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50. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’on pourrait dire avec justesse, qu’il n’existe que deux manières d’appuyer ses raisonnements sur les objets au dehors de nous, la philosophie ou les miracles. […] Aussi longtemps qu’existera ce désordre, des circonstances favorables, des hasards heureux pourront établir, dans quelques pays, des institutions conformes à la raison ; mais les principes généraux de la politique n’y seront pas fixés, l’application de ces principes aux différentes modifications de l’état social n’y sera pas assurée. […] Des idées diamétralement opposées les unes aux autres s’établissent dans la même tête, et y existent simultanément. […] Il n’existe aucune manière de prouver qu’elle est toujours d’accord avec cet intérêt, à moins d’en revenir à placer le bonheur de l’homme dans le repos de sa conscience ; ce qui signifie simplement que les jouissances intérieures de la vertu sont préférables à tous les avantages de l’égoïsme. Il n’est pas vrai que l’intérêt personnel soit le mobile le plus puissant de la conduite des hommes ; l’orgueil, l’amour-propre, la colère leur font très aisément sacrifier cet intérêt ; et dans les âmes vertueuses, il existe un principe d’action tout à fait différent d’un calcul individuel quelconque.

51. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Or, s’il est vrai que les inconvénients dont nous venons de parler existent, et que ces inconvénients soient inhérents à nos mœurs et à nos institutions, il est vrai aussi que Dieu a retiré à la société le droit de vie et de mort : ainsi que nous l’avons remarqué plus d’une fois, Dieu ne s’explique souvent sur la société que par l’ordre social lui-même. […] La société continuera d’exister par l’échange mutuel des services entre les hommes et les classes ; mais ce ne peut plus être qu’un échange libre, une sorte de servitude volontaire, s’il est permis de parler ainsi. […] Mais soignez le bonheur de la société, parce que la société n’existe que dans ce monde ; l’homme qui vit au-delà peut attendre sa récompense. […] Désormais les opinions n’auront plus le temps de se consacrer : celles qui continueront d’exister n’existeront point par une puissance de perpétuité : mais elles seront adoptées de nouveau à chaque instant de la vie sociale.

52. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

La langue doit aussi se fixer difficilement, lorsqu’il existe diverses universités, diverses académies d’une égale autorité, sur les questions littéraires. […] Ils considèrent toutes les idées dans leurs rapports naturels ; les institutions qui existent chez eux sont trop contraires aux plus simples notions de la philosophie, pour qu’ils puissent en rien y soumettre leur raison. […] Les hommes éclairés, en Allemagne, n’existent que pour l’étude, et leur esprit se soutient en lui-même par une sorte d’activité intérieure, plus continuelle et plus vive que celle des Anglais. […] un pays où cependant on connaît l’amour, où deux êtres se dévouent l’un à l’autre, vivent longtemps à deux, puis savent exister seuls ! […] Il existe une foule de bons ouvrages en allemand, que je n’ai point indiqués, parce que ceux que j’ai nommés suffisaient pour prouver ce que je disais du caractère de la littérature allemande en général.

53. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

C’est qu’en effet, s’il n’existe qu’une seule espèce sociale, les sociétés particulières ne peuvent différer entre elles qu’en degrés, suivant qu’elles présentent plus ou moins complètement les traits constitutifs de cette espèce unique, suivant qu’elles expriment plus ou moins parfaitement l’humanité. Si, au contraire, il existe des types sociaux qualitativement distincts les uns des autres, on aura beau les rapprocher, on ne pourra pas faire qu’ils se rejoignent exactement comme les sections homogènes d’une droite géométrique. […] Si donc nous connaissions la société la plus simple qui ait jamais existé, nous n’aurions, pour faire notre classification, qu’à suivre la manière dont cette société se compose avec elle-même et dont ses composés se composent entre eux. […] On reconnaîtra qu’elle existe à ce signe que cette composition originelle de la société n’affecte plus son organisation administrative et politique. […] À ce moment, en effet, il n’existait pas de classifications de ce genre qui fussent proposées par des sociologues autorisés, sauf peut-être celle, trop évidemment archaïque, de Comte.

54. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

La comédie de l’art, all’ improviso, paraît avoir toujours existé en Italie ; on la rattache aux Atellanes ; on en retrouve les principaux types dans les fresques de Pompéi et d’Herculanum. […] Dès qu’un pitre s’installe sur la place publique et y débite des facéties de son cru, dès que l’esprit d’imitation suscite des grimaciers ou des mimes, elle existe, comme la statuaire existe dès qu’on essaye de pétrir l’argile ou de tailler la pierre, comme la musique existe dès qu’on essaye de moduler les sons de la voix. […] La distinction de l’auteur et du déclamateur est un procédé imparfait, qui n’a d’autre raison d’exister que l’insuffisance de la nature humaine.

55. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Walewski, existe-t-il dans cette pureté au milieu de nous, ou n’est-il qu’une convention scénique ? […] Je crois que l’un et l’autre existent plus qu’il ne l’a dit, et lui-même, il le sait aussi bien que moi. […] Walewski pour les évolutions de son œuvre, peut exister quelque part, et il existe plus ou moins ; mais il n’offre guère rien que de glacé.

56. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’homme qui a cette disposition voit dans le monde beaucoup plus de sujets de jalousie qu’il n’en existe réellement ; et pour se croire à la fois heureux et supérieur, il faudrait juger de son sort par l’envie que l’on inspire : c’est un mobile dont l’objet est une souffrance, et qui n’exerce l’imagination, cette faculté inséparable de la passion, que sur une idée pénible. […] Il y a tant de maux sur la terre, cependant, qu’il semblerait que tout ce qui arrive dans le monde, doit être une jouissance pour l’envie ; mais elle est si difficile en malheurs, que s’il reste de la considération à côté des revers, un sentiment à travers mille infortunes, une qualité parmi des torts ; si le souvenir de la prospérité relève dans la misère, l’envieux souffre et déteste encore : il démêle, pour haïr, des avantages inconnus à celui qui les possède ; il faudrait, pour qu’il cessât de s’agiter, qu’il crut tout ce qui existe inférieur à sa fortune, à ses talents, à son bonheur même ; et il a la conscience, au contraire, que nul tourment ne peut égaler l’impression aride et desséchante, que sa passion dominatrice produit sur lui. […] Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie. Certes, le plus bel exemple qui put exister de renonciation à la vengeance, ce serait en France, si la haine cessait de renouveler les révolutions ; si le nom Français, par orgueil et par patriotisme, ralliait tous ceux qui ne sont pas assez criminels pour que le pardon même ne fût pas cru de leur propre cœur.

57. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

La preuve que cette foi a disparu, c’est qu’une autre existe. […] Et cependant le bourreau existe, et il a toujours existé, et l’on sait qu’il ne manque jamais de candidat à cette épouvantable magistrature. — Qu’on dise qu’il n’existe que pour punir le crime, et, par conséquent, que son office est une manifestation de la justice, on n’a rien dit ; car le crime lui-même, pourquoi existe-t-il ? […] certainement, le mal existe. […] Cette idée existe, c’est l’idée de création. […] Car, dès que le progrès n’existe plus en quelque chose, l’humanité doute qu’il existe en rien, et n’a plus la seule forme du bonheur qu’elle puisse avoir.

58. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

« La question est maintenant de savoir ce que nous avons dans l’esprit, quand nous nous représentons, sous la forme de l’étendue ou de l’espace interposé, la relation qui existe entre les deux objets déjà connus comme simultanés, relation que nous ne supposons pas exister entre l’odeur et la couleur. […] Quand même il n’y aurait en fait dans le monde aucun individu sensible, elles existeraient ; elles existent donc à part et par elles-mêmes. — À ces deux titres, elles s’opposent d’abord aux sensations qui sont passagères et non point permanentes comme elles, ensuite aux individus sentants qui sont eux-mêmes et non point elles. […] Je crois que Calcutta existe, quoique je ne perçoive pas cette ville, et je crois qu’elle existerait encore si tout habitant capable de perception quittait tout d’un coup la place ou tombait mort. […] En étendant ainsi à l’ensemble de toutes nos expériences une relation intérieure qui existe entre ses diverses parties, nous sommes conduits à considérer la sensation elle-même — la réunion totale de nos sensations — comme ayant son origine dans des existences antécédentes et qui dépassent la sensation. […] Nous portons nos sensations avec nous partout où nous allons, et elles n’existent jamais là où nous ne sommes pas.

59. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Par conséquent, nous sommes bien certains qu’il n’existe pas de matière sucrée dans le foie de ce fœtus. […] Quand on ouvrit l’estomac, on y trouva une matière neutre d’un blanc grisâtre qui existe habituellement pendant le sommeil hibernal de ces animaux. […] Il existe également de ces mêmes communications directes dans le foie, entre les vaisseaux de la veine porte et les veines hépatiques. […] Il existe encore une autre manière d’arrêter la fonction glycogénique du foie en agissant sur la peau. […] Le sucre, à l’état physiologique, peut exister, et existe dans certains cas dans tout le sang, mais sans se montrer au dehors ; si sa quantité augmente un peu, l’individu devient diabétique, soit d’une façon continue, soit d’une manière intermittente.

60. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Une foule d’académies, d’universités, existaient dans les grandes villes d’Italie. […] À côté du fanatisme existait quelquefois l’incrédulité, jamais la saine raison. […] Il semble que l’éloquence de la chaire aurait dû exister en Italie plus qu’ailleurs, puisque c’est le pays le plus livré à l’empire d’une religion positive. […] Il se peut qu’il existe encore d’autres exceptions peu connues des étrangers ; mais pour dessiner les traits principaux qui caractérisent une littérature, il est absolument nécessaire de mettre de côté quelques détails. Il n’existe point d’idées générales qui ne soient contredites par quelques exceptions ; mais l’esprit deviendrait incapable d’aucun résultat, s’il s’arrêtait à chaque fait particulier, au lieu de saisir les conséquences que l’on doit tirer de la réunion de tous.

61. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

« Comme tout phénomène a son sujet d’inhérence, comme nos facultés, nos pensées, nos volitions et nos sensations n’existent que dans un être qui est nous, de même la vérité suppose un être en qui elle réside, et les vérités absolues supposent un être absolu comme elles, où elles ont leur dernier fondement. […] Oubliant qu’elle existe, vous avez supposé qu’elle n’existe pas, et vous avez pris pour accordé ce qu’on ne vous accorde pas. […] « Ces vérités sont un attribut et supposent un sujet nécessaire46 » : dans ce second membre vous entendez par vérité connaissance d’un rapport nécessaire et vous voulez dire qu’une connaissance nécessaire suppose un être connaissant, lequel existe nécessairement. […] Le rapport du tout et de la partie existe dans le tout et dans la partie ; la connaissance de ce rapport n’existe ni dans le tout ni dans la partie, mais dans l’être intelligent qui connaît l’un et l’autre. […] Il y a ici un ouvrier agissant, l’abstraction ; il n’y a ici qu’un ouvrier agissant, l’abstraction ; il se fabrique une œuvre qui un instant auparavant n’existait pas : une proposition nécessaire et universelle.

62. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Demandez-lui s’il considère ses perceptions comme des copies des objets, s’il croit que la fleur qui est devant lui, peut exister indépendamment de lui et de tout être humain, et exister avec les mêmes attributs de forme, odeur, goût, etc. : sa réponse sera affirmative. […] Donc rien n’existe que ce qui est perçu. […] Nous pouvons donc dire : quoique dans le cas précédent, l’hydrogène ne puisse exister pour l’oxygène que dans l’identité des deux comme eau, ce n’est pas une preuve que l’hydrogène ne puisse exister dans d’autres rapports avec d’autres gaz. De même, quoique le non-moi ne puisse exister en rapport avec l’esprit, autrement que dans l’idée des deux (perception), ce n’est point une preuve qu’il ne peut exister en rapport avec d’autres êtres sous des conditions toutes différentes222. » Nous admettons donc, avec les idéalistes, que notre connaissance est subjective ; mais nous croyons à l’existence d’un monde externe tout à fait indépendant du sujet percevant. […] Le mécanisme nerveux, dont la conscience est une fonction, continue à exister dans l’intervalle entre deux actes de conscience.

63. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Existe-t-il, en français ou en latin, quelque ouvrage sur l’algèbre, antérieur au xvie  siècle ? […] Ses ouvrages existaient encore manuscrits dans le siècle dernier ; ils ont disparu depuis quatre-vingts ans environ ; ne peut-on espérer de les retrouver ? […] Des correspondances, des manuscrits scientifiques inédits existent encore ou peuvent se retrouver, bien qu’on les ait supposés perdus. […] Philosophie En ce qui concerne la recherche des manuscrits, traitant de matières philosophiques, on n’aura pas à s’occuper beaucoup de ce qui peut s’être fait avant le xiie  siècle, 1º parce que les œuvres philosophiques antérieures à ce siècle, comme celles de Saint-Anselme, de Scot Érigène, etc., existent imprimées ; 2º parce que la scolastique, qui est la grande philosophie du moyen âge, n’était pas véritablement fondée ; 3º parce que les auteurs de ces œuvres, antérieures au xiie  siècle, appartiennent rarement à la France. […] On recherchera donc s’il n’existe pas des manuscrits contenant quelque traité d’Abélard.

64. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Au point de vue de la volonté, il existe aussi une préférence implicite, qui n’enveloppe pas de comparaison. […] Le problème n’est plus seulement : existe-t-il un sujet ? […] Il y a dès lors une différence fondamentale entre ce qui est senti et ce qui n’est pas senti, entre ce qui existe pour soi, s’apparaît à soi-même, et ce qui n’existe que pour un témoin, n’apparaît qu’à un spectateur. […] Une conscience vraiment objective ne peut pas exister, et on a raison d’en nier l’existence. […] Le subjectif y existe partout, mais il y est toujours incorporé dans l’objectif et devient objet de science parce côté « représentable ».

65. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Chaque année tend à remplir les lacunes qui existent dans les populations successives de cette période, et à montrer que le nombre proportionnel des espèces qui s’éteignent est graduel, comme celui des espèces qui naissent. […] Barrande a montré de même qu’il existe un parallélisme général très frappant dans les dépôts siluriens successifs de la Bohême et de la Scandinavie ; néanmoins il trouve des différences surprenantes dans les espèces. […] Ainsi, par exemple, se trouve comblée la grande lacune qui existait entre le Cochon et le Chameau. […] On peut aussi demander où sont les restes de ce nombre infini d’organismes qui doivent avoir existé longtemps avant que les couches inférieures du système silurien ne se soient déposées. […] Les habitants de chaque période successive dans l’histoire du monde n’ont pu exister qu’à la condition de vaincre leurs prédécesseurs dans la bataille de la vie.

66. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

L’intermédiaire qu’on appelle la société n’existe presque point parmi eux ; et c’est dans cet espace frivole de la vie que se forment cependant la finesse et le goût. […] Swift, dans Gulliver et Le Conte du Tonneau, de même que Voltaire dans ses écrits philosophiques, tire des plaisanteries très heureuses de l’opposition qui existe entre l’erreur reçue et la vérité proscrite, entre les institutions et la nature des choses. […] Il existe cependant une sorte de gaieté dans quelques écrits anglais, qui a tous les caractères de l’originalité et du naturel. […] Ce que les Anglais peignent avec un grand talent, ce sont les caractères bizarres, parce qu’il en existe beaucoup parmi eux.

67. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

À cette époque, le laboratoire du Collège de France était le seul qui existât. […] Il ne vit pas davantage lorsque les conditions de milieu n’existent pas que lorsqu’elles existent seules. […] Les êtres vivants ne peuvent exister qu’avec les matériaux d’autres êtres morts avant eux ou détruits par eux. […] Les ferments solubles existent dans les plantes et dans les animaux. […] Bien que l’on ne connaisse pas encore les agents de synthèse des corps vivants, ils existent certainement.

68. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

II Les germes instinctifs, les éléments primitifs de la volonté sont au nombre de deux : l’existence d’une activité spontanée, et le lien qui existe entre nos sentiments et les actions qui les traduisent. Nous avons déjà vu (ch. 1er, § 3. ci-dessus) qu’il existe en nous une activité spontanée qui se déploie sans cause extérieure qui l’excite, et qui ne peut s’expliquer que par une surabondance, un excès, une effusion de puissance ; qu’elle se montre surtout dans l’activité sans repos de l’enfance et du jeune âge ; qu’elle agit sur nos membres locomoteurs, et que souvent même des cris et émissions de voix sont dus à un trop-plein d’énergie centrale. […] La théorie newtonienne de la gravitation explique d’une manière complète et scientifique les phénomènes naturels ; mais à l’idée de gravité substituez une autre idée. celle d’une polarité, par exemple, telle qu’elle existe dans un aimant ; faites en le type et le fond de toutes les forces de la nature, et voyez comme tout se brouille, comme vous substituez à une explication simple un mystère inintelligible. […] D’ailleurs, en accordant à la conscience le privilège de l’infaillibilité, elle ne peut exister que pendant un court moment, qui ne constitue pas une science. […] C’est, à ma connaissance, le répertoire le plus complet qui existe de psychologie exacte, positive, mise au courant des récentes découvertes : il n’y a rien chez nous qui en approche.

69. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

L’unité européenne existait. […] L’harmonie existera. […] La vérité est que l’humanité n’existe pas. […] Elle existait, il en profita. […] Parce qu’elle n’a pas existé.

70. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Si vous échappez à la conquête, tous les vices néanmoins s’introduiront chez vous, parce qu’il n’existera plus parmi les hommes que le seul intérêt du plaisir, et par conséquent de la fortune. […] Partout où il a existé quelques institutions sages, soit pour améliorer l’administration, soit pour garantir la liberté civile ou la tolérance religieuse, soit pour exciter le courage et la fierté nationale, les progrès des lumières se sont aussitôt signalés. […] Plus votre esprit s’élève, plus vous avez honte d’avoir cru qu’il existait quelque sagacité dans ce qui n’était pas la morale, quelque grandeur dans les résolutions qui ne l’avaient pas pour objet, quelque stabilité dans les plans dont elle n’était pas le but. […] Il n’est pas vrai non plus que la morale existe d’une manière plus stable parmi les hommes peu éclairés ; il suffit de la probité sans des talents supérieurs, pour se diriger dans les circonstances ordinaires de la vie ; mais dans les places éminentes, les lumières véritables sont la meilleure garantie de la morale. […] J’ai tâché de rassembler, dans cet ouvrage, tous les motifs qui peuvent faire aimer les progrès des lumières, convaincre de l’action nécessaire de ces progrès, et par conséquent engager les bons esprits à diriger cette force irrésistible, dont la cause existe dans la nature morale, comme dans la nature physique est renfermé le principe du mouvement.

71. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Sans le relief et la précision de sa plume, qui est toujours d’un écrivain, on dirait madame de Ségur… C’est qu’en dehors du mysticisme, qui a fait de lui ce qu’il est quand il est absolument supérieur, Ernest Hello n’existe pas ! II Mais dans l’ordre mystique, il existe, et fortement, et grandement, cet homme exceptionnel. […] Par une contradiction que j’ose lui reprocher, par un de ces entrelacements étranges qui font de lui la plus inattendue des arabesques humaines, Ernest Hello a l’ambition extérieure de ses facultés et en voudrait, avec fureur, la gloire… Un penseur de sa force aurait de la grandeur à dédaigner la gloire, et un mystique comme lui devrait l’oublier ou ne pas même se douter qu’elle existe, et il raffole de cette misère ! […] Seulement, cette inégalité, qui est le pied d’argile de la tête d’or, et qui existe entre ces Contes, différents de sujet, n’existe plus dans ceux-là qui l’emportent nettement sur les autres… Ici, le talent de l’auteur ne défaille pas une seule fois, et il y plane au niveau de lui-même, toujours !

72. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Les jeunes ouvrières qui lisent les romans à très bon marché ne sont capables que de l’enthousiasme du premier moment, que de ce que j’ai appelé l’abandonnement ; le second moment n’existe que pour ceux qui sont plus âgés et qui sont doués d’une certaine faculté d’observation et de mémoire ; mais ceux-ci goûtent des plaisirs beaucoup plus vifs, étant encore capables de s’abandonner, l’étant surtout de comparer le roman à la vie et d’éprouver des sensations d’admiration très vive quand ils estiment que le roman a copié la vie avec sûreté ou plutôt l’a déformée de manière à accuser plus vigoureusement ses traits caractéristiques. […] J’ai entendu une femme de trente ans dire : « Je n’ai jamais pu comprendre ce qu’on trouve d’intéressant dans Madame Bovary. » J’ai pensé à lui répondre : « Ce qu’on trouve d’intéressant dans Madame Bovary, c’est vous », car il n’y a pas de femme de trente ans, je ne dis point qui ne soit Madame Bovary, mais qui ne contienne en elle une Madame Bovary avec toutes ses aspirations et tous ses rêves et toute sa conception de la vie ; une Madame Bovary latente, qui n’éclora point, comprimée et déroutée par toutes sortes d’autres éléments psychiques, mais qui existe. […] Il y a entre les poètes et les lecteurs de poètes une franc-maçonnerie qui n’existe pas entre les romanciers et les lecteurs de romans. […] Il n’y a de distingué, comme distinguant nécessairement de tout, que ce qui n’existe pas, et même que ce qui ne peut pas exister ; car pour être conçu comme pouvant exister, il faut déjà ressembler à quelque chose. […] Je mets à part un « type disparu », ou à peu près, mais qu’il faut mentionner pourtant, puisqu’il n’a pas complètement cessé d’exister, je veux parler du lecteur des livres anciens, du lecteur d’Homère, de Virgile, d’Horace et de quelques autres.

73. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Avant donc de chercher les conditions sociologiques du succès des idées égalitaires, il importe de prouver ce succès même, et qu’elles existent bien, dans la réalité historique, comme idées sociales. […] qu’il existe jusqu’à nos jours plus d’une politique conservatrice et plus d’une morale aristocratique ? […] Mais rappelons d’abord que les classes, dans nos sociétés, n’existent plus en droit. […] Ce qui importe ici à notre thèse, c’est qu’elles existent du moins « théoriquement ». […] L’idée se fait jour qu’il existe une humanité, dont chaque membre a sa valeur propre : ce sont bien nos théories égalitaires qui brillent déjà dans le crépuscule de l’antiquité.

74. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Avec les rationalistes, il admet qu’il existe entre les phénomènes des relations logiques, que les choses sont intelligibles. […] En fait, comme ils ne séparent pas l’idée de la sensation, comme ils ne distinguent pas le sensible de l’intelligible, ils considèrent le monde tout entier comme soumis aux mêmes procédés d’investigation ; les méthodes qui ont réussi dans l’étude du monde matériel sont aussi celles qui doivent être employées à connaître l’esprit, car il n’en existe pas d’autres. […] Suivant les rationalistes, au contraire, le mystère n’existe qu’à la surface et pour les sens ; tout l’effort de la réflexion doit tendre à le dissiper. […] C’est se demander quelles sont les causes qui ont donné naissance aux 12911 différentes maximes dont elle est faite et quelles en sont les raisons d’être, etc. ; puisqu’il s’agit de quelque chose qui est et qui a duré, on peut être certain par avance que ces causes et que ces raisons existent.

75. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Les deux Frances, au point de vue de « l’unité patriotique », n’ont donc jamais existé. […] Pour lui, au fond, la loi de 1901 n’existait pas. […] L’aristocratie n’existait plus ; les nobles existaient, mais n’avaient absolument aucun privilège et ne constituaient aucun danger. […] Il ne néglige pas ses affaires : il ne les connaît plus ; elles n’existent plus pour lui. […] Seulement je veux qu’elle n’existe pas.

76. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Tels sont le germe de la levure, le champignon appelé protococcus nivalis, la cellule parasite qui cause la petite vérole, la grégarine, animal monocellulaire, qui habite les intestins de certains insectes, et est baigné par le fluide nutritif qu’il s’assimile, qui est maintenu à une température à peu près constante, et ne peut continuer d’exister qu’autant que son milieu spécial existe. […] Il est clairement impliqué par tout ce qui précède, que la ligne de démarcation qu’on trace communément entre l’instinct et la raison n’existe pas. […] Si, à la naissance, il n’existe rien qu’une réceptivité passive d’impressions, pourquoi un cheval ne pourrait-il pas recevoir la même éducation qu’un homme ? […] Herbert Spencer, c’est qu’il existe entre tous les phénomènes de l’intelligence une unité de composition149. […] « Mais l’aptitude à percevoir l’égalité implique une aptitude corrélative à percevoir l’inégalité ; l’une ne peut exister sans l’autre.

77. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Il existe une nuance, — difficile à exprimer peut-être, mais très facile à saisir, — entre la bonne chose qu’on a laissée tomber de sa bouche et la bonne chose qu’on n’a pas encore dans sa bouche. […] C’est qu’il y a sous l’image-attente une tendance au mouvement, une force impulsive et motrice qui n’existe nullement dans l’autre. […] Ce degré n’existe guère véritablement que chez l’homme, et encore chez le savant. […] C’est de la psychologie faite non sur le vif, mais sur des concepts abstraits, tels qu’ils existent chez l’homme adulte et civilisé. […] Le temps est d’abord une intuition d’objet, puis il se trouve que cet objet n’existe pas, que c’est simplement notre manière constante de sentir dont nous avons la conscience.

78. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Ce lien, ce rapport existe-t-il entre la Grèce et nous comme il existe, par exemple, entre nous et Rome ? […] La femme, si toutefois il y en a une parmi les concubines qu’on puisse appeler la femme légitime, la femme, l’épouse, que le droit romain avait grandie jusqu’à la Matrone et que le Christianisme seul pouvait grandir davantage, n’existe pas pour la Grèce. […] Qui prendrait Saint-Simon, Fourier, Owen, Cabet, Blanc, et chercherait les parentés d’idées qui existent dans leurs systèmes avec les idées des anciens législateurs de la Grèce, s’émerveillerait de ce qu’il y trouverait d’analogue ou d’entièrement semblable. […] Manquant, comme les démocrates grecs, du véritable instinct politique, méconnaissant la réalité de leur temps comme les Grecs méconnaissaient la réalité du leur, ils établissent entre les gouvernements et les nations modernes, et les gouvernements et les nations de l’antiquité, un rapport qui n’a jamais existé que d’eux seuls à cette partie de l’antiquité, morte !

79. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Pourtant le poète a beau faire, il a beau vouloir nous composer un don Juan unique, contradictoire et vivant, presque innocent dans ses crimes ; ce candide corrupteur n’existe pas. […] Est-ce que la poésie existerait moins, ô poète, s’il n’y avait pas de roués du tout ? […] Il existe toute une petite école qui s’est mise à imiter M. de Musset. […] Ce n’est pas au moment où M. de Musset s’élevait le plus haut que cette vogue mondaine s’est déclarée ; elle n’est venue qu’après, comme il arrive d’ordinaire, mais elle existe. […] En est-il donc moins vrai que la lumière existe, Et faut-il l’oublier du moment qu’il fait nuit ?

80. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Ce type, cette vérité existait, suivant lui, dans l’entendement de Dieu, et les (…), les formes, ce que notre philosophe appelle la chose individuelle, étaient autant d’émanations de ces premiers types, de ces vérités existantes dans l’entendement de Dieu. Ainsi la vérité, le type, l’idée générale de la beauté n’existe pas dans la nature ; le Platon ancien vous dira qu’elle existe dans l’entendement divin, le Platon moderne, que c’est un être idéal. La belle femme individuelle qui existe, que vous rencontrez aux spectacles, dans les assemblées, à la promenade, n’est qu’une émanation de l’idée générale, de ce que Platon appelait vérité. […] Mais, me dira l’artiste qui réfléchit avant que de contredire, où est donc le vrai modèle, s’il n’existe ni en tout ni en partie dans la nature ; et si l’on peut dire de la plus petite et du meilleur choix, (…) ? […] Lorsque je m’arrache les entrailles, lorsque je pousse des cris inhumains ; ce ne sont pas mes entrailles, ce ne sont pas mes cris, ce sont les entrailles, ce sont les cris d’un autre que j’ai conçu et qui n’existe pas… or il n’y a, mon ami, aucune espèce de poëte à qui la leçon de Garrick ne convienne.

81. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Le remplacé n’existe que comme conception de l’esprit. […] Le mouvement existe bien ici, en effet, il est dans l’appareil. […] Il faut donc que les Idées existent par elles-mêmes. […] Pourtant la succession existe, j’en ai conscience, c’est un fait. […] Or une relation n’existe pas séparément.

82. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Ne nous étonnons donc pas de la contradiction qui paraît exister entre les philosophes relativement à la nature du plaisir et de la douleur. […] Ou ne doit-il pas exister entre les deux un lien plus profond et plus intime, indépendant de la sélection qui le diversifie et le perfectionne, mais ne le crée pas ? — Nous allons voir que ce lien existe en effet, et qu’il existe avant l’influence extérieure de la sélection naturelle. […] Dans l’état de repos, ces deux travaux moléculaires, accompagnés de courants électriques inverses, existent simultanément et se font à peu près équilibre. […] Mais la faim ici renaît de ce que le bien-être antérieur, qui existait indépendamment d’elle, se sent menacé, amoindri, épuisé, et s’échappe ainsi à lui-même.

83. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Jusqu’alors la peinture murale existait seule. […] Il y a très peu de temps que cet usage existait encore en Espagne. […] La prose n’existe à l’état absolu que dans les mathématiques. […] La poésie existe. […] Le vrai respect n’existe qu’avec la force et la liberté.

84. (1908) Après le naturalisme

et pouvons nous avancer que de telles influences existent. […] Un livre ignoré n’existe pas. […] Le choix n’existe même pas. […] Il n’existe point une poésie intégrale. […] Vraiment, depuis que l’homme existe, a-t-il jamais aspiré à autre chose.

85. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Quand nous fabriquons par la pensée tel nombre, tel polygone ou tel cylindre, nous n’avons pas à expliquer son origine ; il n’existe pas en fait dans la nature ; il n’est que possible et non réel. […] Cette raison peut exister, quoique ignorée, et, de fait, si nous regardons le passé de nos sciences, nous trouvons qu’en mainte occasion, quoique ignorée, elle existait. […] Elle existait dans la nature ; mais les savants trop peu instruits ne l’y avaient pas encore découverte. Elle existe aujourd’hui dans la nature ; mais nous ne pouvons pas et nous ne pourrons peut-être jamais l’y démêler. […] Par suite, si à un moment donné le caractère cesse d’exister, c’est qu’une ou plusieurs de ses conditions auront cessé d’être.

86. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Dans la seconde partie, je compte examiner les gouvernements anciens et modernes sous le rapport de l’influence qu’ils ont laissée, aux passions naturelles aux hommes réunis en corps politique, et trouver la cause de la naissance, de la durée, et de la destruction des gouvernements, dans la part plus ou moins grande qu’ils ont faite au besoin d’action qui existe dans toute société. […] Il faudrait examiner les institutions dans leur essence même, et convenir qu’il n’existe plus qu’une grande question qui divise encore les penseurs ; savoir, si dans la combinaison des gouvernements mixtes, il faut, ou non, admettre l’hérédité. […] Les gouvernants dans un petit pays sont beaucoup plus multipliés par rapport aux gouvernés, et la part de chacun, à une action quelconque, est plus grande et plus facile : enfin, si l’on répétait d’une manière vague, qu’on n’a jamais vu une constitution fondée sur de telles bases, qu’il vaut mieux adopter celles qui ont existé pendant des siècles ; on pourrait demander de s’arrêter à une réflexion qui mérite, je crois, une attention particulière. […] Il semble qu’on ne s’est jamais assez mis à la disposition de ceux qu’on aime, qu’on ne leur a jamais assez prouvé qu’on ne pouvait exister sans eux ; que l’occupation, les services de tous les jours ne satisfont pas assez au gré de la chaleur de l’âme, le besoin qu’on a de se dévouer, de se livrer en entier aux autres ; on se fait un avenir tout composé des liens qu’on a formés. […] Tout ce qu’il faut de mouvement à la vie sociale, tout l’élan nécessaire à la vertu existerait sans ce mobile destructeur : mais, dira-t-on, c’est à diriger les passions et non à les vaincre, qu’il faut consacrer ses efforts ; je n’entends pas comment on dirige ce qui n’existe qu’en dominant : il n’y a que deux états pour l’homme, ou il est certain d’être le maître au-dedans de lui, et alors il n’a point de passions ; ou il sent qu’il règne en lui-même une puissance plus forte que lui, et alors il dépend entièrement d’elle.

87. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Mais aux qualités de culture littéraire, philosophique et scientifique qu’on exige de ce Messie, qui serait digne… Pourtant Il existe peut-être, et attend qu’on lui fasse signe. […] Pourtant, il me semble qu’il existe une critique, bonne ou mauvaise, pour les romanciers ; mais y en a-t-il une pour les poètes ? […] On vous attaque, donc vous existez. […] La critique n’existe pas ? […] Il observe, en effet, très justement, que s’il existe une critique, bonne ou mauvaise, pour les romanciers, il n’y en a pas du tout pour les poètes.

88. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Il existe un rapport très bref et très simple fait à l’amirauté autrichienne par le capitaine de Wohlgemuth, qui a un an au séjourné pôle pour y faire des recherches scientifiques. […] On peut même ajouter que, d’après les données actuelles de la science, le conscient n’est pas tout et est souvent superficiel ; aussi l’inconscient doit-il être présent et se laisser sentir dans l’œuvre d’art partout où il existe dans la réalité, si l’on veut donner l’impression de la vie. […] Il existe nombre d’études de caractères sur le prises vif, parfaitement vraies, qui n’exerceront pourtant jamais d’influence notable dans la littérature ; pourquoi ? […] Le concret, sans lequel l’art en somme ne peut exister, est aussi le particulier. […] Les modes existeront toujours pour le style, ce « vêtement de la pensée », comme pour les costumes humains ; mais il est des modes plus ou moins absurdes ; par exemple, les perruques du temps de Louis XIV ou les boucles dans le nez que portent les sauvages.

89. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

N’est-ce point pour cela qu’il imagine son monde des Idées, vivant dans le sein de Dieu, substances et âmes intérieures de toutes tes choses qui existent ? […] Il ne nie point l’amour paternel, l’amour maternel ; et c’est probablement qu’il reconnaît qu’ils existent et à l’état pur. […] Dire que nous agissons toujours en vue de notre intérêt, c’est dire que nous n’agissons jamais par bonté, mais c’est dire aussi que nous n’agissons jamais par méchanceté, que l’homme ne fait jamais le mal pour le plaisir de faire le mal, qu’en un mot la méchanceté n’existe pas ! […] Il aiguise son esprit à les trouver et il l’affine plus encore à les faire disparaître ; il s’exerce à les faire lever ; il s’exerce plus encore à se démontrer à lui-même qu’elles n’existent pas et n’ont jamais existé.

90. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Comme le genre humain ne doit rien perdre de ce qu’il a successivement acquis, il faut tâcher de retenir ce que nous pourrons des deux âges qui ont précédé ; et surtout il faut admettre que l’âge actuel ne pourrait pas exister, tel qu’il est, ou tel qu’il sera par la suite, s’il n’eût pas été préparé par tous les développements des deux autres âges. […] Ici, et j’en ai déjà prévenu plus d’une fois, je ne dois tenir aucun compte des intérêts différents qui peuvent exister : cela compliquerait la question, et n’est point de mon sujet. […] La classe des hommes qui ne pensent qu’avec la parole a longtemps été la plus nombreuse ; elle existait seule dans les premiers âges du monde. […] Ainsi la société, à présent qu’elle est établie, peut se soutenir d’elle-même, et par la seule force du principe primitif en vertu duquel elle existe. […] Ainsi, en définitive, de ce que l’opinion des peuples existe à présent comme puissance dirigeante, il ne finit pas conclure la souveraineté du peuple et l’usurpation des gouvernements.

91. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Mais eût-elle existé au degré où les historiens modernes l’ont poussée, que les Romains n’eussent pas été châtiés par les Barbares, même quand ils furent envahis par eux. […] Rien de ce qu’on en dit n’exista. […] Le droit de vie et de mort, qui n’existe plus dans nos systèmes énervés de gouvernement, et qu’a gardé, comme un dernier vestige du droit romain, la monarchie française jusqu’à Henri III, qui fit tuer Guise sans jugement, et Louis XIII, le maréchal d’Ancre, ce droit terrible était inhérent au pouvoir politique chez les Romains. […] Et si, alors, l’Empire Romain était un grand nom plus qu’une grande choie, s’il n’était plus guères qu’un dais avec une momie byzantine par dessous, il existait encore énergiquement par l’influence ; il existait et planait encore comme une divinité politique sur toutes les royautés barbares.

92. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Mais, en dépit de la rigoureuse unité que le volume emprunte de son titre, il reste acquis que chaque trinité, conçue individuelle, existe en soi et détient sa propre signification. […] J’entends d’ici les gens reprendre : « Mais c’est le symbole, il y a longtemps que ça existe. » Certes, oui, le symbole existait, mais il existait à l’état inconscient.

93. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Le monde « existerait là, dehors, tout réel objectivement et sans notre concours ; puis il arriverait à pénétrer, par une simple impression sur les sens, dans notre tête, où, comme là dehors, il se mettrait à exister une seconde fois ». […] Le monde de la connaissance, dit Schopenhauer, n’existerait plus si cette sorte d’objets qu’on appelle cerveaux « ne pullulaient sans cesse, pareils à des champignons, pour recevoir le monde prêt à sombrer dans le néant et se renvoyer entre eux, comme un ballon, cette grande image identique en tous, dont ils expriment l’identité par le mot d’objet ».

94. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Mon caractère n’est pas mon vrai moi ; il existe en grande partie pour moi, malgré moi, et non par moi. […] Illusoire ou non, cette conception du sujet pur a pour origine l’antithèse fondamentale de l’interne et de l’externe, de la conscience et des objets auxquels elle s’applique, sans lesquels elle n’existerait pas et dans lesquels, cependant, elle ne paraît pas s’épuiser ; car ces objets, à leur tour, en tant du moins qu’objets de conscience, n’existeraient pas sans la conscience. […] Il existe alors, sur ce point, une indétermination, aboutissant à telle détermination sans qu’il y ait de raisons pour que cette détermination et non l’autre se réalise. […] De ce qu’un acte de libre arbitre introduirait une nouveauté absolue dans le monde, il n’en résulte nullement que les nouveautés relatives qui existent dans le monde soient libres. […] Le déterminisme est-il complet s’il n’étudie pas l’influence de cette idée, qui, en fait, existe dans la conscience humaine ?

95. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

C’est vous dire que « la façon » n’a, à mes yeux, aucune importance pourvu que le prix existe. […] Mais cela ne saurait empêcher les prix littéraires d’exister. […] Il en existe depuis longtemps de vastes distributions par l’Académie. […] oui, plût au ciel qu’il n’existât pas de prix littéraires ! Mais ils existent et ils existeront encore longtemps.

96. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Mais parce que tous ne se rendent pas compte du mouvement, le mouvement en existe-t-il moins ? […] La versification est un procédé d’art ; la poésie existe en soi : elle est du divin. […] Tel poète que nous ne connaissons pas, qui existe déjà ou qui vivra dans des siècles, en révélera aux hommes de tout à fait inattendus. […] Ces trois modes d’expression existent côte à côte. […] C’est là le fond même de la différence qui existe entre eux.

97. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Pythagore disait qu’ il n’y avait de réel que ce qui était spirituel ; que le matériel n’existait pas . […] Si le régime républicain n’avait pas cessé d’exister depuis Aristote, les modernes lui seraient aussi supérieurs dans la connaissance de l’art social que dans toute autre étude intellectuelle. […] On dirait que, nouveaux dans la vie, ils ne savent pas si ce qui est pourrait exister autrement. […] J’examinerai, dans le chapitre suivant, quelques-unes des raisons politiques de la différence qui existe entre Cicéron et Démosthène.

98. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Ainsi, quoique l’ouvrage de M. de Bonald semble s’appliquer à un ordre de choses qui n’existe plus, cet ouvrage n’en est pas moins d’une très grande importance et d’une utilité incontestable, parce que la vérité est toujours la vérité, parce que le don primitif de la parole n’a pas cessé d’être l’origine de nos connaissances. […] Ils n’ont pas fait attention que ce qui avait été fondé au commencement continuait d’exister par son énergie propre, et non point par une impulsion sans cesse renouvelée. […] La parole a répandu dans le monde toutes les idées qu’elle avait à y répandre : sa mission est en quelque sorte finie ; mais ce qui existe par elle continue d’exister.

99. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Il croit à la morale par elle-même, et il y croit si dru qu’il n’est pas du tout frappé comme il devrait l’être de ce grand fait qui se retourne contre sa pauvre morale, la soufflète et la convainc d’impuissance, — le contraste qui existe et n’a pas cessé d’exister à la Chine entre la moralité enflée ou sentimentale des paroles et la scélératesse des actes ! […] Seulement, ces La Palisse, en fait de maximes, ces tautologistes d’une imbécilité grandiose, sont doublés des coquins les plus déliés et les plus retors qui aient jamais existé. […] C’est que la morale ne peut pas exister par elle-même, et qu’où elle est seule, avec ses principes tirés de soi, sans le Dieu personnel et rémunérateur qui punit ou qui récompense, elle n’est plus qu’une sotte et intolérable dérision !

100. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Grotius établit « qu’il y a un droit naturel des nations fondé sur l’instinct de sociabilité ». « C’est à lui qu’il faut attribuer l’honneur d’avoir le premier émis la grande pensée humanitaire d’une commission de tous les peuples s’entendant pour proscrire la guerre. » La science du droit international existait désormais encore humble et restreinte, mais contenant en germe toutes les larges idées de l’avenir.‌ […] Les progrès y furent rapides, et de nos jours, il existe un mouvement d’opinion et d’étude considérable en faveur du règlement juridique des conflits inter-nationaux. […] La convention postale de Berne de 1874, complétée et améliorée dans des conférences postérieures, crée une Union postale universelle constituant un véritable code ; en cas de litige entre deux pays, un arbitrage international décide… Si l’on ajoute à ces grands traités l’immense quantité de conventions relatives à l’hygiène publique, à l’extradition des criminels, aux relations commerciales, à la faillite, aux successions, aux abordages, à la situation juridique des étrangers, aux monnaies, aux poids et mesures, et qu’on considère les mille difficultés que provoque leur exécution, on est obligé de reconnaître que le monde entier enserré dans les liens innombrables qu’ont tressés sur lui les relations chaque jour plus étendues des peuples, forme lui-même un vaste État, où le droit existe, où la loi s’impose, et qui réclame impérieusement une juridiction commune pour ses intérêts communs. » ‌ Ajoutons à cette brève nomenclature, un exemple tout récent et fort typique. […] Quelque humble et restreinte que soit actuellement la pratique de l’arbitrage, elle n’en existe pas moins, affirmant cette vérité, qui va s’imposant chaque jour davantage, qu’il appartient aux cerveaux conscients de juger en dernier ressort, en dehors des nationalités.

101. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

je cherche si l’effet mécanique existe, je le constate et je réponds : oui, il y a un courant. Vous comprenez à la fois que cela veut dire que l’effet mécanique existe, et que l’effet chimique, que je n’ai pas recherché, existe également. Imaginons maintenant que, par impossible, la loi que nous croyions vraie, ne le soit pas et que l’effet chimique n’ait pas existé dans ce cas. […] On lira alors dans les traités de chimie : « il existe deux corps que les chimistes ont longtemps confondus sous le nom de phosphore ; ces deux corps ne diffèrent que par leur point de fusion ». […] Dira-t-on que, si nous ne connaissons pas sur la Terre un corps qui ne fonde pas à 44° tout en ayant les autres propriétés du phosphore, nous ne pouvons pas savoir s’il n’en existe pas sur d’autres planètes ?

102. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Outre Baudelaire, Dierx et Heredia, trois hommes existaient dont t’œuvre, isolée dans la Littérature contemporaine, proposait un principe de nouveauté. […] Quelques-unes ont survécu, existent encore, prospères même, la Revue Blanche par exemple ou le Mercure de France. […] Par rapport à l’homme, sujet pensant, le monde, tout ce qui est extérieur au moi, n’existe que selon l’idée qu’il s’en fait. […] Le Vers, tel qu’il existe en français, a ceci d’assez particulier qu’on peut dire qu’il préexiste, en quelque sorte, à la pensée qu’il doit exprimer. […] Un poème est un ensemble d’images, de rythme, d’harmonie qui existe par lui-même et qui cesse d’exister si on le décompose et si on en disserte.

103. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

En d’autres termes, la volonté n’existe pas, puisqu’elle se réduit à la sensation transformée. […] Réduit à des sensations toutes passives, s’il en pouvait exister de telles, je ne me distinguerais plus de rien et me perdrais tout entier dans l’univers. […] Donnez le nom qui vous plaira à ce mouvement vers l’avenir (avenir qui n’a pas besoin d’être conçu), toujours est-il que ce mouvement existe. […] Il n’en est pas moins vrai qu’une seconde est toujours une durée, qu’un millimètre est toujours une étendue, que la pensée d’une action est toujours une action, que l’idée d’un mouvement est toujours ce mouvement commencé ; s’il est arrêté ensuite, cela ne l’empêche point d’avoir existé tout d’abord. […] Donc, pour l’expérience positive, abstraction faite de toute spéculation philosophique, nous avons le droit de conclure qu’il existe un fait original appelé le vouloir, lequel est à la fois inséparable et distinct de tout fait de discernement.

104. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

La cause rectrice est, par elle-même, — indépendamment de la cause efficiente et régie, qui ne peut être pensée isolée, qui ne peut donc, — nos conceptions logiques venant des sens, — exister telle, expérimentalement. […] Le principe de l’art pour l’art fondé en raison à juste et utile, tant qu’on ne considère que les œuvres en soi, tant qu’on n’a souci que de la liberté et de l’orgueil nécessaires à l’artiste, — peut sembler absurde et dangereux quand on songe que les livres, les statues, les tableaux et les musiques n’existent pas seuls dans un monde vide. […] La seconde partie de l’analyse critique se rapporte également à la psychologie générale, avec cet indice particulier qu’elle aboutit non pas à des connaissances sur le mécanisme mental humain moyen, mais bien sur l’âme d’êtres humains individuels, ayant réellement existé, observés par le dehors sur leurs manifestations, et intéressants à connaître, en leur qualité d’êtres supérieurs. Enfin, un troisième ordre de connaissances, extraites de la notion de la relation entre l’œuvre et son admirateur, nous permet de fonder cette science qui jusqu’ici n’existait que de nom : la psychologie des peuples. […] Considérant plus particulièrement les relations de l’artiste avec son groupe d’admirateurs, nous avons reconnu qu’au lien de dépendance qui unit ces deux facteurs, on peut assimiler les rapports qui existent entre les grands hommes et la masse pour accomplissement d’une entreprise.

105. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Remouchamps, Victor »

D’ailleurs, il pourrait prendre pour devise l’admirable mot de Shakespeare : Rien pour moi n’existe, sauf ce qui n’existe pas.

106. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Ne pourrait-il exister dans l’univers quelque masse gigantesque, beaucoup plus grande que celle de tous les astres connus et dont l’action pourrait se faire sentir à de grandes distances ? […] Une remarque encore : le principe d’induction serait inapplicable, s’il n’existait dans la nature une grande quantité de corps semblables entre eux, ou à peu près semblables, et si l’on ne pouvait conclure par exemple d’un morceau de phosphore à un autre morceau de phosphore. […] On peut dire par exemple que l’éther n’a pas moins de réalité qu’un corps extérieur quelconque ; dire que ce corps existe, c’est dire qu’il y a entre la couleur de ce corps, sa saveur, son odeur, un lien intime, solide et persistant, dire que l’éther existe, c’est dire qu’il y a une parenté naturelle entre tous les phénomènes optiques, et les deux propositions n’ont évidemment pas moins de valeur l’une que l’autre. […] Mais il y a mieux ; dans le même langage on dira très bien : ces deux propositions, le monde extérieur existe, ou, il est plus commode de supposer qu’il existe, ont un seul et même sens.

107. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Lubbock a montré qu’il existe dans le principal filet nerveux du Coccus une variabilité comparable aux bifurcations irrégulières du tronc d’un arbre. […] — Il existe un phénomène, en connexion avec les différences individuelles, très difficile à expliquer. […] Il arrive même souvent qu’une forme est considérée comme variété d’une autre, non parce que les liens intermédiaires sont actuellement connus, mais parce que l’analogie conduit l’observateur à supposer, ou qu’ils existent quelque part, ou qu’ils peuvent avoir existé jadis : une large porte s’ouvre alors aux doutes et aux conjectures. […] De plus, des plantes placées très bas dans l’échelle de l’organisation sont généralement beaucoup plus répandues que des plantes d’organisation plus élevée ; et là encore il n’existe aucune relation nécessaire avec la grandeur des genres. […] Et nous pouvons concevoir aisément ces analogies, si chaque espèce a existé d’abord comme variété, et s’est formée de la même manière ; elles sont inexplicables, au contraire, si chaque espèce a été créée séparément.

108. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Faute de saisir, elle peut au moins sentir noblement que quelque chose existe, digne d’être saisi. […] Mais le mot, en même temps qu’il existe du point de vue musical du vers, existe du point de vue grammatical, logique, prosaïque, probatoire et oratoire de la phrase. […] A plus forte raison existe-t-il autant de durées vivantes qu’Il y a de vies humaines. […] Il existe, lue ou non, une bibliothèque idéale, « richesse dont on se doute ». […] Tout existe afin d’aboutir non à un lettré, mais à un Livre.

109. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Il existe à part. […] Il existe solitairement et forme un tout ; il existe solidairement et fait partie d’un ensemble.

110. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

. — Si l’on donne au mot antinomie ce sens absolu, on ne peut parler d’antinomie entre l’individu et la société ; car en fait l’individu n’existe jamais et n’a probablement jamais existé à l’état isolé. Individu et société sont deux réalités qui existent concurremment et qui se supposent l’une l’autre, tout en s’opposant l’une à l’autre. — Il convient de remarquer d’ailleurs que dans l’ordre concret, dans l’ordre des réalités vivantes et agissantes, le sens relatif du mot antinomie est le seul acceptable. […] Plus d’une fois l’individu qui ne cherche dans ses attaques contre la société qu’une satisfaction de ses désirs antisociaux se persuade à lui-même qu’il obéit à une préoccupation de justice sociale, qu’il poursuit un idéal de sociabilité supérieure, et par contre, tel autre qui prétend ou qui croit même poursuivre un but social, un idéal politique et moral supérieur, ne recherche au fond qu’une occasion de renverser ce qui existe et jouit surtout du plaisir de la destruction. […] C’est la solution de Guyau et en général des sociologues qui admettent l’existence d’une sorte d’altruisme et de socialisme primitif (ce dernier mot pris au sens le plus large). — Dans les sociétés primitives l’individu aurait très peu existé ou même pas du tout.

111. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Par ces combinaisons, il reproduit sans doute bien souvent les types mêmes de la nature ; d’autres fois, il manque son œuvre et aboutit à des êtres monstrueux, non viables dans l’ordre de la nature ; mais d’autres fois aussi, — et c’est là l’un des espoirs les plus hauts, l’une des marques du vrai génie, — il peut aboutir à créer des types parfaitement viables, parfaitement capables d’exister, d’agir, de faire souche dans la nature, et qui cependant n’ont jamais existé en fait, n’existeront peut-être, jamais. Ces types-là sont une création de l’imagination humaine, au même titre que tel corps qui n’existait pas dans la nature et qui a été fabriqué de toutes pièces par la chimie humaine avec des éléments existants dont elle a seulement varié la combinaison. […] Un des traits communs qui existent entre eux, c’est le dédoublement de la personnalité. […] Il n’existe plus, à proprement parler, de littérature française, et la littérature anglaise elle-même commence à se diversifier33. […] Hennequin, que l’influence du milieu social n’existe point pour la plupart des grands génies, comme Eschyle, Michel-Ange, Rembrandt, Balzac, Beethoven : c’est là un paradoxe ; mais nous accorderons que cette influence cesse d’être prédéterminante dans les communautés extrêmement civilisées, telle que l’Athènes des sophistes, la Rome des empereurs, l’Italie de la Renaissance, la France et l’Angleterre contemporaines.

112. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Les noms de Wallstein, de Tilly, de Bernard de Weymar, d’Oxenstiern, de Mansfeld, réveillent dans la mémoire de tous les spectateurs des souvenirs qui n’existent point pour nous. […] Andromaque est l’une des pièces les plus parfaites qui existent chez aucun peuple ; et Racine, ayant adopté le système français, a dû écarter, autant qu’il le pouvait, de l’esprit du spectateur, le souvenir du meurtre de Clytemnestre. […] Une grande correspondance existe entre tous les êtres moraux et physiques. […] Les Allemands voient dans l’amour quelque chose de religieux, de sacré, une émanation de la divinité même, un accomplissement de la destinée de l’homme sur cette terre, un lien mystérieux et tout-puissant entre deux âmes qui ne peuvent exister que l’une pour l’autre. […] On prévoit même que s’il la refuse elle ne se croira pas coupable de lui résister : son amour l’occupe et l’absorbe tout entière ; elle n’existe que pour le sentiment qui remplit toute son âme.

113. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

La première, la centralisation gouvernementale, lui paraît salutaire et nécessaire à la force d’un État, au maintien de son unité ; elle existe aux États-Unis plus forte qu’on ne croit, trop forte même dans beaucoup d’États selon lui ; elle existe à côté de la décentralisation administrative la plus éparse. La centralisation administrative, qui certainement ajoute de la force à l’autre, mais aux dépens de la vie même de chacun des membres de la nation, existe en France plus absolue aujourd’hui que jamais, plus entière que sous Louis XIV, qui, tout en disant avec raison : l’État, c’est moi, le pouvait dire à titre de gouvernement bien plutôt qu’à titre d’administration. […] Je ne puis m’empêcher de croire qu’il existe pour nous beaucoup de points de contact et qu’une sorte d’intimité intellectuelle et morale ne tarderait pas à régner entre vous et moi, si nous avions l’occasion de nous mieux connaître.

114. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

S’il n’existait plus en France de femmes assez éclairées pour que leur jugement pût compter, assez nobles dans leurs manières pour inspirer un respect véritable, l’opinion de la société n’aurait plus aucun pouvoir sur les actions des hommes. […] S’il existait une femme séduite par la célébrité de l’esprit, et qui voulût chercher à l’obtenir, combien il serait aisé de l’en détourner s’il en était temps encore ! […] quelques vertus privées, quelques services obscurs, quelques sentiments renfermés dans le cercle étroit de sa destinée, quelques écrits qui la feront connaître dans les pays qu’elle n’habite pas, dans les années où elle n’existera plus. […] L’intérêt qu’inspire une femme, la puissance qui garantit un homme, tout lui manque souvent à la fois : elle promène sa singulière existence, comme les Parias de l’Inde, entre toutes les classes dont elle ne peut être, toutes les classes qui la considèrent comme devant exister par elle seule, objet de la curiosité, peut-être de l’envie, et ne méritant en effet que la pitié.

115. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

Mendès, ce pandémonium de chimères où les monstres alternent avec les plus difformes caricatures, qui ne sont pas la vérité non plus ; tous sont tellement pétris et tripotés dans l’hyperbole et dans l’impossible, que Victor Hugo lui-même, malgré ses fameux yeux qui grossissent tout ce qu’ils regardent, déconcerté par un tel spectacle, serait bien capable de dire à la fin qu’une telle société de monstres n’existe pas. […] Et, cependant, dans ce monde impossible, créé par une si sombre et si farouche fantaisie, il y a quelque chose de possible et qui est… Il y a le talent animé qui fait croire que ce qui est impossible a pu exister. […] On sait bien qu’ils n’existent pas tels que M.  […] Mais il existe, lui, et pour nous impressionner, ne fût-ce que deux minutes, avec le roman de tous ces monstres, il faut qu’il ait un talent d’expression, ma foi !

116. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Si quelque distinction tranchée existe entre les races domestiques et les espèces, cette source de doutes ne se représenterait pas si fréquemment. […] L’argument principal sur lequel s’appuient ceux qui croient à leur multiple origine, c’est que nous trouvons jusque dans les récits les plus anciens, et en particulier sur les monuments de l’Égypte, une grande diversité dans les races qui existaient alors : c’est que plusieurs d’entre elles ont une ressemblance frappante et sont peut-être identiques à celles qui existent encore aujourd’hui. […] D’après cela, il aurait dû exister, en Europe seulement, une foule d’espèces de Bœufs sauvages, autant d’espèces de Moutons, plusieurs sortes de Chèvres. Il en aurait existé plusieurs, rien que dans les limites de la Grande-Bretagne : un auteur a affirmé que ce pays doit avoir renfermé onze espèces de Moutons sauvages qui lui étaient propres ! […] À l’égard des animaux, cette sorte de sélection est aussi pratiquée ; car il n’existe guère de gens si peu soigneux que de laisser se reproduire les plus défectueux sujets de leurs troupeaux.

117. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

En un mot, le type spécifique existe, mais seulement à l’état d’une idée réalisée. […] Ce résultat est également général ; il existe chez tous les vertébrés depuis la grenouille jusqu’à l’homme. […] Nier ces choses ne serait pas les supprimer, ce serait fermer les yeux et croire que la lumière n’existe pas. […] De semblables distinctions ne peuvent exister dans les phénomènes de la vie. […] « Les astres n’ont pas toujours existé, dit M. 

118. (1902) Propos littéraires. Première série

Elle a existé. […] Tout existe. […] J’existe, Tout existe, les choses, probablement, existent. […] L’individu n’existe pas. Un être qui n’existe que s’il est associé à d’autres n’existe pas ; ce qui existe c’est l’association.

119. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Mais un journal isolé, c’est une abstraction, cela n’existe pas. […] Mais précisément cette critique idéale n’existe pas, il n’existe que des critiques réels, en chair et en os, et dans lesquels domine l’une des deux tendances. […] Un professeur n’a pas à tenir compte du génie, un critique, lui, doit vivre dans un monde où le génie existe, au même degré que le corps nu existe pour le sculpteur ou la lumière pour un peintre. […] Tout mot, là aussi, paraît vain devant celui-ci : Il existe ! […] Vous êtes d’autant meilleur critique que les genres existent plus réellement pour vous.

120. (1842) Discours sur l’esprit positif

Ce nouveau régime mental dissipe spontanément la fatale opposition qui, depuis la fin du Moyen Âge, existe de plus en plus entre les besoins intellectuels et les besoins moraux. […] Pour lui, l’homme proprement dit n’existe pas, il ne peut exister que l’Humanité, puisque tout notre développement est, dû à la société, sous quelque rapport qu’on l’envisage. […] On peut les résumer en cet aperçu général : il n’a pu exister jusqu’ici une politique spécialement populaire, et la nouvelle philosophie peut seule la constituer. […] Il ne peut plus exister de véritable popularité que pour la politique qui tendra nécessairement vers cette double destination. […] Il existe d’ailleurs une intime solidarité entre la conception encyclopédique d’où il résulte et la loi fondamentale d’évolution qui sert de base à la nouvelle philosophie générale.

121. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote ne s’est point attaché à rechercher le noyau solide qui pouvait exister sous les fictions brillantes. […] Ne se proposant en apparence pour objet que de constituer un bon texte d’Homère, il avait été amené à se demander, historiquement, ce qu’avaient pu être des poëmes d’aussi longue haleine que l’Iliade et l’Odyssée, et même si réellement ils avaient pu être et exister dans leur ensemble, à une époque où l’écriture n’existait pas, où rien ne pouvait se fixer et se consigner sur le papyrus ni sur d’autres matières ; où les chants seuls, par conséquent, flottaient sur les lèvres et dans la mémoire des hommes, à la merci des récitateurs et des chantres, et en présence d’auditoires avides, qui n’en pouvaient entendre que des portions. […] Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper. […] Et aujourd’hui encore, si Molière n’était pas imprimé, est-ce qu’il n’existerait pas tout entier et n’aurait pas été transmis depuis deux cents ans dans la mémoire des acteurs de la Comédie-Française ? Il y eut donc un temps, on peut le concevoir, où la récitation, se trouvant être le seul mode de publication, était merveilleuse de durée, d’étendue et de fidélité, et il n’est pas invraisemblable d’admettre qu’il a pu exister, dès ce temps-là, de longs poëmes qui se sont transmis et conservés.

122. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Toutes ces valeurs existent donc, en un sens, en dehors de moi. […] Comment expliquer alors qu’il puisse exister un système de valeurs objectives, reconnues par tous les hommes, au moins par tous les hommes d’une même civilisation ? […] Il existe des types différents de valeurs. […] Il y a nombre de cas où il n’existe, pour ainsi dire, aucun rapport entre les propriétés de l’objet et de la valeur qui lui est attribuée. […] De ce qui précède il résulte qu’il n’existe pas entre eux de différences de nature.

123. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Ainsi, au milieu des sentiments qui font éclater la joie publique, il existe pour nous un motif particulier de nous réjouir, et d’honorer, dans le père de la patrie, le père des lettres, des sciences et des arts. […] Il existe deux espèces de romantisme, dont l’une est l’émanation, et, pour mieux dire, la dégénération de l’autre. […] L’épopée et le roman, l’ode et la satire, tous les autres genres, n’ont pas un pareil choix à faire ; ils n’ont pas de lois précises, rigoureuses, qu’ils doivent suivre ou qu’ils puissent transgresser : il n’existe pour eux, en quelque sorte, que des usages et des convenances. […] La vérité, dans les arts, consiste à représenter d’abord la nature et l’homme, tels qu’ils existent en tout pays et en tout temps ; et secondairement à marquer les différences accidentelles qui modifient leur extérieur, suivant les contrées ou les époques. […] Le romantisme n’est donc rien comme système de composition littéraire ; ou plutôt le romantisme n’existe pas, n’a pas une vie réelle.

124. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

À votre tour, je veux les lâcher sur vous : « Si la collection de tous les modes, de toutes les qualités sensibles, étant brisée par l’abstraction, la substance imaginaire n’est plus rien ou n’a qu’une valeur nominale, la substance abstraite du mode, dans ce point de vue intellectuel, conserve encore la réalité qui lui appartient, à l’exclusion de toutes les apparences sensibles qui n’existent qu’en elle et par elle14. » Osez dire que vous comprenez ce jargon. […] Substituons des équivalents et traduisons : « Apercevant la volonté, force efficace qui est moi-même, je sais directement et sans raisonnement qu’il existe une force, laquelle est moi. » L’idée ne vaut pas grand’chose, mais elle est intelligible, et M. de Biran s’entendait, puisque nous l’entendons. […] « Car nulle cause ou force ne peut se représenter sous une image qui ressemble à l’étendue ou à ce que nous appelons matière. » « Toute cause efficiente dans l’ordre physique même est une force immatérielle. » « Les êtres sont des forces, les forces sont des êtres : il n’y a que les êtres simples qui existent réellement à leur titre de forces ; ce sont aussi les véritables substances existantes. » « Aussi les esprits conséquents et qui pensent comme il faut, se trouvent-ils éconduits au point de spiritualiser le monde, comme a fait Leibnitz, en n’admettant d’autre réalité que celle des êtres simples dont toute l’essence est la force active. […] Par définition et par nature, elle suppose un moment qui la précède et où elle n’existe pas. […] Quand elle n’est pas née, sa force n’existe pas encore.

125. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « [Préface] »

Les grandes agglomérations d’hommes à la façon de la Chine, de l’Égypte, de la plus ancienne Babylonie ; — la tribu à la façon des Hébreux, des Arabes ; — la cité à la façon d’Athènes et de Sparte ; — les réunions de pays divers à la manière de l’Empire carlovingien ; — les communautés sans patrie, maintenues par le lien religieux, comme sont celles des israélites, des parsis ; — les nations comme la France, l’Angleterre et la plupart des modernes autonomies européennes ; — les confédérations à la façon de la Suisse, de l’Amérique ; — des parentés comme celles que la race, ou plutôt la langue, établit entre les différentes branches de Germains, les différentes branches de Slaves ; — voilà des modes de groupements qui tous existent, ou bien ont existé, et qu’on ne saurait confondre les uns avec les autres sans les plus sérieux inconvénients.

126. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Le calcul des probabilités morales peut souvent présenter un résultat inflexible, tandis que, lorsqu’on croit au surnaturel, l’impossible n’existe pas : ainsi l’espoir n’est jamais totalement détruit. […] Il existait un dogme religieux pour décider de chaque sentiment, comme une divinité pour personnifier chaque arbre, chaque fontaine. […] Leur destinée était pour les Grecs un sujet national ; le poète dramatique, en les représentant, n’avait qu’à développer les idées reçues : il n’était point obligé de créer à la fois le caractère et la situation ; le respect et l’intérêt existaient d’avance en faveur des hommes qu’il voulait peindre. […] Enfin, il existe dans la nature morale, comme dans la lumière du soleil, un certain nombre de rayons qui produisent des couleurs tranchantes ou distinctes : vous variez ces couleurs par leur mélange, mais vous n’en pouvez créer une entièrement nouvelle.

127. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Pour lui, qui n’a pas d’autre conception de la vérité politique que celle-là que le monde du Moyen Âge avait réalisée, la Réforme a introduit dans le monde moderne un mal sans compensation et sans remède, et par-delà ce mal, qui n’est pas près d’être épuisé, et qui, dans sa conviction, sera la fin de tout, non seulement il ne voit rien, mais il ne regarde même pas… Que cette tristesse désespérée ait ou n’ait pas sa raison d’exister, je ne veux point l’examiner. […] L’Hôpital lui-même n’était allé que jusqu’à un simple édit de tolérance : or, l’Édit de Nantes reconnaissait un droit… Enfin, il y a plus encore : les idées modernes existaient si peu sur l’égalité des cultes et la liberté religieuse, que ces idées, maintenant en possession de tous les esprits, sans l’Édit de Nantes n’auraient peut-être jamais existé. […] Dans un tel sujet, qui élève l’artiste au-dessus de ses vaines fantaisies, on regrette pourtant, au nom de l’imagination, mais de l’imagination catholique, que le gardeur de pourceaux dans Sixte n’ait jamais existé, — pas plus que la scène tonitruante de l’Ego sum papa !

128. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

La Révolution française, la magna parens de toutes les autres, dit quelque part M. d’Héricault, existait avant Thermidor, et elle a continué d’exister après Thermidor. […] l’affreuse octogénaire existe encore et ne paraît pas devoir mourir de sitôt… Tuer la fille n’a pas tué la mère, capable, comme la vieille Sarah du Patriarche, de refaire un autre enfant, pire peut-être que le premier. La Terreur a existé de sa propre vie et de sa propre force, — et c’est même la Révolution qui l’a tuée, ajoutant à ses autres crimes celui-là, qui n’en était un que pour elle !

129. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Elle pouvait exister sans honte, car c’était la peur du seul être avec lequel on puisse bien n’être pas brave : c’était là peur de Dieu ! Je n’ai point à examiner si cette peur, qui était pour l’âme immatérielle de Pascal ce que serait une hypertrophie pour nos cœurs de chair, était légitime ou exagérée, mauvaise ou salutaire ; si elle avait le droit philosophique ou religieux d’exister, ou si elle n’était pas plutôt un manque d’équilibre et un égarement dans des facultés toutes-puissantes. […] Cette sublimité qu’on rencontre en ces quelques pages inachevées, et qui n’ont aucun modèle, quant à l’inspiration qui les anime, cette sublimité qui n’existait plus depuis les effarements de quelques Prophètes, je la trouve en Pascal, dans la peur de Dieu et de sa justice, la plus grande peur de la plus grande chose qui pût exister dans la plus grande âme, l’âme de Pascal, que j’appelais plus haut : « À elle seule tout un infini ! 

130. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

La critique littéraire courante n’existe pour ainsi dire plus. […] À l’Écho de Paris, la critique n’existe plus, même pour la colonne que M.  […] Pour lui, le critique existe, doit être, et être ce qu’il est. […] Ce cas est rare aujourd’hui, mais il existe encore. […] Les sectaires s’en vont, et l’outrance même de leur dogmatisme fait sourire ; la foi dans le critique patenté n’existe plus.

131. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

. — Ou bien, a-t-on dit, dans la reproduction imparfaite de la première expérience par la mémoire de ranimai, il n’y a rien de plus que dans la première ; en ce cas la tendance, qui n’existe pas dans la première expérience, n’existe pas non plus dans la copie affaiblie, mais exacte, de cette première expérience ; ou bien, au contraire, vous admettez dans la remémoration une tendance à achever l’acte commencé, et alors cette tendance est un élément nouveau que vous avez introduit subrepticement et non déduit. — Voici ce qu’on peut répondre. […] Or, la tendance du mouvement à se continuer existait dès la première expérience : toutes les représentations et émotions de l’animal poursuivant ou déchirant sa proie étaient accompagnées d’exertion motrice : c’était mieux qu’un simple penchant, c’était une mise en action. […] Plus tard, parmi les mouvements nombreux ainsi produits en tous sens, les mouvements efficaces et utiles pour le soulagement de la peine ou l’augmentation du plaisir se feront trier par l’attention, et finalement par l’intention ; mais l’intention générale de ne pas souffrir et de jouir existait dès le début. […] C’est pour cette raison que l’existence même de cette activité a pu être niée ; mais l’impossibilité de représenter sous la forme d’un état particulier ce qui est le fond commun de tous nos états, ne prouve nullement que l’activité n’existe point et même n’ait pas conscience de son existence.

132. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Pour que le jugement affirmatif se produise, il suffit que l’intermédiaire se produise ; peu importe que l’antécédent existe ou n’existe pas. […] Ici encore, la présence du dernier intermédiaire suffit pour faire naître la perception ; peu importe que les antécédents existent ou n’existent pas. On voit par tous ces exemples qu’un objet ou une propriété qui n’existent pas nous semblent exister, lorsque l’effet final que d’ordinaire ils provoquent en nous par un intermédiaire se produit en nous sans qu’ils existent.

133. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Il en existe deux, et il n’en existe que deux. […] Mais c’est dans la conclusion du poème de 1852 comparée à celle du poème de 1848 que se manifeste de la façon la plus éclatante la profonde différence qui existe entre ces deux œuvres, si pareilles à première vue. […] Notons tout d’abord le fait le plus regrettable, c’est qu’il n’existe point de traduction des écrits du maître. […] Quant aux livres propres à donner une connaissance générale et en même temps précise de Wagner, il n’en existe pas un seul. […] Cela est d’autant plus regrettable qu’il n’existe pas même en allemand une biographie qu’on puisse recommander aux Français qui connaissent cette langue.

134. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Lors donc que, dans ce qui va suivre, nous nous servirons de notre Espace à trois dimensions, réellement perçu, pour donner un corps aux représentations d’un mathématicien assujetti à un univers plat, — représentations pour lui concevables mais non pas imaginables, — cela ne voudra pas dire qu’il existe ou puisse exister un Espace à quatre dimensions capable à son tour de réaliser en forme concrète nos propres conceptions mathématiques quand elles transcendent notre monde à trois dimensions. […] Il pourrait ensuite apprendre de nous qu’une courbe à trois dimensions existe effectivement comme image. […] Force est donc bien à ces images de n’exister que successivement ; elles ne sauraient être données globalement. […] Fait pour établir des lois, c’est-à-dire pour extraire du flux changeant des choses certaines relations qui ne changent pas, notre entendement est naturellement porté à ne voir qu’elles ; elles seules existent pour lui ; il accomplit donc sa fonction, il répond à sa destination en se plaçant hors du temps qui coule et qui dure. […] Et l’amalgame n’existe que dans sa pensée.

135. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Que notre harmonieux univers ait autrefois existé, en puissance, à l’état de matière diffuse, sans forme, et qu’il soit lentement arrivé à son organisation présente, cela est beaucoup plus étonnant que ne le serait sa formation, suivant la méthode artificielle que suppose le vulgaire. […] 3° A l’origine, la dépendance mutuelle des parties existe à peine ; mais elle devient finalement si grande que l’activité et la vie de chaque partie ne sont possibles que par l’activité et la vie des autres. […] N’y a-t-il point des analogies entre des protozoaires presque sans structure, comme les rhizopodes, les amibes, les foraminifères, les vorticelles, qui forment des agrégats de cellules, sans subordination de parties, sans organisation ; et des races inférieures comme les Bushmen, où la société est quelquefois réduite à deux ou trois familles, où la division de travail n’existe qu’entre les sexes ? […] Si, remontant l’évolution des choses, il se permet de supposer que toute matière exista jadis sous forme diffuse, il trouve impossible de concevoir comment cela a pu être ainsi. […] S’il regarde intérieurement, il voit que les deux extrémités de cette chaîne qui forme la conscience sont hors de sa portée ; il ne peut se rappeler quand ou comment la conscience a commencé, et l’état de conscience qui existe à chaque moment, il ne peut l’examiner, car, ce n’est que quand un état de conscience est déjà passé qu’il peut devenir l’objet de la pensée, et jamais pendant qu’il passe.

136. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Un Apollonius de Tyane, avec sa légende miraculeuse, devait avoir plus de succès qu’un Socrate, avec sa froide raison. « Socrate, disait-on, laisse les hommes sur la terre, Apollonius les transporte au ciel ; Socrate n’est qu’un sage, Apollonius est un dieu 1238. » La religion, jusqu’à nos jours, n’a pas existé sans une part d’ascétisme, de piété, de merveilleux. […] Tout cela se faisait par des canaux secrets et par cette espèce de sympathie qui existe entre les diverses portions de l’humanité. […] Nos petites tracasseries préventives (bien plus meurtrières que la mort pour les choses de l’esprit) n’existaient pas. […] Voué sans réserve à son idée, il y a subordonné toute chose à un tel degré que, vers la fin de sa vie, l’univers n’exista plus pour lui.

137. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Je me contenterai de fixer, en peu de mots, le véritable sujet de dissentiment qui existait entre l’ami dont je parle et moi. […] De Brosses, Court de Gébelin, les étymologistes, s’en sont quelquefois occupés ; mais nous ne possédons rien de complet ni de systématique sur cette partie de la métaphysique du langage : on éclaircirait, par un pareil tableau, d’une manière lumineuse, les recherches psychologiques. » Ce tableau, à mon avis, remplirait la lacune qui existe entre le président de Brosses et Court de Gébelin, mais laisserait subsister la lacune bien autrement importante qui resterait toujours entre ces deux grands grammairiens et Aristote, Kant et Ancillon. […] L’Institut royal de France avait proposé pour sujet du prix qu’il devait adjuger en 1825, « d’examiner si l’absence de toute écriture, ou l’usage soit de l’écriture hiéroglyphique ou idéographique, soit de l’écriture alphabétique ou phonographique, ont eu quelque influence sur la formation du langage chez les nations qui ont fait usage de l’un ou de l’autre genre d’écriture, ou qui ont existé longtemps sans avoir aucune connaissance de l’art d’écrire ; et, dans le cas où cette question paraîtrait devoir être décidée affirmativement, de déterminer en quoi a consisté cette influence ». […] Fabre d’Olivet avait dit ailleurs : « Il n’y a rien de conventionnel dans la parole. » Oui ; mais une loi existe, et il s’agit de savoir s’il est possible de la découvrir.

138. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Elle n’existe pas. […] Quand on ne peut exister que par la méthode et qu’on n’en a pas, que reste-t-il ? […] si le scepticisme historique n’existe pas dans notre Europe, la Chine l’aurait pondu tout exprès pour nous au bord de son Fleuve Jaune ou de son Fleuve Bleu. […] Enfin, comme intelligence de la race, ils prennent la mesure du plus fort cerveau chinois qui ait jamais existé, ils nous peignent en pied ce Confucius (Koung-fou-Tseu) qu’ils comparent, on ne sait trop pourquoi, à notre glorieux cardinal de Richelieu, lequel n’a pas grand’chose, pourtant, de ce quaker Oriental, dont la haute philosophie ressemble à une Civilité puérile et honnête… Et c’est ainsi qu’ils confirment, au lieu de la détruire, cette grande accusation portée contre la Chine par des esprits sévères auxquels des potiches et des porcelaines, et une originalité grotesque dans les arts et dans la vie, n’ont pas tout fait pardonner !

139. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Il a bien senti qu’il n’y pouvait y avoir d’organisation efficace et forte sans l’esprit de suite, sans le lien qui unit, dans leurs tendances et leurs aspirations, la génération qui vit à celle qui l’a précédée et à celle qui va la suivre, et que, là où le père de famille ne laisse point à son fils d’exemple à imiter et de nom à grandir, l’organisation politique, à proprement parler, n’existe pas. […] Les intermédiaires administratifs existaient. […] Sans doute, en nous décrivant la famille romaine que le Christianisme sanctifia, mais ne changea pas, il nous a montré le lien qui existe entre nous et Rome, le rapport qui n’existe pas entre nous et la Grèce ; mais il l’aurait marqué davantage s’il avait vu que la famille romaine, analogue à la famille moderne, devait nécessairement et inévitablement aboutir à l’institution impériale.

140. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Thèse égoïste, de mauvais goût, socialement et moralement fausse, qui n’est pas éclose d’hier, sous le soleil de Naples, pendant la chaleur, comme un insecte putride, mais qui est le fond de cerveau et d’entrailles de Μ. de Girardin depuis qu’il existe. […] Tous les autres rôles, qui tournent autour de ceux-là, n’existent que pour mettre en relief la fille du millionnaire, bête comme une dot de six millions, et qui abuse encore de cet énorme droit. […] « Si la guerre existe, — dit-il, — la Bourse a le droit d’exister. » Et il pousse la comparaison devant lui sans se rappeler les fameux Congrès de la Paix fondés contre la guerre ; car s’il y en a contre la guerre, des congrès, il doit y en avoir contre la Bourse.

141. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

II Cette séparation très marquée entre les Talapoins du positivisme et ses philosophes, sinon plus positifs, au moins plus rassis et surtout plus habiles, existait déjà du temps du prophète et du dieu : mais c’est depuis sa mort que cette séparation s’est énergiquement accusée, et on le conçoit. […] On dit bien avec l’aplomb de l’escamoteur : « Il n’y a plus, en philosophie, de transcendance ; il n’y a plus que de l’immanence », la transcendance, — c’est-à-dire, pour être clair, — la difficulté dans les questions par leur hauteur même, n’en existe pas moins de toute son existence indestructible, et l’esprit humain ne se tient pas pour dit qu’elle n’est plus parce que M.  […] Comte sans le Matérialisme, si Cabanis, Broussais et le docteur Gall n’avaient jamais existé ! […] Comte appuie la négation des deux premiers états du genre humain qui ont existé, mais qui sont finis, la période de la fiction, c’est-à-dire de toutes les religions, depuis le fétichisme jusqu’à la religion positive — exclusivement, et la période de la métaphysique depuis Aristote jusqu’à Hegel… ma foi !

142. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Il est une multitude de jouissances partielles qui ne dérivent point d’une même source, mais offrent des plaisirs épars à l’homme, dont l’âme paisible est disposée à les goûter ; une grande passion, au contraire, les absorbe tous, ne permet pas seulement de savoir qu’ils existent. […] S’il n’était dans l’existence de l’homme qu’une seule époque, la jeunesse, peut-être, pourrait-on la vouer aux grandes chances des passions ; mais à l’instant où la vieillesse commande une nouvelle manière d’exister, le philosophe seul sait supporter cette transition sans douleur. […] Rien cependant n’inspire autant d’horreur que la possibilité d’exister uniquement, parce qu’on ne sait pas mourir ; et comme c’est le sort qui peut attendre toutes les grandes passions, un tel objet d’effroi suffit pour faire aimer cette puissance de philosophie, qui soutient toujours l’homme au niveau de la vie, sans l’y trop attacher, mais sans la lui faire haïr.

143. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Quel Citoyen pourra donc se flatter de sauver sa cendre de l’ignominie, tant qu’il existera des Auteurs assez téméraires, des Calomniateurs assez intrépides pour répandre sur le tombeau des Hommes* respectables les funestes vapeurs de la frénésie qui les domine ? […] Quand on est assez aveugle pour ne rien voir de tout ce qui existe, ou pour n’en juger que comme des frénétiques dont les organes sont entiérement dépravés, n’est-ce pas le comble de l’ineptie, que d’oser s’ériger en Précepteurs du Genre humain ? […] Ils ont beau faire, ces Pygmées, qui ne paroissent des Géans qu’au microscope de l’ignorance ; elle est, pour les Esprits, ce que le Soleil est pour le Monde, destiné à l’éclairer, à l’embellir, à le féconder, tant qu’il existera.

144. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

. — « Le goût n’existe pas ». — Bouvard et Pécuchet. — Les auteurs et le goût […] N’en déplaise à tous nos beaux sceptiques, je suis convaincu que le goût existe. […] Nous disons que la lecture forme, développe, perfectionne cette faculté, et il est bien évident qu’on ne peut développer et perfectionner que ce qui existe en germe.‌

145. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Je sais trop, pour qu’on soit obligé de me le rappeler, qu’en poésie les individualités seules existent et, qu’à tant faire que de vouloir fonder des classes, le mieux est encore de retourner s’asseoir sur les bancs de l’école. […] Pour chacun le droit existe d’analyser ses actes comme des résidus. […] Mais non ; il n’existe pas d’expressions assez nombreuses, assez polychromes pour s’assortir à tous nos sentiments. […] Il existe, par exemple, autant d’intermédiaires que l’on voudra entre la couleur verte et la couleur jaune, entre un son et un autre son. […] Plus synthétiquement, je dirai qu’il n’existe qu’un seul système, le réalisme.

146. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Il est de certaines époques de l’histoire, dans lesquelles l’amour de la gloire, la puissance du dévouement, tous les sentiments énergiques, enfin, semblent ne plus exister. […] Le caractère romain, ce miracle de l’orgueil national et des institutions politiques, n’existait plus : les habitants de l’Italie étaient dégoûtés de toute idée de gloire ; ils ne croyaient plus qu’à la volupté, ils admettaient tous les dieux en l’honneur desquels on célébrait des fêtes ; ils recevaient tous les maîtres que quelques soldats élevaient ou renversaient à leur gré ; sans cesse menacés d’une proscription arbitraire, ils bravaient la mort, non par le secours du courage, mais par l’étourdissement du vice. […] La pitié pour la souffrance devait exister de tous les temps au fond du cœur : cependant une grande différence caractérise la morale des anciens, et la distingue de celle du christianisme ; l’une est fondée sur la force, et l’autre sur la sympathie. […] Des commentaires sur les ouvrages des anciens avaient pris la place des observations philosophiques : il semblait qu’entre la nature et l’homme, il dût toujours exister des livres. […] S’il existe une distance infinie entre les derniers hommes célèbres de l’antiquité et les premiers, qui, parmi les modernes, se sont illustrés dans la carrière des sciences et des lettres ; si Bacon, Machiavel et Montaigne ont des idées et des connaissances infiniment supérieures à celles de Pline, de Marc-Aurèle, etc., n’est-il pas évident que la raison humaine a fait des progrès pendant l’intervalle qui sépare la vie de ces grands hommes ?

147. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

De même, si certaines propriétés d’une œuvre d’art existent, si un auteur a pu les produire, c’est qu’il possède le mode d’organisation mentale requis. […] Cette organisation est plus marquée chez l’artiste original, puisqu’elle l’a poussé à inventer en dehors de ce qui existait : elle est probablement moins accentuée chez l’artiste imitateur, chez qui elle s’est manifestée sans spontanéité. Mais cette organisation est similaire : il existe des faits psychologiques généraux à la base du romantisme, du réalisme, de la peinture coloriste, de la musique polyphonique. […] Entre des résultats de ce genre et ceux que doit nous présenter une étude vraiment approfondie, il existe toute la différence qui sépare les définitions usuelles, de celles que donne la géométrie ou toute autre science. […] Comme esprit individuel et surtout comme esprit supérieur, ce mécanisme général est affecté de certaines altérations particulières qui constituent à proprement parler, sa personnalité, sa discernabilité, son essence à part, les caractères par lesquels il se sépare et existe.

148. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Vous voyez une voûte hardie se soutenir d’elle-même ; si vous voulez savoir comment cette voûte a pu être construite, il faut que vous rétablissiez, par la pensée, l’échafaudage dont la charpente a disparu, et sans lequel la voûte n’existerait point à présent. […] L’esprit humain ne vient-il pas de traverser, sans en éprouver aucun retardement, tout le despotisme de Bonaparte, c’est-à-dire le despotisme le mieux conçu et le plus savant qui ait jamais existé, puisqu’il était décoré de la gloire militaire, toujours si séduisante pour les hommes, et qu’il avait forgé ses chaînes avec le secours de tous les arts et de toutes les industries d’une civilisation avancée ? […] Une génération ne commence pas et ne finit pas dans un désert : aucun fait n’est isolé ; rien, en un mot, n’existe de soi et sans raison de son existence. […] Les religions fausses n’existent, sans doute, que par une force de tradition qui les lie aux révélations vraies ; et elles sont, en quelque sorte, une émanation même de ces révélations. […] Son roi appartient à la plus ancienne race royale qui existe, une race dont l’origine se confond avec le berceau même de la religion de l’Europe, qui est en même temps le berceau de notre monarchie.

149. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il ne faut pas oublier que « le plus grand philosophe qui ait jamais existé », à son sentiment, est Helvétius. […] La suite des idées est celle-ci : L’inégalité est monstrueuse, elle est contre la raison. — Du reste je la nie en fait ; elle n’existe pas ; elle n’est qu’une apparence. — Elle existe pourtant, et sachons reconnaître que si elle n’existait point, je ne serais pas là à la combattre ; elle existe et est plus qu’une apparence ; je ne me bats pas contre des fantômes ; elle est plus qu’une apparence ; elle est un accident. — Cet accident doit disparaître. — Comment ? […] Pourquoi doit-elle exister ? […] L’apparence seulement en a existé. […] Il regretterait que de tels hommes n’eussent pas existé, tant ils sont intéressants à étudier ; il est heureux qu’ils aient existé pour les pouvoir admirer ; et enfin il les condamne, au fond, de tout son cœur.

150. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

D’autre part, de même que dans la marche d’un fleuve, à côté du grand courant qui entraîne la masse clés eaux vers la mer, il se produit sur les bords ou dans les profondeurs des remous et des contre-courants, de même dans l’évolution d’une société, à côté de la tendance maîtresse qui est suivie par le gros des esprits, il existe aussi des tendances secondaires qui la contrarient et la limitent sans pouvoir l’arrêter. […] Bref un effort pour conserver tel quel ce qui existe, une halte de la société et de la pensée dans une immobilité sereine qui permet aux écrivains de songer presque uniquement à plaire et de soigner leur style avec amour, voilà le bilan de ces trente-cinq années185. […] Descartes n’est, pas sûr que la nature existe ; il se défie là-dessus du témoignage de ses sens ; il a besoin de se prouver à lui-même que le monde — tel qu’il le voit, tel qu’il le touche — n’est pas une illusion, et c’est par un long raisonnement qu’il arrive à établir que la terre, les arbres, les autres hommes sont bien des êtres réels. […] S’il existe encore des poètes plus hardis, plus aventureux, ils ne sont appréciés qu’à demi. […] Ou bien, chez les historiens secondaires, une impuissance remarquable à noter les différences qui ont pu exister entre les époques lointaines et celle où ils vivent.

151. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Si l’imprimerie avait existé, les lumières et l’opinion publique acquérant chaque jour plus de force, le caractère des Romains se serait conservé, et avec lui la nation et la république ; on n’aurait pas vu disparaître de la terre ce peuple qui aimait la liberté sans insubordination, et la gloire sans jalousie ; ce peuple qui, loin d’exiger qu’on se dégradât pour lui plaire, s’était élevé lui-même jusqu’à la juste appréciation des vertus et des talents pour les honorer par son estime ; ce peuple dont l’admiration était dirigée par les lumières, et que les lumières cependant n’ont jamais blasé sur l’admiration. […] En étudiant les sublimes réflexions de Montesquieu sur les causes de la décadence des Romains, on voit évidemment que la plupart de ces causes n’existent plus de nos jours. […] L’esclavage qui mettait une classe d’hommes hors des devoirs de la morale, le petit nombre des moyens qui pouvaient servir à l’instruction générale, la diversité des sectes philosophiques qui jetait dans les esprits de l’incertitude sur le juste et l’injuste, l’indifférence pour la mort, indifférence qui commence par le courage et finit par tarir les sources naturelles de la sympathie ; tels étaient les divers principes de la cruauté sauvage qui a existé parmi les Romains.

152. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Le ridicule est, à beaucoup d’égards, une puissance aristocratique ; plus il y a de rangs dans la société, plus il existe de rapports convenus entre ces rangs, et plus l’on est obligé de les connaître et de les respecter. […] Il faut soigner les apparences lorsqu’on ne peut faire juger que ses manières, et l’on était même excusable de souhaiter en France des succès de société, puisqu’il n’existait pas une autre arène pour faire connaître ses talents, et s’indiquer aux regards du pouvoir. […] On ne verra plus rien de pareil en France avec un gouvernement d’une autre nature, de quelque manière qu’il soit combiné ; et il sera bien prouvé alors que ce qu’on appelait l’esprit français, la grâce française, n’était que l’effet immédiat et nécessaire des institutions et des mœurs monarchiques, telles qu’elles existaient en France depuis plusieurs siècles.

153. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté est la vertu primitive, elle existe par un mouvement spontané ; et comme elle seule est véritablement nécessaire au bonheur général, elle seule est gravée dans le cœur ; tandis que les devoirs qu’elle n’inspire pas, sont consignés dans des codes, que la diversité des pays et des circonstances peut modifier ou présenter trop tard à la connaissance des peuples. […] La bonté existe en nous comme le principe de la vie, sans être l’effet de notre propre volonté ; elle semble un don du ciel comme toutes les facultés, elle agit sans se connaître, et ce n’est que par la comparaison qu’elle apprend sa propre valeur. […] Toutes les véritables vertus dérivent de la bonté, et si l’on voulait faire un jour l’arbre de la morale, comme il en existe un des sciences, c’est à ce devoir, à ce sentiment, dans son acception la plus étendue, que remonterait tout ce qui inspire de l’admiration ou de l’estime.

154. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Je veux prouver qu’il en est de même pour les corps vivants, et que, pour eux aussi, le déterminisme existe. […] Certainement nous n’arriverons jamais au déterminisme absolu de toute chose ; l’homme ne pourrait plus exister. […] Mais la médecine existait-elle comme science ? […] En Russie il en existe également et l’on en construit actuellement de nouveaux sur des proportions gigantesques. […] Sans cela l’expérimentateur et la science expérimentale ne sauraient exister.

155. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

La place comprise entre les deux parties semi-circulaires de la colonnade du Bernin (mais, je vous en prie, ayez les yeux sur une lithographie de Saint-Pierre), est à mon gré la plus belle qui existe. […] « Cette hauteur fait frémir quand on songe que l’Italie est fréquemment agitée de tremblements de terre, que le sol de Rome est volcanique, et qu’un instant peut nous priver du plus beau monument qui existe. […] — Oui, le mystère mesure toute la distance incommensurable qui existe et qui doit exister entre le mode d’action de Dieu sur les mondes et l’ignorance de l’homme. […] Quel rapport peut-il exister entre le créateur et le créé ? […] Or, votre conscience vous le dit, un Dieu sans évidence serait, s’il existait, une malédiction sans terme ; s’il n’existait pas, le Cosmos n’existerait pas lui-même !

156. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

L’atome trait d’union, l’atome universel, l’atome lieun des mondes, existe-t-il ? […] Compléter un univers par l’autre, verser sur le moins de l’un le trop de l’autre, accroître ici la liberté, là la science, là l’idéal, communiquer aux inférieurs des patrons de la beauté supérieure, échanger les effluves, apporter le feu central à la planète, mettre en harmonie les divers mondes d’un même système, hâter ceux qui sont en retard, croiser les créations, cette fonction mystérieuse n’existe-t-elle pas ? […] Puisque l’atome floral existe, pourquoi l’atome stellaire n’existerait-il pas ?

157. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

En France, où ils se sont multipliés d’une manière si prodigieuse, qu’on peut croire que leur nombre l’emporte sur celui de tous les autres pays de l’Europe, en France, pays salique, encore plus de mœurs que de monarchie, et où le mot de littératrice n’était pas français, les Bas-bleus, avant ces derniers temps, n’existaient presque pas. […] Nous, depuis que nous existons, nous avons toujours été un peuple à femmes, et nous ne nous arracherons que bien difficilement la fibre sur laquelle la femme a tant joué ! […] Physiologiquement, métaphysiquement, socialement, a-t-il le droit, de se produire et d’exister ? […] Ordinairement les femmes sont enchantées, quand on exprime sur elles des opinions impertinentes ; quand, en conversation, par exemple, on essaye de leur couper la tête avec ce vieux sabre turc qui ne coupe plus : « il faut avoir sur les femmes les opinions de l’Asie », ou encore quand on parle de ce fameux concile qui n’a jamais existé, où l’on décréta « que les femmes n’avaient pas d’âme ».

158. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Nous appelons beauté ce que nos pères, aux yeux desquels l’Univers insoupçonné n’existait pas, appelaient monde, c’est-à-dire un grain de sable perdu dans l’immensité. […] Le bataillon de ses collègues peut perpétuer en tous pays le culte du pastiche et du convenu, il n’en subsiste pas moins ce fait que, grâce à lui, l’architecture moderne existe. […] Il n’existe pas, pour ainsi dire ; ce sont les formes données à la structure même de l’édifice qui composent l’ornement, intimement lié, au lien d’être ajouté à l’édifice. […] Leur seul caractère commun est la marque qu’elles portent toutes de la profonde originalité de leur auteur. « La maison-type n’existe pas pour lui »40 a-t-on avec juste raison.

159. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il n’existe aucun moyen d’assurer la liberté de quelqu’un sinon de réprimer la liberté des autres. […] Comme tout ce qui existe, elles tendent à exister pour elles-mêmes, à se hausser au rang d’une fin, à négliger les désirs égoïstes de l’homme aussi bien que son instinct social. […] Il n’est plus la contrepartie volontairement acceptée d’un droit qui nous est reconnu, non, il existe indépendamment de tout pacte. […] Il s’en faut qu’il existe toujours sous cette forme. […] Rien n’existe en nous où les autres n’aient leur part.

160. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Barbey d’Aurevilly et de M. de l’Isle Adam, que Dona Sol et Valjcan soient moins naturels et capables d’exister que le baron Uulot de Balzac, Mme Marnoff, Nana, Gervaise et Coupeau. […] Celle-ci existe donc chez quelques milliers de nos lecteurs, mais atténuée, affaiblie et réduite à ne se manifester qu’entre des états d’âme par trop divers. […] Ce qu’ils introduisirent en France, ce qu’il tirent admettre et aimer du public, ce fut une sensibilité neuve qui existait assurément dans l’âme de leurs lecteurs puisqu’elle put être éveillée mais que les artistes antérieurs n’avaient pas su exprimer et dont les modèles n’existaient que dans les littératures germaniques en Allemagne et en Angleterre. […] Les nations en viennent ainsi à n’exister que par leurs lois. […] S’il trouve qu’en vivant avec ses pareils, ses besoins sont plus aisément satisfaits que s’il vivait de ses seuls efforts, la société n’existe qu’en apparence.

161. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Chacun existe trop vigoureusement ; des individualités aussi caractérisées ne se laissent pas lier en gerbe. […] L’unité primitive était sans vie, car la vie n’existe qu’à la condition de l’analyse et de l’opposition des parties. […] Non seulement ils ne divisent pas, mais, dès qu’ils trouvent une chose divisée, partielle, ou ils la négligent, ou ils la rejoignent en esprit au tout dont elle est séparée… C’est en cela qu’ils existent comme simples. » Voir tout cet admirable passage (Le Peuple, p. 242, 243). […] Le vrai, ce semble, est qu’à l’origine les divers caractères qui, en se groupant, ont formé plus tard le syriaque, l’hébreu, etc., existaient syncrétiquement et sans constituer encore des dialectes indépendants. […] Le divin Sphérus d’Empédocle, où tout existe d’abord à l’état syncrétique sous l’empire de la [en grec], avant de passer sous celui de la Discorde, [en grec] (analyse), offre une belle image de cette grande loi de l’évolution divine.

162. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Noter les différences qui existent sous le rapport des émotions, entre les races humaines inférieures et supérieures ; celles qui seront communes à toutes pourront être considérées comme primitives et simples ; et celles qui sont propres aux races civilisées, comme ultérieures et composées. […] Ce, qui existe, ce sont simplement des impressions communes. […] Les sensations excitent des idées et des émotions ; celles-ci, à leur tour, éveillent d’autres idées et émotions et ainsi de suite ; c’est-à-dire que la tension qui existe dans certains nerfs ou groupes de nerfs, quand ils nous procurent des sensations, idées ou émotions, engendre une tension équivalente dans quelques autres nerfs ou groupes de nerfs avec lesquels ils sont liés. […] Quand cette uniformité n’existe pas dans nos perceptions (celles du goût par exemple), alors le critérium manque. « Il n’y a pas plus de conscience universelle que de raison universelle ; la conscience comme la raison est toujours individuelle. […] Pour répondre à cette question, il faudrait avoir la collection complète de tous les codes ayant jamais existé.

163. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ce qui est doit être ; il est excellent que ce qui existe, existe ; les formes de prospérité publique sont diverses ; une génération n’est pas tenue de répéter l’autre ; Caton calquait Phocion, Trimalcion ressemble moins, c’est de l’indépendance. […] Le bourgeois de lettres existe. […] Le beau existe tellement par lui-même qu’il n’a, certes, nul besoin d’orgueil ; mais qu’importe, la médiocrité humaine étant donnée, il humilie en même temps qu’il enchante ; il semble que naturellement la beauté soit un vase à orgueil, on l’en suppose remplie, on cherche à se venger du plaisir qu’elle vous fait, et ce mot, superbe, finit par avoir deux sens, dont l’un met en défiance contre l’autre. […] Ils savent bien, eux, que Dieu existe.

164. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Les aigles à deux têtes n’existent qu’en blason, mais j’en cherche vainement en littérature, et MΜ.  […] Il n’a pas le brio de Fervaques, qui est un chaud écrivain d’après Balzac ; qui a fait ses études dans Balzac ; qui a bu du Balzac avec ivresse et dont l’haleine sent le Balzac, comme l’haleine de l’homme qui en a bu sent le romanée et le chambertin dont elle reste longtemps parfumée… Balzac n’aurait pas existé, que Bachaumont ne serait pas moins tout ce qu’il est comme écrivain et comme observateur. […] Mais j’exige pourtant que l’on sente à quelque chose dans la peinture qu’une conscience morale s’agite dans le peintre ; qu’il y ait, enfin, dans l’artiste, l’être moral sans lequel même le grand artiste n’existe pas. […] Ces êtres, que nous nommons nos moitiés, n’existent point par elles-mêmes. Elles n’existent pas socialement en dehors du mariage.

165. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Bertault prouvant que l’on allait faire subir une entorse formelle au droit, et que le domaine public ecclésiastique n’existait plus depuis 1817, ni l’énergie de M.  […] Je lui demande bien pardon, il n’existait pas avant d’exister et il n’existera plus quand il aura cessé d’être… Vous pouvez me contredire, vous pouvez me lancer des interruptions pour me troubler, mais ce que vous ne troublez pas, c’est le fait qui est gros comme le monde, qui est éclatant comme le soleil, à savoir : que depuis deux ans, la libre pensée a fait d’immenses progrès, et que les masses populaires en France se rangent du côté de la Révolution. » C’étaient là d’énergiques paroles assurément, une vigoureuse tentative pour démasquer l’insidieuse et cauteleuse proposition de l’archevêque. […] L’impression de grandeur dont on pense, sur la foi des descriptions enthousiastes, être saisi, n’existe nullement.

166. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alphonse Karr. Ce qu’il y a dans une bouteille d’encre, Geneviève. »

On y ferait à chaque pas, en se baissant, son butin de moraliste : « Chaque femme se croit volée de tout l’amour qu’on a pour une autre. » — « Madame Lauter, encore sur ce point, était comme toutes les femmes, — excepté vous, madame ; — elle ne plaçait l’infidélité que dans la dernière faveur. » — « On ne se dit : Je vous aime, en propres termes, que quand on a épuisé toutes les autres manières de le dire ; et il y en a tant que l’on n’arrive quelquefois à dire le mot que lorsqu’on ne sent plus la chose et que le mot est devenu un mensonge. » — « La justice du monde, comme la justice des lois, ne découvre presque jamais les crimes que lorsqu’ils n’existent pas encore, ou lorsqu’ils n’existent plus. » — Mais je m’arrête, de peur du sourire de l’auteur, pendant que je me baisse à ramasser ainsi les aphorismes qu’il sème en s’en moquant tout le premier : il me ferait niche par derrière.

167. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Pierce, qu’aux États-Unis, dans les montagnes de Catskill, il existe deux variétés de Loups : l’une, de forme élancée, assez semblable au Lévrier, poursuit les bêtes fauves ; l’autre, plus massive, attaque plus fréquemment les troupeaux. […] Au surplus, de vastes régions, aujourd’hui continentales par suite de récentes oscillations de niveau, doivent avoir existé antérieurement à l’état d’archipels, de sorte que les heureux effets de l’isolement ont dû concourir pour leur part à former leur population actuelle. […] Parmi ces derniers, les membres de la famille des Requins n’ont probablement aucune tendance à supplanter l’Amphioxus ; et la concurrence vitale ne doit guère exister pour ce dernier que contre des invertébrés. […] En fin de compte, il y a plusieurs causes très diverses pour que des organismes d’ordres inférieurs existent actuellement en grand nombre dans le monde entier. […] Il ne semble donc pas, au premier abord, qu’il existe de limites à la somme des diversifications profitables de structure, et, par conséquent, aucune borne à l’accroissement du nombre des espèces.

168. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Les écrivains qui ont existé pendant la république, ne s’étant jamais permis d’exprimer les affections qu’ils éprouvaient, c’est dans le court passage des mœurs les plus sévères à la plus effroyable corruption, que les poètes latins ont montré une sensibilité plus touchante que celle qu’on peut trouver dans aucun ouvrage grec. […] Il existe des histoires appelées avec raison histoires philosophiques ; il en existe d’autres dont le mérite consiste dans la vérité des tableaux, la chaleur des récits et la beauté du langage ; c’est dans ce dernier genre que les historiens grecs et latins se sont illustrés.

169. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

non ; depuis que j’existe je n’ai cherché, je n’ai voulu de bonheur que dans le sentiment, et c’est par mes blessures que j’ai trop appris à compter ses douleurs. […] L’amour se passerait bien plutôt de réciprocité que l’amitié ; là où il existe de l’ivresse, on peut suppléer à tout par de l’erreur, mais l’amitié ne peut se tromper, et lorsqu’elle compare, elle n’obtient presque jamais le résultat qu’elle désire, ce qu’on mesure paraît si rarement égal ; il y a quelquefois plus de parité dans les extrêmes, et les sentiments sans bornes se croient plus aisément semblables. […] Mais un tel dévouement n’a presque point d’exemple entre des égaux, il peut exister, causé par l’enthousiasme ou par un devoir quelconque ; mais il n’est presque jamais possible dans l’amitié, dont la nature est d’inspirer le funeste besoin d’un parfait retour ; et c’est, parce que le cœur est fait ainsi, que je me suis réservé de peindre la bonté comme une ressource plus assurée que l’amitié, et meilleur pour le repos des âmes passionnément sensibles.

170. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Une analyse succincte fera ressortir les rapports et les différences qui existent entre les deux œuvres. […] Donc elle n’existe pas : si elle existait, elle serait ménagère, maîtresse de maison, secrétaire, femme de chambre, écuyère, dame de compagnie, favorite.

171. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

I Certes, il y a eu, selon les poétiques désormais périmées, de beaux poèmes, imprégnés d’émotion, savamment rythmés, mais peut-être n’en existe-t-il pas un seul qui ne contienne des vers faibles et des chevilles. […] Rien de plus, car il n’existe pas d’Alexandrin idéal, passant dans les rêves des poètes, dieu suprême de l’Art, orchestre, mot synthétique, geste solennel résumant toutes les phrases et tous les poèmes, sorte de syllabe Om dont certains parlent, les yeux en extase, la voix tremblante, avec des airs de Bouddha contemplant son nombril. […] « Il existe beaucoup d’autres écoles ; il en naît tous les jours de nouvelles.

172. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Pressez, d’ailleurs, les écrits qui existent sur la méthode historique, et même les plus récents, ceux de J. […] N’existe-il pas encore des dépôts dont l’autonomie se justifie mal ? […] Quand le poète parle de portes d’or ou de boucliers d’argent, il n’est pas sûr qu’il ait existé des portes en or ou des boucliers en argent ; mais seulement qu’il existait des portes, des boucliers, de l’or et de l’argent. […] C’est que la division du travail implique une entente entre des travailleurs, et en histoire cette entente n’existe pas. […] 1° Il faut non seulement qu’il n’existe pas de document où le fait soit mentionné, mais qu’il n’en ait pas existé.

173. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il existe un objet idéal, l’objet en soi, l’œuvre de Dieu. […] Existe-t-il des dieux ? […] Cependant ils peuvent exister. […] Il existe en Dieu une idée universelle de tout ce qui existe ici-bas à l’état de chose réelle. […] Triste et misérable supériorité du reste, puisqu’elle n’existe ou n’existerait que dans un monde où tout serait à l’envers et anormal.

174. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

D’abord, le fait supposé par cette objection n’est pas d’une vérité rigoureuse, puisqu’un des plus beaux monuments historiques qui existent chez les hommes, le Discours sur l’histoire universelle, a été dicté par l’esprit du christianisme. Mais, en écartant un moment cet ouvrage, les causes de notre infériorité en histoire, si cette infériorité existe, méritent d’être recherchées.

175. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Il faut reconnaître que l’individu isolé n’existe pas et que les influences sociales interviennent incessamment dans la formation et l’évolution des consciences individuelles. […] Conception purement négative, car cette raison ne se définit que par la suppression de toute particularité mentale individuelle. — Mais la raison existe-t-elle jamais à l’état pur ? […] Et ce n’est que dans la mesure où cette conformité psychologique existe entre les individus qu’ils seront contraints d’admettre les mêmes vérités. […] On voit la différence qui existe entre cet individualisme et l’individualisme stirnérien. […] La plupart de ceux qui ont apporté une idée nouvelle ont douté de la valeur de leur pensée quand ils ont vu la disproportion qui existait entre leur idéal et les aspirations de leur milieu.

176. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il y a bien des siècles que l’homme existe. […] Cette aspiration à un bonheur qui n’existe pas ici, est le ressort qui donne l’impulsion à toute vie et le mouvement à toute activité humaine. […] Glorifier Dieu fut le désir de naître pour le premier germe de la création… « Cependant il y avait Lui, dit le livre, il y avait Dieu ; lui seul existait sans respirer, il existait absorbé en lui-même dans la solitude de sa propre pensée, de sa pensée tournée en dedans de lui pour jouir de la contemplation de lui-même. […] J’ai existé de toute éternité, toi aussi, et nous ne pouvons jamais cesser d’exister. […] Ce sont nos organes matériels et passagers qui nous donnent ici ces sensations du chaud et du froid, du plaisir ou de la douleur ; mais ces choses n’existent pas en elles-mêmes.

177. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

À une époque donnée, il existe en général un ensemble de croyances, communément acceptées, sur l’homme et sur le monde ; il existe aussi une morale qui se rattache à cette croyance. […] Ils s’accordent parfois, ils se combattent souvent, car la société n’existe pas réellement encore et ses éléments de divers ordres restent assez indépendants. […] Une conception plus saine prendrait sa place, qui existe déjà d’ailleurs et quoique méconnue, influence les âmes et fait agir les volontés. […] Mais en fait, cela fut impossible, et elles apparaissaient d’autant plus vivaces et plus fortes, et même elles existaient d’autant plus. […] Ce n’est pas trois êtres, c’est une infinité d’êtres dont elle veut ne faire qu’un être, des êtres qui, par cela seul qu’ils existent, sont ennemis et se combattent dans notre société entière, et jusque dans l’intimité du moi de chacun de nous.

178. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Puisque l’idée et le désir existent et se voient exister, c’est qu’ils font partie, tels qu’ils sont, de l’ensemble concret des conditions de la réalité présente et des conditions de la réalité future. […] Quel que soit le mode de force ou d’efficacité des idées, qu’elles agissent par les seuls mouvements physiques ou aussi par les désirs psychiques dont ces mouvements sont inséparables, toujours est-il que le cerveau qui conçoit l’idée d’une chose arrive à faire exister cette chose même et qu’il a conscience de son rôle décisif dans la série des conditions. […] Dans les propositions abstraites et, en apparence, indifférentes, il existe toujours au moins une propension de nature intellectuelle, ou une aversion également intellectuelle, résultant de ce que ces propositions sont en harmonie ou en désaccord avec la direction générale de notre intelligence, avec toutes nos habitudes intellectuelles. […] L’enfant qui refuse de prendre une seconde fois la rose dont il a été piqué agit d’abord, — selon la loi que nous avons posée plus haut, — par la simple similitude de fait, qui existe entre les deux sensations, similitude qui produit un courant nerveux dans le même sens. […] On y suppose, en effet, des forces indépendantes, dont chacune agit comme si les autres n’existaient pas.

179. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Nous ne savons donc rien de l’absolu, pas même, — pour le moment, — s’il existe ; et la science est hors d’état de nous garantir, sinon peut-être la « réalité » de son objet, mais, en tout cas, la « conformité » d’aucune vérité avec son objet. […] Ou bien le monde extérieur n’existe pas, n’est qu’une illusion de nos sens, un rêve qu’on ferait les yeux ouverts, une projection des lois de notre intelligence à travers l’espace ou le temps ; — et c’est la première solution. Ou bien le monde extérieur existe, et les impressions que nous en recevons sont conformes à leur objet, les phénomènes sont en soi ce qu’ils nous semblent être, ils seraient encore tout ce qu’ils sont si nous n’existions pas nous-mêmes ; — et c’est une seconde solution. Ou bien enfin, le monde extérieur existe, mais entre l’idée que la constitution de notre esprit nous permet d’en prendre et la réalité de ce qu’il est en son fond, il n’y a pas de rapport à nous connu, de communication certaine, de ressemblance ou d’analogie ; — et c’est la troisième solution. […] S’il n’existait pas un « inconnaissable » dont les corps, solides ou fluides, ne sont que des manifestations phénoménales, appropriées, si l’on veut, ou adaptées à nos sens, nous ne pourrions nous former aucune idée, même conventionnelle, d’un fluide ou d’un solide, et c’est ainsi que, de la « nécessité même de penser en relations », se conclut la nécessité d’un « non relatif réel. » Que pouvons-nous cependant savoir de ce « non relatif » ou connaître de cet Inconnaissable ?

180. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

La conscience est une connaissance intuitive qui constitue le fond de nos états mentaux, lesquels n’existent que dans la conscience et par la conscience : avoir une idée, une sensation, c’est en réalité avoir conscience d’une idée, d’une sensation82. […] 1° Nous savons une science ou une langue, etc. ; elles existent en nous à l’état latent, tant que nous n’en faisons pas usage. […] La confusion et le désaccord viennent d’une théorie erronée de la causalité qui considère le rapport de cause à effet comme nécessaire, qui imagine une contrainte mystérieuse exercée par l’antécédent sur le conséquent, laquelle ne pourrait en effet exister sans ruiner le libre arbitre. « Nous sommes certains que dans nos volitions cette contrainte mystérieuse n’existe pas. […] Tel est le rapport qui existe entre la moralité fondée sur l’utilité (expediency-morality) et la morale comme science.

181. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Baudelaire connut l’œuvre wagnérienne, l’illustra de belles pages, et Mendès très longtemps orna le wagnérisme. » On répondra que Baudelaire en 1862 — date de sa connaissance du Tannhauser et de son étude critique — était âgé de quarante ans, fatigué de son bel effort, qu’il pouvait éprouver des plaisirs esthétiques nouveaux, et les traduire, admirablement, sans que cela l’induisît à modifier une formule de vers qui était déjà une conquête sur le passé ; et si la même raison ne peut valoir pour Mendès, quoi d’étonnant à ce que celui-ci soit, car son éducation poétique, quoique moins avancée, était déjà faite, resté fidèle à un idéal technique, dont il ne pouvait encore percevoir la caducité, puisqu’elle n’existait pas encore, et qui lui laissait toute la place pour ses réalisations encore neuves. […] Oui, à condition d’exister parallèlement, d’être non pas deux recettes, mais deux guides. […] À côté de l’emprise exercée par les livres, il existe toujours, en même temps, des puissances orales. […] Parmi les éléments du vers libre, celui-ci existe, il en contient d’autres, et bien d’autres ambitions, car quel est le novateur qui, tout en sachant ses origines (sans cela il ne serait point conscient), ne rêve une totale reconstruction de tout, d’autant que tout critique sérieux se rend compte qu’en ébranlant un pan de la façade artistique on touche à toute la façade sociale ; c’est ce qui explique que, lorsque les revendications d’art se présentent, elles rencontrent d’aussi agressives résistances. […] On obtient par assonances et allitérations des vers comme celui-ci : Des mirages | de leur visage | garde | le lac | de mes yeux Tandis que le vers classique ou romantique n’existe qu’à la condition d’être suivi d’un second vers, ou d’y correspondre à brève distance, ce vers pris comme exemple possède son existence propre et intérieure.

182. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Il n’y a complète unification sociale que là où il existe, pour régler les rapports des unités associées, une certaine organisation politique, juridique, administrative, économique, — une loi, un pouvoir central, en un mot, un État. […] Et s’il ne faut pas dire, avec Jhering 192 que Rome fut l’ange exterminateur des nationalités, — puisqu’à vrai dire les nationalités n’existaient pas encore — du moins elle écrasait toutes les espèces de groupements qui auraient pu constituer des nations. […] Elle existait en germe à Rome, s’il est vrai que le client est déjà au patron ce que le vassal est au seigneur220. […] Si elle prospère au moyen âge c’est que les États existent à peine : elle disparaît quand ils renaissent. […] Flach, l’individualité n’existe pas ; l’individu humain est absorbé par le groupe221. » Dans l’absence de pouvoir central, l’homme est obligé de s’inféoder à une collectivité dans l’unité de laquelle se fondent en quelque sorte ses droits propres : c’est seulement dans les États constitués que l’homme isolé peut lever la tête.

183. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Dans ce chaos de sentiments et d’idées qui a existé pendant quelque temps en France, aucun orateur ne pouvait flatter par son estime, ni flétrir par son mépris, aucun homme ne pouvait être honoré ni dégradé. […] Quelles difficultés a-t-on à vaincre, s’il n’existe aucune barrière ? […] Cicéron, Démosthène, les plus grands orateurs de l’antiquité, s’ils existaient de nos jours, pourraient-ils agiter l’imperturbable sang-froid du vice ? […] Dans ce qui caractérise l’éloquence, le mouvement qui l’inspire, le génie qui la développe, il faut une grande indépendance, au moins momentanée, de tout ce qui nous environne ; il faut s’élever au-dessus du danger, s’il existe, au-dessus de l’opinion que l’on attaque, des hommes que l’on combat, de tout, hors sa conscience et la postérité.

184. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Enfin, quand il existerait une chance, de prolonger la possession des biens offerts par l’ambition, est-il une entreprise dont l’avance soit si énorme ? L’âme qui s’y livre, se rend à jamais incapable de toute autre manière d’exister ; il faut brûler tous les vaisseaux qui pourraient ramener dans un séjour tranquille, et se placer entre la conquête et la mort. […] Passer de l’occupation de soi à celle de tout autre objet, est une sorte de régénération morale dont il existe bien peu d’exemples. […] Il reste encore des moyens d’acquérir du pouvoir, mais l’opinion qui distribue la gloire, l’opinion n’existe plus ; le peuple commande au lieu de juger ; jouant un rôle actif dans tous les événements, il prend parti pour ou contre tel ou tel homme.

185. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

La vanité se nourrit de succès trop peu relevés pour qu’il existe aucune dignité dans ses revers. […] En concentrant sa vie, on concentre aussi sa douleur, et qui n’existe que pour soi, diminue ses moyens de jouir, en se rendant d’autant plus accessible à l’impression de la souffrance : on voit cependant à l’extérieur de certains hommes, de tels symptômes de contentement et de sécurité, qu’on serait tenté d’ambitionner leur vanité comme la seule jouissance véritable, puisque c’est la plus parfaite des illusions ; mais une réflexion détruit toute l’autorité de ces signes apparents, c’est que de tels hommes, n’ayant pour objet dans la vie que l’effet qu’ils produisent sur les autres, sont capables, pour dérober à tous les regards les tourments secrets que des revers ou des dégoûts leur causent, d’un genre d’effort dont aucun autre motif ne donnerait le pouvoir. […] Une femme ne peut exister par elle ; la gloire même ne lui servirait pas d’un appui suffisant, et l’insurmontable faiblesse de sa nature et de sa situation dans l’ordre social, l’a placée dans une dépendance de tous les jours dont un génie immortel ne pourrait encore la sauver. […] La vanité est l’ennemie de l’ambition ; elle aime à renverser ce qu’elle ne peut obtenir ; la vanité fait naître une sorte de prétentions disséminées dans toutes les classes, dans tous les individus, qui arrête la puissance de la gloire, comme les brins de paille repoussent la mer des côtes de la Hollande : enfin, la vanité de tous sème de tels obstacles, de telles peines dans la carrière publique de chacun, qu’au bout d’un certain temps le grand inconvénient des républiques, le besoin qu’elles donnent de jouer un rôle n’existera, peut-être, plus en France : la haine, l’envie, les soupçons, tout ce qu’enfante la vanité, dégoûtera pour jamais l’ambition des places et des affaires ; on ne s’en approchera plus que par amour pour la patrie, par dévouement à l’humanité, et ces sentiments généreux et philosophiques rendent les hommes impassibles, comme les lois qu’ils sont chargé d’exécuter.

186. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

La révolution voulue par Jésus est alors celle qui a eu lieu en réalité, l’établissement d’un culte nouveau, plus pur que celui de Moïse  Toutes ces pensées paraissent avoir existé à la fois dans la conscience de Jésus. […] Jésus y échappait en déclarant formellement que dans la vie éternelle la différence de sexe n’existerait plus, et que l’homme serait semblable aux anges 805. […] Il se proposa de créer un état nouveau de l’humanité, et non pas seulement de préparer la fin de celui qui existe. […] Le royaume de Dieu n’est alors que le bien 814, un ordre de choses meilleur que celui qui existe, le règne de la justice, que le fidèle, selon sa mesure, doit contribuer a fonder, ou encore la liberté de l’âme, quelque chose d’analogue à la « délivrance » bouddhique, fruit du détachement.

187. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Le simple parallélisme des valeurs par lesquelles passent les deux phénomènes, pourvu qu’il ait été établi dans un nombre suffisant de cas suffisamment variés, est la preuve qu’il existe entre eux une relation. […] La concomitance peut être due non à ce qu’un des phénomènes est la cause de l’autre, mais à ce qu’ils sont tous deux des effets d’une même cause, ou bien encore à ce qu’il existe entre eux un troisième phénomène, intercalé mais inaperçu, qui est l’effet du premier et la cause du second. […] De plus, il existe une multitude de phénomènes sociaux qui se produisent dans toute l’étendue de la société, mais qui prennent des formes diverses selon les régions, les professions, les confessions, etc. […] On constituera d’abord le type le plus rudimentaire qui ait jamais existé, pour suivre ensuite pas à pas la manière dont il s’est progressivement compliqué.

188. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

De tous ceux dont le sang coule dans ses veines et, en particulier, de ses derniers aïeux il tient des puissances qui existent en lui à l’état latent, des germes qui sommeillent engourdis, mais vivants, dans les profondeurs de son être. […] Il est banal de constater qu’il existe un rapport entre l’homme et les choses qui l’environnent. […] Et pourtant des observateurs à déductions précipitées 23, remarquant que des écrivains d’une même époque ont laissé des œuvres très différentes d’idées, de formes, de caractères, en ont conclu que l’influence de ce milieu-là était capricieuse et fugace, qu’elle n’existait pas pour un grand nombre de talents notables et pour la plupart des génies suprêmes.

189. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

La critique n’existe point en France, à cette heure du xixe  siècle. […] Il y eut aussi du succès, et ce fut ce succès immobilisé, passé à l’état de pagode, qui donna à la Revue Contemporaine l’envie naturelle d’exister et de s’établir sur un plan qui avait si bien réussi. […] Malheureusement, nous ne la brisons pas toujours, et c’est ainsi que, les défaillances du caractère s’ajoutant au scepticisme de l’esprit, la critique non seulement n’existe pas, du fait même de ceux qui l’exercent, mais elle devient impossible.

190. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Bouilhet n’existe plus du tout. […] Théophile Gautier, n’eussent jamais existé, M.  […] Et si Delille n’avait pas existé non plus, il aurait imité Fontanes ou quelque autre poète, — n’importe lequel, — et il l’eût imité non en se grimant péniblement, comme les faibles imitateurs, mais facilement, avec une appropriation pleine de force, en homme qui, s’il n’a pas les facultés créatrices du poète, a du moins des facultés poétiques d’une certaine puissance.

191. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Cette république que voulait Platon, elle a existé dès la première origine des sociétés. […] Si la religion se perd parmi les peuples, il ne leur reste plus de moyen de vivre en société ; ils perdent à la fois le lien, le fondement, le rempart de l’état social, la forme même de peuple sans laquelle ils ne peuvent exister. Que Bayle voie maintenant s’il est possible qu’il existe réellement des sociétés sans aucune connaissance de Dieu !

192. (1903) La pensée et le mouvant

La faculté d’intuition existe bien en chacun de nous, mais recouverte par des fonctions plus utiles à la vie. […] Quand enfin le mot en vient à désigner tout ce qui existe, il ne signifie plus qu’existence. […] Jamais, en effet, on ne s’étonnerait de ce que quelque chose existe, — matière, esprit, Dieu, — si l’on n’admettait pas implicitement qu’il pourrait ne rien exister. […] Supposez même qu’il existe : comment y aurait-il un instant antérieur à celui-là ? […] Nous définissons d’ordinaire le vrai par sa conformité à ce qui existe déjà ; James le définit par sa relation à ce qui n’existe pas encore.

193. (1930) Le roman français pp. 1-197

Mais on peut être certain qu’ils ont existé. […] Et pourtant, tout cela existe. […] … Cette littérature-là a existé chez nous, y existe encore : c’est celle d’Octave Feuillet, et même jusqu’à un certain point de Cherbuliez. […] Et il existe, il existera toujours des sujets qui imposeront la manière naturaliste, ou symboliste, ou romantique, ou classique, sous une apparence qui paraîtra nouvelle. […] La liberté d’expression et de pensée révolutionnaire, elle existe pourtant, elle existe !

194. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Si l’on pouvait accorder une foi entière aux arguments employés par Forbes, il faudrait admettre qu’à peine il existe une seule île qui ne se soit pas détachée depuis peu de quelque autre terre plus étendue. […] Sur toute cette même partie de la chaîne des Cordillères, il n’existe pas aujourd’hui de vrais glaciers, même à des hauteurs beaucoup plus considérables. […] Sur les montagnes les plus élevées du Brésil, Gardner a trouvé quelques genres européens qui n’existent nulle part dans les brûlantes contrées intermédiaires. […] Il résulte aussi des lois de la mécanique que, si cet état de choses avait pu se présenter une fois, il n’y aurait pas de raison connue pour qu’il ne continuât pas d’exister ; et l’écran que M.  […] Or rien de semblable n’existe.

195. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Oui, tu dis vrai, ce monde est vain quand il n’existe par moi-même. […] Elle est, et tu existes en elle. […] Mais mouvante toujours et sans cesse changée, l’âme existe en tant que Rythme, en tant que direction vers un but à l’infini, et ce but, — c’est soi-même.

196. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

que trop à rire, qu’il a découvert une de ces choses qui n’avaient, croyait-on, jamais existé… l’âme de Sismondi ! […] Il l’épousa froidement et philosophiquement, comme il faisait tout depuis qu’il existait. […] Si cette âme a jamais existé, elle devait être, du reste, assez pesante pour qu’on la retrouvât à la place où elle avait vécu et qu’elle ne pût pas s’envoler.

197. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Il n’y a pas de sujets épiques, il n’y a que des facultés… L’épique existe ou peut exister à toutes les périodes de l’histoire, à toutes les marches des civilisations, en haut ou en bas, à tous les moments d’ascension ou de déclin des littératures. […] Frédéric Mistral, qui n’en serait pas moins ce qu’il est, quand il serait signé par le Gazonal de Balzac, n’existe, comme toutes les œuvres vraiment poétiques, que par le détail, l’observation, le rendu et l’intensité du détail.

198. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Les habitants d’un pays dans lequel ces abus n’existeraient pas, accorderaient à peine un léger sourire aux dérisions qui auraient ces préjugés pour objet. […] Quand le despotisme existe, il faut consoler les esclaves, en flétrissant à leurs yeux le sort de tous les hommes ; mais l’exaltation nécessaire à la liberté républicaine doit inspirer de l’éloignement pour tout ce qui peut tendre à dégrader la nature humaine. […] Il existe sans doute, dans les ouvrages d’esprit, un autre genre de gaieté que celle qui tient presque uniquement à des plaisanteries sur l’ordre social ou sur la destinée humaine ; c’est l’observation juste et fine des passions et des caractères. […] Mais c’est la réunion même de ces deux talents qui a été l’une des principales causes des grandes différences qui existent entre la tragédie française et la tragédie anglaise. […] Un nouveau genre de poésie existe dans les ouvrages en prose de J. 

199. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Ces merveilleuses adaptations nous frappent d’étonnement dans le Pic et le Gui ; elles existent, bien que moins apparentes, dans le plus humble parasite qui s’attache aux poils d’un quadrupède ou aux plumes d’un oiseau, dans la structure du Coléoptère qui plonge sous l’eau, dans la graine ailée que la moindre brise emporte : en un mot, dans le monde organique tout entier, comme en chacun de ses détails nous voyons d’admirables harmonies. […] Or, puisqu’il naît un nombre d’individus supérieur à celui qui peut vivre, il doit donc exister une concurrence sérieuse, soit entre les individus de la même espèce, soit entre les individus d’espèces distinctes, soit enfin une lutte contre les conditions physiques de la vie. C’est une généralisation de la loi de Malthus, appliquée au règne organique tout entier, mais avec une force décuple, car en ce cas il ne peut exister aucun moyen artificiel d’accroître les subsistances, ni aucune abstention prudente dans les mariages. […] Nous aurions pu croire, au contraire, qu’une plante pouvait exister seule où les conditions de vie lui étaient assez favorables pour que beaucoup puissent exister ensemble afin de sauver ainsi l’espèce d’entière destruction.

200. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Et en prenant pour exemple la symphonie du Dante de Liszt, il démontre comment un auditoire qui n’existe que dans l’imagination de l’artiste peut l’influencer pour créer une œuvre qu’il lui aurait été impossible de faire, si jamais l’idée d’un public réel avait traversé son esprit. […] Car, et pour eux ce monde disparaît absolument, il ne saurait présenter aucun intérêt, il n’existe plus77. […] Sur cette phrase écrite en décembre 1860, lorsque ni la Tétralogie de l’Anneau du Nibelung, ni les Maîtres Chanteurs, ni Parsifal n’existaient encore ! […] Schopenhauer y voyait contenue la grande vérité« du besoin de la délivrance de l’exister et l’assouvissement de ce besoin par la négation du vouloir (IV, 733). » « C’est en concordance avec ce principe que, dans l’Évangile Chrétien, la sainteté de la souffrance nous est démontrée, et que la Croix, ce chef-d’œuvre de souffrance, est le symbole primordial de la religion chrétienne. » Wagner (1880) : « Un être a pris pour lui le péché énorme de tout ce qui existe (entendre ici par péché ce que dit Calderon : le plus grand péché de l’homme est d’être né) ; il l’a expié par sa mort. […] Depuis l’aveu de leur amour ils sont en vérité morts ; le monde n’existe plus ; ils sont livrés à eux-mêmes.

201. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Mais rendez à la conscience son véritable rôle : il n’y aura pas plus de raison pour dire que le passé, une fois perçu, s’efface, qu’il n’y en a pour supposer que les objets matériels cessent d’exister quand je cesse de les percevoir. […] D’où vient que nous n’hésitons pas à poser la réalité de la ligne AB tout entière, quoiqu’elle reste inaperçue, et qu’au contraire, de la ligne CI le présent I actuellement perçu est le seul point qui nous paraisse exister véritablement ? […] Sous cette forme condensée, notre vie psychologique antérieure existe même plus pour nous que le monde externe, dont nous ne percevons jamais qu’une très petite partie, alors qu’au contraire nous utilisons la totalité de notre expérience vécue. […] — Nous répondons que la question est précisément de savoir si le passé a cessé d’exister, ou s’il a simplement cessé d’être utile. […] Mais chacun de nous sent bien que ces lois existent, et qu’il y a des rapports stables de ce genre.

202. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

La société ne peut vivre que s’il existe entre ses membres une suffisante homogénéité. […] En chacun de nous, peut-on dire, il existe deux êtres qui, pour être inséparables autrement que par abstraction, ne laissent pas d’être distincts. […] « Cette unité morale dont on regrette tant la perte, dit-il, n’a jamais existé que dans ces Utopies et ces Uchronies où nous sommes conviés de temps en temps à nous réfugier comme dans un asile pour y trouver un aliment à notre sentimentalisme et à notre rêverie. » Dans une société un peu complexe et évoluée, il ne peut pas plus y avoir d’unité morale véritable qu’il ne peut y avoir d’orthodoxie réelle, et pour la même raison qui est la diversité des esprits et des âmes. […] Il s’apercevra de la contradiction qui existe entre les idéaux scolaires et la vie réelle.

203. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Quand Théophile Gautier disait : « Je suis un homme pour qui le monde visible existe », — il voulait dire qu’il savait voir et décrire un intérieur, un paysage, un monument. […] Elles peuvent exister très souvent côte à côte dans une même œuvre. […] La plupart du temps, on peut déterminer sans grande peine si une œuvre est d’esprit pessimiste ou optimiste, si elle présente le monde de façon qu’on l’aime et l’approuve tel qu’il existe, ou tout au moins qu’on le croie susceptible d’être amendé, ou bien si elle s’obstine à le montrer incurablement mauvais de façon à tuer l’espérance du mieux. […] Lisez encore ces romans où l’auteur nous transporte dans une société qui n’a jamais existé, comme a fait Voltaire en nous décrivant le merveilleux pays d’Eldorado, ou comme font de nos jours les frères Rosny en nous introduisant dans les profondeurs de la terre7, dans la région des cavernes mystérieuses, des pâturages blancs, des grandes chauves-souris aux ailes de neige.

204. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Nous avons fait voir, dans plusieurs endroits de cet ouvrage, la différence qui existe entre la félicité des élus et celle des mânes de l’Élysée. […] Nous osons le prédire : un temps viendra que l’on sera étonné d’avoir pu méconnaître les beautés qui existent dans les seuls noms, dans les seules expressions du christianisme ; l’on aura de la peine à comprendre comment on a pu se moquer de cette religion de la raison et du malheur.

205. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Peu importe que les caractères soient si superficiels qu’ils n’existent pas ! […] Mais il en existe d’autres. […] Ce sont des îlots séparés par les villes moindres et la campagne où il existe nombre de personnes sages, très curieuses encore de lire. […] Camille Mauclair Le goût de la société contemporaine pour le théâtre n’existe à peu près pas : ce qui existe, c’est son engouement pour le tréteau et le cabotin, et seuls « réussissent » les fournisseurs adroits et serviles qui, par les diverses combinaisons du cabotin et du tréteau, amusent cette société. […] « À mon sens, il n’existe qu’un rapport fort éloigné entre le livre et le théâtre.

206. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Quant au Rythme, il peut exister sans nulle réalisation sonore, mais n’appartient plus alors à la musique ; n’eût-il qu’une seule note, il participe à l’Harmonie dès qu’il rompt le silence. […] Pour les timbres aussi, cette mesure existe dans l’espace. […] Ce mouvement supposé n’est que de l’inertie : il n’est donc qu’apparent en tant que Rythme et, dans la durée, n’existe pas plus, en soi, que l’attraction de l’aimant ou l’attraction moléculaire ; comme elles, il apparaît plutôt en fonction de l’espace. […] Il semble dès l’abord que si l’on ne peut concevoir la mélodie sans un rythme, elle ne peut exister non plus en dehors de l’harmonie, — puisqu’elle est son autant que mouvement, — et qu’on ne peut donc lui opposer l’harmonie qu’en opposant une partie à un ensemble. […] Théoriquement il existe des mesures en quantités indéfinies.

207. (1925) Comment on devient écrivain

Il existe un exemple célèbre de la fausse vocation : c’est Chapelain. […] Ça n’existe pas. […] Le père Grandet a existé à Saumur. […] Le beau existe. […] Il existe encore des préjugés contre Amyot.

208. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Mais ce cas-là existe à peine. […] D’abord il est très probable que ces persécutions n’ont pas existé. […] Les dieux n’existent pas. En particulier les dieux de Rome n’existent pas. […] Il n’y en a qu’une, mais elle existe.

209. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

— mais j’ai eu soin de montrer que les communications n’existaient pas entre Carthage et l’armée ! […] Us existent cependant. […] Pourquoi ne voulez-vous pas que deux vrais existent, deux excès contraires, deux monstruosités différentes ? […] Elles existaient ; je les ai retranchées ou trop raccourcies, dans la peur d’être ennuyeux. […] Les documents sur Carthage existent, et ils ne sont pas tous dans Movers.

210. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Donc Dieu existe. […] Donc Dieu existe. […] Donc Dieu existe. […] Donc Dieu existe. […] Donc Dieu existe.

211. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

et qu’en les Yeux du Mage inquiétant Je ne sais quel vœu vague et mortuaire existe. » René Ghil. […] C’est à cette époque, Wagner nous le dit, que « tout ce que, dans la vie moderne, nous qualifions d’art, cessa pour lui d’exister ». […] C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui » (IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31 août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne, et son succès était souhaité (IV, 370). […] La musique contient donc aussi des contradictions, même nombreuses ; si le charme incomparable des mélodies peut les faire oublier, elles n’en existent pas moins. — Ainsi l’on trouve dans l’ensemble de l’œuvre, poème et musique, ce que l’étude des conditions sous lesquelles elle a été composée laissait prévoir : un conflit de tendances. […] …    Tu n’existais que par ma volonté ;    Ta volonté contre moi se rebelle !

212. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Une idée générale est toujours une idée abstraite, et il n’existe pas d’idée abstraite qui ne soit abstraite d’une série d’expériences humaines. […] Il convient de noter à cette occasion que les nations ne sont pas les seules collectivités qui existent. […] Il suivit de là que la parenté par les femmes n’exista pas. […] À Rome comme en Grèce, en raison de la même considération religieuse, le droit de tester n’existe pas dans la législation primitive et le changement de cette prohibition en un régime nouveau ne se fait pas brusquement. […] On voit donc par ces deux exemples, à côté desquels on en pourrait citer beaucoup d’autres que les Grecs et les Romains des premières périodes historiques appliquèrent à leur propre gouvernement des règles et des maximes instituées naguère en vue de satisfaire une croyance qui n’existait, plus dans leur âme et des intérêts qui n’étaient plus les leurs.

213. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Avec le raisonnement des idéalistes, il faudrait soutenir que je ne puis concevoir un temps où je n’existais pas, par exemple le siècle de César, puisque ce temps où ma conscience n’existait pas est cependant dans ma conscience à l’état d’idée et conçu par elle. Pourtant, il est bien certain que je dépasse ma conscience quand je conçois le siècle de César, et encore bien mieux quand je conçois le trentième siècle, où je n’existerai plus.

214. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Pour la connaître pleinement et exactement, la notion de son mécanisme, de ses parties, de sa genèse, ne sera pas plus importante que celle de la manière dont elle existe, dont elle se comporte, dont elle agit sur la matière vivante, du choc harmonieux, saccadé ou lent dont elle frappe les esprits, un esprit, une âme individuelle et figurée. […] Mais ce groupe a réellement existé dans le temps ou dans l’espace ; il existe parfois encore ; il forme ou a formé un milieu particulier, sur lequel le plus souvent l’histoire ou le journal ajoutent des renseignements à ceux plus exacts et plus intimes que procure l’examen de leur centre de ralliement, l’œuvre ou l’ensemble d’œuvres, dans lesquelles ils se reconnaissent et se désignent.

215. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Le problème est donc insoluble, et la conclusion, c’est que, pour nous, Homère n’existe pas, ne peut pas exister, il n’y a pas d’Homère. […] Mais il n’y a pas que cela, et il faut en prendre son parti : les choses imaginées, quoi qu’on dise, existent en littérature.

216. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Communément, Mme de Staël passe pour une des meilleures et des plus généreuses femmes qui aient jamais existé. […] Seulement, disons-le en finissant, de toutes les bleues qui aient jamais existé, elle est peut-être la seule dans laquelle le sexe n’ait pas péri ! […] Schiller a dit une bêtise d’Allemand (et ce sont les meilleures), quand il a écrit cette phrase d’apothéose : « Tout ce que le flambeau de la Raison ne peut éclairer n’existe pas pour elle. » Que Schiller aille se promener avec son flambeau !

217. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Il est même toute la Révolution ; car les États Généraux ne mirent que l’étiquette sur la bouteille, mais la dive bouteille existait ! […] Il est plus ancien que Louis XIV lui-même, et ce ver, qui est devenu de taille à avaler la monarchie de Louis XIV, existait bien avant les vers qui ont dévoré son cercueil ! […] L’histoire de la Révolution n’existe pas sans tous ses prolégomènes, et ils ne sont pas dans le livre de M. 

218. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

I Voici plusieurs années que cette chose, qui n’est pas un livre, existe à la vitrine d’une librairie, et je ne sais pas encore qui en a parlé, ou même si on en a parlé, parmi les tripoteurs de bruit qui battent et font mousser, dans les journaux, les petites omelettes soufflées des réputations. […] J’ai pensé tout d’abord à une autobiographie de quelque personnage apocryphe, comme celle de Joseph Delorme, par exemple ; mais on m’a assuré que l’auteur de ces pages désespérées avait existé, et qu’il n’y avait ici ni invention romanesque, ni rétorsion littéraire. […] Je ne crois pas que l’homme de ces effroyables pages eût, s’il eût vécu, fait, je ne dis pas mieux, mais plus fort que cela… Créateur, s’il l’avait été, ses créations n’auraient jamais eu l’énergie du cri que pousse en lui la simple créature… Il fallait, dans une âme assoiffée de vivre comme il n’en exista peut-être jamais, la fureur et l’horreur de la mort pour exaspérer l’expression, telle qu’elle est ici, jusqu’au génie.

219. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Malheureusement, c’est l’observation large, profonde, impersonnelle, et sans laquelle le romancier n’existe pas, qui manque à MM. de Goncourt, ces talents costumiers qui croient que le costume est l’homme, et qui nous donnent aujourd’hui ce qui doit dans cent ans être la défroque du dix-neuvième siècle, — comme ils nous ont donné celle du dix-huitième siècle, ravaudeurs éternels ! […] … Le dix-neuvième siècle de l’en-bas, du petit journal bien infect, de l’homme de lettres plus ou moins avarié, de l’actrice, de l’atelier, du café et des divers argots que l’on parle en ces endroits-là ; le dix-neuvième siècle qui n’existe qu’à Paris, et encore à cinq ou six places dans Paris, entre quinze cents drôles et quinze cents drôlesses à peu près, le dix-neuvième siècle qui, par ses affinités et ses ressemblances morales avec le dix-huitième siècle, attire le plus l’imagination de MM. de Goncourt. […] Ils ont été entraînés au dialogue, au monologue, à la lettre, au mémorandum, à toutes les formes littéraires possibles, se succédant sans raison d’exister que la fantaisie, mais pour moi, je ne croirai jamais qu’ils aient songé à refaire ce roman de Balzac, qui ne se refera jamais, par la raison qu’on ne refait que ce qui est manqué, et dans lequel la vie littéraire du dix-neuvième siècle a été transpercée d’une lumière qui en a fait voir les plus lâches misères et les plus féroces vanités.

220. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Si nous étions délivrés du souci des besoins matériels, comme les ordres religieux ou comme le brahmane qui s’enfonce tout nu dans la forêt, nous voguerions à pleines voiles, nous conquerrions l’infini… La vie patriarcale réalisait cette haute indépendance de l’homme, mais c’était en sacrifiant des éléments non moins essentiels : la civilisation, en effet, n’existe qu’à la condition du développement parallèle de l’intelligence, de la morale et du bien-être. […] La vieille littérature hébraïque n’offre guère d’autre catégorie d’hommes que le bon et le méchant ; et, dans la littérature indienne, c’est à peine si cette catégorie existe. […] L’analyse, en effet, n’existe que par la diversité des points de vue, et à condition que la science complète soit épuisée par ses faces diverses ; à chacun sa tâche, à chacun son atome à explorer, telle est sa maxime. […] À quoi bon se dévouer, en effet, pour soulager des misères qui n’existent qu’au moment où elles sont senties ? […] La bassesse, selon les idées mondaines, n’existe pas pour l’homme placé à un point de vue moral.

221. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

On sait peu qu’ils ont existé. […] Ils respirent, ils palpitent, on entend leur pas sur le plancher, ils existent. Ils existent d’une existence plus intense que n’importe qui, se croyant vivant, là, dans la rue. […] Œuvre troublante et vertigineuse où de toute chose on voit le fond, où il n’existe pour la pensée d’autre va-et-vient que du roi tué à Yorick enterré, et où ce qu’il y a de plus réel, c’est la royauté représentée par un fantôme et la gaieté représentée par une tête de mort. […] Hamlet est incapable de gouverner un peuple, tant il existe en dehors de tout.

222. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Nous sommes tous forcément des utopistes rétrogrades ou des utopistes chimériques, nous sommes tous les chevaliers d’une idée qui n’existe plus ou les chevaliers d’une idée qui n’existe pas encore. […] Il existe un drame de Calderon que nous n’avons jamais pu lire sans frissonner. […] Réfléchissez un instant et vous cesserez de vous étonner que des hommes en qui cette alliance existe au degré où elle existe chez Dante et Goethe échappent à toute classification de secte et de parti. […] Il en est ainsi du monde poétique et merveilleux ; il existait nécessairement avant qu’aucun poète eût apparu dans le monde ; il existerait encore alors même que la race des poètes s’éteindrait. […] Si le bonheur existe, je n’en veux rien savoir ; si la vérité existe, elle ne m’est plus nécessaire.

223. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

C’est, sans doute, une jouissance enivrante que de remplir l’univers de son nom, d’exister tellement au-delà de soi, qu’il soit possible de se faire illusion, et sur l’espace et sur la durée de la vie, et de se croire quelques-uns des attributs métaphysiques de l’infini ; l’âme se remplit d’un orgueilleux plaisir par le sentiment habituel, que toutes les pensées d’un grand nombre d’hommes sont dirigées sur vous ; que vous existez en présence de leur espoir ; que chaque méditation de votre esprit peut influer sur beaucoup de destinées ; que de grands événements se développent au-dedans de soi, et commandent, au nom du peuple, qui compte sur vos lumières, la plus vive attention à vos propres pensées ; les acclamations de la foule remuent l’âme, et par les réflexions qu’elles font naître, et par les commotions qu’elles excitent ; toutes ces formes animées, enfin, sous lesquelles la gloire se présente, doivent transporter la jeunesse d’espérance et l’enflammer d’émulation. […] Enfin, l’on pouvait être étonné, par conséquent entraîné ; et des hommes croyaient qu’un d’entre eux était nécessaire à tous ; de là les grands dangers que courait la liberté, de là les factions toujours renaissantes, car les guerres d’opinions, finissent avec les événements qui les décident, avec les discussions qui les éclairent ; mais la puissance des hommes supérieurs se renouvelle avec chaque génération, et déchire, ou asservit la nation qui se livre sans mesure à cet enthousiasme ; mais lorsque la liberté de la presse, et ce qui est plus encore, la multiplicité des journaux rend publiques chaque jour les pensées de la veille, il est presque impossible qu’il existe dans un tel pays ce qu’on appelle de la gloire ; il y a de l’estime, parce que l’estime ne détruit pas l’égalité, et que celui qui l’accorde, juge au lieu de s’abandonner ; mais l’enthousiasme pour les hommes en est banni. […] N’importe, s’écrieront quelques âmes ardentes, n’exista-t-il qu’une chance de succès contre mille probabilités de revers ; il faudrait tenter une carrière dont le but se perd dans les cieux, et donne à l’homme après lui, ce que la mémoire des hommes peut conquérir sur le passé : un jour de gloire est si multiplié par notre propre pensée qu’il peut suffire à toute la vie.

224. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Tyndall155, que tous les grands penseurs qui ont étudié ce sujet, sont prêts à admettre l’hypothèse suivante : que tout acte de conscience, que ce soit dans le domaine des sens, de la pensée ou de l’émotion, correspond à un certain état moléculaire défini du cerveau ; que ce rapport du physique à la conscience existe invariablement, de telle sorte que, étant donné l’état du cerveau, on pourrait en déduire la pensée ou le sentiment correspondant, ou que, étant donnée la pensée ou le sentiment, on pourrait en déduire l’état du cerveau. […] Si notre intelligence et nos sens étaient assez perfectionnés, assez vigoureux, assez illuminés, pour nous permettre de voir et de sentir les molécules mêmes du cerveau ; si nous pouvions suivre tous les mouvements, tous les groupements, toutes les décharges, électriques, si elles existent, de ces molécules ; si nous connaissions parfaitement les états moléculaires qui correspondent à tel ou tel état de pensée ou de sentiment, nous serions encore aussi loin que jamais de la solution de ce problème : Quel est le lien entre cet état physique et les faits de la conscience ? L’abîme qui existe entre ces deux classes de phénomènes serait toujours intellectuellement infranchissable. […] Mais, dans cette distinction et dans cette liaison, tout l’avantage est pour l’événement mental ; lui seul existe ; l’événement physique n’est que la façon dont il affecte ou pourrait affecter nos sens.

225. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Telle force existe quand telle liaison existe ; elle manque quand cette liaison manque. […] L’esprit extrait le fragment, mais, au même instant, reconnaît que cette extraction ou abstraction est purement fictive et que, si le fragment existe à part, c’est qu’il l’y met. […] Enfin, au plus bas degré de l’échelle animale, dans les zoophytes pair exemple, où nul système nerveux ne se montre et où là matière nerveuse n’existe probablement qu’à l’état diffus, la pluralité et la division sont plus grandes encore ; car on peut couper un polype en tous sens et même le hacher ; Chaque fragment se recomplète et fournit un animal qui a toutes les facultés et tous les instincts de l’animal primitif.

226. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Ils ont tous pour effet de rendre manifeste la contradiction qui existe entre la réalité véritable de l’individu et sa réalité présumée. […] C’est lui qui fait ici de la psychologie appliquée : avec le cynisme d’un esprit lucide et sachant qu’il est autre, il se pare, aux yeux de la dupe qu’il a choisie, de qualités générales dont la représentation existe par avance, sous forme de notion, dans tous les esprits : générosité, vertu, bonté piété, religion et il compte, pour établir sur celle-ci son empire, que, prenant le change, elle l’identifiera avec ces concepts que son attitude évoque. […] Il est une jalousie qui se venge et tue, il existe une irritabilité qui, excitée, n’assouvit sa fureur que dans le sang, celui de l’offenseur ou de l’offensé. […] Le Bovarysme existe, a-t-on dit, dès que l’ordre hiérarchique des énergies se montre interverti dans l’esprit et dans l’appréciation de celui qui possède ces énergies, dès qu’il préféra une énergie moins forte, à une plus forte.

227. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Il existe pourtant une trentaine de Manuels qui n’ont pas d’autre but. […] oui, sans doute, on n’enseigne pas à écrire, si l’on veut dire par là qu’il n’existe pas de méthode pour faire un grand écrivain. […] Ne leur dites pas surtout que la couleur existe ; que la forte description s’obtient rarement du premier coup ; qu’on réalise par le travail des surprises et des créations de mots ; qu’il y a enfin un art réfléchi de la perfection, un relief voulu des images, des chocs d’antithèses louables, une force, une cohésion, une structure, qui constituent toute une science du travail. […] L’antinomie existe ; elle est très claire, et ce qu’il y a de pis, c’est qu’il n’y a pas moyen de la résoudre, et, comme le dit M. 

228. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Y a-t-il là un idéal dont doive se préoccuper un écrivain, ou bien existe-t-il, dans l’idée même du roman, un élément qui détermine et limite le public auquel s’adresse le romancier ? […] La licence de tout dire n’existe pas. […] Oublions surtout qu’il existe un nombre bien grand d’œuvres romanesques qui ne méritent pas une critique moins sommaire. […] Le secret est là, et peut-être n’existe-t-il qu’un ou deux maîtres qui l’aient toujours compris, sans jamais subir l’entraînement de ce peintre, brosseur de fresques, aquarelliste ou pastelliste, qui habite aujourd’hui dans l’âme de tout romancier.

229. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Lui, l’auteur des Nièces de Mazarin, de Madame de Montmorency, et, dans son Louis XVI, de ce portrait de Marie-Antoinette qui seul vaut une biographie, lui qui semble avoir spécialement jusqu’ici l’intelligence et le goût des femmes dans l’histoire, ne pouvait pas, puisqu’il abordait le Moyen Age, oublier une des plus purement grandes qui aient jamais existé… Aussi l’a-t-il peinte comme il sait peindre et nous l’a-t-il donnée. […] Il y a plus, Mathilde elle-même, que Renée a appelée avec une analogie heureuse la Jeanne d’Arc de l’Italie, et dont la mission dura plus longtemps que celle de cette pauvre Jeanne d’Arc de France, Mathilde, l’héroïque guerrière qui fut pendant si longtemps l’ange armé du pontife romain, Mathilde n’existe que par Grégoire après sa mort, comme elle n’a existé durant sa vie que pour Grégoire.

230. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

cette honte est finie, et la lacune que nous déplorions n’existe plus. […] Depuis qu’il existe, il a toujours préféré à tout les facultés altières de l’esprit, les brutalités de sa force et la profondeur de ses perfidies… Mais lui démontrer, à propos de ce merveilleux et pauvre prêtre, — saint Vincent de Paul, — que Renan, ce rude connaisseur, ne trouvait ni imposant ni poétique, et dont il faisait tout au plus un saint bonhomme ; lui démontrer que ce saint bonhomme pouvait avoir dans la tête, à la même place précisément que Richelieu ou Napoléon, un génie égal ou supérieur au génie des plus fiers, des plus impérieux, ou même des plus mauvais qui aient mené un jour les hommes et dompté les choses, ne vous y trompez pas ! […] III Et de fait, c’est un grand homme d’État que saint Vincent de Paul, et même un des plus grands, si ce n’est le plus grand qui ait jamais existé !

231. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

« Il n’y a de beau que les commencements », a dit une femme qui savait que le génie de son sexe n’est pas plus durable que sa beauté, et c’est cette beauté des commencements, c’est cette loi qui fait, chez la femme, quand il a le plus l’air d’exister, quelque chose d’aussi délicat, d’aussi fragile et d’aussitôt passé que l’humidité de ses yeux et le rose de sa joue, c’est cette loi que va nous démontrer aujourd’hui le volume de poésies de Mme de Girardin, qui furent ses commencements, à elle ! […] Mme de Staël, ce grand poète en prose, — comme on peut l’être en prose, — qui avait fait chanter Corinne, n’existait plus… Tout à coup, comme pour nous consoler de cette perte et pour la réparer, se mit à jaillir dans la vie (le mot n’est pas trop fort pour dire l’impétuosité de cette jeunesse) une jeune fille qui, elle, chantait de vraies poésies, car elle parlait cette langue des vers que rien, dans l’ordre poétique, ne peut remplacer. […] La patrie elle-même n’existe qu’à travers l’époux et les enfants pour les femmes.

232. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

Chez les poètes, chez les artistes de tous ordres, que possède à quelque degré le Génie de la Connaissance, il existe une tendance à faire de leurs émotions des spectacles, et, cette transformation de leur activité les dispense parfois de la satisfaire, d’une façon durable, sous sa première incarnation. […] Ces actes cessent en quelque sorte d’exister pour celui qui les accomplit dans le moment qu’il les accomplit.

233. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

La vanité des nations, dont chacune veut être la plus ancienne de toutes, nous ôte l’espoir de trouver les principes de la Science nouvelle dans les écrits des philologues ; la vanité des savants, qui veulent que leurs sciences favorites aient été portées à leur perfection dès le commencement du monde, nous empêche de les chercher dans les ouvrages des philosophes ; nous suivrons donc ces recherches, comme s’il n’existait point de livres. […] Mais s’il n’existait point de société, y aurait-il des philosophes ?

234. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Inversement, des sensations réelles peuvent être abolies par la seule idée qu’elles n’existent pas. […] Il est facile d’en conclure que, pour se guérir d’un mal, la première condition est de se persuader ou que le mai n’existe pas, ou qu’il n’est pas grave. […] Il n’y a que 47 pour 100 des cas où ait existé un lien de parenté entre les parties ; la consanguinité comme telle aurait donc peu d’influence ; c’est le lien d’affection qui constitue le rapport le plus étroit. […] Depuis l’antiquité, il existe certaines personnes qui aperçoivent des visions dans un miroir, et ces visions, selon elles, répondent à des réalités présentes, passées ou même futures. […] Ceux-ci sont alors comme s’ils n’existaient pas, quoique prêts à reprendre rang plus tard.

235. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Il est dans ce coin du roman l’idéal actif qui fait que le roman existe. […] Elle vit dans un monde où les familles existent, de même que l’Angleterre existe : l’esprit Dodson n’est pas un vain mot. […] Il existe sur ce sujet des essais partiels, le livre de M.  […] » (ni France, ni Barrès n’existent). […] Il leur suffît d’exister. » Soit.

236. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Blyth et du capitaine Hutton, que des troupeaux entiers de ces Oies hybrides existent en diverses provinces de ce pays ; et, comme on les garde pour leur produit, dans des endroits où ni l’une ni l’autre des espèces mères n’existent, il faut nécessairement qu’elles soient très fécondes. […] Quoiqu’il y ait une différence évidente et fondamentale entre la simple adhérence d’une tige greffée, et l’union des éléments mâle et femelle dans l’acte de la reproduction, cependant nous venons de voir qu’il existe un certain parallélisme dans les effets de la greffe et de l’hybridation entre espèces distinctes. […] Elle s’accorde parfaitement, au contraire, avec l’idée qu’il n’existe aucune différence essentielle entre les espèces et les variétés. […] Il n’est en aucune façon surprenant que la difficulté qu’on trouve à unir deux espèces, et la stérilité de leur postérité hybride se correspondent en général assez exactement, bien que provenant de causes très distinctes ; parce que l’une et l’autre dépendent de la somme des différences de toute nature qui existent entre les deux espèces croisées. […] Enfin, même en dépit de l’ignorance profonde où nous sommes, en presque tous les cas, des causes précises de la stérilité chez les êtres vivants, les faits rassemblés et succinctement discutés dans ce chapitre ne me paraissent en aucune façon opposés à l’idée qu’il n’existe aucune distinction essentielle et fondamentale entre les espèces et les variétés.

237. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Mais parce que le mal n’existe pas ! […] Il existe pour l’homme. Pour le tout il n’existe pas. Pour qui verrait tout il n’existerait pas. […] Elle a existé.

238. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Une seule chose, très difficile à la vérité, la destruction du surnaturel, l’affirmation énergique que le surnaturel n’existe pas, la mise au défi de prouver que le surnaturel existe. […] Il faut affirmer énergiquement que Dieu n’existe plus. […] En ce cas il serait très vrai de mesurer la pensée à l’acte et de conclure de tel acte non fait que la pensée n’en existait point et de tel acte fait que la pensée en existait. […] C’en serait le signe ; et s’il existe c’en est la marque, et il n’y en a pas d’autre. […] Il n’existe pas de formule pour définir la quantité de nourriture qu’il faut à un esprit.

239. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Hubert Crackanthorpe existe. […] Il existe assez réellement lui-même pour pouvoir se passer d’adjuvants, des communes ressources littéraires ; de sorte qu’on s’étonne d’abord, tant sa littérature emprunte peu à celle des autres.

240. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Même si nous n’étions obligés, théoriquement, que vis-à-vis des autres hommes, nous le serions, en fait, vis-à-vis de nous-mêmes, puisque la solidarité sociale n’existe que du moment où un moi social se surajoute en chacun de nous au moi individuel. […] Ils n’ont pas besoin d’exhorter ; ils n’ont qu’à exister ; leur existence est un appel. […] plutôt accepter que plus rien n’existe ! […] Par le fait, celle-ci n’existe pas encore, et n’existera peut-être jamais : en donnant à l’homme la conformation morale qu’il lui fallait pour vivre en groupe, la nature a probablement fait pour l’espèce tout ce qu’elle pouvait. […] On se plaît à dire que la société existe, que dès lors elle exerce nécessairement sur ses membres une contrainte, et que cette contrainte est l’obligation.

241. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Déjà entre toutes les nations de l’Europe existe un lien incontestable et qui peut faire espérer cette harmonie finale. […] Nous devons avouer que l’homme absolu n’existe pas dans la nature. […] Les Allemands n’existaient pas encore ; les Alémans étaient une partie de la tribu suève, qui s’étaient fixés sur le Rhin lorsque leurs frères étaient allés en Gaule et en Espagne, L’empire des Francs s’est fondé en Gaule longtemps avant que n’existât l’idée d’une Allemagne ; cette idée fut ensuite par les Francs désignée par le nom des Alémans, cette grande tribu étant sur le Rhin la plus voisine des Francs. […] Dans une telle époque certes c’est par un miracle qu’un art peut encore exister ; l’art est le prophète d’une humanité idéale, mais il représente comme un idéal la plus noble image de la nature humaine. […] Car c’est au principe qui jadis, porté par les Francs, les Normands, les Anglo-Saxons, les Lombards, les Suèves et les Vandales, se répandit en France, en Angleterre, en Italie, en Espagne et en Russie, c’est à ce principe généreux et vivifiant que ces peuples doivent d’exister encore.

242. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Charles Robin dit qu’il existait deux perforations à l’appendice cœcal. […] * * * — À voir ce qui commence, le régime de la liberté sera le plus effroyable despotisme qui ait jamais existé : le despotisme d’un gouvernement, un jour, maître et possesseur de tout. […] Des recherches étaient faites, et le marteau existait vraiment, mais à sept ou huit maisons de là, et à une distance, où il paraissait impossible qu’on pût l’entendre. […] Mardi 20 novembre Ce soir, au dîner de Brébant, existe le sentiment d’une conflagration générale au printemps, au milieu de laquelle la Prusse nous tombera sur les reins. […] Puis l’on se demande, dans mon coin de table : Est-ce qu’il y aurait des animaux, créés pour toujours vivre, et qui, sans la mort accidentelle, seraient éternels ; et en des endroits cachés, en des fonds de mer, n’existerait-il pas des animaux, aussi vieux que le monde ?

243. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Les soupçons, les jalousies, les calculs de l’ambition, tout se réunit pour éloigner les esprits supérieurs des luttes révolutionnaires : les hommes violents et médiocres ne se rangent à leur place que quand l’ordre est rétabli : dans le bouleversement de toutes les idées et de tous les sentiments, ils se croient propres à perpétuer ce qui existe, la confusion ; et devenus les maîtres dans les saturnales du talent et de la vertu, ils pèsent sur la pensée captive de tout le poids de leur ignorance et de leur vanité. […] Si l’on comparait le sort des hommes éclairés sous Louis XIV, avec celui que leur préparait la violence révolutionnaire, tout serait à l’avantage de la monarchie ; mais quel rapport pourrait-il exister entre la protection d’un roi et l’émulation républicaine, lorsqu’elle prendrait enfin son véritable caractère ? […] Ce respect balança les destinées, et César ne put se croire le maître que quand cet homme n’exista plus.

244. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Il faut donc admettre qu’une nation peut exister sans principe dynastique, et même que des nations qui ont été formées par des dynasties peuvent se séparer de cette dynastie sans pour cela cesser d’exister, Le vieux principe qui ne tient compte que du droit des princes ne saurait plus être maintenu ; outre le droit dynastique, il y a le droit national. […] La division des nations en catholiques, protestantes, n’existe plus.

245. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Il existe au monde peu de régions plus désolées, plus abandonnées de Dieu, plus fermées à la vie que la pente rocailleuse qui forme le bord occidental de la mer Morte. […] Le monde semblera renversé ; l’état actuel étant mauvais, pour se représenter l’avenir, il suffit de concevoir à peu près le contraire de ce qui existe. […] Qu’il y eût une contradiction entre la croyance d’une fin prochaine du monde et la morale habituelle de Jésus, conçue en vue d’un état stable de l’humanité, assez analogue à celui qui existe en effet, c’est ce qu’on n’essayera pas de nier 359.

246. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Ce problème se produit d’une manière différente suivant la nature des doctrines ; mais il existe dans toutes sous une forme ou sous une autre. […] Cependant tout le monde sait que cette lutte existe : un acte célèbre, il y a quelques années, en a donné le secret au public indiscret. […] On pourrait nous dire que cette dissidence, en supposant qu’elle existât (et l’on cherche autant qu’il est possible à nous la dissimuler), ne porte après tout que sur des questions libres, des questions sociales et politiques, mais que l’Église catholique nous offre au moins un point fixe et un asile sûr dans un dogme incontesté, formulé par une autorité infaillible.

247. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Ce qui doit être nos institutions, sans doute existe en puissance, mais n’existe point encore en réalité. […] Mais ne cherchons point ici l’analogie que d’autres ont cru trouver : les rapports qui peuvent exister entre les temps où s’établit le christianisme, et les temps où nous vivons, ne sont que des rapports d’apparences grossières : nous aurons plus d’une fois occasion de remarquer les différences réelles et intimes.

248. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti ! […] L’analyse la plus attentive et la plus patiente se perdrait dans cet enchevêtrement d’incidents que rien n’explique, si ce n’est le train des choses, — ce hasard des circonstances, qui peuvent très bien exister — c’est vrai, — aussi bêtes ou aussi étranges que cela, dans la vie, mais qui, dans une œuvre littéraire, n’ont pas le droit de se montrer dans leur bêtise ou leur étrangeté natives, comme dans la vie, puisque l’art, c’est la vie arrangée, sublimée par l’intelligence, en vue d’obtenir un effet quelconque de puissance, de pathétique et de beauté ! […] Mme Gustave Haller ne paraît pas se douter d’une loi souveraine en matière de roman, c’est qu’il faut que les événements sortent des développements et du choc des passions et des caractères, et non pas que les passions et les caractères y soient, comme dans les sots hasards de la vie, emboîtés dans les événements… III Quant aux passions et aux caractères qui pourraient exister fortement même dans un roman dont la trame serait aussi mal faite que celui de Mme Haller, les uns et les autres y sont posés, oui !

249. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Il y avait aussi la vanité aristocratique du peuple le plus aristocratique et le plus égalitaire, par fureur d’aristocratie, qui ait peut-être jamais existé. […] Le duel immortel résista sous Louis XIV, qui mourut, lui… et sous Louis XV et sous Louis XVI, et jusqu’à la Révolution française, on se battit, comme si l’édit de Saint-Germain-en-Laye n’avait jamais existé ! […] Ce mal, qu’il étudie, d’ailleurs, n’est pas particulier à la France, et il en donne la nosographie partout où il existe, en Angleterre, en Belgique, en Autriche-Hongrie, en Italie, en Prusse, en Russie, et même en Amérique, où les Européens, dont elle est la fille, l’ont porté.

250. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Il est douteux aussi — du moins, nous le croyons, — qu’ils admettent sans un modeste embarras la conclusion, logiquement très bonne, mais historiquement suspecte, que Bellegarrigue sait tirer de cette absence de la famille aux États-Unis : « L’autorité paternelle — dit-il — ayant abdiqué en Amérique, sinon en totalité, du moins en grande partie, il est arrivé que la famille n’y existe pas… et que l’extrême civilisation autorise les mœurs à ressaisir la simplicité de l’état sauvage. » Mais cet éloge, une fois jeté en passant, des Américains, qui ne sont pas l’objet spécial du livre, l’auteur revient aux femmes d’Amérique ; car sans la femme, nous dit-il avec une galanterie vraiment philosophique, la masculinité ne serait pas ! […] Il a suffi de prendre le contrepied de tout ce qui est admis et salué comme la vérité dans le monde, depuis qu’il existe, et le tour qu’on voulait faire a été fait. […] Seulement, nous ne craignons pas d’affirmer que si les choses, les hommes, et particulièrement les femmes, sont en Amérique ce que Bellegarrigue les représente, c’est le plus abominable pays qui ait jamais existé.

251. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

L’histoire existait en puissance et on pourrait dire en chantier. Elle existait pour les historiens. Elle n’existait pas pour le commun des esprits, qui a pourtant besoin de savoir quelque peu d’histoire.

252. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

… Mais laissons là ces dédains factices qui n’ont pas le droit d’exister. […] « Ou un seul homme, dit-il un jour, suffirait pour sauver la société ; cet homme n’existe pas, ou, s’il existe, Dieu dissout pour lui un peu de poison dans les airs ! 

253. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Merlin est un pèlerin qui se promène à travers le monde, comme Ulysse, Pantagruel, Childe-Harold, Don Juan, le Cosmopolite ; mais par cela même qu’il est un enchanteur, le grand intérêt humain, profond et varié des célèbres pèlerins d’Homère, de Rabelais, de Byron, de Goldsmith, ne peut pas exister pour le pèlerin de M.  […] Plagiaire involontaire, et caméléon qui s’ignore ; ruisselant, comme un homme qui sort de l’eau, des lectures que tout le monde a faites et que dans son livre on peut aisément suivre à la trace, ce génie, à personnalité incertaine et confuse, ne vivrait même pas de sa pauvre manière d’exister, si des autres n’avaient pas existé avant lui… En dehors des fabulations qu’ils ont fécondées ou ornées, je peux bien concevoir les autres poètes, épiques ou non, que M. 

254. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Il n’existe point et il n’existera jamais de Cuvier pour recomposer les nuances sociales perdues, qui ne laissent pas d’os après elles, comme les animaux engloutis. […] Provincial de naissance et d’éducation première, comme la plupart des esprits très-individuels, M. de La Madelène sait que la nuance sociale du paysan varie avec le pays où cette nuance existe, et il le sait trop bien pour avoir imité la faute de l’homme de génie qui, un jour, gâta un de ses plus formidables livres, en l’intitulant : Les Paysans.

255. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

L’auteur de La Guzla, qui nous apprend, dans la préface de la seconde édition de cet ouvrage, qu’il s’est amusé à mystifier le public en traduisant un livre qui n’a jamais existé, et qu’il a écrit de manière à ce que les plus savants de l’Europe y ont été pris, tout simplement pour l’avoir poudré, ici et là (Macpherson à trop bon marché !) […] Mérimée si avant lui Stendhal n’avait pas existé ? […] Mérimée, qui n’est pas seulement sec de nature, mais qui l’est encore de système, et il faut d’autant plus insister sur ce reproche qu’il existe à cette heure beaucoup d’esprits assez intéressés à proclamer que le sans ornement et la brièveté sont la force.

256. (1909) De la poésie scientifique

Servant, en poursuivant une documentation plus étendue et travaillée, a pu s’assurer que nous eûmes d’énergiques et sûres compensations  et que la doctrine de Poésie scientifique, qui ne tient que d’elle-même, existait avant et pendant les silences, intéressés, et qu’elle existe après… … Pour réunir, disions-nous, le document précis sur les origines et l’évolution du mouvement poétique moderne  il est nécessaire, on le voit, d’un travail préparatoire assez long : lectures des Œuvres et des Revues, organes des diverses Ecoles, prise exacte des dates, comparaison des documents, recherche des Etudes, des Articles, avec méthode. […] C’est là, mais rendu conscient et logique, l’habituel procédé d’images et de comparaisons  et l’on put dire que le Symbolisme exista de tout temps en toute vraie poésie. […] Kahn énonçait que le Vers-Libre « doit exister en lui-même par des allitérations de voyelles et de consonnes parentes » : ce qui dérive de mes valeurs de timbres-vocaux. « L’évolution de l’idée génératrice de la strophe crée le poème particulier ou chapitre en vers d’un poème en vers », disait-il encore. […] Cependant ces lacunes innombrables n’existent pas : tout heurt de l’extérieur a marqué en nous son empreinte, si légère soit-elle. […] Brunetière, après avoir écrit contre l’Evolutionnisme, en 1893, demande une littérature, une poésie, qui relèvent de Darwin et de Haekel… En même temps que moi, un critique lui apprend ou lui rappelle que cette poésie existe.

257. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

S’il existe une quatrième source d’information, qu’on me la désigne et vite je courrai m’y abreuver. » C’est avec persistance que M.  […] Malot, qui tient tant cependant à montrer les hommes et les choses avec tous les caractères de la fidélité réaliste, que le prétendu aliéné qu’il met ainsi en scène n’a jamais existé et ne répond à aucun type connu. […] Mais si chacun de ces symptômes existe isolément, jamais ils ne coexistent et personne n’a été admis à observer au même moment, pour un même malade, les symptômes réunis de la lypémanie partielle, de la démence et de la paralysie générale. […] Chose bien remarquable et qui à elle seule ferait reconnaître la fiction, le romancier est venu échouer sur le même écueil que les simulateurs ; eux aussi, afin de faire mieux croire qu’ils sont fous, multiplient les extravagances de toutes sortes dans leurs propos et dans leurs actes, sans se douter qu’ils se rendent coupables de dissonnances révélatrices et qu’il leur suffit d’afficher, au même moment, des formes de folie qui, chez les vrais malades, s’excluent mutuellement, pour montrer que chez eux la folie n’existe pas.

258. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Les souvenirs politiques, les habitudes morales, les relations sociales étaient tout opposées entre ces Mazarins et tout ce qui avait eu quelque rapport avec la maison de Rambouillet, dont il n’existait plus personne, lorsque les sociétés de Nevers et de ses parentes étaient florissantes. […] Voici nos observations sur la première : En 1677, quand Phèdre a paru, il y avait trente-deux ans que la société de Rambouillet était dissoute par le mariage de Julie : il y en avait douze que la marquise n’existait plus ; huit que la duchesse de Montausier, dernier reste de la famille passait au lit une vie malade et sans espérance ; si, qu’elle était morte. […] Toujours est-il certain que ces vers ne peuvent être appliqués à personne de l’ancien l’hôtel de Rambouillet, puisque l’hôtel de Rambouillet n’existait plus à l’époque où a paru Phèdre, puisque ce ne sont point les personnes de l’hôtel de Rambouillet que Molière a diffamées d’un coup de son art, puisqu’enfin toutes les personnes qui avaient eu jadis des relations avec l’hôtel de Rambouillet, telles que la duchesse de Longueville et sa société, étaient toutes hautement pour la Phèdre de Racine, contre cette de Pradon, étaient toutes du parti du prince de Condé protecteur de Racine et de Boileau, contre les Nevers et les Mancini protecteurs et protectrices de Pradon, et goûtaient fort le sonnet qui, répondant à celui de madame Deshoulières, sur les mêmes rimes, reportait sur Hortense Mancini cette espèce de difformité que madame Deshoulières avait reprochée à l’Aricie de Racine129. […] N’a-t-il pas existé dans l’intervalle de 1677 à 1693 quelque femme célèbre alors, inconnue aujourd’hui, à laquelle peut s’appliquer le vers de Boileau ?

259. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Cette nouvelle mettait aussi en jeu les opérations de la volonté, mais elle ne traitait plus de ses affaiblissements et de ses défaites sous l’aspect de la peur ; elle étudiait, au contraire, ses exaltations sous l’impulsion d’une conviction tournée à l’idée fixe ; elle démontrait sa puissance qui parvenait même à saturer l’atmosphère, à imposer sa foi aux choses ambiantes… Mais, dans le tempérament de Villiers, un autre coin, bien autrement perçant, bien autrement net, existait, un coin de plaisanterie noire et de raillerie féroce ; ce n’étaient plus alors les paradoxales mystifications d’Edgard Poe, c’était un bafouage d’un comique lugubre, tel qu’en ragea Swift. […] Pour celui qui déploya de pareils rêves, voilures gonflées vers l’infini, la vie quotidienne n’existait que très peu : il ne fut ni pauvre, ni malade, ni dédaigné ; mais royalement riche, comme Axël, jeune et fort comme Axël, et comme Axël aimé de Sara, l’énigmatique princesse.

260. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

Ce mot ne sortira peut-être jamais d’un cercle étroit, mais il existe ; c’est lirlie. […] Groume a déjà existé en français, venu d’une forme germanique (grom, garçon).

261. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

On y trouve ce vieux mot, qui veut dire cette chose qui existe depuis madame Putiphar, et qui existe beaucoup trop, non seulement comme indécence, mais comme redite : « Elle ne vous a pas obligé à lui laisser votre manteau. » On y donne ceci comme une découverte : « La parole est d’argent, mais le silence est d’or. » Enfin, les plus grandes malices et les plus grandes originalités contre Déodat : « C’est le bâtonniste devant l’arche », comme si nous étions chez les Juifs.

262. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

., qui existèrent d’abord séparément151. […] Il va sans dire que nulle ombre d’unité, au sens classique du mot, n’existait dans de telles pièces. […] Mais leur interdire les mystères sacrés, c’était leur défendre d’exister : leurs sujets étaient tout dans leurs drames ; ils n’avaient pas d’art dont ils pussent appliquer ailleurs les principes et les formes. […] Mais surtout, par toute la France, il existe des sociétés, des corporations de toute sorte, sérieuses ou facétieuses, amies des exhibitions, cortèges et spectacles où fleurissent à la fois la poésie et la médisance : les unes se vouent aux processions et aux mascarades, d’autres cultivent la chanson, d’autres, plus ou moins accidentellement ou régulièrement, jouent des scènes dialoguées, et divers genres de pièces. […] Il faut dire que la confrérie des sots n’existait réellement que quand ses membres en prenaient le costume, pour une cérémonie et une représentation solennelle : ailleurs elle n’avait qu’une existence virtuelle et nominale.

263. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

A coup sûr, la critique dramatique existait avant lui. […] De ces deux conditions essentielles de l’art dramatique sont nées d’inévitables conventions sans lesquelles cet art ne saurait exister. […] Cette convention, c’est qu’un fait auquel le public ne fait pas attention n’existe pas pour lui ; que tous les faits qu’il a bien voulu admettre comme réels le sont par cela seul qu’il les a admis, fût-ce sans y prendre garde. […] S’il s’agit de personnages historiques, il s’en fait d’avance une certaine idée. « Il existe pour le théâtre une histoire convenue, que rien ne peut détruire. […] Cette sorte d’esprit a de tout temps existé en France.

264. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Mais il est, ici j’interviens avec assurance, quelque chose, peu, un rien, disons exprès, lequel existe, par exemple égal au texte : où le profit n’appartient pas au zélateur de Rabelais, de Molière, Montesquieu et bientôt Chateaubriand — cela demeure réservé, comme un emprunt et, en probité, une minime part lui échappe. J’en veux la perception par le fisc, tuteur, en tant que redevance : réduite à des centimes ou, si le coin existait autre part que dans les consciences, à un « scrupule ». […] Le mécanisme existe, je montrerai comment, pour satisfaire jusqu’à la curiosité. […] Tant de bienveillance comme une invite à parler sur ce que j’aime ; aussi la considérable appréhension d’une attente étrangère, me ramènent on ne sait quel ancien souhait maintes fois dénié par la solitude, quelque soir prodigieusement de me rendre compte à fond et haut de la crise idéale qui, autant qu’une autre, sociale, éprouve certains : ou, tout de suite, malgré ce qu’une telle question devant un auditoire voué aux élégances scripturales a de soudain, poursuivre : — Quelque chose comme les Lettres existe-t-il ; autre (une convention fut, aux époques classiques, cela) que l’affinement, vers leur expression burinée, des notions, en tout domaine. […] Or, voici qu’à cette mise en demeure extraordinaire, tout à l’heure, révoquant les titres d’une fonction notoire, quand s’agissait, plutôt, d’enguirlander l’autel ; à ce subit envahissement, comme d’une sorte indéfinissable de défiance (pas même devant mes forces), je réponds par une exagération, certes, et vous en prévenant — Oui, que la Littérature existe et, si l’on veut, seule, à l’exclusion de tout.

265. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Ces derniers composent le troupeau mortel ; et vrai dire, l’élite intellectuelle existe seule ». […] C’est une anarchie parce que toute règle extérieure manque, mais qu’il n’existe qu’un esprit de vie intérieur et invisible ; c’est une démocratie parce que c’est le règne de l’homme-masse, ou Démos, dans chacun ; c’est une aristocratie parce que dans tous les hommes il y a des degrés et des rangs de pouvoir intérieur ; et c’est une monarchie parce que tous ces degrés et ces rangs forment enfin une parfaite unité, un contrôle central. […] Nous sentons que non seulement elle n’aura jamais notre sympathie, mais que nous ne pourrons la tolérer paisiblement autour de nous au cas même où nous n’aurions pas nous-mêmes à la subir, et que nulle franchise, nulle sincérité, nul accord positif n’existera jusqu’à sa ruine. […] Le chauvinisme, cette plaie, que j’oserais appeler française, si elle n’existait aussi néfaste chez presque tous les peuples, ne s’obstine à vivre que dans les cerveaux laissés en chemin par l’évolution. […] Bien plus, elles n’existent pas pour nous.

266. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

On devra considérer un moment du déroulement de l’univers, c’est-à-dire un instantané qui existerait indépendamment de toute conscience, puis on tâchera d’évoquer conjointement un autre moment aussi rapproché que possible de celui-là, et de faire entrer ainsi dans le monde un minimum de temps sans laisser passer avec lui la plus faible lueur de mémoire. […] Le Temps impersonnel et universel, s’il existe, a beau se prolonger sans fin du passé à l’avenir : il est tout d’une pièce ; les parties que nous y distinguons sont simplement celles d’un espace qui en dessine la trace et qui en devient à nos yeux l’équivalent ; nous divisons le déroulé, mais non pas le déroulement. […] Et, du moment qu’à une durée nous faisons correspondre une ligne, à des portions de la ligne devront correspondre des « portions de durée », et à une extrémité de la ligne une « extrémité de durée » : tel sera l’instant, — quelque chose qui n’existe pas actuellement, mais virtuellement. […] Ce seraient des mécaniques qu’on s’amuserait à comparer les unes aux autres ; elles ne seraient pas employées à classer des événements ; bref, elles existeraient pour elles et non pas pour nous rendre service. […] Mais le changement n’existerait que pour cette conscience capable de comparer l’écoulement des choses à celui de la vie intérieure.

267. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Comme dit Freud quelque part : que vous trouviez une chose abominable, ce n’est pas ça qui peut l’empêcher d’exister. […] C’est un hôte de la conscience extrêmement rare et fugitif, mais il existe. Il existe plus souvent, je pense, chez la femme que chez l’homme. […] Cela existe, cela se produit souvent. […] Vous pensez bien qu’il n’a pas commencé à exister du jour seulement où on l’a découvert.

268. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Si l’Institution Dumas fils n’existait pas, nous aurions l’Institution Meilhac. […] Je ne conteste pas les longueurs, elles existent, — mais il fallait les y laisser. […] Cette fonction de l’historiographe, dit M. d’Aurevilly, n’existe pas en France. […] Voir Ryno, c’est assez, le reste n’existe pas. […] Ces Cuvier-là n’existent pas.

269. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Mais, indépendamment de tout ce qu’il faut hasarder et perdre pour se mettre dans une situation qui vous procure de telles sortes de jouissances, il n’existe rien de plus pénible que l’instant qui succède à l’émotion ; le vide qu’elle laisse après elle, est un plus grand malheur que la privation même de l’objet dont l’attente vous agitait. […] Comment exister sans être utile, et se donner la peine de vivre quand personne ne s’affligerait de nous voir mourir !

270. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

C’est qu’on a cru sans doute que, dégagés de l’image ou de l’idée qu’ils contiennent, les mots n’existeraient plus qu’à l’état d’articulations vaines. […] Tout en regrettant que le français se serve de moins en moins de ses richesses originales, je ne le verrais pas sans plaisir se tourner exclusivement du côté du vocabulaire latin chaque fois qu’il se croit le besoin d’un mot nouveau, s’il voulait bien, à ce prix, oublier qu’il existe des langues étrangères, oublier surtout le chemin du trop fameux Jardin des Racines grecques .

271. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Or, pour les savants, il existe déjà sous une autre forme, ce « crédit intellectuel ». […] Il a donc existé, il existe donc de tout temps, des espèces sociales, comme il y a des espèces zoologiques. […] Or, que ces classes existent, c’est un fait. […] Cet état d’esprit n’en existe pas moins, et il est sincère quelquefois, même chez ces manœuvriers. […] Il existe une nature sociale, comme il existe une nature physique, c’est-à-dire des lois de l’ordre humain, comme des lois de l’ordre mécanique, chimique, biologique.

272. (1914) Une année de critique

Il n’existe pas même de loi pour l’interdire aux écrivains du troisième sexe. […] Or il est normal que l’anormal existe, mais désastreux qu’il s’étale au premier plan. […] Il n’existe qu’une esthétique morale, il n’existe qu’un devoir pour l’homme supérieur : réaliser les plus hautes ambitions qu’il découvre en soi. […] Jean-Louis Vaudoyer comme si elle n’existait pas. […] On assure qu’il existe de ces femmes belles et glacées.

273. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il ne pourrait exister pour lui que des états plus intenses que d’autres, ce qui est tout différent. […] Pour la psychologie physiologique, il n’existe que des états intérieurs, différant entre eux tant par leurs qualités propres que par leurs concomitants physiques. […] Bernard a rapporté à la même cause l’action des nerfs vaso-dilatateurs  Enfin, ce pouvoir d’arrêt n’appartient pas seulement à la moelle et au bulbe ; il existe dans le cerveau. […] Le mot existe-t-il seul dans l’esprit à cette période suprême de l’abstraction ? […] Les récentes recherches auxquelles il a été fait allusion plus haut ont montré que le mot n’existe pas sous la même forme chez tous les individus.

274. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Les rois de Rome ont-ils existé, par exemple, ou ne sont-ils, peut-être, eux aussi, que des « mythes solaires » ? […] La grande question est ici de savoir s’il existe une loi de l’histoire, et dans quelle mesure nous y sommes asservis. […] Un de ces moyens (d’atteindre et de réaliser l’union) est d’accepter sans arrière-pensée, avec cette loyauté qui convient au chrétien, le pouvoir civil, dans la forme où, de fait, il existe. […] Elle en diffère encore pour l’avoir précédée de quinze ou dix-sept cents ans dans le temps, et ainsi, à une époque où la « Science », n’existait pas, pour avoir pourvu aux besoins moraux de l’humanité. […] S’il existe une « question sociale », ce n’est pas en la traitant ainsi qu’on la résoudra ni que l’on réussira même à la poser comme il faut.

275. (1772) Éloge de Racine pp. -

L’homme de lettres, placé entre un héros et un monarque, a reçu de la patrie les mêmes témoignages de reconnaissance ; des plumes éloquentes en ont augmenté l’éclat et garanti la durée, et cet honneur n’a rien encore qui doive alarmer l’envie ; il n’existe que pour les morts. […]existait ce genre de tragique ? […] Loin de moi cet odieux dessein d’établir le triomphe d’un grand homme sur l’abaissement de son rival, ni de faire souvenir qu’il existe une autre Bérénice que celle de l’inimitable Racine. […] Que ces fautes soient, si l’on veut, pendant qu’il existe parmi nous, l’aliment de la jalousie et le tribut de l’humanité ; mais que la mort en le frappant emporte avec lui tout ce qui doit mourir ; qu’elle ne lui laisse que ce qui doit vivre, et que, sortant de ses cendres, il paraisse devant la postérité, comme Hercule, s’élevant de son bûcher, parut dans l’Olympe, ayant dépouillé tout ce qu’il avait de mortel. […] Pourquoi enfin aujourd’hui existe-t-il une secte de littérateurs qui font profession de regarder Racine comme un écrivain élégant, mais non pas comme un homme de génie ?

276. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Si c’est une sensation du toucher, nous concevons hors de nous la substance solide et étendue, et nous affirmons qu’elle existe, qu’elle existait avant notre sensation, qu’elle continuera d’exister après notre sensation, qu’elle est la cause de notre sensation. […] L’autre homme, à qui je permets l’accès de la philosophie, ne sait pas que ce public existe.

277. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Il le faut bien car sans cela la science ne pourrait exister. […] Et cependant quand nous parlons du temps, pour tout ce qui se passe en dehors de nous, n’adoptons-nous pas inconsciemment cette hypothèse ; ne nous mettons-nous pas à la place de ce dieu imparfait ; et les athées eux-mêmes ne se mettent-ils pas à la place où serait Dieu, s’il existait ? […] Mais cela ne peut passer pour une définition de la simultanéité, puisque cette intelligence hypothétique, si même elle existait, serait impénétrable pour nous.

278. (1890) L’avenir de la science « Préface »

La culture intensive, augmentant sans cesse le capital des connaissances de l’esprit humain, n’est pas la même chose que la culture extensive, répandant de plus en plus ces connaissances, pour le bien des innombrables individus humains qui existent. […] Nous ne craignons vraiment que la chute du ciel, et, même quand le ciel croulerait, nous nous endormirions tranquilles encore sur cette pensée : l’Être, dont nous avons été l’efflorescence passagère, a toujours existé, existera toujours.

279. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Ainsi cette lumière sentie est toute subjective ; elle n’existe que par le sujet sentant, et en lui ; elle est déjà une sensation consciente — et — à quelque degré — une idée. […] Le problème de tous les temps a été de concevoir comment l’affection des parties du corps occupant une certaine position relative, par exemple, celle des particules de la rétine, rangées les unes à côté des autres, peut procurer à l’âme, qui est simple et non composée de parties, la perception d’objets étendus et figurés. » En s’exprimant ainsi, Muller semble dire que la difficulté n’existerait pas si l’âme elle-même était étendue et composée. […] En ce sens, il n’est pas inexact de dire que la pensée est une résultante, car elle n’existe en acte qu’à la condition que le système cérébral auquel elle est liée soit dans un certain état d’équilibre et d’harmonie.

280. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Est-ce que la Décentralisation littéraire n’existe pas en Allemagne ? […] Aussitôt que, par Richelieu qui continue Louis XI, et par Louis XIV qui Continue Richelieu, l’unité politique est réalisée, — l’unité littéraire se fait, la centralisation littéraire (avec Paris, ou Versailles qui est alors le pseudonyme de Paris), la centralisation littéraire existe ; le seizième siècle, puis le dix-septième siècle, se lèvent, — la littérature française est née ! […] Pour mieux dire, à Paris le voisin n’existe pas.

281. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Il existe bien une vingtaine de Cours de rhétorique et de Manuels de style. […] Et cet élève n’existe pas », Mais c’est justement parce que cet élève n’existe pas que nous nous adressons, non pas à un élève, mais à tous les élèves, et c’est parce qu’aucun n’est pareil, que nous leur donnons à tous le même conseil.

282. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Il est des esprits dont on pourrait dire qu’ils n’existeraient pas s’ils n’appartenaient à un cadre tout fait d’opinion, — comme il est des hommes qui n’auraient sur le champ de bataille aucune valeur personnelle s’ils ne faisaient pas partie d’une force organisée, par exemple d’un régiment. […] L’histoire, qui met la main sur toutes les artères d’une société, ne saurait naître que quand une société existe assez pour avoir le besoin de se raconter et de se connaître. […] Les sources historiques les plus profondes, malgré le limon de la personnalité qui s’y mêle, sont très certainement les Mémoires, et, nous l’avons dit plus haut, les Mémoires n’existent pas en Russie.

283. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

C’était le plus charmant Arlequin de professeur qui ait jamais existé. […] , — les mendiants de la forêt Ancienne, qui disaient la bonne aventure, remettaient les péchés à vil prix, et enseignaient à voix basse la loi de Moïse. » Ce qui était des Juifs, du reste, existait à Rome de toutes les religions de l’Orient. […] Gaston Boissier ne voit pas tout à fait cette croix comme nous la voyons, nous… Pour lui, elle n’est guères qu’un agrément assez touchant dans l’histoire du Christianisme ; mais, selon lui, le Christianisme précédait cette croix dans l’humanité, et aurait pu, sous quelque nom que ce fût, exister.

284. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Or, ce compromis, vous y renoncez sans le moindre scrupule quand vous étudiez les choses extérieures, puisque vous laissez alors de côté les forces elles-mêmes, à supposer qu’elles existent, pour n’en considérer que les effets mesurables et étendus. […] Qu’existe-t-il, de la durée, en dehors de nous ? […] Même, nous pourrions ériger ces phénomènes en absolu et nous dispenser de recourir à d’incompréhensibles choses en soi, si la raison pratique, révélatrice du devoir, n’intervenait à la manière de la réminiscence platonicienne pour nous avertir que la chose en soi existe, invisible et présente.

285. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Mais aussi dans ces intervalles, que de misères, que de tiraillements, que d’inconséquences, que de velléités chétives, que de bouderies contre ce qui existe, que de taquineries de méchants enfants (et il y en a dans le nombre qui devraient être sages, car ils sont grands et même célèbres), et combien ils seraient attrapés tout les premiers si un mauvais Génie les prenaît au mot ! […] Je sais bien que quelque chose d’analogue ou d’approchant doit exister déjà grâce aux différentes Académies de province, aux Sociétés d’émulation, etc. ; mais il n’y a rien de complet en ce genre ; la dispersion, la dissémination est toujours ce qui nuit aux études provinciales.

286. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

L’esprit de chevalerie avait introduit dans les principes de l’honneur un genre de délicatesse qui créait nécessairement une nature de convention ; c’est-à-dire qu’il existait un certain degré d’héroïsme, pour ainsi dire indispensable à la noblesse, et dont il n’était pas permis de supposer qu’un noble pût être privé. […] Ce n’était pas un despotisme qui comprimait les esprits ni les âmes ; c’était un despotisme qui paraissait à tous tellement dans la nature des choses, qu’on se façonnait pour lui comme pour l’ordre invariable de ce qui existe nécessairement.

287. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Là est la différence importante, la grande inégalité qui existe dans le tribut que les deux littératures méridionales lui ont apporté. […] J’eus donc à m’occuper des questions de sources et d’origine, et je m’attachai notamment, en usant des documents assemblés par mes devanciers et en tâchant d’y ajouter ma quote-part, à constater et à faire ressortir les relations très nombreuses qui existent entre l’ancienne comédie italienne et le théâtre de Molière.

288. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Cette harmonie que l’intelligence humaine croit découvrir dans la nature, existe-t-elle en dehors de cette intelligence ? […] Un monde si extérieur que cela, si même il existait, nous serait à jamais inaccessible.

289. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

Leur caractère essentiel, c’est de n’exister que par couples ou paires, comme haut et bas, semblable et dissemblable, antécédent et conséquent. […] Mais chez l’aveugle-né, il n’existe que la sensation des qualités tactiles, c’est-à-dire de la résistance.

290. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

— n’existe plus, on verra sur-le-champ s’élever contre nous une insurrection d’amours-propres, tout autant que quand nous disons que la critique n’existe pas en France et que nous le prouvons, de la plus humble manière, par de la statistique et des faits.

291. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Mais au moment où s’éteignait radieusement Walter Scott, Balzac naquit à la publicité, et, à LUI SEUL, il allait établir un équilibre qui n’avait jamais existé entre la France et l’Angleterre. […] L’illustre auteur de La Comédie humaine n’a pas changé la nature du roman qui existait avant lui , mais il en a élargi les assises, et il l’a positivement élevé à l’état de Science, à force d’observations, de renseignements, de notions de toute espèce, d’une exactitude, d’une sûreté et d’une justesse merveilleuses.

292. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Quelles que soient les apparences et en dépit de l’extrême lenteur des évolutions, il existe et il nous conduit.‌ […] Bien que pour l’immense majorité, la vie individuelle n’existe pas ou à peine, que la vie religieuse n’ait pas changé, et que la vie sociale ne soit encore qu’un espoir, il n’en est pas moins vrai qu’un esprit nouveau a déterminé l’évolution des cinq derniers siècles, ayant pour caractéristique première la rentrée de l’homme dans l’ordre naturel.

293. (1898) La cité antique

Le droit privé existait avant elle. […] Le jour où cette alliance se fit, la cité exista. […] La loi n’existait pas pour l’esclave ; elle n’existait pas davantage pour l’étranger. […] Les lois de la cité n’existaient pas pour lui. […] Les dieux de la cité n’existaient plus pour lui.

294. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Et comme cette rigueur concise exclut de la langue de Flaubert toute superfluité, des lacunes existent, ou le semblent, entre les unités dernières de son œuvre ; les paragraphes se suivent sans se joindre, et les livres s’étagent sans soudure. […] Soit par l’harmonie de phrases supérieures à leur sens, soit dans la grandeur d’âmes douloureusement séparées du commun, soit dans l’évocation d’époque mortes et sublimées dans son esprit en leur seule splendeur et leur seule horreur, il sut s’éloigner de ce qui existe imparfaitement. […] — Ces derniers passages sont extrêmement significatifs ; ils semblent indiquer en Flaubert le sentiment qu’entre ses idées et la phrase particulière dont il veut les revêtir une lutte existe, dans laquelle la forme l’emporte sur le fond et exclut celles des pensées qu’elle ne peut figurer. […] Mais une autre faculté existait dans son esprit, et provoquait d’autres désirs. […] Flaubert aussi, et plus complètement, s’échappa résolument à plusieurs reprises hors des sujets qui violentaient sort style ; il satisfit pleinement ses besoins esthétiques, son amour du beau et de l’indéfini, créant la Salammbô et la Tentation, sans plus se souvenir que Paris existait et que le xixe  siècle devait être dépeint.

295. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Pour eux n’existe aucune loi, aucune convenance, aucune pudeur. […] L’insensibilité n’a pas besoin d’être complète ; elle peut exister seulement pour certaines couleurs ou pour toutes les couleurs. […] Que l’on n’aille pas s’imaginer qu’elles ont toujours existé, mais qu’elles ont passé inaperçues. […] Cependant, il n’existe pas de folie morale chez Verlaine. […] Ce livre est un des plus étonnants qui existent en aucune langue.

296. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Non seulement on n’a jamais recueilli en corps ses œuvres politiques, ses rares discours ; mais ses lettres, ses papiers, ses études particulières et silencieuses qu’il accumulait depuis tant d’années, et qu’il continua plus longtemps qu’on ne le suppose, rien de tout cela n’est sorti, et pourtant tout cela existe : nous le savions ; mais quand on nous a dit que ce précieux dépôt de famille était confié à M.  […] Si nous donnons le nom de roman au plan d’un édifice qui n’existe pas encore, un roman est à coup sûr une folie en physique : ce peut être une excellente chose en politique. […] Il a pour objet de connaître la nature, et, puisqu’il n’a pas été appelé à mettre la main au plan de la machine du monde, qu’elle existe et se maintient indépendamment de ses méditations correctrices, il faut bien qu’il se borne à l’expérience. […] Pour lui, il songe à réformer la langue comme le reste ; et même c’est par là, selon lui, qu’il faudrait commencer ; car une découverte qu’il croit avoir faite, c’est que « nos langues sont plus savantes que nos idées, c’est-à-dire annoncent des idées, des connaissances qui n’existent pas, et qui cependant fixent tous les jours les efforts d’une quantité prodigieuse de scrutateurs. » Ces scrutateurs se repaissent tant bien que mal de ce qui leur apparaît sous forme d’expressions consacrées. […] Notre nation de singes à larynx de perroquets, et qui sera telle tant que vous ne l’aurez pas refaite par un système d’éducation publique tel qu’il n’en existe point encore, prostituera cette nouvelle formule de respect (la solennité d’un deuil national) : autrement les législatures à venir porteront aussi votre deuil.

297. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Il n’existe, en définitive, que deux sortes de parole intérieure, la forme calme et la forme vive. Sans doute celle-ci admet différents degrés d’intensité ; sans doute aussi entre elle et la forme calme il y a continuité : il est impossible de dire à quel degré d’intensité la parole intérieure cesse d’être calme ; mais, d’une part, il suffit de considérer quelques cas bien nets pour apercevoir les caractères distinctifs de la forme vive ; d’autre part, la parole intérieure calme paraît être un état limite ; entre elle et le silence intérieur il n’existe pas d’intermédiaire. […] Si ces expressions peuvent convenir dans un grand nombre de cas à la forme vive, elles ne sauraient, la plupart du temps, s’appliquer à la parole intérieure calme : celle-ci a dans la vie humaine sa raison d’être, son rôle propre, sa fonction ; sans doute elle n’est pas sans rapports de dépendance à l’égard de la parole extérieure, mais elle en dépend de si loin que ces rapports ne paraissent pas ; si l’on s’abstient de rechercher ses origines et si on la considère au moment même où elle se produit, la parole intérieure calme est bien réellement indépendante de la parole, car, dans notre intention, elle ne la prépare pas, elle ne la remplace pas, elle existe seulement pour la pensée. […] Mais le même raisonnement peut s’appliquer au néologisme intérieur : car les syllabes et les lettres sont faites, elles aussi, pour être groupées de mille façons et former les différents mots d’une langue par la diversité de leurs groupements ; il n’y aurait donc innovation véritable dans le langage que dans le cas purement théorique de la création d’une voyelle ou d’une consonne nouvelle, et l’imagination linguistique n’aurait guère existé qu’aux origines de l’humanité. […] Semblable à une statue ailée qui délaisserait son piédestal inutile et s’élèverait dans les airs pour aller puiser dans l’atmosphère une vie nouvelle et supérieure, l’image de la sensation a rompu sans violence avec ses origines matérielles ; appelée par une destinée plus noble, elle s’est tournée vers les régions supérieures de l’être ; désormais elle existe et se maintient, sinon pour et par elle-même, du moins pour et par la seule pensée ; et elle vit alors d’une vie si intense qu’elle peut même, — l’étude du sommeil le montrerait, — être dissociée d’avec la pensée sans subir pour cela un anéantissement passager, comme si l’être ailé, ayant dépassé les limites de l’atmosphère, volait encore d’un vol automatique, soutenu par son impulsion première.

298. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Barrès dirait volontiers : « Je ne connais de monde extérieur que celui pour lequel j’existe, en lequel j’existe. » Par un démaigrissement patient, il élimine de ses tableaux ce qui donnerait une nature objective et qui se tînt par elle-même. […] Et dire qu’elles y sont présentes, c’est dire qu’elles existent dans l’inconscient du poète. […] Mais, comme tout ce qui existe, elle a ses limites. […] Et si l’une des deux familles existait seule, la critique n’irait évidemment que sur une jambe. […] Il faut qu’elle les visite, qu’elle sache qu’elles existent.

299. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

De plus, quand même nous pourrions établir un rapport dans notre pensée entre l’idée de feu et l’idée de brûlure, nous ne pourrions savoir si le lien qui existe entre nos idées se trouve aussi entre les choses. […] L’affirmation intérieure se ramène donc à l’aperception de l’association qui existe entre les diverses sensations, entre les divers mouvements, surtout entre les sensations et les mouvements. […] La sensation n’existe pas par moi, elle existe pour moi, sans moi, souvent malgré moi. […] Quant à savoir si ce cheval vu existe hors de la conscience dans un monde étendu, c’est une question que l’enfant ne pose pas, puisqu’il lui manque les idées nécessaires pour la poser. […] Il en résulte que, si la généralité n’est pas dans la matière de la pensée, elle existe cependant d’une certaine manière dans le sujet pensant.

300. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Smith a constaté qu’il existe entre les neutres des diverses espèces de Fourmis anglaises de surprenantes différences, soit sous le rapport de la taille, soit sous celui de la couleur, et que les types les plus tranchés sont quelquefois parfaitement reliés les uns aux autres par des individus de caractères intermédiaires choisis dans le même nid. […] Seulement il faudrait admettre, en pareil cas, qu’une série complète de degrés intermédiaires a existé antérieurement comme elle existe aujourd’hui encore cher la Fourmi chasseresse, et qu’ensuite les deux formes les plus extrêmes, s’étant trouvées les plus utiles à la communauté, se sont de plus en plus multipliées par sélection naturelle des parents qui les procréaient, jusqu’à ce que tous les individus intermédiaires en caractères aient enfin cessé d’être reproduits. Ainsi s’expliquerait, je crois, ce fait merveilleux que, dans un même nid, il puisse exister deux castes d’ouvrières stériles, très différentes l’une de l’autre, ainsi que de leurs communs parents. […] Enfin il est probable que la stérilité des Fourmis ou des Abeilles ouvrières n’a pas toujours existé, du moins d’une manière aussi constante et aussi complète ; et qu’elle a suivi, et non pas précédé, l’apparition de leurs instincts les plus remarquables, acquis d’abord, au moins jusqu’à certain degré, par une accumulation héréditaire chez d’anciens progéniteurs féconds. […] Cette supposition est d’autant plus probable, que les Fourmis existaient déjà à l’état social et en grand nombre pendant la période géologique qui a précédé celle-ci.

301. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Il y a une morale statique, qui existe en fait, à un moment donné, dans une société donnée, elle s’est fixée dans les mœurs, les idées, les institutions ; son caractère obligatoire se ramène, en dernière analyse, à l’exigence, par la nature, de la vie en commun. […] A vrai dire, il sous-entend toujours que le motif invoqué par lui est « préférable » aux autres, qu’il y a entre les motifs des différences de valeur, qu’il existe un idéal général auquel rapporter le réel. […] On prétend qu’il existe chez la femme des mécanismes spéciaux d’oubli pour les douleurs de l’accouchement : un souvenir trop complet l’empêcherait de vouloir recommencer. […]   L’instinct guerrier a beau exister par lui-même, il ne s’en accroche pas moins à des motifs rationnels. […] La géométrie existait déjà ; elle avait été poussée assez loin par les anciens ; on devait commencer par tirer de la mathématique tout ce qu’elle pouvait fournir pour l’explication du monde où nous vivons.

302. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Le manichéen répond : « Je la résous en disant : il existe une contrariété. […] La chose est nouvelle, et le mot n’existe même pas encore. […] Les bergers de Fontenelle ne sont point faux ; ils n’existent pas. […] Mais là où la garantie de tout cela n’existe pas ? […] A qui fera-t-on croire que le fétichisme ait existé sur la terre ?

303. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Car il existe déjà virtuellement en nous. — Puisque nous avons la notion de l’Harmonie, une harmonie aussi est secrètement incluse dans les propres mouvements du moi vers l’être qu’il veut atteindre. […] Sa signification n’existe que par un accord tacite ; ainsi le langage des fleurs et des pierreries, les écussons, les attributs5. […] La même erreur, et maintes fois pareillement rachetée, existe aussi en musique. […] » J’écrivais tantôt : le symbole existe par la cohésion soudaine des formes, qui les montre désormais nécessairement unies et exprime implicitement leur unité idéale.

304. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Quand on est certain que les matériaux que l’on possède sont les seuls qui existent, tout incomplets qu’ils sont, on peut se permettre ces marqueteries ingénieuses où sont groupées toutes les paillettes dont on dispose, à condition toutefois que l’on fasse des réserves et que l’on se reconnaisse incapable de déterminer les relations mutuelles des parties, les proportions de l’ensemble. Mais, quand les sources originales existent et ne demandent qu’à être explorées, il y a quelque chose de grotesque dans cet ajustage de lambeaux épars, inexacts, sans suite, que l’on systématise à sa guise et sans aucun sens de la manière dont le font les indigènes. […] Il existe un assez gros volume de Bynacus, De cakeis Hebraeorum. […] Le grand obstacle qui arrête les progrès des études philologiques me semble être cette dispersion du travail et cet isolement des recherches spéciales, qui fait que les travaux du philologue n’existent guère que pour lui seul et pour un petit nombre d’amis qui s’occupent du même sujet.

305. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Lasserre, qui, sous sa garantie personnelle, suffisante et obligatoire, nous présente Ernest Hello comme le plus grand génie qui ait existé depuis les Prophètes de Dieu et de la Bible, qu’il a la bonté de continuer… Mon Dieu, oui ! […] Dans les écrits que nous avons de lui, mêlés, à grandes doses, de lumière et d’ombre, sa supériorité n’existe pas toujours au même degré ; mais quand elle existe, elle est absolue, et nul, parmi les moralistes chrétiens qui retournent le cœur et l’esprit de l’homme dans leurs mains curieuses, n’a montré plus d’acuité que cet homme tyrannisé par ses facultés et préoccupé tellement de voir, que, pour lui, l’absence de seconde vue est le caractère irrémissible de ce qu’il haïssait le plus au monde, — la Médiocrité ! […] Seulement, comme ici le sujet change en tournant les pages et que toutes ces physionomies de Saints s’entresuivent, l’inconvénient de cette brièveté, de cette percussion d’une lumière incessante et interrompue, n’existe plus au même degré que dans l’Homme, où le sujet demeure immobile sous le regard du lecteur et la plume de l’écrivain qui doit le creuser.

306. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Ce n’est pas qu’ils soient tout-à-fait dépourvus de mérite : ils annoncent des connoissances, des lumieres, un esprit cultivé, & sont écrits avec assez de correction ; mais ils manquent tous de cette chaleur qui anime & passionne le Lecteur, qui le fait entrer dans les sentimens du Panégyriste, & sans laquelle il n’existe pas de vrai talent. […] Le seul inconvénient qu’il éprouve, c’est que ses jugemens & ses décrets ne sont jamais respectés : il existe même des Profanes, qui poussent l’aveuglement jusqu’à se croire honorés par ses anathêmes.

307. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Conclusions Avant de conclure, nous ne croyons pouvoir mieux faire que citer les principaux passages de la préface dont Alfred de Musset fit précéder la première édition de ses comédies et qu’il supprima dans les autres : « Goethe dit quelque part, dans son roman de Wilhelm Meister, « qu’un ouvrage d’imagination doit être parfait, ou ne pas exister ». Si cette maxime sévère était suivie, combien peu d’ouvrages existeraient, à commencer par Wilhelm Meister lui-même !

308. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, par abstraction, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal. […] Or, ces six chapitres, qui roulent entièrement sur la chute originelle, n’existeraient pas si Pascal eût été incrédule.

309. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] En philosophie, il n’existe pas !

310. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Si ce boulevard de l’Autriche contre la Russie en Allemagne et en Orient n’existait pas, il faudrait l’inventer. […] Je le concevrais s’il y avait dans l’empire ottoman une race, chrétienne ou non chrétienne, assez nombreuse, assez compacte, assez courageuse, assez intelligente pour se substituer de plein droit à l’empire et pour gouverner ces quatre cent mille lieues dépeuplées de leurs possesseurs ; mais ce fait n’existe pas. […] Mais aucune de ces races néanmoins, chrétienne ou non chrétienne, n’y existe en nombre assez prédominant pour y succéder à l’empire ottoman, si cet empire s’écroulait par une décomposition spontanée ou par la violence de l’Europe. […] Voyez, par exemple, la population grecque : elle existe dans le Péloponnèse, puis elle est interceptée du reste du territoire européen par des millions de Bulgares et de Serbes, véritables Helvétiens de la Turquie. […] Le seul obstacle à l’alliance franco-autrichienne, c’était l’Italie ; depuis Magenta, cet obstacle n’existe plus.

311. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Sur le continent existait un dualisme bizarre qui n’exista jamais en Angleterre : la civilisation d’une part, la nature barbare de l’autre. […] Mais cet accord absolu n’existe pas pour Shakespeare. […] Rien de pareil n’existe pour Roméo et pour Juliette. […] Ce génie existe-t-il ? n’existe-t-il pas ?

312. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Entre les perceptions de la vue et les pensées, il existe une secrète harmonie que les poètes et les peintres ont toujours respectée. […] Jusqu’à présent, le génie, quand il existe, ne semble guère à plaindre en ce temps de démocratie ; il l’est moins qu’en aucun autre. […] Les romantiques ne se trompent-ils pas eux-mêmes quand ils essayent de formuler les règles de leur art, et existe-t-il un seul beau vers de V.  […] Par exemple, une croix n’est élégante que si ce rapport simple existe entre le pilier et les bras. […] Cette question de l’hiatus nous paraît beaucoup moins importante que celle du rythme et du mètre, puisque le vers français a existé longtemps et peut encore exister avec des hiatus.

313. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

La foule des hommes en s’éveillant, ne voit que ce qui frappe leur instinct grossier ; ils existent sans être émûs. […] Tous les êtres s’empressent autour de lui & lui disent : Nous t’attendions, c’est pour toi que nous existons : que tardes tu à nous interroger ? […] A ce mot je vois frémir les ames foibles qui redoutent la vie ; ames infortunées qui n’existent plus dès que les molles voluptés les abandonnent ; tristes victimes de leur lâcheté, dévouées à la crainte & nées pour l’impuissance ; sans doute elle ne sont point faites pour connoître ce courage mâle qui émousse la pointe de l’infortune, résiste aux revers, triomphe des evénemens, & met au rang des plus précieux trésors l’indépendance & l’honneur.

314. (1915) La philosophie française « I »

On trouverait surtout cette idée que la pensée existe d’abord, que la matière est donnée par surcroît et pourrait, à la rigueur, n’exister que comme représentation de l’esprit. […] Le même souci existe chez Fouillée 32.

315. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

On y voit figurer des hommes ou des faits célèbres, lesquels sont ordinairement placés par les savants dans d’autres temps, dans d’autres lieux, ou qui même n’ont point existé. […] n’en existait-il pas en Égypte avant Hermès, inventeur des lettres ? […] … Ce sont peut-être de semblables observations qui ont fait conjecturer à Cicéron, dans son livre sur la Nature des Dieux, qu’Orphée n’a jamais existé.

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