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29. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

C’était un très grand acteur, engagé à jouer pour une société, une société seule. […] Mlle Leroux doit jouer la chanoinesse, et Mevisto, Boussanel. […] Il me joue presque une des scènes qui est en germe dans son cerveau, une scène d’empoisonnement. […] Colombey n’a qu’un bout de rôle, qu’il joue d’une manière merveilleuse. […] Puis au fond, au théâtre, les choses dangereuses ne le sont pas, quand elles sont jouées par des acteurs de grand talent.

30. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

La troisième raison, c’est que les Grecs n’avoient point de comédiennes : les rôles de femmes étoient joués par des hommes masqués. […] Le pathétique commence dès le premier acte : on va la voir jouer, dans le même esprit qu’on court à Inès, ou à Zaïre. […] On ne s’attachera plus à peindre les sottises humaines, à jouer les ridicules qu’on remarque dans la société. […] Seroit-ce un crime, dit-il, de jouer quelquefois ceux qui jouent tous les jours les autres. […] Mais, si du moment qu’on joue la comédie on doit être réputé infâme, tant de rois, tant de princes, tant de magistrats, tant de prêtres, tant de religieux qui l’ont jouée, ou qui la jouent le seront aussi.

31. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Ce qui fit dire à un grand prince qui le voyait jouer à Rome : “Scaramuccia non parla e dice gran cose, Scaramouche ne parle point, et il dit les plus belles choses du monde.” […] À la différence de celle de Scala dont la scène est à Pesaro, elle transportait l’action dans l’antiquité comme le prouve son second titre, La Finta Pazza o Achille in Sciro : elle avait, du reste, été antérieurement jouée à Venise, en 1641, sur le Teatro novissimo della cavalerizza. […] Ange-Auguste-Constantin Lolli, de Bologne, jouait le personnage du docteur Gratiano Baloardo. […] Le Temps fait, à propos du méchant tour que celles-ci jouent aux deux nigauds, la réflexion suivante : IL TEMPO. […] Pendant ces années qui précédèrent immédiatement le retour de Molière à Paris, les Italiens eurent une grande vogue ; ils étaient les héros comiques du moment ; on leur faisait jouer des scènes burlesques, même à la ville, et hors du théâtre.

32. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Cette enfant, qui a commencé par lire Clélie, et qui s’en souviendra toujours, joue la comédie dès ses premières années, et tout désormais dans son imagination, même l’enseignement, prendra volontiers cette forme de comédie et de théâtre. […] Elle joua si bien, elle réussit tant, qu’on lui laissa pendant des mois ce costume d’Amour. […] La méthode d’en jouer était encore dans l’enfance : Mme de Genlis, avec sa facilité et son adresse naturelle, en réforma et en perfectionna le doigté. […] J’apprenais à jouer au billard et quelques jeux de cartes, le piquet, le reversi, etc. […] On a dit très justement de son style, comme on le disait d’une actrice qui jouait avec plus de sagesse que de mouvement : Elle est toujours bien, jamais mieux.

33. (1881) Le naturalisme au théatre

Au contraire, on joue la pièce. […] Le théâtre jouait trois fois par semaine, et j’en avais la passion. […] Dès lors, le milieu n’a plus de rôle à jouer, le décor devient inutile. […] Les débutants n’y sont point joués facilement. […] Talray entend être maître absolu dans le théâtre où on le joue.

34. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Voici l’argument de cette pièce : « Une troupe de comédiens jouait à Parme. […] Oratio se plaint de sa mauvaise fortune et maudit la présence de ces comédiens dont vient tout le mal ; il s’exprime surtout en termes injurieux à l’égard de Vittoria qui lui a joué ce méchant tour. […] Flavio, mettant la main à sa joue, part sans dire un mot. […] Les valets l’invitent à jouer avec eux. Ils jouent.

35. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Préville jouait, ce soir-là, au bénéfice des pauvres ; il jouait dans deux pièces : La Femme invisible et Le Bourgeois gentilhomme. […] À peine au monde, Fleury jouait la comédie. […] Un peu de feu sur la joue, une flamme au regard ! […] Mais à force de jouer avec le feu, elle se brûla elle-même. […] Il joue à toute heure et toujours, et voilà sa vie !

36. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

Elle lit Clélie et mademoiselle Barbier2, joue la comédie et du clavecin, récite après dîner l’Office de la Vierge et son rôle du soir, court les champs vêtue en Amour couleur de rose, avec le cordon rouge de chanoinesse par-dessous le carquois ; attroupe sous sa fenêtre les petits garçons du village pour leur apprendre à lire, et par certaine brochure qu’elle a vue conçoit une antipathie ineffaçable contre Voltaire. […] Il est vrai qu’elle savait l’ostéologie, la saignée, l’équitation, le jardinage, le billard, les cartes, la peinture, qu’on la comparait au roi David pour la harpe et la danse, qu’elle jouait aux proverbes mieux que n’eût fait Salomon, et qu’elle représentait ou composait de petites comédies. […] Elle, habile et rusée, ne se livrait pas ; comme le comte de Guines jouait l’inconstance, elle jouait l’abandon, en Ariane délaissée et mourante ; elle n’entretenait le duc que de son sentiment pour l’ingrat de Guines, et le poursuivant de son rival trouvait moyen de l’attendrir.

37. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur une pétition de directeurs de théâtres contre les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique »

La loi du 13 janvier 1791 défend de jouer sur un théâtre public une pièce dramatique ou lyrique sans le consentement de l’auteur (ou des auteurs). Si on ne peut jouer sans le consentement de l’auteur, il faut payer ce consentement au prix que l’auteur exige. […] C’est le droit de l’auteur de ne pas permettre de jouer la pièce ou de ne le permettre qu’aux conditions qu’il agrée, après avoir négocié avec l’entrepreneur du théâtre. […] Cependant, en y réfléchissant, on voit que le prix étant l’objet d’une convention libre, le juge n’a pas à le fixer ; et que si, sans le consentement de l’auteur, l’entrepreneur joue, c’est là un fait matériel simple à constater, un délit analogue à ce que serait pour un livre imprimé ou pour une gravure le délit de contrefaçon, et qui rentre sous la répression correctionnelle.

38. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Sans l’Odéon, elles n’eussent pas été jouées. […] Cet homme eût joué les Scapin, les Mascarille, les Pourceaugnac, les Harpagon, les Figaro, comme il a joué les Cardillac et les don César de Bazan. Et alors, avec Corneille, Racine et Voltaire, joués trois jours de la semaine, avec Molière, Regnard et Beaumarchais, joués trois autres jours, le théâtre moderne devenait complètement inutile, et M.  […] Scribe sait qu’une comédie de lui sera toujours jouée, et il fait trop d’honneur à M.  […] On nous joue dans des pays dont M. 

39. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ainsi lorsque plus tard, à l’Odéon (1813-1815), elle jouait dans un drame de Rigaud, Evelina, le Mercure la louait en ces termes : « Mlle Desbordes représente Evelina avec décence. […] Elle avait joué très jeune, en même temps que l’excellente actrice Mme Gontier, qui avait jadis inspiré une passion à M. de Florian, et qui surtout en avait ressenti une très vive pour ce brillant capitaine de dragons, auteur de jolies arlequinades. […] » Elle jouait à l’Odéon et elle logeait, je crois, dans la rue même de l’Odéon, dans un petit appartement sous les toits, avec une humble camériste qui partageait presque en amie sa vie de privations. […] Elle jouait à l’Odéon, vers 1813, les premiers rôles. […] Joanny voulait jouer les rôles qui conviennent à présent à son âge, il pourrait ravoir la faveur du public ; mais il tient plus que jamais aux rôles des amours ; que veux-tu que j’y fasse ?

40. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Cathos, Armande, Philaminte, les bourgeoises qui font les précieuses et jouent au bel esprit ; Orgon et sa famille, la haute bourgeoisie ou la noblesse de robe, de bon ton, de vie large et déjà luxueuse. […] Les enfants d’Harpagon, détachés de lui par son vice, se jouent de lui. […] Le 24 octobre 1658, il joue au Louvre Nicomède et le Docteur amoureux. […] L’École des femmes est jouée en décembre 1662 : c’est le plus grand succès de Molière. […] A la fin de 1667, Molière est très abattu ; sa troupe reste quelques semaines sans jouer.

41. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Et ces choristes marchaient vraiment en scène, jouaient véritablement des rôles, avec une entière liberté, sans aucun trouble vocal dans la mesure ou dans la note. […] « On va jouer une œuvre de Wagner à Paris, sur une scène française !  […] Lamoureux, qui va faire connaître en France une œuvre qui aurait dû être jouée à l’Opéra de Paris depuis plus de vingt ans. […] Pasdeloup, on demandait le retrait de sa subvention, on voulut même d’abord qu’il ne jouât pas d’ouvrages de jeunes auteurs : M.  […] Saint-Saëns a joué la marche de Lohengrin à son enterrement.

42. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Littérature dramatique Il n’y a pas beaucoup de littérature dans les pièces qui se jouent chaque soir à Paris et il y a peu de jeunes auteurs joués, ce qui explique la brièveté de ce chapitre. […] Maurice Magre ont organisé le théâtre des Poètes qui ne joua guère que des drames romantiques — un peu différents de ceux de M.  […]   « Les Poètes » jouèrent l’Or de M.  […] Gide qui n’a pas été joué et le Roi Candaule qui le fut. […] Nous mentionnons hâtivement les tentatives du Théâtre de l’Œuvre qui révèlent surtout des écrivains de la génération précédente, et celle du Nouveau-Théâtre qui joua le Rembrandt de MM. 

43. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

On dit qu’il fit jouer à Bordeaux une Thébaïde, tentative du genre sérieux, qui échoua. […] Les Précieuses ridicules, jouées en 1659, attaquèrent les mœurs modernes au vif. […] Vrai poète de drame, ses ouvrages sont en scène, en action ; il ne les écrit pas, pour ainsi dire, il les joue. […] Dans ce qu’on appelle les rôles à manteau où il jouait, le seul Grandmesnil peut-être l’a égalé depuis. […] leur dit-il ; il y a cinquante pauvres ouvriers qui n’ont que leur journée pour vivre ; que feront-ils si l’on ne joue pas ?

44. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Vous regrettez qu’on ne vous joue pas Macbeth. […] Si l’on joue Macbeth en prose, que devient la gloire de Sylla ? […] Dans neuf ans, n’en doutez pas, vous trouverez toute faveur pour faire jouer votre comédie. […] Vous joueriez en littérature précisément le même rôle que M.  […] Chez nous lisons des romans, et jouons des proverbes hardis.

45. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

jouer de ton instrument ! […] À douze ans, elle entend parler, pour la première fois, de comédie et elle veut jouer la comédie. Elle la jouait d’abord comme une enfant, avec les meubles de sa mère. […] La voilà qui a mis du fard à sa joue ! […] Certes, L’Impromptu de Versailles a longtemps été la comédie la mieux jouée de toutes les comédies de Molière.

46. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Les Italiens et la Foire La Comédie-Française était seule à jouer des tragédies : elle maintenait au besoin les auteurs dans la tradition. […] Mme Favart joua une paysanne en sabots et en jupe courte, avant que Mlle Clairon supprimât les paniers d’Électre. […] Imprimée en 1730, jouée en 1759. […] Le Fils naturel, imprimé en 1757, fut joué en 1771. Le Père de famille, imprimé eu 1758, fut joué en 1761.

47. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Mais il n’a produit qu’une plante monstrueuse qui n’est ni la satire ni la comédie155. — La satire tonne et s’indigne contre les vices individuels, trop sérieux pour être joués. La comédie se joue de la folie universelle, trop folle et surtout trop universelle, pour mériter l’indignation156. […] La réalité a pour symbole une planche partagée en cases sur laquelle le poète peut jouer le vulgaire jeu de dames ou le royal jeu d’échecs, selon qu’il ne possède que de simples morceaux de bois rond, ou des figures artistement taillées164 — Le besoin d’effacer en soi toute originalité pour se faire une surface unie a donné aux Français pour les termes généraux un goût contraire au vrai style comique. […] Dans cette comédie unique, si je ne me trompe, sur le théâtre français, Molière met en scène sa propre personne, et se joue hardiment de tout le monde comme de lui-même : ce qui est, vous le savez, Monsieur, un des éléments du vrai comique. […] Il faut dans la comédie que celui qui se joue lui-même paraisse manquer de jugement… le poète doit exprimer son idéal en l’alliant à des grimaces de singe et à un langage de perroquet… Il doit savoir écrire sa propre écriture à rebours.

48. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

À la fin de la lecture, l’ami fut pris par l’intérêt de la pièce, nous complimenta, nous prédit que nous serions joués. […] Les excellents acteurs qui devaient la jouer mettaient au service des auteurs tous leurs efforts, toute leur expérience, donnaient, nous pouvons le dire, tout leur cœur à la pièce. […] Enfin, Dieu merci, nous ne fûmes pas joués, et nous dûmes peut-être à ce bienheureux refus de ne pas devenir des vaudevillistes à tout jamais. […] Bref, elle accepte le rôle, et elle s’engage à l’apprendre et à le jouer le 31 décembre, et nous sommes le 21. […] Carvalho, alors directeur du Vaudeville, avait eu l’idée de monter La Patrie en danger, dans le temps où il jouait l’Arlésienne d’Alphonse Daudet.

49. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Mais ces personnages imparfaits ne sont point propres à jouer un rolle dans l’action d’un poëme, à moins que cette action ne soit celle d’un apologue. […] Ils n’y doivent pas jouer un des rolles principaux d’une action, mais ils y peuvent seulement intervenir, soit comme les attributs des personnages principaux, soit pour exprimer plus noblement, par le secours de la fiction, ce qui paroîtroit trivial s’il étoit dit simplement. […] Ainsi Minerve, l’amour et Jupiter même ne doivent pas y jouer un rolle principal. […] Mais on devine aisément les raisons qu’Aristophane avoit de traiter ainsi ses sujets, quand on sçait que ce poëte vouloit jouer dans Athénes, les hommes les plus considerables de la republique, et principalement ceux qui venoient d’avoir la plus grande part à la guerre du péloponese.

50. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

— Tenez, monsieur, on voit, à ce qu’on dit, encore la marque, ajouta l’aveugle en promenant le doigt sur la joue de la jeune sposa. […] Enfin, ce fut une inspiration de quelqu’un de ces chérubins qu’on voit jouer de leurs harpes dans les voûtes peintes du dôme des églises, sans doute, preuve que le ciel même se plaît à la musique des pifferari, qui jouent le mieux la prière de leurs cœurs, des pauvres vieillards ou des pauvres enfants, sur leurs instruments. […] Je me sentis inspirée de tomber à genoux devant elle et de lui jouer un air de montagne, afin de l’attendrir sur mon sort, mais surtout sur celui d’Hyeronimo ; je me dis : Personne ne me voit ni ne m’entend qu’elle, personne ne me donnera un pauvre baïoque ou un pauvre carlin (autre pièce de monnaie populaire dans cette partie de l’Italie) ; ce n’est donc pas pour le monde, c’est bien pour elle toute seule que je vais jouer, elle m’en saura plus gré que si c’était par vanité ou par intérêt ; elle ne pourra pas dire que c’est pour le monde. […] Notre père et notre oncle eux-mêmes en avaient été émerveillés en nous l’écoutant jouer sur leurs zampognes. […] monsieur, ce fut pourtant le premier air que je me sentis inspirée de jouer devant la Madone du pont ; jamais les sons de la zampogne ne m’avaient paru avoir une telle expression sous les doigts de mon père, de mon oncle, d’Hyeronimo, de moi-même, ni de personne ; il me semblait que ce n’était pas moi qui jouais, mais qu’un esprit du ciel, caché dans l’outre, soufflait les notes et remuait les doigts sur le roseau à sept trous du chalumeau.

51. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Son jeu étoit varié singulièrement : il disoit quelquefois à ses camarades : Vous m’avez vu jouer aujourd’hui d’une telle façon, demain je jouerai d’une autre ; & toujours il faisoit également bien. […] De quelque manière simple & naturelle que les grands acteurs aient joué, ils ne sont jamais tombés dans le ton ordinaire & familier. […] Le Kain joue avec force, noblesse & précision. […] Les uns & les autres ont pour objet, de jouer avec la plus grande vérité ; mais ils se gardent bien de réciter comme on parle. […] Ils s’étendent, ils s’agitent, ils se tourmentent, ils poussent des hurlemens, & semblent jouer de pieuses comédies.

52. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

« Ce soir-là, le jour du crime, elle avait donc joué son rôle de Célimène dans Le Misanthrope. C’est le rôle de la grande comédie qu’elle aime le plus et qu’elle joue le mieux, peut-être. […] Après quoi, s’il demande à ceux qui peuvent le savoir : ce qu’on faisait avant lui et comment cela se jouait ? […] « La dernière fois qu’elle joua ce grand rôle avant son départ, elle obéissait à une demande collective que les collèges de Paris lui adressaient, chaque année, le jour de Saint-Charlemagne, et jamais elle ni Talma, n’avaient rien refusé à la pétition qui commençait assez souvent, par cette phrase à grand orchestre. — “Madame (ou Monsieur) vous qui avez vu, à vos pieds, un parterre de rois !” […] Lui, cependant, Baron, fidèle à ses rôles, et sachant très bien qu’en fin de compte le parterre ne s’intéresse qu’à la passion dans la comédie et dans le drame, il jouait, jusqu’à la fin, le rôle des beaux jeunes gens amoureux que Molière avait écrit tout exprès, il y avait soixante ans, pour ce jeune Baron.

53. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Lorsqu’on ne va pas jusque-là, on se contente de jouer au comédien en jouant chez soi la comédie ; car, c’est un fait, jamais les gens du monde n’ont plus raffolé de cette espèce de divertissement qu’aujourd’hui. […] Paris presque tout entier jouait la comédie. […] » On va les chercher en robe détroussée, on les paye des prix fous pour avoir, dans la pièce qu’on joue, ou leur présence ou leurs conseils ; et si on ne les paye pas, c’est encor plus cher : on les considère. […] Ni Crassus ni personne, même quand Rome, comme une femme qui se jette du haut d’une tour, se précipitait dans sa dernière heure, ne songea une minute à introduire la comédie dans la famille et à la faire jouer par sa femme, ses filles et ses fils. […] Demandez pourtant au christianisme, demandez à l’Église, et à la conscience qu’elle pénètre de son esprit, si elle ne voit nul inconvénient à ces amusements artistiques et littéraires, si c’est simplement insignifiant et destiné à nous faire passer agréablement quelques heures que ces comédies de société, qui tuent la société, et que des mères jouent devant leurs filles, quand elles ne les jouent pas en camaraderie avec elles ?

54. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

On voit en haut des anges qui jouent gaiement avec la lance, la croix, le fouet et les autres instrumens de la passion. […] Parocel qui s’est mis à jouer l’esprit fort, quand il s’agissait d’être peintre. […] Les anges jouent en haut ; le Christ et l’ange s’entretiennent au milieu ; les apôtres dorment en bas ; mais n’allez pas couper cette toile en trois morceaux, j’aime encore moins trois mauvais tableaux qu’un.

55. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Il prétend qu’elle expose témérairement les jours d’Astyanax, parce que Pyrrhus pourrait bien punir le fils du tour cruel que lui aurait joué la mère. […] Ce prince ordonna aux comédiens de la jouer : la défense insérée dans le privilège ne l’arrêta pas ; on sait qu’il n’était pas scrupuleux. […] Il y a une foule de comédies en un acte beaucoup plus agréables, et qu’on ne joue jamais. […] Son Mercure galant offre des scènes originales ; mais il faut un Préville pour les jouer : elles sont aujourd’hui dégoûtantes. […] Ce rôle n’appartient à aucun emploi en particulier ; il est à celui qui sait le jouer.

56. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

., appellations que je conçois bien dans un drame fait pour être joué, mais qui me troublent lorsque je lis de la poésie lyrique qui devrait se couler d’un seul jet comme une glace de Venise, et non pas se juxtaposer par morceaux. […] Le Manfred, tout merveilleux qu’il soit, pourrait Être joué, et dans la pensée de Byron, quand il l’écrivait, il supposait un théâtre, tandis que dans la pensée de M. de Laprade les Idylles héroïques sont de la poésie lyrique au premier chef. […] Preuve, cette pièce de L’Enfant dans les blés que sa longueur nous empêche de pouvoir citer toute : Vois briller sa grosse joue ! Grosse joue est bien gros !          Comme il joue !

57. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Mademoiselle Le Couvreur, Quinault l’aîné et Quinault Du Fresne, jouaient les trois rôles qu’avaient autrefois remplis mademoiselle de Champmeslé, Floridor, et le mari de la Champmeslé. […] Mademoiselle George jouait Bérénice, Damas jouait Titus, et Talma Antiochus. […] L’adorable princesse qui put dire à son lit de mort à Monsieur : Je ne vous ai jamais manqué, aimait pourtant à se jouer dans les mille trames gracieuses qui se compliquaient autour d’elle, et à s’enchanter du récit de ce qu’elle inspirait. […] Mais d’autres lueurs, d’autres reflets rapides et non pas les moins touchants, venaient en quelque sorte se jouer à la traverse. […] Talma aurait joué Titus ; mais les choses en restèrent là.

58. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Molière est né sous les piliers des halles ; Boileau dans la Cité, à l’ombre du Palais de Justice ; et Béranger a joué avec les écailles d’huîtres de la rue Montorgueil. […] Vers le même temps, il est vrai, la pièce, jouée en province, à Metz, à Bordeaux, devant un public moins en garde, réussissait entièrement. […] On le jouera l’année prochaine à Tombouctou, disait M. […] On le joue dès à présent à l’extrémité de la Russie, aux confins de la Chine. […] Dès qu’il y a quelque part un essai de société qui veut être moderne, élégante, on joue du Scribe.

59. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Ici l’esprit naturel faisait tout, mais on ne discernait pas, on ne choisissait pas : la duchesse jouait indifféremment Athalie, Iphigénie en Tauride (traduite fidèlement d’Euripide), ou Azaneth, femme de Joseph, dans la tragédie de Joseph faite par l’abbé Genest. […] Ce jour-là on jouait à la Grèce. […] Elle joua la comédie jusqu’à extinction, et sans se douter que c’était une comédie. […] On meurt comme on a vécu… — Ajoutez, pour achever de la peindre, qu’aimant à ce point la comédie et la jouant sans cesse, elle la jouait mal, et qu’elle n’en était que plus applaudie. […] Le bel esprit aveugle se mit à jouer l’amoureux, et Mme du Maine la bergère et l’ingénue.

60. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Un pion craignant qu’il ne s’ennuyât, lui dit : « Mon petit ami, si vous alliez jouez avec vos camarades, là-bas ? […] Elle joue cependant trois actes pour nous. […] Un intelligent haut de tête, des yeux clairs et voluptueux, un petit nez droit, un grain de beauté jeté au beau milieu d’une joue rose. […] La scène d’amour conjugal qui remplit l’acte, scène un peu artificielle, joué par l’actrice artificielle qu’est Sizos, n’a pas d’action sur le public. […] Enfin au dernier tableau, les acteurs sont couverts d’applaudissements, et surtout Duflos, qui joue d’une manière tout à fait supérieure sa scène de la folie, qui joue toute la pièce, au dire de Havet, comme il n’a jamais joué dans aucune pièce.

61. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Mon violon a de nouvelles cordes et j’en joue tout le jour. Je te dis cela parce que ma mère a désiré savoir si je joue encore du violon. […] Enfin, pour abréger, je jouai sur ce misérable piano-forte. […] J’avais commencé les variations de Fischer ; j’en jouai la moitié et je me levai. […] On me prie de venir tel ou tel jour ; j’arrive, je joue, on s’écrie : Oh !

62. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Les comédiens seront dociles et modestes. « Ils joueront tous les emplois (dit-on : jouer un emploi ?  […] il les joue ; même, il n’en joue guère d’autres. […] Et les voilà qui jouent la scène au naturel. […] Elle jouait la scène de Célimène avec Arsinoé. […] Esquier jouait donc de malheur.

63. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

C’est ainsi que cet espace s’appelait du temps de Henri IV, qui jouait de son lit avec ses courtisans dans la ruelle à droite, et donnait ces audiences dans la ruelle à gauche46. […] En 1656, l’abbé de Pure fit jouer à Paris une comédie des Précieuses, qui donna lieu à des troubles inattendus. […] Elle ne jouait jamais quand je la quittai. […] M. jouer tous les jours, et que mon père ne joue plus ; elle me répondit que cela était vrai… » À l’occasion du siège de Dunkerque et de la bataille gagnée par le maréchal de Turenne sur le prince de Condé en 1658, elle dit : « La reine faisait sa vie ordinaire de prier Dieu et de jouer. » 50. […] La pièce fut jouée avec un applaudissement général. » C’est évidemment une faute d’impression de dire : Mademoiselle de Rambouillet y était ; lisez : Madame.

64. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Un peloton d’une douzaine de sbires, commandés par un officier et armés de leurs carabines, chargèrent leurs armes devant moi, et se rangèrent, leur fusil en joue, pour attendre le commandement de tirer. […] J’avais apporté sa zampogne, afin qu’on me prît pour un des zampognero des Maremmes qui viennent jouer dans les rues de Livourne pour consoler les pauvres galériens. […] La zampogne m’échappa des mains, et sa bouche fut sur ma joue. […] J’avais oublié nos malheurs, et quand je jouais dans la rue de la zampogne, l’enfant paraissait goûter la musique, et les jeunes mères s’arrêtaient pour le contempler et pour m’entendre. […] Fior d’Aliza jouait avec son enfant sous le rayon du soleil qui tombait de l’arbre dépouillé, à travers les rameaux.

65. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Giovanni-Battista figurait aussi, bien entendu, dans les rangs des Gelosi et jouait sous le nom de Lelio. […] Domenico Bruni jouait les rôles d’amoureux sous le nom de Fulvio, et Diana Ponti, actrice et poète, jouait les rôles d’amoureuse sous le nom de Lavinia. […] C’est vraisemblable pour la seconde dont le véritable nom était, comme on l’a vu, Maria Antonazzoni ; c’est plus douteux pour la première, Silvia Roncagli, qui jouait déjà en 1578.

66. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

A Bayreuth, il joua Parsifal. […] Vogi joua Loge à Bayreuth, en 1865. […] Précédemment à Munich ; a joué Acifortss, à Bayreuth, en 1883, 83 et 84. […] A joué Ilagen à Bayreuth en 1876, et Gurnemanz en 1883 5, 83, 84. […] Soudain le pâtre joue sur un chalumeau plus aigre une ronde joyeuse.

67. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Les Célimènes se jouent des Alcestes, mais elles se gardent de les frapper mortellement. […] C’est un ressort brisé qu’on peut faire mouvoir, mais qui ne joue plus. […] La marquise doit jouer, sur un théâtre de société, dans une farce mythologique, et elle a prié Navarette de lui faire répéter son rôle. […] Si la marquise aimait d’Estrigaud, on concevrait qu’il lui jouât cette scène de haute comédie : l’amour voit trouble et ne raisonne pas. […] Navarette et d’Estrigaud, restés seuls, jouent cartes sur table.

68. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

La pièce est bien jouée par tout le monde. […] Et il la joue ainsi en effet, avec un rien de fléchissement dans les jambes, et en se calant au commencement, par l’enfoncement de ses mains, dans les poches de côté de son pantalon. […] Son partner au jeu lui dit : « Je vous joue ce que vous avez perdu, contre les esquisses, que vous avez chez vous, de votre mari. » Elle joua et perdit. Alors le gagnant lui dit : « Je vous joue tout ce que vous avez perdu, contre votre maison de terre ferme et les fresques, qu’elle contient ». […] La femme joua encore et perdit.

69. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Vous avez pu en juger, car on l’a jouée il n’y a pas encore très longtemps ; je l’ai vu jouer, entre parenthèses, d’une façon charmante, par mon pauvre ami Leloir, qui était excellent dans ces silhouettes un peu falottes de nécromant, de sorcier, de bohème, etc. […] Qu’est-ce qu’on jouait en 1684 ? On jouait l’Artaxerxès de l’abbé Boyer et le Téléphonte de La Chapelle ; on jouait Virginie de Campistron ; de Boursault, on jouait la Marie Stuart et, précisément, en 1684, la Pénélope de l’abbé Genest dont je vous parlais tout à l’heure. […] Ce sien cousin, c’est tout simplement le tuteur lui-même qui se déguise et qui en joue le rôle. La petite fille, parfaitement malicieuse et parfaitement avisée, comprend très bien que c’est son tuteur lui-même qui joue ce personnage ; et alors, feignant de parler au cousin, elle lui fait toute sa confession et lui dit un mal infini de son tuteur.

70. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Une voiture consent à me mener aux Menus-Plaisirs, où sur la demande d’Antoine, je l’ai autorisé à jouer : À bas le Progrès, à la fin du spectacle. […] Tout cela dit et joué avec de savantes intonations, et une mimique, où semblait mêlée l’ironie du cabotin et du prêtre. […] « Mais très bien, répond le fils de Sarah Bernhardt, mais vraiment, est-ce que vous pensez que ma mère puisse la jouer ?  […] Ma conviction est qu’avec un certain désir de la jouer, elle ne la jouera pas. […] À propos de l’encens qui joue un grand rôle dans le Talmud, il y est parlé comme d’un magicien, d’un prêtre célèbre, qui faisait monter l’encens en colonne, au moyen d’une herbe qu’il mêlait à l’encens.

71. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVII. La flûte d’ybilis »

Une fois dehors, il se mit à jouer la flûte. […] Un jour enfin qu’il arrivait près d’un village il entendit un bilakoro174 jouer de la flûte : Et cette flûte disait : J’ai déterré des cadavres vers le Levant Et du côté où tombe le soleil Et nul de ceux-là ne m’a dit « Mère ! […] murmura Ybilis, c’est de ma flûte qu’on joue là-bas ! 

72. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Le roi la fit jouer dans un divertissement qu’il donna à la reine et à sa mère devenue dévote depuis que Mazarin s’était refroidi pour elle. […] Pour divertir seigneurs et dames, On joua L’École des femmes, Qui fit rire leurs majestés Jusqu’à s’en tenir les côtés. […] Le 1er juin 1663, jour où La Critique de l’École des femmes fut jouée à Paris, n’était pas loin du 14 octobre, jour de la grande fête projetée pour Versailles, et où devait être joué L’Impromptu de Versailles, pièce où les marquis sont l’objet du plus sanglant outrage et du plus direct qu’on puisse imaginer.

73. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

Bref, elle accepte le rôle et elle s’engage à l’apprendre et à le jouer le 31 décembre, et nous sommes le 21. […] De là, d’un saut dans le cabinet du directeur du Théâtre-Français, auquel nous sommes parfaitement inconnus : « Messieurs, nous dit-il tout d’abord, nous ne jouerons pas de pièces nouvelles cet hiver. C’est une détermination prise… je n’y puis rien. » Un peu touché toutefois par nos tristes figures, il ajoute : « Que Lireux vous lise et fasse son rapport, je vous ferai jouer si je puis obtenir une lecture de faveur. » Il n’est encore que quatre heures. […] tenez, j’ai, dans ma pièce, un quart d’heure de sortie… Je vous lirai pendant ce temps-là… Attendez-moi dans la salle. » La pièce dans laquelle il jouait finie, nous repinçons Brindeau qui veut bien du rôle.

74. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Le chat qui joue avec la souris, qui la laisse chaque fois partir comme un ressort pour l’arrêter net d’un coup de patte, se donne un amusement du même genre. […] Les domestiques viendront répéter dans un autre ton, transposée en style moins noble, une scène déjà jouée par les maîtres. […] Mais il n’est même pas nécessaire que les deux scènes symétriques soient jouées sous nos yeux. […] Pour bien lire, il suffit de posséder la partie intellectuelle de l’art du comédien ; mais pour bien jouer, il faut être comédien de toute son âme et dans toute sa personne. […] C’est ainsi qu’on fera répéter par les valets, en langage moins noble, une scène déjà jouée par les maîtres.

75. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Visite de Mévisto, qui me demande à jouer Perrin dans La Patrie en danger. […] » Et je sens les acteurs nerveux, et j’ai peur qu’Antoine ne joue pas si bien qu’hier. […] que je plains les acteurs de jouer une telle pièce !  […] Le pauvre diable aurait été tué dans toute la peur d’un faux sommeil, mal joué. […] — Elle faisait un signe de tête affirmatif, — et peuvent jouer du piano ? 

76. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

La Raisin était une belle veuve qui jouait des espèces de farces au coin de la rue Guénégaud. […] Elle avait découvert à Villejuif, près de Paris, le jeune Baron, enfant prodige, qui jouait en maître sur son théâtre. […] On lui fit des représentations : il défendit de jouer le Tartuffe. […] dit le roi, les hypocrites permettent qu’on joue Dieu et le ciel, mais ne veulent pas qu’on les joue eux-mêmes. « Jouez-les toujours ; la fausse dévotion n’est qu’un mensonge ; les vices sont à vous. » Louis XIV, charmé du bon sens de Molière, se plaisait à l’entretenir quatre ou cinq heures tête à tête. […] Cependant on joua cette pièce pour la seconde fois.

77. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Crosnier qui a joué médiocrement ce soir, me disait, avant le tableau du concierge : « Ah ! il y a des jours, où on joue comme on ne joue qu’une fois… samedi, aux applaudissements de la salle, j’ai eu le sentiment que je jouais, comme je n’avais jamais joué… Quand je suis rentrée dans ma loge, j’avais les yeux tout brillants, et ma fille m’a dit : « Ah ! […] Trouverait-on, à l’heure qu’il est, dans une description de figure de femme de n’importe quel roman, la mention de la délicatesse, de l’élégance d’une joue ? […] Là, il est question du Rêve, ce qui amène Coppée à demander à Zola, s’il a vraiment joué de la clarinette. […] C’était Morny qui disait au frère de Daudet, quand il faisait jouer L’Idole, pièce se passant entre des vieux : « C’est bien triste ! 

78. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Cas des joueurs d’échecs qui jouent les yeux fermés. […] Et lorsque j’ai quelque doute dans mon esprit sur la position exacte d’une pièce, je rejoue mentalement tout ce qui a été joué de la partie, en m’appuyant particulièrement sur les mouvements successifs de cette pièce. […] « Je n’ai jamais joué une partie d’échecs, dit-il, sans l’avoir rejouée seul quatre ou cinq fois la nuit, dans mon lit, la tête sur l’oreiller… Dans l’insomnie, lorsque j’ai des chagrins, je me mets à jouer ainsi aux échecs en inventant une partie de toutes pièces, et cela m’occupe ; je chasse ainsi quelquefois les pensées qui m’obsèdent. » — Ce ne sont pas les plus profonds joueurs qui poussent le plus loin ce tour de force. Labourdonnais ne jouait mentalement que deux parties ensemble ; ayant essayé une fois d’en jouer trois, il mourut. […] « Paul Morphy joue huit parties ensemble, et Paulsens en joue vingt ; cela, je l’ai vu de mes yeux. » D’autres images bien plus irrégulières, bien plus nuancées, et, ce semble, bien plus difficiles à rappeler, se présentent avec une précision égale.

79. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Il lui dit qu’il donnait à M. le duc du Maine la charge de général des galères, etc. » Ainsi encore, à la date du samedi 28 février 1690 : « Le roi après son dîner à Marly y joua aux portiques et au lansquenet jusqu’à six heures. Mme de Montespan y vint passer l’après dîner et joua avec le roi. » La retraite et la chute de Mme de Montespan était donc imposante encore, et digne, sinon menaçante. […] À propos de cette nouvelle comédie du Jaloux, qu’on joua à Marly le 28 janvier 1688 : « Le roi la trouva fort jolie ; mais il a ordonné qu’on y changeât quelque chose sur les duels, et quelque autre chose qui lui parut trop libre. » Louis XIV goûte moins une autre pièce de Baron qui se jouait également à Marly en même temps qu’on y dansait le ballet : « Le roi le vit (le ballet) de la chambre de Joyeux ; mais il n’y demeura pas toujours, parce qu’il ne trouva pas la comédie trop à son gré ; c’était L’Homme à bonnes fortunes. » En revanche, Louis XIV assistera peut-être trente fois à Esther, et toujours avec plaisir. […] Comme singularité, je remarque qu’en février 1688 on jouait à Versailles Jodelet ou le maître-valet, de Scarron, et la Dauphine y assistait, sans qu’on prît garde aux origines, et que cette pièce était du premier mari de Mme de Maintenon : de telles idées ne venaient pas à l’esprit, ou du moins on les gardait pour soi. […] Il fit jouer toutes les dames à la rafle, et chacune eut son lot.

80. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

La Société a publié depuis lors (1844) un magnifique recueil de gravures représentant les Cartes à jouer de tous les pays du monde. […] Il la fit jouer aux jonchets avec les dames devant lui, il admira son adresse. » Il l’examine, ni plus ni moins, comme un joli animal, comme on ferait une gazelle. […] Elle jouait, il est vrai, un rôle dans Athalie ; mais pourquoi ne saurions-nous pas aussi ce qu’elle pensait d’Athalie, en enfant capricieuse qu’elle était ? […] Elle veut jouer Josabeth, qu’elle ne jouera pas comme la comtesse d’Ayen. […] Je suis bien résolue de me corriger et de ne plus jouer à ce malheureux jeu qui ne sert qu’à nuire à ma réputation et à diminuer votre amitié, ce qui m’est plus précieux que tout.

81. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

J’y pris une fiasque, et la montrant, ainsi que la zampogne, au piccinino, je lui dis que n’ayant plus rien à faire dans la cour, après mon service fini, j’allais pour passer le temps, à l’ombre des arcades du cloître, jouer quelques airs de mon métier aux malheureux enfermés sans amusement dans leurs loges ; le piccinino, qui avait bon cœur, qui aimait, comme tous les enfants, le son de la zampogne, n’y entendit aucune malice et trouva que c’était une pensée du bon Dieu que de rappeler la liberté aux captifs et le plaisir aux malheureux. […] Le meurtrier, qui avait paru au premier moment à sa lucarne, les deux mains crispées à ses barreaux, ne s’y montrait plus ; j’en fus réjouie malgré l’impatience que j’avais de le voir ; je compris qu’il avait reconnu l’instrument de son père, et qu’il s’attendait à quelque chose de moi, semblable à la surprise qu’il avait eue la nuit, du haut de la tour, en entendant l’air d’Hyeronimo et de Fior d’Aliza, que l’un de nous deux seul pouvait jouer à l’autre, puisque nous ne l’avions appris à personne. […] Je continuai à en jouer tous les soirs et une partie des nuits, pour reporter, par les sons, la pensée d’Hyeronimo en haut, vers moi et vers nos beaux jours dans la montagne. La femme du bargello aimait bien les airs que je jouais ainsi pour un autre, et elle me disait le matin : — Je ne sais pas ce qu’il y a dans ta zampogne, mais elle me fait rêver et pleurer malgré moi, comme si elle disait je ne sais quoi de ma jeunesse à mon cœur ; ne crains pas, mon garçon, d’en jouer tout à ton aise, même quand tu devrais me tenir éveillée pour l’entendre : j’ai plus de plaisir à veiller qu’à dormir, en l’écoutant. […] Et vous me croirez encore, si vous avez de la foi, j’ai reconnu, tout comme je reconnais votre voix à tous les deux à présent, la vraie voix et le vrai air de la zampogne de votre frère et de votre mari, mort des fièvres en revenant des Maremmes ; et, bien plus encore, ajouta-t-il, l’air que j’ai entendu si souvent jouer dans la grotte par vos deux enfants, pendant que je montais ou que je descendais par votre sentier !

82. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Le sieur Dufresne avait cependant joué admirablement Orosmane ; cela aurait dû lui apprendre comment on jouait les fous et les enragés. Quoi qu’il en soit, Le Kain joua depuis Vendôme de manière à couvrir les défauts du personnage. […] Le seigneur châtelain y joua lui-même le rôle d’Argire ; et Clairon-Denis, celui d’Aménaïde. […] que madame Denis a joué supérieurement les trois quarts de son rôle ! Je crois jouer parfaitement le bonhomme.

83. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il ne débitait pas ses contes, il les jouait. […] Galiani, dans cette dispute, a l’air de jouer le beau rôle ; il semble plaider en faveur de l’ordre et de l’Ordonnateur suprême, contre l’athéisme dogmatique et par trop brutal de ses amis : ne nous en faisons pourtant pas, d’après ce facétieux sermon, une trop édifiante idée. […] Un jour qu’une troupe française était à Naples et qu’elle y jouait la comédie, chargé de l’examen des pièces, il empêcha qu’on ne jouât Le Tartuffe. […] Turgot songeait, disait-on, à octroyer par édit, et de la vouloir très restreinte dans l’intérêt même de l’esprit français, qui se joue mieux et qui triomphe dans la contrainte. […] Parlant de la conversation de l’abbé Galiani et des récits amusants qu’il faisait en société, des excellents contes qu’il jouait en quelque sorte, et rappelant que Diderot en a conservé quelques-uns dans ses lettres à Mlle Volland, le nouvel éditeur ajoute : « M. 

84. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Il avait été reçu à la Comédie-Française en 1772 ; on devait le jouer comme une farce de carnaval dès le mardi gras de 1773, lorsque survint la violente querelle de Beaumarchais et du duc de Chaulnes, dans laquelle ce dernier voulut poignarder l’autre. […] En février 1774, on devait le jouer encore : le jour était pris, la Dauphine devait assister à la première représentation : la salle était louée pour six soirées. […] Il fallait encore plus d’esprit, a-t-on dit, pour faire jouer Le Mariage de Figaro que pour l’avoir fait. […] Il y avait eu un certain nombre de répétitions à demi publiques : on allait passer outre et jouer. […] M. de Vaudreuil, l’un des patrons de l’auteur, obtint de faire jouer chez lui la pièce à Gennevilliers (26 septembre 1783), par les Comédiens-Français, devant trois cents personnes.

85. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

En vain nous chante-t-il Endymion et Phœbé, comme un Grec réveillé tout à coup du sommeil d’Épiménide, et nous traduit-il Sannazar une parenté en génie ; puis, las de tordre et d’assouplir cette ferme langue française qui reste toujours de l’acier, même quand on en fait de la dentelle, se met-il à écrire le sonnet dans sa langue maternelle, la langue italienne, qu’il manie avec une morbidesse fleurie qui eût charmé Pétrarque et qui convient si bien à la nature ingénieuse et raffinée de sa pensée, Gramont est plus qu’un écrivain qui se joue dans les difficultés de deux langues, un archaïste d’une exécution supérieure. […] Alors il passe dans la manière du poète un phénomène d’expression colorée, brûlante et sensuelle, que les vers qui suivent traduisent et peignent : Ne me demandez pas si sa prunelle est peinte Ou du céleste azur ou du bleu de la nuit ; Quelle nuance d’or, de jaspe ou d’hyacinthe A ses tempes se joue, en sa tresse reluit ; D’albâtre ou d’incarnat si sa joue est empreinte ; Si c’est grâce chez elle ou beauté qui séduit ; Ne me demandez pas quel espoir, quelle crainte, Se mêlant à mes feux, me guide ou me poursuit ! […] Le poète, amoureux pendant si longtemps de la couleur, de la ligne et des mille nuances de la lumière, qui voulait peindre, comme Titien, la chair d’opale de sa maîtresse et ses … cheveux dont l’or blême frisonne Et se poudre d’argent sous les rais du soleil… cesse tout à coup, dans le dernier livre de ses sonnets de jouer cette gageure enragée qu’exprimait Shakespeare quand il parlait de dorer l’or et de blanchir les lys, et le voilà qui n’a plus souci que de la seule qualité d’expression que Dieu ait permise aux poètes !

86. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Camille Chevillard joua une transcription pour le piano de la scène finale de Gœtterdaemmerung. […] Pas même à Dresde on ne joue donc la Walküre 54 ! […] Donc on a joué, de Wagner, à Loewenbraeu : Dimanche, 22 août : Fantaisie sur Tannhaeuser ; hymne de Rienzi. […] Maintenant l’âme ne cherchera plus d’autres jeux : elle se jouera, délicieusement de sa douleur, elle redira, mille fois, la divine réponse. […] Halir, de Weinar, joua une pièce de Bach pour le violon.

87. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Il n’avait pas dix-huit ans : le front mâle et fier, la joue en fleur et qui gardait encore les roses de l’enfance, la narine enflée du souffle du désir, il s’avançait le talon sonnant et l’œil au ciel, comme assuré de sa conquête et tout plein de l’orgueil de la vie. […] de jouer le rôle du premier Brutus, mais d’un Brutus modifié selon la circonstance, et, à cette fin, de se prêter à toutes les folies, à tous les vices chers au tyran dont les orgies déshonorent Florence. […] Que manquait-il donc en ces années au poète, bien jeune encore, pour être heureux, pour vouloir vivre et aimer la vie, pour laisser son esprit courir et jouer en conversant sous des regards prêts à lui sourire, et son talent désormais plus calme, plus apaisé, s’animer encore par instants et combiner des inspirations renaissantes avec les nuances du goût ? […] Mais, on n’a pas voulu dire que le directeur de la revue, qui fut pendant quelques années l’administrateur très zélé du Théâtre-Français, n’ait pas songé à y mettre en œuvre le talent de M. de Musset ; ce qu’on a voulu dire, c’est que Mme Allan, qui avait joué le Caprice à Saint-Pétersbourg, le joua à ravir à Paris, et mît chacun en goût de telle friandise.

88. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Il faut laisser cette préoccupation aux dames qui n’ont rien à faire ; mais un homme de quelque valeur, qui songe à jouer ici-bas un rôle convenable (jouer des rôles, c’est toujours pour lui la grande affaire !) […] Je suis curieux de voir le rôle qu’il jouera… (Hélas ! […] Un charmant jeune homme, qui s’en revenait alors de jouer à la fossette et qui pouvait y retourner ! […] la véritable et la seule originalité de Gœthe, de cet Allemand qui, comme les autres Allemands, était idéaliste et poète, c’est d’avoir, Ixion infidèle, quitté la nuée pour embrasser la terre ; c’est d’avoir fait de la vie un art, bien plus qu’il n’a fait de l’art une vie ; c’est de s’être préoccupé, jusqu’à nous en faire mal au cœur, de l’utilité et de la pratique ; de jouer, enfin, au petit Machiavel, même littéraire, en n’étant qu’un petit Jérémie Bentham.

89. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

À chaque côté du théâtre, il y avait des gradins sur lesquels les acteurs s’asseyaient après avoir joué leurs rôles, ou pour attendre que leur tour revint ; car ils ne disparaissaient qu’après avoir fini entièrement tout ce qu’ils avaient à dire : en sorte qu’il fallait que le spectateur les supposât absents, lorsqu’ils étaient assis. […] On appela d’abord Moralités les premières comédies saintes qui furent jouées en France dans le quinzième et le seizième siècles. […] Dans la Conception à personnages (c’est le titre d’une des premières moralités jouées sur le Théâtre français, et imprimée in-4º gothique, à Paris, chez Allain Lotrian) ; on fait ainsi parler Joseph : Mon soulcy ne se peut deffaire.

90. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Première journée (1865). Les soucis du pouvoir » pp. 215-224

. — Une troupe de musiciens, dirigés par Minaret-Saint-Ybars, sont rangés autour de la salle et jouent du tarbouka : ce sont les rédacteurs du Siècle. — Trois eunuques brûlent du benjoin dans des cassolettes d’argent. — Bernar-med-Lopez est accroupi, les jambes croisées, sur un tapis de Kashmir. […] Je ne sais ce que j’ai, mes membres sont lourds, mes articulations ne jouent pas avec souplesse. […] Bien loin de ces sots dômes, À Bade d’où nous sommes, Ce sont de fortes sommes Qu’on joue à rouge et noir !

91. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Cette pièce eut beaucoup de succès ; elle est même restée au théâtre, et on la joue de temps en temps. […] J’y suis depuis trois semaines ; on y joua l’autre jour ma Marianne. On y jouera Zaïre : à quand Gustave ? […] Baptiste aîné jouait Baliveau à ravir. […] Régnier jouait Mondor.

92. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Elle s’avise enfin de faire jouer le sentiment. […] Les femmes jouaient aussi, furieusement. […] Elle jouait les petites pièces de son mari. […] Il emmène Favart dans un camp pour y jouer la comédie. […] La comédie que nous avions coutume de voir se jouer entre le mari, la femme et l’amant, se joue donc, ici, entre le premier amant, la femme, et le second amant, et — chose admirable, — se joue au bénéfice du mari.

93. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Quand il est seul éclairé, les instruments jouent irrésistiblement à son appel, en dépit de tous les autres acteurs. […] Pour que les divers nerfs moteurs aient joué dans l’ordre indiqué, il faut que leurs cellules respectives aient joué dans le même ordre. Pour qu’elles puissent jouer dans cet ordre, il faut que, par des filets nerveux, elles communiquent entre elles dans l’ordre indiqué. […] La vérité est que la serinette, au lieu d’un seul air, en joue plusieurs et plusieurs dizaines, tous appropriés et adaptés. […] Selon que le premier choc du manche de la serinette a mis le cylindre intérieur à tel ou tel cran, la serinette joue tel ou tel air.

94. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Le petit garçon : « Si tu veux me laisser jouer avec tous tes joujoux, comme s’ils étaient à moi, tu seras ma petite femme (Au bout de quelques instants de réflexion.) […] Elle me parle ensuite de reprendre Germinie Lacerteux, et peut-être de la jouer en Angleterre, où elle me dit qu’elle a un public à elle. […] c’est un miracle que des pièces (Les Frères Zemganno) si peu jouées dans le décor, si peu réglées, si peu sues, puissent être représentées, même à la diable, à deux jours de là. […] Elle est très amusante, et admirablement jouée. […] Elle a trouvé de petits baisers flûtés, où elle vous fait sur la joue, en vous embrassant, l’imitation d’un chant de petit oiseau.

95. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Bon comptable, il se dit : Tous les problèmes étant posés, jouons autour ; et cela lui suffit, il ne s’inquiète plus, ne résout rien. […] Mais l’auteur travaille pour ce public-là, l’auteur joue pour ce public-là. […] Et d’ailleurs n’y a-t-il pas plus d’écrivains qui payent pour être imprimés que d’auteurs qui payent pour être joués ? […] Le même chef-d’œuvre joué, interprété, peut devenir, pour le lettré, absolument lettre morte, et cela, en dépit des efforts des bons interprètes et de la valeur des toiles de fond. […] On joue beaucoup de pièces médiocres ?

96. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

et comment jouera-t-on les Danaïdes ? […] Pendant ce temps-là on joue la pièce. […] Les obscurités amoncelées autour de nous jouent avec notre âme. […] Et quel poëte jouait-on de préférence sur ces théâtres ? […] Tout le groupe des têtes blondes chante, rit et joue au soleil sous les arbres.

97. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Au milieu de ces revers, qui affectent si profondément l’honneur militaire et l’avenir de la monarchie, l’apathie de Louis XV est complète ; « Il n’y a pas d’exemple qu’on joue si gros jeu avec la même indifférence qu’on jouerait une partie de quadrille. » Le seul honneur de Bernis chargé de la partie politique, mais naturellement exclu des questions militaires, et qui n’a qu’un peu plus de faveur que les autres sans avoir plus d’autorité et d’influence aux heures décisives, est de comprendre le mal et d’en souffrir : « Sensible et, si j’ose le dire, sensé comme je suis, je meurs sur la roue, et mon martyre est inutile à l’État. » Il demande un gouvernement à tout prix, du nerf, de la suite, de la prévoyance : « Dieu veuille nous envoyer une volonté quelconque, ou quelqu’un qui en ait pour nous ! Je serai son valet de chambre, si l’on veut, et de bien bon cœur. » Bernis n’avait rien qui imposât au roi ni à Mme de Pompadour : celle-ci l’avait vu exactement dans la pauvreté ; elle l’en avait tiré ; elle le goûtait pour la douceur de son commerce et l’agrément de sa société, mais elle le considérait en tout temps comme sa créature ; le ministre était toujours pour elle ce petit abbé riant et fleuri qui venait à son lever le dimanche, et à qui elle tapait familièrement sur la joue en lui disant : « Bonjour, l’abbé !  […] Le point précis que Bernis avait cru pouvoir saisir pour rentrer dans la voie des négociations pacifiques, avant de plus grands revers qu’il prévoyait, était donc vers janvier et février 1758 ; il avait cru trouver je ne sais quel instant unique « que la sagesse lui montrait du bout du doigt », et qui fut manqué, il commençait cette année 1758 avec les plus noires prévisions, trop tôt justifiées : Nous allons jouer le plus gros jeu du monde. […] Il faut jouer le même rôle vis-à-vis de son frère, sans quoi tout est perdu ; on veut s’en aller et mettre tout en confusion. […] On ne peut avoir de l’honneur et jouer le rôle que je joue tous les mardis vis-à-vis les ministres étrangers.

98. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Adrienne jouait Pauline, et n’était pas trop mal secondée par ses camarades ; il y avait un Sévère qui se distinguait par la vérité de son jeu. […] Adrienne joua quelque temps encore dans l’enceinte du Temple, sous la protection du grand prieur de Vendôme ; puis on sait qu’elle reçut des leçons du comédien Le Grand, et on la perd de vue. […] Il semblait voir une princesse qui jouait la comédie pour son plaisir. Elle jouait aussi dans le comique proprement dit, mais avec moins d’étendue et de ressources, et elle n’y brillait que dans un petit nombre de rôles. […] On n’avait jamais si bien entendu l’art des scènes muettes, l’art de bien écouter et de jouer encore de toute sa personne et de son attitude expressive, tandis qu’un autre parlait.

99. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Sans trop insister sur ce point délicat et souvent obscur, il est à noter que pour bien jouer Marivaux, pour représenter tous ces rôles de femmes à la Marianne, si distingués, si délicats, si calculés, il n’est pas besoin d’une grande sensibilité de cœur, et que cette qualité serait peut-être nuisible. J’ai ouï dire que Mlle Mars elle-même avait peu de sensibilité proprement dite ; mais elle était née pour jouer du Marivaux avec cette ingénuité habile, avec cet art du naturel, avec cet organe charmant, enchanteur, et cette voix sonore à travers laquelle se dessinaient les moindres intentions comme les perles dans une eau limpide. […] Les pièces de Marivaux qui sont restées au répertoire et qu’on joue encore quelquefois : Le Jeu de l’amour et du hasard, son chef-d’œuvre ; Le Legs, La Surprise de l’amour, Les Fausses Confidences, L’Épreuve et d’autres encore, se ressemblent plus ou moins ou ne diffèrent que par des nuances déliées. […] Les Scapin, les Crispin, les Mascarille, sont assez ordinairement des gens de sac et de corde : chez Marivaux, les valets sont plus décents ; ils se rapprochent davantage de leurs maîtres ; ils en peuvent jouer au besoin le rôle sans trop d’invraisemblance ; ils ont des airs de petits-maîtres et des manières de porter l’habit sans que l’inconvenance saute aux yeux. […] La Double Inconstance est une de ses pièces qu’il préférait, et aussi l’une de celles où il a le mieux fait jouer tous les ressorts, à lui connus, de coquetterie, de rivalité piquée au jeu, de perfidie et de câlinerie féminine.

100. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

D’abord, elle est très intelligente, comprend ses rôles, les compose avec soin, et joue sans se ménager. […] Elle fait ce que nulle n’avait osé faire avant elle : elle joue avec tout son corps. […] La femme est sur la scène, mais ce n’est pas elle qui joue, c’est la comédienne. Au contraire, chez Mme Sarah Bernhardt, c’est la femme qui joue. […] Elle a donc merveilleusement joué Fédora.

101. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Quand on publiait une pièce jouée à l’impromptu, on écrivait ordinairement le dialogue, comme fit Fabritio di Fornaris pour L’Angelica. […] On voit par le titre même du recueil de Scala que les Gelosi jouaient à l’impromptu non seulement des comédies, mais encore des pastorales et des tragédies. […] La magie y jouait un grand rôle. […] Les acteurs peuvent donc jouer et circuler dans toutes les rues, se cacher, épier, écouter ou surprendre très naturellement des secrets et des mystères qui sont parfois impossibles à mettre en scène sur nos théâtres modernes. » Tel est en effet l’aspect général du théâtre figuré dans les comédies imprimées avec vignettes au seizième siècle, aspect non pas uniforme, cependant. […] Elle est fondée surtout sur un tour que joue le capitan, qui a lu une lettre que Pantalon envoyait à Venise, et dans laquelle il a vu le vrai nom de celui-ci et de sa fille.

102. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Elle les jouait. […] Mais malgré l’influence d’un tel homme, qui avait honte pour l’Allemagne de son absence de nationalité dramatique, malgré la tentative qu’on faisait de la création d’un théâtre, l’asservissement des Allemands aux idées françaises était si grand et presque si fatal, que les pièces qu’ils jouèrent à Hambourg furent presque toutes des pièces françaises, et quelles pièces ! […] Lui, le critique attitré du théâtre de Hambourg, prit acte des pièces qu’on y jouait pour les faire passer, elles et le système dramatique dont elles étaient l’expression, par les dents d’une herse si terrible et si profondément enfoncée, que, de ces pauvres pièces, il n’en resta plus que les lambeaux ! […] Il n’y a donc plus qu’à souhaiter des Shakespeare, et, comme il n’en pousse pas, jouer celui qu’on a sur quelque théâtre que ce puisse être, et qui sera toujours assez national, quand il sera shakespearien.

103. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Quoique M. de Lamartine rejette à bon droit ce rôle d’insulteur public qu’on a voulu lui faire jouer malgré lui, il ne veut pour personne, pas même pour une nation, s’abaisser au rôle de suppliant ou à celui d’adulateur : l’un lui messied autant que l’autre. […] Quand cette première toilette, qui annonçait un jour de fête, fut finie, elle s’assit à terre, sous le grand châtaignier, et roulant avec des éclats de rire mutuels son bel enfant nu sur le lit de feuilles, elle jouait avec lui comme une biche avec son faon nouveau-né. […] et comme Antonio en jouait alors qu’il avait les doigts agiles et le souffle fort ! […] — C’est vrai, dit l’aïeule, que le pauvre Hyeronimo en jouait encore mieux que mon mari et que son père ! Et celle-ci, ajouta-t-elle en montrant Fior d’Aliza, monsieur, elle en jouerait encore mieux que son mari si elle voulait ; mais depuis nos malheurs, elle n’a plus le cœur à rien qu’à penser à lui, à l’attendre, à le pleurer et à regarder son petit enfant pour retrouver Hyeronimo dans son visage.

104. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Nous ne sommes guère plus avancés, au total, qu’au temps où les marquis poudrés obstruaient le théâtre et où l’on jouait les Alceste et les Orphée en habits à rubans et en chapeaux à plumes. […] Quand la cour fut près du ruisseau, Tristan se mit à jouer du flageolet de tout son souffle. […] Nos meilleurs chanteurs sont ridiculement mauvais quand ils essayent la Walküre et Parsifal ; il faut qu’il y ait une école de diseurs lyriques : le drame musical ne peut pas être joué par les artistes éduqués pour chanter Bellini. […] Jouer Wagner en concert est un non-sens, une hérésie. […] On remarquera le choix des pièces jouées en concert ainsi que leur découpage et le titre qui leur est donné.

105. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Je prends à témoin de la vérité de mon récit tous les comédiens qui jouaient dans mes pièces et tous les auteurs mes confrères, qui n’agissaient pas autrement que moi. […] C’était presque toujours celle de l’école polytechnique qui jouait à croix ou pile le sort de nos pièces10. […] Tous mes confrères, et même les acteurs, vous attesteront de bonne foi que jamais pièce n’a été jouée au Théâtre-Français que selon leur bon plaisir. […] On fit d’abord quelques difficultés de le laisser jouer ; je triomphai de cet obstacle en en faisant une lecture chez le ministre en présence de M.  […] Autrefois, les comédiens n’auraient jamais eu le front de jouer un ouvrage sifflé aux dix premières représentations.

106. (1932) Le clavecin de Diderot

peut-être même ce maréchal qui a si bien mérité sa gloire romaine, ont joué, jouent ou joueront à Je t’encule et tu me suces. […] Les ouragans d’alors, aimaient, il est vrai, surtout jouer avec les chevelures. […] Aussi, malgré ses qualités félines, est-il non le chat qui joue avec la souris, mais la souris qui joue avec le chat pour que le chat la griffe, la tue, la mange. […] Orchestre, jouez-nous le tango des désirs. […] Mais regardez-les plutôt jouer les orchidées du désespoir.

107. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Il faut bien se l’avouer, le théâtre comique n’est une école de mœurs qu’en ce sens que, lorsqu’il est bon, il apprend comment elles sont faites, comment ici-bas cela se pratique et se joue. […] Le personnage du duc de Richelieu, si bien joué par Firmin, y a tous les honneurs. […] On s’en aperçoit bien, dans la scène du défi, à la surprise du duc, quand l’étrange proposition lui est faite de jouer sa vie sur un coup de dé. […] Faisons comme Richelieu dans cette partie de dés qu’il joue avec d’Aubigny ; ne nous souvenons que du coup que l’aventureux joueur a gagné.

108. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Encore leurs figures pourraient-elles être intéressantes malgré l’insignifiance du rôle qu’ils ont joué, si l’auteur pouvait marquer leurs traits avec une liberté entière. […] A sept ans, il jouait au soldat en latin ; à onze ans, il avait terminé sa rhétorique (au collège Sainte-Marie, de Bourges) et « maniait le latin comme sa propre langue ». […] Il va dans les bals, dans les mascarades, il joue, il « passe joyeusement son temps ». […] D’abord elle est dirigée tout entière en vue du premier rôle qu’il doit jouer, et cette idée lui a toujours été présente, en sorte que sa fierté même a pu être intéressée à se plier aux rudes programmes qu’on lui imposait. […] Sirot joue un bien autre rôle que Gassion.

109. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Un jour je jouais sur le piano à queue de mes cousines, les princesses Max. […] La chose n’aboutit pas, et la Société se contenta de manifester son wagnérisme en introduisant dans la revue du duc de Massa qu’elle fit jouer à l’Opéra-Comique, le Cœur de Paris, la Valkyrie personnifiée par Mlle Desclauzas. […] Leipzig est certainement aujourd’hui le théâtre d’Allemagne où l’on joue avec les plus d’ensemble les œuvres de Wagner. […] Au commencement de cette année, on ne connaissait pas la Walküre, qui est jouée dans les plus petits théâtres d’Allemagne. […] Nous avons à signaler encore Mesdames Moran-Olden et Andriessen qui ont tour à tour joué Brünnhilde.

110. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

— Monsieur, je vous l’accorde avec reconnaissance… Ainsi lui répond la marquise : pourtant le duc ne veut pas jouer le rôle d’Arnolphe ; il lui faut le consentement de la jeune fille, mais à la guerre comme à la guerre ! […] En mourant, le comte, qui a entendu autrefois, par hasard, en passant sous la fenêtre de l’atelier, une mélodie de Frantz, jouée au piano par Frédérique, a exprimé le vœu d’être enterré aux sons de sa musique, et le baron, qui se croit déjà légataire, vient acheter à l’artiste un Requiem. […] Arrache les fibres de ton cœur et les cordes de ta lyre… Et le misérable y consent ; bien plus, il chasse, avec le bâton ignare de Gorgibus, les musiciens que ce brave Spiegel, qui jouissait d’avance de sa surprise, avait engagés pour jouer sa symphonie, et il enlève des mains de son ami cette partition, chef-d’œuvre de sa pauvreté et de sa jeunesse, et il la déchire en mille pièces, et il piétine sur les lambeaux. […] La scène est belle, éloquente, indignée ; elle n’a qu’un tort, celui de s’être fait trop longtemps attendre, et de retenir le soufflet que Spiegel suspend un instant sur la joue du misérable, au moment où il ose, après tant de bassesses, offrir de l’argent à sa fiancée, pour l’indemniser de la trahison. […] Il aurait pu mettre sa maîtresse à la porte et jeter son ami par la fenêtre, mais il aurait fait imprimer sa partition en lettres d’or sur du velin vierge ; il aurait engagé un orchestre d’Amati et de Stradivarius, et, tous les jours, il se serait fait jouer sa symphonie pour lui tout seul, trônant, dans sa gloire, sous un dais de pourpre, un archet d’or à la main.

111. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Toutes ces grâces négligentes et un peu légères, qui auraient couru risque de s’émanciper trop tôt et de se jouer au hasard, vont se régler et s’accomplir ; elles reparaîtront bien à temps. […] À propos de ce rapprochement avec la Champmeslé, il faut se rappeler que Mme de Caylus joua Esther à Saint-Cyr, et qu’elle joua mieux que n’eût fait la célèbre comédienne. Elle n’avait pas été élevée à Saint-Cyr, elle était venue trop tôt pour cela ; mais elle en vit les commencements ; et, un jour que Racine récitait à Mme de Maintenondes scènes d’Esther qu’il était en train de composer pour cette maison, Mme de Caylus se mit à les déclamer si bien et d’une voix si touchante, que Racine supplia Mme de Maintenonde demander à sa nièce d’y jouer. Ce fut même pour elle qu’il composa le prologue de la Piété, par où elle débuta ; mais Mme de Caylus, une fois engagée, ne s’en tint pas à ce prologue, et elle joua successivement tous les personnages, surtout celui d’Esther. […] Soit en habit du matin, soit en habit de cour, ou en habit d’hiver, elle y paraît fine, mince, grande, noble, élégante et jolie ; d’une taille élevée et qui a tout à fait grand air ; une figure un peu ronde, une figure d’ange, et où la douceur s’allie à la malice, une bouche fine où la raillerie se joue aisément, de beaux yeux où éclatent l’agrément et l’esprit : en tout la grâce et la distinction même.

112. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Selon une très heureuse expression pittoresque, on aurait dit, à de certains jours, que ces centaines de statues et de figures qui peuplaient les portails et les vitraux des cathédrales descendaient de leurs niches et de leurs verrières pour jouer en personne leur histoire devant le peuple69. […] La cathédrale devant laquelle on joue peut être belle ; l’échafaudage, malgré les tentures et les magnificences d’un jour, n’est pas beau, — ni les masques non plus. […] Et d’abord une Introduction, qui ne devait pas être jouée, exposait en 1,500 vers la Création, la chute des Anges et celle de l’homme, le meurtre d’Abel et la mort d’Adam, c’est-à-dire les préliminaires et les antécédents du sujet. […] Le mystère de la Passion, joué à Valenciennes, se divisait en 25 journées ; un seul rôle, celui du Christ, pouvait contenir plus de 3,400 vers. […] Un jour, que les deux jeûnes gens jouaient ensemble aux échecs, Judas triche, une querelle s’engage ; Judas tue le fils du roi.

113. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Un professeur de grec joue au golf, très mal. […] Il avait le désir de se jouer lui-même, certain qu’ainsi il jouerait bien. […] Elle ne joue plus. […] Bocage dirigeait l’Odéon et y jouait. […] comme c’était joué par Berton père !)

114. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Molière joua devant lui Nicomède. […] Il semble qu’elle n’ait jamais été jouée à Paris. […] Il avait été joué en province. […] Molière n’osa pas la jouer sur son théâtre et se contenta de la lire dans les compagnies. […] Non ; par une farce jouée à des pecques par leurs amants dédaignés.

115. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Les acteurs qui jouent la petite scène, jouent avec un rideau derrière eux ; on ne sait pas où ils sont. […] Ils ont l’air de jouer une parade. […] Il fallait que le personnage d’Ulysse fût joué par Calchas. […] Fort bien joué. […] Comme tout comédien doit jouer une fois Tartuffe, toute comédienne doit jouer une fois Phèdre, quitte à n’y pas revenir.

116. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Monsieur y devait aller, peut-être même avec madame de Montespan. » Dans sa lettre du 2 septembre, après le retour de Maintenon, madame de Sévigné écrivait : « La faveur de madame de Maintenon est extrême. » Le 4, on apprend que « Quanto (madame de Montespan) n’a point été un jour à la comédie, ni joué deux jours ». […] L’on qui suit regarde le roi : « On (le roi) joue fort gaîment, quoique la belle garde sa chambre. » Le 30 septembre, madame de Sévigné écrit à sa fille : « Tout le monde croit que l’ami (le roi) n’a plus d’amour, et que Quanto (madame de Montespan) est embarrassée entre les conséquences qui suivraient le retour des faveurs, et le danger de n’en plus faire, crainte qu’on n’en cherche ailleurs. […] On ne joua pas en public.

117. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Les Confrères de la Passion avaient seuls le privilège de jouer les mystères. […] Les soties que jouaient les Enfants sans souci répondaient à un autre besoin d’où est née la comédie. […] En 1552, Jodelle, un des plus hardis de la Pléiade, faisait jouer dans un collège une Cléopâtre taillée sur le patron du théâtre grec. Le prologue de cette pièce accusait les Confrères de la Passion d’écrire et de jouer pour la populace en sabots. […] Mais, par suite d’un échange de prince à prince entre les deux confréries, les Enfants sans souci purent jouer les moralités, et les Clercs de la basoche les soties.

118. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

« Comme l’avide guerrier de Tarse, renversé de son cheval, se releva touché de repentir et ne désirant que la croix avec le Christ, ainsi Genest, au moment où il va se jouer du baptême, a reconnu son erreur véritable dans des eaux feintes. […] La pièce de ce dernier, Le Mort vivant, fut jouée à l’Hôtel de Bourgogne en avril 1662. […] Pour avoir joué cette dangereuse comédie, Mezzetin resta vingt ans en prison. […] S’il avait réellement, dans La Fausse Prude, occasionné par des allusions plus ou moins piquantes la suppression de la troupe à laquelle il appartenait, son humeur agressive joua plus d’un mauvais tour à cet acteur. Voici un trait de lui qui n’est que plaisant et spirituel : il appartient à la période de 1683 à 1697, où Mezzetin jouait à Paris ; il est ainsi raconté dans l’Histoire de l’ancien Théâtre italien : « Mezzetin avait dédié une pièce à M. le duc de Saint-Aignan, qui payait généreusement les dédicaces.

119. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Le vice moderne qui a fait le plus de mal peut-être dans ces derniers temps a été la phrase, la déclamation, les grands mots dont jouaient les uns, et que prenaient au sérieux les autres, que prenaient au sérieux tous les premiers ceux mêmes qui en jouaient. […] On a vu d’autres étrangers, Horace Walpole, l’abbé Galiani, le baron de Besenval, le prince de Ligne, posséder ou jouer l’esprit français à merveille ; mais pour Hamilton, c’est à un degré qui ne permet plus qu’on y distingue autre chose ; il est cet esprit même. […] L’espiègle Ariel se joue dans toute cette partie des Mémoires, et il se plaît souvent à embrouiller l’écheveau. […] Hamilton ne se joue, du moins plume en main, que sur des choses légères, et n’est moqueur qu’à demi-voix.

120. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Le roi dans les mains de Triboulet n’est qu’un pantin tout-puissant qui brise toutes les existences au milieu desquelles le bouffon le fait jouer. […] Hernani a été joué dans un orage, mais Hernani a eu cinquante — trois représentations. Marion de Lorme a été jouée dans un orage, mais Marion de Lorme a eu soixante et une représentations. Le Roi s’amuse a été joué dans un orage. […] La confiance de l’auteur dans le résultat de la lecture est telle, qu’il croit à peine nécessaire de faire remarquer que sa pièce est imprimée telle qu’il l’a faite, et non telle qu’on l’a jouée, c’est-à-dire qu’elle contient un assez grand nombre de détails que le livre imprimé comporte, et qu’il avait retranchés pour les susceptibilités de la scène.

121. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Lorsque Voltaire écrivait ces vers lestes et presque pirouettants : Quand sur la scène de ce monde Chaque homme a joué son rôlet, En partant, il est à la ronde Reconduit à coups de sifflet… il se moquait de nous, Voltaire. […] Il n’était nullement nécessaire de jouer de tant de flûtes qui ont joué faux. […] Cuvillier-Fleury, cette clarinette aveugle du pont des Arts, dans son discours funèbre, que Janin était mieux que le Prince de la Critique, mais qu’il en était le roi, — ce qui est un couac en critique comme en font les académiciens, quand ils veulent jouer, aux enterrements, de leurs vénérables clarinettes ! […] Les Nymphes latines ne l’y dévorèrent point… de caresses, et après une longue accointance elles nous le renvoyèrent, l’esprit troublé, latinisant toujours, ne voulant pas démordre de ce diable de latin, radotant du latin, comme Panurge, dans ce français qu’il parlait si bien et qui suffisait à sa gloire… C’est là le seul échec de la partie qu’il joua contre la vie, cette horrible joueuse qui nous triche !

122. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

C’est un rude drame que celui où le peuple joue le tyran. […] Talma, qui avait si bien joué Farhan, jouait Polynice dans Œdipe à Colone, un peu moins bien d’abord, ce semble ; mais Ducis, s’approchant de lui après la première représentation et lui écartant de la main les cheveux qui lui couvraient le front, lui avait dit : « Courage ! […] une existence douce, aimable, à ses foyers ; une grâce simple dans les manières, quelquefois une espèce d’enfance qui joue sérieusement : et tout à coup ensuite sur la scène une existence immense, extraordinaire, terrible, avec une figure grecque et pure et les fureurs d’un lion réveillé. […] C’est me rendre mon rôle facile à jouer, si j’étais homme à en jouer un. […] Il nous a annoncé qu’on répétait la pièce qu’il nous avait lue à Essonne, et qu’on la jouerait avant un mois.

123. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 389

Cette Piece fut jouée pour la premiere fois, en 1684, sur le Théatre de Guénégaud, & eut huit représentations. […] Il est aisé de juger par-là, que beaucoup de Pieces qu’on ne joue plus obtiendroient des applaudissemens, plus encore aujourd’hui, où la disette fait tout accueillir.

124. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Celui-ci a bien pu lui jouer plus d’un tour sur certains points. […] On dansait aux sons des violons, on jouait, on buvait, on chantait. […] Ces filles jouaient de toute sorte d’instruments et chantaient comme des anges. […] Le soir, il fréquentait certain café où il jouait aux échecs jusqu’à onze heures. […] Le poète ne rêvait sans doute qu’au rôle promis, et l’actrice brûlait de le jouer.

125. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

» Samedi 24 mai Le jour où nos destinées se jouent dans Versailles, j’y suis, mais j’y suis pour acheter des azalées et des rhododendrons. […] Cependant l’intérêt du drame, qui se joue dans ce palais m’attire et me fait vaguer dans les rues avoisinantes. […] Il lui disait : « Moi, il n’y a plus qu’une chose qui m’intéresse, c’est de jouer avec mes petits-enfants, tout le reste ne m’est plus de rien. […] Et toujours à la suite de cela, le refrain : « Moi, jouer avec mes petits-enfants, c’est tout ce que je demande. » En se levant, La Rochelle, mis à l’aise par la débonnarité du grand homme, lui demandait si Dumaine ne pourrait pas jouer, deux ou trois fois, dans je ne sais quelle pièce : « Voyez-vous, répondait Hugo, à ce que vous demandez, je vais vous dire qu’il y a deux Hugo : le Hugo de maintenant, un vieil imbécile, prêt à tout laisser faire, et puis il y a le Hugo d’autrefois, un jeune homme plein d’autorité — et il appuya lentement sur cette phrase. — Cet Hugo-là vous aurait refusé net, il aurait voulu la virginité de Dumaine pour sa pièce. » Et le ton sec et autoritaire, dont le second Hugo dit cela, doit faire comprendre à La Rochelle qu’il n’y a au fond qu’un seul Hugo, celui du passé et du présent. […] Cette Italie qu’il croyait, après sa rénovation, reprendre un élan, et redevenir quelque peu l’Italie du xvie  siècle, il constate tristement qu’elle imite maintenant les États-Unis, et est obligé de déclarer que les vrais et désintéressés savants qu’elle possède encore, sont des savants de la vieille génération : « On sait très bien, dit-il, comment se fait une vocation, c’est par l’action sur l’imagination des enfants, des jeunes gens, du rôle que joue dans les conversations autour d’eux, un individu de leur famille ou de leur connaissance.

126. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Ses meilleures pièces ont dix vers, et les deux derniers sont toujours le dernier soupir de l’homme qui expire… Il ne sait pas jouer des airs longs. […] Brizeux n’a pas la flûte de cristal d’André Chénier ; il n’a qu’un biniou ; mais qu’importe l’humilité de l’instrument, quand celui qui joue est un maître ! […] celui d’une fleur des landes jusque-là irrespirée et celui de l’adolescence sur une joue que le premier amour venait de mouiller de sa première larme. […] C’est toujours le même biniou qui joue juste et quelquefois mélodieux, pour peu qu’il ne joue pas longtemps, car Brizeux a l’haleine courte, comme Virgile : seulement, Virgile l’avait aussi longue que pure dans ses vers. […] c’est cet air-là que Brizeux ne joue jamais sur sa cornemuse de Breton.

127. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Il est fort question depuis quelque temps des comédies qu’on ne joue pas, et même de celles qu’on joue à peine. […] Il considère son sujet en plein, sans tant de façon, rondement ; il voit ce qu’il en peut faire avec esprit, avec verve, avec bon sens à travers ; son parti pris, il va ; il s’agit, avant tout, que son feuilleton ait vie, qu’il se meuve, qu’il amuse ; son feuilleton, c’est sa pièce à lui, il faut qu’elle réussisse ; il ne l’écrit pas ce feuilleton, il le joue.

128. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Un jour, la petite Hélène y jouait le rôle d’Esther avec cent mille écus de diamants sur son manteau. […] Elles ont, par un soupirail, des conversations avec un marmiton d’un hôtel voisin, qui leur joue de la flûte et qui les appelle par leurs noms : « Hé ! […] Tandis qu’elles dansent, jouent de la harpe, se marient à douze ans ou prennent le voile à dix-huit, et qu’elles se disposent, par leurs plaisirs comme par leurs sacrifices, à soutenir la gloire de leurs maisons, peut-être que dans la rue, sous les longs murs du noble couvent, passe le petit robin qui leur fera couper la tête.

129. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

I Pendant que la comédie s’en va mourant sur tous les théâtres de l’Europe, pendant que toutes les pièces qu’on y joue ressemblent — tant elles se copient les unes les autres — au gant retourné de l’escamoteur qui a la prétention de faire des tours différents toujours avec le même gant, il se publie parfois, trop rarement, il est vrai, avec un sang-froid et un sérieux imperturbable, des livres d’un comique profond et achevé qui ne sont plus de la comédie de convention, mais de la bonne et brave comédie de nature humaine. […] — dans laquelle Baschet joue admirablement son rôle de mamamouchi diplomatico-littéraire, et parce qu’il ne joue pas de rôle, qu’il est naïf et convaincu !

130. (1903) Propos de théâtre. Première série

Il y avait longtemps que je n’avais vu jouer Polyeucte. […] Mounet-Sully jouait assez souvent Polyeucte. […] Mme Dudlay a joué fort correctement le rôle de Pauline. […] Othello pourra être joué après M.  […] Mounet nous aura quittés, qui jouera Œdipe, qui jouera Polyeucte ?

131. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] On continua d’y jouer quelquefois les belles tragédies faites pour la maison, mais on les joua entre soi, sans témoin du dehors et sans qu’aucun homme (fût-il un saint) y assistât. […] Elle a fait faire Esther, elle l’a fait jouer, et s’en est un peu repentie. […] » Ainsi, pendant que j’approchais de la maison, ainsi bruissaient les arbres du chemin dont le feuillage jouait au gré du vent de la montagne.

132. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Elle est très occupée de ses ouvriers, et va à Saint-Cloud où elle joue au Hoca. » Ce jeu de hasard était devenu en vogue après la bassette. […] Monsieur la voit souvent ; elle va à Saint-Cloud jouer à l’hombre… La reine alla hier faire collation à Trianon. […] La seule différence, c’est qu’on joue dans ces grands appartements que vous connaissez. » (Cette différence était fort grande pour les relations d’intimité.) […] On y joue tour à tour : on y mange : il y a des concerts tous les soirs. […] Quanto joue en robe de chambre avec la dame du château (avec la reine) qui se trouve trop heureuse d’être reçue, et qui souvent est chassée par un coup d’œil qu’on fait à la femme de chambre » (à la darne d’honneur, madame de Richelieu).

133. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Après avoir joué le personnage le plus considérable dans la littérature, il y joua le rôle le plus ridicule. […] Cette parodie ou farce fut jouée en plusieurs endroits. […] Boileau para le coup, fit arrêter la pièce, & défendre aux comédiens de la jouer. […] Pour comble d’infortune, cet abbé, poëte & prédicateur, déplut à Molière, qui le joua dans les Femmes sçavantes sous le nom de Trissotin.

134. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Le caractère qui distingue plus particulièrement cet admirable fragment de critique contemporaine, c’est une bonhomie qui n’a rien de joué. […] car enfin ce n’est pas la pièce jouée aux Variétés, mais le jugement contradictoire de ces messieurs qui représente pour moi les Antipodes ! […] Il faut qu’on ait jeté un sort à cet homme d’esprit, dont le style jouait du poignard avec tant de grâce. […] Delord vit jouer l’opéra de Maître Wolfram et en rendit compte quarante-huit heures avant la représentation. […] Il y a bien des manières, avant d’arriver à la bonne, de comprendre et de jouer Marivaux : madame Plessy est assez jeune pour les essayer toutes avant de se fixer.

135. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Jouer n’est pas un caractère ; la preuve c’est qu’on s’en corrige : le joueur cesse de jouer. […] Le Joueur de Regnard n’est qu’un de ces jeunes étourdis qui jouent par imitation et que l’âge corrige. […] La première fois qu’on joua le Méchant, Cléon ne parut qu’un homme comme tout le monde. […] Ils savent qu’ils jouent la comédie. […] Oser faire deux pièces avec les mêmes personnages, et y réussir, c’était jouer de bonheur.

136. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Bientôt, aux répétitions partielles succèdent les répétitions d’ensemble, où tous les accessoires jouent le rôle qui leur est assigné. […] Mais bien mieux, pendant qu’à la Comédie-Française on joue le Misanthrope en manteaux courts, on continue à le jouer à l’Odéon en habits carrés. […] Aujourd’hui, toute tragédie est jouée avec des costumes qui sont censés reproduire ceux de l’époque à laquelle se passe l’action. […] Avec un costume mieux approprié à la situation, l’actrice jouera plus facilement son rôle et le jouera mieux. […] sans renoncer à cette puissance du pittoresque que le décorateur continuera à exercer directement sur les spectateurs et qui est en effet sa destination, la mise en scène peut-elle prétendre jouer sur le théâtre le rôle que la nature joue dans notre vie actuelle ?

137. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

J’y jouais de la flûte, porté par un domestique, afin que je pusse lire plus facilement la musique. […] Cependant mon père m’écrivait des lettres à me fendre le cœur ; il me priait de retourner auprès de lui, et me recommandait surtout de ne pas négliger de jouer de la flûte, talent qu’il m’avait donné avec tant de peine. […] Je crus être en paradis cette année entière que je passai à Pise, où il ne me vint jamais en fantaisie d’en jouer une seule fois. […] Pour faire épanouir sa charmante figure un peu mélancolique, je jouais souvent de la flûte. […] Leur père, qui, je crois, aurait voulu me faire son gendre, me menait souvent avec eux à sa campagne, où, pour les amuser, je jouais de la flûte plus que je ne faisais auparavant.

138. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Mais il ne tint pas à l’épreuve, et dès le lendemain sa vocation l’emportait : il faisait une comédie en un acte et en vers qui réussissait au boulevard ; il arrangeait en opéra-comique le Médecin malgré lui de Molière, dont son père faisait la musique, et qu’on jouait à Feydeau en 1791. […] On m’a fait chanter et jouer du piano, je ne me suis pas fait prier. […] Une couple de fois, il parut vouloir tenter une scène plus haute : en 1806, il donna seul le Mari intrigué, comédie en trois actes et en vers, très-faible, qui fut jouée au théâtre de l’Impératrice, autrement dit théâtre Louvois ; en 1820, il atteignit aux cinq actes, également en vers, et fit jouer à l’Odéon, une comédie, l’Homme aux précautions, dont je n’ai rien absolument à dire. […] Dans les pièces de jeunes gens qu’il faisait jouer, combien de fois il lui arriva de jeter des couplets sans s’en vanter, quelques grains de son sel !  […] ii) que c’était le rôle d’Arlequin cadet, joué d’ordinaire par Monrose, dans l’Un après l’Autre (théâtre Montansier, 1804).

139. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Diderot, les en faisant descendre, n’a pas compris ce qu’il y avait de piquant dans le rapprochement de ceux qui jouaient et de ceux qu’on jouait. […] Elle préfère porter son argent à des divertissements moins chers, plus amusants, plus nouveaux, en tout cas, dont la répétition garde quelque attrait : le cirque, le concert, le bal, les arènes, c’est-à-dire le spectacle — par opposition au théâtre où l’on ne joue que des œuvres dramatiques représentées par des comédiens — le spectacle, avec toute la variété d’attractions que son cadre énorme peut enclore. […] Cela étant, on entrevoit, non une salle de spectacle, mais un cénacle où des œuvres littéraires seraient lues ou jouées devant un groupe d’élite. […] Dans l’académie que je rêve, des artistes désintéressés, réfléchissant la conception de la vie et du monde, spéciale à ce petit groupe, ne ressasseront pas, comme les optimistes conventionnels, le tragique du malheur national et le comique du malheur matrimonial, mais traduiront, en des œuvres écrites bien que jouées, la résignation (dans la vie active) et l’ironie (dans la vie spectative), qui, parmi l’universel déterminisme, sont les seules postures d’esprit non ridicules. […] Ce n’est pas leurs succès qui nous rassurent : leurs meilleures œuvres furent mal reçues : Les Corbeaux, si supérieurs à La Parisienne qu’on affecte de seule connaître, subirent un accueil moins que médiocre ; fut jouée trois fois.

140. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Diderot, les en faisant descendre, n’a pas compris ce qu’il y avait de piquant dans le rapprochement de ceux qui jouaient et de ceux qu’on jouait. […] Elle préfère porter son argent à des divertissements moins chers, plus amusants, plus nouveaux, en tout cas, dont la répétition garde quelque attrait : le cirque, le concert, le bal, les arènes, c’est-à-dire le spectacle — par opposition au théâtre où l’on ne joue que des œuvres dramatiques représentées par des comédiens — le spectacle, avec toute la variété d’attractions que son cadre énorme peut enclore. […] Cela étant, on entrevoit, non une salle de spectacle, mais un cénacle où des œuvres littéraires seraient lues ou jouées devant un groupe d’élite. […] Dans l’académie que je rêve, des artistes désintéressés, réfléchissant la conception de la vie et du monde, spéciale à ce groupe, ne ressasseront pas, comme les optimistes conventionnels, le tragique du malheur national et le comique du malheur matrimonial, mais traduiront, en des œuvres écrites bien que jouées, la résignation (dans la vie active) et l’ironie (dans la vie spectative), qui, parmi l’universel déterminisme, sont les seules postures d’esprit non ridicules. […] Ce ne sont pas leurs succès qui nous rassurent : leurs meilleures œuvres furent mal reçues ; les Corbeaux, si supérieurs à la Parisienne qu’on affecte de seule connaître, subirent un accueil moins que médiocre ; Grand’mère fut jouée trois fois.

141. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) L’œuvre la plus importante que joua la nouvelle troupe italienne pendant son séjour en France, fut la fameuse comédie intitulée Il Convitato di pietra (le Convié de pierre), qu’elle représenta en 1657. […] Il n’est pas probable toutefois que cette pièce fut récitée au Petit-Bourbon ; elle dut servir simplement de canevas à ces acteurs qui jouaient d’habitude à l’impromptu. […] On verra plus loin comment Dominique Biancolelli, engagé dans la troupe pour l’emploi de second zanni sous le nom d’Arlequin, doubla Trivelin de 1662 à 1671 et joua ensuite les premiers rôles jusqu’en 1688. […] Arlequin donne un soufflet à un autre serviteur qu’il croit coupable du tour qu’on vient de lui jouer.

142. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Un drame indistinct dont les péripéties étaient le combat des éléments déchaînés, dont le dénouement, tour à tour serein et terrible, était la croissance et l’abréviation du jour, la défaite hivernale de la nature et sa revanche printanière, se jouait confusément devant lui. […] Le drame avait beau s’élever et se purifier, s’assombrir et s’attendrir, se vouer aux calamités et aux deuils, ils s’obstinaient à y jouer leur rôle, à jeter leurs quolibets bouffons et obscènes sur ses nobles plaintes. […] Mais ces vieux Démons étant en somme vénérables, il fonda pour eux le Drame Satyrique qu’on jouait à la suite de la trilogie. […] La scène est déblayée, le prologue est joué, les précurseurs ont fini leur tache.

143. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Trousseau à propos du malade nommé Paquet, que nous avons cité plus haut) de faire le geste d’un homme qui joue de la clarinette : il fit celui d’un homme qui bat du tambour. Je lui montrai alors comment on joue de la clarinette ; et il imita mon geste après d’assez maladroites tentatives. Je l’invitai aussitôt après à battre du tambour, et il fit, après avoir hésité un instant, le geste d’un homme qui joue de la clarinette. […] Dans ce cas, la mécanique mnémonique était restée saine sur un point particulier, et il suffisait d’y toucher pour la faire jouer.

144. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

, Lola Montès, qui n’était pas Cosaque, a joué dans son temps de la cravache (c’était là sa spécialité) avec une exubérance qui divertissait toute l’Europe, et la dame cosaque en est beaucoup plus sobre. […] Ils ont été une raison de plus pour se jeter à cet homme, qui, à lui seul, vaut un orchestre et qui joue de la réputation des femmes, comme de ses pianos qu’il éreinte ! Elle a voulu qu’il jouât sur la sienne un de ses plus retentissants morceaux. […] pour une femme qui joue à l’Alfieri, dans la première partie de son livre ; pour une Amazone de cette force, ceci est mesquin… de stoïcisme et même de vengeance ; mais c’est que faire du bruit, pour elle, vaut beaucoup mieux que de se venger !

145. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Par les allusions, par l’allégorie, par la guerre au temps présent, par ce bon Merlin qui joue à l’écho avec ce bon Pantagruel, M.  […] Les personnages nécessaires et importants de ce long récit ne seraient pas nombreux, si, dans cette mêlée historique et panthéistique, tous les êtres ne devenaient pas personnages ; si tous les peuples de la terre, les oiseaux des airs, les fleurs des champs, ne parlaient pas et ne jouaient pas leur bout de rôle, au gré du poète. […] C’est aussi une enluminure, une vieille carte à jouer, et qui a été beaucoup jouée, comme le roi de trèfle ou de pique.

146. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

… Ce drame sera expressément écrit pour la Comédie-Française, et le rôle du Pape sera joué par M.  […] celui-là se recueille si longtemps entre deux livres qu’il nous jouera peut-être le mauvais tour de changer dans l’intervalle. […] Dupuis et Mme Judic continueront de jouer les Judics et les Dupuis.

147. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Et puisque toutes ces comédies se ressemblent, pourquoi en jouer plus d’une ? […] Leitner ne jouera pas la tragédie, voilà tout. Il n’est jamais nécessaire de jouer la tragédie. […] À vrai dire, la scène doit être facile à jouer. […] joue, joue, joue plus fort !)

148. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VI » pp. 22-24

Bref, c’est un tour que Méry leur a joué : impatienté d’entendre louer la pièce, il a dit : Je vais leur en faire ; et en provençal improvisateur, il a broché ce pastiche que nos connaisseurs ont pris au sérieux et ont gobé sans une arête. […] Je viens de lire le fragment cité par le Globe : cela joue l’antique, mais à faux.

149. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIX » pp. 164-165

Mirecour, Marius, Joannis, Micheau, Robert, Leroux, Laba, Riché, de la complaisance qu’ils ont mise à jouer des rôles si au-dessous de leur talent, de leur verve et de leur distinction. Pourquoi n’est-il pas possible de n’écrire une pièce qu’après l’avoir fait jouer par les grands artistes que j’ai nommés ?

150. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

Mystères : terme consacré aux farces pieuses jouées autrefois sur nos théâtres ; en voici l’origine. […] Telle est l’origine de notre théâtre, où les acteurs qu’on nommait Confrères de la Passion, commencèrent à jouer leurs pièces dévotes en 1402.

151. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Jouer du Wagner, ce n’est pas seulement donner aux Wagnéristes des jouissances, aux entreteneurs d’opéra des colères ; c’est fonder dans notre pays une nouvelle école d’art. […] Hans de Biilow joue « exactement mais froidement » Beethoven ; M.  […] Un drame lu paraîtra, aux âmes délicates, plus vivant que le même drame joué, sur un théâtre, par des acteurs vivants. […] William Stott, a figuré une jeune fille qui joue d’un violon ; c’est moins achevé encore que le tableau de M.  […] Les plus grands succès de Richter furent atteints en 1882, quand une société allemande sous sa direction joua tous les drames de Wagner à Drury-Lane.

152. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Ces jours-là, on se lit les ouvrages nouveaux, on les joue, on joue la comédie, la tragédie, la farce, et jusqu’aux marionnettes ; Voltaire donne la lanterne magique. Quand on s’y met une fois, ce n’est pas pour peu : « Nous avons compté hier au soir, écrit Mme de Graffigny, que, dans les vingt-quatre heures, nous avons répété et joué trente-trois actes, tant tragédies, opéras, que comédies. » C’étaient des excès après un carême : « C’est le diable, oui le diable, que la vie que nous menons. » Dans ces grands jours et durant ces semaines dramatiques et féeriques, Voltaire est à l’état de pur génie. […] Souvent même il quittait le cercle pour aller jouer au volant en soutane avec Minette, grande et belle fille de vingt-deux à vingt-trois ans, la petite-nièce de Mme de Graffigny, et qui devint Mme Helvétius. […] Elle fut jouée : le public mourut d’ennui, et l’auteur de chagrin. » Voilà bien de l’esprit hors de propos.

153. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Il joue ses vers, il les dit et il les articule aussi bien qu’il les chante. […] Quand il dit ses vers ou qu’il les chante, avec cette voix stridente qui semble ne plus sortir d’entrailles humaines, il a ce que Voltaire exigeait qu’on eût quand on jouait la tragédie : il a, positivement, le diable au corps. […] Rollinat n’a rien dans le monde de l’air macabre de Paganini ni de la chevelure de Liszt, qui semblait, Samson musical, jouer du piano avec ses cheveux. […] Le serpent charmeur des soirées de Paris n’était plus pour eux qu’un clown déhanché qui, la sébile aux pieds, jouait l’épileptique de grand chemin. […] C’était aussi bête que de lui reprocher d’avoir des cheveux noirs… Si Shakespeare, que ces imbéciles admirent par lâcheté de tradition, donnait aujourd’hui son Hamlet, le plus beau de ses drames, ils diraient de la scène du cimetière où Hamlet, de ses mains de prince, joue au bilboquet avec des têtes de mort fraîchement déterrées, ce qu’ils disent des peintures horribles et sépulcrales de l’auteur des Névroses ; car Hamlet et M. 

154. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Ainsi, pour la série des Coulisses, l’idée mère, c’est un contraste perpétuel entre ce qui se joue à haute voix devant le public et ce qui se dit de près au même moment entre acteurs, — comme quand Talma, par exemple, en pleine tragédie de Manlius, embrassé avec transport par son ami Servilius, lui disait à l’oreille : « Prenez garde de m’ôter mon rouge. » — Ainsi pour la série des Musiciens comiques ou des Physionomies de chanteurs, c’est le contraste et la disparate entre les paroles du chant ou la nature de l’instrument et la taille ou la mine du musicien, du chanteur ou de la cantatrice (une grosse femme chantant langoureusement : Si fêtais la brise du soir !). […] » Tout le roman s’est révélé, et juste à son heure, à ce moment plus que hasardé où l’on fait pour la première fois le pas décisif. — • Ainsi encore, dans les Enfants terribles : on est dans un jardin public ; une jeune femme dans le fond dont on ne voit pas le visage, mais qui a un air des plus convenables, est occupée à lire ; sa petite fille joue près d’elle ; un monsieur qui a lorgné la mère demande à la petite, en la prenant entre ses genoux et en y mettant toutes sortes de façons : « Petit amour, comment s’appelle Madame votre maman ?  […] On jouait aux maximes autour du fauteuil de Mme de Sablé, dans le même temps que La Rochefoucauld, de son côté, faisait les siennes : on pourrait de même jouer aux légendes, le soir, autour de la table où Gavarni dessine ses figures non encore baptisées, et pendant qu’elles se succèdent de quart d’heure en quart d’heure sous sa plume rapide. […] fait le marchand, le bonheur ne joue pas, il calcule. » Le moine vient à son tour : — « L’heureux croit, mes frères, la beauté prie. » Mais tout à coup : — « Malédiction !  […] voici la définition d’un bal : « Un bal, c’est une corbeille de rubans et de gazes, confusément pleine de fleurs fraîches, de fleurs fanées et de fleurs artificielles, parmi lesquelles, à la lumière des bougies, se joue un essaim de papillons noirs. » Il y a là toute une aquarelle vivante, claire, légère, comme il les sait faire, et tachetée de noir par places avec caprice et agrément.

155. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Quelle que soit la fantaisie qui se joue dans l’invention de cette société d’animaux, et quand elle n’aurait été créée que pour fournir un divertissement sans fatigue et sans amertume par le spectacle d’une agitation sans conséquence et sans gravité, il n’en serait pas moins vrai que le monde où luttent Renart et Ysengrin s’est organisé à la ressemblance de celui que connaissaient narrateurs et auditeurs. […] Ailleurs Ysengrin joue aux échecs avec Renart : et ils jouent de l’argent ! […] L’Église n’est pas plus ménagée, ni la religion : Bernart l’âne est archiprêtre ; Primaut le loup, ivre du vin que Renart lui a fait boire, revêt l’étole, sonne les saints, et chante l’office à tue-tête devant l’autel ; Rosnel le mâtin joue le corps saint sur lequel on doit jurer, et machine un miracle, en promet faut de ressusciter au bon moment pour happer le parjure. […] Mais ils ne s’en veulent pas : ils jouent un jeu, où l’un perd et l’autre gagne, et celui qui perd, honteux ou furieux, songe à prendre sa revanche plutôt qu’à venger la morale. […] Nous apprenons comment se jouait une partie de dés au xiiie  siècle, de quels cris de joie ou de colère les joueurs saluaient le point qu’ils amenaient, et que le perdant jurait par le corps de Dieu ou des saints.

156. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Rien n’est piquant pour un instant comme de se reporter à ses premiers vers, aux éditions de ses premiers chants qui ont pour vignette une harpe, quand on vient de relire tout fraîchement les jolis feuilletons dans lesquels se joue, en un sens si différent, un talent également sûr, une plume ferme et fine, une de celles vraiment qui font le mieux les armes. […] Et en général recueil, le malheur de Mme de Girardin comme écrivain, ça été qu’une organisation aussi forte, qui semble même puissante par accès, et qui, dans tous les cas, est si pleine de ressources, s’est jouée toujours dans un cercle artificiel et factice duquel, plume en main, ou lyre en main, elle n’est point sortie. […] Jouée pour la première fois au Théâtre-Français, le 13 novembre 1847, cette tragédie eut quelques soirs de succès, j’étais à cette première représentation, et j’en jouis encore, ainsi que de toute cette salle brillante, de cette foule d’élite, de cette jeunesse élégante et empressée à un triomphe que personne n’avait le mauvais goût de contester. […] Il y a de très grandes dames qui sont nées actrices, et qui cependant n’ont jamais joué la comédie. » Et elle développe cette idée dans toutes ses variétés et ses bizarreries de contrastes que vous voyez d’ici. […] Elle joue franc jeu, et son esprit y va de bon cœur.

157. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

On y rencontre en première ligne un bel esprit, une manière de poète, et surtout un homme très gai, très divertissant, le second tome de Voiture, mais plus intéressé, Sarasin, qui tient la place de favori, et avec qui il faut jouer serré. […] Elle jouait de lui, en un mot, et s’en jouait. […] Comme ils étaient prêts de jouer à la ville, M. le prince de Conti, un peu piqué d’honneur par ma manière d’agir et pressé par Sarasin, que j’avais intéressé à me servir, accorda qu’ils viendraient jouer une fois sur le théâtre de La Grange. […] Dans le peu de temps que je fus dehors, sa philosophie opéra si bien et eut tant de pouvoir sur elle pour lui faire supporter son malheur, que je la trouvai qui jouait avec son hôtesse.

158. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Ces premières années de séjour en Suisse sont marquées par beaucoup de joie, de gaieté ; Voltaire sent qu’il est redevenu libre ; il se mêle à la vie du pays, et y fait accepter la sienne ; il fait jouer chez lui la comédie, la tragédie, et trouve sous sa main des acteurs de société, et point du tout mauvais, pour les principaux rôles de ses pièces. […] Nous avons Tourney pour jouer la comédie, et les Délices sont la troisième corde à notre arc. […] Je ruine l’un, je fais l’aumône à l’autre. » Et encore : « Mes curés reçoivent mes ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. » Une furieuse tempête s’élève à Paris contre les encyclopédistes ; d’Alembert quitte décidément l’entreprise ; Palissot va mettre sur la scène les philosophes ; mais Voltaire qui, dès son entrée en possession, a fait bâtir un petit théâtre à Tourney, et qui y fait jouer la comédie pour narguer Genève et Rousseau, s’écrie dans son exaltation et son triomphe : « Si quelqu’un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières, et s’il me dit : Que fais-tu là, maraud ? […] Voltaire fait jouer toutes ses machines ; on essaie, en son nom, de ralentir et d’intimider le docte Foncemagne, qui pousse le président. […] Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai dans l’occasion. » Quand on joue ainsi de bonne heure et si gaiement avec le mensonge, il nous devient un instrument trop facile dans toutes nos passions ; la calomnie n’est qu’un mensonge de plus ; c’est une arme qui tente ; tout menteur l’a dans le fourreau, et on ne résiste pas à s’en servir, surtout quand l’ennemi n’en saura rien.

159. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

De là vous appercevrez à quelque distance un berger assis qui jouera d’une mandoline à long manche ; ce berger est court, gros, lourd, vêtu d’une étoffe toute bariolée. […] Il vint avec le temps une seconde horde d’oisifs de Passy qui dirent aux agriculteurs de Chaillot : vos travaux sont pénibles, nous savons jouer de la flûte et danser, donnez-nous quelque chose, et nous vous amuserons ; vos journées vous en paraîtront moins longues et moins dures. […] Ils regardent l’un et l’autre vers le même côté, ils semblent écouter et ils écoutent en effet un jeune musicien qui joue à quelque distance d’une espèce de mandoline. […] Faites-y attention, et vous prononcerez qu’un caractère de tête fier, noble, pathétique et terrible, ne va point sous votre perruque ou votre chapeau ; vous ne pouvez être que de petits furibonds, vous ne pouvez que jouer la gravité, la majesté. […] Ce tableau fait rire ; c’est en grand une assemblée de médecins et d’apothicaires, dignes du théâtre lorsqu’on y joue le médecin malgré lui.

160. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Dans La Supplica, dont nous parlerons plus loin, il invoque, en témoignage du zèle qu’il déploya dans son service, son capitaine l’illustre duc-cardinal de La Valette ; il est évidemment tout glorieux d’avoir joué ce rôle guerrier. […] Il fit jouer à l’impromptu une pièce dont plus tard il se donna la peine de développer le dialogue ( ho preso questa fatica di spiegarlo ) et qu’il fit imprimer à Turin en 1629 et à Venise en 1630. […] C’est exactement l’expression métaphorique qu’emploie Trufaldin à la scène iv du premier acte de L’Étourdi : Et vous, filous fieffés, ou je me trompe fort, Mettez, pour me jouer, vos flûtes mieux d’accord.

161. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Il joua Socrate en plein théâtre. […] Il vouloit que la scène fût un remède aux délires de l’esprit humain ; qu’on ne s’armât point de rigueur contre les fanatiques, de quelque espèce qu’ils fussent ; mais qu’on les jouât sur tous les théâtres, même à la Foire & aux Marionettes ; & que, ces jours-là, on donnât gratis la comédie. […] Sans parler des exemples tous récens, & principalement de la comédie des Philosophes & de celle de l’Ecossoise, Moliere a joué l’hôtel de Rambouillet, Ménage & l’abbé Cotin, l’un sous le nom de Vadius, l’autre sous celui de Tricotin, changé depuis en Trissotin.

162. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Nous venons de voir que par rapport à l’exécution, la musique se divisoit en trois arts, l’art de jouer des instrumens, l’art du chant et l’art du geste. On devine bien quelles leçons pouvoient donner et la musique organique, qui enseignoit à jouer des instrumens, et la musique qui se nommoit l’art du chant. […] Nous venons de voir qu’Aristides Quintilianus comptoit six arts musicaux, sçavoir, l’art rithmique, l’art de composer la melopée, l’art poetique, l’art de jouer des instrumens, l’art du chant et l’art du geste ; mais nous reduirons ici ces six arts à quatre, en ne comptant l’art poetique, l’art de composer la melopée et l’art du chant que pour un seul et même art.

163. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Tantôt son œil se rouvrait avec la flamme du jeune aigle, et ce regard humide et enivré jouait dans le soleil, dont quelque rayon, à travers le bleu des franges, le poursuivait obstinément. […] L’idée de M. de Chateaubriand, écrivant ses Mémoires, a été de se peindre sans descendre jusqu’à la confession, mais en se dépouillant d’une sorte de convenu inévitable qu’imposent les grands rôles joués sur la scène du monde ; c’est une des raisons qui le portent à n’en vouloir la publication qu’après lui. […] comme il bénirait ce fils dont il a contristé la jeunesse, et verserait sur lui une de ces rares larmes que sa joue sèche avait si vite dévorées !  […] Mais non ; vous avez joué, enfant, avec le poëte, vous l’avez poussé aux combats de pierre avec les autres enfants de la plage, vous l’avez enhardi sur les pentes glissantes des rochers ; il vous suivait comme une bannière, et votre charme héroïque l’enchaînait déjà. […] Mais dans les pages dont nous parlons, cette veine heureuse circule et joue au naturel ; elle fertilise dans le talent de M. de Chateaubriand des portions encore inconnues.

164. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXX » pp. 126-128

— Ce n’en est pas une de nouvelle que l’Odéon ait rouvert avant-hier 28 par Lucrèce ; madame Dorval jouait Tullie, mademoiselle Maxime faisait Lucrèce. Cela a été froid, et même l’acteur qui jouait le père a perdu je ne sais pourquoi la tête, et au lieu de l’assassin pâlissant, il s’est avisé de dire polisson, ce qui a bien fait rire.

165. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Jamais ni César ni Pompée, ni Octave ni Antoine, ne s’avisèrent de terminer leurs différends par un combat singulier, et de jouer les destins du monde d’un seul coup de dés. […] D’Alembert prétend que les tragédies de Corneille sont meilleures à lire qu’à jouer. C’est la faute des acteurs : ce qui est bon à jouer n’est souvent pas bon à lire ; mais une tragédie belle à la lecture est nécessairement belle à la représentation, quand les acteurs sont capables de la jouer, et les spectateurs capables de la juger. […] On peut même assurer que jamais poète n’a plus fait sa cour aux femmes dans ses pièces, parce qu’aucun ne les a plus ennoblies, et ne leur a fait jouer un plus grand rôle. […] c’est comme un jeu joué, et, pour ainsi dire, une partie carrée d’assassinat !

166. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

ce n’est point parce qu’on n’a pas voulu lire leurs manuscrits ; c’est, au contraire, parce qu’on les a lus, qu’on n’édite pas leurs livres et qu’on ne joue pas leurs pièces. […] Ces honorables, qui font de la poésie, du roman, de l’histoire, du théâtre par pure distraction, se réunissent, de temps en temps, pour jouer à la littérature — comme les marmots en congé pour jouer aux barres. […] Si leurs pièces ne sont pas jouées au Gymnase, c’est que Dumas fils monte la garde à la porte, avec la consigne de ne laisser passer que lorsqu’on répond « Dumanoir ou Barrière » à son qui-vive.

167. (1914) Boulevard et coulisses

Les difficultés et les commodités que rencontre un écrivain pour faire jouer une pièce ou pour éditer un livre, en somme pour se faire connaître, fournissent de précieux renseignements sur une époque. […] Alfred Edwards, s’approcha de moi et me demanda à brûle-pourpoint si je savais jouer au bilboquet. […] Les membres du cercle, les membres sérieux, ceux qui jouaient et exerçaient une profession, les gens d’affaires, déjeunaient à onze heures, puis ils allaient à la Bourse ; à midi et demi ou une heure, arrivaient les oisifs, couchés tard, ayant joué au baccara une partie de la nuit, éreintés. […] Toute la petite bohème du boulevard, journalistes, acteurs, clubmen, jouait à la Bourse aussi bien que la bourgeoisie et la haute finance. […] Ou bien, elle va dans une des innombrables boîtes de la Butte ; elle voit jouer la comédie par de jeunes personnes de son âge et elle pense : − Ce n’est pas malin.

168. (1926) L’esprit contre la raison

Il n’endort pas ses fauves pour jouer au dompteur mais, toutes cages ouvertes, clés jetées au vent, il part, voyageur qui ne pense pas à soi mais au voyageck, aux plages de rêves, forêts de mains, animaux d’âme, à toute l’indéniable surréalité. […] Aussi, malgré ses qualités félines, est-il non le chat qui joue avec la souris, mais la souris qui joue avec le chat pour que le chat la griffe, la tue, la mange. » Les surréalistes, notamment Breton (« Pour Lafcadio » (1918), Mont de Piété) et Soupault (Voyage d’Horace Pirouelle) se réfèrent à l’acte gratuit de Lafcadio. […] Il dénonce la conception ornementale du jeu verbal dans « Les mots sans rides », publié dans Littérature nouvelle série n°7, le 1er décembre 1922 : « Les mots du reste ont fini de jouer/ Les mots font l’amour. » O.C. […] 80 Crevel glose la conclusion de Breton, dans les « Mots sans rides » (« Les mots ont fini de jouer/ Les mots font l’amour »). mais reste, par le « divertissement », dans le fil de sa précédente référence à Pascal. […] Or, voici que Blaise Cendrars se joue de nos appréhensions.

169. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

De pèlerins, dit-on, une troupe grossière, En public, à Paris, y monta la première, Et sottement zélée en sa simplicité, Joua les Saints, la Vierge et Dieu par piété. […] Ces Confrères, honnêtes bourgeois et paroissiens de la capitale, qui se réunissaient d’abord à Saint-Maur, près Paris, vers 1398, et qui se constituèrent ensuite à Paris même, en 1402, avec privilège de Charles VI, pour jouer, comme leur nom l’indiquait, la Passion et Résurrection de Notre-Seigneur, ne firent d’ailleurs qu’inaugurer et fonder l’époque régulière du théâtre ; il y avait avant eux des représentations dramatiques de plus d’un genre, extraordinaires, locales, à certains jours de fête et de solennité. […] Moland, de même, pense que ce sont des « exercices de rhétorique » qui pourraient bien n’avoir jamais été joués, et qui n’appartiennent pas aux origines de l’art moderne, mais à la décadence de l’art ancien. […] L’Église, en autorisant ces variantes et ce luxe de la liturgie, recommençait, ai-je dit, le théâtre : il est donc tout naturel que de savants religieux de notre temps, tels que le Père Cahour et aussi l’un des Bénédictins de Solesmes, Dom Piolin, se soient occupés presque en critiques littéraires, et avec prédilection, de cette branche dramatique sacrée : quand tout se passe et se joue devant l’autel et que rien ne dépasse le jubé, les La Harpe, les Duviquet peuvent être très convenablement des clercs et des religieux ayant stalle au chœur. — Un autre écrivain très-versé en ces matières du moyen âge, et qui a même porté dans ses travaux sur les chants d’Église une sagacité originale et une investigation de première main, M.  […] On les jouait dehors et devant, sur la place du parvis, aussi près que possible du saint lieu, mais non plus dedans ; — et voilà enfin le théâtre.

170. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Dans ce premier moment de presse et de fracas, il n’a garde de se faire présenter à la reine qui le connaît déjà de réputation : il attendra, dit-il, que la foule soit écoulée et que Sa Majesté soit un peu revenue de son étourdissement ; alors il tâchera de faire jouer Œdipe et Marianne devant elle ; il lui dédiera l’un et l’autre, car elle lui a déjà fait dire qu’elle lui en donnait la permission. […] Avant l’exil du duc de Bourbon et le renvoi de Mme de Prie, la reine avait pu voir dans quel monde de cabales, de médisances et de noirceurs elle était tombée, et quel jeu croisé se jouait autour d’elle. […] Le lendemain matin, M. de Fréjus, devenu tout à fait ambitieux et voulant essayer d’un grand moyen, écrivit une lettre au roi bien humble, bien affligée et mortifiée, bien tendre, et le rusé mentor joua sa comédie de se retirer de la Cour pour finir ses jours dans la retraite à Issy. […] L’enfant redemandait son maître d’habitude ; le roi s’irritait d’avoir été joué et disait qu’après tout il était le maître aussi. […] Voltaire était encore à Versailles, et il nous a rendu cette impression, comme il sait faire : « Il y avait ce jour-là spectacle à la Cour : on jouait Britannicus.

171. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Lui qui, pendant dix ans, du couchant à l’aurore, Erra chez le Lapon, ou rama sous le Maure, Lui qui ne sut jamais ni le grec ni l’hébreu, Qui joua jour et nuit, fit grand chère et bon feu ! […] Dans Le Joueur, le caractère principal a beaucoup de vérité : cet homme, qui a joué, qui joue et qui jouera, qui, toutes les fois qu’il perd, sent revenir sur l’eau son amour, mais qui, au moindre retour de fortune, lui refait banqueroute de plus belle, cet homme est incurable ; il a beau s’écrier dans sa détresse : Ah ! […] Je m’étais dit d’abord : cette fin n’est pas naturelle ; puisque Angélique aime réellement Valère, elle doit l’épouser malgré son défaut, et lui il continuera de jouer, sauf à la rendre malheureuse : ainsi les deux passions auront leur satisfaction et atteindront leur fin.

172. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Il en eut la première révélation en voyant jouer des comédiens de campagne ; il les suivit, joua avec eux à la diable des mélodrames et des vaudevilles, et, sans y songer, apprit ainsi ce mécanisme de la scène et cet art matériel du théâtre, qui si souvent manquent aux poètes lyriques.

173. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

Voulez-vous apprendre à lire comme on apprend à jouer du violon, c’est-à-dire pour savoir en jouer et pour prendre le plus grand plaisir possible en en jouant ?

174. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Son plaisir en société était la conversation ; le plaisir extraordinaire qu’elle s’accordait, mais dont elle n’abusait pas, c’était le spectacle20 ; alors il n’y avait pas spectacle tous les jours, et l’on n’allait pas à la comédie tous les jours qu’on la jouait. […] Cependant, il continua de jouer dans les allées. […] Les Visionnaires ont précédé Le Menteur, joué en 1642.

175. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Macrobe dit qu’Aesopus, un célebre comédien tragique dont nous avons déja parlé, et le contemporain de Ciceron, laissa en mourant à ce fils, dont Horace et Pline font mention comme d’un fameux dissipateur, une succession de cinq millions qu’il avoit amassez à jouer la comédie. […] Croirez-vous, dit Ciceron dans un autre endroit, qu’un homme aussi désinteressé que Roscius, veuille s’approprier aux dépens de son honneur un esclave de trente pistolles, lui qui depuis douze ans nous joue la comédie pour rien, et qui par cette generosité a manqué de gagner deux millions. […] On n’y entend plus que chanter et jouer des instrumens.

176. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Par exemple, si l’actrice qui joue le personnage de Pauline dans Polieucte étoit astreinte à suivre une declamation notée par un autre, cet assujetissement empêcheroit qu’elle ne mît dans quelques endroits de sa declamation les beautez qu’elle y jette ordinairement. […] Ces personnes alleguent comme une preuve de ce qu’elles disent que la representation des opera de Lulli dure aujourd’hui plus long-temps que lorsqu’il les faisoit executer lui-même, quoi qu’à present elle dut durer moins de temps, parce qu’on n’y repete plus bien des airs de violon que Lulli faisoit jouer deux fois. […] Quintilien dit qu’il avoit vu souvent les histrions et les comediens sortir de la scene les larmes aux yeux, lorsqu’ils venoient d’y jouer des scenes interessantes.

177. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Et ces images elles-mêmes ne sont pas représentées à la conscience sans que se dessinent, à l’état d’esquisse ou de tendance, les mouvements par lesquels ces images se joueraient elles-mêmes dans l’espace, — je veux dire, imprimeraient au corps telles ou telles attitudes, dégageraient tout ce qu’elles contiennent implicitement de mouvement spatial. […] Selon la nature de la pièce qui se joue, les mouvements des acteurs en disent plus ou moins long : presque tout, s’il s’agit d’une pantomime ; presque rien, si c’est une fine comédie. […] Il y a donc enfin des tons différents de vie mentale, et notre vie psychologique peut se jouer à des hauteurs différentes, tantôt plus près, tantôt plus loin de l’action, selon le degré de notre attention à la vie.

178. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Son père jouait du hautbois, sa mère de la harpe. […] Il plut beaucoup à Théodore : celui-ci, grâce à son père, ne jouait d’aucun instrument. […] Lise joua seule, et avec beaucoup de précision. […] » Et il joua une seconde fois sa magnifique composition. […] « Voilà où il ferait bon jouer aux quatre coins !

179. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Les Comédiens voulaient mettre un char de feu et des diables a dans la pièce, mais Molière a déclaré qu’on ne la jouerait plutôt pas. […] C’est La Grange qui remplit le rôle de don Juan ; madame Béjard joue le rôle d’Elvire ; Armande, sa fille, joue un rôle de paysanne, et moi aussi. […] Le sang revient à sa joue pâlie ; le feu à son regard ! […] — Bien joué ! […] Dimanche, dont le nom est devenu un proverbe (le rôle est bien joué par Provost), n’égayait pas quelque peu cette lugubre méditation.

180. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Il se contentait de jouer avec son génie et avec sa sensibilité, comme un enfant avec l’écrin de sa mère. […] Philoxène Boyer Charles Nodier, qui joua les mille et un personnages de la vie du lettré, aima les vers par-dessus tous les autres divertissements de sa pensée.

181. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Il n’en est pas de même pour la comédie : les caractères de la nouvelle comédie à Athènes furent tous imaginés par les poètes du temps, auxquels une loi défendait de jouer des personnages réels, et ils le furent avec tant de bonheur, que les Latins, avec tout leur orgueil, reconnaissent la supériorité des Grecs dans la comédie. […] L’ancienne comédie prenait des sujets véritables pour les mettre sur la scène, tels qu’ils étaient ; ainsi ce misérable Aristophane joua Socrate sur le théâtre, et prépara la ruine du plus vertueux des Grecs.

182. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Et il me montre le possesseur de cette voix s’amusant à jouer, à musiquer de cette parole, à la façon des mourantes, en leurs dernières jouissances d’amour. […] Une merveille du sculpteur c’est son buste de Dalou, exécuté en cire, dans une cire verte transparente qui joue le jade. […] Son rôle joué, il veut reprendre son paquet de vêtements, mais au lieu de sa jolie blouse, il ne trouve qu’un paquet de loques infectes. […] On ne peut, n’est-ce pas, continuer à lui demander de jouer une pièce, qui a fait 700 francs hier, 1 000 francs aujourd’hui, et où il n’y a aucune location d’avance. […] Je ne donne pas le scénario, qui est le scénario de : À bas le progrès, joué, l’hiver dernier, au Théâtre-Libre.

183. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Il s’agit de jouer contre Dieu de la mâchoire, comme Samson en joua contre le Philistin, fût-ce sans la vigueur de Samson. […] … Les frères Zemganno jouent du violon pendant leurs exercices, comme ces délicieux frères Conrad du Cirque des Champs-Élysées, qui ont probablement donné à M. de Goncourt l’idée de ses frères Zemganno. […] Il n’y a plus ici que deux râcleurs de violon, et qui maintenant en joueront, le derrière sur des chaises !  […] Dans la destinée de la grande comédienne, les mille têtes d’un parterre qui l’applaudissent avec transport ne pèsent-elles pas plus que la tête unique de l’homme qui l’adore, et qui souffre de l’adorer de cela seul que l’amour qu’elle éprouve et qu’elle montre, elle peut le jouer !… Elle le joue peut-être !

184. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

mon jeune ami, vous jouez là une partie d’échecs trop forte pour vous ! […] Ce rôle de vengeur et de moraliste que M. de Jalin affecte vis-à-vis de Suzanne, tous peuvent le jouer, excepté lui. […] et de quelle main sûre le poète fait jouer les ressorts de cette âme, compliquée comme une serrure à secret. […] Le rôle brillant qu’il joue dans la pièce n’est pas seulement cruel, il est déloyal ; il blesse l’honneur, s’il satisfait la morale. […] Rien de contraint dans la façon dont elle joue la femme du monde ; elle en a le ton, le naturel, l’élégance, et marche sur la boue comme sur un tapis.

185. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Le premier drame romantique qui fut joué fut le fameux Henri III et sa cour, en prose, d’Alexandre Dumas (11 février 1829). « Je ne me déclarerai pas fondateur d’un genre, parce que, effectivement, je n’ai rien fondé. […] On sait comment les fantaisies parurent d’abord sur la scène du théâtre français de Saint-Pétersbourg, d’où Mme Allan les rapporta : le Caprice fut joué d’abord (nov. 1847) ; et peu à peu le reste suivit. […] Rien de plus anodin que sa Petite Ville (1801), délayage d’un mot de La Bruyère : et quant aux trop fameux Ricochets (1807), le ressort « psychologique » joue avec la précision d’un jouet mécanique : il n’y a pas là ombre de vie ni de vraisemblance. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes. […] L’Ours et le Pacha, aux Variétés, 1820, avec Odry, qui jouait aussi dans les Saltimbanques (1830) de Dumersan et Varin, autre type fameux du genre.

186. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Le père, assis à table, ayant soupe, joue du flageolet pour amuser ses enfants. […] Derrière, adossé au manteau de la cheminée et tournant le dos à tout le monde, un charmant petit garçon blond, à longs cheveux négligés, à veste rouge, joue de tout son cœur et de toute son attention d’une espèce de flûte ou flageolet. Il ne pense qu’à son air, et il joue pour lui tout seul. […] Dalègre, en devenant curieux à l’excès, est devenu par là même avare, jaloux, rusé, hypocrite ; il joue serré avec son ami de Paris, il se cache de lui et le trompe : c’est un rival en faïence. […] Bref, devenu possesseur à son tour du fameux instrument après le décès de son ami, Dalègre le brise imprudemment un jour qu’il a voulu en jouer : son désespoir éclate à l’instant en une fièvre chaude.

187. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Je pensai que si la reine de France faisait ainsi tous ses repas, je n’aurais pas envié l’honneur d’être son commensal. » De son côté, Voltaire, dont l’esprit était un peu cousin de celui de Casanova, ne put se taire sur cet ennui qui s’exhalait à Versailles autour du jeu de la reine, et il fit ces vers dont il voulut ensuite se justifier, mais qu’elle ne put s’empêcher de prendre pour elle, car elle jouait tous les soirs au cavagnole : On croirait que le jeu console, Mais l’ennui vient à pas comptés S’asseoir entre des Majestés, À la table d’un cavagnole. […] Autrefois elle s’amusait à jouer de quelques instruments, de la guitare, de la vielle, du clavecin, et se moquait d’elle-même, quand elle se méprenait… Elle me renvoie vers les trois heures pour aller dîner, et alors commencent ses lectures. » Pour aller dîner, c’est-à-dire pour que le président aille dîner, car elle, la reine, avait dîné bien auparavant. — Les lectures de la reine étaient sérieuses et roulaient particulièrement sur l’histoire. […] Cette variété d’occupations la menait jusqu’à six heures du soir environ, où la Cour s’assemblait chez elle pour jouer à ce fameux cavagnole, comme qui dirait au loto. […] Papillon, lui présentant la liste des pièces qu’on devait jouer à, la Cour, n’osait nommer le Cocu imaginaire et l’avait laissé en blanc. Elle l’interroge et le force de le lui nommer. « Apprenez, Monsieur, lui dit-elle, que jamais ces sortes de mots ne sauraient choquer la pudeur de mes filles, et qu’il vaut mieux jouer devant elles ces excellentes pièces que toutes les pièces à sentiments dont nous sommes inondés. » (Mémoires manuscrits de Dufort, introducteur des ambassadeurs sous Louis XV.)

188. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

» — « Non, mais sur le prince de Talleyrand, sur un homme de cette distinction, de cette importance, qui a joué un tel rôle, qui était si aimable dans la société ! […] Vieux, il donnait ce conseil à l’un de ses protégés : « Ne jouez pas ; j’ai toujours joué sur des nouvelles certaines, et cela m’a coûté tant de millions » ; et il disait un chiffre de perte. […] Le salon de M. de Talleyrand, en ces années, était un centre où bien des fils se rejoignaient, et il se plaisait à en jouer. […] « À ce moment, l’abbé de Pradt, archevêque de Malines, qui aimait passionnément jouer au moins le rôle de marmiton dans toutes les cuisines politiques, eut vent de l’affaire, et il me conta (c’est Berryer qui parle) l’anecdote en ces termes : « Je voulais savoir (disait donc l’abbé de Pradt) de quoi il était question, et il était impossible de faire parler le prince de Talleyrand entouré de monde et sur ses gardes.

189. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y a eu un moment où, à Venise, par exemple, la société qui s’y trouvait réunie imagina de prendre les noms de ses principaux personnages, et de jouer leur jeu. […] M. de Balzac se piquait d’être physiologiste, et il l’était certainement, bien qu’avec moins de rigueur et d’exactitude qu’il ne se l’imaginait ; mais la nature physique, la sienne et celle des autres, joue un grand rôle et se fait sentir continuellement dans ses descriptions morales. […] Quelques paroles de cette autorité me sont nécessaires ; elles sont comme les colonnes immuables et sacrées que je tiens seulement à montrer du doigt dans le lointain, pour que notre admiration même et notre hommage de regret envers un homme d’un merveilleux talent n’aillent pas se jouer au-delà des bornes permises. […] L’auteur y plonge ; à voir sa verve, on dirait même par endroits qu’il s’y joue. […] Il dresse à merveille de grandes charpentes ; il a des caractères qui vivent aussi, et qui, bon gré, mal gré, se retiennent ; surtout il a de l’action et des machines dramatiques qu’il sait très bien faire jouer.

190. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Il joue à l’Iliade, il la traduit en fleurs de pavots, et la fait tenir dans un carré de parterre : cela promet Numa Pompilius. Il joue un berger blanc et rose avec sa bergère : c’est commencer déjà l’innocente pastorale d’Estelle et Némorin. […] Un jour qu’on devait jouer le Bon Père (c’est-à-dire Arlequin encore, mais Arlequin respectable, en habit de velours, veste de drap d’or, perruque à trois marteaux) pour la fête du prince, comme celui-ci par dévotion s’y opposait, Florian s’avança sous le masque d’Arlequin et dit avec regret à la compagnie, en parodiant en bonne part le mot de Molière : « Nous espérions vous donner aujourd’hui la comédie du Bon Père, mais M. le duc de Penthièvre ne veut pas qu’on le joue. » M.  […] Dans une étude détaillée sur La Fontaine, cela se prouverait aisément : on le verrait, dans sa première manière, s’appliquer à la fable proprement dite, et en atteindre la perfection dès la fin de son premier livre, dans Le Chêne et le Roseau ; mais bientôt il est maître et il se joue ; il agrandit son cadre, il le laisse souvent, il l’oublie.

191. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Eh bien, la femme de ce talent rare, — plus rare que des talents plus grands, — et que je vous donne comme la plus suave boîte à rouge nuancé que les femmes puissent se mettre sur la joue, et qui ne s’y fonce jamais trop, c’est cette femme qui prend le parti de nous écrire un roman ! […] Si vous relisez avec attention les pièces qui composent le délicieux Spectacle dans un fauteuil d’Alfred de Musset, vous verrez qu’il n’y a rien dans ces pièces, si nonchalamment insouciantes des règles de théâtre, qui puisse empêcher de les y jouer, et aussi les y a-t-on jouées, et avec quel triomphe ! […] La comédie du mariage jouée en ces seize chapitres, qu’on voudrait cinquante, est une comédie à la Marivaux, autant qu’on peut être Marivaux avec les mœurs plates et les sentiments grossiers de cet ennuyeux xixe  siècle.

192. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Rotrou & moi, disoit quelquefois Corneille, ferions sauter des saltinbanques : expression basse, mais qui signifioit que leurs pièces auroient réussi bien ou mal joués. […] Il releva les expressions offensantes pour sa personne ou pour celle de tant de gens respectables devant qui la pièce avoit été jouée, & se moqua de ce qui ne tomboit que sur l’ouvrage. […] Piganiol de la Force remarque, d’après un autre écrivain aussi spirituel que lui, que le corps de ce ministre ambitieux est placé dans le même endroit où étoient auparavant les latrines du collège de Calvi : « Soit, dit-il, que la providence, qui gouverne tout, ait voulu humilier, après sa mort, un homme qui avoit joué un si grand rôle dans le monde ; soit qu’elle ait voulu confondre l’orgueil des hommes, en leur faisant voir où se terminent les honneurs qu’ils estiment le plus. » Corneille étoit de Rouen, fils d’un maître des eaux & forêts.

193. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Troisième journée. Tout s’explique » pp. 234-240

. — Monselet-Pacha semble en proie à une douce folie et joue avec ses chaînes. […] Je l’ai beaucoup fréquenté, je me rappelle même une certaine chartreuse verte… (Il se pourlèche les lèvres et joue avec ses chaînes.)

194. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Mon baladin muet se retranche en un coin Pour faire mieux jouer la prunelle de loin. […] De même, avant le sien, on avait joué deux Mithridate à l’hôtel de Bourgogne : l’un de La Calprenède, et l’autre de Scudéri. […] Sans cela nous n’aurions fait que nous jouer à la surface des choses, nous n’aurions saisi du ridicule que ce qu’il a de plus passager, — d’annuel ou d’éphémère. […] C’est, Messieurs, le mot de Frontin ; c’est la comédie que l’on va jouer devant vous tout à l’heure ; c’est le Turcaret de Le Sage. […] On le jouait encore en 1829, vous disais-je ; on l’avait joué cinq ans auparavant, sur la scène de l’Odéon, en 1824 ; et deux ans plus tôt, sur cette même scène, Frédérick Lemaître avait débuté, en 1822, par le rôle de Mitrane dans Rhadamiste et Zénobie.

195. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Je n’aime qu’à demi la façon dont elle est jouée. […] Tous les personnages jouent leur tête et le savent. […] Ils joueront Pyrame et Thisbé. […] Ce rustre a bien la vanité candide et divertissante du comédien : il veut jouer Thisbé, il veut jouer le lion, il veut jouer le mur, il veut tout jouer, et il réclame des vers de quinze pieds. […] Mounet-Sully a pu jouer son rôle, et puisqu’il l’a joué avec l’universel applaudissement du public.

196. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

— Tout cela est une parade ; ils jouent à la royauté. Ce qui est moins noble, c’est qu’on joue à ce jeu-là chez la reine d’Angleterre et malgré elle.

197. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Ils disent encore qu’Eschyle fut le premier poète tragique, et Pausanias raconte qu’il reçut de Bacchus l’ordre d’écrire des tragédies ; d’un autre côté, Horace qui dans son art poétique commence à traiter de la tragédie en parlant de la satire89, en attribue l’invention à Thespis, qui au temps des vendanges fit jouer la première satire sur des tombereaux. […] Thespis et Amphion, dans deux parties différentes de la Grèce, inventèrent pendant la saison des vendanges91 la satire, ou tragédie antique jouée par des satyres.

198. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Les villes d’université comme Bologne enfantèrent tout naturellement le docteur, le pédant ridicule, dont chaque mot est une délicieuse ânerie ; les modèles n’étaient pas rares dans un temps où l’engouement pour les lettres grecques et latines dégénérait aisément en folie ; c’était l’époque où Philelphe le Florentin et Timothée entamaient, à propos de la force d’une syllabe grecque, une querelle acharnée, dans laquelle le dernier jouait et perdait sa grande barbe et en mourait de chagrin. […] On fut dès lors en mesure de jouer des comédies aussi intriguées qu’on pouvait le souhaiter dans le pays de l’imbroglio. […] La comédie se joue comme avec les pièces connues d’un échiquier.

199. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

La commedia sostenuta Les acteurs Italiens accoutumés à jouer la comédie improvisée ne laissaient pas de représenter, à l’occasion, la comédie écrite et soutenue, de réciter les œuvres de l’Arioste, de Bibbiena, de Machiavel, de l’Arétin. […] Ces gentilshommes avec lesquels l’avocat est en conférence sont deux petits chats qui jouent entre ses jambes. […] Nous venons d’indiquer ce que la comédie soutenue ajoute aux types ordinaires de la comédie de l’art telle qu’on la jouait dans les premières années du xviie  siècle.

200. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Elle ne sera pas témoin du rôle que j’ai à jouer pour faire réussir mon plan. […] Tout sage qu’il était, il avait oublié, en entreprenant de jouer le rôle d’un débauché, qu’il lui serait impossible de fatiguer le dévouement de sa femme. […] s’écria-t-il, en se levant et en prenant un flageolet, dont il se mit à jouer.

201. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Trop spirituelle et trop grande dame pour avoir l’enthousiasme d’une Vésuvienne, — mais ennuyée, — probablement, — et curieuse, — à coup sûr, — voulant voir et croyant à peine ce qu’elle voyait ; moqueuse fille d’Ève tentée du démon sentimental des grandes réformes, et qui eût joué le vieil Éden pour une expérience, c’était Mme la princesse Trivulce de Belgiojoso. […] Aucun procédé, aucun effort de volonté, aucune de ces comédies intérieures que l’homme se joue et qu’il appelle de l’art, n’a pu donner à l’auteur, de ces souvenirs d’Asie l’accent brisé et doux de bonheur impossible qu’on entend, mais qui ne gémit pas, sous ses phrases écrites, dirait-on, par une signora Pococurante, dans le calme et l’indifférence, ni lui faire composer à loisir ce parfum subtil qui s’en échappe et vous enveloppe bientôt tout entier… Mme de Belgiojoso a-t-elle jamais été une femme littéraire ? […] Omphale qui ne joue point à l’Hercule !

202. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris ! […] Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée, de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.

203. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance, qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris ! […] Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.

204. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Né juif, devenu protestant, mais ne croyant pas plus au judaïsme qu’au protestantisme, d’un pays où les châteaux de cartes philosophiques se succèdent avec la plus volubile rapidité et où chacun d’eux ne dépasse pas un équilibre de plus de quinze ans, il a joué avec ces petites constructions. […] Les gens sans pensée qui picorent sur des mots, ont appelé Heine une âme païenne parce qu’il a fait jouer dans le diamant de son imagination réverbérante quelques formes du monde antique, mais il n’était pas plus païen que chrétien et que juif. […] Poète, c’est-à-dire tout le contraire d’un philosophe, il se joue dans la philosophie comme le dauphin dans la mer.

205. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Mais ce ne sera pas tout son succès non plus, à ce livre qui joue aux étrennes. […] La seule chose qui appartienne bien à Feuillet, c’est le sentiment, sinon très sincère, au moins très bien joué (en art c’est identique), qui circule à travers les combinaisons qu’il n’a pas faites ; c’est le style, qui anime et colore toutes ces combinaisons. […] C’est du style d’ordre composite, fait de deux ou trois autres qui ont joué sur la pensée de l’écrivain, qui l’ont teinte et qui l’ont embrasée.

206. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Vous dites que vous avez assez de moi, c’est bien plutôt moi qui ne veux plus de vous ; de vous à qui j’ai consacré ma vie et mon génie et les chefs-d’œuvre des maîtres ; de vous à qui j’ai voulu plaire, même en faisant violence à ma vocation sur la terre ; de vous qui m’avez fait jouer, même des drames ; de vous qui avez mis le sanglot à ma voix, la pâleur à ma joue, le désordre à mes cheveux, le poison à mes lèvres, le poignard à ma main ! […] Cette représentation, où Marivaux et sa légitime interprète se montraient dans tout leur éclat, pour la dernière fois, fut empreinte de je ne sais quelle fièvre inquiète avec toutes les agitations de la fièvre ; et le public et les comédiens semblaient animés des mêmes regrets ; les comédiens jouaient mal, le public écoutait mal, Tartuffe (on jouait encore Tartuffe !) […] On l’écoutait bouche béante, on la regardait, à la brûler, et tous ces regards, semblaient dire à leur tour : — C’est impossible, cette femme ne joue pas pour la dernière fois ! […] disait-elle, nous sommes venus de bien loin, mon mari et moi, pour vous voir jouer une fois encore, mais nous sommes arrivés trop tard !  […] Sa mère jouait la comédie, et aussi sa jeune tante dont la beauté était célèbre dans un temps où il était difficile de se faire remarquer parmi tant de beaux visages.

207. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Des complaisances outrées sont des bassesses ou faiblesses : il faut savoir jouer son rôle, si on veut être estimé ; vous le pouvez, si vous voulez vous gêner un peu et suivre ce qu’on vous conseille ; si vous vous abandonnez, je prévois de grands malheurs pour vous ; rien que des tracasseries et petites cabales qui rendront vos jours malheureux. […] Je vous embrasse tendrement ; ne me croyez pas fâchée, mais touchée et occupée de votre bien-être. (30 septembre 1774.) » A un moment elle ne craint pas, elle, l’illustre Marie-Thérèse, de se comparer a ce triste et médiocre trio de Mesdames qui, avec leur vertu, jouaient un si pauvre rôle, et dont elle craignait la mauvaise influence sur sa fille : « Ce qui m’a fait de la peine et m’a convaincue de votre peu de volonté de vous corriger, c’est le silence entier sur le chapitre de vos tantes, ce qui était pourtant le point essentiel de ma lettre, et ce qui est cause de tous vos faux pas… Est-ce que mes conseils, ma tendresse, méritent moins de retour que la leur ? […] Comparez quel rôle, quelle approbation ont-elles eus dans ce monde, et, cela me coûte à dire, quel est celui que j’ai joué ! […] C’est le monde ; cela arrive à nous tous, plus tard ou plus tôt ; mais il faut donc se tenir dans une assiette telle que cela ne puisse arriver par notre faute. (30 novembre 1774.) » Parole sage et vraie pour tous ceux qui sont acteurs, à quelque degré, sur ce vaste théâtre où chacun joue son rôle, grand ou petit, et doit avoir à cœur de le jouer de son mieux !

208. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

C’est sur « tout à coup radouci » que les modulations commencent ; le passage tourmenté se joue sous les mots « l’œil du vieillard semblait », et c’est sur les mots « se voiler d’une larme » que la musique se calme et retombe dans l’accord parfait de la tonique ! […] Mettez quelques centaines d’hommes qui ont de l’éducation, du bon sens et du bon goût, mais qui n’ont jamais entendu parler de Wagner dans un théâtre, et jouez-leur la Valkyrie de M.  […] Elle joue ici le rôle d’un décor, d’une plastique, d’un jeu de gestes et d’intentions perceptible à l’oreille et pénétrant l’intelligence sans être arrêtée par l’objectivité des phénomènes visuels. […] C’est encore un des motifs de Kundry, marquant le rôle qu’elle joue dans le territoire du Gral, jusqu’à ce qu’elle y trouve le salut (p. 205). […] Van Dyck, pour jouer Walther et Parsifal paraît assez probable.

209. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Rosny me parlant de son livre sur les socialistes, à moitié composé, me disait que chez ces hommes, l’amour ne joue pas de rôle, et que rien, pour ainsi dire, ne les prend et les passionne, que la bataille des paroles et l’escrime des arguments. Daudet m’emmène chez lui, pour assister à la répétition de Pierrot assassin de sa femme, joué par l’auteur, par Paul Margueritte. […] Pense-t-on que si Boulanger arrive à jouer en France le Bonaparte, il le devra, en grande partie à la chanson de Paulus ? […] Mardi 11 octobre Ce soir au Théâtre-Libre, on joue Sœur Philomène, la pièce originale, tirée de notre roman, par Jules Vidal et Arthur Byl. […] C’est bien joué, et avec le charme d’acteurs de société excellents.

210. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Elle semble jouer avec le passant, causer avec lui et l’égayer par mille caprices, comme pour l’empêcher de sentir la longueur du chemin. […] La mythologie classique de l’Olympe ne me donnait pas de tels enivrements ; je sentais que ces fables étaient mortes et qu’on nous faisait jouer aux osselets avec les os d’une poésie sans moelle, sans réalité et sans cœur. […] Il ne put s’empêcher de dérider les plis toujours un peu sévères de sa bouche ; il applaudit même à deux ou trois de mes images, surtout à celle des saintes pensées des vieillards comparés à des enfants qui jouent en hiver sur la neige sans sentir le froid, et à celle de l’enfant de chœur assoupi qui laisse pencher le cierge sans que la flamme cesse de monter à Dieu. […] La Fille du pêcheur est une de ces élégies que j’esquissai au crayon sous le figuier et sous la treille dorée par le soleil de l’île ; on y retrouvera, à travers les réminiscences grecques de Théocrite et d’Anacréon, quelque pressentiment d’André Chénier, mais avant que la muse d’André Chénier eût pleuré, et quand elle jouait encore sur le sable de la mer d’Ionie avec les bas-reliefs et les débris des Vénus grecques roulés par les flots. […] X Sous la grotte où jaillit le seul ruisseau d’eau douce, Une figure en marbre est taillée au ciseau, Vierge ou nymphe, on ne sait ; de sa conque de mousse Un triton sur ses pieds verse une nappe d’eau ; Dans l’une de ses mains un petit poisson joue ; Dans l’autre un coquillage, enfant du bord amer, Tout près de son oreille est collé sur sa joue Comme pour lui chanter les chansons de la mer.

211. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

En réalité, l’adhérence de ce souvenir à notre état présent est tout à fait comparable à celle des objets inaperçus aux objets que nous percevons, et l’inconscient joue dans les deux cas un rôle du même genre. […] Habitude plutôt que mémoire, elle joue notre expérience passée, mais n’en évoque pas l’image. […] Celle d’où il part est une ressemblance sentie, vécue, ou, si vous voulez, automatiquement jouée. […] Nous saisissons donc ici, à leur source même et presque confondues ensemble, — non point pensées, sans doute, mais jouées et vécues, — l’association par ressemblance et l’association par contiguïté. […] Passons, selon notre méthode, de l’existence psychologique simplement « jouée » à celle qui serait exclusivement « rêvée ».

212. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

. — Le roi et Monseigneur s’amusèrent le matin à faire tailler les arbres verts de Marly ; ils en partirent l’après dînée après avoir joué aux portiques… » — « Lundi 3. — Le roi dîna à son petit couvert avec Monseigneur ; sur les cinq heures il alla faire la revue de ses mousquetaires et puis se promener dans le potager… » — « Mercredi 5. — Le roi dîna à son petit couvert et alla tirer… » — Les soirs il y a comédie ou appartement, jeux avant et après souper. […] On a, par Dangeau, le nom exact de tous les jeux auxquels on jouait à la Cour de Louis XIV et où le roi prenait part lui-même. […] Pour Louis XIV et Monseigneur ou dresserait une liste pareille, et l’on sait maintenant qu’ils jouaient à l’hombre, — au reversis, — au brelan, — au lansquenet, — aux portiques, — à culbas, — au trou-madame, — à l’anneau tournant, — à la roulette, — à l’escarpoulette, etc. […] Ainsi on ne joue plus tant à la Cour ; la santé du roi se dérange plus souvent, quoiqu’à chaque indisposition Dangeau prenne soin de nous rassurer.

213. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Dupont et Lapissida purent annoncer officiellement qu’ils joueraient la Walküre. […] Dupont et Lapissida avaient signé avec lui devenait inutile : les directeurs de la Monnaie se fussent pourtant résignés à cette perte d’argent et eussent enfin joué le drame attendu ; mais il leur fallait maintenant l’autorisation des héritiers de Wagner. […] Il paraîtrait d’un autre côté que, tout récemment, la famille Wagner aurait déclaré aux directeurs de la Monnaie qu’elle n’autoriserait la représentation des différents drames de la Tétralogie que dans leur succession régulière : il faudrait avoir joué le Rheingold pour monter la Walkure. […] César Franck a un opéra en portefeuille, Hulda ; par malheur, je n’en connais que des fragments, d’ailleurs superbes, trop courts pour permettre d’établir une opinion raisonnée, assez longs pour qu’on puisse placer cet ouvrage, sans crainte de se tromper, fort au-dessus de presque tous ceux qui se jouent quotidiennement à Paris.

214. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Vulpian, en France, en Allemagne, avant eux, Herbart et Müller168, ramener tous nos actes psychologiques à des modes divers d’association entre nos idées, sentiments, sensations, désirs, on ne peut s’empêcher de croire que cette loi d’association est destinée à devenir prépondérante dans la psychologie expérimentale, à rester, pour quelque temps au moins, le dernier mode d’explication des phénomènes psychiques, elle jouerait ainsi, dans le monde des idées, un rôle analogue à celui de l’attraction dans le monde de la matière. […] L’association par contiguïté joue un grand rôle dans nos mouvements. […] Tels sont ceux nécessaires pour écrire, jouer du piano, tricoter, etc. […] C’est dans les hémisphères cérébraux que la cohésion des actes associés se produit : deux courants de force nerveuse font jouer deux muscles l’un après l’autre ; ces courants, affluant ensemble au cerveau, forment une fusion partielle, qui, avec le temps, devient une fusion totale : — Ce qui est encore plus curieux que cette fusion des mouvements réels, c’est la fusion des simples idées de mouvements.

215. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

C’était ordinairement un homme qui jouait ce rôle, avec un masque. […] — de lui jouer un tour. […] En second lieu, il eût été plus difficile encore de trouver, en ce temps-là, autant d’acteurs capables de les jouer. […] Ce rôle de Nicomède était un de ceux que Molière se plaisait à jouer. […] Un jour, il représente avec ses camarades devant l’empereur Dioclétien une pièce où il joue le personnage d’un nouveau converti.

216. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

À ce propos me pardonnerez-vous, monsieur, à moi qui n’ai pas d’autre titre que mes obscurs souvenirs d’École, et dont la réputation est restée intra muros, de rappeler un trait assez piquant, où j’ai joué mon petit bout de rôle ? […] Il a publié assez récemment, chez Hetzel, deux petits volumes sur la Rhétorique même et sur la Mythologie, et en rajeunissant par la forme des sujets dont le fond semble épuisé, il s’y montre plus dégagé de ton et plus alerte qu’on ne l’est volontiers dans l’Université, il n’a pas prétendu creuser, il s’est joué sans pédanterie à la surface : on sent un auteur maître de sa matière et qui en dispose à son gré.

217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

Il a l’odeur assoupie des chambres paisibles où l’on se souvient d’avoir joué, enfant, pendant les longs après-midis d’été. […] — réglé et joué différemment.

218. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Le prétendu Racan fit fort le fâché de la pièce qu’on lui avoit jouée, & jura qu’il s’en vengeroit. […] Mademoiselle de Gournai, qui étoit violente, se persuada tout de bon que c’étoit un homme envoyé pour la jouer ; &, défaisant sa pantoufle, elle le chargea à grands coups de mule, & l’obligea de se sauver. » Ménage ajoute que Boisrobert racontoit cette scène à quiconque vouloit l’entendre, & qu’il en plaisantoit même en présence de Racan.

219. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

On vit dans le monde à côté d’eux ; on goûte leur esprit ; on joue avec le sien en leur présence ; on est à cent lieues de penser à l’homme de lettres, à la femme de lettres, à l’auteur, et en effet rien n’y ressemble moins. […] Le jeune homme est souffrant de santé, et pourtant, le soir d’ordinaire, en rentrant, il joue de la flûte. La jeune fille qui, logée au couvent d’à-côté, soigne sa grand’mère malade, lui écrit un jour, ayant su qu’il était Français, pour le prier de ne pas jouer à de certaines heures où cela incommode sa grand’mère, et en même temps, toutefois, elle le prie de jouer encore, car, à certaines autres heures, cela pourrait faire distraction à sa pauvre grand’mère et à elle-même. […] Le jeune homme dit nos petits concerts, et il en a le droit, quoiqu’il n’y ait que lui qui joue ; car les deux cœurs font l’accord. […] Un jour, à je ne sais quelle occasion, et à Saint-Cloud, je crois, l’Empereur avait fait venir, pour jouer, les comédiens des petits théâtres, et il permettait, il désirait que ce fût plus gai que ne le sont d’ordinaire les spectacles de cour.

220. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Esther fut jouée avec pompe (1689). […] Autour de ces deux personnages, Burrhus, un honnête homme, dans une situation fausse, assez souple pour être vivant, et un coquin, Narcisse, bas, plat, intrigant, qui joue de son maître à merveille en semblant lui obéir. […] Mathan est une Ame envieuse, ambitieuse, qui joue de la religion, hypocrite tragique, à qui nulle vie innocente, nul intérêt public n’est précieux, dès qu’il trouve jour à satisfaire ses haines ou son orgueil : serviteur égoïste et sans dévouement d’Athalie, servi lui-même par le zèle intéressé de Nabal. […] La Finta Pazza, l’Orfeo que Mazarin fit jouer en 1645 et 1647, puis l’Ercole amante (1660), enfin l’Andromède et la Toison d’or de Corneille (1650 et 1660), préparèrent l’opéra. […] La Thébaïde (1664), jouée par Molière ; Alexandre (1665), jouée par Molière, puis portée à l’Hôtel de Bourgogne, ce qui brouilla Molière et Racine.

221. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Notes et nouvelles La Valkyrie sera jouée à Bruxelles ; nous recevons une lettre de la direction de la Monnaie qui nous l’annonce pour « vers » le 25 février. […] Lamoureux ne se joue. […] On annonce encore à Bruxelles que la Valkyrie sera jouée à la Monnaie sans aucune espèce de mutilation. […] De même que pour l’art il ne cessait d’enseigner que c’est par les sens qu’elle doit être perçue, sans l’intermédiaire de la réflexion, de même qu’il était l’adversaire de tout art purement littéraire, qu’il datait la décadence humaine de l’invention de la machine à imprimer (X, 176), et qu’il regrettait le temps où l’on ne connaissait les poèmes qu’en les entendant réciter à haute voix, et les drames qu’en les voyant jouer sur la scène (III, 127), de même toute abstraction spéculative lui répugnait et lui semblait inutile. […] Wagnérien convaincu, Il ne connut pourtant la musique de Wagner que par les extraits joués en concerts et il ne fit pas comme tant d’autres le « pèlerinage à Bayreuth ».

222. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

écouterait qui voudrait le bruit conservé, lirait qui voudrait les petits papiers qu’on exhume, mais on ne s’est pas contenté de jouer simplement des grands noms dans l’intérêt d’un livre qui n’a que l’intérêt de son titre. […] Et depuis, si Mme de Staël fut exilée, elle qui compta bien moins, pour les salons, par son esprit que par ses deux cent mille livres de rente, ses relations et la position qu’avait eue son père, ce n’est pas que l’Empereur eût peur de ces salons dont on la disait la reine, mais c’est qu’il était agacé d’entendre toujours tomber de petits coups d’éventail sur son sceptre ; c’est que les lions, tout lions qu’ils soient, s’impatientent et jouent de la griffe, quand une mouche, fût-elle bleue, leur entre dans le nez ! […] Guizot, qui raconte qu’un jour, en l’entendant réciter une phrase de Chateaubriand, Mme de Staël, s’avisant, se mit à crier qu’il jouerait supérieurement la tragédie, ce qui est comique, et lui proposa le rôle de Pyrrhus ou d’Oreste dans Andromaque, ce qui aurait été bien plus comique encore, s’il avait accepté !

223. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

On connaissait les Pensées et maximes du moraliste du xviiie  siècle, — ce petit livre qui tiendrait sur quelques cartes à jouer, — et ce que Gilbert ajoute à cette œuvre mince n’est pas de nature, et dans aucun sens, à beaucoup l’augmenter. […] » Le sérieux de la mort communiqua aux éloges de la plume la plus légère qui ait jamais joué avec toutes choses la consistance du style lapidaire d’un tombeau. […] Il pelotait, comme on dit, en attendant partie ; mais la partie ne fut pas jouée.

224. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

On connaissait les Pensées et Maximes du moraliste du dix-huitième siècle, — ce petit livre qui tiendrait sur quelques cartes à jouer, — et ce que M.  […] » Le sérieux de la mort communiqua aux éloges de la plume la plus légère, qui ait jamais joué avec toutes choses, la consistance du style lapidaire d’un tombeau. […] En écrivant sur la nature humaine, il s’entretenait cette main inutile, qu’il ne put allonger jamais sur les hommes pour les discipliner ou pour les conduire ; il pelotait, comme on dit, en attendant partie ; mais la partie ne fut pas jouée.

225. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

, impossible à jouer, Charles de Rémusat — à ce qu’il paraît — le lisait parfois, de son vivant, aux personnes dévouées d’esprit et d’oreille à ses œuvres. […] Quant au Moyen Âge sur lequel se détachent ses personnages, c’est le Moyen Âge ordinaire de tous les théâtres de Paris que Charles de Rémusat fréquentait ; car son fils nous apprend, dans son Introduction, qu’il eut l’idée de son Abélard en sortant d’un autre Abélard, joué à la Gaîté ou à l’Ambigu-Comique. C’est toujours la même toile de fond, le Moyen Âge usé de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas, la même vieille tapisserie historique, les mêmes bonshommes de cartes à jouer !

226. (1900) Molière pp. -283

C’est un homme d’esprit, un homme intelligent, il a d’excellentes relations mondaines ; il ne faut donc le jouer ni en barbon ni en burlesque ; on peut le jouer en comique, mais non pas en burlesque. […] Un grand acteur mort récemment, Provost, jouait toujours en drame le rôle d’Arnolphe, qu’on avait toujours joué en comique. […] Les trois premiers actes seulement furent joués en mai 1664. […] Tartuffe fut joué le 12 mars 1664 ; il fut joué dans quelles circonstances ? […] On admire Shakespeare et Goethe, on se passionne pour Schiller, on ne joue assidûment que nos auteurs.

227. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

cette façon de louer nous paraît fade ; nous voulons mieux quand nous parlons d’un écrivain : malgré la difficulté de juger plus à fond et de percer plus avant quand il s’agit d’un contemporain, d’un ami, notre plaisir est d’y viser, de nous jouer même autour de la difficulté : …. […] Sur ce, madame de Crissé, vieille plaideuse qui se prétend outragée dans la comtesse de Pimbêche, et le conseiller Dandinard qui se croit joué dans Perrin Dandin, forcent successivement la porte et font au poëte une scène de menaces dont il se tire assez bien ; tout ce jeu est assez plaisant. Pourtant l’orage augmente, et l’on parle d’un ordre supérieur obtenu contre le poëte, lorsque tout à coup on apprend que la Champmêlé qui devait, ce soir même, jouer Ariane devant le roi, a feint une indisposition ; que, grâce à ce tour d’adresse, les Plaideurs, représentés pour la troisième fois, ont subitement trouvé faveur et gagné leur cause ; on n’a plus osé siffler, et le roi a ri. […] C’est pour avoir visé au sceptre-férule dont nous parlions et pour en avoir trop joué, qu’il en a coûté cher à La Harpe ; mais quand on a borné son ambition à n’être que des meilleurs, comme Guinguené, Suard, on n’est pas tout à fait déçu dans ses vœux, et ces destinées-là, telles que nous les voyons se dessiner dans un horizon déjà lointain, ont quelque chose qui continue de s’éclairer doucement aux yeux du sage. […] La mine a joué jusque dans des quartiers du marbre blanc de Racine.

228. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Voltaire établi aux portes de la cité de Calvin, conviant les citoyens à s’amuser chez lui, leur jouant la comédie, la leur faisant jouer, quand Genève ne tolérait pas encore de théâtre : il y avait là de quoi scandaliser les rigides calvinistes. […] Il a l’opinion en main ; il en joue, il lui fait rendre tous les effets qu’il veut. […] Il aimait à faire sentir sa grande fortune, il recevait magnifiquement ; il donnait des fêtes, il avait un théâtre, où il jouait très mal et très passionnément, où les gens de sa maison, souvent les visiteurs jouaient ; il le démolit, puis il le rétablit par politesse pour Mlle Clairon qui venait à Ferney. […] Il n’eut pas la tête métaphysique ; et le plus mauvais tour qu’on puisse lui jouer est d’exposer sa philosophie transcendentale.

229. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Cette année, je ne me sens pas aussi bien que l’année dernière ; quelquefois je te désire avec une certaine frayeur, et je reste des heures entières à penser à Wolfgang (prénom de Goethe), quand il était enfant et qu’il se roulait à mes pieds ; puis, comme il savait si bien jouer avec son frère Jacques, et lui raconter des histoires ! […] Goethe cueillit une feuille de la vigne qui grimpait à sa fenêtre, et lui dit : « Cette feuille et ta joue ont la même fraîcheur, le même duvet. » Vous croyez peut-être que cette scène est tout enfantine et puérile, mais peu après Goethe lui parle des choses les plus sérieuses et du profond de son âme ; il lui parle de Schiller, mort depuis deux printemps ; et, comme Bettina l’interrompait pour lui dire qu’elle aimait peu Schiller, il se mit à lui expliquer cette nature de poète si différente de la sienne, et pourtant si grande, si généreuse, et qu’il avait eu, lui aussi, la générosité d’embrasser si pleinement et de comprendre. […] Au lieu de ces fantaisies habituelles où elle se jouait comme l’abeille ou le papillon, Goethe est tout étonné de recevoir d’elle des lettres ardentes où elle lui dit : « Ô Goethe ! […] Le grand compositeur, sourd, misanthrope, amer pour tous, fut pour elle, dès la première visite, ouvert, confiant, abondant en bonnes et magnifiques paroles : il se mit aussitôt au piano, et joua et chanta, à son intention, ses chants les plus divins. […] Après le dîner, il se mit de son plein gré au piano, et joua longtemps et merveilleusement bien ; son génie et son orgueil fermentaient ensemble.

230. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Turcaret fut joué en 1709 ; les ridicules et les turpitudes qui signalèrent le triomphe du système de Law y sont d’avance flétris. […] Turcaret fut joué par ordre de Monseigneur, à qui il faut savoir gré de cette marque de littérature, la seule qu’il ait jamais donnée22. […] Toutes les formes de la vie et de l’humaine nature se rencontrent dans Gil Blas, — toutes, excepté une certaine élévation idéale et morale, qui est rare sans doute, qui est jouée souvent, mais qui se trouve assez réelle en quelques rencontres pour ne pas devoir être tout à fait omise dans un tableau complet de l’humanité. […] Montmesnil, qui avait été un moment abbé, mais qui n’avait pu résister à sa vocation, jouait admirablement l’Avocat Patelin, Turcaret ; il faisait aussi le marquis dans Turcaret, le valet La Branche dans Crispin, et en général il excellait dans tous les rôles de valets et de paysans. On peut dire qu’il jouait comme son père écrivait et racontait.

231. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

On n’en saurait douter, c’est habituellement de cette dernière qu’entend parler Camille, c’est elle dont il tient en main la ficelle et qu’il se plaît à faire danser méchamment et par manière de niche aux yeux de ses adversaires ; c’est avec elle qu’il joue comme un enfant gâté, dira Robespierre, et nous nous dirons, comme le gamin insolent, insouciant et cruel, qui n’a pas en lui le sentiment du bien et du mal, qui ne l’aura que tard et par accès, et qui périra par où il s’est trop joué. […] Camille Desmoulins est ce fifre improvisé de la Révolution, et qui se jouera jusqu’au jour où il apprendra à ses dépens qu’on ne joue pas impunément avec le tigre. […] L’enfant gamin que nous connaissons, le drôle à imagination effrénée et libertine, revient se jouer jusqu’au milieu de l’émotion.

232. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Les pièces se jouaient, en moyenne, quinze ou vingt fois. […] En 1664, Molière lui joua la Thébaïde ou les Frères ennemis. […] Il est musicien et joue de tous les instruments (sauf de la flûte). […] On le joua en même temps au Marais et à l’hôtel de Bourgogne. […] Tous les personnages jouent leur tête et le savent.

233. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Un ballet comique joué en 1659 est intitulé : Chacun fait le métier d’autrui. […] Il joue du reste son rôle dans la tragi-comédie et il attrape au passage quelques bonnes railleries. […] En France, la littérature a souvent joué ce rôle militant. […] Il disait de Corneille : « Je l’aurais fait prince » ; mais il disait aussi : « Je n’aurais pas laissé jouer Tartufe. » Peut-être n’eût-il pas laissé jouer non plus les Plaideurs. […] L’ordre social était sauvé. — Le même Alexandre Duval fait jouer une autre pièce intitulée : Guillaume le Conquérant.

234. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Elle jouait aussi de la harpe en virtuose consommée, comme si elle n’eût pas eu le plus joli bras du monde. […] Ce qu’il racontait, il le jouait avec des intonations, des grimaces et des gestes qu’aucun comédien n’a dépassés, à notre avis. […] On dirait que Balzac est personnellement heureux du bon tour qu’il joue à Canalis. […] Comme certains acteurs qui continuent, malgré leur âge, les rôles d’amoureux, il ne pouvait jouer que les jeunes premiers. […] Certes il était assez grand seigneur pour jouer avec le créancier la scène de Don Juan et de M. 

235. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Il faut être juste : ce ton des Souvenirs de la marquise de Créqui est tellement réussi, qu’on se demande s’il est joué et si l’auteur n’est pas un délicieux artiste ?… Fleury, disent nos pères, jouait les marquis à s’y méprendre. […] car il joue les marquises, lui, avec une si audacieuse et merveilleuse désinvolture, qu’il faut qu’elles reviennent elles-mêmes, chaperonnées de leurs propres lettres et sur le poing de Sainte-Beuve, — ce doux fauconnier ! 

236. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

C’est le nom d’un des plus vaillants poètes romantiques, qui n’a pas, lui, rendu son épée a l’Académie française, comme tant d’autres, et qui est toujours l’homme de la première heure, le clairon d’or pur que rien n’a faussé, et qui joue maintenant, dans cette misérable défaite littéraire dont nous sommes les témoins, les airs à outrance du cor de Roland à Roncevaux. […] La malheureuse n’a-t-elle pas joué toute sa vie à l’attrape-minette de l’horreur ? […] Cette insolente et lugubre farce ne pouvait être jouée qu’en Angleterre, le pays de la mystification immense, la terre du hoax !

237. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Cette faculté d’imitation, si facile qu’elle en paraît instantanée comme l’éclair, les Russes ont trouvé un mot pour l’exprimer sans faire saigner cette veine si pleine, toujours gonflée sur la joue rougissante de l’amour-propre national. […] Mais ce Spartacus littéraire était-il autre chose, au fond, qu’un poëte russe qui avait lu Byron et qui s’était inoculé l’ironie byronienne, à larges palettes, alors que le poète anglais joue, dans Don Juan et dans ses poésies politiques, au jacobin et au carbonaro. […] Par exemple : « L’étang était couvert de végétations épaisses qui jouaient le tapis de billard… Le jour n’était ni clair ni sombre, mais d’un gris déterminé rappelant la teinte générale de l’uniforme de soldats de garnison. » Et ainsi toujours, pendant les dix-neuf chants de ce poëme accablant d’idées communes, de sentiments communs, de situations communes, et qui prouverait, si Gogol peignait ressemblant et juste, que la Russie est toujours un colosse, — mais le colosse du Béotisme et de la Vulgarité !

238. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

L’homme ne joue guère de rôle dans cette manière d’envisager les lieux et de les reproduire : le groupe d’usage n’y est pas ; la pastorale et l’élégie y sont sacrifiées ; point de ronde arcadienne autour d’un tombeau ; point de couples épars et de nymphes folâires et d’amours rebondis ; point de kermesse rustique, de concert en plein air ou de dîner sur l’herbette ; pas même de romance touchante, ni de chien du pauvre, ni de veuve du soldat : c’est la nature que le peintre embrasse et saisit ; c’est le symbole confus de ces arbres déjà rouillés par l’automne, de ces marais verdâtres et dormants, de ces collines qui froncent leurs plis à l’horizon, de ce ciel déchiré et nuageux, c’est l’harmonie de toutes ces couleurs et le sens flottant de cette pensée universelle qu’il interroge et qu’il traduit par son pinceau. […] Rien sur le premier plan, hormis quelques vêtements laissés : une blouse, des instruments de travail, une chèvre couchée auprès ; puis, au premier fond, derrière le monticule du premier plan, une espèce de ravin fourré d’arbres, et, dessous, quelque paysan qui sommeille ; plus haut, la côte du château, blanche, nue, calcaire, avec les ruines sévères qui la couronnent ; mais à droite, cette côte blanche s’amollissant en croupes verdoyantes, souples, mamelonnées, et au sommet de l’une de ces croupes, des génisses qui paissent, et un rayon incertain de soleil qui tombe et qui joue.

239. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Elle fut jouée dans cette ville, avec toute la magnificence possible, & le succès le plus étonnant. […] Quel langage hors de nature que celui de cette bergère, occupée à se parer de fleurs, & qui les approche de sa joue, afin de faire comparaison avec elles pour la couleur, & de les couvrir de honte, en l’emportant sur leur éclat* !

240. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Ce vers est d’une sensibilité si douce, qu’il fait plaindre l’aigle, malgré le rôle odieux qu’il joue dans cette fable. […] Le coq ne trompe pas le renard, il le joue, il se moque de lui.

241. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

A la vue de l’intrus, les jeunes yébem qui étaient en train de jouer et s’étaient débarrassés de leurs ailes pour se mettre à l’aise, s’effrayèrent et sautèrent dans un grand trou qui s’ouvrait au milieu de l’aire de la case. […] C’est un jeu qui se joue à deux avec de petits cailloux ou des billes de métal qu’on range dans douze trous (6 et 6) suivant des règles que je n’ai pu me faire expliquer clairement.

242. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Et voilà qu’aujourd’hui un sale paysan le fait sauter du bout de sa bêche, et joue aux quilles avec lui. […] Et aussitôt elle joue au mariage avec lui, et fait prononcer par Celia les paroles solennelles. […] Là-dessus elle agace cette cousine, elle joue avec ses cheveux, elle l’appelle de tous ses noms de femme. […] Puis le juge, —  au beau ventre rond, garni de gras chapons, —  le regard sévère, la barbe magistralement coupée, —  rempli de sages maximes et de précédents modernes ; —  et de cette façon il joue son rôle. […] Le poëte joue avec les émotions : il les confond, il les entre-choque, il les redouble, il les emmêle.

243. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

comme l’auteur se joue agréablement des exigences quinteuses de la syntaxe ! […] Il joue le rôle d’un tuteur de comédie. […] Il traduisit Othello, qui fut joué le 22 octobre 1829. […] Dans ces deux poèmes le spectacle ne jouait qu’un rôle secondaire. […] Ce qui les préoccupe surtout, c’est de savoir comment Lekain ou Molé, Préville ou Fleury, mademoiselle Contat ou mademoiselle Clairon jouaient ce qu’ils ont à jouer.

244. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Une fois le drame achevé, il s’agissait de le faire jouer ; là commençaient les difficultés. […] Dailly fut chargé du rôle difficile de Mes-Bottes, qu’il joue avec tant de bonne humeur. […] On ne peut accorder trop d’éloges à la manière dont elle a composé et joué son rôle. […] Les tragédies que l’alcool fait jouer dans la mansarde ne sont pas dramatiques ! […] Zola, puisqu’on a joué l’Assommoir, mais ce n’est pas de bon gré que je m’y résigne.

245. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le spectateur peut fort bien se figurer que, dans l’intervalle des entr’actes, il se passe quelques heures, d’autant mieux qu’il est distrait par les symphonies que joue l’orchestre. […] Supposons que Talma se présente sur la scène, et joue Manlius avec les cheveux poudrés à blanc et arrangés en ailes de pigeon, nous ne ferons que rire tout le temps du spectacle. […] Or, Lekain eût produit exactement le même effet en 1760, s’il se fût présenté sans poudre pour jouer ce même rôle de Manlius.

246. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Jésus, qui aimait à jouer sur les mots, disait parfois qu’il ferait d’eux des pêcheurs d’hommes 425. […] La Magdaléenne lui fut fidèle jusqu’au Golgotha, et joua le surlendemain de sa mort un rôle de premier ordre ; car elle fut l’organe principal par lequel s’établit la foi à la résurrection, ainsi que nous le verrons plus tard. […] On nomme aussi parmi les disciples Thomas, ou Didyme 434, qui douta quelquefois, mais qui paraît avoir été un homme de cœur et de généreux entraînements 435 ; un Lebbée ou Taddée ; un Simon le Zélote 436, peut-être disciple de Juda le Gaulonite, appartenant à ce parti des Kenaïm, dès lors existant, et qui devait bientôt jouer un si grand rôle dans les mouvements du peuple juif ; enfin Judas fils de Simon, de la ville de Kerioth, qui fit exception dans l’essaim fidèle et s’attira un si épouvantable renom.

247. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

C’est que, si décadente qu’elle soit, cette race a en elle (nous l’avons dit plus haut) ce qui ne périt pas sur les ruines de tout : la vanité, — la vanité aristocratique, et égalitaire par aristocratie, qui veut jouer encore de l’épée parce qu’il n’y avait autrefois que les gentilshommes qui pussent la porter et en jouer… Or, il n’est pas d’idée philosophique, philanthropique, patriotique, il n’y a pas d’amour de la patrie et d’amour de la République auxquels on puisse immoler cette grande ou cette petite vanité. […] Mais l’opinion et les mœurs, dans ce temps-là, auraient effacé l’infamie du soufflet et de la main qui l’aurait donné, et on l’eût porté sur sa joue comme une glorieuse balafre.

248. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

… Madame de Sévigné et ses amoureux, ces patiti qu’elle régalait de petites faveurs innocemment perverses, n’a donc rien à faire avec les femmes vertueuses pour de bon du xviie  siècle, avec ces saintes dont l’abbé Maynard, l’éminent auteur du Saint Vincent de Paul, nous écrit en ce moment la vie ; et si Hippolyte Babou, de cette main légère qui est la sienne, nous les môle à madame de Sévigné et à ses amoureux, dans son volume, comme des cartes à jouer qu’on fait se retrouver dans le même paquet, c’est que Babou, qui sait bien ce qu’il fait et qui ne fait que ce qu’il veut, ne veut être aujourd’hui qu’un faiseur de tours de cartes avec l’Histoire. […] Elle fut sage, mais elle ne fut pas pure, cette femme qui jouait aux amoureux et qui, dans le livre même de Babou, se laisse manger ses bras nus par de vilains hommes comme Ménage, qu’elle avait raison de ne pas aimer. […] Il se joue comme le poisson dans l’eau dans les idées mystiques, qu’il comprend très bien, et avec ce sentiment catholique qui va jusqu’à la règle, mais ne la déborde jamais.

249. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

— si on ne la joue pas, on la publie. […] VII Telle est cette Fille du millionnaire, qui n’a pas été écrite pour être jouée, et qui sera jouée tout de même, ni plus ni moins que le Marino Faliero de Lord Byron.

250. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Il n’y avait que la chanterelle de l’ironie sur laquelle il jouait avec un archet de fils d’acier fin, et c’est cette chanterelle, qu’on entend perpétuellement dans sa correspondance, et qui plaisait tant à Lord Byron, lequel savait jouer aussi sur cette chanterelle, mais avec un bien autre archet ! Et de fait, Byron, le jaloux des gilets de Brummell, l’auteur du Don Juan et du Beppo, et qui jouait sur cette petite chanterelle comme Paganini sur sa seule corde, avait en lui du dandy, comme Horace Walpole ; mais Byron était un dandy dans un poète, et la flamme céleste du poète dévorait sans cesse le dandy toujours renaissant dans ses lettres, commentaire singulier de ses poèmes !

251. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Cette faculté d’imitation, si facile qu’elle en paraît instantanée comme l’éclair, les Russes ont trouvé un mot pour l’exprimer sans faire saigner cette veine si pleine, toujours gonflée sur la joue rougissante, de l’amour-propre national. […] Mais ce Spartacus littéraire était-il autre chose, au fond, qu’un poète russe qui avait lu Byron et qui s’était inoculé l’ironie byronienne à larges palettes, alors que le poète anglais joue, dans Don Juan et dans ses poésies politiques, au jacobin et au carbonaro ? […] Par exemple : « L’étang était couvert de végétations épaisses qui jouaient le tapis de billard… Le jour n’était ni clair ni sombre, mais d’un gris déterminé rappelant la teinte générale de l’uniforme de soldats de garnison. » Et ainsi toujours, pendant les dix-neuf chants de ce poème accablant d’idées communes, de sentiments communs, de situations communes, et qui prouverait, si Gogol peignait ressemblant et juste, que la Russie est toujours un colosse, — mais le colosse du Béotisme et de la Vulgarité !

252. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Fatalité de la tête orgueilleuse de l’homme qui veut percer tous les mystères : la métaphysique est le jeu d’échecs, enchanté ou maudit, où celui qui y joue une fois est condamné à jouer toujours ; car la partie contre les problèmes de l’être et de la vie ne finit jamais ! […] Ribot ; ceux qui veulent prendre rigoureusement la mesure du système de Schopenhauer peuvent recourir au commentaire qu’il nous donne sur sa philosophie, commentaire détaillé, technique, germanique et ennuyeux pour qui ne croit pas à la métaphysique et qui ne s’intéresse pas à la manière de jouer de ce jeu sans fin… Mais pour qui cherche dans les méditations de l’esprit la certitude et la sécurité intellectuelles, pour qui croit que la vérité n’a pas été placée par un être ou un ensemble de choses incompréhensiblement moqueur hors de la portée et de la main de l’homme, les différences de force cérébrale attestées par la différence des systèmes importent peu si les résultats sont les mêmes, s’ils viennent se rejoindre dans les mêmes négations et se briser contre l’Χ inconnu, qui, dans toutes les philosophies de l’heure présente, a été mis à la place de Dieu !

253. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

précisément parce qu’ils ne jouaient pas en aveugles obstinés à cette stupide et éternelle martingale des mêmes noms et des mêmes œuvres, aimés de la foule, et qu’on use, sous le nombre des éditions, comme on crève les meilleurs chevaux de poste sous les aiguillons et sous le fouet, ils gagnaient davantage, — disons le mot, puisque c’est gagner qui est l’important ! — et ils finissaient par trouver que c’était bien jouer, même au point de vue du comptoir, que d’avoir de l’initiative, que d’oser mettre en avant des noms nouveaux ou ressusciter des noms anciens trop oubliés, que de publier enfin, à ses risques et périls, des livres vierges, ou de refaire sans peur une édition de quelque vieux livre épuisé. […] Henri Beyle n’était pas seulement le Tulou de la flûte de l’ironie, dont il jouait avec une perfection d’ange un peu démon, c’était de plus un homme aussi capable d’enthousiasme qu’il était profond, et, qu’on nous passe le mot !

254. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Voyez-le ce dernier : il est assis de face, les jambes écartées, la tête de profil rejetée un peu en arrière et regardant de côté, le coude gauche appuyé sur un genou, et la main montant en l’air, où elle joue inoccupée. […] lui disait un visiteur. — Allons, ne jouez pas au fin avec moi ; vous avez bien compris que c’était Bacciocchi !  […] Plus nous allons, moins nous pouvons jouer par politesse la fatigante comédie du monde, que tous jouent si naturellement et sans aucun effort. […] Pauvre salle de spectacle, où jamais comédie ne fut jouée, et qui pourtant, s’élevant de terre et se parant de sculptures, dut prendre tant de place dans les rêves du bâtisseur de cette maison au temps jadis. […] * * * — De la confusion des langues à la tour de Babel, sont nés : Pierrot qui s’en joue, et les traducteurs qui en vivent.

255. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

On compte, on recompte, et on recompte encore, au bout de quoi, dans le grand silence de l’étude, la voix nette et un peu railleuse du premier clerc s’élève, et jette : « À cette pile, il manque cent francs, à celle-ci dix francs, à celle-là vingt francs… Le trio de la campagne joue la stupéfaction, muet, il regarde, il regarde toujours la table, comme si, à force de regarder, il allait évoquer sur les piles, les pièces d’or qu’il a oublié d’y mettre. […] … mais il faudrait que ce fût joué parfaitement… Rien que des tableaux… Des mots ! […] mais il faut que la censure les laisse… Oui, je vous le dis, je vous jouerai, je vous jouerai pour la couleur… Après cela, le succès, ah ! […] Au fond, dégoûtés de jamais être joués là, et par ce monsieur, nous convenions, tous les trois, d’un même accord, de présenter la pièce au visa préventif de la censure, chacun ayant la secrète espérance de rompre l’affaire par le veto désiré. […] Thierry, et à une date si rapprochée, de jouer une autre pièce de nous.

256. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Le philosophe, l’homme du monde, l’homme qui joue aux maximes, se confondent en lui. […] Le mouvement de l’amour-propre nous est si naturel, que le plus souvent nous ne le sentons pas, et que nous croyons agir par d’autres principes. » La Rochefoucauld, de même, a dit avec plus de grandeur : « L’orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par sa fierté ; de sorte qu’à proprement parler, la fierté est l’éclat et la déclaration de l’orgueil. » Un des hommes qui ont le mieux connu les hommes et qui ont su le mieux démêler leur fibre secrète pour les gouverner, Napoléon, a fait un jour de La Rochefoucauld un vif et effrayant commentaire. […] Quelqu’un qui l’avait écouté pendant tout un semestre, et qui était plus attentif à l’homme qu’à ce qu’il débitait, fit de lui le portrait suivant, pris sur nature : Pancirole professe, il est heureux ; sa joue s’enfle plus qu’à l’ordinaire ; sa poitrine s’arrondit, la couleur noir-cerise de sa joue est plus foncée et plus dense ; il jouit.

257. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

On jouait aux muses, on jouait aux grâces et aux nymphes. […] On peut dire de lui qu’il jouait franc jeu tous les jeux de son temps, et, naissance à part, tous ces beaux seigneurs avec qui il vivait l’eussent avoué pour un des leurs. […] Pourtant on ne peut s’empêcher de remarquer que si Boileau avait ajouté à ses talents de poète et à sa finesse de critique les grâces et le monde de Voiture, son art de vivre sur un pied de familiarité avec les plus grands et de jouer sans cesse avec eux sans s’oublier, il eût mieux ressemblé à Horace.

258. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

C’est une comédie qu’elle vient de jouer, concertée avec Lebonnard, qui n’a trouvé que ce remède, impudique plutôt qu’héroïque, pour la guérir d’un indigne amour. […] Lebonnard l’arrête en ce beau chemin, et lui apprend qu’il a été dupe d’une scène bien jouée : madame de Morancé n’a, dans sa vie, que la triste faute de l’avoir aimé. […] Comment admettre qu’une femme, délicate et fière, telle que madame de Morancé nous est présentée, consente à jouer ce rôle de fausse courtisane ? […] Le petit Fondette joue, dans la pièce, le rôle de la biche substituée à Iphigénie, sous le couteau de Chaleas.

259. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Mais, dans ce portrait du Napoléon de 1812, M. de Lamartine s’est trop abandonné à son nouveau style de prose, dans lequel il entre plus de Balzac que de Tacite, je parle de Balzac le romancier : L’Empire l’avait vieilli avant le temps, dit l’historien : l’ambition satisfaite, l’orgueil assouvi, les délices des palais, la table exquise, la couche molle, les épouses jeunes, les maîtresses complaisantes, les longues veilles, les insomnies partagées entre le travail et les fêtes, l’habitude du cheval qui épaissit le corps (tout ceci joue le Tacite), avaient alourdi ses membres et amolli ses sens. […] Le front élevé était un peu trop incliné en arrière comme une muraille qui s’affaisse, mais la lumière y jouait comme l’intelligence dans un espace large et bombé. […] Ici, je sens trop que j’ai affaire à une pure luxuriance de pinceau, qui se joue et qui exagère, qui caresse toutes choses et qui les prolonge dans tous les sens. […] Mme la duchesse d’Angoulême est un de ces personnages consacrés par le malheur, et avec lesquels le pinceau ne doit point se jouer, même pour les flatter.

260. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

» Ce soir, Rollinat, venu pour placer ses morceaux de musique à Engel, qui lui a fait un traité par lequel , il ne peut lui en fournir que la demi-douzaine par an, nous joue ces morceaux. […] C’est un hasard, ajoute-t-il, qui lui a fait faire du théâtre, qu’il n’en fera sans doute plus, et qu’alors il aime mieux ne pas être joué, que d’être joué avec une interprétation, qui n’est pas dans ses vues. […] Lundi 23 avril Répétition chez Frantz Jourdain de : À bas le Progrès, joué par Janvier, Mlle Valdey, qui l’a déjà joué au Théâtre-Libre, et Daras, de l’Odéon. […] Rodolphe Lothar, qui me propose, avant que je trouve à faire représenter La Faustin à Paris, de la faire jouer à Vienne, par une actrice ayant un grand talent. […] La seconde d’Harunobou, planche un peu fantastique, montre dans une nuit, où volent de gros flocons de neige, un jeune amoureux qui joue de la flûte, dans le voisinage de sa belle.

261. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Tous les ans on voyait croître le nombre des tavernes, des théâtres, des salles où l’on fumait, où l’on jouait, où l’on donnait des combats d’ours. […] Ils jouent avec les mots, ils les tordent, ils les déforment, ils jouissent des subites perspectives, des contrastes heurtés qu’ils font jaillir coup sur coup l’un sur l’autre et à l’infini. […] Enfin le calme est revenu, et pendant cette éclaircie l’esprit agile et brillant joue comme une flamme voltigeante à la surface du profond foyer qui couve. […] On garde toujours le culte de la beauté et de la volupté ; mais on joue avec elles. […] Parmi tous ces monstres antédiluviens, hérissés de terminaisons latines, il est à son aise ; il se joue, il rit, il saute de l’un sur l’autre, il les mène de front.

262. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Rien, même de mes pleurs, à celui qui s’en joue, Qui m’a pris mon bonheur et ne me connaît plus ! Je farderai ma voix comme on farde sa joue : Plus de soupirs jamais qui seraient entendus !

263. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

Nous nous amusions à faire jouer l’eau des bassins, à pénétrer dans les recoins les plus secrets. […] Il faut aimer la liberté. » La liberté, nous l’avions alors : c’était pour nous, de prendre possession de tout ce qui nous entourait, de rouler sur l’herbe, de moissonner les fleurs, de faire jouer les serrures verrouillées, et c’était pour moi, souvent, de m’entretenir en silence avec les peintures des galeries et les grandes ombres du clair de lune, car déjà j’avais la tête farcie de romans dévorés en cachette.

264. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Elle joue le chagrin ; mais en ce moment, si je l’ignore, il me semble qu’elle a un grand chagrin ; cela signifie que ses gestes, sa physionomie, ses cris, ses paroles sont les mêmes et éveillent en moi les mêmes idées que si elle avait un grand chagrin. […] Cet officier, qui servait dans l’expédition de Louisburgh en 1758, avait l’habitude de jouer (to act) ses rêves, et l’on pouvait en diriger le cours en murmurant à son oreille, surtout si cela venait d’une voix qui lui fût familière. […] Enfin ils lui dirent que l’homme qui, en ligne, était le plus près de lui, venait de tomber ; aussitôt il sauta hors de son lit, s’élança hors de la tente, et fut tiré du péril et du rêve en trébuchant sur les cordes des piquets. — Après ces expériences, il n’avait point de souvenir distinct de ses rêves, mais seulement un sentiment confus d’oppression et de fatigue, et, d’ordinaire, il disait à ses amis qu’il était sûr qu’ils lui avaient joué quelque tour. » Le somnambulisme artificiel met l’esprit dans un état semblable. […] Le magnétisé manifeste alors une violente terreur qui se peint sur tous ses traits, et il donne tous les signes d’une conviction positive. » Quand une personne est hypnotisée, dit le docteur Tuke7, souvent « on lui fait croire par suggestion qu’elle voit un individu absent… De même on peut arriver à lui faire imaginer qu’elle entend jouer sur un instrument de musique un air déterminé, alors qu’il ne se produit aucun son ». […] F…, qui, dans les mêmes conditions de somnambulisme, fut amenée par suggestion à croire qu’elle avait une violente odontalgie, l’opérateur augmentant l’effet de ses paroles en appliquant son doigt sur la joue du sujet.

265. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Il fait jouer toutes les machines : en même temps qu’il intrigue vigoureusement, il joue au prélat persécuté, au martyr, il étale ses angoisses pastorales, d’être loin de son troupeau, de le savoir délaissé, sans guide et sans gardien ; il envoie en France des mémoires, des lettres, où respire l’âme évangélique des Athanase et des Grégoire : le merveilleux comédien ! […] Il a bien joué le coup de la grandeur d’âme : les compensations attendues lui sont données, de riches abbayes, dont Saint-Denis. […] Retz se joue impudemment de la vérité : il dit ce qu’il veut qu’on croie, il prépare sa figure pour l’immortalité. […] Il faut lire avec quelle sûreté il joue de Gaston d’Orléans ; il en connaît le ressort, la peur ; mais il sait exactement les degrés et les moments, quelle pression, en quelles circonstances, produira la passivité, l’activité ou sentimentale ou oratoire ou physique, enfin le courage même.

266. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Sarcey se joue depuis vingt ans avec une aisance robuste et quelque chose de la souple curiosité d’un Voltaire écrivant Certains petits articles du Dictionnaire philosophique ou d’un Galiani abattant de verve son Dialogue sur les grains. […] Sarcey part de ces deux principes incontestables : 1° Le théâtre est un genre particulier, soumis à certaines règles nécessaires qui dérivent de sa nature même ; 2° Les pièces de théâtre sont faites pour être jouées, et non pas devant une poignée de délicats, mais devant de nombreuses assemblées d’hommes et de femmes. […] Il y a, de plus, certaines nécessités qui résultent de ce fait, qu’une pièce de théâtre est jouée devant un grand nombre de spectateurs. […] Sans compter qu’un drame est joué par des acteurs et que, neuf fois sur dix, les acteurs gâtent le drame. Conclusion : mieux vaut lire une pièce que de la voir jouer, et mieux vaut lire des vers, un roman, un livre d’histoire, qu’une pièce de théâtre.

267. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Elle sait la musique parfaitement, elle chante avec toute la gaieté et tout le goût possible, sait cent chansons, joue la comédie à Étiolles, sur un théâtre aussi beau que celui de l’Opéra, où il y a des machines et des changements… La voilà au vrai telle qu’elle était avant Louis XV. […] Le cardinal de Fleury étant mort, les intrigues jouèrent de plus belle ; il ne s’agissait, puisque le roi était si nul de volonté, que de savoir quelle main saisirait le gouvernail. […] … » Quand, pour distraire le roi, elle fit jouer la comédie dans les petits appartements, Montesquieu avait l’air de s’en railler dans une lettre écrite à un ami (novembre 1749) : Je ne puis vous dire autre chose, si ce n’est que les opéras et comédies de Mme de Pompadour vont commencer, et qu’ainsi M. le duc de La Vallière va être un des premiers hommes de son siècle ; et, comme on ne parle ici que de comédies et de bals, Voltaire jouit d’une faveur particulière. Mais, au milieu de ces ballets et de ces opéras dont Montesquieu faisait fi et dont le détail nous a été transmis par Laujon, on jouait aussi Le Tartuffe ; on le jouait à deux pas de la cour dévote du Dauphin, et les courtisans qui n’avaient ni rôle ni place de faveur ne s’en consolaient pas.

268. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Dans la moelle sont montés des mécanismes dont chacun contient, prête à se déclencher, telle ou telle action compliquée que le corps accomplira quand il le voudra ; c’est ainsi que les rouleaux de papier perforé, dont on munit un piano mécanique, dessinent par avance les airs que jouera l’instrument. […] Mais il y a des cas où l’excitation, au lieu d’obtenir immédiatement une réaction plus ou moins compliquée du corps en s’adressant à la moelle, monte d’abord au cerveau, puis redescend, et ne fait jouer le mécanisme de la moelle qu’après avoir pris le cerveau pour intermédiaire. […] La moelle contenait un grand nombre de réponses toutes faites à la question que les circonstances pouvaient poser ; l’intervention du cerveau fait jouer la plus appropriée d’entre elles. […] Elle tâcherait de n’avoir qu’à faire jouer un déclic ou à fournir une étincelle, à utiliser instantanément une énergie que la matière aurait accumulée pendant tout le temps qu’il aurait fallu. […] Supposons par exemple que la nécessité inhérente à la matière ne puisse être forcée, à chacun de ses instants, que dans des limites extrêmement restreintes : comment procéderait une conscience qui voudrait néanmoins insérer dans le monde matériel une action libre, ne fût-ce que celle qu’il faut pour faire jouer un déclic ou pour orienter un mouvement ?

269. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Mon compatriote, qui connaît une foule de secrets de coulisses, depuis qu’il a eu un acte de vaudeville joué à l’Ambigu, m’a affirmé que M.  […] Ce Monsieur voulait à tout prix faire partie d’une société qui se disposait à jouer la comédie à l’hôtel du comte de Castellane. […] On ne joue pas ; on cause. […] Félix Pyat un drame fort bien écrit, joué à la Porte Saint-Martin, sous le titre de : Le Brigand et le Philosophe. […] Harel ne jouait plus ses pièces.

270. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Il se joue assez agréablement dans les madrigaux de Voiture et dans la prose de Fléchier. […] lui dit Massillon, vous n’apercevez pas ce jésuite et ce père de l’Oratoire qui jouent aux boules ensemble ? […] Le tour est joué. […] Si j’avais destiné ma pièce au théâtre, les comédiens la joueraient sans ce retranchement. […] Il faut alors qu’il ait joué de malheur.

271. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Les sentiments jouent leur jeu propre, un jeu subtil et transparent. […] Du moins, on ne jouera plus qu’aux chandelles devant un demi-quarteron d’invités choisis. […] Il n’aura pas même le choix, s’il veut être joué, entre un théâtre clos et un théâtre populaire. […] À l’acteur romantique jouant pour le public, il prétendit opposer l’acteur réaliste qui joue pour lui tout seul. […] Il fut joué à contre sens, dans un mouvement d’enterrement et sur un ton de psalmodie.

272. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Oui, je le déclare, ça me ferait un bonheur plus profond, d’avoir une de mes deux pièces, jouée par des acteurs de talent. […] Diable, voilà un banquet qui joue de malheur, et je trouve au fond la remise faite sur des exigences, vraiment exagérées. […] De chaudes, de nerveuses poignées de main m’accueillent, et l’une de ces mains est la main de Lafontaine, me tendant un petit bouquet de violettes, entouré d’une carte de sa femme, sur laquelle est écrit : Henriette Maréchal, le rôle joué en 1865. […] Un moment, elle nous entretient de Wagner, qu’elle a vu, toute jeunette, et qui dans la visite qu’elle lui a faite, joua du piano d’une manière assez peu satisfaisante, pour faire jouer ses créations par Richter, et qui chantait faux, si faux, qu’en dépit de son admiration enthousiaste, elle fut surprise. […] À l’heure présente, on joue à l’Opéra, du Wagner, quatre fois par semaine, et il y a soixante-cinq opéras français qui attendent, et qui ne seront peut-être jamais joués.

273. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Il peut contenir trente mille spectateurs ; on y joue en plein air, en plein soleil ; les représentations durent tout le jour. […] Il se joue dans les rêves des nations tudesques, et en même temps vivifie de son souffle ces admirables romanceros espagnols, véritable Iliade de la chevalerie. […] Le corps y joue son rôle comme l’âme ; et les hommes et les événements, mis en jeu par ce double agent, passent tour à tour bouffons et terribles, quelquefois terribles et bouffons tout ensemble. […] Tout Cromwell est en jeu dans cette comédie qui se joue entre l’Angleterre et lui. […] Il fallait opter : ou la tragédie pateline, sournoise, fausse, et jouée, ou le drame insolemment vrai, et banni.

274. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

» — « Je vais de ce pas moi-même défendre à la Comédie de les jouer. […] Toute petite fille, et à ses jours de pire misère, la digne enfant avait joué au Théâtre-Molière ce rôle de Marie Stuart ; un vieil amateur en sortant se récriait : « Quelle est donc cette petite fille qui vient de jouer si bien ? […] La pièce, jouée pour la première fois le 28 avril 1814, cinq jours avant la rentrée de Louis XVIII dans sa capitale, n’eut qu’un petit nombre de représentations, ce qu’on appelait un succès d’estime. […] M. de Chateaubriand lui donna audience aussitôt : — « On dit qu’un roi joue un vilain rôle dans votre pièce ; cependant, monsieur, il serait bien temps, ce me semble, de laisser les rois tranquilles. » M. […] On jouait ce jour-là la Princesse Aurélie à la Comédie-Française.

275. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

On sourit de voir Catinat dans cette auberge, dans ce conciliabule à trois et ce guet-apens, — un guet-apens pour le bon motif, — jouer si bien le rôle qu’on supposerait chez un personnage d’un de nos mélodrames modernes. […] Le jeu joué était celui-ci. […] c’est ce que chacun bientôt se répéta et qui retentit en tous lieux et tout d’un cri comme dans un écho ; c’est ce que Bonfflers et Catinat lui-même, dans leurs lettres à Louvois, ne purent s’empêcher de relever avec admiration comme pour un coup de théâtre où ils avaient joué leur rôle sans en sentir d’abord tout l’étonnant et toute la grandeur. […] Le gouverneur et commandant des troupes du duc, le marquis de Gonzague, est un homme d’esprit et qui ne se laisse pas jouer.

276. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Qui sait si quelque balafre à la joue, ou un œil crevé du côté qu’il nous a caché, n’eût pas totalement changé la physionomie ? […] L’horizon s’est agrandi dans tous les sens, et le rayon de l’Olympe s’y joue. […] Cet enfant de métier, qui va jouer avec ses camarades après le prêche, ou rêver seul s’il le peut, ce petit adolescent à la taille bien prise, à l’œil vif, à la physionomie fine, et qui accuse toutes choses plus qu’on ne voudrait, il a plus de réalité que l’autre et plus de vie ; il a de la bonhomie, il a des émotions et des entrailles. […] « Rousseau avait l’esprit voluptueux. » a dit un bon critique ; les femmes jouent chez lui un grand rôle ; absentes ou présentes, elles et leurs charmes, elles l’occupentc, l’inspirent et l’attendrissent, et il se mêle quelque chose d’elles à tout ce qu’il écrit : Comment, dit-il de Mme de Warens, en approchant pour la première fois d’une femme aimable, polie, éblouissante, d’une dame d’un état supérieur au mien, dont je n’avais jamais abordé la pareille…, comment me trouvai-je à l’instant aussi libre, aussi à mon aise que si j’eusse été parfaitement sûr de lui plaire ?

277. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Par une délicatesse qui égalait et surpassait toutes les excuses, Le Barbier de Séville fut joué au Petit Trianon par la société intime de la reine, le 19 août (1785), et les acteurs étaient la reine elle-même dans le rôle de Rosine, le comte d’Artois dans celui de Figaro, M. de Vaudreuil faisant Almaviva, etc. […] Mais il voulut rire de Mirabeau et de ses objections ; rappelant les critiques qu’avaient eu à essuyer de tout temps les entreprises nouvelles : « Quand elles étaient bien amères, disait-il, on les nommait des Philippiques ; peut-être un jour quelque mauvais plaisant coiffera-t-il celles-ci du joli nom de Mirabelles, venant du comte de Mirabeau, qui mirabilia fecit. » Le faiseur de calembours oubliait trop ici à qui il se jouait. […] Tarare, qui avait peut-être été écrit sous l’inspiration de la pantoufle merveilleuse, et qui se jouait en concurrence avec le procès Kornman, était un opéra de Beaumarchais, très fou, très bizarre, mais très à propos, un opéra soi-disant philosophique, politique et déjà révolutionnaire, préludant à la Déclaration des droits, et où « la dignité de l’homme était le point moral que l’auteur avait voulu traiter, le thème qu’il s’était donné », disait-il sérieusement dans son Discours préliminaire. […] Sa force d’impulsion étant épuisée, il atteignait à l’âge où tout lui aurait paru assez bon, pourvu qu’il pût faire jouer ses pièces, être gai et heureux dans son jardin.

278. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

La poésie est faite pour être récitée, comme la musique pour être jouée. […] Les trouvères allaient par deux, comme encore les chanteurs des rues (les coutumes se superposent sans se détruire) : l’un jouait de quelque viole, l’autre chantait ou psalmodiait. […] ) Typographiés, ces cinq vers font trois alexandrins, mais il faut nous méfier de la typographie ; elle joue dans l’histoire du vers libre un rôle trop souvent prépondérant . […] Trop strictement, peut-on répondre, et nous voulons rendre les estampes non pas moins nettes, mais plus claires et qu’entre les traits noirs se joue plus de soleil, et aussi que les traits soient un peu tremblés comme, fabriquées par la nature, les feuilles sont découpées, quoique uniformes, selon un tel caprice, que l’on ne vit jamais deux feuilles pareilles.

279. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

— Les guinné jouent le rôle le plus constamment important dans les contes merveilleux ou moraux. […] — Nul conte ouolof, à ma connaissance, ne fait jouer de rôle aux nains et de ce côté nous n’avons aucun détail sur leur aspect physique. […] * * * Outre les génies de différentes sortes que nous venons de passer en revue et les hommes de toutes professions, y compris celles de voleur, de griot, d’apiculteur et d’éleveur de poules, les personnages ci-après jouent leur rôle dans les contes : goules, vampires, sorciers et contre-sorciers, végétaux, minéraux, objets divers et abstractions variées : la faim, la mort, le mensonge et la vérité, etc, etc. […] Sorciers : Les sorciers jouent dans les contes un rôle assez fréquent.

280. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Je ne crois pas avoir besoin de détailler davantage le rôle considérable que joue la sensibilité dans la deuxième moitié du xviiie  siècle. […] Cela n’expliquerait-il pas, en partie, le coloris funèbre qui assombrit la Lucrèce Borgia de Victor Hugo, jouée l’année suivante ? […] Il fut de mode sous la Restauration de jouer au poitrinaire, au poète mourant.

281. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Eh bien, malgré tous ces défauts, quoiqu’assez chaud de mon naturel et peu disposé à pardonner le froid à une composition quelconque ; quoiqu’il me paraisse absurde d’avoir allongé les oreilles de Midas avant son impertinente sentence, et que cet effet soit d’un instant postérieur, du moment où Apollon ayant cessé de jouer, la main étendue, l’air indigné, il ordonne à ces oreilles de pousser ; quoique ce morceau soit proscrit sans restriction, j’avouerai qu’il y en a cent autres au sallon, qu’on regarde, qu’on loue, et que je mets au-dessous. […] Ils se battent ; celui qui est à gauche égratigne son camarade à la joue, et lui arrache des fruits. […] Cette petite fille qui joue avec son chat est misérable.

282. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Albalat croit tout le temps que Pascal joue avec les mots, que sa pensée dépend des mots et qu’un nouveau degré de condensation en augmenterait beaucoup la valeur. L’illusion est naturelle à un esprit nourri de rhétorique classique. » Je ne crois pas seulement que Pascal joue avec les mots ; je crois qu’il joue aussi (dans le meilleur sens) avec sa pensée ; je crois qu’il la change, qu’il la pousse, qu’il la renforce ; et, comme il lui faut des mots pour exprimer ce qu’il sent, je crois, en effet, que sa pensée dépend souvent des mots, mais je crois aussi que ses mots dépendent également de sa pensée et qu’il trouve d’admirables mots par la seule force de sa pensée.

283. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

A force d’agir sur la langue, à ne voir que ses lignes, ses contours, le brisement ou l’assouplissement de son mètre, la plénitude de ses échos, Banville n’est plus qu’un artiste qui joue d’un instrument quelconque. […] Ils ont joué aux maîtres et aux disciples. […] Nous regrettons de ne pouvoir citer tout entière cette pièce singulière et délicieuse ; mais, nous ne craignons pas de le répéter, de tels prestiges par les mots, leur choix, leur distribution et leur place, cette espèce d’harmonica littéraire joué sur des verres (ou vers, pardon !)

284. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Saint-Pol-Roux joue d’une cythare dont les cordes sont parfois trop tendues : il suffirait d’un tour de clef pour que nos oreilles soient toujours profondément réjouies. […] Le drame se joue entre ces trois entités, grandiose, hallucinant, mais sans autre complexité essentielle que celle qu’on imagine de suite à la seule énonciation des personnages.

285. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Les unes ont été composées pour être propres à produire un certain effet, et les autres pour être propres à produire un effet contraire. à la guerre, lorsqu’il faut faire marcher les troupes en avant, les instrumens ne jouent pas un air du même caractere que celui qu’ils jouent, lorsqu’il faut qu’elles se retirent.

286. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

III Et la première, c’est la mort de l’esprit en France, ou du moins sa longue léthargie, pour parler comme ceux-là qui s’imaginent qu’en se cotisant d’un bon mot tous les mois, — ce qui n’est pas ruineux, — ils vont tout à l’heure le ressusciter et l’envoyer jouer à la fossette, comme le petit garçon de Sganarelle. […] Le fondateur des Dîners littéraires, à bon mot et à dix francs, n’est pas seulement un professeur d’hygiène intellectuelle aussi simple que cet ivrogne de Sheridan, qui disait : « Quand la pensée est lente à venir, un verre de bon vin la stimule, et quand elle est venue, un verre de vin la récompense », c’est un homme plus profond que cela : il connaît son temps et sait jouer du vice de son temps.

287. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Le démon n’est, après tout, qu’un ange tombé, et qui a emporté un peu de sa grâce divine dans la poussière… Mais, puisque le nom de Voltaire s’est trouvé là sous notre plume, qu’on nous permette de citer sur lui un mot de Joubert, que nous oserons modifier pour l’appliquer à Nicolas : « Voltaire — dit Joubert — aime la clarté et se joue dans la lumière, mais c’est pour la briser et en disperser les rayons comme un méchant. » Nicolas, lui aussi, aime la clarté et se joue dans la lumière, mais c’est pour en concentrer les rayons et vous les renvoyer dans le cœur, comme un homme bon.

288. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Cette espèce d’homme, dans l’imagination du philosophe, joue le même rôle que joue l’artiste dans l’imagination d’Emma Bovary, ou l’Oriental noble et rêveur dans l’imagination d’un Lamartine.

289. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Glatigny joue, dans ce théâtre très « à côté », le rôle d’improvisateur et de joueur de bouts-rimés. […] Elle a été jouée très brillamment. […] Ça ne devrait pas être joué ici. […] Le Duel était faiblement joué. […] Elle ne l’a pas joué qu’avec son talent.

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