite point ; je l’ai reçu sans en prendre les charges ; le poids en est trop fort pour moi. […] Est-il besoin de remarquer qu’il suffirait d’un mot lâché par lui sur sa plaie secrète, sur ce qui l’empêche d’aller à Paris, pour que Mirabeau, qui sans doute ne demanderait pas mieux et qui semble provoquer la confidence, lui offrît sa bourse ?
Elle sent le besoin de s’en excuser. […] Son excès d’ardeur, comme une fièvre qui veut sortir, a besoin de se porter à la frontière : c’est là que son exaltation est à sa place, qu’elle trouve son aliment. et son emploi, qu’elle est honorable et civique, non sauvage et désastreuse. […] Mais cette vie monastique, se rapportant essentiellement aux besoins et aux conditions d’une autre époque, a eu aussi sa décadence visible, et déjà plusieurs fois manifeste, décadence au xve et au xvie siècle, décadence au xviiie . […] Il était en train d’y réussir, d’y acquérir l’estime dans sa province, et il s’appliquait fort à une profession qu’il jugeait définitive, quand la Révolution éclata et le jeta brusquement dans une sphère d’orages, où il eut besoin de toute son énergie et de tout son caractère.
Ce n’est pas qu’on ne puisse et qu’on ne doive même se sacrifier au besoin, une fois s’il le faut, à l’occasion et dans quelque grande circonstance ; mais habituellement, non : « Je ne veux pas qu’on refuse aux charges qu’on prend l’attention, les pas, les paroles et la sueur, et le sang au besoin… : mais c’est par emprunt et accidentellement ; l’esprit se tenant toujours en repos et en santé, non pas sans action, mais sans vexation, sans passion. » Cet équilibre intérieur, cette possession de soi est ce que Montaigne a à cœur plus que tout le reste. […] Je me servis du capitaine Saintes, ayant besoin de nos soldats. […] Il semble n’avoir pas pensé qu’il en fût besoin.
Elle a à s’expliquer avec sa mère, elle a à se défendre de certains bruits qui courent, et son besoin d’apologie la mène à dire sur ces deux personnages le fond de sa pensée et de ses sentiments. […] Ce défaut, ma chère fille, dans une princesse, n’est pas léger ; il entraîne après soi, pour faire la cour, tous les courtisans, ordinairement gens désœuvrés et les moins estimables dans l’État, et éloigne les honnêtes gens, ne voulant se laisser mettre en ridicule, ou s’exposer à se devoir fâcher, et à la fin on ne reste qu’avec mauvaise compagnie, qui entraîne peu à peu dans tous les vices… Ne gâtez pas ce fonds de tendresse et de bonté que vous avez. (17 août 1774.) » Et encore, — car cette morale générale n’est nullement en l’air et ne vient qu’à propos de rapports très-particuliers : « Ne prenez pas pour humeur ou gronderie ce que je vous ai marqué ; prenez-le pour la plus grande preuve de ma tendresse et de l’intérêt que je prends à vous, de vous marquer tout ceci avec tant d’énergie ; mais je vous vois dans un grand assujettissement, et vous avez besoin qu’on vous en tire au plus vite et avec force, si l’on peut encore espérer de l’amendement. […] Une jeune jolie reine, pleine d’agréments, n’a pas besoin de toutes ces folies, au contraire la simplicité de la parure fait mieux paraître et est plus adaptable au rang de reine ; celle-ci doit donner le ton, et tout le monde s’empressera de cœur à suivre même vos petits travers ; mais moi qui aime et suis ma petite reine à chaque pas, je ne puis m’empêcher de l’avertir sur cette petite frivolité, ayant au reste tant de raisons d’être satisfaite et même glorieuse sur tout ce que vous faites […] L’auguste mère voudrait donc qu’auprès du roi il y eût une épouse, compagne constante, amie fidèle, confidente sûre, entendue aux affaires, capable de raisonner de tout avec lui, et, au besoin, de le soulager, peut-être même de prendre à certains moments un ascendant salutaire.
Il y a partout du bien à faire, et ici plus que nulle part… » Et enfin il lâche le grand argument, plus vrai que lui-même ne le croyait, et que toute la suite de sa vie n’a que trop vérifié : « J’ajoute un motif d’un grand poids : j’ai besoin de quelqu’un qui me dirige, qui me soutienne, qui me relève ; de quelqu’un qui me connaisse et à qui je puisse dire absolument tout. […] Ce mot donne la clef de La Mennais ; il a besoin d’un guide ! Ceux qui le prirent à un certain moment pour un maître et pour un guide lui-même se sont bien trompés : ce guide était homme à les mener loin en effet et à les entraîner de bon cœur, mais à les planter là aussi, un jour ou l’autre, au beau milieu du chemin. — J’ai besoin de quelqu’un qui me dirige : ce quelqu’un, il ne s’agit aujourd’hui, quand on étudie la vie de La Mennais, que de savoir le trouver et l’indiquer aux divers moments ; ce quelqu’un ce fut l’abbé Jean d’abord, ce fut ensuite l’abbé Carron, qui, joint à l’abbé Jean, lui fit violence et le décida, quoi qu’il lui en coûtât extrêmement, à recevoir les ordres sacrés à la fin de 1815 et dans le carême de 1816. […] Cet homme avait besoin d’une route toute tracée d’avance.
Je crois bien que deux ou trois des moindres héros se noyèrent avant d’atteindre le rivage ; mais le reste, les plus vaillants, y arrivèrent sans trop d’efforts, la plupart à la nage, et l’un même sans presque avoir besoin de nager. […] Vivre, puisqu’il le faut, de la vie de tous, subir les hasards, les nécessités du grand chemin, y recueillir les enseignements qui s’offrent, y fournir au besoin sa tâche de pionnier ; puis se dédoubler soi-même, et dans une part plus secrète réserver ce qui ne doit pas tarir ; l’employer, l’entretenir, s’il se peut, à l’amour, à la religion, à la poésie ; cultiver surtout sa faculté de concevoir, de sentir et d’admirer : n’est-ce pas là une manière d’aller décemment ici-bas, après même que le but grandiose a disparu, et de supporter la défaite de sa première espérance ? […] Les métaphores elles-mêmes, les images prolongées qui ne sont en jeu que pour traduire une pensée ou une émotion, n’ont pas toujours besoin d’une rigueur, d’une analogie continue, qui, en les rendant plus irréprochables aux yeux, les roidit, les matérialise trop, les dépayse de l’esprit où elles sont nées et auquel, en définitive, elles s’adressent ; l’esprit souvent se complaît mieux à les entendre à demi-mot, à les combler dans leurs négligences ; il y met du sien, il les achève. […] Cette image du violon brisé, puis rajusté et trouvé plus sonore, cette particularité technique, si difficile, ce semble, à rencontrer et à exprimer, et qui prouve que les poëtes savent toujours ce dont ils ont besoin, s’applique en toute exactitude à Mme Desbordes-Valmore, sauf que le rajustement mystérieux est demeuré inachevé en quelques points ; imperfection, d’ailleurs, qui nuit peu à l’ensemble et qui est une grâce39.
Cette méthode ne triomphe jamais avec une évidence plus entière et plus éclatante que lorsqu’elle ressuscite les hommes d’état, les conquérants, les théologiens, les philosophes ; mais quand elle s’applique aux poètes et aux artistes, qui sont souvent des gens de retraite et de solitude, les exceptions deviennent plus fréquentes et il est besoin de prendre garde. […] Que si maintenant on nous oppose qu’il n’était pas besoin de tant de détours pour énoncer sur Boileau une opinion si peu neuve et que bien des gens partagent au fond, nous rappellerons qu’en tout ceci nous n’avons prétendu rien inventer ; que nous avons seulement voulu rafraîchir en notre esprit les idées que le nom de Boileau réveille, remettre ce célèbre personnage en place, dans son siècle, avec ses mérites et ses imperfections, et revoir sans préjugés, de près à la fois et à distance, le correct, l’élégant, l’ingénieux rédacteur d’un code poétique abrogé. […] La métaphore, je suis venu à le reconnaître, n’a pas besoin, pour être légitime et belle, d’être si complètement armée de pied en cap ; elle n’a pas besoin d’une rigueur matérielle si soutenue jusque dans le moindre détail.