Je ne sais quel instinct révélateur et observateur lui a appris que les lieux et les hommes se tiennent par des rapports secrets ; que tel site est une idée, que telle muraille est un caractère, et que pour bien saisir un portrait il faut bien peindre un intérieur. […] Vignerons, propriétaires, marchands de bois, tonneliers, aubergistes, mariniers, sont tous à l’affût d’un rayon de soleil ; ils tremblent en se couchant le soir d’apprendre le lendemain matin qu’il a gelé pendant la nuit ; ils redoutent la pluie, le vent, la sécheresse, et veulent de l’eau, du chaud, des nuages, à leur fantaisie. […] Pendant que ses amis sont là, il reçoit une lettre de son frère de Paris, qui lui apprend qu’il a fait faillite et qu’il va se tuer ; il lui recommande sa femme et son fils.
Cela démonte fort les petits esprits, qui n’aiment que des formules de deux ou trois lignes, afin de les apprendre par cœur. […] M. de Lamartine est, à nos yeux, un rationaliste, et pourtant, dans un sens plus restreint, il récuserait sans doute ce titre, puisqu’il nous apprend lui-même qu’il arrive à ses résultats non par combinaison ni raisonnement, mais par instinct et intuition immédiate. […] L’antiquité n’ayant jamais compris le grand objet de la culture lettrée et l’ayant toujours envisagée comme un exercice pour apprendre à bien dire, il n’est pas étonnant que les âmes fortes de ce temps se soient montrées sévères pour la petite manière des rhéteurs et l’éducation factice et sophistique qu’ils donnaient à la jeunesse.
Et la différence artistique est non moins marquée : En ses opéras, Wagner reste librettiste d’opéra, content avec une esquisse de poème au lieu d’un poème développé, avec une ébauche littéraire, hâtée, confuse, incorrecte, un récit de fait-divers, au lieu de la précise et complète analyse du roman ; le spectacle est celui de l’opéra, dialogues d’interlocuteurs qui ne se regardent point, brillants défilés ; enfin, musicien d’opéra, Wagner emploie, — génialement, — une forme étriquée, et, — mélancoliquement, — il renonce aux richesses symphoniques de l’étude passionnelle… Mais, en ses drames, il est poète, avec les subtilités, les grandeurs, et les affinements des purement poètes ; son drame existe, littérairement, comme un roman dialogué ; — et il est le musicien révélateur de l’essence musicale, et son orchestre a appris à exprimer, — clairement (pour la première fois), — les ineffables intimités des âmes. […] Pour nous apprendre l’inénarrable puissance de ce secret, Wagner nous montre d’abord la beauté ineffable du sanctuaire, habité par un Dieu qui venge les opprimés, et ne demande qu’amour et foi à ses fidèles. […] Nous sommes donc dans une période de transition et deux mondes sont aujourd’hui en présence : le monde ancien, qui repose sur nos traditions, sur nos habitudes et en vérité sur ce que nous avons appris ; le monde nouveau qui naît spontanément de notre intuition particulière.
Nous aurions beau avoir le cadre a priori de l’espace immense, cela ne nous apprendrait pas quels sont les points bleus qui doivent être placés à droite, quels sont les points également bleus qui doivent être placés à gauche. […] Il est beaucoup plus simple d’apprendre à deviner empiriquement et machinalement les situations relatives des objets. […] En réalisant nous-mêmes ces relations par des mouvements d’abord aveugles et involontaires, puis conscients et voulus, nous apprenons à connaître par l’action : savoir, encore une fois, c’est faire.
Peut-être, un jour, ces lignes que nous écrivons froidement, sans désespérance, apprendront-elles le courage à des travailleurs d’un autre siècle. […] Il s’est mis à apprendre le violon tout seul, et puis à danser aussi tout seul. […] Le garçon m’apprend qu’il y en a un cependant à Cassel, sous lequel Cassel gémit : le royaume d’Yvetot sous Denys le Tyran !
Vous êtes un habile homme, vous excellerez, vous excellez dans votre genre ; mais étudiez Vernet, apprenez de lui à dessiner, à peindre, à rendre vos figures intéressantes ; et puisque vous vous êtes voué à la peinture des ruines, sachez que ce genre a sa poétique ; vous l’ignorez absolument, cherchez-la. […] Il y a un grand art, une merveilleuse intelligence de clair-obscur ; mais ce qui achève de confondre, c’est d’apprendre que ce tableau a été fait en une demi-journée. […] Il faut apprendre à lire et à voir.
savoir le grec, c’est l’apprendre sans cesse et poursuivre une étude qui ne saurait être un hors-d’œuvre dans la vie, et qui, comme un Ancien l’a dit du métier de la marine, doit être et rester jusqu’à la fin un exercice de tous les jours, de toutes les heures : sans quoi l’on se rouille et l’on ne sait plus bien. […] Boissonade, de son côté, eut l’idée de donner une édition d’Eunape ; mais dans le cours de son travail, ayant appris que Wyttenbach avait amassé des notes et matériaux sur le même sujet, il le pria de lui en faire part, l’assurant que ce serait une recommandation et un ornement pour son livre.
On ne sait où Arouet, si jeune, en a pu tant apprendre. […] Sénèques et Lucains du temps, apprenez à écrire et à penser dans ce poëme merveilleux qui fait la gloire de notre nation et votre honte. » Mais il se refuse bientôt à suivre le poète dans cette universalité de talents et d’emplois qu’il affecte ; « Il veut être à la fois poète épique, tragique, comique, satirique et, par-dessus cela, historien, et c’est trop. » Marais a cette idée mesquine et fausse, que j’ai vue à bien des esprits, d’ailleurs sensés et fins, en présence des poètes : « Il va, dit-il, épuiser son génie, et bientôt il n’y aura plus rien dans son sac » ; comme si le génie ou le talent naissant était un sac, et comme s’il n’était pas bien plutôt une source féconde qui s’entretient et qui se renouvelle sans cesse en se versant.
Il apprend, pendant ce voyage d’Amérique, la mort de son ancien précepteur, âgé de quatre-vingts ans, l’abbé Lesueur, l’un de ces abbés d’autrefois, attachés pour toute la vie à la maison qu’ils avaient d’abord adoptée, devenus membres de la famille et considérant les fils comme les leurs : « un être dont toutes les pensées, toutes les affections se rapportaient à nous seuls et qui ne semblait vivre que pour nous. » C’est à son frère, également élève de l’abbé Lesueur, que Tocqueville adresse cette lettre, où il s’épanche en pleurs amers et en regrets pénétrants : « Oh ! […] C’est sur ses genoux que nous avons appris à discerner le bien du mal ; c’est lui qui a commencé pour nous cette première éducation de l’enfance dont on se ressent toute sa vie, et qui a fait de nous sinon des hommes distingués, du moins d’honnêtes gens.
En 1847, aux approches de la révolution, Tocqueville avait conçu des craintes sérieuses en voyant la hardiesse et l’espèce de concert des différents systèmes socialistes ; nous l’apprenons par un fragment intitulé : De la classe moyenne et du peuple, qui devait servir de manifeste au petit groupe d’opposants dont il était le chef. […] Thiers ; le public vous sait rarement gré de ces tentatives ; et, quand deux écrivains prennent le même sujet, il est naturellement porté à croire que le dernier n’a plus rien à lui apprendre.
Voici le cas, qui ne laisse pas d’être intéressant pour tous les lecteurs de Virgile et pour ceux qui savent encore par cœur les vers appris dès l’enfance. […] Wagner, dans ces derniers mots de sa Préface, détournait et appliquait, moyennant un léger changement, à son maître Heyne les beaux vers que Virgile a mis dans la bouche d’Évandre, confiant à Énée son fils Pallas et l’envoyant apprendre le métier des armes sous le héros troyen : …………………..Sub ta tolerare magistro Militiam et grave Martis opus, tua cernero facta Adsuescat, primis et te miretur ab annis !
Les Alliés n’avaient sans doute pas besoin de Jomini pour apprendre cette tactique élémentaire. […] « Au reste, a dit Jomini, cette bataille me détrompa de toutes les espérances que j’avais conçues ; elle me prouva qu’un homme dans ma position ne devait jamais juger les choses comme il le ferait s’il était maître de commander ; et j’appris là qu’il y avait une grande différence de diriger soi-même l’ensemble d’un état-major dans lequel on prévoit et organise tout, ou à raisonner sans fruit, et sur des données incertaines, de ce que veulent faire les autres.
Son intelligence s’est élargie, sa science s’est accrue ; il a étudié, appris, compris beaucoup de choses et de beaucoup de façons ; mais il n’a plus osé ni pu ni voulu vouloir. […] Vers douze ans, il apprit le grec et parvint à le savoir assez bien sans autre secours que les livres, car il ne rentra plus jamais dans aucune école.
Ou bien cet autre : Tristan, banni de la cour du roi March, apprend qu’Yseult doit traverser la forêt où il s’est retiré : il jette sur le passage de la reine une branche de coudrier autour de laquelle est roulé un brin de chèvrefeuille ; et sur l’écorce il a gravé ces mots : Belle amie, ainsi va de nous : Ni vous sans moi, ni moi sans vous : La reine voit, comprend, entre sous bois. […] L’Italie, l’Allemagne, les pays scandinaves, nous empruntèrent la matière de nos poèmes : jusqu’en Islande, on chanta Charlemagne et les exploits de ses pairs, et c’était en lisant le roman de Lancelot que les amants italiens immortalisés par Dante, que Paolo et Francesca échangeaient leurs âmes dans un baiser et apprenaient à pécher.
S’il ne nous apprend à peu près rien de nouveau sur les passions elles-mêmes, il est un merveilleux observateur des signes extérieurs auxquels les passions sont attachées. […] Fénelon eut beau se défendre de toute intention satirique : spontanément, en suivant sa nature, il avait appris à son élève à haïr la politique de son aïeul ; et les principes de gouvernement dont il l’avait imbu, étaient justement le contraire de l’esprit qui animait Louis XIV.
S’il est curé de campagne, le confessionnal même et les péchés peu compliqués de ses ouailles ne lui apprendront pas grand’chose. […] Un saint et naïf ermite, ami du curé de Lignières, intercepte, par un zèle aveugle, les lettres qui arrivent de l’évêché : l’abbé Célestin apprend son interdiction avant d’avoir su l’accusation portée contre lui et tombe foudroyé.
On montre à la Farnésine une tête colossale dessinée au crayon par Michel-Ange qui, selon la tradition, aurait voulu donner une leçon à Raphaël et lui apprendre qu’il fallait viser au grand. […] Il ne connaît que ces belles poupées, habillées par la meilleure marchande de modes, et montées dans une de ces écoles où comme le veut mistress Malaprop, on apprend aux demoiselles « un peu d’innocence et d’artifice ».
Il me paraît que les poètes et les romanciers ont maintes fois fait l’éducation amoureuse de leurs lecteurs et de leurs lectrices, qu’ils leur ont appris à sentir plus vivement et plus finement, qu’ils ont ainsi leur grande part dans la complexité plus grande et dans les allures romanesques ou tragiques que l’amour a prises dans les temps modernes. […] Mais apprenez qu’Auguste est moins tyran que vous.
Nullement, c’est l’expérience elle-même qui nous apprend que telle succession est conditionnelle, et que telle autre ne l’est pas ; que la succession du jour et de la nuit, par exemple, est une succession dérivée, dépendant d’autre chose : en un mot, l’expérience, sans rien qui la dépasse, explique notre idée de la causalité96. […] Dès les premières lueurs de l’intelligence, nous tirons des conclusions, mais des années se passent avant que nous apprenions l’usage des termes généraux.
Nous apprenons tout cela dans une longue conversation de M. […] Un instant après son départ, le comte apprend qu’il a fait payer les dettes de sa femme.
Son éducation avait été des plus soignées pour les arts d’agrément, et on lui avait tout appris, hormis la morale. […] Ce livre de Mme Du Hausset laisse une impression singulière ; il est écrit avec une sorte de naïveté et d’ingénuité qui s’est conservée assez honnête dans le voisinage du vice : « Voilà ce que c’est que la Cour, tout est corrompu du grand au petit », disais-je un jour à Madame, qui me parlait de quelques faits qui étaient à ma connaissance. — « Je pourrais t’en dire bien d’autres, m’ajouta-t-elle ; mais la petite chambre où tu te tiens souvent t’en apprend assez. » Mme de Pompadour, après le premier moment passé de féerie et d’éblouissement, jugea sa situation ce qu’elle était, et, tout en aimant le roi, elle ne garda aucune illusion sur son caractère ni sur l’espèce d’affection dont elle était l’objet.
Mardi 14 janvier Le directeur d’un de nos grands théâtres, auquel on apprenait qu’un de nos plus célèbres auteurs dramatiques était devenu impuissant, dit en soupirant : « Il est bien heureux, le voilà sauvé des horreurs de l’incertitude ! […] Dimanche 13 avril Liphart, en faisant mon portrait, m’apprend qu’il y a des femmes russes qui prennent de la belladone pour s’agrandir la pupille, et donner à leur regard de l’étrangeté et du brillant.
Ils apprennent la tenue des livres en partie double. […] Cette histoire-là, on l’enseigne, on l’impose, on la commande et on la recommande, toutes les jeunes intelligences en sont plus ou moins infiltrées, la marque leur en reste, leur pensée en souffre et ne s’en relève que difficilement, on la fait apprendre par cœur aux écoliers, et moi qui parle, enfant, j’ai été sa victime.
Que nous apprit l’historien-philosophe Michelet ? […] En résumé, que nous ont donc appris les trois « hommes nouveaux » ?
J’avais toujours bien dit, s’écria Villars mourant, que cet homme-là était plus heureux que moi. » — Berwick étant mort seulement le 12, et si loin de là, Villars a eu tout juste le temps d’apprendre la nouvelle et de dire ce mot.
Les derniers événements d’ailleurs nous avaient appris à ne plus désespérer du progrès, quelque lointain qu’il parût, et à croire au règne, tôt ou tard nécessaire, des idées les plus vraies et des sentiments les plus larges.
. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre.