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1069. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 388-389

Brueys, [David-Augustin] né à Narbonne, où son pere, natif de Montpellier, étoit Directeur de la Monnoie, mort à Montpellier en 1723, âgé de 84 ans, plus connu par ses Pieces de Théatre que par son Histoire du Fanatisme, & par ses Ouvrages de controverse, qui ne sont pourtant pas mal écrits. […] Après avoir professé & défendu par ses Ecrits le Calvinisme, il embrassa la Religion Catholique, d’après plusieurs conférences qu’il eut avec le grand Bossuet, entra ensuite dans l’état ecclésiastique, écrivit platement contre les Protestans, & fut pensionné jusqu’à sa mort par Louis XIV & par le Clergé.

1070. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Le plus modeste, le plus humble des hommes, il offrait en lui cette union si rare d’une expérience clairvoyante et précise, et d’une naïveté d’impressions, d’une sorte d’enfance merveilleusement conservée ; cela donnait à sa personne, à sa conversation, un grand charme, que sa parole écrite ne rendait pas. […] Toutes ses qualités précises et fines ont passé dans ses écrits, mais il restera de lui une plus haute encore et plus chère idée à ceux qui l’ont entendu. […] On n’a rien écrit sur ce sujet de plus intimement vrai et de plus justement senti. […] Vinet comprenait si bien Pascal, il ne sentait pas moins vivement les esprits d’une autre famille, et il y eut un jour où lui, l’un des pasteurs du christianisme réformé, il songea à écrire l’Histoire de saint François de Sales.

1071. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Lenglet Dufresnoy ; par un Eloge funebre, écrit en Latin, de Marie-Thérese-Félicité d’Est, Duchesse de PENTHIEVRE ; par un autre Eloge écrit aussi en Latin, du Comte d’Ons-en-Bray, Président de l’Académie des Sciences de Paris ; par plusieurs autres Productions de ce genre, qui prouvent que Mlle d’Eon eût pu enrichir notre Littérature de plusieurs Ouvrages d’Eloquence, si des occupations plus importantes lui en eussent laissé le temps, comme elle en avoit le goût. […] Nous ne parlerons pas de ses Ecrits polémiques ; ils sont assez connus. […] En 1757, il lui en accorda une, secrete, de trois mille livres ; en 1760, une, publique, de deux mille livres sur son Trésor Royal ; & le premier Avril 1766, une autre, secrete, de douze mille livres sur sa cassette, dont la formule, conçue dans les termes suivans, est signée & écrite en entier de sa main : « En conséquence des services que le sieur d’Eon m’a rendus, tant en Russie que dans mes armées, & d’autres commissions que je lui ai données, je veux bien lui assurer un Traitement annuel de douze mille livres, que je lui ferai payer exactement tous les six mois, dans quelque pays qu’il soit [hormis en temps de guerre chez mes ennemis], & ce, jusqu’à ce que je juge à propos de lui donner quelque poste dont les appointemens soient plus considérables que le présent Traitement.

1072. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Voici ce que j’écrivais dans le dernier volume de la première série de mon Journal. […] N’est-ce pas plutôt le langage d’un ami de l’homme, mais parfois, je l’avoue, d’un ennemi de sa pensée, ainsi que je l’écrivais dans la dédicace du volume, qui lui était adressé. […] — Vos souvenirs étaient sans doute très frais, quand vous les écriviez. […] « Oui, je le répète, insista M. de Goncourt, avec un geste et un accent de conviction et de sincérité frappante, je n’en ai nulle honte, car depuis que le monde existe, les Mémoires un peu intéressants n’ont été faits que par des indiscrets, et tout mon crime est d’être encore vivant, au bout des vingt ans où ils ont été écrits, et où ils devaient être publiés — ce dont, humainement parlant, je ne puis avoir le remords.

1073. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Quoique journaliste, il n’a jamais écrit que dans l’indépendance de sa pensée. […] Au lieu de deux ailes qu’elle avait, il en a donc donné quatre à la Pensée… Eh bien, c’est sous cette forme concentrée et particulière appelée articles de Journal, par la Vulgarité qui déshonore tout, quand elle parle de quelque chose, que les divers chapitres de ce livre ont été écrits. […] Tout livre est l’homme qui l’a écrit, tête, cœur, foie et entrailles. […] Quant aux principes sur lesquels elle s’appuie… pour clouer, — cette Critique, qui n’est, telle que nous la concevons, ni la Description, ni l’Analyse, ni la Nomenclature, ni la Sensation morbide ou bien portante, innocente ou dépravée, ni la Conscience de l’homme de goût, c’est-à-dire le plus souvent la conscience du sentiment des autres, toutes choses qu’on nous a données successivement pour la Critique, elle les exposera certainement dans leur généralité la plus précise, mais lorsque l’auteur des Œuvres et des Hommes arrivera à cette partie de son Inventaire intellectuel, intitulée : Les Juges jugés ou la Critique de la critique… Seulement d’ici-là, sans les formuler, ces principes auront rayonné assez dru dans tout ce qu’il aura écrit, pour qu’on ne puisse pas s’y tromper.

1074. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Aucun roi n’a tant écrit. […] Je lui écrivis pour lui demander si les circonstances de sa participation aux événements du 31 mai étaient vraies, et si, dans le cas où ce bruit aurait quelque fondement, il voudrait bien consentir à me recevoir et à me donner sur la mort de ses amis les informations utiles à l’histoire. […] Nous écrivions les scènes, les portraits, les paroles, à mesure que ses souvenirs, provoqués par nos questions, se retrouvaient et se déroulaient dans la mémoire du vieillard : c’étaient comme les notes du tableau historique et véridique que je me proposais de composer d’ensemble à mon retour. […] Il n’avait jamais songé jusque-là à se faire un mérite de ce hasard qui l’avait lié à cette époque avec les Girondins ; il parlait peu ; il n’écrivait rien. […] La seconde femme de Danton, qu’il avait épousée à l’âge de quinze ans, vivait à l’époque où j’écrivais les Girondins, et vit, je crois, encore aujourd’hui.

1075. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Quel intérêt pouvait-il avoir à écrire contre sa pensée ? […] Il écrit : « M.  […] Est-ce qu’une femme écrit comme cela quand elle croit n’être lue que de son mari ? […] Vraiment, c’est là de l’histoire écrite pour les images d’Epinal. […] Taine « arrive à cet extraordinaire paradoxe d’écrire, sur Napoléon, de longues pages, sans qu’il soit fait même une allusion à son génie militaire ? 

1076. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — III. Un dernier mot sur M. de Talleyrand »

La préoccupation du maître était déjà tournée sur le personnage, et il m’a dit une fois que le sujet l’avait bien des fois tenté, sans qu’il eût jamais eu occasion d’écrire sur lui : « Mais il y a, ajoutait-il, un portrait à faire. » La lettre qu’on va lire, antérieure de près de deux ans à la publication des articles qui ont paru dans le Temps, me semble être le fruit et le résumé d’une opinion qui n’a pas changé : « Ce 9 février 1867. […] Vous m’avez écrit dans le temps un mot qui me revient, que M. de Talleyrand ne serait qu’un enfant de chœur auprès de lui. […] Sainte-Beuve disait lui-même qu’on ne peut encore aujourd’hui, et tant que les Mémoires de M. de Talleyrand n’auront pas été publiés, écrire un travail complet sur celui qui résume le mieux en lui, dans les temps modernes, tous les sens du mot grec Ὑποκριτής.

1077. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 366-368

Sa facilité pour écrire étoit étonnante, ce qui ne veut pas dire qu’il ait toujours bien écrit. […] Les réflexions y sont lumineuses & fortement exprimées ; ce qui prouve que, pour écrire au moins passablement, il faut suivre son propre caractere, quand on n’a pas assez de nerf & de souplesse pour se plier à celui des grands Modeles.

1078. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

lui écrivait-il de Marseille le 30 décembre 1785, vous me paraissez avoir beaucoup gagné depuis un an, et vos derniers vers, ainsi que votre dernière lettre, sont d’un ton bien supérieur à tout ce qui a précédé. […] La traduction du traité de l’Orateur de Cicéron fut le seul écrit que M.  […] Une lettre écrite par Daru à l’un de ses amis, et où se trouvaient ces mots ironiques : « J’attends ici nos amis les Anglais qui, dit-on, vont débarquer bientôt, etc. », fut interceptée et prise au sérieux par ceux qui la lurent. […] Daru. pour être un chef-d’œuvre, je ne fais que répéter ce que je trouve écrit dans les lettres que lui adressaient ses amis à lui-même ; car Daru était de cette école de littérateurs qui se consultaient sincèrement entre eux sur leurs ouvrages, qui ne se louaient pas à l’excès, qui admettaient les observations en les discutant. […] Mme de Staël, que Daru avait vue pour la première fois en Suisse, à Coppet, lui écrivait qu’elle avait lu l’Épître avec son père et qu’elle en savait par cœur des passages.

1079. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

» Lorsque les députés arrivèrent ensuite avec leurs mandats et leurs instructions écrites, Malouet eût été d’avis également que les ministres s’y appuyassent pour déterminer l’objet et la portée des débats. […] Il était écrit que tout se ferait à contresens. » Malouet lui-même convient, d’ailleurs, qu’il eut aussi, à cette époque, ses erreurs de vue et ses préventions92. […] Deux incidents particuliers mirent Malouet en scène et méritent d’être rappelés : l’un, dans la séance du 21 novembre 1789, où il se vit dénoncé pour une lettre de lui écrite au comte d’Estaing, et qu’on avait interceptée. […] Il s’était fait d’abord connaître dans le monde littéraire par des écrits d’une compilation utile et agréable ; mais ce ne fut que lorsqu’il eut choisi le vaste sujet de l’Histoire du commerce qu’il crut véritablement avoir rencontré sa veine et embrassé sa vocation. […] Necker et de Montinorin, et il a écrit que c’était Malouet qui avait fait les avances auxquelles Mirabeau s’était souvent refusé.

1080. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Les supérieurs se décidèrent à renvoyer Gresset de la compagnie, non sans avoir consulté le cardinal Fleury, qui écrivait là-dessus au lieutenant de police Hérault : « A Issy, le 23 novembre 1735. […] Dans tout ce qu’il a écrit dans l’intervalle et depuis, il n’a su que répéter, affaiblir, délayer la manière ou les idées de ces deux excellents ouvrages, les seuls de lui qui méritent de rester. […] Ceux de Gresset avaient pourtant de quoi plaire dans leur nouveauté : Jean-Baptiste Rousseau, qui les recevait à Bruxelles, ne se contenait pas de joie, et voyait déjà dans le nouveau-venu un rival et un vainqueur de Voltaire : « Je viens de relire votre divine Épître (celle à ma Muse), lui écrivait-il, et, si la première lecture a attiré mon admiration, je ne puis m’empêcher de vous dire que la seconde a excité mes transports. » Il est vrai que, dans l’épître en question, Gresset y parlait de Jean-Baptiste comme d’un Horace, et le proclamait ce Phénix lyrique. […] En combien d’endroits de ses lettres Cicéron se montre préoccupé de ce je ne sais quoi si réel et si indéfinissable, soit que, du fond de la Cilicie, il écrive à un de ses amis plus heureux, qui vit, comme il dit, à la lumière : « Urbem, urbem, mi Rufe, cole et in ista luce vive 39, » soit qu’il écrive à cet autre qui se plaignait de lui, et qui tout d’un coup, en arrivant à Rome, change de ton : « Il a suffi du seul aspect de la ville pour te rendre ta première urbanité, adspectus videlicet urbis tibi tuam pristinam urbanitatem reddidit 40 !  […] Gresset, écrit-elle, est revenu à Paris après quinze ans (lisez vingt-quatre) de séjour à Amiens.

1081. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Il est adressé à la classe des malheureux ; j’ai tâché de l’écrire dans leur langue, qu’il y a longtemps que j’étudie. […] « Plusieurs philosophes anciens et modernes ont écrit sur ce sujet. […] Fontanes lui tendit la plume et lui proposa d’écrire. […] « C’était, dit-il, un égoïste qui ne s’occupait que des autres. » « J’ai été, écrivait M.  […] Le cardinal Fesch écrivit à Paris cette excentricité inopportune et prétentieuse.

1082. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Il écrivait plaisamment à sa femme, de Tours où il était en janvier 1816, à propos d’un bal de la haute société : « Si tu t’étais trouvée ici, aurais-tu été assez pure ? […] Le pas était franchi, il n’y avait plus à douter que l’humeur de Courier déciderait toujours de sa conduite, et que son plaisir d’écrire l’emporterait sur son désir de vivre en repos. […] Cependant Courier écrivait de Paris à sa femme (juin 1821) : Je ne sais encore si je serai mis en jugement. […] Avant de se constituer prisonnier et aussitôt après son jugement, Courier n’avait pas manqué d’écrire l’histoire de son procès, en y joignant le discours qu’il aurait voulu prononcer pour sa défense ; il appelait cela son Jean de Broé, du nom de l’avocat général qu’il y tournait en ridicule : « Ma brochure a un succès fou, écrivait-il à sa femme ; tu ne peux pas imaginer cela ; c’est de l’admiration, de l’enthousiasme. […] À peine établi à Sainte-Pélagie, il y reçut visites et félicitations, plus qu’il n’en voulait : Tout le monde est pour moi, écrivait-il à sa femme avec une sorte d’épanouissement ; je peux dire que je suis bien avec le public.

1083. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Éparpillé dans les journaux en vue desquels il a été écrit, le livre de M.  […] Renan avec un sourire placide et superbe) a écrit en tête de la 2e édition de son Essence du christianisme : par ce livre, je me suis brouillé avec Dieu et le monde. […] Mais le moyen de faire passer les choses les plus risiblement affirmatives ou les plus tristement vagues, c’est le sérieux avec lequel on les écrit. […] Renan a moins écrit son livre pour résoudre des difficultés qu’au fond il regarde lui-même comme insolubles, que pour proclamer les droits de la Critique indépendante et désintéressée, de la Critique en dehors de tout dogmatisme et de toute polémique, comme il dit. […] Écrites avec pureté, et quelquefois avec une transparence colorée, ces Études, logiquement et scientifiquement sans valeur, ont des détails qui attireront, qui ont attiré déjà les esprits de peu de pensée et qui aiment l’expression partout où elle s’attache.

1084. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Qu’aurait-il donc écrit encore s’il avait vécu ? […] Gozlan a écrit son livre avec son esprit, et que Mme Surville a écrit le sien avec son cœur. […] vous croyez à tout ce qui est écrit, comme les paysans ? […] Michelet un livre bien écrit. […] Celui qui écrit simplement n’est pas chroniqueur.

1085. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Des femmes ont écrit ces récits, des femmes ont commandé qu’on les écrivit pour leur amusement et leur instruction. […] Géruzez l’a écrite. […] Je trouve qu’il a écrit un réquisitoire. […] L’art d’écrire lui manque, non le style. […] Flaubert a écrit son roman pour essayer de la fixer.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

C’est pour elle et par son ordre qu’il écrivit les Annales de l’Empire, le seul ouvrage peut-être de sa façon qui soit décidément ennuyeux. Il en a bien un peu conscience, et au moment de lâcher les volumes dont il s’est acquitté comme d’une tâche, il écrit à la princesse : « Tout est fini et j’ai environ dix siècles à mettre à vos pieds ; j’aimerais mieux y être moi-même. […] Hérault : Mais agissez, écrit-il à l’abbé Moussinot, ameutez les Procope, les Audry, rue de Seine, et même l’indolent Pitaval, rue d’Anjou, les abbé de La Tour-Céran, les Castera-Duperron ; qu’ils voient M.  […] je lui ai écrit… À d’autres endroits du volume, et avec d’autres correspondants c’est le Voltaire de la fin, le patriarche de Ferney, qui, toujours mourant, passe et repasse devant nous sur quelques-uns des dadas (très beaux dadas en effet, et le plus souvent très nobles) de ses dernières années. […] de tous les points de vue auxquels on peut se placer pour le regarder, il en est un qui me paraît le plus juste et qui est aussi le plus simple : voyons-le à son moment dans le siècle ; voyons-le en lui-même et dans ses écrits, dans ses pensées confidentielles, dans tout ce qui lui échappe de contradictoire et de sincère.

1087. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Je vous remercie de m’encourager ainsi et de m’enhardir, et bien réellement j’avais si fort besoin d’être rassuré que je ne vous écris ceci que pour vous dire comme quoi je n’ose, même après votre mot aimable, venir parler de Catherine. Oui, je suis effrayé, mon cher directeur, et vous en comprendrez les raisons si vous voulez bien vous mettre un instant à ma place, et me laisser vous rappeler tout ce qui s’est passé à la suite de l’article, mêlé de critique et d’éloge, que j’ai écrit sur Fanny 63. […] Dans mes leçons, — dans les écrits qui sont sortis ou qui sortiront de mes leçons —, on a pu voir et l’on verra que je m’acquitte de ma fonction non seulement avec conscience, mais de tout cœur, avec zèle et sincérité. […] J’ai connu autrefois M. de Pontmartin, je l’ai même assez connu dans un temps pour qu’il m’ait écrit, le flatteur ! […] Il a eu, d’ailleurs, une récompense qui vaut mieux que tous les articles du dehors : le maître de nos romanciers, une nature féconde et généreuse, Mme Sand qui ne connaît l’auteur que par ses livres, lui en a écrit, et à diverses reprises, et des lettres pleines de sympathie, de cordialité, d’éloges et de conseils aussi, de critiques de détail discutées et motivées.

1088. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

D’un côté sont les conteurs du moyen âge, Marot, Saint-Gelais, les buveurs, les malins, les chansonniers, qui restent au second rang ; de l’autre côté sont les lettrés, Boileau, Racine, Rousseau, les théoriciens du seizième et du dix-neuvième siècle qui écrivent pour une classe et non pour la nation. […] Il n’écrit pas au hasard avec les inégalités de la verve. […] La même main a écrit les Troqueurs et à côté les deux Pigeons. […] Pendant ce temps, sa main écrit des lignes non finies, terminées par des syllabes pareilles ; et il se trouve que ces lignes sont la même chose que ce rêve ; ses phrases n’ont fait que noter des émotions. […] Pascal et Saint-Simon seuls au dix-septième siècle, et encore dans des écrits secrets qui sont des confidences, ont traversé la froide et brillante enveloppe des mots pour aller troubler le coeur.

1089. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Les étrangers qui écrivent en français : Frédéric II, le prince de Ligne, Galiani. […] L’impératrice parle un français bizarre, brusque, incorrect, original ; elle écrit des comédies en français ; elle traduit Bélisaire en russe. […] Les lettres de Gustave III, de Stedingk, du roi de Pologne valent celles de leurs correspondants français ; et il y a même trois étrangers qui ont écrit supérieurement notre langue : le prince de Ligne, l’abbé Galiani, et le roi de Prusse Frédéric II. […] L’abbé Leblanc écrit de Londres ses Lettres d’un Français, 1745, 3 vol. in-12. […] L’abbé Ferdinand Galiani (1728-1787), né à Chieti, secrétaire d’ambassade à Paris, écrivit contre les économistes ses Dialogues sur les blés qui enchantaient Voltaire.

1090. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Bouhours est un causeur fort goûté, tout nourri de ces dragées de la conversation des ruelles qu’il nous offre dans ses écrits, d’une main qui n’est pas toujours légère. […] Boileau l’entendait bien mieux quand il disait aux poètes : Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. […] Bouhours détruit l’ordre de Boileau ; ce qu’il nous conseille, c’est d’apprendre à écrire avant que de penser, comme si le premier effort ne rendait pas incapable du second. […] Dans ses écrits, comme dans ceux de Bouhours, le faux est de penchant et de source ; le vrai n’est que de conduite. […] Les grands esprits d’alors savaient que s’attacher aux ornements, c’est prouver qu’on doute de l’excellence du vrai, ou qu’on veut avoir pour soi tout seul la gloire de ce qu’on écrit.

1091. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Ce mot, romantisme, a, comme tous les mots de combat, l’avantage de résumer vivement un groupe d’idées ; il va vite, ce qui plaît dans la mêlée ; mais il a, selon nous, par sa signification militante, l’inconvénient de paraître borner le mouvement qu’il représente à un fait de guerre ; or ce mouvement est un fait d’intelligence, un fait de civilisation, un fait d’âme ; et c’est pourquoi celui qui écrit ces lignes n’a jamais employé les mots romantisme ou romantique. On ne les trouvera acceptés dans aucune des pages de critique qu’il a pu avoir occasion d’écrire. […] Eschyle, qui écrivait l’Orestie, avait pour frère Cynégyre, qui mordait les navires ennemis ; cela suffisait à la Grèce au temps de Salamine ; cela ne suffit plus à la France après la Révolution ; qu’Eschyle et Cynégyre soient les deux frères, c’est peu ; il faut qu’ils soient le même homme. […] De là cette parole : Délivrance, qui apparaît au-dessus de tout dans la lumière, comme si elle était écrite au front même de l’idéal. […] Comme le déclarait il y a quarante ans tout à l’heure14 celui qui écrit ces lignes : les poètes et les écrivains du dix-neuvième siècle n’ont ni maîtres, ni modèles.

1092. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Ménage en témoigna son ressentiment par une réponse à l’abbé d’Aubignac, qui ne jugea plus à propos d’envoyer d’autres écrits à l’adresse de son adversaire. […] Il s’écrie : Quod scripsi, scripsi  : ce qui est écrit est écrit ! […] Il dit qu’il avoit juré de ne jamais écrire ni lire des libèles ; qu’il ne vouloit point manquer à sa parole, quoiqu’il eût été traité de scrupuleux par les plus célèbres casuistes de la maison de Sorbonne, & du collège des jésuites. […] Ils imaginèrent de faire expier à la cendre de Ménage toutes les fautes de bon sens & de goût renfermées dans ses écrits. […] Un jour elle écrivit à Pélisson, que Despréaux : appelle vilain garçon, plus laid qu’un singe & qu’un diable : Enfin, Achante, il faut se rendre ; Votre esprit a charmé le mien.

1093. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

Mais n’eût-il pas été plus simple d’écrire : Le style de Jules Janin est un style à rallonges ? […] — Mon Dieu, répondit-elle, la lecture de Fanny a fortifié cette conviction déjà ancienne chez moi : que les Allemands écrivent pour leurs femmes, et les Français pour leurs maîtresses. […] Deux jours se passent : il n’est plus temps d’écrire votre article. Ne l’écrivez pas. […] Vapereau eût écrit la biographie, s’il l’eût jamais rencontré.

1094. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Qu’on écrive l’histoire sans être un homme de génie, qu’on étudie les faits, et qu’on prouve qu’on les a étudiés en les discutant et en les racontant texte en main, cela est courageux et modeste, et cela donne le droit, quand on en a la puissance, de s’élever de ces faits jusqu’à ces généralités qui sont comme la raison des choses et l’essence même de l’histoire. […] Nous venons de lire son livre avec le respect qu’inspirent les choses que le temps parfume et couronne de cette auréole de réflexion qui est la gloire de la sagesse, et, malgré notre profonde sympathie pour les œuvres lentement écrites et opiniâtrement élaborées, nous n’y avons pas trouvé ce que nous cherchions. […] Écrire une telle chose sérieusement, c’est une dérision de l’histoire, c’est prendre l’accident pour la cause, le symptôme pour la maladie, les conséquences pour le principe. […] Nous avons montré la valeur substantielle du livre de Tocqueville, soit qu’on le prenne pour un livre d’histoire indépendante écrit pour la postérité, soit qu’il veuille être, sous un autre aspect, un ouvrage de parti et de circonstance. […] Prud’homme qui a écrit ces choses, ou est-ce un académicien ?

1095. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Lecoy de la Marche, qui a écrit l’histoire de René d’Anjou, un contemporain de Louis XI, et qui n’est pas plus content des histoires qui ont précédé son histoire que Legeay des histoires qui avaient précédé la sienne, nous donne-t-il à son tour cette chose plus rare qu’une histoire de plus et que Legeay nous a donnée ? […] Lui qui, dit-on, préférait systématiquement les vaincus aux vainqueurs dans l’Histoire, il devait écrire cette vie de René d’Anjou. […] Est-ce ce caractère de malheur complet et immérité qui a déterminé Lecoy à écrire cette vie, qui n’est pas, après tout, un de ces grands sujets tentants pour un historien moderne, s’il n’a pas, comme Thierry, l’imagination sentimentale et mélancolique… Certes ! […] Mais une conscience, même doublée de science, ne suffisait pas pour écrire l’histoire de cet homme, qui fut un si beau et si héroïque jeune homme, de ce brillant roi de batailles et de pas d’armes qui avait du François Ier avant François Ier, et dont l’Histoire, qui l’a trop bonhomisé, ne se souvient que comme d’un « roi d’intérieur » et d’un vieillard occupé de frivolités littéraires et de bric-à-brac artistique. […] Mais s’il ne manque ni de droiture ni de renseignement, Lecoy de la Marche, il manque d’émotion, et c’est de l’émotion qu’il fallait pour écrire l’histoire du roi René, — et venger ce preux dont on a presque fait un pleutre !

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