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37. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

On ne s’attendait guère…. […] J’en vois quelques traits confus, comme, par exemple, que nombre d’hommes se permettent ce qu’ils interdisent aux autres, l’effet de leurs discours anéanti par leurs actions ; mais cela ne vaut guère la peine d’être dit. […] Et en effet, toute la morale ne tend guère qu’à empêcher les malheureux de se plaindre : ce qui n’est pas d’une grande conséquence. […] L’auteur qui n’avait guère fréquenté que des courtisans, rapporte le motif de toutes nos actions à l’amour-propre ; et il faut convenir qu’il dévoile, avec une sagacité infinie, les subterfuges de ce misérable amour-propre.

38. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Ainsi l’exécution se fait avant que le patient soit préparé ; n’importe, dit Naigeon ; frappez, frappez fort, ce n’est guère que quelques goutes de sang, pour tout celui que sa maudite religion fera verser. ce sont deux instans confondus. […] La sculpture ne l’aurait guère ordonné autrement. […] Une chose qu’on ne remarque guère, c’est qu’on papillote à l’esprit par la multiplicité des incidens aussi cruellement qu’aux yeux par la mauvaise distribution des lumières, et que si le papillotage de lumières détruit l’harmonie, le papillotage d’actions partage l’intérêt et détruit l’unité. […] Aussi voyez ce sujet que je vous ai fait dessiner exprès d’après un marbre antique ; Persée a l’air de donner la main à Andromède pour descendre ; Andromède, plus obligée aux dieux de sa délivrance qu’à Persée, qu’elle ne regarde pas, droite, presque sans action, sans passion, sans mouvement, les regards et les mains levés vers le ciel, touchée, en actions de grâces, est debout sur une petite éminence qui ne ressemble guère à un rocher, et ce méchant petit dragon mort n’est là que pour désigner le fait.

39. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Mais si, plus tard, quelque propos lui rappelle la méprise dont il fut l’objet, il en manifeste un ressentiment que le temps n’a guère affaibli. […] Mais, du point de vue de la théorie abstraite elle ne change guère le problème. […] Les défenseurs du devoir absolu n’aiment guère les « cas de conscience ». […] Qu’on le veuille ou non, chacun n’entend guère par « liberté » que la « liberté du bien » ou du moindre mal. […] À un petit garçon qui adore sa mère, on ne dit guère que c’est un devoir d’aimer ses parents.

40. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Si l’on voulait démêler l’inspiration qui fait l’unité de ces poèmes étranges et passionnés, on ne se tromperait guère en la cherchant dans la conception de l’Infelicità. […] — mais ce qui fait la beauté exceptionnelle des poésies de Madame Ackermann, c’est la largeur d’une aile qu’on ne peut guères enfermer dans le tour d’un chapitre.

41. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Il n’est guère possible de le classer. […] Nous avons vu, dans l’Introduction (§ 8), avec quelle vivacité il combat la doctrine des facultés : aussi ne classe-t-il les faits de conscience qu’en passant et en déclarant bien vite qu’il ne tient guère à sa classification. […] Ainsi lorsqu’on laisse de côté le langage vague sur la liberté de la volonté — qui est, comme on l’a dit, la liberté de quelque chose qui n’existe pas — la véritable question se présente sous une forme qui ne laisse plus guère de place à une divergence d’opinions.

42. (1933) De mon temps…

Il ne le revêtait guère, je crois, que pour assister à quelque première ou pour aller chez la princesse Mathilde. […] Il ne s’en privait guère d’ailleurs et laissait volontiers cours à son humeur violente, querelleuse et vindicative. […] Francis Poictevin y eut son paragraphe, quoiqu’il ne fréquentât guère les cénacles et les cafés littéraires d’alors. […] Son fiacre, car il n’allait guère autrement, son fiacre encombré de plaids et de bouquins, semblait toujours le mener vers quelque gare. […] Il ne survécut guère à sa raison.

43. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Byvanck, à qui suffit la comédie humaine, ne va guère entendre des drames. […] Les formes de l’existence et la façon de vivre ne changent guère en Orient. […] Le cœur de Poil-de-Carotte ne répond guère à l’événement tel que les autres l’ont vu. […] On ne le comprend guère, quand on est jeune et qu’on cherche la formule de l’univers. […] En elle-même, elle ne m’étonnait guère.

44. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

On parle beaucoup ; on ne cause guère. […] Mais à l’ordinaire on ne songe guère à cela : la plupart des gens ne sont occupés qu’à dégorger ce qu’ils croient savoir, à tirer la conversation du côté par où ils pensent briller, à faire les honneurs de leur information ou de leur esprit.

45. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

La plupart des littérateurs ne savent guère sortir de l’amour, et ne peuvent guère employer que les aventures d’amour pour caractériser leurs héros. […] En dehors des grandes lignes de sa vie, ses aventures personnelles ne sont guère intéressantes. […] Tout ce qui est peinture extérieure, description physique, paysage, ne tient guère de place dans les romans de Stendhal : sa profession, c’est d’être « observateur du cœur humain » ; et il est en effet de première force dans l’observation, dans l’imagination psychologique. […] Et il ne se rattache guère qu’au xviiie  siècle sceptique et sec ; Mérimée est un homme du monde, de tenue parfaite, d’esprit aigu et mordant, sans illusion, sans élan, volontiers cynique, avec la plus exquise correction de langage. […] En 1839, elle se fixe à Nohant, d’où elle ne sortira plus guère que pour quelques voyages.

46. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Quand ils veulent être agréables à un étranger, à un prince en voyage notamment, ils ne manquent guère de lui attribuer les goûts d’un Parisien. […] Et la règle générale, c’est que les écrivains, et spécialement les romanciers, parlent de la province avec ironie ou commisération ; qu’ils ne la connaissent guère que par ses légers travers, indéfiniment peints et repeints, c’est-à-dire qu’ils méconnaissent foncièrement les trente-deux millions de Français qui vivent hors de la capitale. […] Toutes les belles images des gares et des murs ne correspondent guère à la vérité, mais elles indiquent un état de l’opinion et surtout de l’opinion parisienne, qui se passionne aujourd’hui pour la garde-robe de nos aïeux. […] Cette province patriarcale, parcimonieuse, toute gonflée de traditions, de recettes et de légendes, ne vit plus guère que dans le roman. […] Il n’y a guère de jeune mère qui n’entre en huitième avec son fils aîné, qui ne sache « rosa, la rose », qui ne s’intéresse à l’alphabet grec pour faire réciter les leçons du collégien, qui ne s’applique surtout à corriger et même à rédiger les « rédactions » de mademoiselle Henriette, ou de mademoiselle Geneviève, ou de mademoiselle Marthe qui suit des cours de littérature, de sciences, d’histoire, d’économie, — non domestique, mais politique, — et qui doit être la première, puisqu’elle lutte contre mademoiselle Marie, c’est-à-dire contre la mère de mademoiselle Marie, laquelle a toujours passé pour moins intelligente que la mère de mademoiselle Marthe, ou de mademoiselle Geneviève, ou de mademoiselle Henriette.

47. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Dès qu’on est capable d’abstraction, on est capable de raisonnement, et l’on ne se trompe guère dans le développement des conséquences. […] Mais en laissant de côté les causes de trouble et d’erreur étrangères à la faculté même de raisonner, je ne trouve guère qu’on se trompe ordinairement dans le chemin qu’on fait du principe à la conclusion. […] Le monde surnaturel ne se révèle guère aux incrédules. […] Ici se présentent deux écueils où l’on ne manque guère de se heurter, et souvent on ne fait qu’aller de l’un à l’autre.

48. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Il n’y a guère d’improvisation où l’on ne voie subsister côte à côte, dans une démonstration, des arguments incompatibles, dans un récit, des circonstances inconciliables. […] Justifiant une plaisanterie d’une de ses comédies, qu’on ne trouvait guère fine, il disait qu’elle n’était plaisante que par réflexion au personnage : « l’auteur n’a pas mis cela pour être de soi un bon mot, mais seulement pour une chose qui caractérise l’homme, et peint d’autant mieux son extravagance ». […] Théophile a peut-être écrit plus de beaux vers que Malherbe ; mais Malherbe, par un contrôle inexorable, ne laisse guère passer sous sa plume que l’excellent, Théophile ne l’isole pas du médiocre et du pire. […] En général, dans une courte et simple composition, comme sont les exercices d’école, il n’y a guère lieu de répéter en divers endroits la même idée.

49. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Georges Ohnet, Maël, Gréville, de Montépin, sur qui il est trop facile de dauber, et de dauber à faux, car il sied que votre concierge soit amusée, et Villiers de l’Isle-Adam n’y parviendrait guère. […] De style, on n’en trouverait guère dans mes chroniques littéraires. […] On objecte : « S’il faut pécher, mieux vaut encore pécher par indulgence que par sévérité. » On ne se repent guère de l’indulgence le critique peut se tromper, et certains jugements sont durs à assumer. […] Collé écrivit : « M. de Beaumarchais a prouvé, à n’en point douter, par son drame, qu’il n’a ni génie, ni talent, ni esprit. » Voilà un pronostic fâcheux ; il n’en faudrait guère de semblables pour infirmer à jamais l’autorité d’un critique.

50. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Je pourrais bien le clore, comme j’ai fait pour d’autres, par une sorte de préface en Post-scriptum ; je devrais peut-être répondre à quelques critiques, à des attaques même (car j’en ai essuyé de violentes et vraiment d’injustes) ; mais j’aime mieux tirer de mon tiroir quelques-unes de ces pensées familières que je n’écris guère que pour moi. […] Dans le champ de la critique il n’y a guère lieu à l’aigle de Jupiter, et des perroquets bien appris finissent par répéter d’assez bonnes choses. […] Je la regarde, je ne fais guère que la regarder, mais j’y prends plaisir, je l’avoue ; j’aime à la voir près de moi, à la promener un jour de soleil, et en la voyant là riante, qu’est-ce autre chose ?

51. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Quelques lecteurs d’élite goûteront ce qu’il y a d’exquis, trouveront que c’est dommage, qu’il y avait là quelque chose, que le public a jugé bien rigoureusement, et deux cents ans après la mort de l’auteur on le réhabilitera, c’est-à-dire qu’on l’éditera une fois, qu’on en parlera quelques jours et qu’on ne le lira guère plus. […] L’autre est Fénelon : tous ses écrits ne sont guère que de charmantes improvisations. […] Cela, du reste, n’en diminuerait guère l’importance, et c’est par un injuste mépris que nous appelons négatives les qualités sans lesquelles toutes les autres, plus éclatantes, plus enviées, sont inutiles.

52. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Que les hommes qui vivent dans une révolution, et qui en sont ou spectateurs éclairés ou acteurs principaux, lèguent à la postérité le dépôt fidèle de leurs souvenirs, c’est un devoir que nous réclamons d’eux ; que ceux mêmes qui, dans une situation secondaire, n’ont vu qu’un coin du vaste tableau et n’en ont observé que quelques scènes, nous apportent leur petit tribut de révélations, il sera encore reçu avec bienveillance ; et si surtout l’auteur nous peint l’intérieur d’une cour dans un temps où les affaires publiques n’étaient guère que des affaires privées, s’il nous montre au naturel d’augustes personnages dans cette transition cruelle de l’extrême fortune à l’extrême misère, notre curiosité avide pardonnera, agrandira les moindres détails ; impunément l’auteur nous entretiendra de lui, pourvu qu’il nous parle des autres ; à la faveur d’un mot heureux, on passera à madame Campan tous les riens de l’antichambre et du boudoir : mais que s’en vienne à nous d’un pas délibéré, force rubans et papiers à la main, mademoiselle Rose Bertin, modiste de la reine, enseigne du Trait galant, adressant ses Mémoires aux siècles à venir, la gravité du lecteur n’y tiendra pas ; et, pour mon compte, je suis tenté d’abord de demander le montant du mémoire. […] Elle est plus sévère contre le duc de Chartres, depuis le monstre Égalité ; aussi elle lui refusa ses faveurs, bien que cette confidence n’importe guère à l’histoire du dix-huitième siècle.

53. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

« Une amitié vraie et durable, ajoute-t-il, ne peut guère s’établir qu’entre deux femmes dont le cœur est calme et bon, dont les sentiments sont élevés, et dont l’esprit a du moins quelques côtés sérieux. […] Celle d’un homme et d’une femme ne cesse guère d’être attentive et empressée ; le sexe y conserve une partie de son influence… » La douceur de l’âge moins ardent, la vie égale et encore sensible d’une maturité apaisée est très-bien rendue par M. de Latena : « Entre quarante et cinquante ans, le soleil de la vie commence à descendre vers l’horizon, et tous les objets récemment éclairés d’une lumière éclatante prennent des teintes obscurcies qui font présager la nuit.

54. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Vous voyez qu’il est primitif, et qu’il n’a guère de style. […] Il est citadin « et s’est fourvoyé par mégarde. » On ne le rencontre guère en de pareils endroits. […] Qu’elle y reste, car elle n’est guère plus habile en diplomatie. […] Ces pauvres bonnes gens ne sont guère politiques ; ils sont faits pour être mangés et le prouvent surabondamment par leurs actions. […] Nous n’avons guère alors de Jean-Jacques, mais plus d’un M. 

55. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Il y a dans ses écrits une grande diffusion de talent, si je puis dire ; le talent, comme un air vif et subtil, y est disséminé partout, et ne s’y réfléchit guère avec splendeur et couleur à aucun endroit en particulier ; il craint de paraître viser à l’effet, il se méfie de l’emphase ; c’est tout au plus si par places il se permet des portraits proprement dits, tels que ceux du roi de Prusse Frédéric-Guillaume et de l’empereur Alexandre (pages 424-457), et encore il les fait alors, beaucoup plus fins et-spirituels que saillants et colorés. […] C’est ainsi, lui dirai-je, qu’on parle de ce qu’on aime, et j’ajouterai, de ce qu’il n’est plus permis de regretter qu’à demi, — de ce qu’il ne tient guère qu’à lui de ne plus regretter du tout. […] Thiers n’est guère différente ; il est arrivé seulement que M. de Viel-Castel, plus attaché d’origine aux traditions monarchiques, n’a pas craint de se montrer à la rencontre plus rude parfois et plus bref dans l’énoncé de ses jugements envers d’anciens amis ; il n’y a pas mis tant de façons : M. 

56. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Eugène Lintilhac Charles VII chez ses grands vassaux ; Kean et Caligula (qui fit créer le verbe caliguler dans le sens de se dépenser beaucoup et de n’amuser guère), pour ne citer que les plus fameux de ces drames innombrables bâclés par Dumas père, avec une si remarquable entente de la scène, qu’une demi-douzaine d’entre eux supportent encore fort bien l’épreuve de la représentation, en dépit de l’improvisation du style, laquelle reste sensible même à la représentation. […] Dumas « n’a guère compris Shakespeare, mais il s’est découvert en lui ». […] À Byron, il n’emprunte guère qu’un masque, le satanisme : « Il a pris l’empreinte de ce curieux visage, plutôt que la mesure de cet esprit. » Goethe avait trop peu le don du théâtre pour lui fournir grand-chose et Manfred le dispensait de Werther, car le révolté anglais est autrement scénique que le révolté allemand.

57. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Ligué tantôt avec le peuple contre le souverain, tantôt avec le souverain contre le peuple, il ne s’en tient guère à prier les dieux que quand il se soucie peu de la chose. Le peuple n’approuve guère que ce qui est bien ; le prêtre, au contraire, n’approuve guère que ce qui est mal.

58. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

A prendre en effet les trois derniers siècles à leur année 43, on n’aurait guère pu deviner, en littérature (pour ne parler que de cela), tout ce qu’ils ont enfanté de plus original et de plus grand. […] La critique ne peut guère prétendre à plus pour éclairer et pour avertir. […] En ce judicieux et glorieux règne littéraire, je ne vois guère de fats parmi les écrivains de renom que Saint-Évremond, Bussy, c’est-à-dire des restes de la précédente régence, — un peu Bouhours. […] On n’y compte guère de condottieri ni de coupe-jarrets littéraires. […] Aux œuvres, aux hommes qui se produisent et qui ont le don de l’amuser, de le fixer un instant, il est empressé, accueillant, facile ; il offre d’abord tout ce qu’il peut offrir, une sorte d’égalité distinguée : il vous accepte, vous êtes en circulation et reconnu auprès de lui, après quoi il ne demande guère plus rien.

59. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Tandis que la postérité acceptait, avec des acclamations unanimes, la gloire des Corneille, des Molière, des Racine, des La Fontaine, on discutait sans cesse, on revisait avec une singulière rigueur les titres de Boileau au génie poétique ; et il n’a guère tenu à Fontenelle, à d’Alembert, à Helvétius, à Condillac, à Marmontel, et par instants à Voltaire lui-même, que cette grande renommée classique ne fût entamée. […] Le sens du moyen-âge était complètement perdu ; l’âme seule d’un Milton pouvait en retrouver quelque chose, et Boileau ne voyait guère dans une cathédrale que de gras chanoines et un lutrin. […] Mais les distractions du monde ne permettaient guère alors à Boileau de se ressentir des chicanes domestiques qui troublaient le ménage de son frère. […] Assurément, La Fontaine était bien humble de préférer ces vers laborieusement élégants de Boileau à tous les autres ; à ce prix, les siens propres, si francs et si naïfs d’expression, n’eussent guère rien valu. « Croiriez-vous, dit encore Boileau dans la même lettre en parlant de sa dixième Épître, croiriez-vous qu’un des endroits où tous ceux à qui je l’ai récitée se récrient le plus, c’est un endroit qui ne dit autre chose sinon qu’aujourd’hui que j’ai cinquante-sept ans, je ne dois plus prétendre à l’approbation publique ? […] En général, Boileau, en écrivant, attachait trop de prix aux petites choses : sa théorie du style, celle de Racine lui-même, n’était guère supérieure aux idées que professait le bon Rollin

60. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Le 23 du mois dernier, est mort dans la force de l’âge un homme dont le nom et les œuvres n’étaient guère connus que de ceux qui s’occupent des productions de l’esprit, mais qui était fort apprécié par les meilleurs juges, d’une intelligence rare, élevée, étendue et sérieuse, d’un goût fin, curieux, quelquefois singulier, mais distingué toujours, d’un caractère à part, ironique et original ; écrivain des plus spirituels et des moins communs, et qu’il serait injuste de traiter comme il semblait par moments désirer qu’on le fît, c’est-à-dire par l’omission et le silence. […] Voulant expliquer, par exemple, pourquoi le connétable de Luynes, pour le moins aussi digne d’être haï et méprisé que le maréchal d’Ancre, n’a pas encouru la même impopularité dans sa mémoire, il dira énergiquement : « C’est qu’il mourut au sein de sa grandeur, qui se continuait dans une famille riche et puissante ; et il faut toujours au vulgaire l’autorité d’un revers pour lui faire mépriser tout à fait les enfants de la fortune : il ne comprend guère que les dénouements. » Mais le plus souvent sa malice se recouvre, et plus d’un lecteur qui parcourrait le livre avec bonhomie pourrait la laisser échapper. […] C’est un défaut pour l’histoire, laquelle, dans sa simplicité et sa force, ne comporte guère ce genre de malice couverte et d’épigramme. […] Il ne les aimait guère, assure-t-on, et ne les encourageait jamais. […] [NdA] Il y a une Histoire de Louis XIII, qu’on ne lit guère, par le père Griffet continuateur de Daniel ; cette Histoire me paraît bien préférable à celle de M. 

61. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Le grand Corneille se distingue par sa finesse : il ne se rattache guère au comique contemporain que par l’Illusion comique. […] Le style fin et discret ne passe guère la rampe. […] Les règles n’embarrassent guère Molière. […] Ce type ne se rencontre guère dans son œuvre (sauf, un peu, Agnès). […] Dancourt400 manque de style : il écrit à la diable, et ne fait guère que des pochades.

62. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Le cuisinier, bien loin de chercher à le détromper, lui répondit toujours avec esprit et légèreté, lui dit qu’il avait eu l’honneur de lui donner à dîner plusieurs fois en Espagne, lui cita même un tel jour où tels et tels étaient à dîner avec M. de Tessé, lui ajouta même que M. de Tessé, à Madrid, n’avait guère fait de dîners sans lui. […] De la sorte, ce règne de Mme de Mailly n’aurait guère duré moins de neuf ans, jusqu’en 1742. […] [NdA] M. de Louvois n’était guère en mesure, en 1662, de faire pièce à Colbert. […] [NdA] C’est l’âge que lui donne le duc de Luynes ; il paraît qu’il n’avait guère, en effet, que quatre-vingts ans.

63. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Les différentes variétés vives ne diffèrent guère que par les phénomènes qui les provoquent ou les accompagnent. […] Quand la parole intérieure simule encore à s’y méprendre la parole physique, elle n’est guère qu’une assez vulgaire hallucination. […] Mais le même raisonnement peut s’appliquer au néologisme intérieur : car les syllabes et les lettres sont faites, elles aussi, pour être groupées de mille façons et former les différents mots d’une langue par la diversité de leurs groupements ; il n’y aurait donc innovation véritable dans le langage que dans le cas purement théorique de la création d’une voyelle ou d’une consonne nouvelle, et l’imagination linguistique n’aurait guère existé qu’aux origines de l’humanité. […] Pour la psychologie classique, la pseudo-sensation n’est guère qu’une faculté de reproduction et d’imitation ; l’empirisme anglais la représente concourant avec l’association pour former toutes nos idées sans le secours d’un entendement chimérique : la faculté des images fournit la matière de ces produits nouveaux, l’association des idées en explique la forme imprévue. La psychologie classique n’a guère étudié que les images les plus éclatantes, celles qui apparaissent de temps à autre, à des intervalles rapprochés, mais non d’une manière continue, dans la succession psychique ; ces images sont de toutes sortes, mais chacune d’elles prise à part est relativement simple et homogène, et leur diversité spécifique n’apparaît guère que dans leur succession ; ce sont ces images qu’on appelle des souvenirs ou des imaginations ; leur vivacité relative et le contraste qu’elles offrent entre elles en se succédant les rendent plus évidentes que les autres.

64. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

II En effet, l’espèce de galerie historique élevée aujourd’hui par Blaze de Bury à la vieille famille des Kœnigsmark, si célèbre autrefois en Suède et en Allemagne, ne contient guères qu’un seul portrait qui vaille la peine qu’on s’y arrête ; mais ce portrait est tout un poème, et ses accessoires en font un tableau. […] Ils ne sont que des portraits de race, — d’une race de guerre forte comme le Nord, dont ils sont les fils ; mais il n’y a guères plus de différence entre eux que de lion à lion ou d’aigle à aigle. […] La mort de Philippe de Kœnigsmark (c’était de lui qu’il s’agissait) supposait des passions comme on n’en vit guères en Europe, de la Montespan à la Pompadour.

65. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Je ne sache guères d’homme plus heureux. […] Cela peut être utile, à sa place ; mais cela est inférieur ; et, quand on exécute ce travail comme Valfrey a exécuté le sien, ce n’est plus guères qu’une relation assez plate, qui n’a pour tout relief que le pédantisme gourmé du renseignement… Sous prétexte de faire de l’histoire diplomatique, on ne fait plus alors que de l’histoire sans visage, et rien, au fond, n’est plus ennuyeux, quand rien, au contraire, ne devrait être plus intéressant, pour la curiosité et la réflexion, que l’étude des moyens ignorés jusqu’ici pour obtenir, en diplomatie, ces résultats qu’on admire et dont on se demande ce qu’ils ont coûté. […] On ne peut guères mesurer, en France, l’étendue du succès, quand à l’ennui se joint la gravité : combinaison puissante !

66. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Depuis quelque temps on n’a guère entendu sur les livres qui se publient que la vile réclame ou les quatre mots de l’amitié… Excepté le Shakespeare de M.  […] Jusqu’à l’Étude sur Stuart Mill, où il s’affirme davantage, l’auteur des Philosophes français, depuis qu’il avait renoncé au scepticisme et à la moquerie, n’avait guère, en philosophie absolue, montré nettement que des tendances. […] Taine a incarné le positivisme anglais (l’épithète ne fait rien à la chose), n’est rien de plus qu’un soldat de la compagnie du centre dans le régiment philosophique pour l’heure en marche, et quelque jour nous nous chargerons, ses livres en main, de le démontrer… C’est un esprit d’une certaine force d’observation et de déduction, on ne le nie pas, mais qui ne fait guère que mettre en langage moderne l’expérience de Bacon et la sensation de Locke, — ayant pour grands amis, comme dit M. 

67. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

… Il tâchait d’armer de son âme tous ces princes sans âme… Mais il ne, se fiait guères qu’à une seule, et c’était une âme de femme, qui le trompa : l’âme de Catherine II. […] Avec les souverains qu’il eut plus tard devant lui, l’illusion n’était guère possible. […] IV Voilà, en substance, les Mémoires de Fersen, qui ont deux gros volumes et qui ne contiennent guères plus qu’une année, — allant de la fuite de Varennes à la mort de la Reine.

68. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

… Et, en effet, tous ceux qui ont jusqu’ici parlé de l’esprit révolutionnaire, ne l’ont guères vu avant la Révolution elle-même. […] Ils ne dépassent guères cette circonférence. […] … Seulement, la critique des œuvres de l’esprit n’a pas été instituée pour couronner les intentions vertueuses ; et, d’ailleurs, elle ne croit guères, cette critique, qui connaît ses auteurs, à la modestie ou à la défiance de soi dans un homme qui se carre en un livre d’histoire de cinq cents pages in-8º ; car s’il y a quelque chose qui doive caler l’aplomb d’un homme, ce doit être cela !

69. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

La littérature et la poésie d’alors étaient peu personnelles ; les auteurs n’entretenaient guère le public de leurs propres sentiments ni de leurs propres affaires ; les biographes s’étaient imaginé, je ne sais pourquoi, que l’histoire d’un écrivain était tout entière dans ses écrits, et leur critique superficielle ne poussait pas jusqu’à l’homme au fond du poëte. […] Il ne vint s’établir dans la capitale qu’en 1662, et jusque-là il ne retira guère les avantages que procure aux académiciens l’assiduité aux séances. […] Il ne savait pas causer, tenait mal son rang dans le monde, et ne voyait guère MM. de La Rochefoucauld et de Retz, et madame de Sévigné que pour leur lire ses pièces. […] On ne s’avise guère d’aller chercher dans les poésies diverses de Corneille les stances suivantes que M.  […] Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.

70. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Notez, du reste, qu’aucune de ces femmes ne pourrait guère être définie plus longuement que je n’ai fait : qu’aucune, par exemple, ne fournirait matière à une analyse comme celle que peuvent supporter Mme Bovary ou Mme de Raynal. […] Feuillet n’est guère moins irritante que celle de M.  […] Je ne m’arrêterai guère sur l’histoire de Gandrax (Sibylle). […] Feuillet, par une singulière inconséquence, fait de M. de Camors la proie d’une de ces passions furieuses auxquelles un homme ne résiste guère, à moins d’une force morale que la foi ne donne pas, qu’elle peut seulement augmenter. […] Par deux fois il est amoureux, je dis follement amoureux, et ce n’est guère le fait d’un homme qui vit les yeux fixés sur le féroce testament de son père et que l’exercice de l’esprit critique, le détachement supérieur et le scepticisme transcendental auraient dû empêcher d’aimer de cette façon et à ce degré.

71. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Ou bien l’on conte une anecdote, amusante ou singulière, et on ne s’aperçoit pas qu’on allonge outre mesure son début, et que, perdant son temps à ces bagatelles extérieures, l’on n’en aura plus guère pour le développement sérieux et essentiel. […] Ce décousu, dans une lettre, et dans tout écrit dont la matière est déterminée par des causes extrinsèques et particulières, comme dans les écrits périodiques, qui suivent forcément non pas la logique et la nature, mais la date des événements, ce décousu ne peut guère disparaître sans emporter le naturel.

72. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Possible, guères.. […] Gésine… Mot vieilli, qui ne s’emploie guère que dans les tribunaux.

73. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Nous n’admirons guère MM.  […] Il ne constitue guère, hélas ! […] Et on ne se doute guère que sous ces phrases, si bien dites, se déguise une hérésie d’art assez commune. […] À vrai dire, ils ne se soucièrent guère du paysage. […] Malgré le luxe descriptif et l’emphase des narrations cela n’est guère varié.

74. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Pourtant le cercle de ses correspondants ne semble guère d’abord s’élargir ni se varier beaucoup. […] N’oublions pas qu’un excellent témoin qui l’avait vu à Montbard dans les dernières années, Mallet du Pan, a dit : « Buffon vit absolument en philosophe ; il est juste sans être généreux, et toute sa conduite est calquée sur la raison ; il aime l’ordre, il en met partout. » Pour en revenir à ses jugements littéraires, après Voltaire poète, Buffon ne paraît guère estimer qu’un autre poète en son temps, Pindare-Le Brun, comme il l’appelle, celui qui l’a si noblement célébré lui-même et en qui il reconnaît avec impartialité le pinceau du génie. […] Nommé, à trente-deux ans, intendant du Jardin du roi, physicien et géomètre jusqu’alors, il est mis en demeure de s’improviser naturaliste, ce à quoi il n’avait guère songé auparavant ; il le devient, comme le grand Frédéric, quand il le fallut, devint général, par l’application d’un bon et haut esprit et d’une opiniâtre volonté. […] Daubenton seraient bien aises de vous voir en ce pays-ci (à Paris où elle habitait ; elle était allée faire un voyage en Bourgogne) ; mais vous savez, bonne amie, qu’ils ne sont ni l’un ni l’autre bien ardents sur rien. » C’est dans la même lettre qu’on lit encore : « Dites-moi, jour par jour, bonne amie, votre marche et les lieux que vous habitez ; je donnerais toute ma science pour savoir seulement où vous êtes, et tous mes papiers pour un billet de vous où serait tout ce qui ne s’écrit pas. » Dans cette branche toute particulière et la plus fleurie de la Correspondance, Buffon, qui n’a guère moins de soixante-six ans, paraît un peu amoureux de la jeune dame, si l’on ose bien hasarder (en tout bien, tout honneur) une telle conjecture ; il est galant, il fait l’aimable, il y réussit.

75. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Après lui, après les deux disciples qu’on ne sépare guère de lui, on n’a que de rares idylles : Méléagre en a fait une sur le Printemps, et qui, dans sa brièveté, mérite d’être comptée à sa date pour le très-vif sentiment de la nature, qui s’y peint en chaque vers ; mais ce n’est qu’un cadre, il y manque les personnages. […] Après une simple mention faite de l’Âne de Lucius, et de Théagene et Chariclée d’Héliodore, il se contente de dire : « Le roman de Daphnis et Chloé du sophiste Longus est d’un temps plus récent encore ; Huet ne le croit guère antérieur à deux romans obscurs qu’a produits le siècle. […] On ne voit agir, en fait de divinités, que Pan et les Nymphes : on n’en nomme guère d’autres, et on voit en même temps que ces divinités suffisent aux besoins des bergers. » — « Et cependant, ajoutait Goethe, obéissant a la suggestion de son interlocuteur et continuant la pensée d’Eckermann ou plutôt la sienne propre, cependant, avec toute cette mesure, là se développe un monde tout entier : nous voyons des bergers de toute nature, des laboureurs, des jardiniers, des vendangeurs, des mariniers, des voleurs, des soldats, de nobles citadins, des grands seigneurs et des esclaves. » C’est tout ce dialogue qui manque, pour le dire en passant, dans la page de préface ajoutée à ta présente édition, où elle fait d’ailleurs une si digne et si magistrale figure. […] Il n’est pas moins vrai que quand j’ai détaché de son livre la figure de ces deux gracieux enfants qui s’aiment sans se rendre compte et qui ne savent comment se le prouver, quand j’ai reconnu que Daphnis et Chloé ne sont pas morts et ne mourront pas, qu’ils recommencent à chaque génération d’adolescents, sous tous les régimes et à travers tous les costumes, qu’ils préexistent confusément et résistent à toute éducation comme la nature elle-même, je n’ai guère plus rien qui m’intéresse, et je rencontre bien des accessoires qui me choquent.

76. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Quoique sa vocation, bientôt si prononcée, semble n’avoir guère été déterminée que par le fait et l’à-propos de son entrée à la Sainte-Chapelle, il y était préparé et prédisposé par plus d’une circonstance antérieure et presque de famille. […] Y a-t-il, à cet égard, des différences fondamentales et premières qui tiennent à la race même et aux dispositions physiologiques originelles, de telle sorte qu’une certaine race n’eut guère d’aptitude que pour agglutiner et pétrir des mélanges de matériaux, telle autre pour empiler industrieusement des pierres, tandis qu’une autre encore, supérieure aux deux précédentes, eut l’idée de bonne heure d’employer le bois et de construire, à l’aide de la charpente, quelque chose de plus savant ? […] Viollet-Le-Duc s’avance jusqu’à penser que l’édifice romain, en général, n’aurait guère plus de beauté, ne ferait guère plus d’effet, si on le suppose complètement restauré, et qu’il gagne plutôt peut-être à la ruine, puisque c’est par là encore que s’atteste le mieux son double caractère dominant, solidité et grandeur ; mais il maintient que ce serait le contraire pour les Grecs qui, eux, tenaient si grand compte dans tout ce qu’ils édifiaient des circonstances environnantes et des accessoires : « Le Romain est peu sensible au contour, à la forme apparente de l’œuvre d’art : ses monuments composent souvent une silhouette peu attrayante ; il faut se figurer la masse restaurée des grands monuments qui appartiennent à son génie pour reconnaître que, la dimension mise de côté, cette masse devait former des lignes, des contours qui sont bien éloignés de l’élégance grecque.

77. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Il eût pu dire qu’il ne prenait pas Pétrarque tout à fait du même côté que Saint-Gelais : et malgré toutes les mièvreries et mignardises de l’Olive, il est vrai que le côté tendre, ému, sincère de Pétrarque ne lui a pas échappé, et qu’en l’imitant il a exprimé dans ses sonnets une façon d’aimer sérieuse et ardente, un idéalisme sentimental, qui ne ressemblent guère au pétrarquisme grivois de Saint-Gelais. […] Il s’est trompé d’abord, ici encore, sur la définition du genre : il n’en a pas saisi l’essence, il n’a su que cataloguer les sujets traités par les anciens (notons que Boileau ne fera guère mieux). […] Marot, dans ses Psaumes, ne dépassait guère la strophe de 7 vers : celle de 5, et plus souvent celles de 4 et de 6, étaient les plus ordinaires chez lui : Ronsard y ajoute les strophes de 4, 10 et 12 vers dont il met en lumière la puissance expressive, en les dégageant des étroites contraintes où la ballade les tenait assujetties199. […] Disparition de Ronsard Après 1573, on pourrait dire que Ronsard fut délaissé, ou plutôt qu’il ne fut guère imité que dans ses erreurs et ses. défauts ; on continua de l’adorer : mais son école s’adorait en lui ; aussi ceux qui attaquèrent l’école purent-ils croire légitime de frapper sur lui.

78. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Comme historien, il n’a guère étudié que le dix-septième siècle. […] Ce n’est pas, comme vous pouvez juger, que je veuille ôter à votre générosité tous les avantages qu’elle mérite : car je sais fort bien que, si vous en aviez besoin, elle vous ferait surmonter toutes ces choses pour ne manquer jamais à aucun devoir ; mais je vous avoue que je ne suis guère plus persuadée de l’amitié que vous avez pour vos amis, que je ne la suis de votre hardiesse. […] C’est que l’imagination du peintre ne ressemble guère à celle de l’orateur. […] Nous avouons qu’un tel silence n’est guère en sa faveur.

79. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Ce poète lyrique n’a guère parlé de la nature ; il n’en tire même pas beaucoup de comparaisons, ou d’images ; celles dont il use le plus volontiers, et qu’il répète infatigablement, il les prend moins dans la nature que dans la mythologie et l’histoire. […] Il n’a guère varié les éléments de sa poésie : toutes ses grandes odes, à Henri IV, à Marie de Médicis, a Louis XIII, au duc de Bellegarde, présentent les mêmes matériaux et le même argument : éloge des actions passées, prédiction des prospérités futures, développements moraux et applications mythologiques. […] Au fond il n’y a guère que l’expression propre et directe qui lui plaise.

80. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

L’ordre naturel de ce livre, qui n’est autre que l’ordre même des périodes diverses de ma vie, amène une sorte de, contraste entre les récits de Bretagne et ceux du séminaire, ces derniers étant tout entiers remplis par une lutte sombre, pleine de raisonnements et d’âpre scolastique, tandis que les souvenirs de mes premières années ne présentent guère que des impressions de sensibilité enfantine, de candeur, d’innocence et d’amour. […] On peut dire que tel chapitre du budget voté en faveur de la science, de l’art ou de la littérature, n’a guère d’effet utile que dans la proportion de cinquante pour cent. […] Il ne se plaignit jamais de la vie, quoique la vie n’ait guère eu pour lui que les récompenses qu’on se donne par les joies de l’intérieur.

81. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

J’ai besoin d’avoir un petit éclaircissement avec vous : il faut commencer par vous dire mon nom ; vous ne me connaissez guères, quoique vous vous mêliez de me juger. […] Avouez cependant que vous ne lisez guère de vers ? […] Je pars de là ; et quand une pièce de vers me tombe sous la main, je ne la lis guère, à moins que je ne sois prévenue qu’elle le mérite ou par elle-même, ou par son auteur.

82. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Ce rêveur triste, chaste et doux, mais si personnel, et dont la rêverie n’est — comme vous le verrez — ni celle de Chateaubriand, ni de Gœthe, ni de Sénancour, ni de Ballanche, ni d’aucun des grands Tristes contemporains, ne souffrit guères que d’une unique souffrance, très délicate, mais infiniment rare, et qui fera son exclusive originalité. […] Sainte-Beuve, qui, dans sa notice, n’a guères que répété les faits de la publication autobiographique de Guérin, a le mérite d’une glace qui réfléchit une autre glace ; mais comme l’étamage de la seconde n’est pas supérieur à celui de la première, c’en est évidemment une de trop ! […] On n’en trouve guères que trois, et ce n’est pas assez.

83. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Gabriel Ferry8 Le Coureur des bois 9 est le livre mort d’un homme mort qui avait du talent, mais qui n’en a guères laissé que la mâle promesse, et à qui la mort, comme toujours, n’a pas manqué de conquérir la bienveillance universelle. […] Dupe, ou, pour dire un mot moins dur, victime du génie de Cooper, Ferry a cru qu’on pouvait reprendre la création achevée d’un immense artiste, et il ne s’est pas aperçu que dans Fenimore Cooper le véritable personnage, le vrai héros des poèmes que nous avons sous les yeux, c’est l’Amérique elle-même, la mer, la plaine, le ciel, la terre, la poussière enfin de ce pays qui n’a pas fait son peuple et qui est émietté par lui… Il n’a pas vu qu’en ôtant Bas-de-Cuir lui-même des romans de Fenimore, — cette figure que Balzac, qui avait le sens de la critique autant que le sens de l’invention, a trop grandie en la comparant à la figure épique de Gurth dans Ivanhoe et qui n’est guères que le reflet du colossal Robinson de Daniel de Foe, — il n’a pas vu qu’il n’y avait plus dans les récits du grand américain qu’une magnifique interprétation de la nature, que l’individualisation, audacieuse et réussie, de tout un hémisphère, mais que là justement étaient le mérite, la profondeur, l’incomparable originalité d’une œuvre qui n’a d’analogue dans aucune littérature.

84. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Ce combattant du xvie  siècle est un écrivain du xviie  : sa vie littéraire ne commence guère qu’à l’heure de sa retraite politique ; ses Tragiques paraissent en 1616268, son Histoire universelle de 1616 à 1620, son Baron de Fæneste en 1617 et 1630 ; jusqu’en 1630, où il meurt, il ne cesse de s’escrimer de sa plume, ne pouvant plus tirer l’épée. […] N’étant guère actionné que par l’amour, il fit de l’amour l’action de tous les livres qui prétendaient à le représenter. […] Dès le début du siècle, la langue espagnole était familière à la plupart des gentilshommes et des dames : mais les livres pénétraient plus lentement, et ce n’est guère avant 1630 qu’on sent une forte action du génie castillan sur la littérature française. […] En revanche, jamais le goût des Espagnols n’a fait loi ; et dans le temps même où on les pillait le plus, on ne se gênait guère pour les taxer d’irrégularité ou d’extravagance277. […] La poésie de forme lyrique, qui était devenue une poésie de cour ou de ruelle, n’ayant guère ailleurs d’emploi, fut la première gagnée, et les enseignements de Malherbe en furent corrompus.

85. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Mais, en essayant de faire ressemblant, on ne pouvait guère manquer d’être conduit à faire vrai. […] Il n’y a pas beaucoup d’idéal ou d’idéalisme dans l’Histoire comique de Francion, et il n’y en a guère davantage dans Gil Blas : il n’y a qu’un peu plus de décence. […] et que ceux qui n’avaient pris pour chrétiens ni Charron ni Montaigne ne pouvaient guère se tromper à l’accent de Descartes ? […] Et qui ne sait enfin que si de l’ensemble de l’œuvre de l’auteur de Phèdre on essaye de dégager une conception de la vie, il n’y en a guère qui ressemble davantage à celle des Pensées de Pascal ? […] Que maintenant Molière ait prévu toutes les conséquences qui devaient sortir un jour de ses doctrines, c’est ce que je n’oserais dire, mais c’est ce qui n’importe guère.

86. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Lekain, le favori de Voltaire, et pour tout dire, son disciple, n’était guère plus grand que M.  […] vraiment vous ne connaissez guère Melchior Zapata. […] je ne m’en plains guère à présent, dit avec précipitation Zapata. […] De celui-là, non plus, on n’entendait guère parler. […] Cet homme a fait rire deux générations qui ne riaient guère.

87. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Dès qu’il n’est plus sous les armes, le soldat ne résiste guère à la tentation de redevenir homme du peuple ; et si son amour-propre s’y croit une fois intéressé, il lui faudra une haute vertu pour ne pas forfaire à la consigne : les plus formelles résolutions des gardes françaises ne s’amollirent-elles pas devant le premier rassemblement du Palais-Royal ? […] Il n’était plus guère question en effet dans les grandes familles d’imposer le petit collet aux cadets les plus jeunes ; la raillerie philosophique Pavait décrédité, et plus d’un gentilhomme, comme Boufflers, se métamorphosait d’abbé en chevalier.

88. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Dupin ne se déconcerte guère, comme on sait ; il rougit malaisément, d’habitude ; les embarras ne s’y lisent jamais : sa lèvre, en ces moments-là, est seulement un peu plus arrogante que de coutume, sa parole plus décidée, sa probité de langage plus austère. […] Dupin, qui se trouvaient çà et là, n’ont paru rien prendre bien au vif : l’orateur, de son côté, n’a guère dit que l’indispensable dans sa fausse position.

89. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Heureusement cette prétention ne se rencontre guère chez nos élèves. […] Ils ne conçoivent guère en effet et ne sentent que ce qui intéresse leur esprit et leur cœur.

90. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

C’est ainsi que Bautru, dès longtemps, avait dit, en jouant sur le mot, qu’ honnête homme et bonnes mœurs ne s’accordoient guère ensemble  ; franche saillie de libertin ! […] Si le chevalier s’est fort compromis par sa manière de traiter Pascal en écolier, il ne fut guère plus d’à-propos avec Mme de Maintenon, qu’il avait plus de motifs d’ailleurs d’appeler son écolière . […] Je sus depuis toute cette aventure, et je n’en fus guère moins touché que lui. […] Cette lettre une fois connue, je n’ai plus guère longtemps affaire avec le chevalier ; il était surtout bon, lui le maître des cérémonies, à nous introduire auprès des autres, de ceux qui valent mieux que lui. […] Ces maîtres me disoient que, si une fois on a le corps fait, le reste ne coûte plus guère.

91. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Dans notre France surtout, de ce côté-ci de la Loire, au sein des provinces centrales et passablement prosaïques de Picardie, Berry et Champagne, il n’y eut guère, à aucune époque, de poésie populaire proprement dite, de poésie vivante et chantée ; seulement la malice des fabliaux circula ; la moquerie, la jovialité de certains mystères, répondirent au bon sens railleur et matois des populations. […] Il n’a guère fait dans sa vie, je crois, de plus long voyage que celui de la rue Montorgueil à Péronne ou peut-être à Dieppe, et en vérité il n’a pas eu besoin d’en voir davantage. […] La déception, dont de nobles vœux ont été récemment l’objet, provoque avant tout une épaisse amertume, un dégoût abattu qui ne laisse guère de place à l’alerte moquerie, un sentiment pensif et sérieux, qui se relèvera peut-être dans la patience, mais qui n’a pas pour la chanson l’entrain de la colère.

92. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

           On ne s’attendait guère         À voir Ulysse en cette affaire. […] le plaisant qui répliqua à l’instant : Ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guère, n’avait pas eu le temps de mesurer l’idée, et le public vit peut-être avant lui ce qu’il y avait d’esprit et de juste critique dans cette application. […] À part quelques cas exceptionnels, on ne cherche guère à suggérer des sons ou des groupements de mots, mais des idées et des images, laissant au lecteur le soin de les nommer en sa langue.

93. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Son roman n’est guère qu’un roman d’aventures. […] Ce pouce-là n’est guère attaché à la main des femmes qui, pour la plupart sont, plus ou moins, de Petits Poucets, en littérature. […] Dans le roman de Mme Haller, Dieu, il est vrai, se trouve nommé à plus d’une place, mais jamais il n’y agit directement… L’auteur ne croit guère qu’à la vertu purement humaine.

94. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Moi qui ne suis guères qu’un pauvre pécheur de perles habituellement sans ouvrage, croyez bien que je ne manquai pas celle-là ! […] Et Dieu, qui se moque cruellement de nous, a voulu que ce fût une femme… Madame Ackermann, dont je ne sais guères que ceci : c’est qu’elle fut l’amie de Proudhon, est l’auteur de ces Poésies philosophiques. […] Je voudrais donner une idée de ce splendide désastre d’une philosophie impuissante à calmer les instincts affamés d’une âme de nature immortelle, mais ce qui fait la beauté exceptionnelle des poésies de madame Ackermann, c’est la largeur d’une aile qu’on ne peut guères enfermer dans le tour d’un chapitre.

95. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

En France, il n’y a guères qu’en politique et en religion que la tradition est méprisée. […] Ce sage conteur, qui s’appelle providentiellement Le Sage, ne ressemble guères, par exemple, à cet autre conteur à tous crins qui, dans ses romans et dans ses contes, est toujours le philosophe Diderot, ce diable au corps de Diderot ! […] Ce n’est guères que la langue de l’abbé Prévost, le verre d’eau claire qui ne se change point en vin et pour lequel il n’y a pas de noces de Cana.

96. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

C’est chose curieuse à remarquer que cet esprit qui vient après le grand mouvement satirique et démolisseur du dix-huitième siècle, et auquel Voltaire aurait su gré, pour l’idée seulement (car le pauvre grand homme ne s’y connaissait guère quant au reste), de toutes ces caricatures monacales, — moines bâillants, moines goinfrants, têtes carrées d’assassins se préparant à matines, têtes rusées, hypocrites, fines et méchantes comme des profils d’oiseaux de proie ; — il est curieux, dis-je, que ce haïsseur de moines ait tant rêvé sorcières, sabbat, diableries, enfants qu’on fait cuire à la broche, que sais-je ? […] La formidable bête a soulevé avec ses cornes la chemise lacérée et mis à l’air les deux fesses du malheureux, et elle abaisse de nouveau son mufle menaçant ; mais cette indécence dans le carnage n’émeut guère l’assemblée. […] Le ménage de Pinelli n’était guère mieux ordonné que la conduite du chef de la maison.

97. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Mais, il ne s’y trouvera guère satisfait. […] On a perdu le sens des principes et on ne s’y occupe guère que des personnalités. […] Or donc, de tout cela, on ne s’est guère soucié dans les revues. […] Cette niaiserie d’un jeune provincial ne trouvera guère de partisans. […] Mais je ne goûte guère ses Poèmes confiants.

98. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Je me montrais sensible à cette privation, — qui ne me privait guère, — pour qu’on n’imaginât pas d’autres représailles. […] Il m’enlevait du sol pour m’embrasser, me considérait quelques instants, puis me reposait doucement à terre et ne s’occupait plus guère de moi. […] Je ne sentais guère mon bonheur. […] cette résolution extrême ne tenait guère plus d’une demi-journée. […] — Ma foi, je n’y pensais guère en la faisant, dit mon père en riant.

99. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Las de Paris, dont je ne connaissais guère que les rues, et déjà, en somme, passablement refroidi dans ma passion pour les choses nouvelles, je finissais toujours par les trouver de beaucoup au-dessous non-seulement de l’idée que je m’en étais faite dans mon imagination, mais des simples réalités que j’avais pu voir en divers endroits de l’Italie. […] On m’avait bien prévenu que le roi n’adressait la parole qu’aux étrangers de distinction, et, qu’il me parlât ou non, je n’y tenais guère. […] Pour moi, la felouque où j’étais, presque en vue de Lerici, fut ramenée en arrière par un coup de vent, et je fus forcé de débarquer à Rapallo, qui n’était guère qu’à deux postes de Gênes. […] Étrangère de haute distinction, il n’était guère possible de ne la point voir et de ne pas la remarquer, plus impossible encore, une fois vue et remarquée, de ne pas lui trouver un charme infini. […] À la mort de son père, en 1766, il quitta sa résidence du pays de Liège ; il vint présider à Rome cette petite cour organisée un peu puérilement par Jacques III, et qui ne rappelait guère, faute d’argent, celle de Jacques II à Saint-Germain.

100. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Veuve depuis 1580 de Philibert de Grammont, qu’elle avait épousé en 1567, et dont elle avait deux enfants, elle ne pouvait guère, à la mort de son mari, avoir moins de vingt-sept à vingt-huit ans, c’est-à-dire à peu près l’âge de Henri. […] Notre Henri, d’ailleurs, n’en abusera guère, et s’exprimera en général plus naïvement. […] Je pars jeudi pour aller à Pons, où je serai plus près de vous ; mais je n’y ferai guères de séjour… Mon âme, tenez moi en votre bonne grâce ; croyez ma fidélité être blanche et hors de tache : il n’en fut jamais sa pareille. […] La première surtout rappelle quelques traits de la lettre de Henri, qui certes n’y pensait guère, et dont les lectures n’étaient jamais allées jusque-là.

101. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Il riposte et lui rend dédain pour dédain, en se redressant dans sa fierté et dans sa gloire : « Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux. […] Ces paroles et ces pages, pleines d’impartialité et d’élévation, ces preuves de bonne et loyale critique, faites par un des écrivains bien informés qui vivent en présence de l’étranger et qui ont à soutenir tout le poids des objections, mériteraient d’être appréciées chez nous plus qu’on ne le fait d’habitude : nous n’écoutons guère sur nous et les nôtres que ce qui se dit de près, et aussi ce qui nous flatte. […] Guillaume Schlegel, qui n’avait plus cette œuvre à poursuivre, s’est montré, relativement, fort modéré, et, si un Français peut réclamer à quelques égards contre ses jugements sur Racine, il n’y a guère qu’à approuver ce qu’il a dit de Corneille. […] Saint-René Taillandier et qui a failli, quand il le traduisait, lui faire tomber la plume des mains, Schiller ne dit guère rien de plus d’ailleurs que ce qu’avait déjà écrit Vauvenargues : le jeune sage, dans la franche ingénuité de son goût naturel, refusait presque tout à Corneille ; mais un tel arrêt mûri et réfléchi, et venant d’un rival et d’un frère d’armes, compte davantage et tombe de plus haut.

102. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

L’étude alors est là, l’érudition dans toutes ses branches et avec ses ingénieux travaux, plus longs, à coup sûr, que la vie : elles ont pour objet d’occuper, d’animer, s’il se peut, les saisons sur lesquelles d’abord on ne comptait guère, et qui ont déconcerté plus d’un. […] On a bientôt fait de dire que Marius représentait le principe populaire, et Sylla l’élément patricien ; que le plébéianisme, depuis les Gracques, était généralement favorable à l’émancipation de l’Italie tout entière et à une égalité de droits à laquelle s’opposait le sénat ; que les Italiens s’armèrent pour conquérir par la force ce qu’on leur déniait avec iniquité ; que la guerre fut atroce et Rome plus d’une fois en danger ; que le patriciat, en triomphant même, en se relevant un moment par l’épée de Sylla, ne put guère faire autre chose que ce qu’aurait fait également l’autre parti s’il eût été victorieux, c’est-à-dire proclamer les concessions devenues inévitables et qui ne s’arrêtèrent pas là. […] Le monde, si léger et si indifférent qu’il soit, ne se trompe guère à ce qui est très-bien. […] Très-peu de gens sont allés en Corse ; les mœurs de ce pays diffèrent des nôtres autant qu’il se peut ; elles sont souvent atroces, sanglantes, et le monde n’aime guère en soi l’atroce et le sanglant.

103. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

A son retour, il reprit, plus que jamais, son train de vie qu’il n’avait guère interrompu en terre papale, et mourut de débauche avant quarante ans. […] Je lis, à ce propos, dans un ouvrage inédit, le passage suivant, qui revient à ma pensée et la complète : « Lamartine, assure-t-on, aime peu et n’estime guère André Chénier : cela se conçoit. […] De plus, Regnier, qui avait vu dans ses voyages de grands spectacles naturels, ne paraît guère s’en être ému. […] Mais, avant cette formidable époque46, Chénier ne sentit guère tout le parti qu’on peut tirer du laid dans l’art, ou du moins il répugnait à s’en salir.

104. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

L’homme n’est guère considéré que dans l’état théologique, pour ainsi dire ; tour à tour au niveau de l’ange, quand on regarde de quel prix il a été racheté ; ou au-dessous du néant, quand on le compare à celui qui l’a fait. […] Ainsi quand saint Bernard dit, Non est talis tristitia hypocritarum non incorde, sect in fade est ; la langue française traduit « Telle ne n’est mies li tristèce des ypocrites ; car elle ne n’est mies el cuer, mais en la fazon. » Et plus loin, où le latin dit, Hypocrila ungit potius semetipsurn ut propriæ fragrantiarn opinionis respergat ; le français, à l’orthographe près qui changera, ne reste guère au-dessous de cette vérité rendue si vive par l’image « Li ypocrite oynt ainzois ley-inesmes, por espardre l’odor de sa propre noméie. » La langue est déjà constituée puisque voilà le tour qui marque le mouvement de la pensée, et le terme propre qui en est le signe définitif. […] Que la philosophie moderne ait constaté, dans les écrits des scolastiques, des notions ou des traditions fécondes, et que la théologie proprement, dite se reconnaisse dans les écrits des théologiens, je ne suis guère moins incompétent pour le nier que pour l’assurer. […] Comparés même aux écrivains en langue vulgaire, ils ont ce désavantage que, ne connaissant guère mieux le passé, ils observent le présent de moins près que ces naïfs ignorants, lesquels se faisaient battre pour n’avoir pas su leurs lissons, comme Jehan Froissart ou comme Villon fuyaient l’école.

105. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Cependant, lorsqu’un des amis de Ronsard, Remi Belleau, essaya de traduire Anacréon d’un bout à l’autre, il ne fut guère plus heureux que ne l’ont été, depuis, ses nombreux successeurs. […] Mais, en y regardant de plus près, on reconnut que le travail de M. de Saint-Victor, pour être supérieur à celui de ses devanciers, ne rendait guère mieux son modèle, et que le plus souvent la pensée grecque, si pure et si simple, disparaissait sous un amas d’épithètes oiseuses et d’élégances communes.

106. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Il faut dire pour l’excuse du public (et ce point est tout à fait digne de remarque) que ces nouvelles ne nous ont guère été données, d’abord, que par des publicistes de tempérament violent et enclins à l’exagération, et que la plupart des journaux qui passent pour « sérieux » et « modérés » ont commencé par garder sur ces affaires un silence tenace. […] Voilà vingt-sept ans qu’il n’y a plus guère de plaisir à être Français.

107. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Maintenant on ne leur demande guère que de courtes fictions ; elles sont souvent bâclées, elles sont souvent excellentes, mais on ne lit guère plus celles-ci que celles-là.

108. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Je ne vois guère que le Curé de Tours, de Balzac, où elle eût été déflorée. […] Non seulement les lecteurs des feuilles radicales, mais même leurs rédacteurs, non seulement les neuf dixièmes des ouvriers des villes, mais beaucoup de bourgeois et de lettrés sont intimement convaincus que le plus grand nombre des prêtres manquent à leur vœu de chasteté et détournent les femmes au confessionnal, et que d’ailleurs ils ne croient guère à la religion dont ils sont les ministres. […] Presque toujours il apporte dans les relations sociales des façons polies et cérémonieuses derrière lesquelles il se retranche ; ou, s’il est bonhomme et jovial, cette bonhomie ne nous renseigne guère mieux sur sa vie intérieure. […] Songez donc qu’à moins d’un mensonge sacrilège, qui ne doit guère se rencontrer, tout prêtre, quelles qu’aient pu être ensuite ses faiblesses, a accompli, le jour où il s’est couché tout de son long au pied de l’évêque qui le consacrait, la plus entière immolation de soi que l’on puisse imaginer ; qu’il s’est élevé, à cette heure-là, au plus haut degré de dignité morale, et qu’il a été proprement un héros, ne fût-ce qu’un instant. […] On a dit que sa passion du pouvoir n’avait guère les allures d’une passion ecclésiastique ; qu’elle était trop fougueuse, imprudente et emportée ; qu’il n’est pas vraisemblable qu’un vicaire général laisse dehors, la nuit, devant la porte fermée de la cathédrale, sous le vent et la pluie, le cercueil d’un évêque : l’esprit de corps est si puissant dans le clergé qu’il est infiniment rare que les haines particulières s’y manifestent par des actes capables de compromettre le clergé tout entier, de scandaliser les fidèles et de réjouir les impies ; et comme ici la publicité de la vengeance s’aggrave d’une sorte de sacrilège, on peut hardiment contester la vérité de cet épisode si lugubrement dramatique.

109. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

C’est en Belgique, en Flandre et à Bruxelles, qu’elle se développa le plus complètement et je me rappelle y avoir entendu souvent des axiomes tels que ceux-ci : « la douleur est plus artiste que la joie ; la pureté n’offre guère d’intérêt non plus que la franche vie ; il n’y a de beau que le vice, la maladie, la souffrance et la mort. » M.  […] Quant à M. de Régnier il n’eut guère avec cette école d’autres attaches que les complexités encore artificielles d’un talent subtil et rare — comme l’est assurément celui de MM.  […] Et elles se déploient doucement, vêtues de gaze comme d’ailes nacrées, en de vagues paysages aux grandes lignes qui sont de courbes et pensives. » Mais, sinon quant à la parure d’images devenue plus distante, M. de Régnier ne s’est pas assez renouvelé jusqu’ici : ce motif de mélancolie n’a guère changé depuis les poèmes qu’il désigne, sans doute parce qu’il apparut au tournant de la route où le voyageur pressentit enfin son but après des chevauchées trop vainement glorieuses ; au moins s’est-il dégagé avec plus d’évidente force en quelques pièces récentes où le songeur a mis le plus de lui-même et qui s’illuminent telles qu’un miroir propre à refléter peut-être un plus lointain essor. […] Malgré l’importance parfois excessive de l’enveloppe visible, elle n’existe guère chez M. de Régnier, en ses vers du moins36. […] L’un demande à tous les éléments de plastique, de musique, de syntaxe, l’expression vive et nouvelle d’une idée ; il se glorifie souvent par des luxuriances qu’on s’étonne de ne guère rencontrer dans les Cygnes.

110. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Mais cette parole intempérante remplit plutôt les lacunes de sa pensée ; il parle quand il ne pense guère ; il se repose ainsi, il joue ; quand il pense, au contraire, il parle peu ; c’est en silence qu’il fait ses notions et qu’il s’exerce au jugement. […] A mesure que se fait la coordination du langage et de la pensée, l’enfant cherche toujours ses mots quand il porte un jugement nouveau, mais il les trouve de plus en plus facilement ; d’autre part, quand il parle pour parler, les mots éveillent des pensées de plus en plus riches, nettes et cohérentes ; et, à la longue, l’accord de la parole et de la pensée devient si étroit que l’enfant devenu un adolescent ne peut plus guère trouver une pensée sans la bien exprimer, ni se rappeler des mots sans y attacher un sens plein et sérieux. […] Au contraire, les grands stylistes, comme Sainte-Beuve, les philosophes au style lapidaire, comme Royer-Collard, ne sont guère que d’éminents vulgarisateurs. […] Mais elle lui est plus intimement unie que les autres signes ; une fois les habitudes de l’âme solidement constituées, l’idée n’apparaît plus guère sans signe intérieur, ni le signe intérieur sans son idée ; l’idée complétée par le signe forme une sorte de molécule, dont la conscience ne distingue pas les éléments constitutifs. […] XI : « Il pense et il parle tout à la fois ; mais la chose dont il parle est rarement celle à laquelle il pense ; aussi ne parle-t-il guère conséquemment et avec suite. » [Il s’agit du portrait de Ménalque ou le caractère distrait dans La Bruyère, Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, « De l’homme », 7 (VI), éd.

111. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Mais le degré de valeur d’un homme en place étant exposé au grand jour, les louanges qu’on lui donne, s’il en est indigne sont honteusement démenties par le public ; au lieu que les langues qu’on appelle savantes étant presque absolument ignorées, leurs panégyristes ne craignent guère d’être contredits. […] Nous ignorons absolument comment les Latins prononçaient la plupart de leurs voyelles et de leurs consonnes ; par conséquent nous ne pouvons guère juger en quoi consistait l’harmonie des mots de leur langue. Nous avons seulement lieu de croire, que l’inversion leur donnait plus de facilité qu’à nous pour être harmonieux dans leurs phrases ; mais l’espèce d’harmonie qui résulte des mots pris en eux-mêmes et de la suite des mots, il faut convenir de bonne foi que nous ne la sentons guère. Je dis que nous ne la sentons guère ; car je ne nie pas que nous ne puissions en sentir quelque chose ; et ce sentiment tient surtout au mélange plus ou moins heureux des voyelles avec les consonnes, soit dans les mots isolés, soit dans leur enchaînement. […] Il n’avait jamais été en Italie ; à la bonne heure : il n’avait jamais parlé que français aux Italiens qu’il avait vus ; cela n’est guère vraisemblable, mais passe encore : on conviendra du moins qu’il avait eu avec ces Italiens de fréquentes et de profondes conférences sur leur langue ; or cela suffisait à la rigueur pour la bien savoir, et croit-on qu’il ne les consultât pas sur ses productions italiennes, et qu’il ne se corrigeât pas d’après leurs avis ?

112. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Les novateurs de 1715 ne sont guère que des insurgés. […] Vous serez des friponneaux ; car il n’y a guère de bandits ; et vertueux avec sobriété ; car il n’y a guère de saints dans le monde. […] Eh bien, j’en vois un où il n’y a guère que des gens parfaits, et un autre où il n’y a guère que de plats gueux et des femmes perdues. […] C’est que la fin n’en ressemble guère au commencement. […] Il ne la voit guère que comme l’essence des règles éternelles.

113. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Le vilain n’écrit guère, et l’on n’écrit guère pour lui : deux voix en somme firent à travers les siècles le grand concert de la littérature française, celle de la bourgeoisie et celle de l’aristocratie, se répondant, se mêlant, se recouvrant en mille façons, toujours distinctes et reconnaissables à leur timbre singulier, qui ne s’efface même pas dans l’uniformité ecclésiastique.

114. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Il n’y a plus guère que M.  […] C’est la plus heureuse de toutes les tentatives faites pour renouveler l’alexandrin (il y en a d’autres), et c’est la seule contre laquelle on ne puisse guère objecter qu’une misérable raison d’habitude.

115. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Ce tour n’est guère dans le génie de notre langue, et la grammaire trouverait à chicanner ; mais le sens est si clair que ce vers ne déplaît pas. […] Cette fable n’est guère remarquable que par la simplicité du ton et la pureté du style.

116. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

La charge d’historiographe n’était guère que la bague au doigt d’un homme de lettres, — une charge modeste. […] Elle devient presque un sacerdoce, et l’on ne voit guère d’analogue à lui comparer que dans les Paralipomènes.

117. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Aussi n’était-elle guère humaine, ainsi austère et de si dures limites. […] — Guère ! Du moins guères plus profondément. […] » Et il ne pense guère à ce qu’il va écrire. […] Leconte de Lisle, ils n’ont souvent guère plus de vie que des figures peintes.

118. (1901) Figures et caractères

J’ai le sentiment qu’il n’est guère lu que par les lettrés. […] Ils ne voient guère en eux que des moyens de communication spirituelle. […] Les exemples de cette coutume ne manquent guère. […] Ils sont peu communicatifs et on n’apprend guère que leur morgue et leur sans-gêne. […] Leconte de Lisle vieilli ne publie plus guère.

119. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Nous l’avons déjà remarqué à propos de La Fare : il n’y a guère que les premières années qui comptent et qui soient dignes de souvenir, dans ces carrières épicuriennes qui vont sans règle et en s’abandonnant. […] On ne s’attendait guère que Chapelle dût nous introduire dans ces considérations philosophiques et qu’on peut lire plus au long dans la lettre datée de Chiras : c’est lui pourtant qui, par ses questions à Bernier, les avait provoquées. […] Son beau moment, qui date de son Voyage en 1656, ne s’étend guère au-delà de la jeunesse de Boileau, de Racine, et n’entre pas avant dans le règne de Louis XIV. […] Le début, à parler vrai, ne nous agrée plus guère ; ce mélange de vers et de prose, ces enfilades de rimes redoublées pouvaient sembler neuves alors ; aujourd’hui, c’est usé, et quand on lit au xviiie  siècle les lettres de Voltaire, par exemple, on est souvent étonné que cette même plume qui vient de dire très gentiment les choses en prose se mette tout d’un coup à les redire moins bien en assez mauvaises rimes.

120. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Je ne puis guère, sans sortir de mon domaine qui est déjà bien assez étendu et assez vague comme cela, me mettre à mon tour à décrire en détail les principaux tableaux des frères Le Nain et m’appesantir sur le caractère de leurs œuvres. […] Il n’est guère possible de les distinguer entre eux d’après leurs œuvres ; ce serait tout au plus possible pour le troisième, plus mondain. […] Là où l’on est plus sûr de les retrouver et où leur signature apparaît authentique, c’est dans ces peintures ordinaires d’intérieurs de fermes, de repas de famille, de brebis qu’on fait boire à l’abreuvoir, etc. ; toutes scènes domestiques ou champêtres, peu variées, ou qui ne semblent guère que des variantes d’un même fond de tableau, mais toutes d’un ton juste, d’une couleur un peu grise ou crayeuse, mais saine, où rien ne dépasse d’une ligne la stricte réalité, et où elle nous est livrée encore plus que rendue dans son jour habituel, dans son uniformité même et sa rusticité. […] Au xviiie siècle, l’excellent peintre de genre, Chardin, semble avoir voulu renouer à eux pour les scènes d’intérieur et la représentation des objets naturels : « C’est là, c’est chez lui, disait Diderot, l’un de ses grands admirateurs, qu’on voit qu’il n’y a guère d’objets ingrats dans la nature, et que le point est de les rendre. » Chardin, qui était, en outre, un homme de beaucoup d’esprit, répandait sur ses reproductions naturelles une qualité que les Le Nain avaient trop négligée ou ignorée, l’agrément : ceux-ci lui restaient supérieurs peut-être par un trait moral plus prononcé, par une bonhomie plus antique.

121. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Etudiez l’espèce de plaisir que vous avez pu prendre quelquefois à ces réunions ; rappelez-vous les bras, les épaules nues, les jeux de l’éventail, les corsages plaqués, la toilette qui exagère toutes les parties expressives du corps féminin : vous reconnaîtrez que ce n’est guère par les grâces de la conversation, volontiers insignifiante, que vous avez été séduit, mais que l’attrait du sexe était pour beaucoup dans votre plaisir. […] C’était le triomphe de cette stratégie de l’impudeur savante, qui fait parler les lignes et les contours autant et plus clairement que la voix, que les yeux mêmes ; qui met dans une courbe, dans un balancement du buste, dans une saillie du corsage, dans un développement du bras, dans une retraite de la jambe, toutes les forces concentrées de la chair, tout l’appât d’un corps lascif qui se promet… IV Mais cette sensualité que développe la vie du monde est plus fine qu’impétueuse ; les grandes passions ne se rencontrent guère dans ce milieu artificiel. […] La dissipation de la vie ne permet guère le recueillement où se nourrissent et croissent d’ordinaire les profondes amours. […] La morale des philosophes est une morale de cabinet qui ne les suit guère dehors ; tant qu’on raisonne doctoralement, inter libros ou inter pocula, c’est superbe, plein de simplicité, de grandeur et d’harmonie ; mais deux beaux yeux que l’amour fait arder ont bien vite raison de toutes les rigueurs théoriques de ces belles doctrines, lesquelles, en de certains, moments, sembleront toujours à quiconque ne les a pas inventées de simples jeux de savants.

122. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Elle l’aurait vainement espéré dans la société où son regard inexorable ne voyait guère qu’une collection de ridicules, de prétentions et de sottises. […] Ce qu’on peut dire, c’est que l’union ne pouvait guère subsister entre ces deux femmes, y eussent-elles chacune beaucoup mis du leur. […] De Walpole on ne veut guère voir que la crainte qu’il avait, dans ce monde moqueur d’alors, d’encourir un ridicule par cette passion affichée de la vieille aveugle : et quant à Mme Du Deffand, nous la jugeons trop comme l’ont fait Grimm, Marmontel, la coterie encyclopédique, à travers laquelle la tradition nous est venue. […] Le pauvre président Hénault, on le voit, n’était pas mort ; mais, depuis des années, il n’en valait guère mieux, et n’était qu’une ruine.

123. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Or, ce petit écrit, qui n’a pas cent cinquante pages, où il n’est qu’un moraliste et presque un pénitent, où il évite surtout l’air d’historien, a été imprimé en 1822 dans le volume des Mélanges de la Société des bibliophiles : comme ce rare volume n’a guère été tiré qu’à une trentaine d’exemplaires, on ne peut s’étonner que ces petits Mémoires de d’Antin soient si peu connus. […] Je crus les cieux ouverts quand je me vis à la Cour ; je n’en connaissais guère toutes les amertumes. […] Les Mémoires que nous lisons, et qui ne sont guère qu’un examen moral et chrétien de conscience, nous le montrent au fond meilleur à bien des égards que ne le jugeait le monde et que les observateurs sévères ne le soupçonnaient. […] Cherchant à rassembler dans sa raison toutes ses forces et tous ses motifs de renoncement, il se dit qu’il n’a guère plus de quarante ans ; qu’il y a moyen, après avoir consacré sa jeunesse au service du roi et de sa patrie, de vivre chez soi en honnête homme ; il se trace le plan d’une vie heureuse et privée : « Avoir du bien honnêtement, n’avoir rien à se reprocher (et, pour cela, commencer par payer toutes ses dettes), avoir mérité d’avoir des amis, et savoir s’amuser des choses simples. » Toutes ces conditions pourtant ne laissent pas d’être difficiles à rencontrer dans le même homme, et il suffit d’une seule qui échappe, ou d’un goût étranger qui se réveille, pour faire tout manquer, et pour corrompre ce tranquille bonheur.

124. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Les noirs n’ont guère hérité de l’irrespect de leur ancêtre Cham pour son père Noé. […] Cette amitié va jusqu’à des extrémités qui peuvent nous choquer, à moins qu’elles ne nous paraissent héroïques… d’un héroïsme que nous ne serions pourtant guère tentés d’imiter. […] — Envers les animaux, les indigènes ne manifestent guère de pitié. […] Même islamisé, il ne semble guère croire à une vie future ou, s’il y croit, c’est avec l’espoir de racheter, grâce à quelques bonnes œuvres de la dernière heure, tous les méfaits, petits et gros, qu’il aura pu commettre au cours de son existence.

125. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Voltaire n’y causait guère avec Piron, et Vauvenargues, bien que logé rue du Paon, n’y allait pas30. […] Les amours de Juliette et de Simiane ont du charme, de la vérité, et je n’y vois guère à reprendre que ces visites un peu trop gothiques, et qui sentent l’année 1828, au haut des tours de Notre-Dame. […] L’action du roman, dans les deux tiers, ne mérite guère que des éloges.

126. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Les montagnes étaient devenues collines, les bois n’étaient plus guère que des bosquets, les ondulations du terrain recevaient, sans discontinuer, les cultures. […] La terre, un peu sèche et pierreuse, ne leur donne guère que du pain et du vin ; encore ce vin est-il léger, si léger que les gens du Nord, pour y prendre plaisir, le chargent d’eau-de-vie. […] Ils ne sont point frappés par la magnificence de la nature ; ils n’en voient guère que les jolis aspects ; ils peignent la beauté d’une femme d’un seul trait, qui n’est qu’aimable, en disant « qu’elle est plus gracieuse que la rose en mai. » Ils ne ressentent pas ce trouble terrible, ce ravissement, ce soudain accablement du coeur que montrent les poésies voisines ; ils disent discrètement « qu’elle se mit à sourire, ce qui moult lui avenoit. » Ils ajoutent, quand ils sont en humeur descriptive, qu’elle eut « douce haleine nette et savourée », et le corps aussi blanc « comme est la neige sur la branche quand il a fraîchement neigé. » Ils s’en tiennent là ; la beauté leur plaît, mais elle ne les transporte pas ; ils goûtent les émotions agréables, ils ne sont pas propres aux sensations violentes.

127. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Toutefois, il faut avouer qu’on n’accroît guère de la sorte la somme de ses connaissances, qu’on n’explique pas encore les phénomènes dont il s’agit de trouver la raison d’être. […] Pourtant, fût-on à même de dire avec une certitude parfaite à quelle mystérieuse combinaison de libres nerveuses celui-ci doit d’avoir été plutôt que celui-là doué du génie créateur ; est-on en état de déclarer à coup sûr : cet homme a eu telles aptitudes, parce que telle était la conformation ou la composition chimique de son cerveau ; ce serait sans doute une conquête inappréciable pour le psychologue, mais j’ose soutenir que l’historien n’en serait guère plus avancé. […] On ne se souciait guère d’y puiser autrefois ; d’aucuns11, aujourd’hui encore, prétendent qu’elle ne sert de rien pour les écrivains supérieurs, qu’il faut interroger l’œuvre seule.

128. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

De plus, l’homme du livre ne voit que son sujet ; — l’homme de la Conférence ne voit guères que son public, ce qui n’est une garantie ni de talent, ni d’indépendance. […] Ces livres surprenants et délicieux, ne ressemblaient guères à celui qu’a publié le mari de cette chrétienne inspirée. […] Le protestantisme des autres protestants comme lui n’est guères que de la tradition interrompue.

129. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

En choisissant pour nous la raconter la vie de Clément XIV, ce pontificat de quatre années qui ne contient guères qu’une seule chose : la suppression de l’Ordre des jésuites, et en élevant, à propos de ce fait si lamentablement fameux qui contrista tous les cœurs dévoués à la cause du catholicisme, un monument de louange et de respect au pontife de l’abolition, le P.  […] Faute si grande, qu’il n’importe guères à présent de savoir au juste si le pontife agit par haine ou bien sans haine ; car une pareille faute, au bout d’un certain temps, fait toujours équation à un crime, et le temps à attendre où le crime qui ne s’était pas nettement dressé dans la conscience de Clément XIV a surgi, tout à coup, évident dans la conscience des hommes, ce temps à attendre n’a pas été long ! […] Theiner ne saurait guères infirmer l’autorité, n’avait qu’à déplier ces dépêches, fortiter et suaviter, et cette seule réponse de foi aurait mieux valu que les plus spirituelles invectives.

130. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Journalistes, chroniqueurs, tous les jaseurs de la publicité en ont déjà parlé, et vont continuer d’en parler pendant bien deux jours, de cet homme si peu fait pour être populaire, et dont ils ne disaient guères mot de son vivant. […] Dans un autre temps qu’à une époque où la production intellectuelle se répand d’autant sur le marché qu’elle est plus inconsistante et plus lâche, l’œuvre de Léon Gozlan, composé d’une vingtaine de volumes, sans compter ses pièces de théâtre, pourrait sembler considérable ; mais nous sommes trop accoutumés à ce prétendu tour de force de la production toujours prête, qui n’est guères plutôt qu’une preuve de faiblesse, pour admettre que vingt volumes in-18, dans une vie tout entière, dans un remuement de plume qui dura trente-cinq ans, soit quelque chose de bien imposant par son ensemble et par sa masse. […] C’est un graveur sur pierres précieuses, même sur le diamant, où, matériellement, on ne grave guères, et sa gravure est même ce qui fait un diamant de la pierre quelconque sur laquelle il grave.

131. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

… Pour peu qu’on plonge et qu’on pénètre dans tous les endroits de son roman et qu’on cherche à l’éclairer par les idées morales de l’auteur, on ne trouve guères, sous des formes élégantes, qu’un stoïque en lui (voir son personnage de Gandeuil). […] — se compose de six ou sept étoiles, et vraiment nous n’ayons guères davantage dans le livre qui porte ce nom. […] Les diplomates, ces hommes de l’action, n’ont guères le temps, je crois, de s’asseoir dans leur rêve et de le réaliser comme les artistes qui ne bougent pas du fond du leur.

132. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Il ne se recrute guère que dans le peuple et chez les paysans (pagani) : signe très-singulier, mais qu’on ne saurait méconnaître. […] c’est qu’il n’y a guère que les gens de. campagne, fermiers ou petits propriétaires-laboureurs, qui poussent quelqu’un de leurs fils au petit séminaire, où il est élevé le plus souvent gratis ; ils considèrent cette prêtrise comme un avancement social relativement à leur obscure condition.

133. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Il est toutefois, dans la vie des nations, des moments d’ardeur et d’orage où l’on ne conçoit guère ces rôles à part ; la masse alors absorbe toutes les nuances ; le foyer commun appelle à lui toutes les étincelles ; la mêlée convoque tous les poëtes. […] Lamartine aussi n’est guère revenu, à l’égard d’André, sur ses préventions premières.

134. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Je ne vois plus guère que le Tzar, le Grand Turc et le jeune Empereur illuminé d’Allemagne qui croient encore à leur droit divin. […] Si les autres princes n’ont plus guère d’illusions, ils ont gardé des préjugés.

135. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

C’est que les personnes très riches sont privilégiées de plus de façons encore qu’il ne paraît à première vue ; c’est que, en même temps que la charité sous sa forme la plus élémentaire, qui est l’aumône en argent, semble devoir être plus facile aux gens qui en ont beaucoup, ceux-ci, à mérite égal — et en vertu de leur richesse même, qui les signale à l’attention et leur permet des largesses d’un chiffre imposant — sont singulièrement plus assurés de la reconnaissance publique que les gens de condition médiocre ou petite, et, ainsi, ne manquent guère de recevoir, dès ici-bas, la récompense de leur bonne volonté. […] * * * Donc, la semaine dernière, à propos de la mort d’une dame qui fut évidemment une femme de bien, les journaux abondèrent en louanges si enthousiastes sur la charité de la défunte, que je ne vois guère ce qu’on y eût pu ajouter s’il se fût agi de saint Vincent de Paul ou de la Sœur Rosalie.

136. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

L’antiquité classique eut des républiques et des royautés municipales, des confédérations de républiques locales, des empires ; elle n’eut guère la nation au sens où nous la comprenons. […] Les affaires du monde ne se règlent guère par ces sortes de raisonnements ; mais les hommes appliqués veulent porter en ces matières quelque raison et démêler les confusions où s’embrouillent les esprits superficiels.

137. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Cela ne paraît guère vraisemblable, et voilà pourquoi cela est excellent. […] La Fontaine ne pouvait guère finir par une plus jolie fable.

138. (1915) La philosophie française « II »

Mais, tandis que les grands penseurs allemands (même Leibniz, même Kant) n’ont guère eu, en tout cas, n’ont guère manifesté, de sens psychologique, tandis que Schopenhauer (tout imprégné, d’ailleurs, de la philosophie française du XVIIIe siècle) est peut-être le seul métaphysicien allemand qui ait été psychologue, au contraire il n’y a pas de grand philosophe français qui ne se soit révélé, à l’occasion, subtil et pénétrant observateur de l’âme humaine.

139. (1890) Nouvelles questions de critique

Bossuet fait un Erratum pour une virgule, pour une lettre omise, pour remplacer guère par guères, ou Térèse par Thérèse. […] Mais on voit combien il serait dangereux de donner aux philologues les Pascal ou les Montaigne à juger sans compter qu’ils n’y tiennent guère, et que — Dieu leur pardonne ! […] Sur quoi, la question n’est pas de savoir si leur métier n’en vaut pas bien un autre, mais de voir, et de dire, que l’éloquence n’y est guère de mise. […] Rousseau, lui, n’a guère écrit que pour se raconter. […] Paul Lenoir, — et, quand il ajoute qu’elle est « active », me permettra-t-il d’avouer que je n’entends guère ce qu’il veut dire ?

140. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Le grand tragique n’observait guère. […] Ce n’est guère le fait d’une jeune fille qui sait si bien congédier les galants. […] Sganarelle ne voit guère au-delà du gros bon sens bourgeois ; il a ramassé dans son carrefour tous les aphorismes de cette sagesse du ménage, et il s’en sert contre les autres, sans songer à en profiter pour lui. […] Molière l’a dit de son public : « Ces gens-là ne s’accommoderaient nullement d’une élévation continuelle dans le style et les sentiments. » On veut rire à la comédie, et la réflexion n’y provoque guère. […] Il y a d’autres vilaines gens dans son théâtre, et il ne les a pas ménagées ; mais la preuve qu’il ne leur en veut guère, c’est qu’il se contente de les rendre ridicules.

141. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Les grandes fortunes poétiques ne pouvaient guère se faire qu’au théâtre ; notre débutant commence à travailler pour les comédiens410. […] Tragédie passionnée et vraie Racine n’apporte point de formules nouvelles au théâtre ; et c’est pour cela que, comme Molière, il ne se laissera guère imiter. […] Les personnages de Racine sont plus près de nous que ceux de Corneille : du moins, il nous le semble, quoique peut-être les grandes passions ne soient guère moins rares que les grandes volontés. […] On l’a accusé de se répéter ; il ne faut l’avoir guère lu, ou grossièrement. […] Nous ne pouvons exiger que Racine nous parle selon nos idées de la Grèce ou de l’Asie, qu’il costume ses acteurs d’après les dernières trouvailles ou les hypothèses récentes de l’histoire et de l’archéologie : il n’y avait guère que la civilisation gréco-romaine », la décadence raffinée, dont il pût avoir un sentiment historiquement exact.

142. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Peu porté et peu exercé à observer, n’ayant dans ses longues journées de Combourg presque point de créatures humaines avoir, sensible aux dehors surtout, il ne connaîtra guère des autres que les masques et les silhouettes. […] Il y a dans cette lutte, même quand elle se termine par notre succès, de durs moments pour l’amour-propre ; la victoire est toujours partielle et passagère : elle coûte à l’orgueil et ne le satisfait guère. […] Il n’appartient guère, fût-ce à un livre de génie, de créer de pareils courants : et, comme je l’ai dit de la Satire Ménippée, ces ouvrages qui paraissent avoir brusquement retourné l’opinion, doivent leur succès même à ce que l’opinion est déjà, plus ou moins secrètement, changée. […] Je n’aime guère l’épisode de René qui eut tant de succès : c’est une amplification sentimentale, la pire des amplifications. […] Et les Mémoires d’outre-tombe, si mêlés, à travers tant de fatras, n’ont guère pour se relever, outre l’intérêt documentaire, qu’un certain nombre de tableaux où le vieux maître s’est retrouvé tout entier : la vie de Combourg, le camp de Thionville et le marché du camp, la garde de Napoléon faisant la haie à l’impotent Louis XVIII, les impressions de Rome662, etc. ; tout ce qui est sensation pittoresque n’a pas vieilli d’un jour dans toute son œuvre.

143. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

En véritable enfant de Paris, Molière n’estimait guère comme des succès de bon aloi, que les succès qu’il avait à Paris. […] Molière ne riait guère ; il était un contemplateur comme le sera toujours le vrai poète comique. […] Je ne connais guère de comédie écrite avec plus de vivacité, plus de grâce et d’énergie. […] Le docteur Marphurius n’est guère moins divertissant que le docteur Pancrace. […] Elle ne tient guère plus à Lycaste qu’à Sganarelle.

144. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Le libéralisme ne se conçoit guère sans une critique du libéralisme. […] Mais on ne conçoit guère une critique qui ne vienne pas de lecteurs. […] Elle n’est guère exercée que par des professeurs, qui aiment discuter entre eux, mais qui n’aiment guère être discutés du dehors. […] Cela ne laissait guère d’espoir à un quatrième. […] Ne me reprochez pas une confusion qui ne serait guère que dans votre esprit.

145. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Il n’y a guère de passion ou de désir, de joie ou de tristesse, qui ne s’accompagne de symptômes physiques ; et, là où ces symptômes se présentent, ils nous servent vraisemblablement à quelque chose dans l’appréciation des intensités. […] Quant à la sensation plus particulière qu’elle éprouve dans le bras qui travaille, elle reste constante pendant fort longtemps, et ne change guère que de qualité, la pesanteur devenant à un certain moment fatigue, et la fatigue douleur. […] Nous n’avons guère d’autre moyen pour comparer entre eux plusieurs plaisirs. […] Entre des saveurs plus ou moins amères, vous ne démêleriez guère que des différences de qualité ; ce sont comme les nuances d’une même couleur. […] Car, la plupart du temps, l’organisme ne réagit guère, du moins d’une manière apparente ; et pourtant nous érigeons encore en grandeur une hauteur de son, une intensité de lumière, une saturation de couleur.

146. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il y a des livres plus agréables que ce Journal de d’Argenson, il n’en est guère de plus instructif pour qui sait bien lire. […] Fontenelle, qui vivait avec ce neveu bourru, était grondé par lui bien souvent, mais ne s’en émouvait guère. […] Redevenu simple conseiller d’État, ce métier de juge, disait-il, « où l’on n’a guère qu’un suffrage pour la trentième partie d’un arrêt », lui paraissait un faible dédommagement de sa petite vice-royauté en Hainaut. […] Mais, à d’autres jours, le Chauvelin a tout d’un coup baissé ; il est dans son tort, et il a mérité sa disgrâce ; l’exilé de Bourges, avec son grand feu et son activité, avait la politique trop magnifique et trop fougueuse ; il tenait trop de Louvois, dont il était parent ; les peuples n’auraient guère respiré de son temps ; il est bon qu’il ait été écarté : (Février 1737.

147. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Blaize, n’était guère de son goût. […] Les événements du premier Empire ne se réfléchissent guère dans cette Correspondance que par le côté ecclésiastique, par la lutte contre l’Université au sujet du petit séminaire de Saint-Malo, et par la participation morale que prend La Mennais aux affaires générales de l’Église. […] Confiné à La Chesnaie, il craint plus que tout, dit-il, le déplacement et les aller et venir ; il se figure qu’il est fait pour se tenir coi dans un petit coin : « Je n’aime guère à changer de place, et, à quelques petits tours près dans le jardin, mes jours comme mes nuits se passent dans la salle. […] Il avait ses raisons pour penser et dire, comme il fit dans la suite : « Trop de littérature effémine l’esprit, qui finit par mourir phtisique. » Il n’eut guère jamais que la littérature nécessaire, celle qui lui servait d’arme et d’argument, non pas celle qui est agrément, douceur, oubli, passe-temps et délices.

148. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Nous n’en faisons pas sur Racine et Corneille ; car ceux-là sont lus encore, et l’on ne décrit guère que les livres qu’on ne lit plus. […] Car la philosophie n’a guère été jusqu’ici que la fantaisie a priori et la science n’a été qu’un insignifiant étalage d’érudition. […] Les encyclopédistes latins, Martien Capella, Boèce, Isodore de Séville, ne font guère que compiler des cahiers d’école et mettre bout à bout des données traditionnelles. […] Le grand obstacle qui arrête les progrès des études philologiques me semble être cette dispersion du travail et cet isolement des recherches spéciales, qui fait que les travaux du philologue n’existent guère que pour lui seul et pour un petit nombre d’amis qui s’occupent du même sujet.

149. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

La reine d’Angleterre, si magnifiquement célébrée par Bossuet, nous a été peinte plus familièrement par Mme de Motteville, qui l’avait beaucoup connue ; et, cette fois, c’est elle qui met à cette figure, solennisée dans l’oraison funèbre, le grain de réalité : Cette princesse était fort défigurée par la grandeur de sa maladie et de ses malheurs, et n’avait plus guère de marques de sa beauté passée. […] Quelque temps après, on connut que les vertus de cette reine gothique étaient médiocres : elle n’avait alors guère de respect pour les chrétiennes ; et, si elle pratiquait les morales, c’était plutôt par fantaisie que par sentiment. […] Tous les hommes sont naturellement esclaves de la fortune ; et je puis dire n’avoir guère vu personne à la Cour qui ne fût flatteur, les uns plus, les autres moins. […] La première journée des Barricades se passe presque toute en plaisanteries contre elle : « Comme j’étais la moins vaillante de la compagnie, toute la honte de cette journée tomba sur moi. » Pour une personne de cet intérieur, elle comprend très bien du premier coup la nature de la révolte dans la ville, et ce désordre si vite et si bien ordonné : Les bourgeois, dit-elle, qui avaient pris les armes fort volontiers pour sauver la ville du pillage, n’étaient guère plus sages que le peuple, et demandaient Broussel d’aussi bon cœur que le crocheteur ; car, outre qu’ils étaient tous infectés de l’amour du bien public, qu’ils estimaient être le leur en particulier… ils étaient remplis de joie de penser qu’ils étaient nécessaires à quelque chose.

150. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Quant au fond, il n’y a plus guère à douter qu’il ne fût très-compromis sur plus d’un point. […] Il y a plus, il croyait peu à l’improvisation chez les autres, et n’estimait guère que le discours écrit. […] Daunou n’a guère fait que porter sa même manière, en l’appliquant à des morts, et sans paraître se croire autorisé à moins de réserve habituelle. […] Il n’en savait guère plus sur beaucoup de sujets que ce qu’il en avait écrit ; l’érudition qui vient de source déborde bien autrement. […] Quant au très-vieux français, tout éditeur de Joinville qu’il était, il ne croyait guère aux règles que M.

151. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Quoi qu’on puisse dire pour ou contre, en louant ou en blâmant, on ne sort guère chrétien des écoles de l’Université. […] Une fois qu’on est à bord et dans le détail d’un esprit, on ne le juge plus guère par cette partie essentielle, qui pourtant saute aux yeux au dehors ; on est tenté de l’oublier : elle subsiste jusqu’au dernier jour et ne cesse de dominer le tout.

152. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Quand Scott, duquel M. de Vigny était évidemment préoccupé, s’amuse à faire grimacer ses figures, il ne prend guère cette liberté qu’avec des êtres fantastiques. […] Loin que ces hommes-là soient fondus d’un seul et même jet comme dans la vie, ils se composent d’une suite de paroles qu’ils ont dites, d’actions qu’ils ont faites, auxquelles se joignent les intercalations trop peu graduées de l’auteur : ils ne sont guère, en un mot, que des pièces de marqueterie historique.

153. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Et d’abord, il est incontestable, qu’en général, l’instant qui suit dépend beaucoup de celui qui précède ; que pour qui saurait bien l’un, l’autre ne serait plus guère un mystère ; et qu’un être auquel serait accordée la connaissance pleine et entière du présent n’aurait pas grand effort à faire pour y voir immédiatement et comme par intuition l’avenir. […] Quant aux hommes, il est vrai, l’historien ne s’occupe guère de les gourmander ou de les louanger à propos de chaque action, il les prend pour ce qu’ils sont, les laisse devenir ce qu’ils peuvent, les quitte, les retrouve, suivant qu’ils s’offrent ou non sur sa route, et se garde surtout de faire d’aucun son héros ou sa victime.

154. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

A ceux qui, séduits par des ressemblances extérieures, ne voyaient dans notre révolution de 1830 que le pendant de celle de 1688, et n’en prétendaient guère tirer plus de conséquences, nous avons tâché de prouver que ces ressemblances assez piquantes ne jouaient qu’à la surface, n’apparaissaient que dans les hommes ou dans les mouvements des partis, mais qu’au fond les différences politiques étaient considérables. […] Il y a, dans le moment, des gens qui disent ces choses et qui n’y croient guère : ce sont les ci-devant royalistes.

155. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

 »92 … « Rien ne se fane plus vite dans une langue que les mots sans racine vivante : ils sont des corps étrangers que l’organisme rejette, chaque fois qu’il en a le pouvoir, à moins qu’il ne parvienne à se les assimiler… Déjà les médecins qui ont de l’esprit n’osent plus guère appeler carpe le poignet, ni décrire une écorchure au pouce en termes destinés sans doute à rehausser l’état de duelliste, mais aussi à ridiculiser l’état de chirurgien. »93 ⁂ L’outrance de la terminologie technique est d’ailleurs aussi néfaste à la littérature médicale qu’opposée aux tendances d’impersonnalité chères aux naturalistes. […] « Croyez bien, dit encore Trousseau, que ces nomenclatures, dont le ridicule n’est pas le moindre défaut, ne valent guère la peine qu’on en salisse sa mémoire, et que jamais des médecins sérieux ne daigneront s’en servir, autant par respect pour la philologie que dans l’intérêt véritable du progrès de notre art. » 94 Flaubert a judicieusement évité ce défaut.

156. (1890) L’avenir de la science « XX »

Le grand malheur de la société contemporaine est que la culture intellectuelle n’y est point comprise comme une chose religieuse ; que la poésie, la science, la littérature y sont envisagées comme un art de luxe qui ne s’adresse guère qu’aux classes privilégiées de la fortune. […] L’art, de nos jours, ne produit guère que sur la commande expresse ou supposée des individus.

157. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Votre tâche, moins agréable que la mienne, n’était guère moins difficile à remplir : elle exigeait une connaissance approfondie de la langue, des usages, des coutumes, des mœurs, de l’état des sciences et des arts au temps de Sénèque. […] l’on se tait ; la justification passe sans bruit, tombe dans l’oubli, et l’innocent n’en est guère moins suspecté.

158. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

C’est un arrangement de surface qui n’a guère de racine dans le pays. […] Et puis, quand même, ça ne me plairait guère. […] On ne le remarquait guère quand il se présentait quelque part, on le distinguait dès qu’il commençait à parler. […] Vous me réjouissez beaucoup, monsieur, puisque j’aime le pittoresque, et je vous plains, n’étant guère plus favorisé que vous. […] » On ne troque pas ses bottines dans les villas ou les châteaux de ses amis, mais il ne s’en faut de guère !

159. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

La vérité humaine ne se rencontre guère ni dans les salons ni dans les sleeping-cars. […] Jules Lemaître n’a guère parlé que des écrivains de notre temps. […] Aussi bien les sourires de quelques dédaigneux n’importent guère. […] Elles ne s’accordent guère avec le désir d’apostolat qui est au cœur de plusieurs. […] Elle a des hommes, dont beaucoup sont distingués, s’il n’en est guère d’éminents.

160. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Mais il y aurait surtout à insister sur ce premier ordre de comparaisons si spéciales et si neuves, tout à fait imprévues, de celles qu’on ne copie guère et qui qualifient, à proprement parler, l’originalité d’un style et d’un talent. […] je ne le crois guère. […] Le traducteur au lieu des Furies met les Érinnyes ; ce n’est guère la peine de traduire, et, qui pis est, le reste de la phrase va contre le sens.

161. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il ne le fit point, et je m’en passai. » Un peu plus loin, Mme de La Fontaine apprend de son mari qu’on dit des merveilles sur les Limousines de la première bourgeoisie, sur leurs chaperons de drap rose sèche et sur leurs cales de velours noir. « Si je trouve quelqu’un de ces chaperons qui couvre une jolie tête, je pourrai bien m’y amuser en passant et par curiosité seulement. », Curiosité scabreuse et certes peu conjugale : l’aveu suivant ne l’est guère davantage. […] La moindre tentation, un joli minois, un sourire, une parure avenante le détournent ; ce n’est pas pour longtemps et il ne choisit guère. […] » Et il envoie à la divine Amaranthe des vers un peu risqués, pleins d’insinuations vives et d’adorations mythologiques, Ces sourires et ces rires, cette galanterie caressante, ces douceurs, ce mélange d’esprit gracieux et de tendresses fugitives composent l’amour en France ; La Fontaine n’en a guère connu d’autre, et il y a passé le meilleur de son temps.

162. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Quand on s’en tient aux faciles raisonnements de Locke, quand nos gens qui ne s’effraient guère veulent devant Spinoza, non pas devant la hardiesse, mais devant la profondeur de sa doctrine, et craignent de s’y casser la tête, Diderot, sans façon, sans fracas, s’assimile le dur, le grand système de Leibniz : et il n’y a pas d’autre raison, je le crois bien, qui lui ait donné en France la réputation d’être une tête allemande. […] Les idées de Diderot Encyclopédie à part, Diderot n’est guère moins considérable dans le xviiie  siècle que Voltaire et Rousseau. […] Je ne parle pas de l’exécution, souvent lâchée, précipitée ; la perfection du travail ne se rencontre guère chez lui.

163. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

A déchiffrer, on ne s’instruit guère, en dehors de ce que le texte livre en quelque sorte de lui-même. […] On n’ajoute guère à cet acquis. […] Les professeurs n’eurent qu’à faire parler leurs élèves ; et ils constatèrent aisément que les contresens étaient aussi faciles à faire, et n’étaient guère moins nombreux sur une page de français que sur une page de latin ou de grec.

164. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Mais la chronique même — sauf les exceptions que tout le monde connaît — n’est guère plus reluisante. […] Il n’est guère ni d’esprit mieux meublé ni de plus grand travailleur. […] Cet homme qui n’a guère de foi ni de principes a d’excellentes habitudes d’esprit.

165. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Il ne peut guère influer au sens strict, tant ses inventions rythmiques et sa langue s’adaptaient à lui-même. […] Un faune, plein de malice et d’esprit, déguisé en frère mendiant, disant qu’il a la foi du charbonnier et, à force de le dire, finissant par le croire, me donne un spectacle qui ne me touche guère, et devant lequel j’abandonne volontiers les amateurs de conversions faciles et de fausse simplicité. […] Le pauvre homme n’en avait guère personnellement ; mais ses bruyants admirateurs n’en manquent pas, il faut le reconnaître, et, grâce à eux, la langue française est en train de devenir un adorable bafouillis de nègres.

166. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Mais avec lui le feuilleton n’était que le feuilleton, une chose en soi, qu’il a presque faite et qui n’a guère son nom que depuis qu’il a écrit les siens. […] Il n’avait guère honte de ce procédé. […] … Il ne fallait vraiment guère que cela à Jules Janin, et je crois même qu’il eût envoyé promener la culotte de soie noire.

167. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Seulement, par une particularité qui est peut-être un procédé de l’écrivain, les traits qui nous le font bien voir sont comme épars dans le livre et ne se rassemblent guères que dans la pensée du lecteur. […] Amédée Renée ne croit guères au mariage clandestin d’Anne d’Autriche, et le dément par des lettres fort curieuses qu’il cite. […] Les Nièces de Mazarin ne sont guères là qu’un titre et un prétexte, quoique le titre soit justifié et que le prétexte puisse passer fort bien pour un motif.

168. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Les Romains eux-mêmes, si l’on excepte la grande Grèce, ne paraissent guère avoir été enclins à cette branche de poésie ; et lorsque Virgile l’importa chez eux, ce ne fut pas sans quelques-uns des inconvénients bien sensibles d’un genre déjà artificiel. […] La pièce qui porte cette adresse, très-belle, mais assez amère, et où il exprime ses plaintes encore plus que ses espérances, semble prouver qu’il n’avait guère prospéré dans l’intervalle, et que la confraternité d’études avec Ptolémée Philadelphe ne lui avait pas beaucoup profité. […] Ce qui frappe à une simple lecture dans le recueil des trente pièces attribuées à Théocrite (je ne parle pas des petites épigrammes de la fin), c’est qu’il n’y a guère que la première moitié qui appartienne au genre bucolique pur, et qui justifie entièrement l’idée d’originalité attachée au nom du poëte. […] Mais, dans l’état actuel de la critique, et à moins de découverte de quelque manuscrit qui soit, par rapport à Théocrite, ce que le manuscrit découvert par Villoison a été pour Homère, il n’y a guère moyen de résoudre ces doutes inévitables. […] elle lui a pris la main pour toute réponse ; elle sent d’ailleurs qu’il n’y a guère à insister sur ce qui suit, et elle semble craindre d’en parler trop longuement à la chère Lune elle-même.

169. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Ce n’est guère qu’un calcul dont le résultat est prévu et infaillible. […] Il n’y a guère que le vice qui se révolte. […] Il faut bien cependant quelqu’un qui la juge ; car autrement elle serait une énigme sans mot, et l’homme ne serait guère qu’un monstre. […] La politique ne s’est guère élevée jusqu’à présent au-dessus de l’intérêt, et elle n’a presque jamais porté ses regards dans une région plus haute. […] La science morale ne peut guère aujourd’hui, comme au temps de Platon, qu’en détourner les yeux, tout en plaignant les hommes d’État plus encore qu’elle ne les blâme.

170. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Dans Salammbô nous n’admirions guère que la prodigieuse maîtrise du styliste et l’art achevé de la composition. […] La psychologie rétrospective, nous n’y croyons guère. […] Mais, bien que les épisodes en soient plaisants, les détails fort audacieux, ces livres ne sont guère dans le goût de l’heure et leur saveur est un peu forte pour les faiblesses d’à présent. […] Les femmes ne peuvent guère mettre en relief plus d’un personnage. […] Les livres parfaits se comptent ou plutôt ils ne se comptent guère… Écoutons les femmes disserter sur l’amour et chérissons ces silhouettes gracieuses que dessine Mme de Régnier : elles portent au visage le reflet d’une âme véritable.

171. (1888) Études sur le XIXe siècle

Leopardi n’était guère enclin au mysticisme, et une partie de Dante dut lui échapper. […] Du peintre, si par ce mot on entend l’artiste qu’intéressent avant tout les choses sensibles à la vue, il n’a guère que le goût des belles couleurs et des riches accessoires. […] Jusqu’à Lessing, l’histoire de la littérature allemande n’a guère à recenser que des œuvres qui sont la mise en application de doctrines. […] « On me dira : Comment avez-vous pu les admirer, ne sachant que peu d’espagnol et ne vous connaissant guère en poésie ? […] Que le moule qu’il choisit soit ou non reconnu par ce qu’on appelait jadis la théorie des genres, il ne s’en inquiète guère.

172. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Car c’est de quoi l’on ne se douterait guère, à entendre ce qui s’en dit, et guère davantage à lire ce qui s’en écrit. […] Mais il y en a d’autres, comme Gil Blas, qui ne dépendent guère moins du temps et de la circonstance que du talent de l’écrivain qui les signe. […] Aimer, c’était aimer, l’on n’y cherchait guère d’autres raffinements, et la plus diverse de toutes les passions était ainsi traitée comme la plus semblable à elle-même. […] Ancien ami de Bachaumont, il était aussi du salon de Mme Doublet, salon fameux, où l’on ne s’arrêtait guère, mais où défilait le « tout-Paris » d’alors. […] Les Neuchâtelois, dépositaires de ses papiers, n’y mettent guère moins d’ardeur.

173. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Si c’est de vos joies, il y a gros à parier que votre confident n’a guère eu de joies dans sa vie. […] Je le soupçonnais de ne vouloir guère de moi que mes applaudissements, et je ne les lui marchandais pas. […] Violent, obstiné, téméraire, il n’avait guère de royal que la fidélité au serment et le courage. […] Il nous en parla comme à des gens qui, pour en être très curieux, n’y étaient guère préparés. […] Les avocats ne se font guère connaître que par la politique.

174. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

On ne mangeait guère et on travaillait trop […] Ce fut là sa vie jusqu’à vingt-sept ans, et celle qui suivit ne valut guère mieux. […] Il n’est guère plus doux pour l’Église. […] Sous cette règle étroite, la poésie historique, qui d’elle-même n’est guère viable, va languir étouffée comme sous une cloche de plomb. […] On n’a guère vu d’esprit dont la pensée planât plus haut et plus loin des choses réelles.

175. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Maturin n’est guère connu en France comme un écrivain littéraire. […] Une fois qu’il a le pied dans l’étrier, il met la bride sur le cou de sa monture et ne s’inquiète guère du chemin. […] Il n’y a plus guère de marquis de Moncade. […] Or, il ne va guère plus avant. […] Ils n’ont guère trouvé d’ennemi qu’en eux-mêmes : leur plus grande douleur a été l’humiliation de leur vanité.

176. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Ce ne sont guère que deux cents vers : mais, comme dira Boileau, cela vaut de longs poèmes, et l’on donnerait pour ces deux cents vers-là bien des Enfances Garin et des Huon de Bordeaux. […] Voici le montage de Renart, dont les pacifiques hommes de Dieu ne tireront guère plus de satisfaction que de Rainoart au tinel. […] On n’aura pas de peine à concevoir qu’il n’y a guère de psychologie dans les Fabliaux. Comme on n’y saisit pas d’intention de faire vrai, on n’y trouve guère aussi trace d’observation : quand le trait est juste, c’est d’instinct, par une bonne fortune de l’œil et de la main.

177. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Pour expliquer une métamorphose si monstrueuse, il ne faudrait guère moins que cette baguette de la fée antique, qui changeait en bêtes féroces ses amants. […] Une ancienne maîtresse peut se résigner à voir son amant lui échapper par la tangente d’un mariage, mais on ne se la figure guère poussant à la noce qui doit l’évincer. […] C’est que les expéditions lointaines ne réussissent guère plus, au théâtre, qu’en politique. […] Il ne peut s’intéresser à ce Jacques qu’il n’a jamais vu et qu’il ne verra pas ; Jacques est, pour lui, le mandarin dont parle Rousseau : on ne voudrait pas le tuer, cela va sans dire ; mais les dangers qu’il peut courir dans les pays extravagants où il s’est fourré ne vous touchent guère plus que ceux du Sindbad des Mille et une Nuits.

178. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Un jour que Mme de La Fayette le rencontra dans un accoutrement qui tenait des deux sexes, en habit d’homme et avec des pendants d’oreilles et des mouches, cette femme d’esprit et de raison lui dit, sans doute en plaisantant et pour lui faire honte, que ce n’était guère la mode pour les hommes, et qu’il serait mieux tout à fait en femme. […] Il poussa cette indigne vie aussi longtemps qu’il lui fut possible, et il n’avait guère moins de trente-trois ans quand il la quitta. […] Quoi qu’il arrive, pense-t-il, j’aurai toujours fait un beau voyage ; j’aurai appris bien de petites choses ; je n’aurai guère offensé Dieu pendant deux ans. […] Il promet de parler beaucoup du roi, et il nous parle aussi de lui-même : Je suis un peu jaseur la plume à la main, dit-il ; vous sentez bien que je n’y fais pas grande façon, et que je ne songe guère à ce que j’ai à vous dire.

179. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Une sensation ou un sentiment simple ne saurait guère être esthétique, tandis qu’il est peu de sentiments et de sensations, quelle que soit leur humble origine, qui ne puissent prendre un sens esthétique en se combinant harmonieusement l’un avec l’autre dans la conscience, alors même que chacun pris à part est étranger au domaine de l’art. […] Vous respirez, en marchant, un parfum de réséda, et vous n’éprouvez guère qu’une sensation agréable. […] Si, par exemple, vous entendez de la musique sans l’écouter, en pensant à autre chose, ce ne sera guère pour vous qu’un bruit plus ou moins agréable, quelque chose comme un parfum respiré sans y penser ; écoutez, le bruit agréable, deviendra esthétique, parce qu’il éveillera des échos dans votre conscience entière ; soyez distrait de nouveau, et la sensation, s’isolant, se fermant, redeviendra simplement agréable. […] D’abord, il n’y a guère d’émotion esthétique sans une émotion sympathique, et pas d’émotion sympathique sans un objet avec lequel on entre en société d’une manière ou d’une autre, qu’on personnifie, qu’on revêt d’une certaine unité et d’une certaine vie.

180. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Elle n’apporte guère que du diffus et du confus. […] Quant au rêve lui-même, il n’est guère qu’une résurrection du passé. […] Au sortir du rêve — puisqu’on ne peut guère s’analyser au cours du rêve lui-même — on épiera le passage du sommeil à la veille, on le serrera d’aussi près qu’on pourra : attentif à ce qui est essentiellement inattention, on surprendra, du point de vue de la veille, l’état d’âme encore présent de l’homme qui dort. […] Les fantaisies du rêve ne sont guère plus explicables que celles de la veille ; du moins peut-on en signaler la tendance la plus marquée.

181. (1925) Portraits et souvenirs

Laclos ne pensait sans doute plus guère, parmi les fumées du canon et la rumeur des armes, à ces personnages imaginaires. […] On n’y trouvera guère de digressions philosophiques ou critiques, ni tableaux ni anecdotes, ni portraits, sinon très incidemment. […] D’ailleurs, avec un poète de sa qualité, il n’y avait guère de risque à se hâter. […] Sur ce point, d’ailleurs, Théophile Gautier ne lui cédait guère. […] Il ne saurait guère en être autrement.

182. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

En cela encore, il ne devait guère compter qu’il grouperait autour de lui un bien grand nombre d’approbateurs. […] Si le souci des peines infernales l’occupe quelquefois, ce n’est guère aux heures du plaisir. […] Quiconque se trouve sous le coup d’une sensation un peu vive, — quelle qu’elle soit, — ne songera guère à aligner des alexandrins ou à polir des périodes en prose. […] Les causes externes n’ont guère rien changé aux forces latentes chez l’homme, mais elles les ont mises en mouvement et les ont aidées à se produire. […] Mais, en dehors du style, — qui baisse d’ailleurs, — et de l’affabulation, — qui tend à disparaître, — on cherche l’effort artistique, et on ne le trouve guère.

183. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Surtout je ne crains guère ce danger pour les jeunes gens, et c’est par l’aveuglement sur soi, par l’entraînement, par l’inconscience, qu’ils pêchent presque toujours. […] Aussi, hors de l’école, hommes ou femmes, on ne lit guère en France.

184. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Sully Prudhomme, de l’École polytechnique et cela ne nous plaît guère de mettre la chimie en chansons. […] Si l’on médite un instant, on se persuadera que notre situation n’est guère différente.

185. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Francis Vielé-Griffin, sans avoir exprimé encore à l’auteur, reconnaissance puérile et honnête, quelle sereine joie j’emporte toujours avec moi, ne me séparant guère de sa petite plaquette. […] Je ne vois guère que lui qui puisse à cette heure y prétendre.

186. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Fontanes, à son heure, en était le souverain et voluptueux représentant ; Daunou aussi, quoique infiniment plus travailleur, n’en sortit guère ; nous tons de race gallicane plus ou moins pure, nous en tenons plus ou moins : nous nous lassons vite, nous goûtons, nous effleurons, nous devinons ; il est rare que nous possédions à fond et en maîtres ce qui n’est pas nôtre. — Ô Taine ! […] En parlant des auteurs de cette époque intermédiaire, des morts de la veille ou des vivants qui n’en valaient guère mieux, il avait tout ce qu’il fallait pour être juste, tenir la balance, y mettre les deux parts, ne pas tout secouer et rejeter comme on a fait depuis. […] Eh bien, il n’y a guère moins de trente-cinq ans, en décembre 1827, à propos du Mariage d’argent, la première grande comédie que Scribe essayait au Théâtre-Français et qui n’y réussit pas, M.  […] Il n’était guère sorti de son cabinet, il n’avait pas voyagé, il n’avait pas même visité ce qui était à sa portée, il avait peu vu de ses yeux : sa myopie était extrême ; mais il avait lu, il avait écouté de sa fine oreille, il avait compris, il savait rendre ; il y a de ces tours d’adresse de l’écrivain et du lettré habile. […] Le drame moderne n’a guère rien à faire là dedans.

187. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

La révélation d’Egmont n’importe guère qu’aux auteurs de ce mélodrame : bizarre musique ! […] Si la recette des concerts ne répondit guère à l’attente des organisateurs, en revanche l’enthousiasme du public vengea Wagner de l’indifférence et de la méfiance des absents. […] Hans Richter eut à lutter sérieusement pour empêcher que l’on ne profanât Lohengrin en y introduisant un de ces divertissements chorégraphiques où le clinquant le dispute au ridicule et sans lesquels, de nos jours encore, il n’est guère d’opéra tolérabie, Richter eut gain de cause contre le ballet, mats il fut moins heureux à l’endroit des coupures. […] Les moyens d’exécution n’ont guère permis aux œuvres de Wagner de se répandre beaucoup dans nos villes de province. […] Les changements de direction entraînent presque toujours un remaniement de la troupe et, comme conséquence, des études longues et laborieuses chaque fois qu’il est question de reprendre certains ouvrages en vue desquels les interprètes nouveaux ne sont guère préparés.

188. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Pour le tour, l’ordre et la suite des faits, le naturel du récit on n’y peut guère changer, même pour perfectionner, sans péril ; et le trait des gens du marquis, « qui commencèrent à laisser leur chef, quand ils virent qu’ils n’auroient nulle aide de lui », est une de ces vérités universelles qui trouvent même dans une langue au berceau des formes déjà parfaites, et qui ne changeront pas. […] Déjà, cependant, Joinville avait donné l’exemple de raconter des événements auxquels il n’avait pas pris part ; mais il en tirait les détails de personnages dont il avait une si grande pratique, et il en connaissait si à fond le principal, qui était le roi Louis IX, que cette partie de ses récits n’est guère moins personnelle que le reste. […] Froissart n’aime pas la paix ; il ne se soucie guère non plus de la patrie ; il l’eût bornée à Valenciennes, ou aux États de Robert de Namur. […] Il fit, outre cette chronique, un grand nombre de vers des Consolations, à la façon de Sénèque et de Boëce, des traités moraux et, d’autres ouvrages, dont le nombre n’étonnait guère moins que la beauté. […] On ne s’attend guère à rencontrer, à cette date, un sentiment si vrai et si profond, exprimé avec la grâce du style de Montaigne.

189. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous ne le croyions guère, sachant toute la répugnance des directeurs à accepter une pièce de gens accusés de littérature, de style et d’art. […] Le temps n’est guère aux tentatives d’art pur, et le public républicain d’aujourd’hui me paraît ressembler bien fort au public impérial d’hier, au public contemporain de cette anecdote. […] Et c’étaient presque aussitôt des tentatives nouvelles, des inventions et des compositions de pièces dont j’ai oublié le titre et dont je ne soupçonne plus guère l’existence que par la lettre de refus d’un directeur de théâtre. […] Je vais faire une franche confession : je ne trouve pas que mon frère et moi ayons fait du théâtre à l’époque du complet développement de notre talent, sauf peut-être dans la Patrie en danger, — et encore c’est un genre pour lequel je n’ai guère plus d’estime que pour le roman historique ; — par là-dessus, j’ai brûlé mes premières pièces, n’en ai point en carton, et n’en ferai jamais plus. […] Les journalistes qui me disaient que ma tentative était absurde, et que seules les mœurs de la bourgeoisie présentaient de l’intérêt, ne se doutaient guère, que plus de cent ans avant, quand paraissait Marianne, les gazetiers jetaient à Marivaux qu’il n’y avait uniquement que les aventures de l’aristocratie qui pouvaient intéresser le public, qu’au fond les mœurs des bourgeois étaient de basses mœurs, indignes de la lecture d’un homme qui se respecte.

190. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

L’Art en Grèce étudie une époque primitive où l’influence du milieu social était en effet prépondérante ; ce livre ne cadre plus guère cependant avec la statuaire réaliste que l’on a découverte dans les fouilles d’Olympie. […] La Dame aux Camélias a passé pour une merveille de réalisme auprès du public théâtral du temps ; les ouvriers ne croient guère à la vérité de l’Assommoir, tandis qu’ils admettent facilement le maçon ou le forgeron idéal des romanciers populaires. […] Les femmes qui n’ont guère de tâche pénible à accomplir, montrent des goûts qui ne jurent pas avec le reste de leur caractère. L’expérience générale ne se si guère trompée sur ce point ; ce qu’on cherche à connaître d’un homme pour le juger, ce ne sont pas ses occupations, ce sont ses goûts. […] En dehors d’esprits supérieurs qui no sont exclusifs pour personne, on ne rencontre guère de gens aimant également et à un même moment Lamartine et Hugo, Balzac et Dumas, la basse et la haute littérature.

191. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Leur distribution me jeta d’abord dans une grande perplexité, car leurs œufs ne semblent guère propres à être transportés par des oiseaux, et, comme les adultes, ils sont immédiatement tués par l’eau de mer. […] Les îles Falkland, habitées par une sorte de Renard-Loup, sont presque une exception ; mais ce groupe ne peut guère être considéré comme océanique, puisqu’il est entouré de bas-fonds reliés à la terre ferme dont il n’est éloigné que de 280 milles. […] C’est en effet ce qu’on devrait attendre d’après ma théorie, ces îles étant situées si près les unes des autres qu’elles ne peuvent guère manquer de recevoir des émigrants, soit de la même source originaire, soit les unes des autres. […] On ne peut guère mettre en doute que cette règle ne soit vraie en général, bien qu’elle soit difficile à prouver. […] Les moyens de locomotion étaient bornés sans doute parmi ces êtres informes, et la première distinction divergente qui s’opéra fut peut-être celle des organismes fixés au sous-sol marin pour y végéter, et des organismes demeurés libres et flottants dans les eaux par agrégations plus ou moins nombreuses de centres vitaux, qu’on ne peut guère encore à cette époque appeler des individus.

192. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Quant aux sciences morales proprement dites, ce n’est guère que depuis le commencement de ce siècle qu’elles ont été appliquées à la recherche des lois, et comme, dans l’accomplissement de cette tâche, elles n’ont pas rencontré des conditions aussi favorables, il faut dire qu’elles ne sont point parvenues à des résultats aussi satisfaisants. […] Dans l’antiquité, cette dernière question n’a guère moins préoccupé les philosophes que les médecins. […] Cabanis lui-même, dans son grand ouvrage, n’avait guère fait que recueillir et condenser les observations des médecins, des philosophes et des moralistes, en y ajoutant les siennes et en faisant servir le tout à une conclusion beaucoup trop absolue. […] Peu soucieuse d’ailleurs de l’observation psychologique directe et intime, n’ayant guère pour toute science du moral que les seules notions que la psychologie animale peut donner, elle s’en tient aux grands traits, pour ne pas dire aux gros traits de la nature humaine, c’est-à-dire à ceux qui lui sont communs avec l’animalité. […] Bien qu’il soit vrai qu’à tout moment de sa vie normale l’homme se détermine librement à telle ou telle action, il ne l’est pas moins qu’il ne veut guère et ne veut peut-être jamais sans être sollicité par un mobile ou un motif quelconque.

193. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Nous voudrions développer une thèse semblable à propos de l’histoire, et faire voir comment, par une méthode analogue à celle des sciences naturelles, certaines écoles historiques ne laissent guère plus de place au libre jeu des facultés et des volontés humaines que telles écoles de physiologie et de philosophie positive. […] Dans les temps modernes jusqu’à notre siècle, l’histoire n’a guère été comprise, composée, écrite autrement que dans l’antiquité. […] L’histoire n’avait guère été précédemment qu’une sorte de psychologie sociale, ayant pour unique objet l’âme des individus et des peuples. […] Où Quinte-Curce et Plutarque ne voient guère qu’une épopée militaire, la science moderne admire une des plus grandes œuvres de la civilisation du monde. […] Renan, on n’y rencontre guère d’adorateurs du succès, du moins dans les hautes régions de la pensée.

194. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Malheureusement, celle-ci n’y a guère mis du sien. […] J’avoue que la succession ne me tenterait guère. […] Et puis, à vous dire franchement, on n’aime guère les Américains chez nous. […] Je ne vois guère que M. le marquis de Boissy qui serait capable de ce tour de force-là. […] D’abord, il est à la fois Italien et romancier, deux qualités qui ne se cumulent guère.

195. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Un certain goût modéré de bien-être matériel ne les révolte nullement ni ne les scandalise ; ils ne trouvent pas que le moral en souffre nécessairement, et ils se montrent disposés à prendre leur part des bienfaits acquis à tous ; ils admettent volontiers que la santé vaut mieux que la maladie ; et en se résignant aux maux inévitables, en s’y soumettant même avec constance ou douceur, il ne leur arrive plus guère, comme aux dures époques et aux âgés de fer, d’appeler à haute voix les calamités, de les demander au Ciel comme un moyen d’expiation, et de les saluer presque comme une bénédiction et comme une grâce. […] Il paraît que le mot de civilisation ne se rencontre guère pour la première fois, au sens où on le prend aujourd’hui, que dans les œuvres de Turgot, un digne parrain. […] Duveyrier n’a guère survécu à sa prédication dernière ; il est mort à Paris le 9 novembre 1866.

196. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ce n’est guère que dans cette dernière partie que le livre prend le caractère de Mémoires suivis et que l’auteur s’attache à éclaircir en témoin et en coopérateur des mieux informés quelques-uns des actes importants de l’histoire. […] Il ne réussit pas, dans son travail de ministre à portefeuille, à récréer Louis XVIII, à lui alléger la fatigue de la signature, et il lui parle trop au long des affaires : « Le roi ne voyait guère en moi, dit-il, qu’un ouvrier robuste qui avait fait son apprentissage sous un méchant maître. » On lui retire le ministère de l’intérieur pour le mettre à la direction générale de la police, à laquelle il est assez peu propre. […] Beugnot n’eut guère à se louer après ce commun exil, et qui, de retour en France, sacrifia sans beaucoup de cérémonie l’homme utile et distingué dont il s’était servi d’abord.

197. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ? […] Mais de Berny, il faut l’avouer, je ne me soucie guère. […] Sur l’observation de Rochambeau, que le péril était surtout pour les quartiers de gauche et que le prince Henri ne pouvait guère s’éloigner de la Saxe, le comte de Clermont répondit : « Il faut toujours remuer de la terre, cela en imposera à l’ennemi. » — « Je partis donc pour ma destination, nous dit Rochambeau, après une réponse aussi lumineuse. » Mais bientôt l’attaque rapide se dessina vers les quartiers de gauche, où les princes de Brunswick portaient leur effort.

198. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

La forme atteste une main habile et presque virile d’artiste ; le fond exprime une âme de femme délicate et ardente, mais qui a beaucoup pensé, et qui ne prend guère l’harmonie des vers comme un jeu. […] Les disciples, les maîtres même qui ont voulu sortir et agrandir en partant du milieu existant, n’ont guère réussi : on peut dire que, pour cette école et son développement, la formule de la courbe est donnée. […] Après tout, le succès humain n’est guère jamais mieux.

199. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Cet homme de Schopenhauer, « qui n’aurait été conduit ni par son expérience personnelle, ni par des réflexions suffisamment profondes, jusqu’à reconnaître que la perpétuité des souffrances est l’essence même de la vie ; qui au contraire se plairait à vivre, qui dans la vie trouverait tout à souhait ; qui de sens rassis consentirait à voir durer sa vie telle qu’il l’a vue se dérouler, sans terme, on à la voir se répéter toujours ; un homme chez qui le goût de la vie serait assez fort pour lui faire trouver le marché bon, d’en payer les jouissances au prix de tant de fatigues et de peines dont elle est inséparable », cet homme-là ne se répandrait guère en chants lyriques ; et cet homme-là, c’est nous. […] Elle n’avait guère vécu que d’une vie factice, n’ayant pas eu la bonne fortune de rencontrer un de ces esprits en qui elle se fût transformée, de façon à devenir une forme nécessaire du génie national. […] C’est tout, et ce tout ne dure guère.

200. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Il n’y avait guère de regret dans notre émotion. […] De même qu’il n’est point de coulissier un peu mondain qui n’ait vécu et tenté d’écrire son roman, soit l’adultère où il se dépensa, de même il n’est guère d’étudiant, fût-ce en pharmacie, qui ne s’efforce de rimer, après et selon Alfred de Musset, les griseries et les rancœurs alternatives dont une maîtresse de brasserie fut l’auteur irresponsable. […] À ne répéter point ce qui fut écrit, et Mendès est si près de tout écrire, quand il veut écrire, faute aussi de pouvoir déjà expliquer historiquement Heredia, dont les origines me sont confuses, je n’ai guère que quelques redressements à proposer de l’opinion qu’on se fait communément de Heredia et des Trophées, opinion en moyenne assez juste et raisonnable.

201. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Celui qui en est doué ne peut guère éviter d’ironiser et, si l’ironie bourgeoise qui consiste à ne pas comprendre est précieuse comme un bouclier orné de grotesques, l’ironie aiguë de celui qui comprend est une arme offensive. […] Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ». […] Il n’y a pas de style artificiel ; il n’y a guère d’écriture naturelle.

202. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Faust, un de ses plus grands titres de gloire, n’est que cela… Beaucoup plus érudit qu’inventeur, Gœthe ne fut guères toute sa vie qu’un traducteur et un remanieur. […] Ici, plus que jamais, le faiseur d’opéras domine Gœthe, et il le domine à ce point qu’il n’est plus guères, dans ce fameux Goetz de Berlichingen, que la marionnette du décorateur. […] Quoique la pensée de Gœthe, quand elle n’est pas une bêtise, carrée ou sphérique, d’un poids énorme, ne soit guères qu’une espèce de fumée intellectuelle qui ressemble plus à de la pensée qu’elle n’en est réellement, il y a dans ses critiques d’art, sinon de grandes lueurs, au moins, ici et là, parfois de l’étincelle. […] Il n’était guères propre qu’à quêter dans tous les buissons de la science, comme le chien de chasse qui évente le gibier… Espèce de lévrier scientifique, qui a fait lever deux ou trois lièvres. […] On ne le lit guères déjà ; bientôt on ne le lira plus.

203. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Zola ne s’est guère attardé avec les honnêtes gens. […] Il ne s’occupe guère non plus de littérature, et je le regrette, à cause du plaisir que j’aurais à observer ses avatars. […] Et ceux-ci ne sont, au fond, guère moins philosophes que ceux-là. […] L’observation sincère et désintéressée du monde ne peut guère aboutir qu’à la constatation de son mauvais état. […] qu’il ait vu juste, qu’il ait raison, l’on n’en peut guère douter.

204. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Esprits raccourcis et passionnés, nous ne pensons, guères qu’à ce bout de toile historique dont nous sommes les tisserands d’un jour ou à ce qui peut directement s’y rattacher, et nous oublions trop que l’Histoire est particulièrement, dans sa notion pure et profonde, le récit des choses entièrement finies, des mondes entièrement disparus. […] Poétiquement parlant, nous n’en connaissons guères de plus belle.

205. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Ces gens-là ne lisent guères Ludolphe et Tauler, et pour que M.  […] Une tête humaine, eût-elle du génie et si faussée qu’elle soit, n’importe guères à l’humanité.

206. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

L’auteur, Paul Meurice, n’avait jamais montré de prétentions si hautes ; mais tout finit par pousser dans la vanité des hommes, et il arrive toujours un moment où le melon est mûr… Quoiqu’il eût romancé déjà, Paul Meurice n’est guères connu comme romancier. […] — il suffit du plus simple relatif entre la pensée et Dieu. » Et le voilà qui part de Shakespeare : On ne s’attendait guère À voir Shakespeare en cette affaire !

207. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

On ne pouvait guère parvenir d’un rang plus bas à un plus élevé, car il était fils d’un affranchi, et devint empereur. […] Depuis cette époque, on ne trouve guère plus d’éloges d’empereurs prononcés par des empereurs.

208. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Et voilà pourquoi l’empereur Napoléon, qui n’aimait guères que les passions qu’il inspirait, lui mit sa Légion d’honneur sur cette poitrine qui ne battait même pas pour Phidias et pour Jupiter ! […] Il perdra le relief que lui donne son siècle, et les lettres dont il est composé ne se verront plus guères qu’en creux, — malheureusement ineffaçables ! […] On le connaissait en Angleterre, mais en France il n’a commencé guères avant le xixe  siècle. […] Ce fut sa critique de peinture qui l’illustra, du reste, bien plus que sa critique littéraire, laquelle n’a guères d’accompli et d’enlevé que cet Essai sur les mœurs, c’est-à-dire sur les femmes, dont je viens de parler, et où il remanie si magistralement la glaise indécise de Thomas. […] Génin, qui n’est pas, lui, un monstrueux en philosophie, — qui n’en a guères qu’une toute petite, longue comme le pouce (la liberté de l’examen), se dévoua, pour l’honneur de cette philosophie, au travail monstre d’essuyer Diderot.

209. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Elles ne gagnent guère les faubourgs : le peuple y est toujours trop bête. […] Entre nous je ne l’aime guère. […] il a raison. » On ne peut guère trouver que M.  […] Il n’eut guère que du bonheur et il ne faisait pas difficulté d’en convenir. […] Je ne vois guère que M. 

210. (1895) Hommes et livres

En Allemagne, on n’avait guère fait de progrès depuis Érasme. […] Et cela sans préjudice d’autres travaux qui n’étaient guère moins considérables. […] Il ne leur vient guère plus de lettres d’Espagne que de Turquie. […] Il n’en a guère la réputation, et j’ai l’air d’avancer un paradoxe. […] Cela n’est guère intéressant.

211. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

car vous venez pour quelque chose, et l’on ne vous voit guère d’habitude, étant comme vous êtes les premières des déesses. » Je force peut-être un peu le ton, mais je l’indique du moins. […] C’est un pur mal, amer, cuisant, et qui n’a guère de gracieux que les débuts. […] Ce n’est guère l’occasion toutefois de digression critique à cette heure ; nous avons mieux à faire, et il nous faut écouter en Colchide les propos des deux amants : « Pourquoi donc, ô vierge ! […] Quant aux questions de Médée, elles sont bien naturelles en même temps que finement insinuantes : elle parle d’Orchomène et de l’île d’Æa, parce qu’elle ne connaît guère d’autres pays lointains : de l’un est venu son beau-frère Phrixus, et dans l’autre habite sa tante Circé. […] oissonade, n’est guère connue que des poëtes français. » Chardin dans son Voyage dit : « Les ruines de Colchos sont perdues : je n’en aperçois rien. » Je le crois bien, il n’y a point eu de ville de Colchos, partant point de ruines.

212. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Un enfant ne peut guère entrer trop jeune dans les petites écoles. […] Je ne connais aucun traité élémentaire sur ces objets particuliers, mais il n’y a guère d’auteur de mécanique qui n’en ait fait les préliminaires de son ouvrage. […] 3° Les enfants ne sont guère capables d’une autre occupation. […] Mais ce n’est pas tout : si les principes de la grammaire ne sont aucunement à la portée des enfants, ils ne sont guère plus en état de saisir le fond des choses contenues dans les ouvrages sur lesquels on lès exerce. […] Les Grecs ont été les précepteurs des Romains : les Grecs et les Romains ont été les nôtres, je l’ai dit, et je le répète : on ne peut guère prétendre au titre de littérateur, sans la connaissance de leurs langues.

213. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Dans l’autre genre de critique, que le mot de journaliste exprime assez bien, je mets cette faculté plus diverse, mobile, empressée, pratique, qui ne s’est guère développée que depuis trois siècles, qui, des correspondances des savants où elle se trouvait à la gêne, a passé vite dans les journaux, les a multipliés sans relâche, et est devenue, grâce à l’imprimerie dont elle est une conséquence, l’un des plus actifs instruments modernes. […] C’est dans l’âge au-dessous de vingt ans que les meilleurs coups se ruent : c’est alors qu’il faut faire son emplette. » Il regrette le temps qu’il a perdu jeune à chasser les cailles et à hâter les vignerons (ce dut être pourtant un pauvre chasseur toujours et un compagnon peu rustique que Bayle, et il ne put guère jouir des champs que pendant la saison qu’il passa, affaibli de santé, aux bords de l’Ariége) ; il regrette même le temps qu’il a employé à étudier six ou sept heures par jour, parce qu’il n’observait aucun ordre, et qu’il étudiait sans cesse par anticipation. […] L’excellent Bayle n’a, je crois, jamais fait un vers français en sa jeunesse, de même qu’il n’a jamais rêvé aux champs, ce qui n’était guère de son temps encore, ou qu’il n’a jamais été amoureux, passionnément amoureux d’une femme, ce qui est davantage de tous les temps. […] Il n’aime guère la femme ; il ne songe pas à se marier : « Je ne sais si un certain fonds de paresse et un trop grand amour du repos et d’une vie exempte de soins, un goût excessif pour l’étude et une humeur un peu portée au chagrin, ne me feront toujours préférer l’état de garçon à celui d’homme marié. » Il n’éprouve pas même au sujet de la femme et contre elle cette espèce d’émotion d’un savant une fois trompé, de l’antiquaire dans Scott, contre le genre-femme.

214. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Les comédiens de profession n’apparaissent guère avant le xvie  siècle, et mêlés aux comédiens amateurs et volontaires : il faut venir au milieu du siècle pour trouver des troupes organisées, comme celle de ce « Jacques Laugerot, joueur d’histoires et de moralités », qui fait ses engagements, le 8 mars 1552, devant un notaire de Draguignan. […] Si l’on songe que de ces 150 pièces, 61 nous sont connues par le recueil imprimé du British Muséum, et 72 par le manuscrit La Vallière, que les premières semblent s’être jouées dans la région lyonnaise, et les autres en Normandie, qu’enfin la plupart de ces pièces ne sont pas, dans leur forme conservée, antérieures au xvie siècle, on concevra qu’il n’y a guère d’induction à tirer, de l’ensemble des œuvres que nous avons, sur révolution du théâtre comique. […] Avec cela, il a trois parties sensibles : la peau, la bourse et la femme : être rossé, volé, trompé, voilà les trois mésaventures qui le font rire quand elles arrivent aux autres, parce qu’elles le fâcheraient si elles lui arrivaient, il est peu sensible, il a peu d’idées : les peines morales et le tourment d’esprit n’ont guère de prise sur lui. […] On ne lui en fait guère accroire : il se connaît, et tels que lui-même, il estime les autres : il soupçonne le mal volontiers, et se défie de tout le monde.

215. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Il n’est guère possible de conduire sûrement un dialogue sans avoir en quelque degré le sens psychologique : Musset l’a eu plus qu’aucun romantique. […] De la tentative de La Chaussée et de Diderot, il n’était guère resté, conformément au sentiment de Voltaire, que la comédie mixte, où des scènes attendries et pathétiques alternent avec les scènes plaisantes. […] La comédie ne devait guère tenter les romantiques : ils avaient l’âme trop sombre, et prenaient trop au sérieux leur mission ou leurs souffrances. […] Tous les agents de change, colonels, baronnes, ingénues, que Scribe a fabriqués si abondamment, sont des mannequins, que l’auteur tourne, ramène, emmène, selon l’utilité de son intrigue, fil a pourtant, quoi qu’il n’y songeât guère, mis une morale dans ces vaudevilles de mince portée ; ils reflètent naïvement une conception de la vie, celle de l’auteur et de son public, leurs maximes courantes, selon lesquelles ils réglaient leur activité et jugeaient celle des autres.

216. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il y chante son luxe et son bien-être ; le chant n’est guère propre à toucher ceux qui ne peuvent pas vivre de sa vie ; mais la nature y parle, et les vers sont écrits de verve. […] Le nom même d’amitié ne convient guère à cette espèce de coquetterie d’esprit, par moments caressante, plus souvent inquiète et ombrageuse, qui rapprocha et éloigna tour à tour l’un de l’autre ces deux esprits et ces deux hommes. […] En fait de genre d’esprit, il n’est guère plus aisé de trouver celui qui manque à Voltaire que de définir tous ceux qu’il a. […] On ne peut guère lire la Correspondance de Voltaire sans penser au recueil qui y ressemble le plus dans l’antiquité, les Lettres de Cicéron.

217. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Il n’est guère de talent plus sympathique que celui de M.  […] La maison paternelle n’était pour lui jusqu’à présent, qu’une auberge ; il n’y entrait guère qu’aux heures des repas. […] Mademoiselle Letellier a bien offert quarante mille francs à son hôte, les restes de son petit patrimoine ; mais ce modique acompte ne tiendrait guère plus qu’un grain de sable pour arrêter le flot montant des créances : demain, ce sera la ruine et le déshonneur, La mère reste seule avec son fils, elle l’invite à secourir M.  […] Jusqu’à présent, la question de l’enfant naturel n’avait guère été traitée, au théâtre, que sous son côté violent et hostile : combat ou antagonisme, contraste entre la misère de l’enfant du hasard et la richesse de l’homme sans entrailles qui l’a mis à la porte de la vie, sans pain et sans nom ; représailles du fils reniant le père qui l’a délaissé, lorsqu’une circonstance imprévue le met sous sa main et à sa merci ; l’instinct de la nature aboli dans son âme par l’abandon dénaturé dont il a été la victime.

218. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Jean-Jacques Rousseau n’avait fait, dans La Nouvelle Héloïse, que dessiner le Pays de Vaud et le Valais sans dépasser guère les collines ; maintenant on en était à décrire les hautes vallées, les glaciers, à gravir les pics les plus inaccessibles. […] C’est ainsi encore qu’à l’occasion des Crétins du Valais dont les hommes notables du pays semblent rougir, les regardant comme une tache pour leur nation, et dont ils n’aiment guère à parler avec les étrangers, mais que le peuple et les enfants même respectent et considèrent au contraire comme une bénédiction, « comme des innocents marqués par le ciel pour n’avoir nulle part aux crimes de la terre et pour arriver sans obstacle au séjour des récompenses », il dira sans hésiter : « Laquelle de ces deux opinions est la plus respectable ? […] [NdA] Coxe et lui furent les premiers guides des voyageurs en Suisse en ces années : Ceux-ci parcouraient à l’envi, nous dit Ramond, les routes que nous avions frayées, mais n’en frayaient guère d’autres ; et les lieux ignorés dont j’avais révélé le secret devenaient peu à peu une promenade publique où les Anglais rencontraient des Anglais, les Français des Français, et personne les Suisses.

219. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Sa réputation s’affermira toujours, parce qu’on ne le lit guère. […] Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. […] Dans une langue qui ne savait guère encore, comme il le dit, que bégayer papa et maman, il trouva moyen d’exprimer le fond de l’univers et la cime des subtilités divines. — Pour nous il a fait plus : il a fait entrer dans le langage du genre humain nombre de ces paroles décisives qui marquent les grands moments de la vie et de la destinée, ou qui fixent la note inimitable de la passion, et qui se répéteront telles qu’il les a dites, tant qu’il y aura des hommes.

220. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il n’est guère de visage de femme qui, dans sa jeunesse, ne trouve son adorateur ; il n’est guère de poète ni d’auteur qui, en vieillissant, n’ait ses admirateurs et ses disciples. […] Livet, qui s’est attaché dès son début à étudier, à remettre en lumière et en honneur la littérature et la poésie du règne de Louis XIII, cette poésie que ne continue guère Malherbe et que balaiera Boileau.

221. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Les intérêts, c’est-à-dire les finances, l’industrie, les branches diverses de la fortune publique, leurs rapports, leur jeu mobile, leurs crises, le mécanisme et le thermomètre du crédit, les signes et pronostics qui en résultent à chaque instant, il les sait peu, il ne les sait guère plus que M.  […] Bertin de Vaux, notamment, ce sage épicurien, témoignait alors, dans l’intimité, qu’il ne croyait guère à la stabilité et à la durée de l’édifice qui portait sur une base sociale aussi restreinte, sur un corps électoral aussi trié que le voulait M.  […]  » ; et enfin ce mot qu’on a fort relevé : « Je ne connais guère l’embarras, et je ne crains pas la responsabilité. » C’est le signe d’une disposition chez lui fondamentale ; c’est le geste de son esprit, de son caractère qui se trahit et qui tranche, qui repousse et chasse, pour ainsi dire, les difficultés et leur interdit de reparaître. — Une remarque matérielle et qui n’est pas vaine vient à l’appui, le caractère de son écriture : pas une hésitation, pas une fatigue ; jamais un jambage qui bronche.

222. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Le recueil de Poésies que j’ai sous les yeux et qui n’est guère qu’une seconde édition revue, corrigée, avec additions et retranchements (le premier recueil de 1854 s’appelait les Vignes du Seigneur), s’ouvre par un portrait de l’auteur en lunettes et par une préface biographique en vers. […] Je ne ferai donc pas le tour de l’auteur ; j’irai à travers ses trente ou quarante petits et moyens volumes (il n’en a guère moins) comme à travers champs. […] Berchoux y est remis à sa place pour ce poëme trop vanté de la Gastronomie, qui semble avoir été « composé en face d’un verre d’eau sucrée. » Il n’y a guère, en effet, que la forme de gastronomique dans ce badinage.

223. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Le discours ne fut guère qu’un lieu commun, un peu approprié au sujet ; mais la réponse y fut toute propre et mérite d’être retenue. […] Il n’en était pas ainsi de Boileau, et puisqu’on ne sépare guère les deux amis, et que, lorsqu’on a à parler de l’un, on est conduit inévitablement à s’occuper de l’autre, je mettrai ici tout ce que la même Correspondance de M.  […] Depuis que la critique est née et a grandi, qu’elle envahit tout, qu’elle renchérit sur tout, elle n’aime guère les œuvres de poésie entourées d’une parfaite lumière et définitives ; elle n’en a que faire.

224. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Il se pourrait qu’elles fussent charmantes sans être bien neuves, qu’elles ajoutassent peu de chose au vieux trésor des anciens moralistes, qu’elles n’eussent guère d’autre valeur que celle d’un exercice élégant. […] Bien des gens nerveux, capricieux et frivoles  à moins qu’ils ne soient, au contraire, très philosophes  ne tiennent guère compte que de la personne même de l’artiste, qui leur est sympathique ou antipathique, voilà tout. […] Cela n’est guère simple, mais comme c’est « amusant » !

225. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

C’est pourquoi un Flaubert, un Baudelaire, ou tout autre auteur dont les œuvres scandalisent les salons, ne peuvent entrer à l’Académie que par un coup heureux du hasard comme il ne s’en produit guère. […] Les pères conscrits réunis sous la coupole n’essaiment plus guère d’idées originales, neuves, audacieuses, pénétrantes, si tant est qu’ils en aient jamais énormément répandues. […] Leur influence ne s’exerce guère que sur ceux qui rêvent de leur succéder et s’appliquent dès lors à leur ressembler et à marcher sur leurs traces.

226. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Il est la contradiction affirmée de tout ce qu’elle a écrit ; un démenti donné à la Critique — et autant à la Critique qui l’a grandie et exaltée, — et cette Critique, formidable par le nombre, pourrait s’appeler légion — qu’à la Critique qui l’a diminuée, — et cette autre Critique n’est guère composée que de deux ou trois voix isolées, lesquelles ont protesté bien plus au nom de la morale qu’au nom de la littérature, contre l’affolement universel, inspiré par l’auteur de Valentine et d’Indiana. […] Ils ne se soucient guère de ce qu’il charrié de limon, pourvu qu’il coule ; car Mme Sand, qui a l’abondance, n’a pas la correction. […] (pour dire les peines de l’âme), de la coupe de miel offerte aux lèvres pures « (pour dire une vie heureuse et quoiqu’on ne mette guère maintenant de miel dans les coupes), des anneaux rattachés de la chaîne brisée, du faîte de la richesse, du règne de la vérité qui s’annonce à l’horizon !

227. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Nous n’avions guères lu de lui que son introduction aux lettres nouvellement éditées du président de Brosses sur l’Italie. […] D’un autre côté, en religion, il nous a toujours semblé n’avoir guères que celle du Titien ou de Léonard de Vinci. […] Dans sa Gloriette, dans son Curé de Minerve, dans son Hercule chrétien et dans son Histoire de Pierre Azam, ce qui le préoccupe, c’est la couleur locale et morale, et les personnages de ses récits presque légendaires ne sont guères que des figures, pour la plupart, connues, et parfois d’une physionomie fatiguée.

228. (1887) La banqueroute du naturalisme

Oui ; si l’on savait peut-être que le commencement et la fin de son naturalisme, que sa principale ou son unique originalité n’avait guère consisté qu’à imprimer tout crus dans ses romans des mots dont je gagerais qu’à peine ose-t-il se servir dans la liberté de la conversation, jamais pourtant il n’en avait encore imprimé de tels, ni rendu le nom même de naturalisme synonyme à ce point de ceux d’impudence et de grossièreté. […] Manger, boire, et le reste, il ne se passe guère autre chose dans les quatre-vingt-quinze feuilletons que j’ai lus de La Terre, et le « reste » surtout en remplit des colonnes entières. […] C’est dommage ; et pour nous, qui nous n’avions guère mieux attendu de M. 

229. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

. — Il se prépare ici une saison assez littéraire, assez poétique même : nous allons avoir dans une quinzaine un volume lyrique de Hugo ; il y aura des vers d’amour ; malgré toutes les hésitations, il se décide à son coup de tête, et bien que ce soit une unité de plus qu’il brise dans sa vie poétique (l’unité domestiqueaprès à politique et la religieuse), peu importe à nous autres frondeurs des unités et au public qui ne s’en soucie plus guère : les beaux vers, comme seront les siens, je n’en doute pas, couvriront et glorifieront le péché. […] Après cela, ce n’est guère de cette poésie dont moi, en mon particulier, j’use ; ce n’est pas non plus la vôtre, c’est celle des générations tumultueuses, enivrées, qui n’y regardent pas de si près.

230. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Condillac, qui n’eut guère qu’une réputation posthume et que M.  […] Quoique cet examen fût un peu étranger au sujet de son livre, quoique les idées des partis vaincus n’aient guère d’influence sur les lois, j’aurais désiré que M. 

231. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Le temps ne se prêtait guère à réaliser ses rêves ; et il ne s’en aperçut pas. […] Il n’est point écrivain à idées, et ne se soucie guère du monde intelligible.

232. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Ils sont plus confus par leurs idées que par leur nombre, qui ne monte guères qu’à une dizaine, en comptant parmi eux deux revues ayant, comme on dit, pignon sur rue, et dont la place se voit au soleil. […] Car il n’y a guère qu’un feuilletoniste en France, et, il faut bien le dire, c’est Janin.

233. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

, on n’a guère réédité que Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Mirabeau l’orateur, et tous les sophistes du xviiie  siècle, parce que nous étions devant ce siècle-là et ses petits grands hommes dans la position d’Alberoni devant le duc de Vendôme. […] Si nous consultons les mémoires de son temps, qui n’en parlent pas assez, ce grand Spectateur ne se mêla guères à l’action de son époque, et voilà pourquoi il la vit si bien !

234. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Lévy tout seul, je ne vois plus guères là qu’une spéculation de librairie qui bat monnaie sur le nom de Madame Sand et sur la curiosité, en supposant qu’il en soit une qu’elle puisse exciter encore. […] III Ce n’est guère que vers les trois quarts de ce premier volume d’une Correspondance qui ressemble presque à une trahison de la part de ceux qui la publient, tant elle ravale de toutes manières Madame Sand, comme talent et comme caractère, qu’elle se met à raconter son embarquement sur cette mer orageuse, où, par parenthèse, elle n’a jamais eu, elle, que du beau temps.

235. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Il faut avoir avoué que, dans la mesure où l’histoire permet de l’appliquer, la méthode inductive ne promet guère de réponses « cruciales » à de pareilles objections. […] On ne comprendrait guère que, parce qu’ils se jugeaient égaux, les hommes eussent choisi de se soumettre à un pouvoir central, de se grouper en associations entrecroisées, de s’assimiler et de se différencier, de s’agglomérer et de se multiplier ; mais parce qu’ils s’aggloméraient et se multipliaient, se différenciaient et s’assimilaient, se groupaient en associations entrecroisées et se soumettaient à un pouvoir central, on comprend qu’ils en soient insensiblement arrivés à se juger égaux.

236. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Ceci ne s’applique guère qu’aux animaux. […] Au fond, ce n’est guère varié. Ça ne pouvait guère l’être. […] On ne peut guère se dispenser de l’avoir lu. […] Avec chat le fragment n’a guère de sens.

237. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Gustave Toudouze, qui adore l’Océan et la Bretagne, ne peut guère écrire de roman sans que l’un et l’autre y viennent prendre place. […] Les grands hommes ne peuvent se souffrir les uns les autres, et ils n’ont guère d’esprit. […] Il doit être vu avec des yeux de presbyte et non pas avec des yeux de myope, car le détail n’importe guère en présence d’un tel ensemble. […] Le grand argument exploité en Allemagne contre l’union franco-russe, c’est qu’un Empire ne peut guère s’allier à une République. […] Le livre est curieux à beaucoup d’égards, bien qu’il ne soit guère qu’un recueil de petites boutades de mauvaise humeur et de cancans, mais c’est hélas !

238. (1910) Rousseau contre Molière

Ni l’un ni l’autre, Molière ne le fait guère, et dans l’Avare il ne le fait pas du tout. […] Or Molière souvent n’en met guère. […] Rousseau ne peut guère attaquer le Tartuffe. […] C’est un défaut naturel que l’on ne peut guère corriger. […] On ne peut donc guère parler ici de préjugé vaincu.

239. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

On devine assez que voilà les honnêtes gens du livre, et ce n’est guère plus neuf que ce que nous avons vu jusqu’ici. […] C’est M. le duc d’Hérouville, grand écuyer de France, représentant une des plus grandes familles du royaume, mais n’ayant guère de ressources pécuniaires. […] Ce n’est pas tout à fait le cas de Lorenzaccio, mais il ne nous importe guère ; ce qui nous frappe plus que l’érudition un peu voilée du livre, c’est le caractère très bien tracé du duc Alexandre et le génie noble et enthousiaste de la marquise de Cibo. […] Bientôt cette grande et légitime excuse ne pourra plus s’appliquer, et Fortunio décidé à la réclamer comme la Nuit de Cléopâtre et comme la Chaîne d’or, ne saurait guère la faire valoir. […] Ce sont là des costumes grecs, mais sur des corps vivants ; quant à cette inerte enluminure de Fortunio, elle n’appartient guère aux plus nobles travaux de l’esprit que les prospectus de M. 

240. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Canivet, Charles (1839-1911) »

Auguste Lacaussade Ses vers écrits et composés de temps à autre, entre deux articles de journal, ne sont guère qu’une distraction ou plutôt une récréation littéraire prise et reprise à de rares intervalles.

241. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Tel genre littéraire ne peut guère fleurir dans l’époque actuelle. […] Il ne s’y est guère exercé qu’une fois. […] En tout cas l’oreille n’est guère plus satisfaite que l’esprit.  […] On ne peut guère adorer Marivaux sans lui ressembler quelque peu. […] Bourget ne l’applique guère au monde extérieur.

242. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Je ne m’occuperai guère d’elle. […] Question trop éloignée de mon sujet, et que je n’ai guère étudiée. […] Elle est adroite et ne se pique guère les doigts. […] Je n’en suis pas certain : le vote de l’ouvrier ne gêne guère le capitaliste. […] Je ne change guère que le titre, — trop général pour désigner un simple fragment.

243. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vignier, Charles (1863-1934) »

Sans l’avoir prouvé par des œuvres, — car ses vers, ainsi que l’avoue leur titre, ne sont guère qu’admirables pastiches, — il sait.

244. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Tapisserie »

Mon ami, il n’est guère moins difficile de faire prendre des laines pour de la couleur, que de la couleur pour des chairs, et je ne crois pas qu’il y ait quelque chose dans toute l’Europe qui puisse lutter contre nos ouvrages des Gobelins.

245. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roussel, Raymond (1877-1933) »

Gustave Kahn Le roman en vers n’avait plus guère tenté personne depuis l’Édel de Paul Bourget, et pas même Bourget lui-même ; d’ailleurs Édel, comme l’Olivier de François Coppée, est plutôt une nouvelle qu’un roman en vers.

246. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montoya, Gabriel (1868-1914) »

Montoya ne met guère dans ses chansons que des fleurs, des parfums, des brises, du bleu, des soupirs et des baisers… Mais ses fleurs sont entêtantes, et ses baisers sont ardents et même ils mordent.

247. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Ses ennemis ne l’admirent guère moins que ses amis, et les mémoires secrets ne démentent point les éloges publics. […] Avant Louis XIV, l’état de la société n’était guère propice à la comédie. […] Molière lui-même, dans ses premières pièces, n’alla guère plus loin. […] Le bienfait d’une société reconstituée et au repos, si favorable à la comédie, ne l’était guère moins à la satire littéraire, qui est à sa façon une comédie. […] Au temps des premiers succès des satires, il ne se connaissait guère en poésie, et il l’avouait avec grâce.

248. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Il cherche ridiculement et en grammairien commentateur l’origine de son nom emprunté ; il lui conteste son titre (fort réel) et ses armoiries (auxquelles elle ne tient guère) ; et celle légèreté railleuse, cette convenance de ton, ont vraiment leur prix et toute leur délicatesse, ou le sent, de la part d’un auteur qui vient nous prêcher le décorum. […] Cette beauté, il faut en convenir, cette harmonie de contours et de composition, qui peut réparer jusqu’à un certain point les désordres du fond, nos écrivains modernes, si éclatants dans le détail, ne l’ont guère, et c’est là peut-être ce qu’il faudrait leur demander plutôt qu’une moralité directe que l’art véritable n’a jamais cherchée et qu’il fuirait, j’en suis sûr, obstinément, sitôt qu’on la lui afficherait avec solennité.

249. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Depuis les Mémoires de Saint-Simon, qui ne s’attendait guère, le noble duc, à ces ovations finales de vaudeville (s’il l’avait su, de colère il en aurait suffoqué), jusqu’à ce qu’on appelle les Mémoires du duc de Richelieu et contre lesquels s’élevait si moralement Chamfort, plus que rongé pourtant des mêmes vices ; dans toutes ces pages on taille aujourd’hui à plaisir, on découpe des sujets romanesques ou galants, on prend le fait, on invente le dialogue : ici serait l’écueil si le théâtre n’avait pas ses franchises à part, si ceux qui écoutent étaient les mêmes tant soit peu que ceux qui ont vécu alors ou qui ont vu ce monde finissant. […] Ce que celle-ci ne prend guère la peine de dissimuler en air cru, dur et matériel, peut bien n’être pas très élevé et très idéal, mais ne sort pas de la comédie et rentre tout à fait dans la vérité.

250. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Les romantiques eux-mêmes et leurs amis, s’ils étaient là, ne devaient pas être de cet avis du tout ; le nouveau confrère, déjà couronné par d’autres victoires en rase campagne, et qui leur arrivait à l’assaut sur le théâtre d’élite où ils n’ont guère eu qu’un pied, avait de quoi les inquiéter d’abord, et la cause ne leur semblait pas tout à fait commune. […] Un étranger, un Vénitien passe ; il s’occupe d’elle ; sans lui parler à peine, il l’entoure de ses soins comme de prestiges ; elle n’a guère vu encore que sa plume au vent et son manteau, que déjà elle l’aime, comme toute jeune femme, même la plus pudique, aimera, si elle n’y prend garde, le jeune étranger, est-ce moral ?

251. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

La Société des gens de lettres est régie par un Comité qui, jusqu’ici, n’a guère eu à s’occuper que des questions d’intérêts matériels, industriels, relatifs à la littérature, et aussi des soins de bienfaisance envers les confrères nécessiteux dont elle vient à connaître le malheur. […] La Société des auteurs dramatiques, qui diffère par son titre de la Société des gens de lettres, n’en est guère qu’une branche plus spéciale et développée.

252. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Les crises sont rares dans le domaine moral : les révolutions qui déplacent l’axe d’une vie ou transforment une âme, sont des exceptions, qui ne sont guère vraisemblables que par la réalité même. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !

253. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Pessimiste, parce que ce qu’il veut ne se retrouve guère dans ce qu’il voit, la foi lui rend compte de la corruption humaine et du remède : elle est lumière et règle. […] Calvin n’est pas poète : et l’on conçoit que le Bourguignon d’imagination chaude, de sensibilité vibrante, n’aime guère ce Picard au parler froid et précis, en qui la passion a plus de rigueur que de flamme.

254. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Je serais du moins content, si après m’avoir obligé à écrire des sottises, vous vouliez prendre la peine de les redresser : mais vous n’en ferez rien ; vous êtes comme Dieu, qui dit aux hommes, je veux être obéi, et qui ne s’embarrasse guère de leur en faciliter les moyens. […] Cette différence se remarque surtout, je n’observe pas l’ordre des volumes, mais n’importe, dans les deux parties de la profession de foi du vicaire savoyard, il n’est guère que rhéteur quand il parle de l’existence de Dieu, de la vie à venir et de l’immortalité de l’âme ; quand il attaque ce qu’il appelle les mensonges que les hommes ont nommés religion, il est orateur et presque philosophe : ce morceau est peut-être celui de son livre qui a réuni le plus de suffrages.

255. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Et, tous les deux, voici qu’ils font la preuve, à leur tour, que la Diplomatie, dont le plus grand mérite pendant l’action est presque toujours le silence, après l’action, devrait aussi le garder… Talleyrand, qui fut le plus silencieux des diplomates, Talleyrand qui n’écrivait que des billets, ne disait que des mots, et dont toute la puissance ne fut guères que dans des monosyllabes et des airs, avait-il conscience de cela quand il prescrivait de ne publier ses Mémoires que trente ans après sa mort ? […] … Dans ce livre, où il n’est pas question une seule fois du moindre traité conclu ou à conclure, et où les deux diplomates qui s’y trouvent ne sont que des capitonneurs de situation, mis entre deux gouvernements pour les empêcher de se heurter, il n’y a guères, au fond, que deux correspondants, au fait, comme tout le monde, des choses de leur époque, et qui tâtonnent dans les événements pour y trouver des solutions dont ils n’ont jamais la certitude.

256. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Statue de cloître pour le monde moderne, qui semble n’avoir guère le temps de la regarder. […] Il n’est guère possible d’écrire plus lourdement et plus vulgairement que ces messieurs, — et c’est même à se demander si le docteur Hefele, qui a approuvé cette traduction sans noblesse et sans couleur, manque du sentiment de sa propre langue ou du sentiment de la nôtre ?

257. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Or, en supposant qu’il n’eût que dix-huit ans alors, il n’aurait eu guères moins de quarante-quatre ans en écrivant son livre. […] Laïs, comme toutes les courtisanes grecques qui ont laissé leur nom aux imaginations libertines de la postérité, — Phryné, Rhodope, Thaïs, Aspasie, Callixène, — Laïs n’est guère qu’un nom, une renommée, une fumée vague, qu’aucune recherche, aucune histoire, ne parviendront à condenser.

258. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Là les hommes ne font guère que des échos, des échos qui brouillent le son, en le répétant. […] Elle aurait, au fond, à peu de chose près, la même histoire, et ce sillage de quelques erreurs de plus ou de moins n’aurait guère altéré ou changé le miroir de cette mer immense.

259. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

La vie de Corneille n’est guères pour nous qu’un clair-obscur, — une espèce de tableau de Rembrandt au fond duquel, comme l’alchimiste qui fait de l’or, Corneille travaille à ses chefs-d’œuvre. […] Il ne quitte guères son logis de Rouen que pour celui de Paris, où il vint tard, quand il fut de l’Académie.

260. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

il n’y réussirait guère. […] Peu de spectateurs sont capables de cette contention d’esprit : on ne rit guère par réflexion au spectacle. […] Au fond, il n’importe guère. […] Ce moyen, il l’a trouvé, car il ne songe guère à autre chose. […] Elle a eu souvent raison des résistances de son maître qu’elle connaît bien, et qu’elle ne craint guère.

261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Segard, Achille (1872-1936) »

Achille Segard n’est guère homogène, sauf en ceci qu’il révèle partout le noble soin d’un homme très lettré et la détresse d’une âme inquiète.

262. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Guerin et Roland de la Porte »

On promène dans nos foires de province des morceaux en ce genre peints par de jeunes barbouilleurs d’Allemagne, qu’on a pour un écu, et qui ne le cèdent guère à celui-ci.

263. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Je n’ai guère ouvert d’autre livre aujourd’hui ; le temps s’est passé à tout autres choses qu’à la lecture, de ces choses qui ne sont rien, qui n’ont pas de nom et qui pourtant vous prennent tous les moments. […] Aussi ne s’y plaît-elle guère, dès qu’elle vient à considérer où elle est. […] « Je ne l’aime guère ; mais toute saison est bonne, puisque Dieu les a faites. […] « C’est un bienfait auquel nous ne pensons guère et dont nous jouissons sans presque nous en soucier, car la vie souvent ne fait aucun plaisir. […] À travers larmes ou fêtes, il marche toujours vers le ciel ; son but est là, ce qu’il rencontre ne peut guère l’en détourner.

264. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Mais il faut vivre : la prévoyante « maman » fait de son vagabond un employé au cadastre ; cela ne dure guère : il sera musicien, il aura des élèves. […] Où l’on ne mettait guère que des idées de sentiment, Rousseau apporta un tempérament sentimental : mais l’inclination commune l’encouragea à étaler toute sa nature. […] Je ne m’arrête guère à l’objection souvent répétée que les théories de Rousseau n’ont jamais été réalisées et ne sont pas réalisables. […] Dans la profondeur de son sens religieux, Rousseau a trouvé cette fois le sens psychologique, qu’il n’avait guère à l’ordinaire. […] Avant Rousseau la nature n’avait guère tenu de place dans la littérature.

265. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Œuvre supérieure et singulière, où le mauvais esprit philosophique côtoie sans cesse le bon, mais où le bon est de telle sorte qu’il n’y en a guère de meilleur. […] Il a de notre pays, avec ses qualités aimables, certains défauts dont nous ne sommes guère moins fiers que de ces qualités ; entre autres, la vanité, dont les étrangers nous accusent presque d’un ton d’envie, à cause des grâces qui la tempèrent. […] Lesage savait d’instinct, et par l’expérience du théâtre, que nous ne sommes guère touchés que de celles-là. […] Il y a quelqu’un qui n’est guère plus aimable que le pédant, c’est le pédagogue. […] Dès 172634, Montesquieu avait écrit que « le goût n’est que l’avantage de découvrir avec finesse et avec promptitude la mesure du plaisir qu’une chose doit donner aux hommes. » Définition qui en demanderait plus d’une autre, et que Montesquieu n’éclaircit guère par sa division des plaisirs en plaisirs de l’âme, plaisirs qui résultent de son union avec le corps, plaisirs fondés sur les préjugés ou la malignité.

266. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Cette pièce n’est qu’une situation, mais je n’en sais guère de plus aimable au théâtre. […] La Chaussée lui-même ne se fiait guère à son genre, tant il prend de précautions pour ne pas forcer le rire ou les larmes, et pour se tenir dans le juste milieu. […] Aussi ne s’inquiète-t-on guère pour les gens qui ont affaire à Cléon. […] Je n’estime guère cet esprit, et ce n’est pas sans scrupule que je me sépare, sur ce point, de tout le monde, au moment où j’explique par quel accord de tout le monde deux ouvrages d’esprit sont immortels. […] Je suis surpris que la Harpe n’ait guère trouvé qu’à louer dans ses vers, et que, pour faire acte de critique, il se soit attaqué à quelques lignes de prose oubliées, où le bon Collin est assez osé pour risquer le mot singer.

267. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Charron était âgé de soixante ans et avait titre théologal et chantre dans l’église cathédrale de Condom, lorsqu’il publia à Bordeaux, en 1601, son célèbre ouvrage intitulé De la sagesse, qui n’est guère qu’une rédaction plus méthodique et une ordonnance régulière de tout ce qu’on trouve dans les Essais de Montaigne. […] Un jésuite, homme de grand mérite, le père Buffier, qui, dans son Cours de sciences, a consacré tout un chapitre au livre de Charron, a dit : « Il n’est guère d’ouvrage de morale plus rempli que celui-ci, ni qui contienne plus de choses dans un moindre volume. […] Mais en ce cas Charron n’aurait guère profité du commerce de son sage ami, puisqu’il était resté jusqu’en 1589 un prédicateur plein de passion.

268. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il a beaucoup d’expressions de cette sorte, fraîches ou fortes, et presque toujours vives, dont il nourrit et anime sa diction ; il dira, parlant des enfants : « Il faut leur grossir le cœur d’ingénuité, de franchise, d’amour, de vertu et d’honneur. » Il dira, parlant de la ditférence trop souvent profonde et de l’abîme qu’il y a, — qu’il y avait alors, — entre le sage et le savant : « Qui est fort savant n’est guère sage, et qui est sage n’est pas savant. […] Dès la seconde partie du xviie  siècle Charron n’était plus guère qu’un nom, et on ne le lisait qu’assez peu, j’imagine, bien que les Elzevirs en eussent multiplié les exemplaires dans les bibliothèques. […] Ce témoignage moins connu que d’autres a cela de particulier qu’il porte précisément sur le charme de la manière de Montaigne, en ce qu’elle a de plus opposé à la méthode de Charron : « Dans mon innocente et fortunée solitude, écrivait Jean de Muller (1784-1785), je travaille dix ou onze heures par jour à mon livre (sa grande histoire helvétique) ; vient ensuite une heure donnée à la correspondance, le reste à la société ; ma société du matin, c’est Moïse ou Paul, celle du soir Cicéron, Métastase et Montaigne ; parfois, quand l’horizon se trouble, vient un certain ami bien cher qui ne me quitte guère, nommé Horace ; il me dit : « Deme supercilio nubem… » Et à son frère, dans une lettre du 4 décembre 1788 : « Je te conseille de composer souvent ; cela est indispensable à un esprit comme le tien ; écris tes pensées sur les choses, les livres, les hommes ; qu’il sorte de là une collection à la Montaigne.

269. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

L’abbé de Rancé, qui ne se payait pas de faux fuyants, lui répondait (octobre 1868) : Vous dites que la régularité s’est maintenue dans votre communauté plus qu’en aucune autre : en vérité, ce n’est pas l’opinion du monde ; elle est dans un décri universel, et il n’y a guère de chose plus connue que sa décadence. […] Le père de Santeul a une veine pure, aisée ; il n’appartient guère à un homme comme moi d’en juger, je veux dire à un homme destiné à la retraite et à des lectures toutes sérieuses ; cependant on ne laisse pas d’en remarquer les traits. […] Arnauld pour rétracter la première, qui n’avait rien d’ailleurs d’exorbitant ; et cette seconde lettre ne rétracte presque rien, et ne fait guère que réitérer les mêmes motifs d’excuse, les mêmes désirs d’approbation et les mêmes chatouilleuses inquiétudes.

270. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Voiture suffisait à tout, mais il n’allait pas au-delà et pensait guère à nous autres gens du lendemain, ni à la postérité. […] Dans le même temps, Voiture voyait souvent à Madrid le comte duc d’Olivarès et gagnait son amitié ; car il est à remarquer à son honneur que cet homme si chéri du beau sexe ne sut guère moins réussir auprès des hommes considérables, guerriers et ministres, pourvu qu’ils aimassent l’esprit. […] Sa conversation était aussi très divertissante à certains jours et à certaines heures ; mais elle était fort inégale, et il y en avait d’autres où il n’ennuyait guère moins que la plupart du monde l’ennuyait lui-même.

271. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Car de petits êtres comme nous ne sont pas capables de garder en eux la grandeur de pareilles œuvres ; il faut que de temps en temps nous retournions vers elles pour rafraîchir nos impressions. » Combien ce jugement sur Molière diffère en largeur et en sympathie de celui de Guillaume Schlegel, homme de tant d’érudition et de mérites si divers, mais fermé à quelques égards, auquel il ne fallait pas demander ce que ses horizons ne comportaient pas, et de qui Gœthe disait finement après un entretien très-instructif qu’il venait d’avoir avec lui : « Il n’y a qu’à ne pas chercher des raisins sur les épines et des figues sur les chardons, et alors tout est parfait. » Schlegel, qui est tout raisin et toutes figues quand il nous parle de la Grèce, ne nous a guère offert à nous, Français, quand il a daigné s’occuper de nous et de notre grand siècle littéraire, que ses épines et ses chardons. […] Il faut distinguer deux temps très-différents, deux époques, dans les jugements de Gœthe sur nous et dans l’attention si particulière qu’il prêta à la France : il ne s’en occupa guère que dans la première moitié et, ensuite, tout à la fin de sa carrière. […] Je mets le Globe parmi les journaux les plus intéressants, et je ne pourrais pas m’en passer. » Il ne s’occupait guère de nous que « d’hier ou d’avant-hier », il l’avoue ; mais il s’en occupait fort : « (21 janvier 1827.)

272. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Ce sont surtout les Anciens qui sont l’objet de cette idolâtrie ; et l’on ne pense guère la plupart du temps jusqu’où les meilleurs esprits peuvent se laisser entraîner. […] Cet homme d’État lettré, avec lequel il n’avait guère jamais eu d’entretien pour prendre ses ordres sans qu’après l’affaire traitée il ne fût dit quelques mots de la Grèce et d’Homère, était alors malade, et presque à l’extrémité, de la maladie dont il mourut peu de jours après. […] Plus tard, la place est occupée ; les affaires, les soucis, les soins de chaque jour la remplissent, et il n’y a plus guère moyen qu’avec un trop grand effort de repousser la vie présente qui nous envahit de tous côtés et qui nous déborde, pour aller se reporter en idée à trois mille ans en arrière19.

273. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Si l’on excepte quelques illustres incurables, auxquels les années n’ont guère rien appris, la plupart, d’un côté ou d’un autre, sont arrivés à un fonds commun ; ce que j’appelle les secondes phases du talent a tourné chez presque tous à l’expérience. […] On aurait à citer encore quelques noms de poëtes, de romanciers, de critiques ; mais ce serait entrer dans le détail, et un coup d’œil d’ensemble (ce qui est singulier à dire) ne fournit guère rien que cela. […] Dix ans se sont écoulés, et ces mêmes esprits développés, rapprochés, peuvent, quand on les lit, sembler unis en une large nuance commune, qui ne laisse guère subsister d’essentiellement différent que ce qui tient au talent propre, à la manière, à la finesse.

274. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il a écrit dans sa Vie d’Ésope : « Comme Planudes vivoit dans un siècle où la mémoire des choses arrivées à Ésope ne devoit pas être encore éteinte, j’ai cru qu’il savoit par tradition ce qu’il a laissé. » En écrivant ceci, il oubliait que dix-neuf siècles s’étaient écoulés entre le Phrygien et celui qu’on lui donne pour biographe, et que le moine grec ne vivait guère plus de deux siècles avant le règne de Louis-le-Grand. […] Saint-Évremond, qui cherchait à l’attirer en Angleterre auprès de la duchesse de Mazarin, reçut de la courtisane Ninon une lettre où elle lui disait : « J’ai su que vous souhaitiez La Fontaine en Angleterre ; on n’en jouit guère à Paris ; sa tête est bien affoiblie. […] Je doute qu’il y ait du philtre amoureux pour La Fontaine, il n’a guère aimé de femmes qui en eussent pu faire la dépense. » La tête de La Fontaine ne baissait pas comme le croyait Ninon ; mais ce qu’elle dit du philtre amoureux et des sales amours n’est que trop vrai : il touchait souvent de l’abbé de Chaulieu des gratifications dont il faisait un singulier et triste usage.

275. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il ne ressemble guère aux gens de lettres du xviiie siècle, si remuants, si désireux de s’étaler, d’occuper le monde de leurs personnes. Il n’aime pas les beaux esprits de son temps, raisonneurs et critiques ; il ne manque guère une occasion d’égratigner Voltaire. […] Il voit nombre de coquins, de fripons, de demi-coquins surtout et de fripons mitigés, parmi lesquels surnagent quelques honnêtes gens : il voit partout des instincts brutaux ou des vices raffinés, l’intérêt et le plaisir se disputant le monde, et ne laissant guère de place au désintéressement et à la vertu.

276. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Or la visite complète de cet immense univers n’était guère permise et facile qu’à un homme de la fin de ce siècle. […] Et les bons missionnaires, préoccupés d’une seule idée, hantés de leur rêve d’évangélisation, ne voient guère mieux les « pays étranges ». […] Les sujets ne pouvaient guère être que des histoires d’amour avec les femmes des différents pays que traverse le poète : amour sensuel et rêveur, amour absolu chez la femme ; amour curieux, orgueilleux, parfois cruel chez l’homme.

277. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

S’il eût été homme appliqué et d’étude, il était d’âge à percer en plein règne de Louis XIV ; mais, son génie étant tout de hasard et de rencontre, il attendit les dernières années du règne et le commencement du xviiie  siècle pour s’épanouir, pour se montrer tout entier lui-même ; on ne se le figure guère se couronnant de fleurs qu’en cheveux blancs, et à l’âge de près de quatre-vingts ans. […] Ils ne sauraient guère avoir de meilleur maître… Il donna audience à l’envoyé des Tartares lundi ; il (l’envoyé) vint l’assurer de l’amitié du khan son maître, et de l’envie qu’il a de ménager une bonne paix entre le Turc et lui. […] Mais Chaulieu, qui n’avait guère besoin de cet apprentissage de franc buveur, revient surtout de là avec l’expérience consommée que la vie de société ne suffit pas à donner, et qu’on ne puise que dans le maniement d’une première affaire, même lorsqu’on n’y a pas réussi.

278. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Nous ne nous figurons guère Mazarin que vieux, goutteux, moribond sous la pourpre ; sachons le voir tel qu’il était dans les temps où il éleva et fonda sa fortune. […] Mazarin, qui, avec son coup d’œil sagace, avait deviné Louis XIV enfant, était plutôt attentif à le retarder comme roi qu’à le pousser ; mais le moment était venu où il n’y avait guère plus de retard possible. […] Après une consultation de médecins, le célèbre Guénaud lui ayant nettement déclaré qu’il était atteint à mort et qu’il n’avait guère que pour deux mois à vivre, il se mit à penser sérieusement à sa fin, et il le fit avec un singulier mélange de fermeté, de parade et de petitesse.

279. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Elle était brune de cheveux, ce qui ne semblait point alors une beauté ; c’était le blond qui régnait : Je l’ai vue aussi s’habiller quelquefois avec ses cheveux naturels sans y ajouter aucun artifice de perruque, nous dit Brantôme ; et, encore qu’ils fussent noirs, les ayant empruntés du roi Henri son père, elle les savait si bien tortiller, frissonner et accommoder, en imitation de la reine d’Espagne sa sœur, qui ne s’accommodait guère jamais que des siens, et noirs à l’espagnole, que telle coiffure et parure lui seyait aussi bien ou mieux que toute autre que ce fût. […] Les lettres mêmes qu’on a d’elle n’en disent guère davantage. […] Marie Stuart, qui avait beaucoup en elle de cet esprit, de cette grâce et de ces mœurs des Valois, qui n’était guère plus morale comme femme que Marguerite, et qui trempa dans des actes assurément plus énormes, eut ou parut avoir une certaine élévation de cœur qu’elle acquit ou développa dans sa longue captivité, et qui se couronna dans sa douloureuse mort.

280. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

De plus, le voilà en possession d’une faculté nouvelle : il appelle les rois, les ministres, les gouvernements à son tribunal ; il ne pense plus guère qu’à juger, à décider, à charger tout le monde de devoirs dont il s’exempte. » Voilà une critique spirituelle d’un travers que nous connaissons : mais est-ce bien là une critique de l’Esprit des Lois ? […] Enfin, si nous acceptions ce nouveau critérium littéraire, je ne vois guère que les sermonnaires qui pourraient y résister. […] Ce sentiment ne se rencontre guère aux époques réglées, il a peu de place aux époques de dissolution et de désordre.

281. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Les livres de sentiment Il est permis de lire un peu moins lentement les auteurs qui ont pour matière les sentiments de l’âme humaine, guère moins du reste. […] Il est certains livres qu’on ne sait guère comment lire et pour lesquels on sent que l’on n’a point de critérium. […] Le lecteur qui n’aime que le roman réaliste est généralement un esprit juste, droit, pondéré, qui a de bons yeux, un bon raisonnement, qui ne se trompera guère, que l’on ne trompera pas souvent et qui se tirera bien de l’affaire de la vie.

282. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Ce que les anciens appelaient d’un mot charmant umbratilis vita n’existe plus guère. […] Il est très vrai que, quand on est auteur et bon auteur, on doit nécessairement et sans vanité n’être satisfait que de ce que l’on fait soi-même, puisqu’on à une façon de penser toute particulière qui ne peut guère s’accommoder que d’elle-même. […] Chez les petites filles, c’est une menace qu’un jour elles ne lisent des romans ; et vous ne vous trompez pas beaucoup sur ce point ; elles ne liront guère autre chose.

283. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Il n’a guère pour adversaires déclarés que des hommes pleins de bonhomie qui rédigent le calendrier et le bréviaire d’une religion future, ou des hommes pleins d’imagination qui fabriquent des épopées philosophiques en prose. […] Entre ceux-là on ne voit guère que de petites dissidences : l’un est plus orateur, l’autre plus critique ; celui-ci psychologue de fondation, et autrefois trempé dans la phrénologie ; celui-là homme du monde et littérateur ; un autre grand ami de Kant, un autre moins dédaigneux pour Hégel ; il n’y a là que des différences de lectures et de caractères. — D’autres causes de durée sont plus fortes. […] La chose n’est guère probable ; car la science s’agrandissant chaque jour, chaque jour il devient plus difficile d’être universel, et Humboldt lui-même n’a fait qu’un catalogue des faits acquis. — Il se peut aussi que le goût de l’analyse reparaisse.

284. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chantavoine, Henri (1850-1918) »

En 1880, il a fait paraître les Satires contemporaines, qui devraient plutôt s’appeler les « Satires inoffensives » et qui ne sont guère que des fantaisies plus malicieuses que méchantes ; puis, en 1884, Ad Memoriam, œuvre de poésie personnelle et intime qui exprime la tristesse d’un rêve brisé !

285. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Galloix, Jacques Imbert (1...-18..) »

Victor Hugo Sa poésie ne se produisait guère qu’à l’état d’ébauche.

286. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Deux choses alors remplissent le moment présent : la foi sans la science de la religion, sans l’intelligence de ses rapports avec la civilisation ; la critique, qui n’a pas d’idées générales, et n’est guère que l’impression vive d’un malaise actuel. […] Le seul plaisir qu’on y pût prendre, celui d’y retrouver l’imitation des formes du théâtre ancien, ne pouvait guère toucher le public. […] Corneille en avait si bien fait voir les caractères et comme l’essence, que, même en la perfectionnant d’après ses exemples, on ne pouvait guère arriver qu’à la gloire de l’égaler. […] du sublime dans le ridicule ; cette naïveté même, une des séductions de ce beau génie, qui lui fait mettre sa Mélite sur le même rang que ses chefs-d’œuvre, et trahit ainsi, jusque dans une connaissance si précise de son art, une si singulière illusion sur ses œuvres ; tant de maladresse dans une si grande habileté ; des défauts si peu soupçonnés par lui et si mal surveillés, parmi des qualités supérieures dont il paraît avoir une conscience si claire : tous ces contrastes ont de quoi confondre d’abord, et Corneille n’est guère moins étonnant par sa hauteur que par l’impuissance de s’y soutenir. […] Il n’est guère de défauts dans Corneille qui ne lui soient venus de ses contemporains.

287. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Sa mysticité est d’un genre qui lui appartient ; son Catéchisme chrétien pour la Vie intérieure, qu’on ne lit plus guère hors de Saint-Sulpice, est un livre des plus extraordinaires, plein de poésie et de philosophie sombre, flottant sans cesse de Louis de Léon à Spinoza. […] J’ai ouï dire aux anciens de Saint-Sulpice que, vers la fin du xviiie  siècle, on n’allait guère à la Sorbonne ; qu’il était reçu qu’on n’y apprenait pas grand’chose ; que la conférence intérieure, en un mot, prit tout à fait le dessus sur la leçon officielle. […] Cousin et Jouffroy, n’entraient guère au séminaire. […] Ce dernier opuscule ne lui plut guère. […] Pinault ne me troublait guère.

288. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XL » p. 166

C'est ce qu’on ne fait guère en France, précisément à cause de cette position assise qui les met hors de cause.

289. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Au reste les deux cas se mêlent, se combinent et ne se présentent guère absolument purs. […] Mais cela n’arrive guère que pour les petites innovations. […] Ils ont servi d’appeaux et ne sont guère bons à manger. » M.  […] Il ne serait guère utile d’insister sur les différences qui distinguent le cas de Berlioz du cas de M.  […] Je ne parlerai guère non plus des phrases incohérentes qu’on recueille chez quelques écrivains.

290. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Je ne vois guère que M.  […] Le public ne le connut guère. […] Mais cela n’importe guère. […] À la vérité, nous n’en doutions guère. […] Mais laissons les manichéens qui n’ont guère affaire ici.

291. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Guerin » p. 221

Celui-ci me donnera de l’ouvrage, mais quand une fois j’en serai quitte, les autres ne me tiendront guère.

292. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Si ce n’est pas par eux seuls que le monde avance, nous sentons pourtant qu’il n’avancerait guère sans eux. […] voilà qui ne répond guère à l’idée que nous nous faisions de lui. […] L’action est si bien du pays et du temps où elle se déroule, qu’elle ne saurait guère être transposée. […] Car voyez : Lamartine n’est guère romantique, Vigny non plus, ni peut-être Musset. […] Les autres interprètes, sauf le lunaire Daubray, n’ont guère de fantaisie ni de gaieté.

293. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

De même que l’enthousiasme, l’esprit n’est plus guère en France, littérairement parlant, qu’une tradition historique. […] Au premier moment, je ne m’en préoccupais guère, car ma situation n’avait rien d’extraordinaire. […] La philosophie n’occupe guère que les universités, le clergé et le monde des littérateurs. […] Edgar Poe ne se soucie guère, comme Hoffmann, de semer de fleurs les sentiers bizarres dans lesquels sa fantaisie va nous égarer. […] Ces lois ne pesaient guère que sur la tragédie.

294. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Dans cette série enchaînée de sonnets si inférieurs à leur modèle toscan, et qui n’en ont guère que les défauts, je ne sais si on trouverait à en détacher un seul digne en entier d’être cité : c’est docte et dur. […] Il y eut là chez lui par avance quelques accents de Corneille, mais il faut les chercher ; et on en est loin encore lorsque, dans le troisième sonnet de ces Antiquités dont il n’a jamais fait que le premier livre, Du Bellay prélude en disant : Nouveau venu qui cherches Rome en Rome, Et rien de Rome en Rome n’aperçois, Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois, Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme… Pour être imités d’une épigramme latine fort célèbre à son moment, ces jeux de mots redoublés n’en valent guère mieux. […] Du Bellay n’avait guère que trente-cinq ans. […] Cela n’a guère cessé que du temps de Corneille.

295. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

En somme, on s’occupait peu de lui ; il n’avait guère d’influence. […] Je n’ai guère vu trace de rien de pareil chez Jean-Jacques, d’Alembert (et pour cause), le comte de Buffon, ou ce même M. de Grimm, ou M.  […] Femme, ami, disciple, Diderot se méprit donc dans ses choix ; La Fontaine n’eût pas été plus malencontreux que lui ; au reste, à part le chapitre de sa femme, il ne semble guère que lui-même il se soit jamais avisé de ses méprises. […] Sans doute sa théorie du drame n’a guère de valeur que comme démenti donné au convenu, au faux goût, à l’éternelle mythologie de l’époque, comme rappel à la vérité des mœurs, à la réalité des sentiments, à l’observation de la nature ; il échoua dès qu’il voulut pratiquer.

296. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Les vers d’amateur ne sont plus guère de mise eu français depuis Malherbe ; mais Malherbe n’était pas venu. […] Et pour ce que l’occasion, le lieu, le temps et commodité me sont rudes par triste prison, vous plaira excuser le fruict qu’a meury mon esperit en ce pénible lieu… » Cette lettre, avec la pièce de vers qui l’accompagne, se trouve aux pages 42 et 43 de la présente édition ; mais, en la lisant au début, on comprend mieux comment François Ier devint décidément poëte ou rimeur, et comment l’ennui l’amena à développer sinon un talent, du moins une facilité qu’il n’avait guère eu le loisir d’exercer jusqu’alors. […] Un roi peut rimer et fredonner ses propres saillies, mais il ne s’amuse guère à traduire celles des autres11. […] François Ier y serait comme roi, pour l’esprit vivifiant qu’il répandit autour de lui, pour les sourires et les rayons qu’il prodigua avec grâce ; mais, en fait de vers de sa façon, il n’en aurait guère présents qu’une vingtaine au plus, ce qu’il en pourrait écrire en se jouant sur une vitre, comme il fit une fois à Chambord.

297. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Je veux dire par là que les manières d’être et les actions que nous considérons comme des défauts, des vices ou des crimes ne sont guère que des qualités, des vertus employées mal à propos, ou le résultat de ces tendances, ou encore des vertus possibles. […] La morale convenue ne tient guère compte que de l’harmonie des intérêts et recommande comme vertu, en se trompant d’ailleurs, ce qui lui paraît s’y conformer. […] Seulement il se trouve des gens qui ne sont point impuissants mais qui ne supportent guère que les autres ne le soient pas. […] Il comprendra que, dès qu’on s’élève un peu au-dessus des fins prochaines du métier, de la vie de tel individu, ou tout au plus de tel peuple, l’approbation ou la désapprobation ne signifient guère autre chose que la sympathie ou l’antipathie du juge, et qu’il en est souvent ainsi même dans les autres cas.

298. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

et ne songent guère à distinguer comme Zénon le philologue du logophile 67. […] La langue ancienne en était venue, aux époques philologiques, à former un idiome savant, qui exigeait une étude particulière, à peu près comme la langue littérale des Orientaux, et il ne faut pas s’étonner que les modernes se permettent de censurer parfois les interprétations des philologues anciens ; car ils n’étaient guère plus compétents que nous pour la théorie scientifique de leur propre langue, et nous avons incontestablement des moyens herméneutiques qu’ils n’avaient pas 77. Les anciens en effet ne savaient guère que leur propre langue, et de cette langue que la forme classique et arrêtée. […] Rappelons-nous que notre supériorité en ce genre ne date guère que de quelques années.

299. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

L’un des plus inattendus n’est-il pas de voir un philosophe qui ne s’était guère occupé que de psychologie et de métaphysique ; qui, s’il n’a pas eu d’idées en propre, un système construit à la façon de Hegel ou de Schelling, a du moins eu de belles parties de discussion, souvent de l’aperçu entre deux idées fausses et surtout un style, beaucoup trop admiré, il est vrai, car il n’est pas sincère, oublier, tout à coup, ce qu’il est et ce qu’il fut, abandonner la philosophie qui meurt plus par le fait de ses partisans que de ses adversaires, laisser là l’habituel sujet de ses méditations et se jeter obstinément dans les petits et obscurs détails de la biographie, et de quelle biographie encore ! […] Où la gloire n’est pas, où les faits sont chétifs, équivoques et obscurs comme la chronique de ces femmes qui ne furent quelque chose que par leur rang social, et qui seraient à mille pieds dans l’oubli mérité des hommes, si elles n’avaient porté, pendant leurs deux jours d’existence, l’ineffaçable épitaphe du nom historique qui les couvre, il n’y a plus guère à introduire que de la psychologie. […] Figure pincée, précieuse enfin, — le mot dit tout, — mais dont la vertu n’était guère qu’une question d’épingles, et d’épingles qui n’auraient pas blessé à mort la main qui les eût fait tomber. […] Si après l’insignifiante Mme de Hautefort il n’est guère possible de descendre, M. 

300. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan… Depuis ce temps-là, il n’en fait plus guère. […] … La science philosophique, ou ce qu’on appelle de ce nom, n’aboutissant, par tous ses rayons, qu’à un scepticisme inévitable, les philosophes ne sont guère plus que des gymnastes dans un exercice de l’esprit… Leur effort seul et la mesure de leur force, font tout leur mérite et leur gloire. […] — est, à certaines heures, de donner raison à Épicure, d’être pris de dégoût tout en travaillant avec ardeur, et, après avoir réussi, de douter si la cause qu’ils ont servie valait tant de sacrifices… » — « Il n’y a guères — ajoute-t-il plus bas — de prêtre, de religieuse, qui à cinquante ans ne pleure son vœu. — (Qu’en sait-il ?)  […] Dans le récit de ces événements prodigieux, qui n’ont pas été néanmoins pour lui des événements inspirateurs, il a été — ce qu’il fut toujours — une plume d’une correction assez élégante et sobrement colorée, d’une fermeté de goût qui n’a guères fléchi qu’à deux ou trois endroits, car le goût est peut-être la seule chose qui soit ferme en cet incertain ; mais l’écrivain, qui n’est pas de race chez M. 

301. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Absorbé dans son atroce jouissance, dont le réveillait par instants un cri lointain arrivé à ses oreilles, il ne s’amusait guère à énumérer par leurs noms et qualités Pallas l’affranchi, le Grec Agénor, Aglaé de Phalère et Sénèque, qui, tout en louant Diogène, buvait du falerne dans l’or . […] Elle a beau se donner essor : il n’est guère ici pour elle d’écarts à craindre ni de caprice à réprimer.

302. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Louis XIV avait su être, ou paraître le protecteur, le régulateur, l’inspirateur du génie littéraire et artistique : toute l’activité littéraire du xviiie  siècle se développe loin de la royauté, qui ne se rappelle guère que comme une gêne et un obstacle. […] Le culte de l’antiquité n’était plus possible : d’autant que l’antiquité n’avait guère de quoi imposer aux savants par son développement scientifique.

303. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il n’accorde guère aux anciens que le mérite un peu négatif d’avoir diminué le nombre des erreurs possibles, d’avoir en quelque sorte usé les plus fausses absurdités, qui auraient eu chance, s’ils ne les avaient essayées, de retenir quelque temps la raison moderne. […] J’ai été heureusement délivré de plusieurs occupations qui ne m’étaient guère agréables ; et j’ai eu le plus grand et le plus charmant loisir qu’un homme de lettres puisse avoir. » (Préface du Dictionnaire.)

304. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

., où l’on pratique le compelle intrare et le compelle remanere et où l’individu indépendant ne peut guère faire entendre sa voix au milieu du bruit tumultueux et confus des voix anonymes. […] Ils n’en ont guère plus au fond que les gouvernés.

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