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284. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Même, s’il pouvait être question de défauts dans un âge si tendre, j’y remarquerais le défaut des esprits clairs et nets, qui est une certaine sécheresse ; c’est comme la première forme d’un esprit sain qui n’est pas encore développé. […] Tous deux marquent deux âges de notre langue. […] L’expérience et les années semblaient lui avoir donné, avec la satiété des spectacles qui avaient amusé sa jeunesse et son âge mur, un certain goût de pénétrer dans les causes et de tirer la morale des événements. […] Elle aussi marque un âge de la langue : c’est, il est vrai, un âge sans caractère, sans physionomie, mais où la science remarque le travail d’une langue qui va se renouveler et s’étendre. […] Ce ne fut qu’en 1399, et à l’âge de trente-six ans, qu’elle entreprit d’écrire en prose des ouvrages sérieux.

285. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Cousin, dans l’esquisse pleine de feu qu’il a tracée dès femmes du xviie , leur a décerné hautement la préférence sur celles de l’âge suivant ; je le conçois : du moment qu’on fait intervenir la grandeur, le contraste des caractères, l’éclat des circonstances, il n’y a pas à hésiter. […] De quoi s’agit-il en effet, sinon de grâce, d’esprit et d’agrément (je parle de cet agrément qui survit et qui se distingue à travers les âges) ? […] Elle se trouvait ainsi de neuf ans plus âgée qu’on ne l’a supposé ; non pas qu’elle ait dissimulé son âge ; elle n’indique point, il est vrai, dans ses Mémoires, la date précise de sa naissance (les dates, sous la plume des femmes, c’est toujours peu élégant) ; mais elle mentionne successivement dans le récit de sa jeunesse certaines circonstances historiques qui pouvaient mettre sur la voie. […] Enfin j’avois acquis, quoique infiniment petite, tous les défauts des grands : cela m’a servi depuis à les excuser en eux. » Ainsi élevée, ainsi traitée jusqu’à l’âge de vingt-six ans sur le pied d’une perfection et d’une merveille, lorsqu’elle tomba plus tard en servitude, ce fut comme une petite Reine déchue, et elle en garda les sentiments, « persuadée qu’il n’y a que nos propres actions qui puissent nous dégrader », dit-elle ; aucun fait de sa vie n’a démenti cette généreuse parole.

286. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Mais derrière ces premiers articles, qui sont d’affiche et de montre, arrivent les autres plus essentiels, à savoir qu’en la tendresse de l’âge du jeune roi, le parlement de Paris présentera pour le gouvernement de l’État des personnes illustres, tirées des ordres du clergé, de la noblesse et de la magistrature, qui seront, après les princes du sang, les conseillers naturels et les ministres de la régence. […] La conclusion et le but où il en fallait venir est que, le cardinal Mazarin étant incompatible avec cet âge d’or et ce règne de la Justice sur la terre, « il sera incessamment poursuivi jusques à ce qu’il soit mis entre les mains de la justice pour être publiquement et exemplairement exécuté ». […] Ailleurs, il se livre à nous, sur ce point, avec un accent de vérité qui serait plus fait encore pour nous toucher : c’est à la fin de la seconde Fronde, dans laquelle il tint une conduite si différente de celle qu’il eut dans la première ; mais cette première réputation d’ambitieux à main armée le poursuivait toujours : Est-il possible, disait-on en lui supposant cette visée du ministère, est-il possible que le cardinal de Retz ne soit pas content d’être, à son âge (il avait trente-sept ans), cardinal et archevêque de Paris ? […] Quoique d’un âge encore peu avancé et avant d’atteindre à la soixantaine, le cardinal de Retz était très usé de santé.

287. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

C’est ici que La Fontaine abandonne son auteur pour approprier la morale de ce conte à l’âge et à l’état du prince auquel il est adressé ; mais l’auteur italien n’en use pas ainsi : il poursuit son projet ; et quand Ulysse, pour amener ses gens à l’état d’hommes, leur parle de belles actions et de gloire, voici ce que l’un d’eux lui répond : « Vraiment nous voilà bien. […] De plus, ces vérités qui ont besoin d’explication, de restriction, ne doivent-elles pas être réservées pour un âge plus avancé que celui du duc de Bourgogne ? […] En cet âge où nous sommes. […] Il paraît que cette fable avait été laissée dans le porte-feuille de l’auteur, et qu’elle était faite depuis longtemps  ; car il y parle un peu d’amour : ce qui eût été ridicule à l’âge où il était, quand ce douzième livre parut.

288. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Il retarde sur Alexandre et ne commence pas en héros à l’âge de ce demi-dieu ; mais en restant jeune plus longtemps, il se garde des délires du triomphe et des fumées de l’ivresse. Grand capitaine quand il le faut, endurci aux fatigues, rapide, agile, inépuisable en combinaisons, il ne se laisse ni entraîner par le vertige des conquêtes ni arrêter par des scrupules d’homme civil et des remords d’humanité sur les champs de bataille : humain et clément le lendemain, charmant à ses amis, conciliant à ses ennemis, attentif à tous, fécond jusqu’à la fin en projets immenses, mais utiles à l’empire, qu’il était à la veille d’exécuter sans nul doute et d’accomplir jusque sous les glaces de l’âge.

289. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Hé, madame, écrivez vos mémoires pour vous, dans le recueillement de la solitude et de l’âge ; épanchez-y en silence vos souvenirs, vos joies, vos douleurs, et, si vous voulez, vos péchés et vos repentirs ; confiez à l’amitié ou à la famille cet humble et sacré dépôt qui doit vous survivre ; et croyez bien que le lecteur n’aura jamais plus foi en vos paroles que quand plus tard vous ne serez pas là interposée entre vos révélations et lui. […] L’art de sa composition est merveilleux sous ce point de vue : des réflexions générales, des portraits de société, des espiègleries bien innocences et bien drôles, lui ont rempli ses deux volumes de 400 pages, et l’ont insensiblement menée jusqu’à l’âge de trente ans environ, libre et pure de tout aveu un peu grave.

290. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Racine sent bien plus les Grecs ; mais, en bel esprit tendre, il sent et suit surtout ceux du second et du troisième âge, non pas Eschyle, non pas même Sophocle, mais plutôt Euripide ; ses Grecs, à lui, ont monté l’escalier de Versailles et ont fait antichambre à l’Œil-de-Bœuf. […] Dans l’étude de la statuaire grecque, on en resta ainsi longtemps au pur gracieux, à l’art joli et léché des derniers âges : ce n’est que tard qu’on a découvert la majesté reculée des marbres d’Égine, les bas-reliefs de Phidias, la Vénus de Milo.

291. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Il avait vécu ; il avait sucé de ses fortes lèvres rouges tous les fruits de l’Arbre fatidique ; il avait été un homme à l’âge où les autres hommes sortent de l’enfance ; il était vieux à l’âge où les autres hommes sont mûrs… Il relut Sagesse, sourit, se laissa oindre d’huiles consacrées, puis, ramenant le drap par-dessus sa tête, il s’en alla, rassasié de tout, dans la nuit sans étoiles.

292. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XI. Le Guerrier. — Définition du beau idéal. »

Car si vous entreprenez de peindre les premiers âges de la Grèce, autant la simplicité des mœurs vous offrira des choses agréables, autant la barbarie des caractères vous choquera : le polythéisme ne fournit rien pour changer la nature sauvage et l’insuffisance des vertus primitives. Si au contraire vous chantez l’âge moderne, vous serez obligé de bannir la vérité de votre ouvrage et de vous jeter à la fois dans le beau idéal moral et dans le beau idéal physique.

293. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Né en 1613, entré dans le monde dès l’âge de seize ans, il n’avait pas étudié, et ne mêlait à sa vivacité d’esprit qu’un bon sens naturel encore masqué d’une grande imagination. […] L’infirmité de l’esprit humain est telle que les impressions reçues des mêmes objets diffèrent selon les personnes, selon les âges et les moments : la forme ou le fond du vase fait la couleur de l’eau. […] qu’un peu mieux valait cet âge où la terre facile donnait tout d’elle-même : ……..Tibi dædala Tellus Submittit flores……… ! […] J’oserai dire aussi que ces défauts étaient masqués à nous-mêmes et ajournés par les distractions du bel âge : ces gracieux plaisirs cessant, les laideurs commencent. […] A un certain âge, tout l’art du bonheur, si cela méritait encore ce nom, serait de pouvoir s’isoler à point des hommes.

294. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

je reconnais l’âge mûr ! […] L’âge mûr ne préfère pas toujours les honneurs à l’honneur, les dignités à la dignité. […] La vieillesse est l’âge des Mémoires. La jeunesse est l’âge de la poésie. […] L’adolescence est l’âge des tragédies classiques. « Quel âge a-t-il, ton fils ? 

295. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

C’est le repos sur un sentiment passé et non sur l’insensibilité, qui fait pour vous le charme de l’âge qui s’avance. » Mais ne nous attardons plus ; car, après bien des lenteurs, des dérangements et contre-temps dans ses projets, Sismondi enfin se met en route et arrive à ce Paris tant désiré ; il y est au commencement de janvier 1813, une date peu riante assurément ; il ne s’en aperçoit qu’à peine, et, dès le premier jour, il doit à l’amitié connue qui le lie à Mme de Staël d’être reçu et initié dans le meilleur monde, dans la plus fine société. […] Mme  de Boufflers (mère de M. de Sabran) est loin encore de cet âge ; sa vivacité, cependant, sa mobilité, son piquant, sont du bon ancien temps, et n’ont rien à faire avec les mœurs du jour. […] Mme Des Houlières remontait plus haut et regrettait le bel âge des Bassompierre. […] Sismondi, tout en résistant, en vient à écrire sur le progrès des idées religieuses, et insensiblement il est entamé, il est gagné jusqu’à un certain point et selon sa mesure ; il regarde dans son cœur, et il écrit un matin dans son Journal : « 31 décembre 1835. — Je sens désormais les traces profondes de l’âge, je sais que je suis un vieillard (il avait 62 ans), je sais que je n’ai plus longtemps à vivre, et cette idée ne me trouble point. […] Sismondi appartient à la classe des historiens moraux ; il est trop porté à expliquer toutes choses, même celles d’un âge très-éloigné et d’une forme sociale toute différente, par les contrastes et les vicissitudes de liberté et de despotisme, de vertu et de corruption, qu’il entend au sens moderne.

296. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

On est revenu sur ce point à une idolâtrie, du moins en paroles, qui rappellerait celle des premiers âges ; ce ne sont que demi-dieux toujours absous, quoi qu’ils fassent, et toujours écrasants. […] Les demi-dieux, les héros violents et abusifs tiennent de près aux âges païens, à demi esclaves et barbares ; quand ils triomphent dans nos sociétés modernes, quelles que soient d’ailleurs leur opportunité et leur nécessité passagère, ils introduisent un élément grossier, arriéré, qui pèse après eux et qui a son influence funeste. […] Quant à sa vie publique, beaucoup de révélations successives avaient été faites, et avec un résultat assez inverse du précédent, c’est-à-dire que si, en y regardant bien, on l’avait trouvé meilleur au fond que ses divorces, ses rapts et ses adultères, on le trouvait au rebours, dans la vie politique, plus léger et plus vain, moins scrupuleux en opinion, plus à la merci d’une belle inspiration du moment ou d’un mauvais discours qu’un de ses faiseurs lui avait apporté le matin, et finalement, pour tout dire, plus vénal que son génie, son influence et le développement majestueux de son âge mûr ne le donnaient à penser. […] On conçoit qu’au fils d’un tel père Mirabeau captif ait écrit, et fait écrire, et entassé les suppliques en vain, sans rien arracher que des mots de cette sorte : « Cuirassé de cicatrices comme je le suis, disait le marquis inexorable, et ne m’effrayant pas de si peu, je considère de telles admonestations à un homme de poids et d’âge, comme des leçons de serinette à un éléphant. » Qu’y faire et que lui dire ? […]  » Nous lui concéderons son éloquent enthousiasme pour Frédéric, bien que nous doutions un peu qu’à la fin des âges ce nom doive se trouver dans le plus pur froment des mérites de l’humanité.

297. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Est-ce en vertu d’un vil intérêt purement matériel et dans le but seulement d’un plus grand bien physique, que ce contrat purement brutal a été rêvé, délibéré, signé, et qu’il a pu se maintenir en se perfectionnant d’âge en âge ? […] De là les lois sur la génération pure de l’espèce, sur l’autorité paternelle, sur la piété filiale ; instincts changés en devoirs de tous les côtés ; spiritualisme de cette trinité plus morale que charnelle ; sollicitude pour l’enfant, assistance dans l’âge mûr, tendresse et culte pour la vieillesse, le plus doux des devoirs, la justice en action, la reconnaissance, mille vertus en un seul devoir ! […] Les formes de ce gouvernement sont aussi diverses que les âges des peuples, les lieux, les temps, les caractères de ces groupes humains formés en nations. […] Je m’engagerais à parcourir ainsi avec vous, un à un, tous les instincts en apparence les plus physiques de l’homme venant en ce monde, et de vous amener à découvrir avec une évidence solaire, dans chacun de ces instincts élémentaires, la source, le titre divin, la révélation irréfutable du vrai contrat social : souveraineté divine manifestée par la souveraineté de la nature, et imposant aux hommes de tous les âges et de tous les pays le contrat social de la moralité et de la vertu, la politique du devoir au lieu de la politique du droit, le gouvernement pour l’âme au lieu du gouvernement pour les besoins, le progrès aboutissant à l’immortalité et à Dieu par la vertu au lieu du progrès partant de la chair et aboutissant à la chair. […] À l’âge de dix-huit ans elle avait à Lyon la célébrité des yeux, la beauté.

298. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Michelet, qui descend de Rousseau comme tous les sophistes de cet âge, mais qui, dans ses derniers livres, s’est mâtiné de Proudhon, a, dans ce livre de Nos Fils, montré contre le péché originel les colères vexées d’un connaisseur en innocences. […] oui, Rabelais, — au-dessus de l’Évangile ; d’appeler les Chrétiens des pleureurs et le Moyen Âge l’âge des larmes. C’était l’âge des larmes, parce que c’était l’âge de l’amour ! […] Mais lui, cette âme-femme, veut que la mère garde l’enfant le plus longtemps possible, — et jusqu’à l’âge de la spécialité ouvrière, jusqu’à l’âge de l’imitation du père ouvrier.

299. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

L’épopée même, que n’avait plus osée le second âge de création de la Grèce, l’âge des Eschyle et des Pindare, fut reprise avec une industrie d’imagination que devait imiter Rome ; et, dans l’arrière-saison de sa langue, Apollonius de Rhodes sut donner à la passion de Médée une verve de poésie et d’amour, dont les couleurs enrichissaient plus tard l’idiome jeune encore et le génie de Virgile. […] De là se forma chez les Grecs cet âge tardif de la poésie naturelle, l’âge de Théocrite. […] Ce merveilleux retour sur le passé, ces affinités de l’hellénisme, il son avant-dernier âge, avec la grande poésie de l’Orient, avaient frappé Bossuet, et lui font nommer Théocrite un poëte dont la douceur naïve sert à mieux comprendre l’antiquité plus sublime de la Bible. […] Des vierges du même âge que la fiancée sont présentes.

300. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

L’apparition de la philologie signale un certain âge de toutes les littératures. […] Sciences historiques et philologiques : âges divers de l’humanité. […] Difficulté de comprendre ces œuvres d’un autre âge.

301. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Les divers âges de l’humanité et de chaque nation sont signalés par le développement plus particulier de l’un des arts. […] Tels sont ces âges, que nous avons signalés comme les moments de grandeur de la poésie. […] Dès son apparition, ce grand fait primitif engendre donc dans la société tout un ordre d’événements, dans l’intelligence tout un ordre de doctrines, dont l’influence se transmet nécessairement d’âge en âge et d’esprits en esprits. […] Peut-on équitablement englober dans la même accusation les mœurs de la décadence et celles des âges héroïques ? […] Serait-ce dans ce moyen âge si naïvement célébré par nos fantaisistes comme l’âge d’or du christianisme ?

302. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

L’abbé de Pons exhorte l’ami anonyme auquel il écrit à ne pas imiter ceux qui, charmés pour leur compte de la lecture d’un livre nouveau, changent d’avis le lendemain et se retournent en apprenant que des personnes célèbres et d’autorité sont d’un avis contraire : Non, monsieur, non, ne soyez pas infidèle à vos lumières ; osez penser par vous-même, et ne prenez point l’ordre de ces stupides érudits qui ont prêté serment de fidélité à Homère ; de ces gens sans talents et sans goût, qui ne savent pas suivre le progrès des arts et des talents dans la succession des siècles ; de ces scholiastes fanatiques qui entrent dans une espèce d’extase à la lecture de L’Iliade originale, où l’art naissant n’a pu donner qu’un essai informe, et qui n’aperçoivent pas dans les travaux de notre âge le merveilleux accroissement de ce même art. […] » Il avait raison en un sens, il choisissait bien ses exemples ; mais il avait tort en ce qu’il confondait tous les âges et qu’il ne se figurait pas qu’il avait pu y avoir une belle jeunesse première, une saison d’efflorescence vigoureuse dans la mieux douée des races, se servant de la plus variée et de la plus euphonique des langues, et que sous des conditions uniques il en était sorti toute une poésie et un art primitif, plus voisin de la nature, et qui ne s’est vu qu’une fois : Homère, disait-il avec une sorte de naïveté contente de soi et de son temps et très commune alors, Homère aurait peut-être atteint à la perfection, s’il fût né dans le siècle d’Auguste ou dans le nôtre ; mais né dans des temps où l’art ne s’était point encore montré, n’étant guidé par aucunes règles, éclairé par aucun exemple, on lui doit tenir grand compte de son poème, tout monstrueux qu’il est. […] Ce sont des esprits nés avancés et qui ont toujours eu l’âge de raison, que ces petits abbés de Pons. […] L’abbé de Pons ne songe même pas aux langues étrangères vivantes, et il en laisse passer le vrai moment : il n’a jamais observé l’enfant à cet âge où il aime à répéter tous les sons, et où tous les ramages ne demandent qu’à se poser sur ses lèvres et à entrer sans effort dans sa jeune mémoire. […] Il y mourut avec courage et en chrétien en 1732, à l’âge de quarante-neuf ans, moins d’un an après La Motte.

303. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère le goût des origines, à lui faire envisager, hors des enceintes murées des littératures toutes définies, la poésie libre et naïve, s’échappant çà et là par des chants, par des romances populaires, se déroulant par des légendes, et y réfléchissant la vie et l’imagination des diverses races aux âges primitifs ou intermédiaires de la civilisation. […] Ampère dans cette étude détaillée de la Gaule romaine, et pour le justifier, s’il en était besoin, par une large ouverture toute littéraire, je poserai en thèse que, sans avoir étudié à fond, comme il l’a fait, le ive  siècle et ses environs, on ne peut bien entendre toute une période très-importante de nos derniers âges littéraires, l’époque Louis XIII. […] Le Panégyrique de Trajan, cette grande gloire littéraire si chère aux âges de décadence, offrait au palais, pour les avocats Arnauld et Le Maître, le sublime du genre démonstratif, tout comme, pour les rhéteurs gaulois, Pacatus, Eumène ou Nazaire ; dans les harangues de présentation au parlement, on ne s’attachait à rien tant qu’à reproduire emphatiquement ce modèle oratoire. […] Ampère ne doit pas craindre : dans quel rapport est son histoire littéraire avec la portion de celle des vénérables Bénédictins qui embrasse les mêmes sujets dans les mêmes âges ? […] Lorsqu’on en est au 1er siècle de l’Église, un discours préliminaire encore sur l’état des lettres en ce siècle précède la série particulière des écrivains ; même ordre pour les âges suivants.

304. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Anatole France est une des « résultantes » les plus riches de tout le travail intellectuel de ce siècle, et que les plus récentes curiosités et les sentiments les plus rares d’un âge de science et d’inquiète sympathie sont entrés dans la composition de son talent littéraire. […] Mais René Longuemare s’apaisera avec l’âge. […] D’autres âges ont incarné le meilleur d’eux-mêmes dans le citoyen, dans l’artiste, dans le chevalier, dans le prêtre, dans l’homme du monde : le XIXe siècle à son déclin, si on ne veut retenir que les plus éminentes de ses qualités, est un vieux savant célibataire, très intelligent, très réfléchi, très ironique et très doux. […] Mais vous devez respecter en elle son grand âge et son grand cœur. […] Et cette invocation si belle : D’où vous êtes aujourd’hui, Clémentine, dis-je en moi-même, regardez ce cœur maintenant refroidi par l’âge, mais dont le sang bouillonna jadis pour vous, et dites s’il ne se ranime pas à la pensée d’aimer ce qui reste de vous sur la terre.

305. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Les murs en sont affolés, les toits pris d’ivresse. » Il dit ailleurs : « Le miroir du corps, c’est le poli de l’airain ; celui de l’âme, c’est le vin. » Eschyle naquit et grandit dans l’âge héroïque d’Athènes, à l’aurore sanglante de sa liberté. […] Leur différence d’âge est de vingt-sept ans, et l’horizon d’un siècle semble s’étendre entre eux deux. […] La carrière que d’autres peuples mettent des âges à parcourir, sa jeune génération, partie de Salamine, la franchit d’un bond. […] Cet aigle ne se trompait guère : si l’on classait les phases de l’esprit humain comme les périodes géologiques de la terre, c’est dans l’âge de pierre qu’il faudrait ranger le génie d’Eschyle. […] Ils vous transportent aux âges reculés où les Divinités védiques que la mythologie d’Homère devait abolir, régnaient toujours défigurées, mais vivantes, sur des peuplades à demi sauvages.

306. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

L’abbé de Choisy aimait à se déguiser ; dans son enfance et dans sa jeunesse on l’avait accoutumé à s’habiller en fille ; il en garda le goût, et l’on assure que bien plus tard même, et à l’âge où il rougissait le plus de cette manie efféminée, il s’enfermait encore pour se mettre en douairière, soupirant, hélas ! […] Cette mère égarée tint près d’elle son fils presque toujours habillé en fille jusqu’à l’âge de dix-huit ans. […] M. de Lamennaisi, dans l’écrit intitulé Affaires de Rome, racontant le voyage qu’il y fit en 1832, a dépeint en quelques traits satiriques, et plus fins qu’on ne l’attendrait d’une plume si énergique, le caractère du cardinal de Rohan, qui s’y trouvait alors : Extrêmement frêle de complexion et d’une délicatesse féminine, dit M. de Lamennais, jamais il n’atteignit l’âge viril : la nature l’avait destiné à vieillir dans une longue enfance ; il en avait la faiblesse, les goûts, les petites vanités, l’innocence ; aussi les Romains l’avaient-ils surnommé il Bambino. […] Son esprit et sa plume semblent avoir gardé l’âge de Chérubin. […] Il ne se vantait pas qu’il écrivait ses Mémoires ; il était censé s’occuper des vieux âges de l’histoire de France, ou bien de l’histoire de l’Église, ne s’intéresser qu’au comte Dunois et à la belle Agnès, et les politiques ne se contraignaient pas devant lui.

307. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Quand on l’interrogeait sur son âge et sur celui de Paul : « Mon frère, disait-elle, est de l’âge du grand cocotier de la fontaine, et moi de celui du plus petit.

308. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Ses caractères les plus sublimes choquent en tout les idées d’un âge civilisé, mais ils sont pleins de convenance, si on les rapporte à la nature héroïque des hommes passionnés et irritables qu’il a voulu peindre. […] Ainsi Achille reçoit dans sa tente l’infortuné Priam, qui est venu seul pendant la nuit à travers le camp des Grecs, pour racheter le cadavre d’Hector ; il l’admet à sa table, et pour un mot que lui arrache le regret d’avoir perdu un si digne fils, Achille oublie les saintes lois de l’hospitalité, les droits d’une confiance généreuse, le respect dû à l’âge et au malheur ; et dans le transport d’une fureur aveugle, il menace le vieillard de lui arracher la vie.

309. (1927) Des romantiques à nous

A cet âge, et déjà bien avant cet âge, la femme peut être éveillée chez la vierge, et même fort éveillée. […] Mais celui-ci ne pouvait être l’inférieur de nul de son âge. […] Certaines ont continué d’y fréquenter dans leur âge mûr. […] Nous étions à l’âge où la joie d’exercer la pensée l’emporte sur le souci du vrai et du faux en matière spéculative, à l’âge où l’on sait plus de gré aux idées d’exciter fortement l’imagination que d’exprimer ce qui est. […] Je suis à l’âge où les amitiés ne se remplacent plus.

310. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Son influence à tout âge et sur les deux sexes. — IV. […] En pareil cas, toute modification légère qui dans le cours des âges pourrait se produire, aurait toute chance de se perpétuer, pourvu qu’elle fût de quelque façon avantageuse à l’espèce en l’adaptant plus exactement à ses conditions d’existence, parce que la sélection naturelle aurait ainsi des matériaux disponibles pour son œuvre de perfectionnement. […] Influence de la sélection naturelle à tout âge et sur les deux sexes. […] Ces modifications, ainsi causées accidentellement, ont ensuite été héritées à l’âge correspondant et en même saison, soit par les mâles seuls, soit par les mâles et les femelles. […] La sélection naturelle, en vertu de ce principe que les particularités d’organisme s’héritent à des âges correspondants, peut modifier la graine, l’œuf ou les petits, aussi aisément que l’adulte.

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