Dès le début de Napoléon, j’aperçois en lui ce caractère excessif, qui a contribué en définitive à grandir sa figure dans l’imagination des hommes, mais qui, dans le présent, devait un jour ou l’autre amener la ruine. […] C’est à l’autre extrémité du continent, c’est en Espagne que se fit sentir le premier craquement et qu’on s’aperçut tout à coup que la statue colossale avait un pied d’argile. […] Cette heure fatale n’est pas encore venue, mais déjà plus d’un symptôme alarmant l’annonce à qui voudrait bien l’apercevoir.
Elle était donc en veine d’aimer son mari quand elle s’aperçut à des signes trop certains qu’il était peu aimable et même méprisable. […] Cette fine et rusée matrone s’est aperçue de l’amour de Francueil, et croit deviner celui qu’on lui rend ; elle veut le pénétrer, l’aider, s’y entremettre, se rendre utile, nécessaire, et le tout à son profit. […] Sa Correspondance forme les Annales de la littérature de cette époque en France avec un aperçu de la politique et surtout du train de vie de ce temps.
À quel point Diderot est littérateur dans sa manière de juger les tableaux, on s’en aperçoit tout d’abord. […] Mais si cette pêche était bien offerte, si la lumière y tombait d’une certaine façon, si l’expression de la nymphe y répondait, si en un mot le tableau était d’un Titien ou d’un Véronèse, cette pêche-là aurait pu être un chef-d’œuvre, malgré la sottise que l’esprit croit y apercevoir ; car ici, dans un tableau, le récit des aventures qu’on n’entend pas, et que l’offre de la pêche court risque d’interrompre, n’est que très secondaire ; nous n’avons que faire de nos oreilles, et nous sommes tout yeux. […] Ai-je sous les yeux quelque spectacle enchanteur, sans m’en apercevoir j’en médite le récit pour eux.
Grimm est Allemand de naissance et d’éducation, et on ne s’en aperçoit en rien en le lisant : il a le tour de pensée et d’expression le plus net et le plus français. […] Et encore que ce siècle fût passé, je fis semblant de ne m’en pas apercevoir, et j’ai perpétué parmi toi la race des grands hommes et des talents extraordinaires. Suivaient des compliments et signalements particuliers pour Voltaire, pour Montesquieu, etc. ; mais le trait certes le plus délicat et le plus français était celui qu’on vient de lire : « Et encore que ce siècle fût passé, je fis semblant de ne m’en pas apercevoir.
Il commencera à chercher à reconnaître le nombre, la nature et l’intensité des émotions que cette lecture suscite, à les classer ; il se trouvera alors arrêté court par une difficulté qui ne semble encore avoir été aperçue par aucun esthéticien. […] Cette qualité essentielle des émotions esthétiques, — leur propriété de ne posséder qu’un faible indice de joie et de souffrance, la préférence accordée, de tout temps, à celles qui sont ainsi légèrement tristes, — n’a été aperçue clairement par aucun esthéticien ou psychologue. […] Spencer, d’après laquelle les plaisirs sont des sentiments modérés, et les douleurs des sentiments extrêmes, on apercevra aussitôt la raison pour laquelle les œuvres les plus émouvantes et les plus estimées expriment des spectacles ou des idées tristes.
La même fièvre qui le rend éloquent, riche en idées, habile à apercevoir les mille faces d’une théorie, tue sa personnalité, le fait échouer dans toutes ses tentatives, modifier à chaque instant sa route, et rouler d’avortement en avortement, sollicité par toutes les déterminations possibles, incapable de se cantonner en aucune. […] Les généralisateurs, se haussant à la notion de race et de substance, dépassant l’individuel et l’actuel, aperçoivent dans l’écoulement infini des phénomènes, dans l’incessante suite des avortements et des échecs, la parcelle de succès, qui, positif et acquis, grossit la somme des biens. […] Ce que sa notion des hommes et des choses avait de menu, de nuancé, d’épais, de peu concluant, de peu poussé, le laissait comme en une sorte d’admiration rêveuse pour un spectacle qui lui apparaissait étrangement varié, singulier, multiple surtout et compliqué ; une douce sympathie lui venait pour les êtres qu’il avait connus intimement et confusément comme penché sur eux de trop près, l’intelligence de leurs erreurs, la tristesse de leurs fautes, l’étonnement navré de les apercevoir eux si intensément vivants et complexes, bornés, faibles, isolés, perdus et passagers en ce vaste monde dont le romancier ne parvenait à comprendre ni l’arrangement ni le but, ni l’infinie petitesse.
Il parle peu, mais on s’aperçoit qu’il pense beaucoup. […] Mais, en y regardant mieux, on s’aperçoit que l’humanité de Fléchier et de son cercle n’est pas ici à mettre en cause.
La tournure ferme, judicieuse et précise de son talent ne lui eût pas permis de chercher dans un faux éclat et des aperçus hasardés un succès qu’il ne voulait devoir qu’aux sérieuses études dont sa première vie l’avait distrait, et auxquelles il s’était remis avec toute sa vigueur. […] Fourier a eu un grand tort envers eux : c’est de n’avoir pas su se faire assez petit pour se mettre à leur taille. » Mais ce qui m’a le plus scandalisé, je l’avoue, ce sont ces phrases blasphématoires sur les maximes libérales de Fénelon : « Je viens d’appuyer la thèse par un aperçu des sottises dogmatiques du Télémaque ; le bonhomme Fénelon ne se doutait pas des résultats qu’aurait, en 1789, sa doctrine essayée en France. » Pour nous, nous n’imiterons pas en cela M.
« Le décor change ; ils aperçoivent le tombeau du commandeur, superbe mausolée. […] Un des valets s’en aperçoit et l’enlève de ses mains.
Les enseignements directs, toutefois, et les rapprochements avec nous-mêmes n’y manquent pas ; ils ressortent presque à chaque page, et nous pouvons y apercevoir, sous un costume et un langage qui le déguisent à peine, notre même mal social, notre maladie morale, sinon notre remède. […] L’aperçu, cette chose légère, courrait risque d’être étouffé sous le document.
Or, pour peu que l’on fasse ce partage entre les plaisirs, on s’aperçoit que, parmi les œuvres de l’esprit, il en est précisément qui plaisent toujours, qui plaisent à tous, ou au moins aux esprits éclairés, capables de les comprendre, qui plaisent à l’esprit et au cœur, et non aux sens : ce sont ces œuvres que l’on nomme belles, et elles le sont plus ou moins, suivant qu’elles se rapprochent plus ou moins du modèle que je viens de tracer. […] Chacune de ces raisons cherche à apercevoir une parcelle de vérité, et, si cette somme de vérités augmente, c’est à la condition qu’il y ait de ces chercheurs que vous appelez des chimériques ou des utopistes, qui ne trouvent pas toujours ce qu’ils cherchent et trouvent ce qu’ils ne cherchent pas.
de Querlon, en est quelquefois trop maniéré, & l’affectation d’esprit, ou l’art, en un mot, y laisse trop peu apercevoir la nature. […] Quoique les contes de M. de Marmontel soient moraux dans le titre, il n’est pas toujours facile d’en apercevoir la morale dans la lecture.
L’exécution du groupe sacré, on s’en aperçoit facilement, n’a pourtant pas préoccupé l’artiste ; ce n’est pas ce groupe qui attachera votre attention. […] Les bœufs attelés au chariot et les guerriers qui poussent à bras les roues de derrière sont surtout d’une allure et d’une structure incomparables. — Les expressions superlatives reviennent sous ma plume avec une monotonie fatigante, je m’en aperçois bien, mais est-ce ma faute si (allons !
Combien de fois lui paient-ils cette redevance, sans qu’il daigne s’en apercevoir ? […] Malheureusement ces gens de goût, qui déclameraient le plus contre la nouveauté que nous proposons, ne s’apercevraient pas qu’ils entendent tous les jours au Concert Spirituel de la prose latine à demi barbare, sans que leurs oreilles délicates en soient offensées.
Homme de sens médiocre, empaumé par la prétention scientifique, il n’a jamais d’aperçu supérieur, ni comme Michelet, ce déboutonné, qui se permet tant d’insolentes libertés avec l’Histoire, de ces paradoxes (suggestifs même parfois de vérité) qui prouvent qu’on pense ou que du moins l’on veut faire penser son lecteur. […] Avec son titre, qui n’est qu’une jonglerie, ce livre fait croire à une étude sur les civilisations en général, — ce qui serait une grande entreprise ; mais quand sous ce titre, pipé comme un dé, ce titre menteur, écrit impudemment en grosses lettres : études sur les civilisations, on passe au sous-titre, écrit en lettres frauduleusement petites, on s’aperçoit qu’il ne s’agit seulement que des civilisations de l’ancienne Amérique et pas plus !
Et il l’est tellement qu’il ne s’aperçoit pas combien la bêtise d’Eckermann est compromettante, combien la fidélité naïve des souvenirs de ce ramasseur de mots du grand Goethe est imprudente et dommageable à l’esprit du maître qu’il s’était donné. […] Ce livre, qui n’est qu’un recueil de maximes, d’aperçus et de pensées de Gœthe, empruntés à ses œuvres complètes, donne une idée plus nette et plus riche de lui que les Entretiens d’Eckermann, et on le conçoit bien, pour peu qu’on se rappelle la nature spéciale de son esprit.
Au milieu des folies et des contorsions d’une expression qui a la rage, il a parfois des aperçus… non !… mais des mirages d’aperçus qui étonnent.
Parmi ces titres peu nombreux et encore plus nombreux qu’aperçus, il a glissé ce livre sur Marie-Madeleine, et s’il ne l’a pas publié pour les besoins de son élection, puisqu’il était nommé quand le livre a paru, on peut cependant très bien croire qu’il l’a publié pour la justifier ou pour en témoigner à qui de droit sa reconnaissance. […] Lacordaire ne l’éteint pas, il est vrai, ce nimbe du surnaturel et du divin autour de la tête pâle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais il le voile, pour qu’on aperçoive mieux combien cette tête est humainement belle et pour que ceux qui sourient du nimbe soient touchés au moins de la beauté du plus beau et du plus doux des enfants des hommes !
Je sais qu’il y parle peu de cette religion, et qu’il la fond avec la philosophie dans les dernières pages de son écrit ; je sais que les grands ridicules y sont estompés, mais cependant on les y aperçoit encore sous l’estompe de précaution qui les couvre. […] c’est sur cette division des trois états qu’il aperçoit successivement dans les Annales du monde, et qu’un autre historien ne verra pas et traitera de chimérique, c’est sur cette division que M.
De Bonald, qui a beaucoup plus de structure dans ses œuvres et dans sa pensée, aurait peut-être été le métaphysicien de son époque, s’il n’avait pas étriqué un esprit fait pour tout embrasser dans les préoccupations de la politique et dans des aperçus trop fins qui rappellent bien souvent, avec un fond d’idées contraires, la manière grêle et brillantée de Montesquieu. […] Ce livre est vaste, étoffé, opulent d’idées, varié d’aperçus.
Ce qui distingue particulièrement et toujours davantage son genre de talent, lequel se développe dans le sens de ses premiers ouvrages et de sa native personnalité, c’est l’éclat à tout prix et l’aperçu à tout prix, et pour les avoir, à tout prix, il met souvent à la vérité des atournements pour lesquels elle n’est point faite, et il va même parfois jusqu’à la renverser la tête en bas, pour la montrer par où on ne l’avait pas vue encore. […] Seulement, je m’aperçus bientôt que les plafonds sous lesquels je voulais vivre étaient trop bas, et je revins presque immédiatement à l’observation élargie et à la grande nature humaine, hors de laquelle — comme en religion l’Église romaine — il n’y a pas, en littérature, de salut !
Par l’évidence de son génie, Balzac, dont il est question, est précisément un de ces hommes qui créent à ceux qui le regardent des obligations d’aperçu ; et l’on peut dire hardiment que le critique qui n’a pas vu en lui et qui n’y montre pas ce que le commun des hommes ne peut voir, n’était réellement pas digne de le regarder ! […] Malgré cette surface d’orgueil que les petits amours-propres blessés aperçoivent, il avait une humilité éternelle.
Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation et dans la vie, profond lorsqu’il paraît trivial, sévèrement écrit, d’un style pur, et pourtant ardent, comme du fer passé dans la flamme ; beau livre, enfin, moral et chrétien, comme Diderot aurait pu l’écrire, s’il n’eût pas été l’athée Diderot ! […] Verve, éclat, mouvement, brusqueries d’aperçus, crâneries d’expressions toujours heureuses, magnificences de développements et d’horizons, superbes insolences de gladiateur, immense plaisanterie qui couvrait tous les persiflages, qui bernait dans la peau de lion d’Hercule les Pygmées de l’ironie voltairienne, il exposa dans tous les sens à la lumière des questions contemporaines et pour en varier les feux et les nuances, tous les joyaux d’un des plus étincelants écrins oratoires qui furent jamais.
L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre. […] Il ne s’aperçoit ni qu’il s’élève, ni qu’il s’abaisse ; et dans sa négligence, jointe à sa grandeur, il semble se jouer même de l’admiration qu’il inspire.
Et je m’aperçois ici que je suis en parfait accord avec M. […] On s’aperçoit que, au bout du compte, la « vassale » de M. […] Le fondement en est ruineux, d’accord : qu’est-ce que cela fait, si nous ne nous en apercevons qu’après ? […] Il n’y a vraiment pas moyen de ne pas s’en apercevoir. […] Il s’en tient à des aperçus et à des impressions du premier degré.
Fonder, à une époque de dissolution et de charlatanisme, une entreprise littéraire élevée, consciencieuse, durable, unir la plupart des talents solides ou brillants, résister aux médiocrités conjurées, à leurs insinuations, à leurs menaces, à leurs grosses vengeances, paraître s’en apercevoir le moins possible et redoubler d’efforts vers le mieux, c’est là un rôle que les entrepreneurs de la Revue (pour parler le langage du Messager) doivent s’honorer d’avoir conçu, et où il ne leur reste qu’à s’affermir.
du Marsais, & ne sont que mieux apercevoir la foiblesse & la maigreur de ceux des volumes suivans.