Ainsi, lorsque jadis Proserpine fut enlevée dans les bras de Pluton, loin des prairies de la Sicile, enfantine dans ses plaintes, elle pleurait pour les fleurs qui s’échappaient de son sein. » La seconde est une ode dialoguée entre l’aigle et le cygne. « La pièce de vers suivante doit perdre encore plus à la traduction que le sonnet, dit-elle » ; elle est intitulée : Mélodies de la vie.
Tous les amis qu’elle avait à Holyrood s’enfuirent en désordre, le comte d’Atholl, les lords Fleming et Levingston s’échappèrent par un couloir obscur.
Ne pouvant susciter un généreux élan dans sa patrie, dont on la repoussait comme on éloigne l’étincelle d’un édifice de chaume, elle se réfugiait dans la pensée de l’Angleterre et de l’Allemagne, qui seules vivaient alors de vie morale, de poésie et de philosophie, et lançait de là dans le monde ces pages sublimes et palpitantes que le pilon de la police écrasait, que la douane de la pensée déchirait à la frontière, que la tyrannie faisait bafouer par ses grands hommes jurés, mais dont les lambeaux échappés à leurs mains flétrissantes venaient nous consoler de notre avilissement intellectuel, et nous apporter à l’oreille et au cœur ce souffle lointain de morale, de poésie, de liberté que nous ne pouvions respirer sous la coupe pneumatique de l’esclavage et de la médiocrité.
Nous sommes emprisonnés dans notre univers, et de cet univers même nous ne pouvons saisir toute l’infinité : « quelque apparence du milieu des choses », voilà le connaissable, voilà la science ; mais les substances, les causes, les principes nous échappent, pendant que se déroulent sous nos yeux des séries de phénomènes qui jamais ne commencent et jamais ne finissent.
Il a su transmuter la substance de tout en substance poétique, ce qui est la condition expresse et première de l’art, l’unique moyen d’échapper au didactisme rimé, cette négation absolue de toute poésie ; il a forgé, soixante années durant, des vers d’or sur une enclume d’airain ; sa vie entière a été un chant multiple et sonore où toutes les passions, toutes les tendresses, toutes les sensations, toutes les colères généreuses qui ont agité, ému, traversé l’âme humaine dans le cours de ce siècle, ont trouvé une expression souveraine.
Sous la pression des intérêts égoïstes ou de sentiments très divers notre morale dévie sans cesse, et n’échappe à une déviation que pour en subir une autre.
Il fallait ses lumières transcendantes de martyr et d’ascète pour découvrir ce qui échappait si complètement à ceux qui dirigeaient ma conscience avec tant de droiture, du reste, et de bonté.
C’est donc chose grave quand ce patronage des écrivains passe d’un groupe social à un autre, quand il échappe par exemple aux autorités officielles.
Quand elle voit que Parsifal échappe à son influence, étonnée, puis saisie par une admiration douloureuse, elle essaie de le retenir.
Il est donc puni et bien puni, le Poirier : son gendre lui échappe, sa fille l’abandonne, il lui reste sa marotte à faire sonner, son dada à chevaucher, son rêve à ruminer, la pairie à convoiter, à espérer, à attendre !
— Ma foi, c’est vrai, avoue en riant Flaubert, même avec les femmes de maison, que j’appelle mon petit ange… ……………………………………………………………………………………………………… — C’est curieux, — laisse échapper Tourguéneff, écoutant avec des yeux effarés et presque inquiets, ce qui se dit, — c’est curieux, moi, je n’aborde la femme qu’avec un sentiment de respect, d’émotion, et de surprise mon bonheur… Daudet, vous n’avez pas connu de femmes russes ?
La profession des comédiens n’a pas échappé à M.
Paul Souchon a échappé à cette erreur.
Mais lui, du fait que l’ironie de sa folie lui échappe, se fait enfermer dans une maison de fous.
Proudhon n’échappera point à cela.
Dieu soit loué, nous avons échappé à cette obligation funèbre.
il faut tristement conclure, malgré la sympathie qu’on a pour M. de Goncourt, que Les Frères Zemganno sont un mauvais livre, échappé au talent de l’auteur.
C’est là, par exemple, ce qui lui fait décrire, dans ce livre, avec un détail à empoigner, comme on dit affreusement, l’âme la plus rebelle à le croire, le duel acharné du canonnier et du canon, échappé de son embrasure, roulant, dans l’entrepont, au tangage du navire, et dévastant et brisant tout, comme une féroce bête en fer déchaînée !
Les plus grands penseurs, depuis Aristote, se sont attaqués à ce petit problème, qui toujours se dérobe sous l’effort, glisse, s’échappe, se redresse, impertinent défi jeté à la spéculation philosophique.
Bajazet accourt pour rassurer Atalide, en lui apprenant qu’il vient d’apaiser la colère de Roxane : quoique l’honneur et l’amour reprochent une pareille complaisance à l’âme fière du jeune prince, cependant il s’applaudit de se voir enfin libre et les armes à la main ; mais son transport est interrompu par les larmes qui s’échappent des yeux d’Atalide : étonné d’une douleur à laquelle il n’avait pas lieu de s’attendre, il s’écrie : Que vois-je ? […] Un autre témoignage de Voltaire est peut-être plus énergique, puisqu’il semble être échappé à son cœur dans l’épanchement d’un entretien familier ; on le trouve consigné dans les Mémoires de Le Kain. […] Ainsi Monsieur, frère unique de Louis XIV, et père du duc d’Orléans régent, ne fut pas si difficile en plaisanteries que tel écolier de notre parterre, qui, s’étant échappé de sa pension dimanche dernier, aura cru faire un sacrifice au dieu du goût, en sifflant de toutes ses forces Crispin médecin.
Pour encourager quelques malheureux échappés des prisons, qu’il a rassemblés autour de lui, il leur dit avec emphase : Et six cents Espagnols ont détruit sous leurs coups Mon pays et mon trône, et vos temples et vous. […] Les deux époux qui font la partie de se tuer ensemble, pour échapper au tyran, sont encore un exemple de ces situations forcées qui n’ont qu’un vain éclat : la véritable vertu n’a point tant d’apprêt ni de faste. […] Le Kain rapporte lui-même, dans ses mémoires, que Voltaire, étant aux Délices, lui dit ces propres paroles, en lui confiant le rôle de Gengiskan : « Mon ami, vous avez les inflexions de la voix naturellement douces ; gardez-vous bien d’en laisser échapper quelques-unes dans le rôle de Gengiskan ; il faut bien vous mettre dans la tête que j’ai voulu peindre un tigre qui, en caressant sa femelle, lui enfonce les griffes dans les reins. » Voltaire n’a pas fait ce qu’il voulait ; Gengiskan n’est point un tigre ; il n’enfonce point ses griffes dans les reins de sa femelle : c’est plutôt le lion de la fable, qui s’est laissé couper les griffes par une femme. […] Si quelque chose pouvait dérober Voltaire au soupçon de flatterie, ce seraient les maladresses et les balourdises qui lui échappent : les flatteurs ordinairement ne sont pas si gauches. […] « Considérez, dit l’historien, quels mouvements, quelle agitation excite dans tous les esprits la vue de cette mère désespérée, qui, levant le poignard sur son propre fils, qu’elle croit être l’assassin de ce même fils, s’écrie : Tu n’échapperas pas au coup mortel que je vais te porter !
La littérature classique française, née au xvie siècle de l’admiration, très légitime, des chefs-d’œuvre anciens, et du besoin d’échapper à la puérilité du moyen âge, avait d’abord imité servilement, et dans sa forme plus qu’en son esprit, la littérature antique ; elle l’avait imitée plus tard avec intelligence et hardiesse et dans une mesure exquise d’adaptation avisée et judicieuse ; mais encore imitait-elle, et avec une timidité singulière à l’égard de ses propres forces ; si bien que, tout autant par l’effet de sa timidité, que par le prestige de sa perfection, elle avait conduit les esprits à cette idée qu’il faut imiter indéfiniment. […] Impression d’une nuit d’été heureuse, sous les étoiles, trop rapide, qu’on voudrait retarder, qui échappe, qui fuit, perdue pour jamais… au moins que la trace en reste ! […] Restent les descriptions du Liban qui sont magnifiques, le chœur des cèdres qui est d’une puissance toute biblique, des traits sublimes, qui éclatent tout à coup, échappés à la nonchalance du génie du poète : C’est la cendre des morts qui créa la patrie ! […] La désolation de Chateaubriand n’est rien auprès de la sienne ; non pas que Chateaubriand ne soit point sincère, mais si la mélancolie est profonde en lui, encore est-il qu’il y échappe ; elle ne le prend point toujours et tout entier. […] Le second stade de sa pensée — je suis ici pour tout dire, et il faut trancher le mot — c’est la haine, une haine sans déclamation, où l’on sent la froide réserve du gentilhomme, qui peut échapper même au lecteur superficiel, mais très nette et profonde, contre l’auteur d’une si inconcevable injustice.
Au moment où l’animal fait des mouvements de mastication, on voit ensuite sortir goutte à goutte la salive parotidienne qui s’échappe du conduit de Sténon ouvert. […] Les caractères de la salive sous-maxillaire sont les mêmes chez l’homme que chez les animaux ; c’est elle qui chez l’homme s’échappe de la bouche, et est lancée par jets à la vue d’un mets succulent. […] La partie supérieure de la glande avait échappé à cette destruction et présentait encore son aspect normal. […] En incisant le foie, on obtenait une surface qui ressemblait à un beau porphyre vert foncé et grenu ; les conduits biliaires, dilatés, étaient remplis de bile, qui s’en échappait quand on les incisait. […] Souvent alors elle s’obstruait par des particules de mucus concret, et il en résultait une douleur vive quand la malade venait à manger, par suite de l’emprisonnement du liquide qui ne pouvait s’échapper.
Nul n’échappe à sa destinée. […] Ils nous montrent, avec une grandeur tragique, l’éternelle déception à laquelle aucun de nous n’échappe, si peu qu’il ait songé. […] Et, si nous n’y prenons garde, tous les diables et toutes les sorcières du sabbat s’échappent de nos grimoires dès que nous les ouvrons. […] Le balayeur de la rue n’y échappe pas.
Chalon, ce Claude mêlé de Watteau, historien des belles fêtes d’après-midi dans les grands parcs italiens ; avec Grant, cet héritier naturel de Reynolds ; avec Hook, qui sait inonder d’une lumière magique ses Rêves vénitiens ; avec cet étrange Paton, qui ramène l’esprit vers Fuseli et brode avec une patience d’un autre âge de gracieux chaos panthéistiques ; avec Cattermole, l’aquarelliste peintre d’histoire, et avec cet autre, si étonnant, dont le nom m’échappe, un architecte songeur, qui bâtit sur le papier des villes dont les ponts ont des éléphants pour piliers, et laissent passer entre leurs nombreuses jambes de colosses, toutes voiles dehors, des trois-mâts gigantesques ! […] L’amour de l’obscénité, qui est aussi vivace dans le cœur naturel de l’homme que l’amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire.
Et puis il y a quelque chose qui peut nous consoler au milieu des risques extrêmes de l’existence : personne n’échappe à sa destinée. […] La définition de son talent m’échappe encore. […] La vie de Barrès jusqu’ici a été un effort pour échapper à cette fatuité intellectuelle, qui voulait s’imposer à son esprit. […] J’étais venu pour vous entendre dire autre chose, je voulais vous parler des difficultés que j’éprouve à porter un jugement sur le roman psychologique contemporain… » À peine ces paroles m’avaient-elles échappé que Marcel Schwob s’emporta, et sans me permettre la moindre explication, se mit à tonner : — « Vous osez prononcer devant moi ces mots néfastes ! […] Étendez le cercle qui l’entoure autant que vous voudrez, ou bornez-le strictement à son voisinage immédiat, vous n’échapperez jamais à cette conception primordiale du Moi et des autres.
L’action convoitée lui échappe. […] Mais quel soupir nostalgique vers un autre emploi de ses facultés dans les boutades qui lui échappent à chaque occurrence ! […] … Ce sont les plis du linceul d’Aliette de Courteheuse, c’est le frémissement vague et blanc du froid suaire, c’est l’ardeur de ce soupir échappé au silence du tombeau qui manquent à la fin de la Morte.