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32. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 48, des estampes et des poëmes en prose » pp. 484-485

Section 48, des estampes et des poëmes en prose Je comparerois volontiers les estampes, où l’on retrouve tout le tableau, à l’exception du coloris, aux romans en prose, où l’on retrouve la fiction et le stile de la poësie.

33. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Je m’en fis même une objection quand mon ami Ampère voulut me présenter à l’Abbaye-au-Bois ; mais je finis par céder à ses instances, et c’est dans ce salon que je retrouvai M. de Chateaubriand comme dans son cadre le plus naturel et où il était décidé à être le plus aimable. […] Il fut le premier à le sentir et à m’en remercier dans une lettre, la dernière que j’aie reçue de lui et que je ne retrouve pas sous ma main ; mais j’en retrouve une autre un peu antérieure et qui se rapporte au temps où je préparais la notice à mettre en tête des œuvres de Fontanes : « 4 octobre 1838.

34. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Pourquoi ce Livre d’Or d’une noblesse recherchée et retrouvée dans cette foule, que le poète Barbier appelle une sainte canaille, et qui est bien au-dessus de tous les blasons du génie, de la gloire et du caractère, privilèges insolents de toutes les grandes personnalités de l’Histoire ? […] Vous les retrouveriez, trait pour trait et presque mot pour mot, dans cette Histoire de la Révolution française maintenant terminée, si vous vouliez les y chercher… et telle est la première sensation désagréable que nous cause ce livre, fait avec un autre livre, dans lequel la pensée, devenue inféconde, se reprend à couver la coquille vidée d’un œuf éclos. […] Dans ses Femmes de la Révolution, il a retrouvé tout entière son ancienne rage contre le prêtre, à propos des femmes près desquelles il le voit toujours, et qui furent hostiles à la confiscation des biens de l’Église, à la boucherie de l’échafaud ! Cette rage retrouvée l’aveugle au point que lui, l’historien, l’homme des faits, dans une note de la page 129 qu’il nous est impossible de transcrire, non par pudeur, mais par honte (que le lecteur la lise sans nous !)

35. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Qui peut, dans notre état réfléchi, avec nos raffinements métaphysiques et nos sens devenus grossiers, retrouver l’antique harmonie qui existait alors entre la pensée et la sensation, entre l’homme et la nature ? […] La nature leur parlait plus qu’à nous, ou plutôt ils retrouvaient en eux-mêmes un écho secret qui répondait à toutes ces voix du dehors, et les rendait en articulations, en paroles. […] De même la psychologie de l’humanité devra s’édifier surtout par l’étude des folies de l’humanité, de ses rêves, de ses hallucinations, de toutes ces curieuses absurdités qui se retrouvent à chaque page de l’histoire de l’esprit humain. […] Nous admirons une méditation de M. de Lamartine, une tragédie de Schiller, un chant de Gœthe, parce que nous y retrouvons notre idéal. […] Non ; c’est que, dans tous les replis de ce que fait l’homme, est caché le rayon divin ; l’observateur attentif sait l’y retrouver.

36. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Ce qui me paraît plus sûr et plus souhaitable pour cette touchante mémoire de Marie-Antoinette, c’est qu’il puisse se dégager, de la multitude d’écrits et de témoignages dont elle a été l’objet, une figure belle, noble, gracieuse, avec ses faiblesses, ses frivolités, ses fragilités peut-être, mais avec les qualités essentielles, conservées et retrouvées dans leur intégrité, de femme, de mère et par instants de reine, avec la bonté de tout temps généreuse, et finalement avec les mérites de résignation, de courage et de douceur qui couronnent les grandes infortunes. […] Bien qu’elle ne vît jamais toute l’étendue de ces inconvénients, elle en aperçut pourtant quelque chose ; elle sentait que là où elle cherchait le repos et le délassement du rang suprême, elle retrouvait encore une obsession intéressée, et quand on lui faisait remarquer qu’elle témoignait souvent trop de préférence à des étrangers de distinction qui passaient en France, et que cela pouvait lui nuire auprès des Français : « Vous avez raison, répondait-elle avec tristesse, mais ceux-là du moins ne me demandent rien. » Quelques-uns des hommes qui, admis dans cette intimité et cette faveur de la reine, étaient obligés à plus de reconnaissance et de respect, furent les premiers à parler d’elle avec légèreté, parce qu’ils ne la trouvaient pas assez docile à leurs vues. […] C’est ce même prince de Ligne qui a dit d’elle ailleurs : « Sa prétendue galanterie ne fut jamais qu’un sentiment profond d’amitié, et peut-être distingué pour une ou deux personnes (je lui laisse son style de grand seigneur), et une coquetterie générale de femme et de reine pour plaire à tout le monde. » Cette impression ou cette conjecture, que je retrouve également chez d’autres bons observateurs qui ont approché de Marie-Antoinette, reste, je crois, la plus vraisemblable. […] Il n’en fut point ainsi : cette âme de Louis XVI échappait et se dérobait à son rôle de roi par ses vertus mêmes ; sa nature, toute composée de piété et d’humanité, tendait perpétuellement au sacrifice, et de faiblesse en faiblesse il ne devait plus retrouver de grandeur qu’en devenant un martyr. […] La noble mère de Marie-Antoinette, de qui elle tenait ce nez d’aigle et ce port de reine, lui imprima le cachet de sa race ; mais ce caractère impérial, qui reparaissait aux grands moments, n’était pas celui de l’habitude de son esprit, de son éducation et de son rêve ; elle ne se retrouvait la fille des Césars que par saillies.

37. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Ces thèmes se retrouvent pour la plupart dans les littératures mythiques des autres races avec des variantes assez légères. […] On la retrouve aussi dans les contes allemands, celtes et méridionaux (V. […] Le cavalier d’airain) se retrouve dans le conte ouolof Ibrahima et les hafrit. […] Les choses semées sur la route pour retrouver son chemin au retour. […] Le bijoux perdu (ou rejeté) retrouvé dans un poisson 63. — Cf. 

38. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Ducoté, Édouard (1870-1929) »

On n’y retrouve pas les animaux chers au grand Champenois. […] Aujourd’hui, nous retrouvons les mêmes qualités dans le livre où M. 

39. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nolhac, Pierre de (1859-1936) »

La nature avait bien sa part, à côté de ces recherches intellectuelles, mais elle était vue et traduite comme dans une églogue antique : on retrouvait le lettré aux champs… Comme fruit de cette première période, nous avons eu de M. de Nolhac, en tant que poète, une plaquette tirée à petit nombre pour quelques intimes, Paysages d’Auvergne. Nous retrouvons ces morceaux dans le volume publié aujourd’hui : Paysages de France et d’Italie.

40. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je devais retrouver avec délices, dans les descriptions de Théocrite, de Virgile, de Gessner, les images connues et embellies par l’imagination de ces poètes. […] à retrouver les mêmes chaînes et les mêmes supplices au collège de Belley. […] J’en retrouve les traces dans ce passage des Confidences qui peint vaguement ces premières sensations de l’infini dans un cœur d’enfant. […] Je retrouvai insensiblement auprès d’eux la piété naturelle que ma mère m’avait fait sucer avec son lait. […] On en retrouvera quelque trace dans l’élégie intitulée la Fille du pêcheur, qui n’a jamais été ni achevée ni publiée par moi.

41. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Ne serait-il pas possible de retrouver ce sens vrai de la Révolution française en remontant à son origine et à ses premiers organes, d’en dégager la juste signification des passions et des crimes à travers lesquels elle a perdu son caractère et son but, et de rappeler ainsi la France de 1840 à la philosophie sociale et politique dont elle fut l’apôtre et la victime pour devenir, quoi ? […] Paris et Rome se ressemblent ; les temps répètent les temps, et la France, pour avoir laissé ses efforts vers la réforme du monde politique dégénérer en convulsions démagogiques, ne se retrouve plus de force pour faire de sa liberté, modérée par la règle, un gouvernement. […] Nous écrivions les scènes, les portraits, les paroles, à mesure que ses souvenirs, provoqués par nos questions, se retrouvaient et se déroulaient dans la mémoire du vieillard : c’étaient comme les notes du tableau historique et véridique que je me proposais de composer d’ensemble à mon retour. […] Elle fut retrouvée par moi ; elle consentit à déchirer en ma faveur le voile de veuve et le linceul de ses jeunes souvenirs ; elle m’envoya son fils d’un second lit, jeune homme d’un nom sans tache, d’un rang élevé, d’un cœur filial, d’une conversation aussi discrète qu’instructive. […] On la retrouve dans tous leurs papiers secrets et dans toutes leurs conversations à portes fermées, à la table de la mère de mesdemoiselles Duplay.

42. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Mais enfin je retrouve quelqu’un qui laisse la note dans son naturel et qui me prend par mes fibres délicates, sans me heurter, sans m’offenser et me faire souffrir. Je retrouve, comme dirait Fénelon, un auteur aimable et qui s’insinue. […] Les paysans qui l’ont vu naître et grandir, et qui le retrouvent aux lieux où vivait son père, le respectent et l’aiment ; il s’arrange lui-même pour les aimer assez, surtout pour les servir et ne pas trop voir leurs laideurs et leurs défauts. […] On s’est quitté sans se dire au revoir ; on se retrouve, et pendant ce temps l’amitié a fait en nous de tels progrès que toutes les barrières sont tombées, toutes les précautions ont disparu. » On arrive un matin, on ne s’était pas fait annoncer, et voilà qu’on était attendu. […] Nous retrouverions ici l’occasion de faire quelques-unes des remarques que nous ont inspirées les paysages africains de l’auteur : M. 

43. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Le plus léger des deux, Vert-Vert, est peut-être celui qui, à cette distance, a le moins perdu dans son ensemble : il se retrouve d’un bout à l’autre agréable et charmant. […] On retrouverait en lui partout et dans le meilleur sens l’élève des jésuites et du Père Du Cerceau ; quand les jésuites ne se mêlaient pas de théologie, mais seulement de littérature, ils avaient de ce genre d’esprit dont Gresset représente la fleur la plus brillante et la plus mondaine : il suffit de nommer Commire, Cossart, Rapin, Porée, Bougeant et tant d’autres. […] L’honorable biographe s’est tellement appliqué et a si bien réussi à retrouver tous les canevas et projets qui ont pu passer dans l’esprit ou s’ébaucher sous la plume de l’auteur sommeillant et indécis, que nous nous perdons avec lui dans cette multitude d’essais oiseux, de dédicaces sans but et de faciles avortements. […] Confiné et, pour tout dire, confit dans les solennités provinciales, dans la coterie littéraire du lieu et dans les admirations bourgeoises, il put encore avoir de bons, d’aimables instants en petit comité, entre le digne évêque M. de la Motte, qui le dirigeait, et MM. de Chauvelin, gens d’esprit, dont l’un était intendant de Picardie ; mais il ne retrouva plus désormais, il ne posséda plus son talent ; il eût été incapable, à sa manière, d’un grand et vivant réveil, comme en eut Racine. […] Quand on retrouverait la totalité des manuscrits perdus, quand ce fameux portefeuille de Gresset qu’avait eu entre les mains M.

44. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Bonaparte le retrouve et le rappelle à lui dès qu’il rentre en scène. […] Ainsi, en toutes choses, on retrouve en lui le militaire inventif, l’administrateur à idées ingénieuses et promptes, un digne membre de l’Académie des sciences. […] Nous retrouvons ici un principe d’indépendance qu’il importe de noter pour la conduite future de Marmont. […] En 1810, il fit envoyer en France deux cents jeunes Croates pour y être élevés aux frais du gouvernement dans les écoles militaires ou dans celles des arts et métiers : il en retrouva plus tard bon nombre encore remplis de reconnaissance, dans les longs voyages de son exil. […] Dans cette ruine finale, où, malgré les éclairs d’héroïsme, on voit qu’il n’espérait plus, il eut de belles journées, des heures où il retrouvait le soleil de sa jeunesse.

45. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

La hiérarchie des rangs se retrouvait dans celle des esprits. […] Le feu de la poésie éclatait là tout entier ; le génie de l’art avait été retrouvé par la passion. […] Qu’il nous suffise ici de retrouver çà et là et de suivre à la trace les blanches lueurs de cette grande poésie, que nous avions admirée dans la Grèce et qui revient, à longs intervalles, pour le monde, comme ces astres dont le poëte a vu Flammarum longos a tergo albescere tractus. […] Je ne m’étonnerais donc pas que le chef-d’œuvre de la poésie lyrique, l’hymne religieux, ou même l’ode philosophique au plus haut degré d’enthousiasme et de grandeur se retrouvât dans les chants de la Divine Comédie du Dante. […] Ici viennent à nous encore, comme des précurseurs du Dante, ou du moins comme des initiateurs de la langue qu’allait parler son génie, ces poëtes franciscains dont un rare talent de nos jours, un éloquent érudit, a retrouvé d’heureux échos.

46. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Intelligence ferme et décidée comme elle est, ennemie du vague, allant droit au fait, droit au but, — Elle et son frère, le prince Napoléon, en cela semblables, — si l’on se permettait d’être observateur en les écoutant, on se plairait à retrouver en eux, pour le trait général et le contour, quelque chose de la forme et du profil d’esprit du grand empereur leur oncle. […] À la voir l’hiver, chaque soir, dans le monde perpétuel et brillant quelle reçoit, toujours présente et toujours prête, parlant à chacun, variant l’accueil et l’à-propos, elle semble née pour la représentation : à la retrouver à la campagne, entourée de quelques amis toujours les mêmes, on dirait plutôt qu’elle est faite pour l’intimité, pour un cercle d’habitudes paisibles, riantes et heureuses. […] Elle a, depuis un an, acheté en Italie, près du lac Majeur, une terre où elle va passer les dernières semaines de l’automne ; elle y a retrouvé cette Italie, son premier amour, qu’elle avait connue si belle, mais enchaînée ; elle l’a retrouvée libre, reconnaissante et saluant en elle la proche parente et comme l’ambassadrice de l’empereur des Français.

47. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Gonod nous rend l’écrit oublié, et la mémoire de Fléchier s’en rafraîchit pour longtemps, pour toujours ; on le retrouve lui-même en personne, tel qu’il causait chez M. de Caumartin, avec sa diction exquise, sa lenteur étudiée, sa douce raillerie et ses grâces ; et voilà, si l’on n’y prend pas garde, qu’on va tout sacrifier de son passé pour ne plus voir de lui que l’œuvre nouvelle. […] La Bruyère, dans une remarque souvent citée, a dit : « L’on écrit régulièrement depuis vingt années : l’on est esclave de la construction ; l’on a enrichi la langue de nouveaux tours, secoué le joug du latinisme et réduit le style à la phrase purement françoise : l’on a presque retrouvé le nombre, que Malherbe et Balzac avoient les premiers rencontré, et que tant d’autres depuis eux ont laissé perdre. […] Peyrat, dans son intéressante Histoire des Pasteurs du Désert, s’est montré bien sévère et décidément injuste contre Fléchier (tome Ier, page 204) ; il a méconnu, dans les relations du prélat adressées à M. de Montausier, ce caractère d’impartialité un peu compassée que nous retrouvons ici dans les Mémoires, cette justesse ennemie de tous les fanatismes, très-conciliable certes avec l’humanité comme avec un certain agrément, et qui, en démêlant les erreurs et les démences humaines, ne se défend pas d’en sourire. […] C’est un personnage de Molière que cette recommandable matrone, mère du Caton des Grands-Jours ; et Fléchier, par une si agréable entente des travers et des ridicules, retrouve ici son vrai rang comme précurseur de La Bruyère.

48. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ? […] Sabbatier admire et que nous n’admirons pas du tout, et dans les divers écrits qu’il composa depuis lors, nous ne cessons de retrouver le contraire précisément de l’exquis : le lourd, le pénible, l’enchevêtré gagnent à chaque pas ; et, pour mon compte, je n’irais pas chercher, si l’on me pressait, d’autre exemple plus sensible de ce mot d’Horace : In crasso jurares æthere natum. […] Villemain, à ce brillant et facile esprit, si net, si charmant, que la littérature retrouvera demain encore, qu’elle a retrouvé déjà, nous l’espérons.

49. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Cousin a eu une heureuse idée, celle de revoir, de retrouver en quelque sorte son Cours de 1815 à 1820, et de le donner au public aussi fidèlement qu’il a pu le ressaisir, mais sans se faire faute au besoin de suppléer l’éloquent professeur de ce temps-là par le grand écrivain d’aujourd’hui. […] L’antiquité dans ses grandes écoles, le Moyen-Age et la Scolastique, la Renaissance et les hardis rénovateurs italiens, ont été successivement mis en lumière, interprétés selon leur véritable esprit ; et dans ces voies diverses où s’avance chaque jour une studieuse élite, on retrouve partout à l’origine le passage lumineux, le signal et l’impulsion du maître. […] Villemain, nous les avons retrouvés dans une lecture attachante et solide, à la fois semblable et nouvelle. […] Or, on a pu le remarquer en maint exemple, la plupart des hommes qui ont tant de verve en causant, qui l’ont pour ainsi dire à la minute, la dissipent et ne retrouvent pas, en écrivant, les mêmes couleurs.

50. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

La mer retirée, on les retrouvait, et c’étaient toujours des richesses ! […] Les artistes, les rêveurs, les femmes, le retrouveraient et l’embaumeraient dans une gloire affectueuse et discrète, car, le croira-t-on ? […] Mais je vous retrouve au bord de mes tombes… Venez-y manger sur mes deux genoux ! […] Roger de Beauvoir, ce qui nous a toujours empêché de le confondre, malgré ses erreurs d’homme et de poète, avec les Gentils de notre temps, avec les Idolâtres de la Forme qui n’ont d’autre dieu que le fétiche qu’ils ont eux-mêmes sculpté, c’est le parfum des croyances premières et flétries, mais qu’on retrouve toujours à certaines places de ses écrits ; c’est ce christianisme ressouvenu qu’il tient peut-être de sa mère et qui revient de temps en temps et comme malgré lui, dans sa voix : D’où vient, qu’après avoir dormi sous les platanes, Après avoir sur l’herbe épanché les flacons, Puis être revenus, Ô brunes courtisanes, En rapportant chez nous les fleurs de vos balcons, La tristesse nous prend comme fait la duègne Qui de la jeune Inès s’en vient prendre la main, Et que nous n’arrivons jamais au lendemain Sans qu’aux pensers d’hier tout notre cœur ne saigne ?

51. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

y retrouve-t-on une Diane de convention, la Diane des ombrages de Fontainebleau et d’Anet, celle des poètes et de la légende, la chasseresse, l’enchanteresse, répondant aux portraits que l’imagination de loin a pu se créer ? […] Que si l’on retrouvait une lettre d’Henri IV où il fût question de la poule au pot, il faudrait que cette lettre fût trois fois authentique pour qu’un bon esprit, aguerri à ces sortes de recherches, se décidât à y croire. Au lieu de cela, tout est à souhait pour l’amateur dans les lettres, si heureusement retrouvées, de cette Dauphine qui sera une reine si calomniée et si malheureuse.

52. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Voilà où en vient à ses derniers jours, sous l’inspiration évidente de la théologie chrétienne, un esprit qui a consumé sa vie à retrouver et à dégager la personnalité et la liberté humaines. […] Ce n’est pas seulement la justice, dans certaines de ses applications sociales, qui manque à la morale théologique, c’est le principe même de la justice, la personnalité humaine, qu’on n’y retrouve plus, ou qu’on y retrouve tellement confondue avec la personnalité divine qu’il devient impossible à la conscience de l’homme religieux de fixer le degré de mérite de ses actes. […] Voilà comment Kant retrouve par la raison pratique les vérités métaphysiques que la Critique de la raison pure avait fait évanouir. […] C’est parce qu’il se reconnaît une force, une cause, qu’il retrouve un monde peuplé de forces et de causes réelles. […] Quand nous aurons tout perdu en vous, ô mon Dieu, nous retrouverons tout en vous.

53. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

et s’ils retrouvaient en elle l’idéal de l’époque ? […] En élargissant son horizon dans l’espace et dans le temps, l’esprit français retrouve le sens de l’histoire. […] », que nous retrouverons, sous une autre forme, à propos de la littérature italienne, et auxquels je répondrai dans mes conclusions. […] Ce qui lui manque en grandeurs isolées, la France le retrouve dans l’infinie variété de sa richesse. […] Ce sont là des questions que nous retrouverons dans nos conclusions.

54. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

J’y voulais retrouver de doux souvenirs dont j’avais, ce jour-là, fait provision, et j’en ai recueilli au contraire de bien plus doux pour une autre fois. […] J’ai retrouvé ici les jeunes gens qui appartiennent comme moi à la société que vous savez. […] Vous seriez ici avec vos amis, vous éviteriez les abîmes de la solitude, vous vous retrouveriez peut-être. […] Par malheur, si M. de Biran se tient trop étroitement à cette volonté retrouvée, à cette causalité interne ressaisie, comme à un axe sûr et à un sommet, d’où émane tout mouvement, M.  […] Ampère, distrayaient aisément l’auditeur de l’ensemble du plan, que le maître oubliait aussi quelquefois, mais qu’il retrouvait tôt ou tard à travers ces détours.

55. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il y a dans ses doutes, dans ses souffrances, dans ses affirmations retrouvées, quelque chose de cette crise qu’éprouva Pascal et qui l’épuisa. » Enfin, il retrouva la foi pour ne la plus quitter. […] On ne la retrouve pas dans l’écrit célèbre que je vais examiner. […] » La même affectation se retrouve dans certaines habitudes sociales, par exemple dans le costume. […] si après la mort nous devions nous retrouver un jour, combien je serais tranquille ! […] On y retrouve le même besoin de l’effet, le même désir de se rapprocher de certains modèles.

56. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

De plus, en poursuivant l’image, en supposant le fleuve détourné, brisé, fatigué à travers les canaux, les usines, saigné à droite et à gauche, comme le Rhin dans les sables et la vase hollandaise, on retrouve la critique telle exactement que la font les besoins de chaque jour, dans sa marche sans cesse coupée et reprise. […] Il veut qu’à l’heure quelconque de cette délivrance qu’il espère, tous les soldats polonais, tous les pèlerins, comme il les appelle, forts de leurs souffrances, unis et frères, se retrouvent vêtus en tchamaras polonaises sur les genoux de leur douloureuse patrie. […] Un hymne de M. de La Mennais à la Pologne termine ce volume avec la douceur et l’harmonie d’une virginale prière ; car ce grand écrivain, assez connu par l’énergie brûlante de sa plume, une fois hors de la polémique, retrouve une onction tendre et une délicieuse fraîcheur d’âme.

57. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

La première étude de ces distributions fait songer aux harmoniques que l’on rencontre en acoustique ; mais la différence est grande ; non seulement les nombres de vibrations ne sont pas les multiples successifs d’un même nombre ; mais nous ne retrouvons même rien d’analogue aux racines de ces équations transcendantes auxquelles nous conduisent tant de problèmes de Physique Mathématique : celui des vibrations d’un corps élastique de forme quelconque, celui des oscillations hertziennes dans un excitateur de forme quelconque, le problème de Fourier pour le refroidissement d’un corps solide. […] Je vous ai montré que, dans la seconde physique mathématique, celle des principes, on retrouve les traces de la première, celle des forces centrales ; il en sera encore de même si nous devons en connaître une troisième. […] La mécanique vulgaire, plus simple, resterait une première approximation puisqu’elle serait vraie pour les vitesses qui ne seraient pas très grandes, de sorte qu’on retrouverait encore l’ancienne dynamique sous la nouvelle.

58. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Il ne l’a été que par veines rares ; il ne l’a été que par gouttes et par gouttelettes, retrouvées au fond de ce verre étroit qu’il a appelé ses Poésies complètes. […] Ce soupeur de la Maison-d’Or, qui s’enivrait de son esprit comme on s’enivre de la poudre, et qui le brûlait, comme la poudre, au milieu de toutes les furies et de tous les délires de cet esprit dont il abusait, retrouvait parfois, insensé superbe, même dans l’orgie, tout à coup, ce soupir de flûte que Monselet le viveur a aussi, cette note triste et irrésistible qui est pour moi la note fondamentale du poète… J’ai assisté quelquefois au triomphe de la note divine. […] C’est le génie de l’élégiaque qui a dicté ces choses adorables d’émotion et de simplicité : le poème intitulé Médoc, Le Musicien, Le Paresseux, Le Ruisseau, Les Espagnoles, Encore à Madame X…, etc. ; surtout cette pièce de La Leçon de flûte, que je citerai tout entière pour donner une idée de ce poète qui rappelle ici André Chénier et le Poussin : J’étais resté longtemps les yeux sur un tableau Où j’avais retrouvé Théocrite et Belleau, Fraîche idylle aux bosquets de Sicile ravie Ayant bu la lumière et respiré la vie.

59. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Le fond de son dessin est d’ordinaire vaste et distinct, les bois, la mer  retentissante, la simplicité lumineuse des horizons ; et c’est par là qu’on le retrouve surtout homérique et sophocléen.  […] On aime à retrouver ce ressort chez des hommes également haut placés, chez M. de La Mennais comme chez M. de Chateaubriand.  […] Quand M. de Chateaubriand ne confesserait pas cette lutte dans ses Mémoires, on en retrouverait l’empreinte continuelle dans sa vie, et elle y répand une teinte de mélancolie et de mystère qui en achève la poétique beauté. […] L’unité de la vie même de l’écrivain se retrouve dans cette diversité.  […] Il y avait dans le premier succès de l’amour un degré de félicité qui me faisait aspirer à la destruction. » On retrouve un sentiment tout semblable dans Atala pendant la tempête ; dans Velléda sur le rocher.

60. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Or, ce second caractère tout au moins, pour ne retenir maintenant que celui-là, se retrouve évidemment, et avec une plénitude qui ne laisse rien à désirer, dans une partie considérable de l’œuvre de George Sand. […] Et au surplus, nous la retrouverons. […] Elle retrouve, momentanément corrigé de son ivrognerie et de sa crapule, une espèce de bohème de génie, Eilert, qui lui a jadis fait la cour. […] Que si Henri Ibsen n’était déjà pas tout entier, quant aux idées, dans George Sand, c’est donc dans le théâtre de Dumas fils  antérieur, ne l’oubliez pas, à celui de l’écrivain norvégien  que nous achèverions de le retrouver. […] Ainsi nous avons retrouvé chez Lessing ce qui était dans Diderot, et chez Goethe beaucoup de ce qui était dans Jean-Jacques ; et nous avons cru devoir aux Allemands et aux Anglais le romantisme que nous avions déjà inventé.

61. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

L’antiquité, on l’a dit, est chose nouvelle ; depuis le jour où elle a été retrouvée et comme découverte à l’époque de la renaissance, elle n’a cessé d’être étudiée, et de l’être mieux, au moins de quelques-uns. […] La Commission nommée par Pisistrate a-t-elle réellement inventé le plan de l’Iliade et de l’Odyssée, ou l’a-t-elle seulement retrouvé et restauré autant qu’elle l’a pu ? […] Elle-même n’a pas prétendu faire autre chose, et il faut convenir qu’elle aurait été dupe d’une bien étrange illusion en créant ainsi de toutes pièces ce qu’elle croyait seulement retrouver. […] Quand on additionne ainsi toutes les dissidences de détail, on est effrayé sur l’ensemble ; mais c’est une mauvaise méthode et trompeuse, en pareil cas, que d’additionner. « Il n’y a point, a dit La Bruyère, d’ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs qui ôtent chacun l’endroit qui leur plaît le le moins. » Ainsi l’Iliade tout entière, y compris l’auteur, fondit un moment sous le nombre des coups de crayon retrouvés ; et pourtant elle subsiste.

62. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il appartient au xviiie  siècle, et il est tout classique, le dernier des grands classiques : ce qui a trompé sur lui, c’est qu’il était poète, en un siècle qui avait ignoré la poésie ; et c’est qu’il avait retrouvé, parmi les pseudo-classiques de son temps, le secret du véritable art classique. […] Par ses Églogues gréco-latines, il se rattache au groupe des savants qui, derrière la littérature bruyante des salons et de l’Encyclopédie, retrouvaient l’antiquité, et la représentaient aux artistes. […] Par les ïambes, la satire retrouve son caractère lyrique. […] Herculanum fut retrouvée en 1711 ; les fouilles de Pompéi datent de 1755.

63. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Ceux-là même qui devraient se rejoindre, se retrouver, s’unir, dans l’immense foule médiocre, ceux-là, ne se connaissant pas, ne se peuvent donc reconnaître ; — et puis, chacun d’eux a sa langue. […]   Dans un sermon de Bossuet, Racine assurément, ne retrouvait rien moins que ses fines préoccupations psychologiques. — mais soyez sûrs qu’il y admirait en tout cas la même volonté de nombre, d’équilibre et d’harmonie !  […] Paul Bourget ajoute : « Je ne saurais les relire, ces lignes si simples, sans une émotion presque pieuse, et je crois que beaucoup des écrivains qui ont eu leurs vingt ans entre 1855 et 1880 y retrouveraient de même, en un raccourci puissant, ce qui fut la foi profonde de leur jeunesse. » Nous retiendrons ce mot : l’empirisme était devenu une foi. […] Si hâtivement qu’il créât pourtant, il créait ; il avait de l’art une conception instinctive qu’on retrouve à l’origine de ses plus véridiques productions.

64. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIV » pp. 141-143

— Le directeur de l’Odéon essaye de retrouver et de contrefaire son succès de Lucrèce. […] Félix) qui ne fasse débuter ses autres enfants, encore mineurs, à l’Odéon, espérant retrouver les succès et les profits de l’aînée. — On dit que l’esprit humain est inventif ; ce qui me frappe plutôt, c’est combien il l’est peu, et combien on se traîne sur les mêmes traces et l’on épuise les mêmes moyens à satiété, jusqu’à ce que vienne quelqu’un qui redonne du coude, comme on dit, et qui vous retourne d’un autre côté.

65. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Sur les Jeune France. (Se rapporte à l’article Théophile Gautier, page 280.) »

Le hasard me fait retrouver une preuve certaine de l’effarouchement véritable que produisit dans le monde même de Victor Hugo et chez une partie de ses premiers amis l’invasion, en apparence barbare, de ces jeunes recrues et de cette génération romantique toute nouvelle. […] Elles se perdent et disparaissent aujourd’hui dans l’ensemble du mouvement ; elles sont déjà oubliées de ceux même qui y assistèrent, et il faut, pour les y ramener avec précision, qu’une page d’une lettre toute jaunie, retrouvée entre deux feuillets d’un livre, vienne avertir et réveiller du plus loin leur mémoire.

66. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Elle était allée passer la chaude saison au pied des Vosges ; ce fut là, dans une jolie maison de campagne non loin de Colmar, que les deux amants se retrouvèrent. […] Près de cette ville, je retrouvai enfin celle que je demandais à tous les échos, que je cherchais partout, et dont la douce présence me manquait depuis plus de seize mois. […] À chaque pas de cette même route où s’étaient dissipées en venant ma douleur et mes noires pensées, je les retrouvai au retour plus poignantes. […] Nous les franchîmes gaiement, et nous crûmes renaître, le jour où nous retrouvâmes notre beau et harmonieux pays. […] Après quoi, je pliai bagage pour toujours ; et si depuis j’ai composé quelque pauvre petit sonnet, quelque chétive épigramme, ç’a été sans l’écrire ; ou si je les ai écrits, je ne les ai point gardés, je ne saurais où les retrouver, et ne les reconnais plus pour être de moi.

67. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

L’être intelligent ne fait que s’exprimer à lui-même, dans le langage de la conscience claire, ce perpétuel essor en avant de la vie, qui se retrouve dans la nature entière. […] Si je m’évanouis, je perds la conscience de la succession ; si je reviens à moi, je la retrouve, et je la projette instinctivement dans le vide même du passé oublie. […] Il se retrouve dans une foule de perceptions, comme celles de pression, de résistance, de coup, de choc, etc. ; il se retrouve dans la sensation d’une vive lumière qui s’impose à nos yeux, d’un son qui envahit nos oreilles. Il se retrouve dans cette contrainte de l’habitude où Hume voyait le type de la causalité, — notion vraie en partie, mais trop étroite. Il se retrouve enfin dans le lien d’une idée avec une autre, lien réductible le plus souvent à un passage habituel, comme Hume aussi l’a bien vu.

68. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

On jette le coffre-fort, témoin du délit, dans la Bièvre, mais là il est retrouvé. […] Et, comme la vie d’un peuple offre les mêmes phases biologiques que la vie d’un grand individu, on doit retrouver avant tout dans une époque de vraie décadence les traits qui caractérisent la vieillesse. […] C’est cette impuissance que nous retrouvons au point de vue intellectuel dans les époques de décadence. […] Tous ces traits de l’imagination dépravée se retrouvent dans l’imagination des époques de décadence. […] Tous ces traits et tous ces vices se retrouvent dans les littératures de décadence.

69. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Le caractère de leur style et l’allure de leurs vers sont les mêmes, et abondent en qualités pareilles ; Chénier a retrouvé par instinct et étude ce que Regnier faisait de tradition et sans dessein ; ils sont uniques en ce mérite, et notre jeune école chercherait vainement deux maîtres plus consommés dans l’art d’écrire en vers. […] Je lis dans les notes d’un voyage d’Italie : « Vers le même temps où se retrouvaient à Pompéi toute une ville antique et tout l’art grec et romain qui en sortait graduellement, piquante coïncidence ! André Chénier, un poëte grec vivant, se retrouvait aussi. […] Sa jeune Tarentine y appartient exactement, et je ne cessais de l’y voir en figure. — La poésie d’André Chénier est l’accompagnement sur la flûte et sur la lyre de tout cet art de marbre retrouvé. » 44. […] Pour juger André Chénier comme homme politique, il faut parcourir le Journal de Paris de 90 et 91 ; sa signature s’y retrouve fréquemment, et d’ailleurs sa marque est assez sensible. — Relire aussi comme témoignage de ses pensées intimes et combattues, vers le même temps, l’admirable ode : Ô Versailles, ô bois, ô portiques !

70. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Mon père, en sa qualité de médecin militaire, avait eu l’occasion d’observer des lépreux, en Algérie notamment, et il avait consigné ses observations dans des cahiers où je les ai retrouvées. […] « La mort de Coupeau, dans un accès de delirium tremens, est la reproduction textuelle d’une observation de chef de clinique faite à Sainte-Anne. » 72 On la retrouverait dans une leçon du docteur Magnan. […] Pour l’hérédité, il n’avait admis que quatre cas : l’hérédité directe, représentation des collatéraux, oncles et tantes, cousins et cousines ; l’hérédité en retour, représentation des ascendants, à une on plusieurs générations de distance ; enfin l’hérédité d’influence, représentation des conjoints antérieurs… Quant à l’innéité, elle était l’être nouveau, ou qui paraît tel, et chez qui se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble s’y retrouver. […] Flaubert, dira-t-on, fut le premier à recourir à l’Érudition, autant qu’elle lui fut nécessaire : « Il lisait alors (1874) dit le docteur Michaut (in Chronique médicale, 1901, 1er août, p. 487) l’Histoire de la médecine de Daremberg, la Création naturelle de Hæckel, le Manuel de Phrénologie de la collection Roret, des articles du dictionnaire Jaccoud, etc., sans doute conseillé dans ses lectures par le docteur Pouchet (de Rouen) ; Bouvard et Pécuchet lui demandait une documentation très variée, et il ne reculait, on le sait, devant aucune lecture, si technique fût-elle… » Mais les données que lui fournit ce genre de recherches ne furent jamais pour lui qu’un point de départ, et leur assimilation tellement parfaite qu’il est impossible de retrouver en son œuvre leurs traces textuelles. […] M. le Dr Féré (Pathologie des émotions, préface) a retrouvé d’ailleurs la filiation bibliographique de cet épisode, il fut signalé au célèbre écrivain par le Dr Liouville qui lui même l’avait découvert dans une note déjà très ancienne de la Gazette des Hôpitaux.

71. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Il serait bien naturel d’ajouter qu’il ne retrouvera plus rien de pareil et d’égal désormais. […] Il est curieux de retrouver M.  […] Mme de Longueville a l’esprit subtil ; elle aime la gloire sous toutes les formes, et, quand elle l’a épuisée sous celle du roman et de la guerre civile, elle la retrouve et la recherche encore sous celle de la pénitence illustre et de l’humilité la plus raffinée. […] Villemain se retrouve le premier des écrivains du jour pour le coloris poli et nuancé, pour le mélange du savoir et de l’élégance. […] Il avait l’uniforme consulaire et non la toge. — Il se retrouve là un petit bout de la plume de ton plus brillant élève, ô Luce de Lancival !

72. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Il retrouve une jeune femme, Laurence, une artiste demi-galante, qui l’a aimé autrefois, quand il était étudiant. […] Allez la retrouver. » Et il y va, et il lui pardonne. […] Ils le voyaient à l’évidence, comme ils voyaient cette mer bleue qui les entourait… » Ainsi le récit patient, d’observation minutieuse, se trouve soulevé, vers la fin, par un souffle de vaillance et d’énergique espoir ; et il nous plaît de retrouver et de reconnaître chez l’artiste raffiné, chez l’auteur de Pierrot assassin de sa femme, un peu de l’âme du soldat excellent dont il est le fils.

73. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche se retrouvent, il est vrai, dans ses rares écrits d’alors, mais éparses, isolées, en germe et à l’ombre, et comme il l’a dit souvent, s’ignorant elles-mêmes. […] Ballanche à leur premier état de spontanéité et ceux qu’a consacrés la lyre des Méditations nous a singulièrement frappé ; nous le retrouverons bientôt dans les Fragments. […] C’est déjà la manière littéraire d’Antigone ; aux divagations perpétuelles du livre du Sentiment a succédé une mesure grave, sobre, solennelle à la fois et charmante de mélodie, un écho retrouvé du mode virgilien. […] Ballanche courut à Rome retrouver celle que plus tard il nomma du nom de Béatrix ; il lut au sein de cette petite société romaine la fin d’Antigone, la scène des funérailles. […] Dans les mêmes morceaux d’Orphée que j’admire pour le sens antique et primitif qu’ils respirent, je n’aime pas moins à retrouver les sources secrètes des affections, des anciennes larmes et du génie de M.

74. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Dès ce temps, Nodier avait commencé un poëme sur les charmants objets de ses études ; on en citait de jolis vers que quelques mémoires, en le voulant bien, retrouveraient peut-être encore. […] On court risque, avec Nodier, comme avec Diderot, de le retrouver ainsi souvent dans ce que des voisins ont signé ; il faut prendre garde, en retour, de lui trop rapporter bien des écrits plus apparents on ne le retrouve pas. […] Les jeunes essais, qui désormais rejoignent ses espérances brisées, le retrouvent souriant, et il bat des mains avec transport aux premiers triomphes. […] Il s’en délasse à moins de frais, avec une plus vraie douceur, en famille, les soirs, en cet Arsenal rajeunissant, où tous ceux qui y reviennent après des années retrouvent un passé encore présent, un frais sentiment d’eux-mêmes, et des souvenirs qui semblent à peine des regrets, dans une atmosphère de poésie, de grâce et d’indulgence. […] Depuis sa mort, on a fait un tout petit volume d’une dernière nouvelle de lui, intitulée Franciscus Columna, où il se retrouve tout entier sous sa double forme ; c’est un coin de roman logé dans un cadre de bibliographie, une fleur toute fraîche conservée entre les feuillets d’un vieux livre.

75. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Il fallait quatorze siècles pour que le génie latin, après avoir changé de lieu, de religion et de langue, se retrouvât à Rome, à Florence et à Ferrare, sous les Médicis, dans le Dante, dans Pétrarque, dans le Tasse, dans l’Arioste, ces quatre grands ressusciteurs de l’Italie. […] Les deux odes qu’il lui a adressées, et que nous retrouverons tout à l’heure, respirent cette sorte de respect que l’innocence imprime même au vice amoureux. […] Il lui suffisait du plaisir de les écrire et d’en amuser un souper de Mécène ou d’Auguste quand il retrouvait ses puissants amis à Rome. Sa douce et commode philosophie, qui n’était que la nonchalance de l’esprit et le chatouillement du cœur, se retrouvait dans presque toutes ses odes, comme dans celle-ci, adressée à un de ses jeunes hôtes à la campagne : « Tu vois comme le mont Soracte commence à blanchir sous la haute neige ; les bras des arbres dépouillés de feuilles fléchissent sous le poids du givre et des frimas, et les fleuves, saisis par l’âpre gelée, ont suspendu leur cours. […] Telle est la vie d’Horace en prose ; nous allons la retrouver dans ses œuvres ; chacun de ses vers est une empreinte de sa vie ; il semait sa route de ses feuilles et de ses fleurs ; comme une canéphore dans les processions antiques, on le suit à la trace de ses parfums.

76. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Ce catholicisme fleuri, qui a chez nous, au Moyen-Age, un remarquable interprète en Gautier de Coinsi, se retrouve dans toute son efflorescence et son épanouissement chez Calderon. […] Quoique l’auteur s’excuse presque d’avoir oublié sa langue durant dix années de voyages et d’absence, le style est déjà tout formé, et l’on y retrouve plus d’une esquisse gracieuse et pure de ce qui est devenu plus tard un tableau. […] A l’École normale, fondée en 95, Bernardin et Saint-Martin se retrouvèrent, l’un comme professeur de morale, l’autre comme élève-auditeur. […] Nous tous, nous avons été une fois ses disciples, ses fils ; tous, nous avons été baignés, quelque soir, de ses molles clartés, et nous retrouvons ses fonds de tableaux embellis dans les lointains déjà mystérieux de notre adolescence. […] Bernardin de Saint-Pierre, qui est l’un de mes auteurs favoris, s’est retrouvé sous ma plume au tome VI des Causeries du Lundi, et en plus d’une page du livre intitulé : Chateaubriand et son Groupe littéraire.

77. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le sentiment unique, qui avait tout laissé désert en s’enfuyant, se retrouve successivement en beaucoup d’autres sentiments dont chacun est moindre, mais dont l’ensemble anime et reflète à un point de vue vrai la création. […] Dans les scènes qui vont suivre, on retrouvera des situations, la plupart connues, toujours faciles à combiner, et par ces moyens simples il obtiendra une attache croissante, il finira par atteindre au pathétique déchirant.  […] Nous le retrouvons en 93. […] Jocelyn recommence naïvement Éden, sans rien de creusé ni de sauvage : heureuse simplicité retrouvée ! […] L’amitié du Botaniste a pu les ignorer jusqu’au moment où Marthe l’a aidé à retrouver ces papiers anciens qui n’étaient point destinés à survivre.

78. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

ne crois-tu pas Te retrouver enfin toi-même, Malgré l’absence et le trépas ? […] Je m’élançai, je franchis le mur, et je me retrouvai dans le sentier ; mais je n’y retrouvai plus ma jument : elle avait été effrayée par les pierres qu’un âne paissant au-dessus du sentier, sur une pente de bruyère granitique, avait fait rouler sous ses pieds. […] J’étais heureux d’avoir retrouvé ce vieillard, comme un homme se réjouit, après un demi-siècle, de retrouver dans une bruyère les traces d’un sentier où il a passé dans ses beaux jours, et qu’il croyait effacées pour jamais. […] Je croyais retrouver, en entrant dans la cour et en passant le seuil, tout ce que le temps était venu en arracher. […] J’y retrouvais toutes les heures au soleil ou à l’ombre que j’y avais passées, toutes les poésies de mes livres et de mon cœur que j’y avais senties, écrites ou seulement rêvées, pendant les plus fécondes et les plus splendides années de mon été d’homme.

79. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Un seul livre de génie lui serait de plus de secours pour la relever et l’aider à retrouver ses bases. Pour l’homme à qui manquerait tout à coup l’enseignement du passé, le plus pressant serait de retrouver sa raison et son cœur, et c’est là tout d’abord ce qu’il retrouverait dans le livre de génie. […] Mais ces admirables pages vont plus loin, et je ne sache ni un temps qui n’y reconnaisse son infirmité, ni un homme, dans la maturité ou le déclin de la vie, qui n’y retrouve ses désabusements. […] Il était bien digne de retrouver la langue de ce siècle, alors qu’il gardait encore de ses mœurs littéraires la docilité aux conseils du « censeur solide et salutaire », et qu’il aimait la gloire à la façon des grands écrivains d’alors, non comme une affaire à laquelle on travaille de sa personne, mais comme une fortune qu’on laisse faire à ses œuvres. […] Tu retrouvas la muse antique Sous la poussière poétique Et de Solyme et d’Ilion.

80. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Il me semble voir un petit-fils qui, à force de recherches et d’instinct, retrouve ses grands parents inconnus, et qui se rattache à sa race. […] Auparavant, et plus on se rapprochait de l’époque de Henri IV, plus on était simple, naturel et voisin de la bonhomie : les arts eux-mêmes, qui avaient perdu de la délicatesse des Valois, marquaient de la probité et de la gravité, en attendant de retrouver mieux. […] Là où l’on est plus sûr de les retrouver et où leur signature apparaît authentique, c’est dans ces peintures ordinaires d’intérieurs de fermes, de repas de famille, de brebis qu’on fait boire à l’abreuvoir, etc. ; toutes scènes domestiques ou champêtres, peu variées, ou qui ne semblent guère que des variantes d’un même fond de tableau, mais toutes d’un ton juste, d’une couleur un peu grise ou crayeuse, mais saine, où rien ne dépasse d’une ligne la stricte réalité, et où elle nous est livrée encore plus que rendue dans son jour habituel, dans son uniformité même et sa rusticité. […] Si l’histoire de la Révolution française était perdue, on la retrouverait en partie rien que par les assiettes, par ce qui s’y voit peint et figuré. […] Il paraît que les archivistes l’ont découvert en effet ; on a retrouvé un acte notarié qui constate l’existence d’un quatrième frère dont on ne sait rien de plus.

81. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

C’est aussi, avec les progrès amenés par le temps, c’est la méthode de Volney, en son beau Voyage de Syrie et d’Égypte, que je retrouve appliquée dans l’ouvrage de M.  […] Les caravanes ne se font faute de déposer sur leur passage, à ciel ouvert, des ballots, des charges de marchandises qu’elles retrouveront au retour. Quand un chameau vient à périr, comme il n’y en a pas de rechange, on laisse sa charge sur la route, avec la certitude de la retrouver intacte, fût-ce même après une année. […] Il se retrouvait en présence du fanatisme musulman, excité à son approche contre un chrétien et contre un Français. […] L’Angleterre et sa famille ont intérêt à retrouver ceux de ses papiers qui n’ont pas été détruits.

82. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Ne perdons pas une minute de ce ciel ensemble, qui sait si nous le retrouverons jamais ! […] À retrouver sous le pont du Cerchio, me dit-il tout bas, en se laissant glisser de la fenêtre dans l’égout du jardin. — À retrouver dans le paradis, me dis-je en moi-même, sans regretter seulement la vie. […] Le petit Zampogna, joyeux comme nous, marchait plus vite qu’à l’ordinaire en remontant la montagne, comme s’il avait l’espoir d’y retrouver aussi son jeune maître Hyeronimo. […] …………………………………………………………………………………………………………… J’aurais voulu assister à cette scène de retour et de l’amour dans cette solitude ; puis, je réfléchis que le bonheur suprême a ses mystères comme les extrêmes douleurs que rien ne doit profaner à de tels moments et à de tels retours que l’œil de Dieu ; que je gênerais involontairement, malgré moi, l’échange de sentiments et de pensées qui allaient précipiter ce beau jeune homme des bras de sa sposa aux bras de son oncle et de sa mère dans des paroles et dans des silences que ma présence intimiderait et qui ne retrouveraient plus jamais l’occasion de se rencontrer dans la vie.

83. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Son idée de l’histoire : le moyen âge retrouvé dans les archives. […] Thierry posait l’antagonisme des races comme donnée primordiale et comme loi supérieure de l’histoire, en Angleterre, en France : les races étaient pour lui des entités irréductibles, indestructibles ; et il lui semblait, au bout de six ou de dix siècles, retrouver les vainqueurs et les vaincus face à face. […] Il fallait retrouver tous les organes et toutes les fonctions de la France, en saisir la formation et le jeu. […] Il s’abandonne, avec une joie d’artiste, comme il l’a dit, à l’impression des documents qu’il est le premier à consulter : il atteint à la vérité par la force de sa sympathie ; il a voulu « retrouver cette idée que le moyen âge eut de lui, refaire son élan, son désir, son âme, avant de le juger » ; il se fait à lui-même une âme du moyen âge : de sorte que les obscurs instincts des masses populaires deviennent, dans sa conscience d’érudit, une claire notion du rôle de l’Église et du rôle de la royauté. […] Puis les défauts, l’injustice, la folie iront en s’accusant837, jusqu’à ce que Michelet regagne la Révolution : çà et là, le penseur et le poète, l’historien de génie se retrouvent.

84. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Ce nouveau volume réunit des écrits qui ne sont pas sans intérêt, quelques lettres d’affaires et d’administration, quelques autres spirituelles et de direction, et surtout de charmantes lettres amicales et familières : c’est assez déjà pour retrouver tout Fénelon. […] Mais tout à côté on retrouve, même dans ces sortes de détails, le Fénelon de la tradition, le Fénelon populaire. […] Et c’est ici que la manière saine et mâle que Bossuet portait en chaque sujet retrouve toute sa supériorité. […] En lisant cette correspondance familière, je retrouve, comme dans tout Fénelon, quelque chose de gai, de court, de vif, de lent, d’aisé, d’insinuant et d’enchanteur. […] Nous retrouvons encore ici un côté faible.

85. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Tantôt on retrouve en elle ce sourire intérieur de la vie, cette tendresse intarissable de l’âme et du regard, et surtout ce rayon de lumière si serein de raison, si imbibé de sensibilité, qui ruisselait comme une caresse éternelle de son œil un peu profond et un peu voilé, comme si elle n’eût pas voulu laisser jaillir toute la clarté et tout l’amour qu’elle avait dans ses beaux yeux. […] On aurait tort de croire qu’à travers ces défauts qui blessent, il n’y ait pas, malgré tout, de charmants détails, mille retours heureux où le poète se joue et retrouve sa touche légère. […] Si le poète rouvre ses manuscrits de famille, c’est qu’il veut retrouver, revoir, entendre l’âme de sa mère. […] Ceux surtout qui savent ses vers par cœur (et le nombre en est grand parmi les hommes de notre âge) en retrouvent, non sans regret, des lambeaux entiers étendus et comme noyés dans sa prose.

86. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Quand un grand homme a cessé de vivre, quand il est sorti de la phase historique qu’il a marquée de la double empreinte de son esprit et de son caractère, il laisse souvent après lui, et dans l’histoire même, quelques gouttes de son sang : — une famille, que la curiosité aime à étudier pour y retrouver les influences de sa gloire et de son génie ; car ceux qui croient le plus à la personnalité du mérite posent, malgré eux, la question de race à propos de tout, comme si c’était une fatalité ! […] Seulement, ce génie aux longues et prévoyantes pensées rendit Mazarin avare et avide ; et, dans le fond de ces richesses de kalife qu’il fut sur le point d’entasser un jour à Vincennes, l’Histoire retrouve l’ancien pipeur au jeu, le parvenu, l’aventurier. […] Le sens moral, on le retrouve jusque dans cette indulgence, ou cette pitié, qu’il sangle si bien au visage des gens, avec un mouvement très retenu et très doux. […] Nous l’avons dit déjà, nous avons dans ce livre beaucoup plus qu’un Mazarin en famille ; nous avons toute une société retrouvée et saisie en pantoufles et en négligé.

87. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Mais nous y avons retrouvé le magicien évocateur, qui évoque, lui, mieux que des esprits et des ombres ; car ce sont des existences complètes, qui, sous sa plume, s’en viennent écumer et bouillonner autour de nous ! […] Dargaud, car il fallait beaucoup de talent et le charme d’une grande bonne foi dans le talent pour nous faire accepter jusqu’à la fin d’un récit, au bout duquel on retrouve enfin son sang-froid, cette exagération éblouissante, et nous faire traiter avec elle, pendant la durée de l’histoire, comme si c’était une vérité ! […] Là, il se retrouve maître. […] Dargaud par la profondeur de nos convictions catholiques, retrouvons si souvent, jusque sous les faits exposés avec le brillant du talent ou le brillant plus pur et plus précieux de la vérité, le choc implacable des principes, — le dissentiment éternel !

88. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

D’ingénieux érudits dressent chaque jour l’histoire littéraire des écrivains, là même où précisément cette histoire semble le plus faire défaut ; les poëtes grecs ou latins, dont tout le bagage a péri dans le naufrage des temps, retrouvent des investigateurs d’autant plus curieux et presque des sauveurs. […] Voilà donc un genre qu’on était tenté de refuser à l’antiquité, et qui se retrouve à l’improviste entre les plus belles pages. […] Tout est bien, tout est mieux, me disais-je ; mais à force de mieux et par la vertu même de ce progrès continu que rien désormais ne saurait enrayer, ne serait-il pas possible que l’équivalent de cette grande catastrophe et de ce grand naufrage d’oubli se retrouvât un jour pour nous aussi, pour nos âges si superbes ?

89. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Le désert sans arbres se montre de toutes parts sans ombre ; ce n’est que dans les bâtiments du monastère qu’on retrouve quelques voiles de la nuit. […] Et toi dont le nom seul trouble l’âme amoureuse, Des bois du Paraclet vestale malheureuse, Toi qui, sans prononcer de vulgaires serments, Fis connoître à l’amour de nouveaux sentiments ; Toi que l’homme sensible, abusé par lui-même, Se plaît à retrouver dans la femme qu’il aime, Héloïse ! […] Toutefois quand le temps, qui détrompe sans cesse, Pour moi des passions détruira les erreurs, Et leurs plaisirs trop courts souvent mêlés de pleurs, Quand mon cœur nourrira quelque peine secrète, Dans ces moments plus doux, et si chers au poète, Où, fatigué du monde, il veut, libre du moins, Et jouir de lui-même, et rêver sans témoins, Alors je reviendrai, solitude tranquille, Oublier dans ton sein les ennuis de la ville, Et retrouver encor, sous ces lambris déserts Les mêmes sentiments retracés dans ces vers.

90. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Si du moins mes vers étaient faits De la senteur qui te parfume, Comme un doux narghileh qui fume, Si tous tes arômes parfaits Se retrouvaient en mon volume ! […] ils y sont, ces aromes, et même ils y sont trop… Nous les avons trop respirés dans cette ardente cassolette d’or et de jais qui s’appelle Les Contes d’Espagne et d’Italie, pour ne pas être un peu blasés sur le parfum vieilli de ce flacon qui fut étincelant et enivrant  et qu’on a respiré autrefois, et que vous retrouvez aujourd’hui dans le fond de votre tiroir, ô poète ! […] — Les débris d’un miroir Que l’on retrouve un jour au fond d’un vieux tiroir ; La figure y grimace, et la glace brisée Nous y montre des traits dignes de la risée… Tombez, vieux chênes morts !

91. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Nous retrouvons en Occident ce que l’Orient nous offrait, la transformation chrétienne s’appliquant à tout, à la poésie comme à la vie réelle. […] « Elle se fait à elle-même, par imitation, de multiples fantômes, et, les parcourant à la hâte, retrouve une sorte d’activité. […] La lyre, associée à des offrandes plus pures, à l’amour de Dieu et de l’humanité, retrouvait d’austères et gracieux accents.

92. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

« Comment, par exemple, retrouver toutes les forces dont une œuvre est la résultante ? […] Descartes a imaginé sa théorie des tourbillons qui a fait loi pendant près de cent ans, qui a perdu ensuite toute l’autorité pour retrouver aujourd’hui, dit-on, quelque créance : personne songera-t-il pour cela à rayer l’astronomie du nombre des sciences ?

93. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ainsi, ailleurs, nous le retrouverons, en mainte circonstance, ferme et timoré, empêché et inébranlable. […]  » Le style de Daunou, en cette occasion solennelle, ne se borne pas à être exact, pressé et châtié, ce qu’il est toujours ; il s’élève, se dilate par instants, revêt des expressions plus hardies et même pittoresques, qu’il ne retrouvera jamais. […] » Les sensations se retrouvent là pour fixer la date et signer la théorie, mais le mouvement est juste et beau. […] » — Mais, ce qu’il nous importait de noter, nous retrouvons dans ces élans, dans ces éclats imprévus de l’an vi, un Daunou auquel nous sommes moins accoutumés. […] Daunou se montra ce qu’il avait été toute sa vie : au-dessous et au dedans de celui qu’on aurait jugé faible et trop aisément alarmé, se retrouva l’homme ferme et inébranlable.

94. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Il en est de même des curètes que les Grecs retrouvèrent dans l’ancienne Italie ou Saturnie, dans la Crète et dans l’Asie. […] Gouvernements humains, dans lesquels l’égalité de la nature intelligente, caractère propre de l’humanité se retrouve dans l’égalité civile et politique.

95. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Si je la retrouve, je la reconnais, en ce sens que les circonstances concomitantes de la perception primitive, me revenant à l’esprit, dessinent autour de l’image actuelle un cadre qui n’est pas le cadre actuellement aperçu. […] Müller insiste sur ce fait que, tandis que des aveugles apprennent très vite à retrouver leur chemin, un sujet atteint de cécité psychique ne peut, même après des mois d’exercice, s’orienter dans sa propre chambre 30. […] Entendre la parole, en effet, c’est d’abord en reconnaître le son, c’est ensuite en retrouver le sens, c’est enfin en pousser plus ou moins loin l’interprétation : bref, c’est passer par tous les degrés de l’attention et exercer plusieurs puissances successives de la mémoire. […] On suppose ici une lésion sous-corticale qui empêcherait les impressions acoustiques d’aller retrouver les images verbales auditives dans les centres de l’écorce où elles seraient déposées. […] Graves cite le cas d’un malade qui avait oublié tous les noms, mais se souvenait de leur initiale, et arrivait par elle à les retrouver.

96. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

On a retrouvé de prime saut l’auteur de Henri III, d’Antony, même d’Angèle : de la rapidité, du trait, du mouvement, un entrain animé, impétueux, habile, qui laisse peu de trêve aux objections, qui amuse avant tout et enlève, qui touche quelquefois. […] Aujourd’hui il se retrouve lui seul et lui-même tout entier, à son vrai point naturel ; il ressaisit le genre de son talent dans la direction la plus ouverte et la plus sûre. […] Le laisser-faire est venu : après dix années, non plus de tâtonnements et d’essais, mais d’excès en tous sens et de débordements, on est trop heureux de retrouver quelque chose qui rappelle le premier jour, et qui délasse un peu à tout prix.

97. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Les rêveries des poètes peuvent enfanter des objets extraordinaires ; mais les impressions d’habitude se retrouvent nécessairement dans tout ce que l’on compose. […] La perfection de quelques-unes de ces poésies prouve, sans doute, le génie de leurs auteurs ; mais il n’en est pas moins certain qu’en Italie les mêmes hommes n’auraient pas composé les mêmes écrits, quand ils auraient ressenti la même passion ; tant il est vrai que les ouvrages littéraires ayant le succès pour but, l’on y retrouve communément moins de traces du caractère personnel de l’écrivain, que de l’esprit général de sa nation et de son siècle. […] Il n’y a point de mythologie ; mais on y retrouve sans cesse une élévation d’âme, un respect pour les morts, une confiance dans une existence à venir ; sentiments beaucoup plus analogues au caractère du christianisme que le paganisme du Midi.

98. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Pessimiste, parce que ce qu’il veut ne se retrouve guère dans ce qu’il voit, la foi lui rend compte de la corruption humaine et du remède : elle est lumière et règle. […] J’y retrouve, sous l’éminente autorité de l’Écriture, sans cesse alléguée et impérieusement dressée, j’y retrouve une pensée nourrie et comme engraissée du meilleur de la sagesse antique, et un sens du réel, une riche expérience qui donnent à tout ce savoir une efficacité pénétrante.

99. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Camille Mauclair À Pise, au Campo-Santo, attardé devant les fresques de Benozzo Gozzoli, si Shelley avait pu lire, au retour, les Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe ou les Contes à soi-même, il eût cru retrouver sa propre vision écrite là dans une nuit d’inconscience ; car, si le poète dont je parle présentement a, seul et sans effort dans notre époque d’art, recréé les grandes traditions décoratives de la pure beauté florentine, il n’y enclot pas une beauté froide, mais la souffrance passionnée de son âme d’outremer. […] mon soir en pleurs retourne à son matin… Ils le laissent, car, au milieu des débris de son moi d’autrefois, il retrouvera le solitaire bonheur que la fuite hors du rêve lui avait fait perdre. […] Chacun pouvait retrouver en ce spectacle les emblèmes de propres pensées secrètement enfouies, d’espoirs, de désillusions et de rêves, et tous ceux qui sont « affligés d’âme » écoutaient en silence cette étrange symphonie, évoquant, dans un décor presque quelconque, les symboles qui convenaient à leur bon plaisir.

100. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Tant que dura le siège de Rome, elle soigna les blessés de ses mains d’Yseult ; et, sœur de charité volontaire, montra cette coquetterie du dévouement et du danger dans laquelle se retrouve la femme de race, mais que les anges de saint Vincent de Paul ne connaissent pas. […] Mais, tel qu’il est, ce livre a un accent à lui, et n’en a pas deux, qui vous attache et vous pénètre, et que vous retrouvez sous tous les spectacles qu’il étend devant la pensée, et cet accent unique, c’est l’âme de l’auteur, une âme plutôt lasse qu’apaisée et qui vide simplement son calice de vie, comme on boit tranquillement un verre d’eau à la fin du jour. […] Excepté à Nazareth, la ville crypte et le berceau du Sauveur, et à Jérusalem, notre patrie à tous, nous autres chrétiens avec ou sans patrie, où la voyageuse retrouve une palpitation, mouvement d’aile d’un oiseau blessé, il n’y a pas le moindre enthousiasme dans tout le courant de ce livre.

101. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Eh bien, c’est cette sensation d’un seul soir que j’ai retrouvée, non plus à propos de quelques vers isolés et bientôt dits, mais à propos de beaucoup de pages de prose, à vingt places de ces Portraits après décès où la Critique peut constater des empreintes d’âme à renverser toutes les idées qu’on se fait de Monselet et de son talent ! […] Digne par la proportion de son modèle, le portrait de Chateaubriand a donc été une toile à l’huile parmi les aquarelles de Monselet, et si vous ôtez quelques taches de goût, grandes comme des mouchetures sur une glace limpide13, vous avez là une pure et lumineuse peinture d’histoire littéraire dans laquelle le Monselet du xviiie  siècle n’a eu absolument rien à faire ni rien à voir… On sait si le génie de Chateaubriand, à part même son christianisme, fut antipathique au xviiie  siècle, et aujourd’hui que le xviiie  siècle, mal mort, voudrait recommencer de vivre, Chateaubriand, moqué par Morellet et Chénier, a retrouvé dernièrement un nouveau Morellet dans Stendhal. […] Je le retrouve en maint endroit de ces Portraits après décès, que la mort n’a pas seuls noircis.

102. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Quoiqu’au premier abord, et en s’en tenant aux surfaces, il semble qu’il ne doit y avoir rien de commun entre ce Sardanapale de Régent, qui régnait pour souper et mourut ivre sur les genoux de la duchesse de Phalaris, et son descendant au chapeau gris économiquement brossé et aux vertus domestiques, l’air de famille est certainement entre eux, et je le retrouve dans cette lâche ambition de Macbeth sans sa femme, caractéristique des d’Orléans, et qui justifierait, pour les trois dont il est ici question, le mot ignoblement méprisant que Mirabeau disait de l’un d’eux. — Cette ambition qui voudrait, qui convoite et qui n’ose… le Régent l’avait entre ses ivresses. […] Le plus souvent, un seul sentiment, une seule idée moule leur vie, et ce qu’un homme est au fond de son âme, il se retrouve l’être identiquement dans toutes les circonstances de sa destinée. Prenez donc, si vous le voulez, tous les faits de la longue existence de Louis-Philippe et de son règne, vous retrouverez dans tous, présent, mais très visible, le Macbeth manqué qu’il avait en lui, et qui lui donnera dans l’Histoire cette physionomie ambiguë qui n’est pas assurément le courage et non pas certainement la lâcheté, mais qui n’en déshonore pas moins son homme ; car, au lieu d’une faiblesse, elle en cache deux !

103. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Si Cordélia vivait, Lear retrouverait encore la force de vivre ; il se brise par l’effort de sa douleur. […] On s’échappe volontiers de la cour avec Imogène, et l’on se sent disposé à rêver dans l’asile romantique où elle retrouve ses frères sans les connaître. […] Nym, qu’on retrouve dans Henri V, n’est point compté dans la seconde partie de Henri IV, au nombre des gens de Falstaff. […] Cependant le caractère de Falstaff est parfaitement soutenu, et se retrouvera tout entier quand on le verra reparaître ailleurs. […] La plus grande partie de la pièce originale y est textuellement reproduite ; on y retrouve de même le décousu qui a pu frapper dans la première et la seconde partie.

104. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Une troisième parut à Bologne en 1820, adressée à Angelo Mai au sujet de la République, par lui retrouvée, de Cicéron. […] » Nous retrouverions ailleurs encore des éclats de cette colère de Leopardi contre la France. […] Ce savant et actif investigateur venait de retrouver la République de Cicéron après les Lettres de Fronton : on se demandait où s’arrêteraient de telles découvertes. […] Le courant dans l’intervalle peut s’égarer ; mais il suffit de se remettre en communication avec les sommets pour retrouver le jet de la source. […] Dans sa seconde édition des vers retrouvés de Merobaudes, ayant profité de ses observations, il lui a rendu un éclatant hommage143.

105. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

On joue éperdument la comédie, et cette comédie n’est qu’un prétexte à se mêler, à s’isoler, à se retrouver sans cesse : « Ils sont là une troupe d’amoureux, écrit Mlle d’Ette à son chevalier. […] Les conversations où il est représenté par Mme d’Épinay sont des plus amusantes et des plus comiques, assaisonnées d’un sel des plus piquants et colorées d’une verve bretonne qui ne se retrouve au même degré dans aucun de ses écrits. […] Mais un papier important, qui se rapportait aux affaires d’intérêt de son mari et de M. de Jully, ne s’étant pas retrouvé d’abord, elle fut soupçonnée de l’avoir brûlé avec les autres papiers dont on avait retrouvé les traces dans le foyer, et des bruits odieux, autorisés par la famille même, circulèrent. […] » Voilà le critique qui se retrouve avec tous ses avantages jusque dans l’amant.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Avec sa facilité improvisatrice, encore aidée des ressources du patois dans lequel il écrit, Jasmin pourrait courir et compter sur les hasards d’une rencontre heureuse comme il n’en manque jamais aux gens de verve et de talent : mais non, il trace son cadre, il dessine son canevas, il met ses personnages en action, puis il cherche à retrouver toutes leurs pensées, toutes leurs paroles les plus simples, les plus vives, et à les revêtir du langage le plus naïf, le plus fidèle, le plus transparent, d’un langage vrai, éloquent et sobre, n’oubliez pas ce dernier caractère. […] C’est ainsi que ses poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques qui rappellent celles du Moyen Âge et de la Grèce, se trouve être en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection. […] C’est ainsi que Jasmin fait ses dialogues, et qu’il retrouve, à force de réflexion, la nature toute pure. […] Il ne s’agit plus que de retrouver Jacques. […] C’est une lettre de Jacques ; il est retrouvé, il est libre, il arrive le dimanche suivant.

107. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Cette opposition nous la retrouvons entre le développement organique instinctif et le développement d’une invention. […] C’est ainsi le même élément que nous retrouvons partout. […] Dans tous les exemples que j’ai donnés on retrouve aisément ces caractères généraux. […] C’est la lutte, partout retrouvée dans les êtres en évolution, entre le bien et le mieux. […] Mais ces éléments derniers — ou supposés tels — et qui sont les mêmes d’ailleurs dans le monde organique et dans l’autre, en ce sens qu’on n’en retrouve aucun dans les êtres vivants qui ne se retrouve dans le monde physique, n’y sont pas reliés et coordonnés entre eux de la même façon.

108. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Ses œuvres ne sont que ses tablettes retrouvées après lui dans sa maison de Tibur ou dans la mémoire des jeunes Romains et des jeunes Romaines. […] On retrouve partout en lui, non pas la froide Sabine, non pas le dur Latium, mais l’Arcadie ; sa strophe a des souplesses et des chutes harmonieuses qui étaient étrangères jusque-là à la prosodie latine. […] Depuis deux mille ans que nous chantons dans toutes nos langues, nous n’avons pas retrouvé la note du dialogue d’Horace et de Lydie. […] Souvenez-vous de Voltaire saluant le lac Léman du haut de la terrasse de Ferney : vous retrouverez dans ce salut poétique la belle description d’Horace à Quinctius. […] « Le monde, dit-il, n’eut jamais d’âme plus candide. » À Capoue ils retrouvent leurs mules, qui portaient les bagages ; là ils quittent la route de Naples pour s’engouffrer dans les gorges de l’Apulie.

109. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Toute l’Europe y affluait avec les chefs des armées alliées ; elle y retrouva tous ses amis et un grand nombre de nouveaux admirateurs. […] Je rejoignais au loin le silence et la solitude par-dessus le tumulte et le bruit d’une grande cité. » Mais ce qu’il y retrouvait surtout, c’était une amitié bien impossible, comme on l’a vu, à distinguer de l’amour. […] À une certaine heure du milieu du jour, réservée pour M. de Chateaubriand seul, pour les mystères de son talent, de son ambition, de son intimité, on fermait les portes au public ; on les rouvrait vers quatre heures, et la foule des privilégiés entrait ; et l’y retrouvait encore. […] Nous l’y avons retrouvé alors, posant, comme dans ses Mémoires, en Marius sur ses débris, ennuyé, triste, solitaire, cherchant à grandir par l’éloignement, caressant M.  […] Elle y retrouva la duchesse de Devonshire, autre amie inconsolable, qui venait de perdre le cardinal Consalvi, mort de douleur de la perte de Pie VII.

110. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Elle espérait y retrouver, avec son titre d’épouse, l’amour du héros devenu roi : tout présageait à Sacountala une réception triomphale et la suprême félicité. […] Le roi n’a pas hésité à reconnaître pour vraies toutes les circonstances relatives à la manière dont le pêcheur a retrouvé l’anneau, telles qu’il nous en fait le récit. […] Relève-toi, relève-toi, et apprends que, dans l’excès de sa joie, le roi m’a chargé de te remettre cette somme, égale à la valeur de l’anneau que tu lui as retrouvé ; elle est toute pour toi. […] C’est ainsi qu’au sortir d’une profonde éclipse, l’astre brillant des nuits retrouve de nouveau sa chère Rohini, et qu’ils confondent ensemble leurs rayons argentés. […] Oui, cet anneau retrouvé d’une manière tout à fait miraculeuse, et à la vue duquel le retour de ma mémoire était sans doute attaché.

111. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Vous allez y retrouver peut-être l’inspiration du Dante. […] Cela ne peut plus se retrouver. […] C’est seulement dans ces débats réels que le talent se retrouve. […] Vous retrouvez là une trace germanique. […] On y retrouve cependant une empreinte, un reflet des troubadours.

112. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Nous retrouverons bientôt M.  […] Et pourtant, ce Chateaubriand, qui semblait alors ne point parler français, revenait et nous ramenait par des hauteurs un peu escarpées et imprévues à la grande et forte langue, et c’était sur ses traces que le goût lui-même devait retrouver bientôt sa vigueur et son originalité. […] Walckenaer a retrouvé l’indication d’un fait gracieux et charmant. […] Daunou en 1840 comme secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions, et en cette qualité il a fait plusieurs notices et éloges où l’on retrouve ses mérites habituels : il en est même (tel que l’Éloge de M. 

113. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

« Si le pervers ne se repent pas, Jéhovah tend son arc et vise. » Il paraît ici que le poète, justifié et vengé, se complaît à chanter un cantique de reconnaissance, et l’on retrouve, avec quelques images plus suaves, les images grandioses du livre de Job dans cet hymne. […] » La note héroïque se retrouve au même instant sur la corde. […] Je les retrouve dans mes notes écrites sur la selle de mon chameau qui me servait d’oreiller et de table. […] Que ne puis-je l’y retrouver, pour chanter les tristesses de mon cœur et celles du cœur de tous les hommes dans cet âge inquiet, comme ce berger inspiré chantait ses espérances dans un âge de jeunesse et de foi ! […] Je les retrouve avec leurs sens suspendus, et leurs lacunes, et leurs ratures au crayon, sur le papier jauni par la poussière du désert et par la fumée de la tente.

114. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

C’était à qui emporterait un lambeau de cette tunique incendiaire de Déjanire, comme dans l’espoir d’y retrouver un reste des ardeurs qui l’avaient imprégnée. […] Au second acte, nous retrouvons Diane affichant, dans son salon le tableau de Paul, qu’elle vient de faire acheter, à grand bruit. […] Nous la retrouvons, dans le salon de son hôtel, au milieu d’un monde qui déjà s’indigne et murmure, hardie, volontaire, insouciante comme une tzarine en bonne fortune. […] Et puis, quand tout ce monde est sorti et qu’elle se retrouve seule avec l’amant, pour la gloire duquel elle vient d’endurer ce martyre, alors ce sont des ardeurs, des humilités, des tendresses ! […] Aubry que, s’il le retrouve jamais avec sa femme, il le tuera sans merci, et, comme on sent qu’il le fera ainsi qu’il le dit, le public frissonne et s’attend à tout.

115. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Nous nous retrouvons donc devant le jeu tout particulier d’images et d’idées qui nous a paru caractériser la religion à ses origines. […] Aux thèmes eux-mêmes se rattachent sans doute les croyances fondamentales que la science des religions retrouve a peu près partout. […] Il suffira que la condescendance dont témoignent certains événements se retrouve dans des choses. […] Analysant le travail de la fonction, nous avons retrouvé un à un plusieurs des sens qu’on donne au mot religion. […] Mais la même tendance se retrouve partout, à des degrés différents.

116. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Retrouver aujourd’hui cette prononciation enfantine, entendre sa voix, comme je l’ai entendue dans ce passé, effacé, lointain, où les souvenirs ne rencontrent que la mort, cela me fait peur11. […] Un autre jour, ce nom de Watteau qui était, pour lui, comme un nom de famille, il n’en retrouvait plus l’orthographe. […] Il est impossible d’exprimer la joie presque stupide que j’ai eue à retrouver ce cœur, auquel je ne croyais plus. […] Il s’est mis à causer, sa mémoire a retrouvé des noms et du passé que je croyais sombrés. […] Depuis ce jour, toutes les fois qu’il était plus malade, que l’inquiétude me prenait, cette vision, je la retrouvais, les yeux fermés.

117. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Aristocrate d’origine et d’inclination, mais indépendante de nature, loyale et cavalière à la façon de Montrose et de Sombreuil, elle se retourna vers le passé, l’adora, le chanta avec amour, et s’efforça dans son illusion de le retrouver et de le transporter au sein du présent ; le moyen âge fut sa passion, elle en pénétra les beautés, elle en idéalisa les grandeurs ; elle eut le tort de croire qu’il se pouvait reproduire en partie par ses beaux endroits, et en cela elle fut abusée par les fictions de droit divin et d’aristocratie prétendue essentielle qui recouvraient d’un faux lustre le fond démocratique de la société moderne. […] Ballanche, le jeune homme, qui, plein de nobles et de sincères affections, repousse d’abord le temps présent, comme incomplet et aride, qui résiste aux destinées sociales encore incertaines, et se réfugie de désespoir dans un passé chimérique ; ce jeune homme, type fidèle de bien des âmes tendres de notre âge, finit par se réconcilier avec cette société nouvelle mieux comprise, et par reconnaître, à la voix du vieillard initiateur, c’est-à-dire à la voix de la philosophie et de l’expérience, que nous sommes dans une ère de crise et de renouvellement, que ce présent qui le choque, c’est une démolition qui s’achève, une ruine qui devient plus ruine encore ; que le passé finit de mourir, et que cette harmonie qu’il regrette dans les idées et dans les choses ne peut se retrouver qu’en avançant. […] La mission, l’œuvre de l’art aujourd’hui, c’est vraiment l’épopée humaine ; c’est de traduire sous mille formes, et dans le drame, et dans l’ode, et dans le roman, et dans l’élégie, — oui, même dans l’élégie redevenue solennelle et primitive au milieu de ses propres et personnelles émotions, — c’est de réfléchir et de rayonner sans cesse en mille couleurs le sentiment de l’humanité progressive, de la retrouver telle déjà, dans sa lenteur, au fond des spectacles philosophiques du passé, de l’atteindre et de la suivre à travers les âges, de l’encadrer avec ses passions dans une nature harmonique et animée, de lui donner pour dôme un ciel souverain, vaste, intelligent, où la lumière s’aperçoive toujours dans les intervalles des ombres.

118. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Ce talent de Joseph de Maistre, caractérisé tant de fois par nous et par d’autres, ajoute certainement, par ce qu’on en retrouve et ce qu’on en publie, à la somme de nos plaisirs intellectuels, mais embarrasse pour en parler après tout ce qu’on en a déjà dit. […] nous sommes heureux de la retrouver dans le livre d’Albert Blanc, qui l’avait mutilée, tronçonnée, et, pis que cela, déshonorée en un précédent travail. […] Telle était l’idée de Joseph de Maistre, que vous retrouvez sous toutes les pages qu’il a écrites ici ou là : ici plus profondément, plus splendidement, — mais en appuyant moins là-bas, mais partout ; — cette idée est le sol, le sous-sol et la superficie de toutes ses théories politiques, de toutes ses dissertations d’histoire.

119. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

En effet, nous la retrouvons en ces deux volumes (une vraie bonne fortune pour ceux qui aiment les correspondances) telle que ses lettres à Horace Walpole, son ami aussi singulier qu’elle, nous l’avaient montrée. […] Elle a beau être frivole comme tout ce siècle écervelé, où les hommes comme Montesquieu et Voltaire ont dans le génie quelque chose d’ineffablement étourdi qu’on n’avait jamais vu avant eux, le bon sens gaulois, carré, indéfectible, se retrouve, à chaque instant, en Madame Du Deffand, sous cette poussière parfumée de la frivolité qui la poudre. […] Voilà donc son bilan : elle fut incrédule, mais elle se moqua des philosophes et resta grande dame, ayant l’esprit de son état, quand toutes les grandes dames de son époque le perdaient, pour ne le retrouver que dix ans plus tard, — sur l’échafaud !

120. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Pour qui sait voir, on retrouve la rage contre l’infâme de Voltaire, concentrée sous les formes pédantesques du Dr Strauss. […] Soit qu’il lui échappe quelque ardente prière dans une note émue, ou qu’il révèle la sagacité renseignée de l’érudit dans un rapprochement ou une explication, on aime à retrouver l’individualité de l’homme qui a conçu le plan de cet ouvrage, tout ensemble utile et modeste, à le voir se rappeler de temps en temps avec talent et convenance au milieu des graves fragments qu’il groupe et coordonne. […] Ces modèles, dus au crayon de Notalis, de Matheus et de Spinx, et qui ont été retrouvés dans une pauvre cabane de paysans à Magny, sont d’une naïveté d’inspiration qui ferait croire qu’ils appartiennent à une époque d’une date plus ancienne que celle qu’ils portent, si on ne savait pas que l’Allemagne, par le fait seul du génie qui lui est personnel, peut, au xviie  siècle, équivaloir, en naïveté de touche et en candeur de sentiment, à ce que pouvaient être les autres nations de l’Europe au Moyen Âge.

121. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Seulement, comme le genre de talent d’un homme et son tempérament se retrouvent toujours, Rémusat ne trempe pas ses flèches dans les noirs poisons d’un Styx quelconque, mais il les imbibe de mélancolie et il en cache au préalable la pointe imprudente sous les transparences voilées de l’allusion. […] Eh bien, ces anglaises défrisées, je les retrouve dans la préface de Rémusat ! […] Le philosophe retrouvé dans l’historien, en Rémusat, comme le navet dans le pamphlétaire, le philosophe a fait chuter le biographe dans ces généralités, vagues et déclamatoires, sur lesquelles messieurs les philosophes ne manquent jamais de patiner quand, par hasard ou par choix, ils font de l’histoire.

122. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Heureusement que le cœur est bon ; sans cela il y a bien quelques mois que j’en aurais par-dessus la tête.. » Il avait retrouvé en décembre 1808 le chef qui savait le mieux l’apprécier, le maréchal Soult. […] Ils retrouvèrent à deux pas sur la route les guérillas, qui ne renonçaient pas aisément à eux et qui se joignirent aux chasseurs de l’escorte donnés par le duc del Parque. […] On retrouvait ces fureurs et ces menaces jusque dans les moindres villages. […] Ce n’est pas sans peine que mon ami M. de Chantelauze a retrouvé cet acte aux registres de la paroisse de Sainte-Croix. […] Je dis ceci d’après la notice, mais les chercheurs les plus compétents auxquels je me suis adressé n’ont pas retrouvé trace, je dois le dire, de ce prix de Home qu’il aurait obtenu.

123. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Né au cœur d’un pays austère, il n’en eut visiblement aucun reflet nuageux ; on ne pourrait dire de lui ce que M. de Lamartine a dit de M. de Vignet dans une des pièces du dernier recueil, dans celle peut-être où l’on reconnaît encore le plus sûrement l’oiseau du ciel à bien des notes, et où l’on aime à retrouver l’écho le moins altéré des anciens jours : Il était né dans des jours sombres, Dans une vallée au couchant, Où la montagne aux grandes ombres Verse la nuit en se penchant. […] L’esprit français se retrouve sous son léger accent de Savoie et s’en pénètre agréablement : « L’accent du pays où l’on est né, a dit La Rochefoucauld, demeure dans l’esprit et dans le cœur, comme dans le langage. » La pensée semble parfois plus savoureuse sous cet accent, comme le pain des montagnes sous son goût de sel ou de noix. […] tu les a retrouvées Ces images, de loin toujours, toujours rêvées, Et ces débris vivants de tes jours de bonheur : Tes yeux ont contemplé tes montagnes si chères, Et ton berceau champêtre, et le toit de tes pères ; Et des flots de tristesse ont monté dans ton cœur ! […] On y retrouve le même genre d’application délicate que l’auteur avait déjà donnée à la peinture, aux couleurs et au procédé par l’encre de Chine.) […] Marmier a remarqué avec sensibilité que si le Lépreux de M. de Maistre était venu dans le Nord, il y aurait retrouvé une sœur.

124. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Après avoir montré l’idée sociologique sous l’idée religieuse, Guyau a voulu faire voir qu’elle se retrouve aussi au fond même de l’art ; que l’émotion esthétique la plus complète et la plus élevée est une émotion d’un caractère social ; que l’art, tout en conservant son indépendance, se trouve ainsi relié par son essence même à la vraie religion, à la métaphysique, et à la morale. […] Le génie est une puissance d’aimer qui, comme tout amour véritable, tend énergiquement à la fécondité et à la création de la vie4. » Le principe de la vie « la plus intense et la plus sociale » se retrouve donc partout. […] Recommencer toujours à vivre, tel serait l’idéal de l’artiste : il s’agit de retrouver, par la force de la pensée réfléchie, l’inconsciente naïveté de l’enfant. » VI. — Ce qui est aux yeux de Guyau la règle suprême . de l’art, c’est cette qualité morale et sociale par excellence : la sincérité ; si donc il attache à la forme une très grande importance, il ne veut point qu’on sépare la forme du fond. […] Tout grand homme se sent providence, parce qu’il sent son propre génie. » On retrouvera dans ce livre les qualités maîtresses de Guyau : l’analyse pénétrante et en même temps la largeur des idées, un mélange de profondeur et de poésie, cette rectitude d’esprit jointe à la chaleur du cœur qui fait qu’on pourrait lui appliquer à lui-même ses deux beaux vers : Droit comme un rayon de lumière, Et comme lui vibrant et chaud. […] Pour qui sait retrouver ainsi dans le naturel tout l’idéal, le plus grand charme sera précisément de n’en jamais sortir ; les aspirations les plus hautes n’auront de prix que si elles reposent sur cette base humble et profonde, le réel : de là, sans doute, vient à Guyau cet accent d’extrême simplicité avec lequel il exprime des idées et des senti ments d’une constante élévation ; de là lui vient aussi ce caractère persuasif qui se confond avec celui de l’absolue sincérité.

125. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Si, depuis cet éclat du génie de l’Espagne égal à la grandeur même de sa politique, il y eut de longues stérilités, ce n’est pas à dire que le fond de la race ait changé et qu’elle n’ait pas pour les arts une puissance originale, dont les traits se retrouvent jusque dans le génie maniéré de Gongora. […] Chose remarquable, qui se retrouve, à degrés presque égaux, dans les époques les plus distantes ! […] L’imagination sait rarement se modérer dans sa confiance ou dans son effroi : elle espère trop de la liberté, et elle en a trop peur ; elle invoque alors la dictature, et retrouve parfois les mêmes orages sous un autre nom. […] Elle entra plus avant dans l’Espagne, habita Cadix et Séville, et sentit dans les beaux printemps de l’Andalousie quelque souffle de son climat natal ; elle retrouvait avec le soleil l’enthousiasme et la poésie. […] La sainte majesté du sujet, la gravité de l’affliction chrétienne, élèvent ici le talent du poëte et lui donnent, dans l’expression et dans la mélodie, un calme de douleur et de foi dont la simplicité presque intraduisible semble une voix mystique entendue dans un songe, mais qu’on ne peut retrouver.

126. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Camille retrouva en Allemagne Mounier, avec qui il se lia d’une amitié étroite, cimentée d’une communauté de principes et de sentiments. […] Je n’ai pas retrouvé le sommeil, et mon cœur est bien rempli de pensées et de douleurs. […] Partant pour l’Italie dans les premiers mois de 1813, elle avait désiré que l’un des deux amis vînt l’y retrouver. […] Ces fragments ont été écoutés avec un vif intérêt ; on y a retrouvé le talent de M.  […] Le mot de Du Breuil à Pechméja se retrouve, employé ailleurs, dans d’autres lettres de Mme de Staël.

127. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Des recherches bien conduites feraient peut-être retrouver ce précieux monument. […] Ce nom se retrouve ailleurs. […] Morpurgo les a retrouvés dans des actes, ainsi que presque tous les personnages que mentionne Antonio. […] Ils voulaient la retrouver partout. […] C’est aussi le récit de Pierre Alphonse qu’on retrouve en espagnol dans le Libro de los Exemplos, n° 253.

128. (1925) Portraits et souvenirs

Ils reconstituent une vie comme on exhume une médaille ou comme on retrouve une piste. […] Ne retrouvons-nous pas chez lui leurs façons de sentir ? […] J’y retrouve ses formules souvent heureuses, ses propos toujours sincères. […] Et cette discordance se retrouve en maintes autres œuvres du peintre. […] C’est dans la rue de la Vieille-Lanterne que Nerval a été retrouvé pendu, le 26 janvier 1855.

129. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Ici nous retrouvons Médée, qui a été témoin de tout ce débat, et je recommence à traduire : « Jason se leva de son siége, et avec lui Augias et Télamon ; Argus les suivait, ayant fait signe à ses frères de rester ; ils se dirigèrent hors du palais. […] Qu’on le sache bien pourtant, et n’en déplaise à toutes nos périphrases sociales, la maladie de l’amour est une, constante, sui generis, comme on dit dans la science : bien souvent voilée chez les Modernes, et encore plus souvent absente, elle se retrouve identique dès qu’elle existe. […] La filiation toutefois des nobles et touchantes victimes ne s’est pas interrompue, et on la poursuivrait en quelques types frappants jusqu’à nos jours : — Hélène, Ariane, Médée, Phèdre, la Simétha de Théocrite, Didon, dans l’antiquité ; chez les Modernes, je ne retrouve l’amour-maladie ni chez Béatrice ni chez Laure ; mais Héloïse, celle que M. […] Les deux amants se séparent avec espoir de se retrouver. […] Médée, bien qu’à bord du vaisseau, disparaît par intervalles, et surtout elle se gâte en avançant : elle cesse d’être l’intéressante jeune fille qu’on a vue ; elle redevient la Médée traditionnelle, la nièce de Circé ; on fait plus que deviner, on retrouve en elle la victime des Furies, la meurtrière et l’incendiaire déjà.

130. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Comparez ce que vous perdez avec ce que vous allez retrouver en Bohême !  […] Il n’avait pas encore un an qu’on retrouvait déjà mon visage dans le sien. […] entre le poète qu’il aimait par-dessus tous les hommes et le nom de la femme qu’il aimait par-dessus tous les esprits célestes et qu’il allait retrouver dans la maison éternelle de son Dieu ! […] Boccace, informé de sa perte par François de Brossano et par Francesca, fille de Pétrarque, leur écrivit une lettre touchante qu’on retrouve dans ses œuvres. […] Voici comment il décrit, dans une de ses lettres à son amie Thérésa ***, ses impressions à Arquà ; nous y avons retrouvé les nôtres : « Thérésa, s’apercevant de ma taciturnité, changea d’accent et essaya de sourire.

131. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Mais moralement il retrouve ses avantages ; il s’efforce à tout moment de rendre son commentaire utile en l’appliquant à notre temps, à nous-mêmes, aux vices de la société et à la maladie de nos cœurs : « Bossuet est surtout l’homme de l’âge où nous sommes », pense-t-il ; et il en donne les raisons, qui sont plutôt de sa part d’honorables désirs que des faits manifestes et concluants pour tous. […] Cousin envers les premiers éditeurs des Pensées de Pascal, l’abbé Vaillant s’appliqua ensuite à quelque chose de plus utile, c’est-à-dire à retrouver l’ordre chronologique des sermons et des panégyriques de Bossuet ; en y regardant de près, il est parvenu à déterminer les dates, au moins approximatives, pour un bon nombre. […] Il avait retrouvé la source d’où son propre génie allait découler, comme dans la Genèse un des quatre grands fleuves. […] Ses cheveux, de teinte brune, étaient soyeux ; un épi involontaire en relevait au sommet du front une ou deux boucles comme le diadème de Moïse ou comme les cornes du bélier prophétique ; ces cheveux ainsi plantés, dont on retrouve le mouvement jusque dans ses portraits d’un âge avancé, donnaient du vent et de l’inspiration à sa chevelure.

132. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Avec Boileau, du moins, nous retrouvons un poète qui, pour les endroits où il l’a étudié, peut emporter avec fruit un volume d’Homère, et qui travaille à le traduire en quelques beaux passages. […] Voici de beaux vers, non pas tout à fait dans ce ton, mais d’un haut accent, que je viens d’avoir le plaisir de retrouver en refeuilletant une de ces épîtres peu avenantes au premier coup d’œil. […] Le seul Racan, par la fusion de l’harmonie et de la couleur, a retrouvé le charme et le je ne sais quoi d’enchanté. […] Un de ces discours a été récemment retrouvé dans les manuscrits de la Bibliothèque de Copenhague par M. 

133. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Ce qu’on peut appeler l’atticisme dans notre langue ne date guère que du xviie  siècle, et on le retrouve, selon moi, avec toute sa pureté jusque dans la langue parlée de la fin du xviiie  ; je dis la langue parlée et non écrite, la langue de la conversation et non celle des livres ; là où cette langue parlée a laissé des traces et des témoignages d’elle-même, c’est-à-dire dans les correspondances, on la goûte encore en ce qu’elle a de parfait, et c’est à ce titre qu’après l’excellente et plus ample correspondance de Mme Du Deffand, les billets de Mme de Créqui ont leur prix. […] On l’eût retrouvé, par exemple, au suprême degré dans le salon de la princesse de Poix, un de ses derniers asiles. […] Nous retrouvons dans ce joli volume les portraits de plusieurs amies et connaissances de Mme de Créqui, notamment de la maréchale de Mouchy et de Mme de Tessé. […] Mais pour tout l’essentiel, on l’aura ; on y retrouvera tout de la bonne compagnie, le solide et même l’agréable.

134. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Lorsque j’étais parvenu dans une de ces profondes solitudes, où je croyais arriver seul, je m’y retrouvais avec toutes mes secrètes angoisses, avec mes passions à demi brisées, mes soifs ardentes de l’inconnu, mes dégoûts infinis et mes prodigieuses lassitudes. […] … Il rappelle ses premiers bonheurs dans une vie patriarcale et pure, les peines cruelles de l’exil, tout ce que l’exilé au retour ne retrouvera plus : Qui me ramènera vers les bords fortunés Où sont morts mes aïeux, où mes frères sont nés ? […] dût le chemin qui mène à ma patrie Être plus rude encore, et ma tête meurtrie Ne pas trouver de pierre où se poser le soir ; Dussé-je n’avoir pas une table où m’asseoir, Pas un seul cœur ému qui de moi se souvienne, Pas une main d’ami pour étreindre la mienne ; Comme le lépreux d’Aoste, au flanc de son rocher, Dussé-je cultiver des fleurs sans les toucher, N’avoir pour compagnon, dans ma triste vallée, Qu’un chien, et pour abri qu’une tour désolée, Et quand je souffre trop pendant les longues nuits, Qu’une sœur pour me plaindre et bercer mes ennuis, Une sœur qui, souffrant de la même souffrance, Prie et veille avec moi jusqu’à la délivrance…, Je veux aller revoir les lieux que je chéris, De mon bonheur au moins retrouver les débris ; Si ce ne sont les morts qui dorment sous la pierre J’embrasserai leurs fils, hélas ! […] Il avait retrouvé une sœur d’une nature pareille à la sienne, mais plus forte et mieux conservée, une sœur à la Pascal, si l’on peut dire, supérieure et fondatrice d’établissements religieux, une personne des plus considérées dans son Ordre ; il lui adressa ses plus doux et ses plus intimes épanchements.

135. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve au Temps, M. de Talleyrand, Mme Desbordes-Valmore, vont se retrouver ici. […] Sainte-Beuve, personnages en vue et des plus respectables, des esprits d’élite en effet (si c’est là ce qui a pu servir à autoriser la satire et la calomnie de s’être attachées à leur nom dès le lendemain), aimaient à se retrouver quelquefois chez lui à dîner : c’était comme un terre-à-terre à une extrémité de Paris, quasiment à la barrière, où le milieu d’un quartier populaire et sain influe, malgré soi, jusque dans les habitations bourgeoises ; on s’y sentait bien réellement éloigné de toute contrainte gênante et de toute étiquette cérémonieuse. […] XV). — Je retrouve la minute d’une lettre de M.  […] … Au Temps, je suis comme quand nous causions à la table de Magny ; j’y retrouve Nefftzer, Scherer ; nous sommes là toujours entre amis ; on ne craint pas d’y exprimer tout haut ce que l’on pense, quand même ce ne serai pas l’opinion du voisin, et on laisse la parole au voisin qui réplique… » 7.

136. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

On se retrouvait, on vivait. […] Molé, qui avait retrouvé toutes les relations naturelles de sa famille, y joignit des amitiés littéraires illustres et toutes particulières. […] La parole lisse, unie, polie, quand on la retrouve, en tire du charme. […] » S’il est en effet, au milieu des luttes et des travaux de a vie active, tel jour méritoire où l’homme se sent le plus lui-même, il est aussi, pour quelques-uns, dans l’honorable loisir qui suit le combat et dans l’arrière-saison éclairée, tel jour de retour où la vie retrouve toute sa grâce.

137. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Une fois pourtant, seulement une fois, il a retrouvé et même surpassé le naturel et l’éclat de ses premières poésies. […] Puis tout à coup lui apparaît l’ombre du vieux Corneille, et il se console de quitter la Ville éternelle, en pensant qu’il la retrouvera tout entière dans les œuvres de notre grand tragique. […] Ici, tous les mérites du poëte sont retrouvés : style pur, nobles images, douce chaleur, mélodie parfaite. […] S’il n’a pas retrouvé dans ses publications lyriques d’une date postérieure la même veine et le même jet, c’est aussi que ce moment de 1819 était unique pour célébrer cette simple douleur patriotique de la défaite, et qu’à moins d’entrer au vif dans la chanson antidynastique avec Béranger, à moins d’oser la satire personnelle avec les auteurs de la Villéliade, on n’avait à exprimer, dans le sentiment libéral, que des thèmes généraux plus spécieux que féconds.

138. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Il a tenté, un instant, de l’écrire en philosophe ; il a voulu trouver les lois des faits, et l’ordre de leur succession ; il a improvisé la fameuse théorie des quatre systèmes, les seuls, disait-il, qui puissent exister, et qu’on retrouve à toutes les époques de la philosophie. […] Faute de pouvoir la rétablir ou la remplacer, il s’est contenté d’exposer les diverses philosophies ; il a publié une foule de documents sur Descartes et son école ; il a retrouvé la dialectique d’Abailard, et raconté les commencements de la scolastique. […] Cela se voit particulièrement par la correspondance de Huet, où le savant évêque d’Avranches remercie son ami de Dijon de lui envoyer des extraits des lettres de Leibnitz, lesquelles ne se retrouvent pas dans notre manuscrit. […] Il a l’amour des grands hommes du dix-septième siècle : après avoir recueilli les moindres fragments de son auteur et retrouvé son écrit sur les Passions de l’amour, il a poussé la dévotion jusqu’à faire un lexique de ses locutions remarquables.

139. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Excepté leur étude sur Marie-Antoinette, dans laquelle ils se haussent par le sujet et par l’émotion jusqu’à la grande histoire, MM. de Goncourt ne firent que celle des frivolités de ce siècle frivole, — qui rendit frivole jusqu’à l’âme de Marie-Antoinette, retrouvée tout à coup si sérieuse et si héroïque devant l’échafaud ! […] Je crois même que si on remontait jusqu’à cette Femme au xviiie  siècle, leur meilleur livre pourtant, on pourrait y retrouver quelque chose des premiers linéaments, des premiers traits de ce réalisme dont ils ont été les générateurs, et le dégager de ce livre où il n’apparaît pas encore avec cette netteté qui viole le regard… L’abus du détail, l’accumulation des infiniment petits dans la description effrénée, illimitée, aveuglante, qui tient toute la place de l’attention et qui prend celle de la pensée, la matérialité plastique exagérée et impossible en littérature, on pourrait, en cherchant bien, trouver tout cela dans cette Femme au xviiie  siècle, qui, quand elle fut publiée pour la première fois, a passé sans qu’on y vit tout cela. […] On l’y trouverait, indécis et charmant comme tout ce qui commence, — comme on retrouve un joli enfant dans le vilain homme que ce pauvre enfant est devenu.

140. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Les Saint-Simon ne se retrouvent pas dans les premiers coins venus d’un vieux secrétaire de famille. […] Malheureusement, quand on a goûté à un homme de génie, on trouve que c’est si bon qu’on imagine en retrouver partout la saveur. […] Effectivement, le chevau-léger, à la tête de la troupe, battit encore les ennemis. » Certes, c’est charmant d’héroïsme ; c’était perdu, et puisque cela est retrouvé, c’est nouveau.

141. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

I Voici une charmante perle retrouvée de tout un baguier perdu. […] Il est évident, en effet, que de ces quatre-vingts lettres retrouvées et publiées il se dégage une tête de vieille femme qui n’est pas celle de la marquise de Créqui des Mémoires, quoique le costume soit le même et bien souvent le ton aussi, ce costume intime, ce linge de corps de la pensée des femmes ! […] Si cette femme d’aperçu, et qui savait si nettement styler sa pensée, avait cru jamais que juger les hommes c’était donner le sacre de la confiance à ces grands enfants qui se permettent la fatuité ou se prendre pour eux de compassion intellectuelle, nous n’aurions jamais retrouvé ce volume de lettres, savoureux et sain, où la rigueur de la raison et la brusquerie de la vérité se mêlent délicieusement la svelte légèreté du tour et au charme calmant d’une religieuse tristesse.

142. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Je dis hardiment qu’où poète il y a, poète se retrouve toujours ! […] Les vieilles défroques poétiques que je retrouve dans les anges et le ciel de Swedenborg, et qui me les gâtent, lui paraissent, à lui, de la vraie poésie, et je lui en fais mon compliment. […] La quittance retrouvée de madame de Marteville, l’entrevue avec la reine Ulrique à Stockholm et avec le prince de Prusse dans l’autre monde, toutes ces merveilles, si elles ne manquent pas d’absurdité, manquent de merveilleux.

143. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Sûr, d’ailleurs, de retrouver son œuvre plus tard ; sûr de la sauver du massacre qu’on lui avait fait subir, et de montrer — du même coup, en la publiant, — la double intégralité de l’œuvre et de la bêtise de ceux qui l’avaient massacrée ! […] Excepté le bohème (Nargaud), qui est le justicier en ce roman, moral à sa manière ; excepté ce paroxyste, comme il l’appelle, dont la prose est… les vers de Richepin auxquels il a enlevé la rime ; excepté deux ou trois scènes d’amour où se retrouve un peu de l’ancien Richepin des Caresses, le roman de Madame André n’a que le spiritualisme de l’analyse, qui regarde surtout dans le cœur et qui en épingle les ténuités. […] Plume appuyée, mordante, solidement éclatante, même quand elle appuie sur les choses vulgaires, procédant d’habitude par comparaisons plus pratiques que poétiques, mais qui font entrer l’objet comparé dans l’esprit du lecteur comme un coup de cette bûche emmanchée — le marteau des fendeurs de bois — qui enfonce le coin de fer dans le tronc noueux de l’arbre abattu… Vous voyez qu’ici, dans l’homme aux opinions et aux créations antiviriles de ce roman à petite morale, puisqu’elle est vide de Dieu, se retrouve le mâle que nous connaissions.

144. (1925) Proses datées

La vie, qui disperse les êtres et qui nous éparpille, nous permet parfois de nous retrouver, de retrouver ceux qui ne sont plus et ceux que nous ne sommes plus. […] Je me sens un doux besoin de solitude pour mieux goûter l’intime délice de Venise retrouvée. […] Les choses se dispersent et se retrouvent si singulièrement et le hasard crée des rencontres si mystérieuses ! […] Après deux pages blanches, j’y retrouve l’écriture de Mme de Chasans. […] En émigration, il retrouva son frère Ternant à l’armée des Princes.

145. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

L’admirable clarté, netteté et sûreté de marche de la Fille de Roland a des chances de ne plus se retrouver ici. Il faut bien reconnaître qu’en effet elles ne s’y retrouvent pas.

146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Quand il fallut se mettre en campagne, la gloire & l'intérêt réveillerent Annibal, qui reprit sa premiere vigueur & se retrouva lui-même ; mais il ne retrouva plus la même armée ; il n'y avoit plus que de la mollesse & de la nonchalance, & s'il falloit souffrir la moindre nécessité, on regrettoit l'abondance de Capoue ».

147. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre II »

Darmesteter a analysé dans sa Vie des Mots douze significations du mot timbre, qui vient de tympanum ; il y en a d’autres12, mais quel qu’en soit le nombre, nous ne les confondons jamais, pas plus que nous ne sommes troublés par la distance qu’il y a entre calmar, au sens de plumier, et calmar, au sens de seiche monstrueuse : quel travail s’il nous fallait retrouver dans les douze ou quinze significations de timbre l’idée de tambour et dans calmar l’idée de roseau. […] On compterait en français environ quinze cents mots dont le son se retrouve, avec des variantes orthographiques, dans un ou plusieurs autres mots.

148. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Le même dispositif général peut d’ailleurs se retrouver dans des jeux très différents, comme le même air d’opéra dans beaucoup de fantaisies musicales. […] Il y en a une dont on use assez souvent : c’est de faire qu’un certain objet matériel (une lettre, par exemple) soit d’une importance capitale pour certains personnages et qu’il faille le retrouver à tout prix. […] Nous nous sommes amusés jusqu’ici à retrouver dans les jeux de l’homme certaines combinaisons mécaniques qui divertissent l’enfant. […] Mais toujours nous retrouvons les deux séries indépendantes, et toujours la coïncidence partielle. […] Elle a donné naissance au poème héroï-comique, genre un peu usé, sans doute, mais dont on retrouve les restes chez tous ceux qui sont enclins à exagérer méthodiquement.

149. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Malheureusement les notes, que je retrouve sur un calepin, sont complètement illisibles. […] Au moment où il entrait, il voyait comme une perruque blanche lui tomber du plafond sur la tête, et quand l’ami se retournait pour voir qui entrait, Tourguéneff avait l’étonnement de le retrouver tout blanc. […] Je le retrouve, ainsi que je l’avais aperçu à l’enterrement de Roger de Beauvoir, je le retrouve avec son teint boucané, sa longue mèche de cheveux lui balafrant la figure, son élégance frelatée dans sa demi-toilette, mais en dépit de tout cela, il faut l’avouer, possédant une politesse de gentilhomme et des grâces de monsieur bien né, qui font contraste avec ce taudis, où se mêlent, se heurtent, se confondent avec des objets d’habillements et des chaussettes sales, des livres, des journaux, des revues. […] Je regrette qu’il ne lui ait pas donné le milieu hospitalier et plaisant d’une habitation de là-bas, d’un petit coin de patrie retrouvée. […] Nous retrouvons Hugo, dans la salle à manger, debout et tout seul, devant la table, préparant la lecture de ses vers : une préparation qui a quelque chose de la manipulation préventive d’une séance de prestidigitation, où le prestidigitateur essayerait dans un coin, ses tours.

150. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Aujourd’hui, les chapitres se sont retrouvés, et il saisit la première occasion de les remettre à leur place. […] Sans doute ces chapitres retrouvés auront peu de valeur aux yeux des personnes, d’ailleurs fort judicieuses, qui n’ont cherché dans Notre-Dame de Paris que le drame, que le roman.

151. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Ils sont vrais, ils ont existé ; ils nous coûtent moins à inventer, mais non pas moins peut-être à retrouver, à étudier et à décrire. […] Il la retrouve à un bal pour lequel on lui avait envoyé, de deux côtés différents, deux billets ; un de ces billets, il en a disposé assez légèrement pour un ami de comptoir qui était présent lorsqu’il recevait le second ; il n’a pu résister à lui faire ce plaisir. […] Mme de Charrière connut Mme de Staël ; elles correspondirent ; on m’a parlé d’une controverse considérable entre elles, précisément sur ces points litigieux, chers aux femmes, qui se retrouvent discutés dans plusieurs des lettres de Delphine, et sur lesquels nous allons avoir le mot direct de Mme de Charrière elle-même. […] Émilie est une émigrée de seize ans ; elle a perdu ses parents, ses derniers moyens d’existence, et l’espoir d’en retrouver aucun. […] Toujours, toujours, si imperceptible qu’il se fasse, on retrouve le signe.

152. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Mais le poète n’est pas immobile longtemps : « En poursuivant dans toutes les actions humaines les causes que j’y ai assignées, souvent je perds le fil, mais je le retrouve : Ainsi dans les sentiers d’une forêt naissante, A grands cris élancée, une meute pressante, Aux vestiges connus dans les zéphyrs errants, D’un agile chevreuil suit les pas odorants. […] Ceci n’est qu’une conjecture, mais que semble confirmer et justifier le canevas suivant qui n’est autre que le sujet de Nina, transporté en Grèce, et où se retrouve jusqu’à l’écho des rimes de la romance : « La jeune fille qu’on appelait la Belle de Scio… Son amant mourut… elle devint folle… Elle courait les montagnes (la peindre d’une manière antique). — (J’en pourrai, un jour, faire un tableau, un quadro)… et, longtemps après elle, on chantait cette chanson faite par elle dans sa folie : Ne reviendra-t-il pas ? […] Mais c’est assez de fragments : donnons une pièce inédite entière, une perle retrouvée, la jeune Locrienne, vrai pendant de la jeune Tarentine. […] Sur un petit feuillet, à travers une quantité d’abréviations et de mots grecs substitués aux mots français correspondants, mais que la rime rend possibles à retrouver, on arrive à lire cet autre ïambe écrit pendant les fêtes théâtrales de la Révolution après le 10 août ; l’excès des précautions indique déjà l’approche de la Terreur : Un vulgaire assassin va chercher les ténèbres, Il nie, il jure sur l’autel ; Mais, nous, grands, libres, fiers, à nos exploits funèbres, A nos turpitudes célèbres, Nous voulons attacher un éclat immortel. […] André Chénier voulait ressusciter la Grèce ; pourtant il ne faudrait pas autour de lui, comme autour d’un manuscrit grec retrouvé au xvie  siècle, venir allumer, entre amis, des guerres de commentateurs : ce serait pousser trop loin la Renaissance69.

153. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Le poète et le musicien sont les voix de ceux qui n’ont pas de voix, mais qui ont des cœurs et qui aiment à retrouver leurs impressions inexprimées dans ces vers ou dans ces notes en consonance avec leur âme. […] Qu’on me permette d’en citer un exemple dont je fus témoin dans mon enfance, et dont l’impression, quoique puérile, s’est retrouvée toujours dans mon souvenir. […] Je n’ai guère retrouvé que dans les îles de l’Archipel grec ou sous les tentes des Arabes de Syrie des réminiscences de cette jeune bergère de nos montagnes. […] Comme dit Dante, le divin poète du surnaturel, semblable en cela à celui qui parle et qui sanglote à la fois , mes sanglots prenaient le rythme de ce glas funèbre, et je chantai ainsi en moi une ode de larmes à la mémoire de cette mère chérie et perdue, ode que je ne retrouverai jamais dans mes souvenirs, et que, si je l’y retrouvais, je n’écrirais pas, car l’extrême douleur a son mystère de pudeur comme l’extrême amour. […] Nous n’avons qu’à citer pour la France cette explosion merveilleuse de la Marseillaise, dont nous avons connu l’auteur et dont nous avons fait le récit dans une de nos histoires : c’est la poésie du sol, le lyrisme de la patrie, le chant des trois cents Spartiates dont un écho s’est retrouvé en France dans les montagnes du Jura en 1792.

154. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Tous à la fois on les retrouve, ou du moins on retrouve quelque chose de chacun dans ce volume. […] Si nous nous mettons, pour le juger, à vouloir absolument le considérer à travers les conséquences plus ou moins accumulées de ses doctrines et les innombrables disputes qu’elles ont engendrées, nous ne le retrouverons jamais tel qu’il fut.

155. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il appela ce volume de prédilection : Paroles d’un Croyant, et, ayant ainsi achevé sa pensée devant Dieu, il se sentit un peu calmé ; son grand travail de philosophie le retrouva plus dispos et plus persévérant. […] À la suite de ces chapitres sombres, il en vient un qui les corrige, tout enchanteur de mansuétude et d’amour des hommes ; on croirait lire des pages retrouvées de l’Imitation. […] Dans ces pages, écrites il y a plus d’un an, on retrouve à chaque ligne l’événement sanglant d’hier.

156. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Remarquons toutefois qu’au xive  siècle, du temps de Pétrarque et de Boccace, à cette époque de grande et sérieuse renaissance, lorsqu’il s’agissait tout ensemble de retrouver l’antiquité et de fonder le moderne avenir littéraire, le but des rapprochements était haut, varié, le moyen indispensable, et le résultat heureux, tandis qu’au xvie  siècle il n’était plus question que d’une flatteuse récréation du cœur et de l’esprit, propice sans doute encore au développement de certaines imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant déjà de bien près aux abus des académies pédantes, à la corruption des Guarini et des Marini. […] On se visite après l’absence, on se retrouve en des lieux divers, on se serre la main dans la vie ; cela procure des jours rares, des heures de fête, qui ornent par intervalles les souvenirs. […] Ce que le sévère historien a si hautement compris, le poëte surtout le doit faire ; c’est dans ce recueillement des nuits, dans ce commerce salutaire avec les impérissables maîtres, qu’il peut retrouver tout ce que les frottements et la poussière du jour ont enlevé à sa foi native, à sa blancheur privilégiée.

157. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Après plus de deux années de spleen, abattement, désappointement amer, ces jours de gaieté inattendue promettent ; nous retrouvons notre constitution saine et brillante ; cette quantité de forces surabondantes qui s’échappe ainsi en allégresse sans motif, s’échapperait non moins volontiers en héroïsme et dévouement à une belle cause. […] Le demi-jour des chapelles de la Roche-Guyon se retrouvait presque dans le cabinet étoffé et doré du Père suprême. […] Les Mémoires d’un cadet de famille, par Trelawney, ami et compagnon de Byron, sont une lecture facile, amusante, peu convaincante par endroits : on y retrouve une vie de flibustier, et des péripéties merveilleuses comme celles du Cleveland de l’abbé Prévost.

158. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Nous allons retrouver à propos de ces questions les deux tendances opposées que nous avons déjà rencontrées en étudiant l’intelligence. […] Cette incohérence affective se retrouve dans tous nos sentiments. — L’amour, a-t-on dit, est un « égoïsme à deux » ; mais il faut ajouter que ces deux égoïsmes restent distincts, armés et prêts à la lutte. […] Cette même mixture contradictoire d’égoïsme et d’altruisme, d’appétit de domination et d’amour du sacrifice se retrouve dans des sentiments supérieurs tels que le plaisir que nous prenons à défendre le faible ou encore à obliger autrui ou à lui prouver notre reconnaissance et nous acquitter envers lui.

159. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Il dit, comme Montesquieu dirait : « Le lecteur aime les dénouements moraux, surtout dans les autres. » Il dit encore : « Il est permis aux hommes de se montrer inconséquents, pour qu’ils puissent parfois se retrouver raisonnables. » Est-ce assez Montesquieu comme cela ? […] Le stoïcien avait traversé toute la vie dans le respect historique et social des institutions et des idées chrétiennes, mais sans aller plus loin du côté du ciel, et il retrouva peut-être, à l’heure de mourir, sur son âme, la bénédiction paternelle du mendiant qui avait répondu de lui devant Dieu. […] L’homme, mis si haut, avait dans l’esprit et dans le caractère des indigences qu’il fallait la courageuse biographie de Louis Vian pour retrouver.

160. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Ce besoin, du reste, qui n’est — si l’on veut y réfléchir — que de l’individualisme encore ; ce besoin qui a produit tant de métaphysique vaporeuse, de synthèses, de formules, et qui, surexcité jusqu’à la rage par la vanité de chacun, ne nous a saisis tous que parce qu’il ne sied qu’à quelques-uns, c’est-à-dire aux maîtres, aux grands esprits, à ceux-là enfin qui se donnent seulement la peine de naître, pourrait faire croire à nos descendants que nous avons perdu le bon sens proverbial de nos pères, n’étaient quelques livres d’histoire fermes, nets, circonscrits, et dans lesquels il sera possible de le retrouver. […] Et quand il a taillé dans tout ce marbre, on n’en regrette pas les éclats tombés aux pieds de la statue… car on les retrouve autour du socle même, dans des notes de la plus vigilante et de la plus sûre érudition. […] Plus vaniteuse que tendre, fastueuse de sa beauté autant qu’insolente de son empire, c’est bien l’effrontée qu’on retrouve, dans le seul portrait qu’on ait d’elle, « le sein tout nud » jusque sur un vitrail d’Église, et à qui Louis XI, dauphin alors, pour venger sa mère outragée, un jour appliqua un soufflet.

161. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Martin l’admet très positivement en histoire et jusqu’à vouloir retrouver l’influence celtique là où elle est le moins, emportée qu’elle fut et perdue dans l’énergique torrent de la circulation chrétienne et française ! […] Il ajoute encore : « Il n’est plus permis de douter que l’idéal de la chevalerie ne soit tout celtique », et il finit par assurer « que les tendances de l’esprit celtique se retrouvent dans les manifestations de l’esprit français », conclusion qui embrasse tout et qui ne va à rien moins qu’à la plus insolente négation, et la plus hypocrite, de tous les mérites chrétiens du Moyen Âge, le temps le plus détesté par les philosophes, parce qu’il est le plus catholique de tous les temps, de ce Moyen Âge auquel on essaie de voler sa gloire, quand il est impossible de la nier ! […] Quand il s’agit de la question de l’Église, en ces différents règnes, on retrouve M. 

162. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

III C’est ce quelque chose d’inaliénablement chrétien, et qu’on pourrait retrouver partout dans Michelet, qui donne à ce livre des Soldats de la Révolution toute sa valeur et toute sa saveur. […] Malheureusement, à plus d’une place encore, le Michelet qui a gâté l’autre Michelet, le Michelet primitif, s’y montre, et on y retrouve l’homme de parti, le philosophe, l’utopiste démocratique, le déchristianisé enfin. […] il était impossible de ne pas l’y retrouver.

163. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

La Louise 10 d’Édouard Gourdon est, au contraire, une œuvre courte, fine, passionnée, sans grands événements extérieurs, un de ces livres dont le sens se perd un jour mais se retrouve l’autre, car il est éternel comme le cœur ; livres brefs, mais pleins, qui n’ont besoin pour intéresser le lecteur que d’une seule situation profondément creusée ou d’un seul sentiment éloquemment exprimé. […] , pour la retrouver plus tard dansant des fandangos (toujours des fandangos !) […] ce n’était donc pas une vaine affectation que l’incurable mélancolie de Chateaubriand dont se moquait Beyle, aussi triste que lui pourtant, puisque j’en retrouve la désespérance fatiguée dans les yeux de ce ferme soldat, à la martiale candeur et à la tonique ignorance.

164. (1933) De mon temps…

Jean Gigout les traversait à la brune, pour aller retrouver Mme de Balzac qui avait des bontés pour lui. […] Je n’y retrouve pas les traits que Manet fixa dans le portrait du Musée de Dijon. […] Parmi ses collections napoléoniennes on y retrouvait le grognard et aussi le grand bourgeois soucieux d’un luxe solide et d’une table finement servie. […] Aussi retrouvait-il en Espagne une atmosphère qui ne lui était pas étrangère. […] A Paris, Toulet retrouva les difficultés de vie qui l’en avaient momentanément éloigné.

165. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Delille, à quelques égards son successeur, n’hérita que de la partie légère et brillante de son sceptre ; il y rattacha des rubans retrouvés, rajeunis, du goût de Fontenelle et de Voiture. […] Où se trouvait alors, est-il vrai de dire, ce rayon, ce sentiment du style poétique, si l’on excepte Le Brun, qui en avait l’instinct, l’intention, et André Chénier naissant, qui allait le retrouver ? […] On les oublie ensuite, et on croit les retrouver pour son compte, en supposant chez les contemporains une unanimité d’admiration qui n’a jamais existé. […] Même dans ces éloges des amis triomphants de Delille, nous retrouverions toutes les critiques suffisantes sur l’absence de composition et les hasards de marqueterie de ses divers ouvrages. […] Le caractère gentil et peureux de l’abbé, et sa facilité d’oubli, s’y retrouvent assez au naturel.

166. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

. —  Comment Tennyson retrouve les songes et le style de la Renaissance. […] Comment Tennyson retrouve la naïveté et la simplicité de l’ancienne épopée. —  Les Idylles du roi. […] Toutes les formes et toutes les idées qui venaient de plaire se retrouvaient chez lui, mais épurées, modérées, encadrées dans un style d’or. […] Nous avons retrouvé l’accent libre de l’émotion pleine, et nous avons reconnu une voix d’homme dans ces vers sur Locksley Hall : Sa joue était pâle et plus mince qu’il ne fallait pour son âge ; —  et ses yeux, avec une attention muette, étaient suspendus à tous mes mouvements. […] Chacun retrouvait en lui ses propres sentiments, les plus fugitifs, les plus intimes ; il s’abandonnait, il se donnait, il avait les dernières des vertus qui nous restent, la générosité et la sincérité.

167. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Le sonnet funéraire de Pétrarque, jeté par lui dans son cercueil et retrouvé quand ce cercueil fut ouvert, atteste ce droit d’Avignon à s’appeler la patrie natale de Laure. Le testament également retrouvé d’Audibert de Noves, qui mourut jeune comme sa fille, parle de Laure, sa fille aînée, à laquelle il lègue 6 000 liv. tournois pour sa dot. […] Ce séjour fut charmant, mais court ; l’image de Laure, un moment oubliée, le rappelait comme à son insu à Avignon ; il y revint ; en la retrouvant, il retrouva son délire. […] La pensée me souleva dans cette partie du ciel où vit celle que je cherche et que je ne retrouve plus sur la terre. […] Comment se fait-il que M. de Chateaubriand, qui a cru retrouver l’accent du christianisme dans les délires sensuels de la Phèdre de Racine, ne l’ait pas reconnu tout entier et mille fois plus immatériel et plus mystique dans Pétrarque ?

168. (1926) L’esprit contre la raison

On le retrouve en 1986 aux éditions Pauvert avec d’autres écrits surréalistes de Crevel réunis par Michel Carassou et Jean-Claude Zylberstein, précédé d’une présentation remarquable d’Annie Le Brun : « Un palmier rose vif ». […] Mais nos visions inquiètes, au seuil des matins et des songesae, voilà justement où nous retrouvons ce qui reste en nous de grandeur. […] On retrouve par exemple les « poèmes blancs sur blanc » de Paul Éluard associés à un vers de Saint-Léger dans « Merci, Paul Klee » édité pour la première fois à Berlin par la Galerie Albert Fleichtheim en mars 1928, op. cit. […] On retrouvera Lafcadio chez Crevel dans Le Clavecin de Diderot : « Lafcadio, en jetant par la portière une créature falote, jette un défi à la société. […] Les « pourritures avantageuses », formule saisissante, retrouve le lexique de la décomposition lié plus haut à la Camargue barrésienne: tout l’essai file ainsi l’idée d’une Raison du côté de la mort et, pire, d’une mort lucrative.

169. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

On aurait retrouvé, soi aussi, quelque chose de sa parole et de son éblouissement ; on aurait reçu le choc et l’étincelle. […] Elle aime Paris, la société, la conversation, elle ne peut s’en passer ; comme à Mme Du Deffand, dès qu’elle est seule ou peu entourée, le fantôme de l’ennui se dresse à ses yeux et l’épouvante ; elle est vulnérable par là plus qu’on ne peut dire : Clorinde, même quand elle combat, se retrouve tout à coup plus faible qu’une Herminie. […] J’ai recours sans cesse à la prière… » Sismondi, qui n’était pas dans le secret et qui, homme excellent et loyal, n’avait peut-être pas une certaine délicatesse qui devine ce qu’on ne dit pas, se plaignait de son côté de ne pas retrouver auprès d’elle le même agrément, les mêmes attentions que dans les anciennes années moins éprouvées. […] Dans la poésie la plus vantée, elle ne retrouvait pas d’idée, et dans la conversation point de sentiment. » Car elle voulait du sentiment aussi et avant tout, mêlé aux idées, avec des éclairs de gaieté fugitive, quantité de rapports fins, subtils, déliés, des anecdotes d’une application spirituelle et imprévue, de soudains essors et comme des flammes vers les plus hauts sommets ; mieux que des aperçus, des considérations politiques et historiques, fortement exprimées, mais sans s’y appesantir ; des images même, qui peut-être n’auraient point paru des images en plein soleil, mais qui en faisaient l’effet dans un salon ; puis tout à coup (car c’était une femme toujours) un soupir romanesque jeté en passant, et quelque perspective lointaine vaguement ouverte sur la destinée, les peines du cœur, les mystères de la vie ; un coin mélancolique à l’horizon.

170. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

C’est un caractère dont la clef ne me paraît pas retrouvée : elle est comme tombée à jamais dans ce gouffre du Forum rouvert sous ses pas. […] Mérimée s’étonne à la fois et de la patience prolongée de l’Italie et de l’aveuglement de Rome ; il en retrouve plusieurs causes dans l’organisation politique, bien différente des deux côtés. […] Mais ce dont nous ne lui savons pas moins de gré, c’est d’avoir, avec quelques traits simples, authentiques, et sans rien prêter à l’histoire, retrouvé et comme restauré les caractères de ces chefs vaillants, un Vettius Scaton, un Pompædius Silon, un Papius Mutilus, un Pontius Télésinus. […] Mérimée a retrouvé, dans le personnage principal, une de ces figures qu’il excelle à dessiner.

171. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Le faible ou le commun, qui se retrouve si vite au-delà de la première couche chez cet auteur spirituel, a été, en général, l’écueil de la littérature de son moment. […] Sur ce sujet qui nous semble de notre ressort et de notre métier, et sur lequel, à force d’y avoir repassé, il nous est impossible désormais de retrouver notre première impression, soyez sûr que cet esprit bien fait, nourri dans d’autres habitudes, longtemps exercé dans d’autres matières, trouvera du premier coup d’œil quelque chose de neuf et d’imprévu qu’il sera utile d’entendre, surtout quand ce bon esprit, comme dans le cas présent, est à la fois un esprit très-délicat et très-fin. […] On avait plaisir, en l’écoutant, à retrouver le vieil ami de Chateaubriand et de Fontanes, celui à qui M. Joubert adressait ces lettres si fructueuses et si intimes, un esprit poli et sensé qui, dans sa tendre jeunesse, parut grave avant d’entrer aux affaires, et qui toujours se retrouve gracieux et délicat en en sortant.

172. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Peu après, Mallarmé fut nommé professeur d’anglais à Tournon, puis à Avignon et c’est là que Mendès et Villiers le retrouvent, après une séparation de sept ans, installé avec sa femme et sa fille, « dans une petite maison rose, derrière des arbres ». […] On le retrouve isolé à Paris en 1873. […] Il y retrouvait le même chaos de ratures et de surcharges, la même création de néant et il ne put se retenir de penser que Mallarmé « avait essayé d’élever enfin une page à la puissance du ciel étoilé ». […] André Thérive retrouve son influence jusque chez les néo-classiques contemporains.

173. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Le biographe aime à y retrouver la couleur première de cette imagination douce et pure. […] Droz n’était point ainsi ; il avait respiré et non cueilli la jeunesse dans sa fleur ; il eut le fruit, et il se disait avec Montaigne, et goûtant comme lui chaque chose en sa saison : « J’en ai vu l’herbe, et les fleurs, et le fruit ; et j’en vois la sécheresse : heureusement, puisque c’est naturellement. » Je l’ai entendu un jour, à quelqu’un qui se plaignait de l’ennui de vieillir, exposer les douceurs et les avantages de la vieillesse, en homme qui ne se souvenait pas du traité de Cicéron, mais qui le retrouvait. […] Le moraliste se retrouve en plus d’un endroit sans excès d’optimisme ; l’économiste vient en aide à l’historien pour l’exposé lucide des questions financières. […] Droz, et qu’il désigne volontiers comme ayant entrevu d’avance le but le plus raisonnable de la Révolution française, est celui de Mounier, Malouet, Lally-Tollendal, Clermont-Tonnerre, le groupe des impartiaux qui voulaient alors deux Chambres et une monarchie constitutionnelle, cette fameuse monarchie tant de fois définie, toujours désirée et insaisissable, qu’on crut posséder un moment sous la Restauration, qu’on se flatta d’avoir retrouvée et reconstruite sous main pendant les dix-huit années de Louis-Philippe, et que des spéculatifs peut-être caressent en idée et rêvent encore.

174. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Par exemple, le paragraphe sur la Terreur que j’ai cité précédemment, et qu’on lit d’abord dans sa brochure de La Révision des jugements (1795), se retrouve textuellement au dernier chapitre de son livre sur L’Usage et l’Abus de l’esprit philosophique. Il eût à prononcer au Conseil des Anciens un rapport concernant le divorce, et il y traçait une théorie du mariage qui se retrouve en entier et littéralement, sauf de légères variantes, dans son Discours préliminaire sur le projet de Code civil. De même, dans son premier discours sur le Concordat (5 avril 1802), on retrouve fondus, mais dans une expression toute pareille, les beaux passages que nous avons déjà notés dans son discours au Conseil des Anciens en faveur des prêtres non assermentés. […] Il chercha d’abord un asile en Suisse, à Zürich, où il connut l’ingénieux observateur Lavater, Meister, ancien secrétaire de Grimm, homme aimable, écrivain distingué en français, et qui n’avait pris du xviiie  siècle que ce qu’il avait de fin et d’honnête ; Mallet du Pan, qu’il retrouva ensuite à Fribourg-en-Brisgau, et avec qui il contracta une liaison de tendre attachement et d’estime.

175. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Au sortir de Namur, à Liège, on a la touchante et pathétique histoire de cette pauvre jeune fille, Mlle de Tournon, qui meurt de douleur d’avoir été méconnue et trahie par son amant qu’elle allait retrouver avec confiance, et qui lui-même, se ravisant trop tard et raccourant pour la consoler, ne rencontre plus que son cercueil. […] Elle aimait avant tout ces sphères d’enchantement, ces îles Fortunées, mi-parties d’Uranie et de Calypso, et elle chercha à les retrouver, à les reproduire dans tous les lieux et sous toutes les formes, soit à sa cour de Nérac, soit dans les rochers d’Usson, soit même finalement dans ce beau jardin le long de la Seine où est aujourd’hui la rue des Petits-Augustins, et où elle tâchait de tromper la vieillesse. […] Depuis lors sa vie ne retrouva plus jamais sa première et riante félicité. […] La reine Marguerite revint d’Usson à Paris en 1605 ; c’est ici que nous la retrouvons sous sa forme dernière, et un peu tournée en ridicule par Tallemant, écho du nouveau siècle.

176. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

L’humble religieuse lui aurait pour toujours engravé dans l’âme ce Christianisme fécondant sans lequel il n’y a dans la vie intellectuelle ni consistance, ni force réelle, ni grandeur, ni même gravité, et il aurait plus tard retrouvé, à coup sûr, toutes ces puissances-là, à l’heure où se déclara son ardente vocation littéraire. […] Ce radieux Arlequin intellectuel, qui avait beau être critique et professeur se retrouvait toujours Arlequin, et jouait de la batte de son esprit avec de si brillants et de si gracieux moulinets, regrettait que cette batte ne fût pas le sceptre qu’on aurait respecté, s’il avait pesé davantage. […] L’Angleterre politique, évoquée dans ce volume et considérée dans quelques-uns de ses écrivains politiques et littéraires, a ravivé l’Anglais qui était entré dans Chasles avec la profondeur des premières impressions de sa jeunesse, passée à Londres, et qu’on retrouvait parfois dans les réfléchissements et les scintillements d’une nature essentiellement réverbérante, mais qui n’y était qu’à l’état de rayon, intersecté par tant d’autres rayons. […] Il y avait la largeur, l’épanouissement, la chaleur, le mouvement des idées, l’abondance, la plénitude et la richesse cultivée du langage, la faculté de grouper les choses les plus éloignées dans une époque de l’histoire littéraire ou politique et de les ramasser dans un centre lumineux qui les éclaire en les étreignant, toutes qualités qui se retrouvent dans Chasles à des degrés presque identiques.

177. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Malheureusement, dans la vie de la pensée, c’est aussi triste que dans celle du cœur : on ne retrouve pas ce qu’on a laissé, même quand on y revient. Vigny, ce grand coupable aux yeux qui l’aiment, ne devait plus jamais retrouver que quelques flocons tombés des ailes de l’Ange qui s’en était allé pendant que son poète regardait la terre, et vous le verrez tout à l’heure. […] Probablement c’est sa vertu, mais c’est certainement son génie, le génie d’Éloa, retrouvé partout dans son poète. […] Maintenant que le Beaumanoir s’est démasqué, après son rude combat contre la vie, on n’a retrouvé au fond du masque que la noirceur du désespoir, et c’est là ce qui fera la physionomie d’Alfred de Vigny supérieure à celle de tous les poètes de son temps, qui n’ont pas souffert d’une blessure si haute et si profonde que lui.

178. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

La forme de la dent entraîne celle du condyle, celle de l’omoplate, celle des ongles, tout comme l’équation d’une courbe entraîne toutes ses propriétés ; et de même qu’en prenant séparément chaque propriété pour base d’une équation particulière, on retrouverait et l’équation ordinaire et toutes ses autres propriétés quelconques, de même l’ongle, l’omoplate, le condyle, le fémur et tous les autres os pris séparément, donnent la dent et se donnent réciproquement101. […] Je n’ai plus besoin de le regarder, je le retrouverai par raisonnement au besoin. […] Doigts, carpe, métacarpe, cubitus, radius, humérus, os de l’épaule, toutes ces parties se retrouvent chez tous ces animaux, à la même place et avec différents usages, employées tantôt à saisir, tantôt à soutenir, tantôt à voler, tantôt à nager. […] Ils se sont envolés d’un bond dans la loi première, et, fermant les yeux sur la nature, ils ont tenté de retrouver, par une déduction géométrique, le monde qu’ils n’avaient pas regardé.

179. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Par la grâce naïve, par l’inspiration spirituelle et tendre, par l’émotion voluptueuse et philosophique à la fois qui animent ses pièces légères, le génie d’Anacréon se rapproche du génie français, tel surtout que nous le retrouvons dans nos vieux rimeurs. […] Mais Anacréon leur réussit bien mieux à imiter que Pindare ou Virgile, ils retrouvaient en lui des sentiments déjà familiers à notre poésie, et que la langue de Marot était capable d’exprimer sans innovation grecque et latine.

180. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Spontanéité retrouvée aux sources populaires. […] Moréas avaient retrouvé la veine oubliée de la chanson, mais avec peut-être trop de visible littérature, trop peu d’apparent abandon. […] Mais c’est parce que, pendant si longtemps, nous avons négligé de regarder à nos pieds, c’est pour cela que nous pouvons malaisément aujourd’hui retrouver tout ce qui s’épanouit à même notre terre. […] Je retrouve cette phrase que j’écrivais dans la Wallonie en 1890 : « Le lyrisme doit découler de M. de Régnier comme le vin d’une amphore. […] J’ai retrouvé par hasard le nom de Griffin parmi ceux des prisonniers anglais à la bataille de St-Cast.

181. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Ici, je retrouve confiance pour affirmer que la nouveauté me paraît entière, et d’une importance formidable. […] Est-ce que, jusque dans la passion, il n’y a pas de moments où nous ne retrouvons absolument plus rien de cette passion, où elle nous paraît une pure construction de notre esprit ? […] Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. […] Mais sa trace se retrouve à travers toute l’œuvre. […] Ayant fait le tour du château, je le retrouvai à la même place, regardant fixement les roses.

182. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Qu’il y ait eu de l’arrangement et de la symétrie jusque dans le désordonné des peintures ; que les paysages soient tout composites, et ne se retrouvent nulle part, avec tout cet assemblage imaginatif, dans la nature même et dans la réalité ; qu’à côté de ces impossibilités d’histoire naturelle, il y ait des anachronismes non moins visibles dans les sentiments ; qu’il y ait des effets forcés et voulus ; que, sous prétexte d’innovation, l’auteur moderne ait sans cesse des réminiscences de l’Antiquité ; qu’il parodie souvent Homère et Théocrite en les déguisant à la sauvage, tout cela est vrai ; et il est vrai encore que les caractères de ses deux personnages principaux ne sont pas consistants et qu’ils assemblent des qualités contraires, inconciliables, tenant à des âges de civilisation très différents. […] Toutes les contradictions qui se rencontrent dans le caractère de René se retrouvaient également, à quelques variantes près, dans celui de bien des jeunes gens d’alors, surtout quand la lecture de René les en eut avertis.

183. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Là, et dans ses sonnets de couleur, il faisait montre d’une belle virtuosité où l’on retrouvait à la fois Banville et Coppée, mais il exagérait dans ses vers d’amour, lorsqu’il affectait les langueurs d’un amant éconduit, accablé de sa disgrâce, et quand, pour apitoyer les âmes sensibles il présageait sa fin prochaine : Et je ne vivrai pas du reste bien longtemps. […] Nous les retrouverons tout à l’heure, descendus de leur tour d’ivoire, l’un pour susciter les foules et y répandre son vœu de justice, l’autre pour assurer l’ordre du vieux lyrisme français et le rétablir dans ses droits.

184. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVI. Jésus au tombeau. »

Le même étonnement se retrouve dans le récit de Marc 1200. […] Un autre ami secret, Nicodème 1207, que déjà nous avons vu plus d’une fois employer son influence en faveur de Jésus, se retrouva à ce moment.

185. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Le pèlerin arrive à son village : la première personne qui vient au-devant de lui, c’est sa femme relevée de couches, c’est son fils retrouvé, c’est son père rajeuni. […] On retrouve ici quelques traces du culte touchant des lares, et l’on se rappelle la fille de Laban, emportant ses Dieux paternels.

186. (1913) Poètes et critiques

Et en France, aussi bien qu’ailleurs, la poésie la plus pure, la plus inédite, se retrouve dans la chanson, non pas dans la chanson des Désaugiers, des Panard et des Béranger, mais dans celle qui sort des entrailles mêmes du peuple. […] Richepin en a fait deux minuscules chefs-d’œuvre : il est facile de retrouver les distiques un peu desséchés qu’il a fait refleurir, et qui ont répandu pour nous comme un parfum nouveau. […] Nous retrouvons l’écho d’Eschyle jusque dans la sonorité superbe du drame de Nana-Sahib. […] En 1906, une brochure, Anticléricalisme et Catholicisme, devance le volume intitulé Livres et questions d’aujourd’hui, qui se publie la même année et où cette première étude se retrouve. […] La silhouette un peu farouche du répétiteur de l’institution Lelarge, impatient de renommée et de pouvoir, telle que je la retrouve à travers les vieux souvenirs d’une conversation avec Jean Richepin, mériterait d’être fixée.

187. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Et quoi de plus propre à cet effet non-seulement que la reproduction fidèle des modèles grecs, mais aussi que la multitude d’efforts, de souplesses de tour et de grâces de langue qu’il faudrait retrouver ou acquérir en les rendant ! […] Jusqu’à l’autre extrémité des beaux âges de la littérature grecque, au lendemain même de Théocrite, on retrouverait des accents de cette simplicité touchante, ce naïf et ce fin qui pénètre comme en chaque veine de cette poésie au sortir d’Homère, et qui survécut longtemps, même après que le grand s’en fût retiré. […] Le véritable texte de la collection de Constantin Céphalas, retrouvé à Heidelberg par Saumaise en 1606, demeura longtemps inédit et à la portée seulement d’un petit nombre d’initiés. […] C’est là, nous dit Brunck, qu’on aurait retrouvé en entier ces idylles ou petites pièces des plus inventifs et des plus accomplis poëtes, l’admiration et les délices de toute l’antiquité, de ceux dont nous sommes accoutumés à vénérer les noms, et dont il ne nous est arrivé que de rares débris encore plus faits pour enflammer nos regrets que pour nous donner la mesure des pertes. […] Quand on voit chez les Grecs, à partir des Alexandrins, de telles subtilités ingénieuses pénétrer et corrompre la poésie, même celle qui reste à tant d’égards charmante encore, on est tenté de se demander si cette veine sophistique, transmise par les Latins, et qu’en retrouve tout à l’extrémité de leur littérature dans Ausone, n’aurait point pu s’infiltrer d’une manière ou d’une autre jusqu’à ceux des beaux-esprits provençaux ou italiens du moyen âge, qui ont recommencé comme les autres ont fini.

188. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Quatorze trilogies : les Prométhées, dont faisait partie Prométhée enchaîné ; les Sept Chefs devant Thèbes, dont il nous reste une pièce ; la Danaïde, qui comprenait les Suppliantes, écrites en Sicile et ayant trace du « sicélisme » d’Eschyle ; Laïus, qui comprenait Œdipe ; Athamas, qui se terminait par les Isthmiastes ; Persée, dont le nœud était les Phorcydes ; Etna, qui avait pour prologue les Femmes Etnéennes ; Iphigénie, qui se dénouait par la tragédie des Prêtresses ; l’Éthiopide, dont les titres ne se retrouvent nulle part ; Penthée, où étaient les Hydrophores ; Teucer, qui s’ouvrait par le Jugement des armes ; Niobé, qui commençait par les Nourrices et s’achevait par les Gens du cortège ; une trilogie en l’honneur d’Achille, l’Iliade tragique, composée des Myrmidons, des Néréides et des Phrygiens ; une en l’honneur de Bacchus, la Lycurgie, composée des Édons, des Bassarides et des Jeunes hommes. […] Nous qui parlons, nous avons retrouvé et constaté à La Haye, dans une vitrine du musée japonais, l’impossible serpent de l’Orestie ayant deux têtes à ses deux extrémités. […] Vous retrouvez ici « l’Alleur » de Shakespeare. […] Ces copies, enfouies, mais non détruites peut-être, ont entretenu l’espérance persistante des chercheurs, notamment de Le Clerc, qui publia en Hollande, en 1709, les fragments retrouvés de Ménandre. Pierre Pelhestre, de Rouen, l’homme qui avait tout lu, ce dont le grondait l’honnête archevêque Péréfixe, affirmait qu’on retrouverait la plupart des poëmes d’Eschyle dans les librairies (bibliothèques) des monastères du Mont-Athos, de même qu’on avait retrouvé les cinq livres des Annales de Tacite dans le couvent de Corwey, en Allemagne, et les Institutions de Quintilien dans une vieille tour de l’abbaye de Saint-Gall.

189. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Taine de se retrouver dans le livre qu’il vient de publier… M.  […] pas de force pour en exprimer tout le suc et en faire sa chimie historique, l’historien se retrouve pourtant, malgré les prétentions à l’impersonnalité du savant. […] Taine, et que je retrouve identiquement dans l’historien, c’est ce métaphysicien-là que je n’eusse pas voulu y voir. […] Pour ces aïeux des révolutionnaires d’aujourd’hui, qui se sont retrouvés, aux jours derniers de la Commune, du sang de leurs pères dans la veine, la Révolution, c’est le brigandage ! […] Il y a, par exemple, contre Saint-Just et contre Marat, quelques traits qui sont des portraits en quelques traits ; mais ce n’est que dans la dernière page de ce livre robuste que nous retrouvons pleinement l’écrivain qui s’était si fièrement comprimé et étouffé jusque-là.

190. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Quelques-uns, non dénués de mérite, mais faibles et qui cédèrent, y brisèrent leur nerf, leur ressort d’énergie et d’honneur ; ils ne l’ont jamais retrouvé depuis. […] Ailleurs ils éveillèrent de la curiosité, et rencontrèrent sympathie même, chez quelques esprits libéraux et indépendants, qui n’avaient pas renoncé à la pensée religieuse première, retrouvée par le siècle en son berceau. […] Tout cela se retrouve ou devrait se retrouver en nous, vers la fin de la vie, avec un rafraîchissement et un ravivement de souvenirs mêlés d’une secrète tendresse.

191. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Horace Vernet, adopté dès ses débuts par le sentiment national, l’a retrouvé fidèle à sa dernière heure. […] Et cependant, s’il y ressongeait quelquefois, retrouva-t-il jamais, même dans les triomphes que lui ménageait l’avenir, même dans les années de son ambassade académique à Rome, même dans ses vaillantes campagnes à l’armée d’Afrique, même dans sa haute faveur à la Cour de Russie, retrouva-t-il jamais ce premier entrain, cette fraîcheur et cet enchantement des dix premières années de sa carrière, lorsqu’il semblait que l’âme de la jeune armée expirante en 1814 et 1815 eût passé en lui et sur ses toiles, lorsque tout était jeune autour de lui, que ces brillants officiers des derniers jours de notre gloire n’étaient pas encore devenus de vieux beaux ou des invalides plus ou moins illustres, lorsque l’Art lui-même s’avançait personnifié dans un jeune groupe à physionomies distinctes, mais avec tout l’incertain et l’infini des destinées : Delacroix, Delaroche, Schnetz, Léopold Robert, Sigalon, Schefler, tous figurant au Salon de 1824, et Horace Vernet comme un frère d’armes au milieu d’eux ! […] Mais que ce premier groupe confus, où se dessinaient tant de promesses, et s’avançant sous une inspiration commune, sous un même souffle, avant les divisions et les rivalités introduites bientôt par la critique, avait pourtant un charme, une nouveauté, un air d’union et de force, quelque chose dont l’impression ne s’est plus retrouvée depuis à ce degré, même quand chacun s’est ensuite développé dans sa voie !

192. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Jal, vers le même temps, retrouvait l’extrait de baptême de La Bruyère, et il voulut bien le communiquer à MM.  […] Fournier renouvelle ces remercîments avec effusion : « Paris, dit-il, retrouve en La Bruyère un illustre enfant de plus. […] Mais il n’y a pas là, après tout, de quoi sonner toutes les cloches de Paris, comme si l’on avait retrouvé l’extrait de naissance d’Homère. […] Nul doute qu’il n’en retrouve quelques-unes.

193. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ces qualités, que l’auteur croit retrouver exprimées jusque dans les formes de l’église dédiée à sainte Élisabeth, il les a lui-même portées dans son récit. […] En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poëtes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël. […] Je retrouve dans des notes, écrites pour moi seul, le portrait suivant qui, si je ne me trompe, doit être le sien quand il avait vingt-cinq ans : « Phanor est honnête, élevé de cœur, il a du talent, mais point d’originalité vraie ; et quelle suffisance ! […] Les véhémences et les splendeurs de ce talent, il les a autant que jamais et au même degré ; son théâtre oratoire lui manquant, il les a retrouvés et ressaisis par sa plume ; il les applique diversement et avec une vigueur égale dans ses grands morceaux de considérations politiques et dans ses livres.

194. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

» La France, qui faillit payer ce cheval un peu trop cher, allait retrouver son compte aux Messéniennes. […] Mais il me semble, et ne vous semble-t-il pas également, Messieurs, qu’après quelques années peut-être, après des orages bien moindres sans doute que n’en eurent à supporter les vaillants adversaires, et durant lesquels se serait achevée cette lente épuration idéale, telle que je la conçois, le poëte tragique perfectionné et persistant aurait retrouvé un public reconnaissant et fidèle, un public grossi, et bien mieux qu’un niveau paisible, je veux dire un flot remontant qui l’aurait repris et porté plus haut. […] bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style, qu’il se fût moins permises auparavant, et dont la trace se retrouve évidente chez lui à dater de son Louis XI. […] (Il m’était arrivé rarement, trop rarement, avant ce Discours, d’écrire sur Casimir Delavigne ; je l’avais pourtant fait en deux circonstances, l’une déjà bien ancienne, dans le Globe, à l’occasion des Sept Messéniennes de 1827, et une autre fois assez récemment dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de la Popularité (1838) ; je ne crains pas de donner ci-après, en appendice, ces deux morceaux dans lesquels, avec la différence du ton, on retrouvera exprimées plusieurs idées qui chez moi ne sont pas si nouvelles ; de tout temps, par exemple, j’ai pensé que la vocation de Casimir Delavigne était d’être classique.

195. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Je m’étais toujours figuré, je l’avoue, un rôle tout autre pour un homme de l’école moderne, de cette jeune école un peu vieillie, qui se serait mis sur le retour à étudier de près les Anciens et à déguster dans les textes originaux les poëtes : c’eût été bien plutôt de noter les emprunts, de retrouver la trace de tous ces gracieux larcins, et de nous initier à l’art charmant de celui qui se plaisait souvent à signer : André, le Français-Byzantin. Sans doute, en considérant avec détail les maîtres, on aurait pu trouver plus d’une fois que l’imitateur n’avait pas tout rendu, qu’il était resté au-dessous ou pour la concision ou pour une certaine simplicité qui ne se refait pas ; c’est l’inconvénient de tous ceux qui imitent, et Horace, mis en regard des Grecs, aurait à répondre sur ces points non moins que Chénier ; mais tout à côté on aurait retrouvé chez celui-ci les avantages, là où il ne traduit plus à proprement parler, et où seulement il s’inspire ; on aurait rendu surtout justice en pleine connaissance de cause à cet esprit vivant qui respirait en lui, à ce souffle qu’on a pu dire maternel, à cette fleur de gâteau sacré et de miel dont son style est comme pétri, et dont on suivrait presque à la trace, dont on nommerait par leur nom les diverses saveurs originelles ; car, à de certains endroits aussi, ne l’oublions pas, l’aimable butin nous a été livré avant la fusion complète et l’entier achèvement. […] remy, à retrouver, dans un sujet où le poëte a entrepris de faire chanter Homère, quelques-unes des beautés empruntées aux poèmes de son héros ?  […] Cette sensibilité se retrouve dans l’harmonie même des mots comme elle et près d’elle répétés à dessein.

196. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Durkheim et son école, sont proprement sociologiques en ce qu’elles se retrouvent dans tous les ordres de faits sociaux, en ce qu’elles régissent les masses sociales et sont indépendantes des individus qui les subissent. […] L’individu retrouve dans chacune d’elles, en partie les mêmes associés ou collègues ; il y retrouve surtout les mêmes sentiments, les mêmes idées, la même morale, les mêmes préjugés, les mêmes mots d’ordre. […] L’individu qui s’est attiré la malveillance ou les rancunes plus ou moins intelligentes d’une de ces sociétés — tout en étant contraint par des raisons économiques, je suppose, d’y rester attaché — cet individu aura beau changer de résidence ; il retrouvera dans sa nouvelle résidence les mêmes hostilités, la même mauvaise note administrative, sociale et mondaine qui l’aura suivi ; la même défiance, le même mot d’ordre hostile, la même mise en quarantaine.

197. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Si bien des choses étaient déjà gâtées à la fin du xviie  siècle et pendant tout le xviiie , le langage du moins y était encore bon, la prose surtout s’y retrouvait excellente quand c’étaient Voltaire et ses proches voisins qui causaient ou qui écrivaient. […] Elle fait actuellement la revue de ses Principes : c’est un exercice qu’elle réitère chaque année, sans quoi ils pourraient s’échapper, et peut-être s’en aller si loin, qu’elle n’en retrouverait pas un seul. […] Tout à côté, Mme du Châtelet parlera de lui comme d’un enfant, avec sollicitude, avec tendresse : « Nous sommes quelquefois bien entêté, dit-elle en souriant, et ce démon d’une réputation que je trouve mal entendue ne nous quitte point. » Dans ces lettres à d’Argental, nous retrouvons la Mme du Châtelet passionnée et tendre, celle que Voltaire nous a si bien peinte en deux mots, « un peu philosophe et bergère ». […] Nous en retrouvons la trace et le témoignage dans un petit traité qu’elle écrivit vers ce temps Sur le bonheur.

198. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

nous retrouvons le même excellent jugement dans la manière dont Pasquier en parle avant de l’avoir contracté. […] Il y avait là-dedans un principe organique qui semblait fait pour donner vie et consistance à une classe moyenne, à cette classe que nous avons vue essayer mainte fois de se constituer et de se reformer depuis sous divers noms, mais qui n’a plus su retrouver solidité en elle, ni moralité élevée. […] Il s’y retrouva vif, enjoué, ressaisi de l’amour des vers, des épigrammes latines ou françaises, et s’en égayant, comme autrefois, au milieu des lectures sévères. […] Ici encore on le retrouve fidèle à son esprit de voie moyenne et de prudence pratique élevée.

199. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Quoi qu’il en soit du procédé, on a cette suite de lettres, auquel il s’en est ajouté depuis beaucoup d’autres, et plus anciennes, et plus récentes ; de telle sorte que la vie de Courier se retrouve peinte en entier dans sa correspondance. Des lettres ainsi refaites et retouchées laissent toujours à désirer quelque chose, je le sais bien ; elles n’ont pas la même autorité biographique que des lettres toutes naïves, écrites au courant de la plume, oubliées au fond d’un tiroir et retrouvées au moment où l’on y pense le moins : mais Courier, homme de style et de forme, n’a guère dû faire de changements à ses épîtres que pour les perfectionner par le tour ; ses retouches et ses repentirs, comme disent les peintres, n’ont pas dû porter sur les opinions et les sentiments qu’il y exprime, et le travail qu’il y met, le léger poli qu’il y ajoute n’est qu’un cachet de plus. […] Je ne m’ennuie que quand on me force à les quitter, et je les retrouve toujours avec plaisir. […] [NdA] Le Déiphobe, fils de Priam, qu’Énée retrouve aux enfers tout mutilé du sac de Troie, sans mains, sans oreilles, sans nez (et truncas inhonesto vulnere nares).

200. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Seul, peut-être, l’auteur de l’Histoire de la Comédie pourrait nous dire à quel degré ont fléchi ses facultés premières, dont je retrouve avec tant de joie la trace étincelante dans son livre, et quel parti il pourrait en tirer encore si jamais il était las de son métier de casseur de mots, plus dur, selon moi, que celui de casseur de pierres. […] — En vain du Méril épuise-t-il toutes les ressources du génie de la recherche et du renseignement sur les pays qui sont placés le plus loin de nous, comme, par exemple, la Chine et l’Inde, il écrit bien moins l’histoire de leurs théâtres que l’histoire des impossibilités d’avoir un théâtre chez ces nations immobiles, stupéfiées par des états sociaux monstrueux… J’ai parlé plus haut d’historien humain retrouvé dans l’historien des mots, dans l’anatomiste des langues. […] Édelestand du Méril, que personne n’a connu autrefois mieux que moi, et que je ne suis pas suspect de louer puisque je ne suis pas un savant et que je déplore qu’il en soit un, a précisément, dans cette Histoire de la Comédie, dont le fond aride ne pouvait être fécondé même par une culture comme la sienne, montré des qualités qu’on n’est pas accoutumé de rencontrer dans un homme qui s’amuse à piquer des têtes, à ne jamais retrouver, dans la métaphysique des grammaires… Spiritualiste ferme et lumineux, esthéticien robuste et sain dans un temps où l’esthétique est devenue je ne sais quelle baveuse maladie particulière aux pédants du xixe  siècle, très capable de nous donner, à propos de la comédie, cette profonde et piquante histoire du rire que j’attendais et qu’il n’a pas faite (la fera-t-il plus tard ?) […] C’est là qu’on sentait d’abord le philosophe, qu’on allait retrouver partout, faisant précéder, comme tout esprit véritablement synthétique, d’une métaphysique son histoire.

201. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Aussi, une fois que l’assemblée s’est séparée, que ces influences sociales ont cessé d’agir sur nous et que nous nous retrouvons seul avec nous-même, les sentiments par lesquels nous avons passé nous font l’effet de quelque chose d’étranger où nous ne nous reconnaissons plus. […] Une pensée qui se retrouve dans toutes les consciences particulières, un mouvement que répètent tous les individus ne sont pas pour cela des faits sociaux. […] Aucune d’elles ne se retrouve tout entière dans les applications qui en sont faites par les particuliers, puisqu’elles peuvent même être sans être actuellement appliquées.

202. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Grâce à Dieu, sa santé se raffermit, dit-on, et, comme les malades qui se retrouvent vivants quand ils ont fait leur testament, Banville, plus poète et mieux portant que jamais, fera mentir le titre de son volume actuel en publiant d’autres ouvrages. […] Les Œuvres complètes qu’il offre à la postérité avec une coquetterie sans courage, — car, de toutes ces pièces, il pouvait en oublier quelques-unes, et le livre y aurait gagné ; les Œuvres complètes ne changent rien à l’opinion exprimée par nous sur les Odelettes, ici retrouvées, et les Odes funambulesques, qu’on n’y retrouve pas.

203. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Après des semaines, ils l’y retrouveront intacte. […] Qu’importe, nous en retrouverons au moins l’équivalent, en sentiments et idées de même ordre. […] L’invention se retrouve et doit toujours se retrouver dans le détail. […] Il est impossible que quelque chose de ces goûts d’enfant ne se retrouve pas dans l’art. […] Nous retrouvons dans l’art chrétien des métaphores de ce genre.

204. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

La France est une belle patrie ; elle a de ces jours où tous les cœurs n’ont qu’un seul vœu, qu’un cri éclatant ; ce sont des journées héroïques, populaires, militaires, même civiles, où l’on se retrouve, où tout se confond ; dates immortelles, véritables époques dans notre histoire ! […] En revenant au discours du Forez, on retrouve là dans la piquante théorie de la noblesse qui, à la bien entendre, n’est plus un privilège et doit se répartir à divers degrés entre tous les individus d’un même pays, une variante ingénieuse pour exprimer ce sentiment patriotique d’union.

205. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

Nous en retrouverons au reste la substance dans les philosophes suivants. […] John Stuart Mill fait remarquer que cette explication se retrouve dans d’autres termes, mais identique quant au fond, chez MM. 

206. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Mais en réalité, si les faits fondamentaux des autres règnes se retrouvent dans le règne social, c’est sous des formes spéciales qui en font mieux comprendre la nature parce qu’elles en sont l’expression la plus haute. […] Sans doute, ce principe se retrouve, sous une forme un peu différente, à la base des doctrines de Comte et de M. 

207. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

On ne retrouve pas les bulles de savon quand elles sont crevées ! […] Il n’a pas compris que son livre, qu’il croyait être une justice, une reconnaissance et à la fois tous les sentiments prosternés, n’était pas en proportion réelle avec cet homme d’ubiquité, cet homme qu’on retrouve partout et qui s’appelle Voltaire.

208. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Sand et les Flaubert, et que l’on retrouve dans les livres les plus personnels de Renan, par exemple dans l’Avenir de la Science.‌ […] Taine, qui exècre le philistin et qui croit le retrouver dans tous les fonctionnaires et dans tous les administrés qu’il rencontre, s’est pris en revanche d’une amitié d’imagination pour un certain type d’Anglo-Saxon qu’il s’est construit et qu’il voit riche, grand consommateur, puissant au travail, ne relevant que de soi-même.‌

209. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

La foi se retrouve ainsi conciliable avec la science. […] Il causait, et l’on retrouvait cette même bonté dans ce redoutable diseur de mots. […] Ses comédies, reprises les unes après les autres, s’étalent retrouvées aussi vivantes qu’au premier jour. […] C’est de là qu’est issu le bouddhisme, et le poète se retrouve bouddhiste à son tour pendant un éclair. […] Cette torture se retrouve constamment chez M. 

210. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il n’a pas le don de se dédoubler, de s’analyser, de méditer sur soi-même ; — du moins n’en retrouve-t-on rien en ses vers. […] On l’y retrouve tout entier avec ses inégalités, ses obscurités, ses absurdités, et ses élans d’éloquence et ses éclairs de génie. […] On la retrouve en ses vers sous ses aspects multiples. […] Elle nous poursuit, nous assassine… Nous la retrouvons embusquée au coin de chaque feuillet. […] Quand elle arrivait au rendez-vous, il la retrouvait refroidie par ses réflexions solitaires.

211. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Ils se retrouvent ici avec des détails nouveaux, relatifs même aux dates de naissance, aux renseignements de famille, d’éducation, etc. […] Je retrouve certains ouvrages, aujourd’hui bien démodés, mais qui autrefois eurent la vogue, et sur lesquels il écrivait ses impressions26. […] Sainte-Beuve retrouva un jour en ma présence et qu’il me fit lire. […] Je retrouve des livres classiques qui ont servi à M.  […] Sainte-Beuve aimait à retrouver là encore son humeur dans celle de son père.

212. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Soit un corps ou un esprit, cette pierre ou cet homme ; il y a un caractère qui relie ses divers moments successifs, un caractère commun qui dans tous se retrouve le même. […] Chose remarquable, malgré les séparations du temps et de l’espace, dans un nombre indéfini d’individus, certains caractères se retrouvent toujours les mêmes. […] Lorsque Oken, rencontrant un squelette de mouton, imagina que le crâne est un composé de vertèbres élargies et soudées, lorsque Goethe, observant des étamines pétaloïdes, supposa que tous les organes de fleur sont des feuilles transformées, lorsque Newton, voyant une pomme tomber, conçut la lune comme un corps pesant qui tend aussi à tomber sur la terre, ils répétaient l’opération mentale et retrouvaient le ravissement du petit garçon qui, voyant des chiens sur l’abat-jour, criait oua-oua. — Entre une vertèbre et le crâne, entre la feuille verte et un pistil ou une étamine, entre la pomme qui tombe et la lune qui chemine dans le ciel, entre le chien de chair et aboyant et la petite figure de l’abat-jour, la dissemblance est énorme ; il semble que les deux représentations diffèrent du tout au tout. […] Il faut d’abord que les éléments mentaux avec lesquels ils sont fabriqués soient calqués exactement sur les éléments des choses réelles ; car alors les éléments de notre moule se retrouveront dans la nature. — Il faut ensuite qu’ils soient très généraux et, s’il se peut, universels ; car, plus ils sont généraux, plus le nombre d’individus ou cas où ils se retrouveront est considérable, et, s’ils sont universels, ils se retrouveront dans tous. — Il faut enfin que la combinaison que nous leur donnons soit aussi simple que possible ; car il y a plus de chance pour que nous la retrouvions dans la nature, puisqu’il suffit alors, pour la produire, d’un minimum d’éléments et de conditions.

213. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

» Mercredi 9 juillet Où l’on retrouve l’amateur. […] Les années de choléra, j’ai été frappé par un certain bleu neutralteinte, bleu violacé, qu’il me semble retrouver dans le ciel, cet an. […] Mardi 7 octobre Je retrouve, de retour de Néris, et d’autres lieux transalpins, je retrouve mon petit Daudet, toujours souffrant. […] Il s’étonnait de ne l’avoir pas retrouvée, et moi il me semblait, aussi, que mon regard n’avait pas rencontré le petit cabinet en laque, de la vente Montebello, acheté pour son compte, par Mallinet, 2 700 francs. […] À cette perspective, l’homme des colonies se retrouve en Belot, et il y a vraiment en sa personne, un peu de la jouissance sensuelle d’un homme de l’équateur, soudainement jeté dans une contrée de bananiers.

214. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

« J’ai été gâté par l’École, écrivait-il à Paradol, le 30 octobre 1851, nous ne la retrouverons nulle part. […] En rentrant à Paris, il ne retrouvait pas sa famille. […] Au point de vue intellectuel, on retrouve en lui l’influence des divers milieux qu’il a fréquentés. […] Par elle il retrouva tout ce qui était nécessaire à sa vie intellectuelle et morale. […] Nous les retrouvons dans des notes de l’École normale de 1831.

215. (1901) Figures et caractères

Au Campo Vaccino il retrouve le Forum.  […] Comme Pétrarque pleurait à Homère retrouvé, Michelet salue Virgile imprimé. […] Oui retrouva sait prévoir. […] On y retrouverait aussi quelque chose de l’accent de M.  […] Paul Adam retrouverait M. 

216. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Ces grandes conversations intérieures, où, tout en y prenant sa petite part, on aime encore mieux se supposer un moment spectateur, sont de ces journées qui laissent la meilleure idée du mérite et même du charme qu’on retrouve toujours dans l’illustre Compagnie. […] l’Académie est encore le lieu de France où l’on parle le mieux de littérature et où l’on en goûte le mieux toutes les aménités. » Mais dans les mois d’hiver, on est moins entre soi : les hommes politiques, absents depuis des mois et dispersés, se retrouvent, se rejoignent, s’y donnent rendez-vous comme dans un salon ; avant chaque séance, des pelotons animés se forment autour de la cheminée et dans le cercle de l’hémicycle : c’est en petit la physionomie d’une Assemblée ; et même alors que la littérature est mise en avant, quand le secrétaire perpétuel, lisant son très beau et très élégant procès-verbal, attend ou réclame le silence, de nombreux apartés se continuent à voix basse et s’obstinent parfois, bien après la séance commencée : pour quelques-uns, l’intérêt visiblement est ailleurs. — Mais bientôt, vers le milieu de l’hiver, après janvier, l’ordre des travaux, l’examen des livres à juger, dont quelques-uns curieux ou importants, la matière académique enfin, force l’attention, occupe et ressaisit tout le monde. […] Il est et il sera impossible de retrouver jamais de qui il s’agit. […] Ces procès-verbaux, si parfaits et souvent plus beaux que nature, dans lesquels chaque membre s’exprime si bien, feront un jour le désespoir des érudits qui voudront retrouver le nom des acteurs et orateurs. […] Son corps, roulé par les flots de la Seine, fut retrouvé à Meulan le 15 février 1829.

217. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

À ce mouvement, à ces formes, à ces rimes inusitées jusqu’alors en poésie française, on est transporté par-delà, et l’on se prend à redire involontairement avec Lamartine dans ces stances de la première pièce de ses premières Méditations : Là je m’enivrerais à la source où j’aspire ; Là je retrouverais et l’espoir et l’amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour… Du Bellay, gêné et comme empêché dès le début, n’a donné que la note : Que songes-tu, mon Âme emprisonnée ? […] On en est moins loin dans le sonnet qui suit, et où l’on retrouve le ton élevé, digne du sujet : Ni la fureur de la flamme enragée, Ni le tranchant du fer victorieux, Ni le dégât du soldat furieux, Qui tant de fois, Rome, t’a saccagée ; Ni coup sur coup ta fortune changée, Ni le ronger des siècles envieux, Ni le dépit des hommes et des dieux, Ni contre toi ta puissance rangée ; Ni l’ébranler des vents impétueux, Ni le débord de ce dieu tortueux, Qui tant de fois t’a couvert de son onde, Ont tellement ton orgueil abaissé, Que la grandeur du rien qu’ils t’ont laissé Ne fasse encore émerveiller le monde. […] Il déclare dans son découragement ne plus avoir souci de la gloire ni de la postérité ; il croit avoir renoncé aux chastes Muses ; mécontent de sa condition et assujetti à la fortune, il gémit de ne plus poursuivre, dans une belle ardeur, le sourire de la docte et gracieuse Marguerite, cette patronne des poètes, et la haute faveur du Prince ou de la Cour ; et c’est précisément alors qu’il se retrouve le plus sûrement lui-même, et qu’en puisant ses vers à la source intime d’où une ambition plus haute le détournait, il nous les offre plus vrais et encore vivants après trois siècles. […] Et je craindrais plutôt de n’en pas dire assez, car Du Bellay devance aussi le d’Aubigné des Tragiques par la sanglante énergie de quelques sonnets qui n’avaient point été imprimés de son vivant, et qui, retrouvés seulement de nos jours, ont été publiés en 1849 par M.  […] Quelques documents inédits, récemment retrouvés à la Bibliothèque de l’École de médecine de Montpellier par M. 

218. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Bosc, et dont on retrouve l’expression assez peu convenable dans la Correspondance avec Bancal (page 12), n’est autre chose au fond, dans sa crudité, que ce jugement instinctif et presque invincible des esprits de race girondine sur ceux de famille doctrinaire, jugement au reste si amèrement rétorqué par ceux-ci. […] Ses Mémoires contiennent de brillants et véridiques portraits de ses amis, un peu à la Plutarque ; mais il est plus curieux de les retrouver saisis par elle dans l’action même et sous le feu de la mêlée, confidentiellement et non plus officiellement, dans le privé et non pour la postérité. […] On retrouve aussi, dans les lettres de consolation, quelques promesses de fidélité à des souvenirs assez intimes ; puis, au retour de Londres, l’expression d’une tendre inquiétude sur la mélancolie prolongée dont elle est témoin : mais tout se termine alors par l’aveu d’une nouvelle passion de Bancal, pour laquelle Mme Roland, en amie généreuse et dévouée, lui prodigue, avec ses conseils, des offres délicates d’intervenir. […] Elle l’est ; on la retrouve telle, sous sa philosophie et sa sagesse, par le besoin d’agir sinon de paraître, de faire jouer les ressorts sinon de s’en vanter. […] On a retrouvé et publié des lettres d elle qu’elle lui écrivait dans sa prison ; et enfin des passages supprimés d’abord, qu’on a rétablis récemment dans le texte de ses Mémoires imprimés, contiennent un aveu formel.

219. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Là je m’enivrerais à la source où j’aspire ; Là je retrouverais et l’espoir et l’amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour ! […] je me serais prosterné devant toi, puis, te prenant dans mes bras, j’aurais prié l’Éternel de te donner le reste de ma vie. » « On retrouve là, adouci à peine, le cri de Chactas dans la forêt, le cri d’Eudore tenant Velléda sur le rocher. […] La France, qui suait le sang sur l’échafaud de la Terreur depuis trois ans, et qui avait horreur et peur d’elle-même, cherchait à retrouver son équilibre et son ordre matériel dans la force de ses armes et dans la pacification de ses doctrines. […] L’instinct leur révéla que le grand style perdu depuis Bossuet, qui l’avait trouvé dans la Bible, était retrouvé dans les forêts du nouveau monde. […] Alors tout se tait dans la vieille langue ; nul ne cherche à imiter l’inimitable ; les uns ricanent par envie, les autres pleurent par sympathie, tous s’émerveillent en écoutant ; la note grave est retrouvée dans les langues modernes, et ce jeune inconnu a sonné sans le savoir le sursaut du monde.

220. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Après avoir travaillé l’esprit humain pendant quatre siècles et avoir versé dans ses veines un poison qu’il y retrouvera peut-être toujours, elles se sont enfin senties épuisées et une défaillance secrète a commencé de les saisir. […] Le jugement individuel, cette lèpre d’anarchie incessante, n’y ronge pas tout… On y retrouve une autorité, une tradition, un enseignement, une hiérarchie, une Église enfin, et une Église vassale encore dans ses coutumes, dans ses cérémonies, dans son besoin d’unité, de l’Église de Rome qu’elle insulte. […] qui prouvait seulement, comme l’a remarqué un historien, la différence d’agir du protestantisme au xvie  siècle et du protestantisme au xixe , et surtout le besoin retrouvé de l’union après la séparation consommée, c’est-à-dire, dans une donnée étroite encore mais qui finira par s’élargir, l’influence de cette idée d’unité qui tourmente la pensée universelle, et que Dieu a répartie dans tous les vents qui soufflent actuellement sur le monde, comme une semence de l’avenir. […] Seulement, parmi les plus empreintes de cet esprit aveugle et obstiné qui rencontre je ne sais quelle étrange grandeur dans la force de sa stupidité même, car il se compose du respect du passé et de foi religieuse, c’est-à-dire, en somme, du meilleur ciment qu’aient les peuples, nous signalerons une brochure qui parut en 1837 et dans laquelle se retrouvaient, à notre époque étonnée de les entendre, les accents ressuscités du fanatisme anglican des plus mauvais jours. […] Dans un siècle aussi vieux de civilisation que le nôtre, il n’y avait qu’un moyen de retrouver la foi perdue : c’était de la refaire par la science.

221. (1930) Le roman français pp. 1-197

Il se retrouvait à l’aise dans l’œuvre du grand Anglais. […] Ce précieux don de la gaîté, chez qui plus tard le retrouverons-nous ? […] Elle se retrouvait dans Le Disciple. […] La religieuse si attachée à ses devoirs, ne retrouve pas sa famille. […] Vous retrouverez celle-ci dans Siegfried et le Limousin.

222. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il faut convenir de cela… Mais voici où l’homme fort va se retrouver et se retrouver presque grand ! […] Il semble que, pour lui, toutes les questions soient résolues parce que l’Empire a jailli tout à coup de huit millions de suffrages au-dessus des partis usés et de leurs fusions impuissantes, acclamé par une France qui s’est retrouvée comme les molécules de la poussière se retrouvent dans le tourbillon. […] Ces facultés, nous les retrouvons, mais mûries et complètement développées, dans l’Histoire de la chute de Louis-Philippe, de la Révolution de 1848 et du rétablissement de l’Empire. […] Cette thèse, qu’il dresse sur leurs débris, il la déduit du fait historique des invasions gauloises, qui ont laissé partout des traces de leur passage dans des mots de même origine, retrouvés toujours, malgré les mêlées des peuples et leurs transfusions. […] Mais, au lieu de l’acheter, ils en retrouvaient toujours la terrible pointe, éternellement tournée contre eux.

223. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Le paradis était comme retrouvé. […] Entendant louer toujours la campagne romaine avec ses riches teintes, il avouait ingénument que ce genre de beauté pittoresque échappait tout à fait à ses yeux, « pour lesquels le rayon rouge n’existait pas. » Mais soit qu’il en fût autrement pour lui dans la jeunesse, soit que l’amour-propre du colon et du propriétaire aiguisât sa vue et suppléât à son organisation, il a su nous rendre parfaitement ce qu’il regardait tous les jours, et il s’y est glissé un éclair de poésie ou de sentiment de la nature qu’il n’a jamais retrouvé depuis. […] Il débute avec Mme d’Albany en lui envoyant de Pescia, de cette métairie charmante ou il aimait à se retrouver avec sa mère, les deux premiers volumes de son Histoire des Républiques italiennes (18 juin 1807) : « Si votre noble ami avait vécu, lui écrit-il, c’est à lui que j’aurais voulu les présenter, c’est son suffrage que j’aurais ambitionné d’obtenir par-dessus tous les autres. […] Il me semble que l’amie d’Alfieri, celle qui consacre désormais sa vie à rendre un culte à la mémoire de ce grand homme, sera prévenue en faveur d’un ouvrage d’un de ses plus zélés admirateurs, d’un ouvrage où elle retrouvera plusieurs des pensées et des sentiments qu’Alfieri a développés avec tant d’âme et d’éloquence… » Mme de Staël fait souvent les frais de la correspondance.

224. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce qui n’est pas douteux, c’est que vers 1799 la jeune Marceline accompagna sa mère à la Guadeloupe, où elles comptaient retrouver un parent qui y avait fait fortune. […] Nous qui ne l’avons connue que plus tard, nous retrouvions Mme Valmore fidèle aux souvenirs et aux liaisons de sa première vie par quelques amitiés précieuses qu’elle en avait gardées et qui étaient des plus illustres dans leur genre. […] « Délie ou plutôt Délia (mon père ne peut retrouver le nom de famille) était fille d’un consul de France à Smyrne ou à Constantinople. […] Elle ne manquait pas d’esprit, ne médisait jamais, ne cherchait point à nuire à ses camarades ; enfin elle avait un cœur excellent et facile ; — jalouse pourtant… Voilà, bien cher monsieur Sainte-Beuve, tout ce que mon père peut retrouver dans ses souvenirs.

225. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Il s’agissait, après des désastres inouïs et des ruines de tout genre, de tout recomposer, de retrouver sous les sanglants décombres la statue de la Loi, la pierre et le calice de l’autel, le trône lui-même avec ses degrés. On a retrouvé alors, ou, au besoin, on a réinventé tout cela : il y a eu, dans la grande reconstruction, du vrai, du solide et de l’authentique ; il y est aussi entré bien du mensonger, de l’apocryphe et du postiche. […] Dès lors, en un tel état de choses, tout ce qui est et sera un peu naturel et élevé, un peu simple et moral, un peu neuf par là même, a retrouvé de grandes chances de plaire, d’intéresser et presque de saisir. […] Quel curieux, quel aimable portrait de Dante jeune on a retrouvé, il y a environ deux ans, à Florence !

226. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Le Dijon qu’il aime sans doute est celui des ducs, celui des chroniques rouvertes par Walter Scott et M. de Barante, le Dijon gothique et chevaleresque, plutôt que celui des bourgeois et des vignerons ; pourtant il y mêle à propos la plaisanterie, la gausserie du crû, et, sous air de Callot et de Rembrandt, on y retrouve du piquant des vieux noëls. […] Je retrouve là le premier jet et la première forme de tout ce qu’il n’a fait qu’augmenter, retoucher et repolir depuis. […] Retrouvons-nous dans nos lettres. […] Un moment, la Révolution de Juillet parut couper court à son anxiété, et ouvrir une carrière à ses sentiments moins contraints ; il l’avait accueillie avec transport, et nous le retrouvons à Dijon, durant les deux années qui suivent, prenant, à côté de son ami Brugnot et même après sa mort, une part active et, pour tout dire, ardente, au Patriote de la Côte-d’Or.

227. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Un de ses amis que j’aime à citer souvent parce qu’en bien des cas il a rendu des jugements définitifs sous une forme qu’on ne retrouverait plus, M.  […] Necker, en rentrant dans la politique, conserve toute son honnêteté et sa pudeur première, mais il retrouve sa susceptibilité, sa « fière raison », son « cœur orgueilleux » (c’est lui qui les nomme ainsi), ce dédain qu’il oublie aisément dans une méditation solitaire et tranquille, mais qui se réveille en présence des hommes. […] Necker par lui-même nous montre encore quelques-unes de ces qualités, mais jointes à une personnalité excessive, non amère, plutôt naïve, surabondante dans l’expression de ses sentiments, et donnant jour, quand elle s’épanche, à toutes les sensibilités de l’homme privé, à toutes les faiblesses de l’homme public, Les infortunes des autres, celles surtout de son vertueux roi, vinrent un peu calmer les siennes, et, dans les années suivantes, il a retrouvé la mesure de sa pensée et la possession de sa plume quand il écrit. […] Pendant le régime de la Terreur, il écrivait des Réflexions philosophiques sur la fausse idée d’égalité ; il exprimait en quel sens, selon lui, on devait entendre que les hommes sont égaux devant Dieu ; et, là encore, on retrouve les traces de cette aristocratie d’esprit dont le chrétien même, en M. 

228. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

. — Ce volume prouvera, du reste, une fois de plus, que la supériorité d’un homme, quand il est supérieur, se retrouve partout. […] Le principe, violé une fois en haut, se retrouve violé partout… et jamais chose n’a mieux prouvé que le pouvoir politique et la paternité sont congénères, et qu’on ne les disjoint jamais que pour la honte et le malheur des peuples ! […] Je retrouve bien ici le Louis XIV des Mémoires, peint et diminué souvent par la passion de l’écrivain ; mais j’ai le secret maintenant de cette passion, et j’admire encore qu’après ce crime de Louis XIV, qu’il a sondé jusque dans le fond de son horreur, Saint-Simon soit resté si juste… IX Écrit de cette plume immortelle qui traîne sa vaste phrase comme un de ces lourds manteaux de pourpre que des épaules d’Hercule pourraient seules porter, le Mémoire sur les légitimés pourrait s’appeler hardiment : « la Bâtardise dans l’Histoire », car, à propos des légitimés de Louis XIV, c’est l’histoire de la bâtardise en France et de la bâtardise en soi. […] C’est comme un morceau de Michel-Ange qu’on eût retrouvé… On ne comprend pas très bien peut-être le sujet de cette statue, mais ce qui n’est pas une énigme, c’est la beauté même du chef-d’œuvre, la beauté qui se comprend bien toujours.

229. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Manière de se retrouver prêtre quand on a jeté sa soutane aux buissons du chemin ! […] » Quant à la langue primitive de cette période métaphore, il est impossible de la retrouver. […] Il fait de ce miracle une loi qui ne se reproduit plus qu’à la charge pour nous de nous retrouver dans la même position exceptionnelle. […] La pensée de Diderot, l’Élargissement de Dieu jusqu’à ce qu’il en crève, est l’idée que nous retrouvons dans la plupart des écrits de ce pauvre temps.

230. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Que les gens du siècle et les philosophes, et les chrétiens dissidents, ne s’étonnent pas trop de retrouver le clergé français si puissant : un tel corps ne s’écrase pas aisément, il renaît bien des fois ; c’est déjà beaucoup que ce clergé et les intérêts d’ambition encore plus que de conscience qu’il représente, ne soient plus qu’à l’état de parti. […] Janin, en faisant bon marché de lui-même, dit aux autres de bonnes vérités : on retrouve là tout son meilleur esprit malicieux et sa verve.

231. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Une autre considération qui nous a déterminé aussi à ne rien omettre de ce qui portait la marque infaillible de l’écrivain jusque dans de simples notices bibliographiques, c’est que nous avons obtenu la certitude que nous allions rendre service à des travailleurs spéciaux : cette conviction nous est venue, à mesure que nous retrouvions quelques-unes de ces pages oubliées, en les signalant à des savants pour lesquels elles devaient être un motif d’intérêt. […] Paul Foucher, etc. — Au dernier moment, le hasard nous en a pourtant fait retrouver deux de M. 

232. (1890) L’avenir de la science « VII »

Les seuls travaux inutiles sont ceux où l’esprit superficiel et le charlatanisme prétendent imiter les allures de la vraie science et ceux où l’auteur, obéissant à une pensée intéressée ou aux rêves préconçus de son imagination, veut à tout prix retrouver partout ses chimères. […] Il me semble que la science ne retrouvera sa dignité qu’en se posant définitivement au grand et large point de vue de sa fin véritable.

233. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

. — On retrouve encore au moyen âge les deux sortes de domaines, direct et utile, qui répondent au domaine quiritaire, et bonitaire des anciens Romains. On y retrouve aussi les biens ex jure optimo que les feudistes érudits définissent de la manière suivante : biens allodiaux, libres de toute charge publique et privée.

234. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Cette fuite du Tasse, de cette cour qui avait élevé sa fortune jusqu’à l’amour d’une princesse, vers ce village de Sorrente, où il espérait retrouver l’obscurité et la paix de son berceau, égale en poésie et en pathétique les plus touchantes imaginations de son poème. […] Comme tous les malheureux et comme tous les malades, il espérait changer de fortune et de santé en changeant de lieux ; il ne pouvait croire qu’il ne retrouverait pas le bonheur de ses premières années et le repos de cœur et d’esprit dans le site où il les avait laissés en quittant Sorrente ; il y revoyait son père, sa mère, sa sœur ; il savait que ce père, exilé par ses ennemis, reposait, dans une tombe d’emprunt, sur la rive fangeuse du Pô ; il savait que Porcia, sa mère, ensevelie dans ses larmes, dormait sous les froides dalles du couvent de San-Sisto ; mais il lui restait une sœur chérie, mariée à un pauvre gentilhomme de Sorrente, et qui habitait avec ses enfants la maison et le jardin où il avait lui-même reçu le jour. C’est vers Sorrente qu’il s’avançait comme à tâtons dans sa lente marche ; c’est là qu’il retrouvait d’avance, en imagination, sa liberté, sa raison, sa santé, ses tendresses de famille. Son imagination ne le trompait pas dans ce doux rêve ; il y aurait retrouvé tout cela s’il avait pu se retrouver lui-même. […] Il retrouvait en lui l’homme de ses fraîches années.

235. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Le vent et la légèreté de l’âge, la mauvaise renommée de la mère emportèrent ces serments ; mais Voltaire conserva toujours le tendre souvenir de ce premier attachement, et retrouva plus tard avec un tendre intérêt mademoiselle Dunoyer mariée au baron de Winterfeld. […] Le succès fut soudain, immense, universel ; la langue de Racine était retrouvée et appliquée à l’histoire de France. […] Ce n’était qu’une belle imitation de Sophocle, on crut avoir retrouvé Racine ; il en avait bien l’imagination, il était loin d’en avoir le style. […] L’Épître à Uranie ressemble à un fragment de Lucrèce retrouvé dans une imagination française à dix-huit cents ans de distance. […] Une image de la Grèce de Sapho, d’Anacréon, de Sophocle, de Platon, se retrouvait dans un coin de la Lorraine ; excepté l’impiété affichée, tout était permis par ce prince dévot, mais voluptueux, à ses courtisans.

236. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Une sensation mixte où coïncident pendant un instant des sensations différentes n’épuise pas le contenu du sentiment de différence, qui enveloppe encore en soi un caractère propre et spécifique, une qualité et une quantité intensive capables de se retrouver au sein de différences très diverses, entre des termes très divers. La différence de la lumière et des ténèbres n’est pas seulement un mélange des deux sensations de lumière et de ténèbres, car alors toute différence apparaîtrait comme lumineuse ; elle est l’impression même de différence, qui peut se retrouver également entre le doux et l’amer, entre le mou et le résistant, entre le silence et le bruit, etc. […] Pour qu’il y ait perception de la ressemblance, il est nécessaire que, sous les deux différences annulées, il y ait dans la conscience un certain état semblable qu’elle retrouve et reconnaît, une pédale continue sous les accords changeants de la conscience. […] Si donc la ressemblance est un état que nous sentons lorsque deux différences ont été neutralisées, elle n’est pas le sentiment même de la neutralité, qui serait zéro ; mais c’est un certain sentiment d’adaptation d’un état présent à l’état antérieur similaire, un sentiment de retour à l’équilibre antérieur, qui fait qu’on se retrouve, qu’on se repose, qu’on déploie sa force sans effort. […] Succès, satisfaction, vide comblé, retour au premier état, c’est le côté sensitif et moteur de la ressemblance succédant à la différence, de l’harmonie ou de l’identité succédant à l’opposition ou à la contrariété : on se retrouve alors, on se ressaisit, on se reconnaît.

237. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

C’est du parfait Tibulle retrouvé sans y songer, et la flûte de Sicile n’a rien fait entendre de plus doux. […] Ce sont deux ou trois belles élégies que celles où il essaye de décrire le calme retrouvé ; où il retrouve tout à coup à l’improviste la passion tumultueuse, et où il invoque enfin avec succès la bienheureuse Indifférence :   D’un long sommeil j’ai goûté la douceur, etc.

238. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

C’est Sainte-Beuve que nous retrouvons, d’abord, dans la période qui nous occupe : de 1840 à 1860 environ, il est le maître incontesté de la critique. […] Dans Tennyson entre en composition l’Anglo-Saxon, dont la formule a été fixée au début de l’ouvrage ; et cette formule s’est retrouvée à chaque siècle comme élément de tous les écrivains. […] Comme Sainte-Beuve dans un livre, Fromentin, dans un tableau, retrouve l’auteur, son développement personnel, ses hésitations, ses recherches, ses acquisitions, toutes les influences qui l’ont modifié, mais aussi et d’abord l’irréductible fond de l’individualité.

239. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Plusieurs autres expressions de Jean se retrouvent textuellement dans ses discours 316. […] Il correspondait avec ses disciples, et nous le retrouverons encore en rapport avec Jésus. […] Robinson (Biblical Researches, I, 494 ; II, 206) a retrouvé cette Jutta portant encore le même nom, à deux petites heures au sud d’Hébron.

240. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Ses disciples et les femmes pieuses qui le servaient le retrouvèrent en Judée 943. […] Levez les yeux, et voyez le monde ; il est blanc pour la moisson 978. » Sa forte éloquence se retrouvait toutes les fois qu’il s’agissait de combattre l’hypocrisie. « Sur la chaire de Moïse, sont assis les scribes et les pharisiens. […] Il y a ici une légère confusion, qui se retrouve dans le targum dit de Jonathan (Lament.

241. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Après tout, on n’a jamais tant d’efforts à faire en France pour revenir à cette netteté, car elle n’est pas seulement de forme chez nous, elle constitue le fond de la langue et de l’esprit de notre nation ; elle en a été la disposition et la qualité évidente durant des siècles, et, au milieu de tout ce qui s’est fait pour l’altérer, on en retrouverait encore de nombreux et d’excellents témoignages aujourd’hui. […] Nous retrouvons ainsi des ressources dans nos inconvénients, et nous sommes ramenés à notre qualité par nos défauts mêmes. […] Quoi qu’il en soit, entre la fin de La Bruyère ou de Fénelon et les débuts de Jean-Jacques, on embrasse une période calme, éclairée, modérée, où se retrouve la langue telle que nous la parlons ou que nous la pourrions parler, et telle que rien n’en a vieilli encore.

242. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Le moral des troupes avait déjà éprouvé de profondes atteintes ; on ne retrouvait plus l’ancienne gaieté des soldats, ces chants du bivouac, qui consolaient des fatigues : c’était une disposition toute nouvelle dans une armée française, et après une victoire. […] Il faut voir comme Ney retrouve et inspire un dernier élan pour s’acquitter de cet ordre avec honneur. Même après avoir franchi le Niémen, et lorsqu’on a lieu enfin de se croire en sûreté, cette extrême arrière-garde se retrouve tout à coup en danger d’être enlevée par un parti de Cosaques, et l’on se voit obligé de renouveler à travers champs une marche de nuit, conduite encore par Ney, et qui rappelle, mais plus tristement, l’aventure du Dniepr.

243. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Le peuple s’attendait à retrouver sur les autels ses dieux et ses déesses avec les charmes caractéristiques de son catéchisme. […] Lorsque quelque circonstance permanente, quelquefois même passagère, a associé certaines idées dans la tête des peuples, elles ne s’y séparent plus ; et s’il arrivait à un libertin de retrouver sa maîtresse sur l’autel de Vénus, parce qu’en effet c’était elle, un dévot n’en était pas moins porté à révérer les épaules de son dieu sur le dos d’un mortel quel qu’il fût. […] Le païen, au contraire, à chaque fois qu’il les retrouvait dans un poète, rentrait d’imagination dans un temple, revoyait le tableau, se rappelait la statue qui les avait fournies.

244. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Or, si l’on commence par fragmenter ainsi le développement humain, on se met dans l’impossibilité d’en retrouver la suite. […] Pour la peine, au contraire, si l’on a cru qu’elle s’expliquait également bien par des causes différentes, c’est que l’on n’a pas aperçu l’élément commun qui se retrouve dans tous ces antécédents et en vertu duquel ils produisent leur effet commun 84. […] Il est vrai qu’il s’en est produit de plus importants dans la suite de l’évolution zoologique, mais ils n’ont laissé d’eux-mêmes que de rares et obscurs vestiges, et il est encore plus difficile de retrouver les conditions qui les ont déterminés.

245. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Haouâ est une mauresque rencontrée, perdue, retrouvée, aimée par l’auteur, — on n’oserait pas le dire, tant la chose reste vague, mystérieuse, indécise, dans ce récit, chef-d’œuvre de gaze transparente et voilante à la fois ! […] Excepté les hommes qui ont besoin de consulter des catalogues de musée, qui achèvera ce livre vide et prétentieux, où l’auteur, du moins, n’a pas perdu de talent, car il n’en a pas mis, et où, comme dans le livre de Fromentin, qui, si lâché qu’il soit, a de l’accent, on ne retrouve pas ce timbre personnel qu’on ne peut confondre avec la manière de dire de personne ? […] Eh bien, c’est ce style dont nous pouvons dire : « J’ai vu mieux », que nous retrouvons dans le livre sur la Hollande, où rien, absolument rien de l’auteur ne rachète les défauts inhérents au genre d’ouvrage qu’il a entrepris !

246. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Parmi les inspirations de la poésie grecque qui touchent à la forme lyrique, il faut placer anciennement ce qui se retrouvera dans une époque plus récente, et sous l’influence de l’extrême politesse sociale. […] Sous ces deux titres on peut concevoir ce que, bien des siècles plus tard, et dans une science toute formée des traditions grecques, nous retrouvons sous la plume de Varron, divisant la théologie en mythologique, naturelle, et civile : « La première, ajoutait-il, faite pour le théâtre, la seconde pour l’univers, la troisième pour Rome. » Il paraît, d’après les courtes analyses de saint Augustin, que Varron touchait dans sa seconde théologie à cet antique panthéisme, à cette idée d’une nature éternellement vivante et par là divine, qui semble le fondement des cultes antiques de l’Inde. […] Mais cela même atteste un ordre d’élévation intellectuelle et mystique lié de près à la poésie, et que nous retrouvons à différents âges de l’esprit humain.

247. (1921) Esquisses critiques. Première série

Cet enfantillage se retrouve dans tous les groupes qui veulent rénover l’art. […] Ainsi l’on retrouve parfois dans les grandes toiles d’un peintre, tel motif qui figurait dans ses dessins ou ses pochades. […] Tout ce que le théâtre contemporain a produit de meilleur, dans le genre tempéré, voire dans la haute comédie, se retrouve chez nos auteurs. […] Montfort est un observateur : c’est un des traits évidents de son caractère, le second qui se retrouve dans ses ouvrages. […] L’impresario prétend d’ailleurs que les mérites psychologiques de l’ouvrage se retrouveront à l’écran.

248. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

À seize ans, il lisait familièrement Homère et Sophocle : il avait retrouvé par l’étude la patrie de sa mère. […] On dirait qu’ils ont honte de montrer ce qu’ils savent, et qu’ils craignent de ne pas retrouver l’occasion de mettre leur science en lumière. […] Valtone, dessinés d’après des types que chacun de nous peut retrouver dans ses souvenirs. […] Elle vient retrouver Fernand. […] Il la retrouve languissante, pâle, abattue, mais libre encore.

249. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

J’ai retrouvé dans ce même recueil, déjà cité, de curiosités théâtrales, Le Monde dramatique, une intéressante étude de M.  […] Mais le génie n’abdique jamais, et jusqu’en cette folie de carnaval on retrouve le coup de pouce de celui qui fit Le Misanthrope. […] Ce ne sont point d’ailleurs les seules œuvres de sa jeunesse qu’on pourrait souhaiter de retrouver aujourd’hui. […] Nous aimons à retrouver en eux des allusions et comme des citations à l’appui de nos propres idées. […] On retrouve là, dans les questions incessantes d’Élomire : Lazarille, ai-je pas le teint blême ?

250. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

C’est physiologique ; il s’agit de retrouver l’état physiologique normal, de recréer, en soi et autour de soi, l’atmosphère et comme la température nécessaire à la vie, le milieu vital propre à son espèce et à sa race. […] Elle a cherché à retrouver cet état de divine inconscience qui fait que l’être humain participe à la vie générale. […] Cet amour du silence et du secret se retrouve dans presque tous les poèmes de Renée Vivien. […] Alors, elle chante, elle comble cette solitude, du bruit cadencé de sa poésie, et retrouve par ces rythmes émus l’état de plénitude qui lui manque. […] Obscurément nous retrouvons en nous les sensualités secrètes qui composent cet émoi, et on se sent troublé comme devant un beau marbre nu, ou devant l’Hérodiade de Mallarmé.

251. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Le lecteur vient de suivre cet intermédiaire et de le retrouver toujours pareil sous ses différentes formes. — Tantôt il est simple ; telle est la force de gravitation qui explique la chute des corps pesants. — Tantôt il est multiple, composé de plusieurs intermédiaires. […] Tous les mammifères descendent d’un mammifère119 « dont les membres étaient construits sur le plan général que nous retrouvons aujourd’hui dans toutes les familles de la classe ». […] Une telle histoire est un livre déchiré, effacé, où quelques chapitres, surtout les derniers, sont à peu près entiers, où, des chapitres précédents, il subsiste çà et là deux ou trois pages éparses, où nous ne retrouvons rien des premiers, sauf les titres. — Mais tous les jours une découverte nouvelle restitue une page, et la sagacité des savants démêle quelque portion de la pensée générale. C’est ainsi que depuis quinze ans l’on a retrouvé les traces et marqué les progrès successifs de la race humaine qui a précédé notre époque géologique ; et une loi toute récente, celle de la conservation de la force, dérive par transformation toutes les forces actuelles des forces primitives que la nébuleuse de Laplace enfermait à son plus ancien état120. […] Partant, les deux ordonnances sont analogues. — Mais, de plus, tous les matériaux du premier se retrouvent dans le second.

252. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

si nous appliquions d’ordinaire notre esprit à la minutieuse analyse des psychologues, comme il nous tenterait de retrouver en ses ascendants, les principaux sentiments dont M.  […] Nous ne retrouvons aucune de ces choses familières qui nous sont si précieuses. […] On en retrouve les vociférations dans les strophes noircies des Villes Tentaculaires. […] Dans les chansons des sources, il sut retrouver l’étymologie du langage des hommes. […] Mais cela n’est pas d’usage, et d’ailleurs serait futile, car les personnes qui éliront ce poète pour confident retrouveront, dans son œuvre, le mémorial de sa vie transcendantale.

253. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Dimanche 8 mars Daudet me confiait qu’il avait cherché ces jours-ci à retrouver dans sa mémoire son enfance, et que la légende qui faisait de lui, à cette époque, un catholique fervent, était une légende. […] Là-dedans, au milieu de ce mobilier d’un autre siècle, l’ovale délicat de son pâle visage, ses yeux noirs doux et profonds, la sveltesse de sa personne longuette, lui donnent quelque chose d’une apparition, d’un séduisant et souriant fantôme ; caractère que je retrouve dans son portrait pastellé par Helleu. […] Il semble à Pélagie apercevoir la chatte, passer comme un éclair dans l’escalier ; au bout de quelques instants, elle va voir, où elle peut être cachée, et elle la retrouve sur son séant, avec un ronronnement d’orgue, en contemplation devant une vitrine de poteries japonaises. […] Alors Daudet me demandait quelles étaient mes convictions à ce sujet, et je lui répondais que malgré tout mon désir de retrouver mon frère, je croyais après la mort à l’anéantissement complet de l’individu, que nous étions des êtres de rien du tout, des éphémères de quelques journées de plus que ceux d’une seule journée, et que s’il y a un Dieu, c’était lui imposer une comptabilité trop énorme, que celle occasionnée par une seconde existence de chacun de nous. […] Il y retrouve comme garde de marais, un garçon qui a été élevé avec lui, un garçon resté simple paysan, et marié à une femme de sa condition, mais d’une nature délicate, distinguée.

254. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Qu’est-ce que Racine, Voltaire, Rousseau, et tous nos Français efféminés et plagiaires, auprès de ce Sénèque retrouvé pour faire rougir les peuples de leur servitude, et pour faire trembler les tyrans de leur audace ?  […] Mais si d’abord la tragédie n’était ni dans la conception, ni dans le développement, je doute que plus tard elle se retrouvât dans cette étude du détail. […] Si, au contraire, je ne retrouvais pas cet enthousiasme, égal ou même supérieur à ce qu’il était quand j’écrivais cette esquisse, je la changeais ou la brûlais. […] Elle passait pour sa femme légitime, portait son nom, et avait une fille de lui que nous retrouverons bientôt modèle de son sexe. […] On craignait en un mot que le partisan de 1745 ne retrouvât sa vigueur juvénile pour cette expédition d’un nouveau genre ; il fallait donc être en mesure d’empêcher un coup de main.

255. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Un moment, elle regarde de mon côté, sans me voir, et je retrouve la vie ardente de son œil, mêlée à cette ironie diabolique, indéfinissable chez cette femme honnête. […] Le peintre aveugle lui disait, qu’éveillé, il n’avait plus la mémoire des couleurs ; mais qu’il la retrouvait dans les rêves de son sommeil. […] Enfin, après avoir résisté à de magnifiques offres de la Russie, il se retrouvait en 1848, au quai Voltaire, assez misérable, assez besogneux, obligé de donner des leçons, quand L’Artiste, en qualité de voisin, lui consacrait un long article. […] Je retrouve, au salon, de vieilles anglaises du corps diplomatique, de mûres et fades créatures, à exclamations, à monosyllabes inintelligents, à travers le lapement d’une tasse de thé et la déglutition d’une sandwich. […] Il fait faire le portrait de sa fille par un cirier, par un délicat sculpteur, qui a retrouvé les procédés anciens de l’art.

256. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

S’agit-il de retrouver un souvenir, d’évoquer une période de notre histoire ? […] Mais nous retrouvons ici, sous une forme nouvelle, l’illusion sans cesse renaissante que nous poursuivons depuis le début de ce travail. […] Or, le passé n’a plus d’intérêt pour nous ; il a épuisé son action possible, ou ne retrouvera une influence qu’en empruntant la vitalité de la perception présente. […] Le travail de localisation consiste en réalité dans un effort croissant d’expansion, par lequel la mémoire, toujours présente tout entière à elle-même, étend ses souvenirs sur une surface de plus en plus large et finit par distinguer ainsi, dans un amas jusque-là confus, le souvenir qui ne retrouvait pas sa place. […] Dans l’amnésie rétrograde, les souvenirs qui disparaissent de la conscience sont vraisemblablement conservés sur les plans extrêmes de la mémoire, et le sujet pourra les y retrouver par un effort exceptionnel, comme celui qu’il accomplit dans l’état d’hypnotisme.

257. (1886) Le roman russe pp. -351

Il en est de lui comme de ces aïeux qu’on se retrouve quand on se compose une généalogie. […] Au sortir du Lycée, cette élite ardente, cimentée par de solides amitiés, se retrouva à l’Arzamas. […] On la retrouve, racontée, persiflée, pleurée, dans Oniéguine et dans les Élégies. […] Et quand elle le retrouvait, quand ils vivaient ensemble, quelle était sa vie ? […] Par instants, il retrouvait des éclairs de son ancienne gaieté, surtout près des enfants, qu’il aimait.

258. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Ces intermèdes comiques ont-ils fait partie, dès l’origine, de ces grandes compositions où nous les retrouvons incorporés ? […] Le modèle qui manquait au moyen âge, la Renaissance le retrouva. […] Un seul de ses maîtres, Gassendi, paraîtrait avoir eu sur l’élève une influence dont on retrouve quelques traces dans les comédies du poète. […] Un mois plus tard, le 15 février 1650, nous retrouvons la troupe à Agen. […] Nous retrouvons la troupe au mois d’août.

259. (1914) Une année de critique

Certains documents retrouvés par M.  […] Quand Marie et René se retrouvent, ils se retrouvent différents. […] Pierre Loti pour nous faire retrouver l’enchantement que nous causèrent ses précédents ouvrages. […] Vous ne retrouvez pas la Maîtresse et l’Amie ? […] Oui, pour retrouver le chemin de Paros, c’est la route de Versailles qu’un Français doit reprendre.

260. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle parle au reste librement d’elle-même et de ce qu’elle avait été ; J’ai retrouvé, écrivait-elle après des années, Mme de Castellane ; elle est toujours la même, et elle s’est montrée plus charmante pour moi que jamais. […] Elle fut de celles-là, et à ce titre elle mérite d’être citée en exemple aux femmes auxquelles leur situation donne des loisirs et peut engendrer par là même plus de regrets : L’âge, disait-elle, — et sans transition on la retrouve ici à plus de trente ans de distance ; elle avait vécu, souffert, aimé dans l’intervalle ; elle avait élevé sa famille et marié ses enfants ; — l’âge, disait-elle donc, ne nous enlève que des choses qui nous deviennent successivement inutiles, et qui sont remplacées par d’autres qui valent souvent beaucoup mieux. […] J’ai retrouvé dans une boîte un morceau de papier resté là depuis bien des années et sur lequel ma mère avait écrit : These pins for my lambs and for tkeir mamma (Épingles pour mes chères petites et pour leur maman). […] J’ai pleuré toute la matinée, et ensuite je me suis sentie consolée par la certitude de retrouver un jour ceux qui ne sont plus.

261. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Il dut y songer à deux fois et se recueillir pour accommoder et accorder ses propres pensées avec ce mode d’expression fin, éclatant et poli, dont l’idée si longtemps éclipsée était enfin retrouvée pour ne plus se perdre, et qui rayonnait avec diversité en vingt types immortels ; il fit, en présence des Grecs et des Latins, ce que les Latins avaient déjà fait en présence des Grecs : il choisit, il s’ingénia, il combina. […] Mais, en tête de la période qui a cessé et qui est close, ce qui est certain, c’est que nous retrouvons notre cher Du Bellay comme héraut d’armes et comme annonciateur un peu prophète. […] Du Bellay a déjà, à ce sujet, la théorie que nous retrouverons chez les meilleurs et les plus délicats des classiques jusqu’à M.  […] Si l’on avait pu, en remontant par-delà les romans d’aventures, se reprendre à quelque chanson de geste de forte trempe, la tradition vive était retrouvée.

262. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Le poëte, sous le critique, se retrouve, et ne fait qu’un avec lui par l’esprit et la vie, et le sens propre qu’il découvre et rend aux choses à chaque moment. […] Ampère, on retrouve à tous moments celui qui devine sous celui qui sait. […] il n’y a pas de naufrage là où se retrouvent justifiées et couronnées toutes les plus nobles espérances ; ou bien alors, pour parler avec le poëte, c’est un naufrage victorieux. […] Comme il voit, avant tout, dans la littérature l’histoire du développement intellectuel et moral de la nation, il a pris cette nation à ses origines et jusque dans les éléments les plus anciens qu’on retrouve épars sur le sol.

263. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Aujourd’hui, nous retrouvons M. […] Le retour, même sans triomphe, peut avoir des charmes ; le salut se retrouve dans le naufrage. […] Dans les figures historiques ou littéraires que tel autre déprime, dans celles qu’il exalte, je le retrouve au fond ; c’est lui encore qu’il préfère et qu’il célèbre sous ces noms divers ; dans les types favoris qu’à tout propos il ramène, il ne fait que sa propre apothéose. […] C’est plaisir et douce surprise que de retrouver ces théories et ces œuvres nouvelles analysées, exposées, justifiées parfois, dans un langage courant et pur, avec accompagnement des réminiscences, des citations classiques que le critique y entremêle, et par lesquelles il les rattache sans effort à ce que souvent elles oubliaient.

264. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Depuis des siècles, ils vivaient dans la mémoire du peuple, et comme ils préexistaient aux formes littéraires qui en ont fixé ou transformé un certain nombre dans les poèmes de Renart, ils se sont transmis jusqu’à nos jours pur la même tradition orale dans beaucoup de pays ; les folkloristes ont retrouvé chez les Finnois et dans la Petite Russie de ces aventures comiques du loup et du renard, qui divertissaient nos vilains du xiie  siècle. […] Les défauts cependant s’accroissent ; et sans parler des obscénités, je ne retrouve plus, dans les morceaux que j’ai cités, ni dans le reste du roman, l’exquise mesure qui fait la valeur de l’épisode de Pinte et de Copée. […] Hors des deux singuliers fabliaux de Gautier le Long, il ne faut chercher dans le reste du recueil que les qualités qui apparaissaient dans le Roman de Renart, et qui se retrouvent ici à travers les mêmes défauts. […] Il avait trouvé aussi au xve  siècle un héritier dans la farce : héritier de l’esprit plutôt que des sujets, car dans les œuvres qui nous sont parvenues on voit rarement qu’un fabliau ait été repris en farce, comme le Vilain Mire se retrouve dans le Médecin malgré lui.

265. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

La poésie retrouvée : André Chénier. Lesage et Rollin ne paraîtront plus dans cette histoire ; mais nous retrouverons tout à l’heure les trois grands écrivains qui développent et enrichissent la langue fidèlement continuée par ces deux génies aimables, derniers représentants de la pure tradition du dix-septième siècle. […] Il faut qu’il rentre dans le lieu commun pour y retrouver son talent. […] La poésie retrouvée : André Chénier.

266. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet, en goûtant la poésie, avait fait de bonne heure une réflexion sur ce que bien peu de gens sont nés, en effet, pour la sentir : « Il y a encore plus de poètes que de vrais juges des poètes et de la poésie. » Il revient souvent sur cette idée, qu’on retrouverait, je crois, également chez Montaigne. […] Cette correspondance, dont j’ai eu sous les yeux soixante-dix-sept lettres, toutes de la main de Huet, de cette petite écriture, nette, fine, serrée, minutieuse et distincte jusque dans les abréviations, et qui se retrouve aux marges de ses livres, s’étend depuis l’année 1660 jusqu’en 1691, avec une lacune toutefois pour les années du milieu (1665-1682). […] Huet et Ménage s’étaient tous deux attelés à deux grosses besognes, Ménage à des observations sur Diogène Laërce, Huet à une traduction d’Origène, dont il avait retrouvé un manuscrit : ce sont de ces travaux qui font honneur à ceux qui les mènent à fin, mais qu’on maudit tout en les exécutant. […] Mais c’est à sa solitude d’Aunay que Huet aimait surtout à revenir et à se retrouver ; c’est là qu’il jouit véritablement de la vie, telle qu’il l’entend et qu’il la rêve, une vie partagée entre son cabinet, la culture de son jardin et la promenade.

267. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle nous peint en traits expressifs le moment où elle retrouve M. le Prince dans un des intervalles de l’action : Il était dans un état pitoyable, il avait deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés ; son collet et sa chemise étaient pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse était pleine de coups, et il tenait son épée nue à la main, ayant perdu le fourreau ; il la donna à mon écuyer. […] Un jour de combat, il retrouvait toutes ses qualités, son humanité, toutes ses vertus ; il était dans son élément, et, comme, tous les grands cœurs alors, il était bon. […] Nous la retrouvons au printemps de 1660, faisant partie de la Cour pendant les conférences de la paix des Pyrénées, et se livrant à son imagination encore, non plus sous la forme héroïque, mais sous la forme pastorale. […] Quand Lauzun sortit de prison, ce n’était plus l’honnête homme, le galant homme et l’homme poli qui l’avait tant charmée : le courtisan seul avait survécu, courtisan acharné, et qui n’eut pas de cesse qu’il ne se retrouvât sur pied et dans un replâtrage de faveur auprès du maître ; d’ailleurs dur, intéressé ouvertement, cupide, osant reprocher à Mademoiselle les sacrifices mêmes qu’elle avait faits pour le délivrer.

268. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Faisant l’éloge de son mari et montrant que son existence est devenue inséparable du bien public : « C’est, dit-elle, le tison de Méléagre, auquel sa vie ministérielle est attachée. » Ce tison de Méléagre se retrouve en plus d’un endroit. […] Aussi ce fut une consolation pour elle, au milieu de tant de sujets de douleur, de se retrouver en 1790 à Lausanne ou à Coppet, en vue de son beau lac, et non loin des tombeaux de ses parents : « Il semble, disait-elle à chaque retour en dégageant le sentiment moral qu’inspire cette nature de paysage, il semble que l’Être suprême s’est occupé ici plus particulièrement de sa créature, et qu’il l’oblige sans cesse à élever sa pensée jusqu’à lui. » Elle écrivait en ces années finales, et pendant que 93 étendait ses horreurs sur la France, un écrit touchant, et qui a trouvé grâce auprès de ceux mêmes qui se sont montrés le plus sévères pour le genre d’esprit de Mme Necker, je veux parler de ses Réflexions sur le divorce qui parurent au lendemain de sa mort. […] Mme Necker, tout à côté, retrouve bien quelques-uns de ses anciens défauts. […] Mais cette influence serait plus aisée à retrouver en d’autres membres de leur descendance, et la forme d’esprit de Mme Necker, adoucie, assouplie après la première génération, a dû entrer pour beaucoup dans le tour d’idées si élevé et dans le fonds moral, toujours éminent, d’une famille illustre31.

269. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il l’a perdue en effet, non d’un coup et à jamais, de même que cette belle et célèbre chanteuse qui, un soir, dans tout l’éclat de son talent, perdit soudainement sa voix, comme si on lui eût enlevé avec la main l’appareil par lequel on chante, et qui, depuis, ne la retrouva plus, même en la cherchant avec frénésie dans le fond de son pauvre gosier au désespoir ! […] Moi, je dis que dans ce Joseph Delorme chacun de nous a sa facette dans laquelle il peut se mirer, s’il l’ose, et se retrouver, tel qu’il fut au moins quelques jours ! […] Ça et là, en effet, on en retrouve la brûlante amertume dans plusieurs de ces pièces posthumes d’un Joseph Delorme qui se survit ; par exemple, dans celle où le poète ne s’est jamais mieux peint, parce qu’il veut qu’on le regrette, et où il a le sentiment si violent d’une laideur — qu’il a bien tort d’accuser, car elle est sa beauté, à lui ! […] Auguste Le Prévôt, où il est estompé dans une rêverie pieuse, à la nuance de laquelle il aurait dû s’arrêter, mais qu’il a forcée et trop forcée partout ailleurs ; dans la pièce qui commence par le vers : J’arrive de bien loin, et demain je repars ; idée charmante, inspirée par la famille, cette source de toute poésie intime ; dans Les Larmes de Racine, où l’on retrouve le détail secret, domestique, obscur, dans lequel M. 

270. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Ce cruel mépris d’expression, cette brutalité du coup de pinceau dans la description, sont, à notre sens, magnifiques, et on les retrouve à toutes pages dans le poème de M.  […] Or, nous l’avons dite d’un seul mot, elle est surtout dans un sérieux dont on connaît l’accent, l’inoubliable accent, retrouvé sous cette masse (peut-on dire masse de choses si légères ?) […] Malgré les malheurs arrivés aux vers, il a été assez héroïque pour leur rester fidèle, et après vingt ans vous le retrouvez l’homme aussi de la dernière heure, car personne, parmi ceux qui les aiment, les vers, — comme les femmes veulent être aimées, — pour eux-mêmes, — ni M.  […] Pommier et qui me plaît, à moi : car sans elle je ne pourrais retrouver l’identité du poète des Crâneries dans le poète des Colifichets, cette outrance que M. 

271. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Toulet. » « Mon Dieu, que nous trouverons notre vieux Paris changé le jour où nous nous retrouverons. […] Espérons qu’il la retrouvera un jour, je pense, en excellent état, car M.  […] Il retrouve à l’hôpital son camarade de la pension de Munich. […] Elle finit, rassurez-vous, par retrouver la France et Bellac : elle est sauvée par les Anglais. […] J’allais encore retrouver Byron.

272. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Au reste, Lesage avouait, tout haut, ces piquantes esquisses, dans lesquelles il se retrouvait tout entier. […] Si Tragaldabas eût été vraiment ivre, il n’eût pas retrouvé sa mâchoire béante à ses pieds. […] Mademoiselle Verneuil était heureuse de retrouver cette verve fine et ingénieuse que rien ne lassait jadis, lorsque tout à coup, hélas ! […] Et si aucune de ces finesses ne lui échappe, d’où vient que demain, tout à l’heure, il lui sera impossible d’en retrouver le sens ? […] En vain a-t-on couru après lui, nul n’a su retrouver ses traces.

273. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants. […] Comme un fils de bourgeois poussé et jeté hors des gonds, il avait eu, on l’a dit, son heure d’héroïsme, son jour de « sublime ribote. » Cette ribote de poésie ne s’est jamais plus retrouvée depuis ce jour-là.

274. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Sans nous engager dans les autres nouvelles, la plupart connues, du Nœud gordien, nous retrouvons dans Gerfaut toutes les qualités que promet la Femme de quarante ans, et qu’on est sûr de ne plus perdre avec M. de Bernard, tant il les possède de source avec abondance et netteté. […] Il a rencontré dans une course des Alpes, puis retrouvé à Paris, la baronne Clémence de Bergenheim, une noble et chaste beauté ; il l’aime, il peut se croire aimé, et, sous prétexte d’un voyage du Rhin, accompagné de Marillac son fidèle Achate, il se jette dans les Vosges et va tenter aventure autour du château où la baronne, fuyant l’amant qu’elle porte en son cœur, passe l’été avec son mari.

275. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté recueille aussi toutes les véritables jouissances du sentiment ; mais elle diffère de lui par cet éminent caractère où se retrouve toujours le secret du bonheur ou du malheur de l’homme ; elle ne veut, elle n’attend rien des autres, et place sa félicité tout entière dans ce qu’elle éprouve. […] C’est sur ce fondement que tous ont intérêt au sacrifice de chacun, et qu’on retrouve, comme dans le tribut de l’impôt, le prix de son dévouement particulier dans la part de protection qu’assure l’ordre général.

276. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Il était fiancé à Laudomia, sœur de Celia ; mais Laudomia a été enlevée par des corsaires ; on n’a plus eu de ses nouvelles ; le capitaine a résolu d’épouser celle des deux sœurs qu’il a le bonheur de retrouver. […] Tel nous le retrouvons, par exemple, dans les Opere drammatiche giocose de Carlo Goldoni.

277. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Aussi l’esprit, en la découvrant, ne fait-il que se retrouver lui-même ; il a en lui les principes de toute intelligibilité. […] La théorie de l’abstraction et de la substitution se retrouve déjà chez Hobbes.

278. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

en y laissant des portions de nous-mêmes qui sont plus que la vie, et qui ne reviendront pas plus qu’elle… Eh bien, c’est le mal de ce temps, au fond de son âme, à lui, qu’on retrouve dans le livre de Gramont ! […] Gramont est un homme de race militaire, et la virilité de sa pensée donne souvent à l’accent de sa poésie quelque chose de stoïquement inconsolable, d’un effet très pénétrant et très nouveau… Sorti d’un père vendéen, ami de Talmont et de Charette, ce fiancé de l’épée, à qui l’épée a manqué, victime fière et pure de la fidélité du souvenir, nous dit dans ses Chants du Passé tous les veuvages de sa jeunesse : Je comptais retrouver cette épouse de fer  Que de ma destinée une erreur a disjointe.

279. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Paul Jove a fait l’éloge ou le portrait de tous ces hommes, la plupart plus courageux que saints ; mais dans cette foule de noms, on aime à retrouver à Florence, les Médicis ; à Milan, ces fameux Sforces, dont l’un simple paysan, devint un grand homme ; et l’autre, bâtard de ce paysan, devint souverain ; à Rome, les Colonnes, presque tous politiques ou guerriers ; à Venise plusieurs doges et quelques généraux ; à Gênes, ce célèbre André Doria, qui vainquit tour à tour et fit vaincre Charles-Quint, redoutable à François Ier et à Soliman, mais grand surtout pour avoir rendu la liberté à sa patrie, dont il pouvait être le maître. […] À la suite de tous ces noms de guerriers ou de princes rassemblés des trois parties du monde, c’est un spectacle curieux de retrouver les noms du Dante, de Pétrarque, de Boccace, de l’Arioste, du cardinal Bibiéna, auteur de la comédie de la Calandre, jouée au Vatican sous Léon X, et du célèbre Machiavel ; sans compter cette foule innombrable de savants, presque tous Grecs ou Italiens, qui dénués, il est vrai, de ce mérite rare du génie, contribuèrent, cependant, par leurs travaux, au rétablissement des lettres, en faisant revivre les langues qui ne s’étaient conservées que chez les chrétiens de Constantinople, et la philosophie ancienne qui, depuis la chute de l’empire, n’avait été cultivée que par les musulmans arabes.

280. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Nous aimons a retrouver dans les choses la manifestation de notre intelligence, à y voir marquée la trace de ce qu’il y a de supérieur en nous. […] Une beauté du même genre se retrouve dans d’autres machines modernes d’un caractère plus pacifique. […] Entendu de cette manière, l’instinct du génie n’est plus que la raison en son principe le plus profond et se retrouve à la source de la science même. […] Cette conception de l’amour se retrouve partout dans M.  […] Hugo, comme Lebeau croyait parler celle de Virgile ; et en effet ils ont retrouvé la lettre, mais où est l’esprit ?

281. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Tels sont les caractères de la parole considérée comme son ; ils se retrouvent tous dans la parole intérieure. […] Reste un quatrième caractère, le timbre : il appartient également à la parole, et il se retrouve aussi dans la parole intérieure. […] Nous ne retrouvons pas dans la parole intérieur l’image de cette dernière sensation ; quand nous ne parlons que des lèvres [ch. […] Mais, pour faire cette comparaison et porter cette condamnation, comme pour l’emploi des autres procédés de rectification, il faut un moment de travail intellectuel et de réflexion ; il faut que l’esprit retrouve sa science et l’applique. […] L’expression ne se retrouve qu’une seule fois, dans Martial.

282. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

L’Égyptien arpenteur et tailleur de pierres a des procédés géométriques pour empiler ses moellons et pour retrouver la mesure de son champ, couvert chaque année par l’inondation du Nil. […] Cette fois encore, c’est la structure physique de la contrée qui a laissé sur l’intelligence de la race l’empreinte que nous retrouvons dans son œuvre et dans son histoire. […] Il se renferme dans le cercle visible qu’à chaque génération retrouve l’expérience humaine ; il n’en sort pas ; ce monde lui suffit, il est seul important ; l’au-delà n’est que le séjour vague des ombres vaines ; lorsque Ulysse rencontrant Achille chez Hadès le félicite d’être encore le premier parmi les ombres, celui-ci lui répond : « Ne me parle pas de la mort, glorieux Ulysse. […] Dans François-le-Champi, dans les Maîtres sonneurs, dans la Mare au Diable, George Sand a retrouvé en grande partie la simplicité, le naturel, la belle logique du style grec. […] Même sentiment conservé ou retrouvé par l’éducation philosophique dans Virgile : Tunc pater omnpotens fecundis imbribus œtlter, Conjugis in gremium laetae descendit et omnes Magnus alit, magno commixtus corpore, fœtus.

283. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Heureusement, le vrai de la situation de Gustave se retrouve bientôt. […] Comme on retrouve là cette frêle et tendre adolescence jetée au bord de l’abîme, cette nature d’âme aimable, mystique, ossianesque, parente de Swedenbourg, amante du sacrifice, ce jeune homme qui, comme René, a dépassé son âge, qui n’en a su avoir ni l’esprit, ni le bonheur, ni les défauts, mais que le Comte, d’une voix moins austère que le Père Aubry pour Chactas, conviait seulement à ces douces affections qui sont les grâces de la vie, et qui fondent ensemble notre sensibilité et nos vertus ! […] Non, poursuivis-je, la beauté n’est vraiment irrésistible qu’en nous expliquant quelque chose de moins passager qu’elle, qu’en nous faisant rêver à ce qui fait le charme de la vie, au delà du moment fugitif où nous sommes séduits par elle ; il faut que l’âme la retrouve quand les sens l’ont assez aperçue. » « Tu le sais, mon ami, écrit Gustave, j’ai besoin d’aimer les hommes ; je les crois en général estimables ; et si cela n’était pas, la société depuis longtemps ne serait-elle pas détruite ? […] Mme de Lézai-Marnésia, une jeune femme charmante qui avait vu périr si affreusement son mari à Strasbourg, s’était remise en sa douleur à Mme de Krüdner et partageait chaque nuit le même cilice, espérant par elle retrouver quelque communication avec celui qu’elle avait perdu, et qui déjà se révélait à la sainte amie plus détachée. […] Dans les résultats et les actions de la vie, cette vacillation se retrouvait.

284. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Les esprits impartiaux rendront justice aux sentiments de convenances personnelles et politiques qui lui imposent désormais le devoir de ne répondre aux fausses interprétations que par le silence, aux injures littéraires que par l’oubli, aux insultes personnelles que par la mesure et la fermeté que tout homme doit retrouver en soi, quand on en appelle de son talent à son caractère. […] La comtesse Léna ne se retrouvera que dans le ciel ; elle était trop belle pour cette terre. […] En voici une que j’écrivis dès les premiers jours de mon arrivée à Saltochio ; je la donne ici avec le commentaire qu’on retrouve dans mes œuvres complètes : Pensée des morts Voilà les feuilles sans sève Qui tombent sur le gazon ; Voilà le vent qui s’élève Et gémit dans le vallon ; Voilà l’errante hirondelle Qui rase du bout de l’aile L’eau dormante des marais ; Voilà l’enfant des chaumières Qui glane sur les bruyères Le bois tombé des forêts. […] C’était une des plus belles jeunes filles des Alpes du midi qui eût jamais ravi mes yeux ; je n’ai retrouvé cette beauté accomplie, à la fois idéale et incarnée, que dans la race grecque ionienne, sur la côte de Syrie. […] Et celle-ci, ajouta-t-elle en montrant Fior d’Aliza, monsieur, elle en jouerait encore mieux que son mari si elle voulait ; mais depuis nos malheurs, elle n’a plus le cœur à rien qu’à penser à lui, à l’attendre, à le pleurer et à regarder son petit enfant pour retrouver Hyeronimo dans son visage.

285. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Le style était admirable, resplendissant, unanime ; ceux qui ne croyaient qu’à la Fable retrouvèrent leurs dieux sous les bocages du Céphise ; ceux qui ne croyaient qu’au Golgotha lisaient à genoux au pied du Calvaire. […] Voulant les activer par sa présence, il y conduisit un soir madame de Chateaubriand, retrouvée à Paris. […] Cette affectation se retrouve jusque dans la langue, qui est vieille et étudiée jusqu’à la contorsion, au lieu d’être abandonnée et confiante comme la langue qu’on se parle à soi-même dans ces notes du cœur ou dans ces confidences secrètes à Dieu ou aux hommes. […] Si vous partez, vous reviendrez au moins promptement, et vous me retrouverez à votre retour tel que vous m’aurez laissé, c’est-à-dire le plus tendrement, le plus sincèrement attaché à vous. […] Dites de lui tout ce que vous voudrez, mais vous ne lui contesterez pas d’avoir été l’Ossian de la France dans ses conceptions américaines, telles qu’Atala ; d’avoir apporté au vieux continent quelque chose de la sève, sinon réelle, du moins imaginaire, du nouveau monde, et enfin d’avoir été grand comme ses déserts, ses forêts, ses fleuves, et d’avoir retrouvé pour ainsi dire la solitude de l’âme humaine, cette puissance de sentir et de penser seul devant la nature et devant Dieu !

286. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Et ce désordre de la phrase on le retrouve dans ses plans. […] Ainsi ce charme infini qu’on éprouve à retrouver un écrivain, un homme sous les lignes d’un livre, Flaubert prétend ne pas l’avoir, et de fait, d’un ouvrage comme l’Éducation sentimentale on ne sait quel est l’auteur ; on devine un être ennuyeux, voilà tout. […] Le style Flaubert a été moins funeste encore que son esprit, si on peut appeler ainsi la lourde et triste raillerie, l’espèce d’ironie pesante et féroce qu’on retrouve dans tous ses livres modernes. […] Les femmes amoureuses qui cherchent toujours un livre pour y retrouver leur passion se jetèrent sur Madame Bovary, comme elles s’étaient jetées sur Paul et Virginie. […] Jules Sandeau avait eu un succès pareil avec sa Marianna et Feydeau devait en retrouver un plus tard avec Fanny.

287. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Cette manière de procéder est si conforme à la pente naturelle de notre esprit qu’on la retrouve même à l’origine des sciences physiques. […] Il part de cette idée qu’il y a une évolution continue du genre humain qui consiste dans une réalisation toujours plus complète de la nature humaine et le problème qu’il traite est de retrouver l’ordre de cette évolution. […] Ce n’est pas seulement à la base de la science que se rencontrent ces notions vulgaires, mais on les retrouve à chaque instant dans la trame des raisonnements. […] Mais il n’importe ; car il ne s’agit pas simplement de découvrir un moyen qui nous permette de retrouver assez sûrement les faits auxquels s’appliquent les mots de la langue courante et les idées qu’ils traduisent. […] Mais, à moins que le principe de causalité ne soit un vain mot, quand des caractères déterminés se retrouvent identiquement et sans aucune exception dans tous les phénomènes d’un certain ordre, on peut être assuré qu’ils tiennent étroitement à la nature de ces derniers et qu’ils en sont solidaires.

288. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je ne vois à retenir, et il faut que vous reteniez, dans la Captivité de saint Malc, que ce passage cité un peu partout, et il n’est pas nécessaire d’avoir lu la Captivité de saint Malc pour le connaître ; il est brillant, charmant, et il vous montrera comment, dans un poème où il se sent mal à l’aise et où il n’est pas inspiré, La Fontaine retrouve son inspiration. Il la retrouve — naturellement — quand il s’agit d’une fable à introduire dans le poème. […] Passons donc sur ces exclamations qui sont agréables, mais un peu fades, et lisons ce qui suit : Echo, qui ne tait rien, vous conta ces amours ; Vous les vîtes gravés au fond des antres sourds : Faites que j’en retrouve au temple de Mémoire Les monuments sacrés, sources de votre gloire, Et que, m’étant formé sous vos savantes mains, Ces vers puissent passer aux derniers des humains ! […] Ce qu’il y a de très heureux, ce sont des vers isolés et des couplets, peu longs en général, où La Fontaine retrouve absolument toute sa grâce et tout son charme. […] Je n’ai pas retrouvé Statira ; mais l’analyse qu’en donnent les frères Parfaict dans leur Histoire du Théâtre français n’y signale que du « romanesque » et de la « fade galanterie », n’indique comme y étant aucune bassesse et les soixante-huit vers qu’ils en citent sont mauvais, mais du plus pur pompeux.

289. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Pierre et Paul se retrouvent, comparent leurs mesures, et échangent leurs impressions. […] L’observateur fantasmatique en S, redevenu réel, retrouverait aussitôt le temps réel du système S″, puisque son système se serait immobilisé, puisque le physicien réel s’y serait transporté, puisque les deux systèmes, en tant que référants, sont interchangeables. […] Dans l’un et l’autre cas il y a un seul Temps réel, celui que le physicien réel constatait d’abord en S″, et qu’il retrouve en S et en S′ quand il s’y transporte, puisque S et S″ sont interchangeables en tant que référants, comme aussi S′ et S″. […] Et c’est justement pourquoi elle ne présente aucun retard quand elle se retrouve horloge réelle, à l’arrivée. […] Le Temps réel est d’ailleurs celui que le physicien perçoit et mesure, celui du système où il s’est installé : justement parce que le système mouvant par lui considéré serait, au repos, interchangeable avec le sien au repos, notre physicien retrouverait ce même Temps réel dans le système mouvant qu’il considère s’il s’y transportait et si, par là même, il l’immobilisait, chassant alors le Temps fantasmatique qu’il s’y était représenté et qui ne pouvait être mesuré directement, effectivement, par personne.

290. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

En recueillant les particularités des mœurs qui se retrouvent chez les différentes peuplades nègres à l’état naturel et primitif, on a pu dégager ce qui fait la nature propre de cette race, à savoir la prédominance marquée de la sensibilité sur la volonté et l’intelligence : d’où le défaut d’initiative et d’originalité, l’incapacité radicale pour les idées et les spéculations abstraites, pour les arts et les œuvres de grande création qui réclament une puissante volonté, pour les institutions de self-government qui demandent une forte personnalité ; d’où, au contraire, une aptitude marquée pour toute œuvre de passion violente, de sentiment tendre, d’imagination grossière. […] C’est parce que cette psychologie se retrouve, en traits épars et sous des formes poétiques ou théologiques, chez les peuples de race sémitique, que l’ethnographie est bien plus riche en documents sur cette race que sur les précédentes. […] Il retrouve cette liberté dont le sentiment semblait oblitéré par les explications spécieuses de la physiologie et de la psychologie expérimentale. Il retrouve cette innéité d’instincts, d’affections dont la nature l’a si abondamment pourvu, et dont l’école de Hume l’avait dépouillé. Il retrouve enfin cet a priori de la connaissance humaine que Leibniz avait si bien vu, que Kant a si savamment décrit, qui, réduit à sa juste mesure, témoigne encore d’une manière si éclatante de la richesse naturelle de l’esprit humain.

291. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Au reste, on retrouve dans toutes les théories qui supposent la bonté native et originelle de l’homme, c’est-à-dire, qu’on le veuille ou non, l’harmonie naturelle des individus et l’adaptation spontanée de l’homme à la vie collective, c’est-à-dire encore l’« unité », l’« unanimité » (au sens étymologique) des hommes, un bizarre retour de l’esprit social vers l’instinct individualiste sur lequel j’insisterai car il est significatif et curieux. […] Ainsi chacun peut retrouver l’harmonie ici-bas, ou là-haut, et partout à la fois s’il y tient. […] Ainsi l’âme sociale et l’âme égoïste retrouvent leur accord et peuvent s’essayer à vivre en bonne intelligence. […] Et il est bien intéressant d’en retrouver l’esprit chez des penseurs relativement très libres, et qui se croient peu de préjugés. […] Mais on retrouve encore sa trace et son influence jusque dans ce qui paraît être seulement une révolte de l’instinct individualiste, tellement l’esprit social se mêle à toute notre vie et s’applique à la tourner à son profit.

292. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Nous retrouvons ici le peintre, et dans des tableaux tout neufs que nul avant lui n’avait traités. […] Ainsi marchait, il y a plus de trois mille ans, le berger que nous peignit Moïse ; tel était le régime des troupeaux du désert… Tel je l’ai trouvé dans les Alpes, et le retrouve dans les Pyrénées ; tel je le retrouverai partout.

293. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Ici nous retrouvons des paroles connues et qui ont été proclamées il y a plus de vingt-cinq ans. — L’âge d’or, qu’on place toujours en arrière, est devant nous. — Aimons, travaillons, fécondons l’imprescriptible progrès. — La littérature, dans l’avenir, aura à formuler définitivement le dogme nouveau. — Tout cela encore est bien vague, bien peu défini ; Déroulant devant nous le mouvement scientifique et le mouvement industriel de notre temps, l’auteur essaie de préciser ce rôle qu’il assigne au littérateur, au poète, et qui est, selon lui, d’expliquer la science, de la revêtir de charme et de lumière : « Il se passe parfois, dit-il, de planète à planète, de fer à aimant, de mercure à mercure, de chlore à hydrogène, des romans extraordinaires qu’on dissimule pudiquement derrière des chiffres et des A+B. » L’auteur voudrait que le poète expliquât et rendît sensibles à chacun de nous ces mystères. […] Les mêmes mouvements s’y retrouvent. […] Le voyageur qui se sent entraîné par son instinct vers des lieux inconnus, se dit que ce sont certainement d’anciennes patries qu’il va revoir : J’habitai, je le sais, dans d’autres existences Ces pays radieux, et je suis convaincu Que je sais retrouver, à travers les distances, Tous les endroits certains où j’ai déjà vécu.

294. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

De même dans la vie et la destinée des hommes, — des grands hommes —, quand les circonstances y prêtent, il est de ces heures où ils paraissent tout d’un coup se retrouver tels qu’au début pour les qualités les plus vives, pour celles même que l’âge et la fatigue avaient nécessairement diminuées. 1814 fut pour Napoléon général une de ces merveilleuses saisons de rajeunissement. […] Thiers lui-même y a retrouvé comme son héros (avec tous les mérites acquis) ce je ne sais quoi de rapide et de svelte qui caractérisait ses premiers récits de 1796, ces anciennes pages un peu trop oubliées maintenant, effacées par ses derniers écrits, mais qui étaient d’une si fraîche inspiration et comme enlevées et légères. Ce n’est plus en Italie pourtant, si l’on a retrouvé tout entier le jeune général d’Italie, c’est en France que l’on combat, sur un sol plus cher encore, plus sacré et tout palpitant : et c’est ce qui fait que même ces dernières journées de gloire sont déchirantes, en ce que l’on sent qu’elles sont fugitives et qu’elles vont finir.

295. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

On reconnaît, on retrouve à coup sûr l’homme supérieur, au moins en partie, dans ses parents, dans sa mère surtout, cette parente la plus directe et la plus certaine ; dans ses sœurs aussi, dans ses frères, dans ses enfants mêmes. Il s’y rencontre des linéaments essentiels qui sont souvent masqués, pour être trop condensés ou trop joints ensemble, dans le grand individu ; le fond se retrouve, chez les autres de son sang plus à nu et à l’état simple : la nature toute seule a fait les frais de l’analyse. […] On le retrouve, ardent écrivain de guerre, dans les factions politiques en 1815 et au-delà, puis au premier rang du parti libéral quand il y eut porté sa tente, sa vengeance et ses pavillons.

296. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Trébutien, à redoubler de zèle, à compléter son œuvre commémorative et à donner tout ce qu’il a pu depuis retrouver et rassembler encore de la correspondance de cette personne rare. […] » Mais pendant qu’elle chante et soupire ce petit couplet d’une malice innocente, une lettre arrive, une de ces lettres perdues et retrouvées, et la joie succède à la plainte. […] On retrouve en elle la fille d’une race et d’une société plus antique, plus vieillie, plus usée : elle se sert d’une langue toute faite ; c’est une riche et fine étoffe un peu passée, qu’elle rajeunit avec grâce en la mettant, mais dont chaque pli ne crie pas sous ses doigts.

297. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Son mot n’emporte pas la pièce, comme ferait un La Rochefoucauld et à plus forte raison un Saint-Simon ; mais, cette légère draperie secouée et sous cette surface, on a la pensée du fond qui se retrouve avec tout son sel et son piquant. […] Beugnot crut retrouver sous les Bourbons, en ces premiers moments, une renaissance de ce gouvernement paternel qui lui avait souri dans sa jeunesse sous Louis XVI. […] On y retrouve quelque chose de la raillerie d’Hamilton.

298. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Les grands poëtes ont en eux de puissantes et aussi de cruelles ressources de consolation ; leur âme, comme une terre fertile, se renouvelle presque à plaisir, et elle retrouve plusieurs printemps. […] Revenu de Liège à Paris au commencement de 1783, il partit l’année suivante pour les colonies, où il passa trois années, après lesquelles on le retrouve à Paris en 1787, prêt à repartir de nouveau pour la Guadeloupe, mais cette fois avec le titre de lieutenant général de l’Amirauté et de vice-sénéchal de l’île. […] Celle des deux patries qu’il retrouvait devenait vite son exil ; le mal du pays en lui ne cessait pas.

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