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63. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Il n’était pas seulement un livresque, il était un actualiste, si vous me permettez d’unir un instant ces deux mots, dont l’un est un archaïsme et l’autre un néologisme. […] Il n’est pas permis, dans la société animale, et évidemment La Fontaine songe à la société humaine, il n’est pas permis d’être sot. […] Si vous me le permettez, je commencerai et cela dans une intention qui lui est favorable, je commencerai par le degré le plus bas. […] Cela l’attriste ; et pour récompenser ses hôtes des soins et de l’amitié qu’ils ont eus pour lui, il leur dit : « Vous savez, j’ai un privilège : je peux vous permettre de faire trois souhaits, pas un de plus, et ces souhaits seront exaucés. » Voilà ces bonnes gens qui, comme tout le monde aurait fait, ou à peu près, commencent par demander la fortune, cela va de soi. […] je dirais, si je me le permettais avec de si grands hommes, je dirais à Jean-Jacques Rousseau : « — Eh bien !

64. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Avant de commencer, permettez-moi d’exprimer un regret, qui ne sera, je le crois, que rarement exprimé. […] Mais s’il lui est permis d’empiéter sur le domaine de l’impalpable et de l’imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l’homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous ! […] Enfin elle joue un rôle puissant même dans la morale ; car, permettez-moi d’aller jusque-là, qu’est-ce que la vertu sans imagination ? […] Diaz ; mais il est permis de supposer que ces louables désirs lui sont venus trop tard. […] On s’est amusé, depuis quelques années, à critiquer, plus qu’il n’est permis, un de nos amis les plus chers ; eh bien !

65. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

L’assassinat méthodique des Reformés dura près de cinq ans, interrompu par de courtes trêves, pour permettre aux tortionnaires de reprendre haleine. […] La conception moderne de l’histoire et de la science sociale, ne permet plus d’ajouter ici aux ingénieuses théories de cette espèce. […] En cet instant, la France se barre d’elle-même l’avenir, en permettant au pouvoir religieux d’entraver par de nouveaux obstacles son évolution vers l’autonomie morale. […] C’est une lourde réalité, matériellement immense (effroyable moralement). » L’ouvrage de Weiss nous permet de suivre pas à pas la fortune de nos proscrits.‌ […] « Mais l’hypocrisie déprima peut-être trop violemment vos cerveaux et vos cœurs pour vous permettre aujourd’hui de reconnaître louablement la vérité.

66. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

Préface de la seconde édition Le bon accueil fait à la première édition de cet ouvrage, depuis longtemps épuisée, me permettait de croire qu’une seconde était nécessaire. […] Qu’il me soit permis d’ajouter que je ne crois pas avoir fait tort à la littérature de mon pays, en l’admirant comme l’héritière des deux littératures universelles, et en lui reconnaissant pour trait distinctif, pour titre d’hoirie, la supériorité de la raison.

67. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Ravenel, et en me souvenant du drame intéressant qu’on applaudit encore, il me sera donc permis de m’arrêter un instant sur ce sujet d’Adrienne Le Couvreur comme pour un à-propos. […] Soyez, je vous prie, plus raisonnable, et dites à celui que vous chargez de me tourmenter qu’il me permette un peu de respirer : à peine, depuis quatre jours, m’en a-t-il laissé le temps. […] Racine, le tendre et autrefois amoureux Racine, parle de la Champmeslé, en apprenant sa mort, comme d’une pauvre malheureuse, et d’un ton que l’austère dévotion même n’eût jamais permis depuis à l’honnête homme du monde. […] Ce n’était pas là le ton habituel d’un lieu où Voltaire avait ses libres entrées et se permettait toutes ses saillies sans doute, mais où Fontenelle était goûté ; ce n’était pas le ton des soupers de Mlle Le Couvreur. […] Quelques-unes des pastilles parurent douteuses ; mais la quantité n’était pas suffisante, disait le chimiste, pour permettre de constater les expériences et d’asseoir un jugement.

68. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Il fut élevé au collège de Juilly chez les Oratoriens, et y fit de bonnes études, sans trop de docilité toutefois, et se permettant déjà de juger ses maîtres. […] J’ai donc insisté pour que le général Gentili ne mit pas mon dévouement à une plus dangereuse épreuve, et me permît de retourner auprès de vous… Permettez-moi de suivre l’exemple de Lycurgue, homme de sens, qui aimait mieux donner des lois que de les faire exécuter. […] Ossian, qu’il invoquait souvent, n’était qu’un thème vague et comme musical qui lui permettait de rêver ce que nul ne réalisait à son gré ; ce n’était qu’un nom dont il saluait un genre et un génie inconnu. […] » dis-je à Bonaparte, dès que le départ des deux témoins m’eut permis de lui parler librement. — « Rien demain » ; me répondit-il. — « Rien !  […] Mais il y avait dans l’écorce de tous deux, et, si l’on peut dire, dans leurs atomes extérieurs, je ne sais quoi qui ne permit point à leurs esprits de communiquer jamais entièrement et de se pénétrer.

69. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

On nous permettra à ce sujet quelques considérations en terminant. […] Est-il permis, est-il possible de concilier ces deux tendances contraires ? […] Le dogme est impitoyable, et ne permet rien en dehors de lui. […] Nous nous permettons enfin de faire allusion plus haut au cours que nous venons d’inaugurer à la Sorbonne sur la philosophie allemande.

70. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Mais, franchement, est-il permis, à l’heure qu’il est, de faire un livre ennuyeux sur la Chine ? […] mais un livre ennuyeux, dans l’état actuel des connaissances sur ce singulier pays, lesquelles ont tout juste le degré d’information et d’incertitude, de lumière et d’obscurité qui donne à l’Histoire tout le piquant d’une question, cela est-il permis, même à très haute et puissante dame la Médiocrité ?… Est-il permis de manquer d’intérêt et de vie quand il s’agit du peuple le plus curieux et le moins connu, quoiqu’on en ait immensément parlé, de ce peuple magot et falot qui ressemble aux visions produites par l’opium qu’il fume, et qu’on pourrait appeler le plus fantastique de tous les peuples ? […] Au xviie siècle, elle a mystifié lord Macartney, et le livre du pauvre lord nous dit, avec la candeur d’une dupe accomplie, dans quelles superbes proportions la mystification eut lieu… Si un jour elle a permis aux Jésuites, ces admirables enjôleurs pour le compte de la vérité, de soulever son loup et de la regarder au visage, elle s’est bien vite repentie de cette minute d’abandon qui allait faire de sa personnalité historique le Secret de la Comédie pour le monde entier.

71. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Il y a un mot heureux de Guizot, et que je souligne parce que Guizot, que je voudrais entraîner, ne se permet guère l’imagination : « Comme un fanal, dans la nuit, brille au milieu des airs sans laisser apercevoir ce qui le soutient, même l’esprit de Shakespeare nous apparaît dans ses œuvres, isolé de sa personne. » Mais c’est justement à cause de la difficulté de saisir la vie de Shakespeare, d’empoigner le pied du fanal caché sous sa lumière, que la pensée la veut, cette vie, et qu’elle s’y obstine. […] Lui qui avait mis comme un bienfait peut-être une telle obscurité sous une telle gloire, n’a pas permis que cette gloire fût comme un flambeau qu’on retourne pour voir dans cette obscurité. […] Or, en supposant qu’il ne vint jamais, ce Cuvier de Shakespeare, ou qu’il fût simplement impossible, — par la raison que l’histoire humaine, faite avec des circonstances et du libre arbitre, déconcerte la logique de l’observateur et ne ressemble pas à l’histoire naturelle, faite avec de la pure organisation qui permet toujours de conclure, — il y aurait au moins les faits connus — si peu nombreux qu’ils soient et même si incertains qu’ils puissent être — pour intéresser l’imagination captive, cette imagination humaine qui n’est pas de l’avis d’Emerson non plus, et qui ne prendra jamais son parti de ne pas savoir l’histoire vraie et détaillée du tous les jours de Shakespeare, comme elle sait, par exemple, celle de Goethe et de lord Byron ! […] Si l’espace dont je dispose le permettait, j’aimerais, par exemple, à citer un aperçu sur la comédie que ne pouvait écrire Shakespeare en Angleterre, et que Molière a pu écrire en France, qui me paraît une de ces pages crevant d’idées où il y a certainement plus de choses qu’il n’y a de mots.

72. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Il nous est permis d’en douter. […] Est-ce que vous voleriez, si la loi vous le permettait ? […] C’est une lettre, — une longue lettre à un neveu qu’on endoctrine, et dans laquelle le vaste esprit de Vacquerie peut attaquer tous les sujets et se permettre tous les détails. […] Il se permet d’avoir plus de talent et même plus d’absurdité que son modèle.

73. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

La philosophie sensualiste qui lui permettait cette définition n’était point sotte. […] Les plaisirs permis sont les plus fades. […] Il le croque, si nous le permettons. […] Cette victoire ne permet pas qu’on oublie Port-Royal. […] S’il était permis de considérer les objections comme des aveux de l’inconscient !

74. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Cette fréquence permet de conclure qu’il y a là plus qu’une mode. […] Les morceaux inachevés de ce livre nous permettent de discerner nettement son intention. […] Les livres de Haeckel permettent de distinguer nettement ces deux termes. […] Ainsi se produit la sélection, qui permet au plus apte de durer par la suppression du moins apte. […] Enlevez-le à ces conditions, donnez-lui une aisance qui lui permette le décor de ses fantaisies.

75. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

La reine-mère, malgré sa dévotion, à la vérité de fraîche date, mais qui ne devait en être que plus sévère, permit que cette nouvelle comédie lui fût dédiée. […] On doit s’interdire, par respect pour les premières, ce qu’on pourrait se permettre par mépris pour les secondes. […] Tout était permis à Molière.

76. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 42-44

Les Esprits indépendans, qui s’agitent & se consument à tout éclaircir & à tout analyser, finissent ordinairement par une lassitude qui ne leur permet plus de se decider pour rien, ni sur rien. […] Ils consistent dans une Histoire de la Vie & des Ouvrages de Fénélon ; Histoire qui ne se borne pas, comme les autres, à raconter des faits particuliers, mais où la sagacité, l’art de l’analyse, l’heureuse faculté de tout voir & de tout saisir, le talent de penser & celui d’écrire avec solidité, ne permettent pas de méconnoître le Littérateur éclairé, l’habile Observateur, & le bon Juge : dans un Discours sur le Poëme épique, qui n’a pu être que le fruit de la lecture la plus réfléchie des Ouvrages des Anciens, & d’une connoissance raisonnée des regles de la Poésie héroïque : dans un Discours sur la Mythologie, où il seroit impossible de réunir plus de raison, plus de goût, & plus d’élégance.

77. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Introduction »

Mais les précautions à prendre dans l’observation des faits, la manière dont les principaux problèmes doivent être posés, le sens dans lequel les recherches doivent être dirigées, les pratiques spéciales qui peuvent leur permettre d’aboutir, les règles qui doivent présider à l’administration des preuves restaient indéterminées. Un heureux concours de circonstances, au premier rang desquelles il est juste de mettre l’acte d’initiative qui a créé en notre faveur un cours régulier de sociologie à la Faculté des lettres de Bordeaux, nous ayant permis de nous consacrer de bonne heure à l’étude de la science sociale et d’en faire même la matière de nos occupations professionnelles, nous avons pu sortir de ces questions trop générales et aborder un certain nombre de problèmes particuliers.

78. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Qu’on me permette là-dessus une réflexion dont je me souviendrois, si je travaillois encore. […] Aussi un auteur judicieux ne se permet pas les audaces épiques, en faisant parler ses acteurs. […] Jamais, pour conserver un trait excellent, on ne seroit réduit à s’en permettre un médiocre. […] On lui permit cependant, dans l’espérance de s’en mocquer, d’éprouver son nouveau systême. […] Vous n’avez fait ni l’un ni l’autre ; et la raison ne vous l’a pas permis.

79. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Mais une circonstance accidentelle ne lui permit pas de réaliser son projet. […] J’étais jeune encore, — j’avais environ trente-cinq ans, — et mon âge me permettait d’attendre le décanat, quelque lenteur qu’il mît à venir. […] Je n’obtins ce permis qu’avec une limite de quinze jours. […] On était habitué à voir les princes occupant le siège de Pierre changer presque tous les sept ou huit ans, et les espérances de chacun empêchent d’ordinaire un choix qui, par sa durée, ne permet pas la réalisation de ces espérances. […] Si, dans un récit tout historique, des rapprochements étaient permis, on dirait ici avec raison que cette élection fut semblable à un feu d’artifice dont les étincelles passent d’une fusée à l’autre avec la rapidité de l’éclair.

80. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Nefftzer et Scherer n’étaient pas pour lui des amis d’hier seulement5, et s’il m’était permis de citer un vieux proverbe qui me revient, dans ces souvenirs d’une vie qui, comme celle de tout grand travailleur, ne laissait pas d’avoir ses éclaircies de gaieté, je dirais qu’ils se connaissaient bien, ayant mangé plus d’un grain de sel ensemble6. […] Sainte-Beuve reçut encore leur dernière visite le jeudi qui précéda sa mort. — Le prince Napoléon (et qu’il me soit permis de lui en rendre ici publiquement hommage et témoignage) n’a cessé d’honorer M.  […] Nefftzer sur le sénatus-consulte, thème du discours qu’il serait allé prononcer si ses forces le lui avaient encore permis. […] C’est ainsi que ce journal d’opposition et réputé hostile, qui donnait à la fois asile à un républicain proscrit et à un sénateur de la gauche de l’Empire, entend et pratique le vrai principe de la liberté de la presse, quand les voix s’élèvent d’en haut, — non plus des régions officielles, mais des sommités du talent et de la pensée. — M’est-il permis de parler ainsi de mon maître, et M.  […] Ce qui est certain, c’est qu’il a été permis à M. 

81. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Vient ensuite le pèlerinage virgilien à l’antre de la Sibylle, cadre un peu vulgaire depuis Énée et Panurge, mais qui permet de brillants détails. […] Permettant à la période une grande extension, il exige du poëte une sévérité extrême pour réprimer les longueurs auxquelles l’entraînerait la négligence. […] Delavigne s’est permis de ne point clore la pensée avec les rimes correspondantes, et d’enjamber par le sens sur de nouvelles rimes, au grand désappointement de l’oreille. […] On l’a remarqué avec justesse, depuis son Louis XI jusqu’à son Luther il céda plus ou moins de terrain à l’invasion, et, s’il dissimula avec habileté l’espèce de violence qu’il se faisait, il est permis de croire, du moins, que ce fut une violence. […] S’il était permis de donner pour l’avenir un conseil à un talent aussi habile et aussi fait que celui de M.

82. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

I Monsieur, Il est de très bon ton — depuis quelque temps — de dire des gros mots au Romantisme, et le moindre gamin de lettres se permet de donner des pichenettes sur le nez à V.  […] Jusque-là, vous me permettrez de rester « badaud », et de rire à gorge déployée, — au rebord de ma fenêtre, — en voyant passer le bataillon de l’École normale allant délivrer la Littérature des mains des infidèles — et des Romantiques ! […] Nul concours de sergents de ville ne se pressait sur nos pas. — J’ose même espérer que, si mes jambes me permettent un jour de faire le tour de France de l’écrivain, c’est-à-dire le tour de la presse parisienne, on ne me fermera pas au nez la porte des gazettes en criant à la garde ! […] Voici ce qui arriva : Un matin de janvier, Banville-l’Ingénu s’en allait — insoucieux — corriger ses épreuves, lorsque Sarcey-le-Farouche l’arrêta par la basque de son habit et lui demanda de quel droit il publiait des Odes funambulesques, puisque Voltaire ne s’était jamais permis de rien faire sous ce titre ? […] Sarcey rôdait par là… il s’avança et lui tint à peu près ce langage : “ Qui vous a permis de faire des contes romains ?

83. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Avant-propos »

Même à ce point de simplification, il nous paraît garder cette indéniable utilité de donner à son auteur une occasion publique de manifester sa gratitude à l’égard de tous ceux qui lui furent bienveillants, efficaces et doux, de lui permettre un partiel acquittement de la dette accumulée, — et, ayant reçu pendant vingt années, de rendre à son tour. […] Ils sont nos maîtres, aussi, ces précieux artistes qui, nous permettant une communion directe avec leurs personnes, nous furent hospitaliers et bons : M. 

84. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Une sorte de fierté modeste, ou de sauvagerie timide, isolait son âme et permettait de la méconnaître. […] M. de Murçay, s’asseyant à la hâte près de celle dont il ne pouvait se croire désuni, commença en des termes aussi passionnés que le permettait le lieu, et avec des regards que mouillaient, malgré lui, des larmes à grand’peine dévorées : « Quoi ! […] permettez-moi, disait-il en lui tenant la main avec le respect le plus tendre, dites que vous me permettez de reprendre courage et de vous adresser mes timides espérances, dites que vous tâcherez de m’aimer et que vous me permettez de vouloir vous convaincre. » — « Eh bien ! je tâcherai, lui dit-elle avec une grâce attendrie, et je vous permets.

85. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Cependant si l’orateur doit bannir de son discours la finesse épigrammatique, qui n’est souvent que l’art puéril et méprisable de faire paraître les choses plus ingénieuses qu’elles ne sont, il est une autre espèce de finesse qui lui est permise, quelquefois même nécessaire, et qu’il ne faut pas confondre avec l’obscurité. […] C’est aussi cette réunion, si difficile à imiter, qui rend ce grand orateur si difficile à traduire ; surtout dans une langue comme la nôtre, où l’inversion n’est point permise, et ou l’arrangement forcé des mots est l’écueil continuel de l’harmonie. […] Je remarquerai à cette occasion une bizarrerie de notre poésie ; c’est de ne permettre la rencontre des voyelles que dans les cas où elle a le plus de dureté. […] Cependant l’un est permis en poésie, et l’autre ne l’est pas. De même le concours des voyelles est permis en poésie devant l’h aspirée, quoique cette aspiration rende le concours plus marqué.

86. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Il est fâcheux toutefois que des conditions qui se rapportent à des détails matériels, et qui touchent un peu à l’idolâtrie, l’aient emporté sur l’ordre véritable, sur les convenances naturelles ; on aurait peut-être dû (s’il est permis de blâmer l’excès du scrupule en telle matière) ne pas sacrifier l’esprit du livre à la lettre de l’exécution. […] Il semblait croire, plus qu’il ne devait être permis depuis les déceptions de 89, à la puissance de la vérité pure, à l’influence d’une idée juste une fois imprimée quelque part. […] Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières.

87. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Sous la tyrannie des empereurs, il n’était ni permis ni possible de remuer le peuple par l’éloquence ; les ouvrages philosophiques et littéraires n’avaient point d’influence sur les événements publics. […] La désorganisation de l’opinion publique pouvait seule permettre de tels excès31. […] Protogènes élevant la voix, lui répondit : « Comment un ennemi de l’empereur se permet-il de m’adresser un compliment ? 

88. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Le principe des beaux-arts, l’imitation, ne permet pas, comme je l’ai dit, la perfectibilité indéfinie ; et les modernes, à cet égard, ne font et ne feront jamais que recommencer les anciens. […] Tous les sentiments auxquels il leur est permis, de se livrer, la crainte de la mort, le regret de la vie, le dévouement sans bornes, l’indignation sans mesure, enrichissent la littérature d’expressions nouvelles. […] L’impression de ce genre de style pourrait se comparer à l’effet que produit la révélation d’un grand secret ; il vous semble aussi que beaucoup de pensées ont précédé la pensée qu’on vous exprime, que chaque idée se rapporte à des méditations profondes, et qu’un mot vous permet tout à coup de porter vos regards dans les régions immenses que le génie a parcourues.

89. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Il fit la carrière scientifique de son fils en lui permettant de se livrer, jusqu’à l’âge de plus de trente ans, à ses recherches spéculatives, sans fonction, ni concours, ni école, ni travail rémunérateur. […] Une ou deux leçons particulières me permettaient de ne pas toucher aux douze cents francs de ma soeur. […] Qu’il me soit permis de le dire : il eût été plus grand si j’avais voulu. […] L’homme ne doit jamais se permettre deux hardiesses à la fois. […] Si ces lignes étaient les dernières confidences que j’échange avec le public, qu’il me permette de le remercier de la façon intelligente et sympathique dont il m’a soutenu.

90. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Me sera-t-il permis d’énoncer, par surcroît, d’autres souhaits très modestes, dussions-nous de longtemps ne pas les voir exaucés ? […] Seulement, permettez-moi d’indiquer en peu de mots les causes de mon erreur. […] L’exécution matérielle est d’une fidélité, d’une finesse surprenantes ; l’emploi de la platinotypie, supprimant la déplaisante rousseur des photographies usuelles — qui eût été spécialement désastreuse ici — a permis une restitution complète des nuances et des lumières : à quelques-unes même des lithographies, cette reproduction ajoute le charme de lueurs plus fondues, d’on ne sait quelle plus délicieuse unité tonale. […] Il est peut-être permis de regretter que M.  […] Seules la foi et la confiance dans le Graal permettent d’y accéder.

91. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Elles se prêtent à deux nécessités également impérieuses pour l’historien : elles lui permettent de construire l’histoire en constituant des groupes naturels parmi le monceau des faits ; elles lui permettent aussi de faire une place au mystère, à l’inexpliqué, de laisser dans sa construction des lacunes que pourra combler l’avenir, sans qu’il ait à détruire des explications problématiques ou erronées.

92. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

L’homme est un être libre ; et il lui fallait un sens qui lui permît l’exercice de sa liberté, un sens au moyen duquel il pût dominer ses organes par la pensée. […] Un des avantages, entre autres, de la noblesse, est de donner un nom significatif, ou au moins un nom auquel il est permis de supposer une signification. […] Il est même permis d’affirmer que les langues, au lieu de s’être perfectionnées, se sont dégradées en succédant les unes aux autres. […] Il n’est pas permis d’approuver ou de désapprouver cette manière ; elle n’est ni bonne ni mauvaise, puisqu’on n’a pas de choix ; elle est obligée. […] Que l’on me permette donc cette dernière question : S’il est impossible de bien expliquer ce qui est, à moins de le montrer en quelque sorte, comment pourrait-on parvenir à le créer ?

93. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Dans les monarchies absolues, les grands crimes politiques ne peuvent être commis que par la volonté des rois ; et ces crimes, il n’est pas permis de les représenter devant leurs successeurs45. […] Il faut, pour qu’un poète dramatique se perfectionne autant que son talent peut le permettre, qu’il ne s’attende à être jugé, ni par des vieillards blasés, ni par des jeunes gens qui trouvent leur émotion en eux-mêmes. […] Philoctète est le seul exemple d’un effet théâtral produit par elle ; et ce sont les causes héroïques de sa blessure qui permettent de fixer l’intérêt des spectateurs sur ses maux. […] L’égarement d’Hamlet est causé par la découverte d’un grand crime : la pureté de son âme ne lui avait pas permis de le soupçonner ; mais ses organes s’altèrent en apprenant qu’une atroce perfidie a été commise, que son père en a été la victime, et que sa mère a récompensé le coupable en s’unissant à lui.

94. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Lorsqu’un auteur se permet un mot nouveau, le lecteur qui n’y est point accoutumé, s’arrête pour le juger ; et cette distraction nuit à l’effet général et continu du style70. […] C’est ce qu’Horace recommande dans son Art poétique, lorsqu’il dit : « Il est permis, et il le sera toujours, de donner cours à des mots nouveaux dans la langue ; et comme lorsque les bois changent de feuilles, les premières tombent pour faire place aux suivantes, de même les mots anciens s’usent par le temps, tandis que les nouveaux ont toute la fraîcheur et toute la force de la jeunesse. » Ce serait nuire au style français que d’établir qu’il n’est pas permis de se servir à présent d’un mot qui ne se trouve pas dans le Dictionnaire de l’Académie. […] Mais comme il n’existe point de hardiesses heureuses dont la raison ne puisse indiquer les motifs, examinons quelles sont les règles qui peuvent servir à juger si l’on doit se permettre un mot nouveau.

95. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Y peut-il revenir de lui-même, cela n’est pas impossible, cela n’est qu’infiniment peu probable ; il y a des chances pour que nous attendions longtemps le concours des circonstances qui permettraient une rétrogradation ; mais, tôt ou tard, elles se réaliseront, après des années dont il faudrait des millions de chiffres pour écrire le nombre. […] L’analyse des faits va nous permettre de préciser davantage. […] Mais s’il peut tout expliquer, c’est qu’il ne nous permet de rien prévoir, il ne nous permet pas de choisir entre les différentes hypothèses possibles, puisqu’il explique tout d’avance.

96. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Tel caractère d’un écrit ou d’un discours présuppose et permet d’affirmer l’existence de telle faculté correspondante chez l’écrivain ou l’orateur, et chacune des facultés ainsi constatées peut être considérée comme une des forces productrices cherchées. […] Il n’aurait devant lui qu’une série de cas particuliers, de faits individuels et isolés, que rien ne permettrait de relier ensemble ; la genèse et la nature d’une œuvre littéraire, sa liaison avec ce qui précède et ce qui suit ne seraient pas expliquées. […] Cependant la pièce, si soigneusement qu’on l’examine, ne nous dit rien de cette contrainte : la biographie seule nous permet de faire remonter à qui de droit la responsabilité. Sans doute la biographie ne permet pas toujours de saisir d’une atteinte aussi sûre et aussi directe les motifs qui ont dirigé la plume d’un auteur, les influences qui ont agi sur sa pensée.

97. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Chaque fois qu’il quitte Paris, il y laisse un ami profond et cher, fixé à la grande ville par des devoirs de tous les instants qui lui permettent à peine la maison de campagne à quatre lieues des barrières. […] Dans ces excursions silencieuses, il emporte deux vieux livres, ou, si on lui permet de citer sa propre expression, il emmène deux vieux amis, Virgile et Tacite ; Virgile, c’est-à-dire toute la poésie qui sort de la nature ; Tacite, c’est-à-dire toute la pensée qui sort de l’histoire. […] On le sait, la prodigieuse sonorité de la presse française, si puissante, si féconde et si utile d’ailleurs, donne aux moindres noms littéraires de Paris un retentissement qui ne permet pas à l’écrivain, même le plus humble et le plus insignifiant, de croire hors de France à sa complète obscurité. […] Puisqu’il en est à rectifier des erreurs, qu’on lui permette de passer des siennes à celles de son imprimeur.

98. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Il est inexact, en effet, que la science ne puisse instituer de lois qu’après avoir passé en revue tous les faits qu’elles expriment, ni former de genres qu’après avoir décrit, dans leur intégralité, les individus qu’ils comprennent, La vraie méthode expérimentale tend plutôt à substituer aux faits vulgaires, qui ne sont démonstratifs qu’à condition d’être très nombreux et qui, par suite, ne permettent que des conclusions toujours suspectes, des faits décisifs ou cruciaux, comme disait Bacon50, qui, par eux-mêmes et indépendamment de leur nombre, ont une valeur et un intérêt scientifiques. […] Sans même pousser les choses à cette rigueur, on peut prévoir que, plus les caractères qui serviront de base à la classification seront nombreux, plus aussi il sera difficile que les diverses manières dont ils se combinent dans les cas particuliers présentent des ressemblances assez franches et des différences assez tranchées pour permettre la constitution de groupes et de sous-groupes définis. […] Elle ne sera vraiment utile que si elle nous permet de classer d’autres caractères que ceux qui lui servent de base, que si elle nous procure des cadres pour les faits à venir. […] Les attributs distinctifs de l’espèce ne reçoivent donc pas de l’hérédité un surcroît de force qui lui permette de résister aux variations individuelles.

99. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Ces considérations préliminaires nous ont permis d’aborder l’objet principal de ce travail, l’analyse des idées de durée et de détermination volontaire. […] Mais quand il s’agit de nos états de conscience, nous avons tout intérêt à entretenir l’illusion par laquelle nous les faisons participer à l’extériorité réciproque des choses extérieures, parce que cette distinction, et en même temps cette solidification, nous permettent de leur donner des noms stables, malgré leur instabilité, et distincts, malgré leur pénétration mutuelle. Elles nous permettent de les objectiver, de les faire entrer, en quelque sorte, dans le courant de la vie sociale. […] Cette intuition d’un milieu homogène, intuition propre à l’homme, nous permet d’extérioriser nos concepts les uns par rapport aux autres, nous révèle l’objectivité des choses, et ainsi, par sa double opération, d’un côté en favorisant le langage, et d’autre part en nous présentant un monde extérieur bien distinct de nous dans la perception duquel toutes les intelligences communient, annonce et prépare la vie sociale.

100. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Qu’il n’espere pas de réussir, s’il n’entretient point les françois des lieux fameux dans leur histoire, et s’il ne leur parle point des personnages et des évenemens ausquels ils prennent déja un interêt, s’il est permis de parler ainsi, national. […] On les blame de n’avoir pas senti qu’il étoit contre la raison, pour ne rien dire de plus fort, de se permettre en parlant de notre religion, la même liberté que Virgile pouvoit prendre en parlant de la sienne.

101. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

qu’il permette à ces rochers d’être de granit, à ces eaux d’être du saphir liquide ! […] Il voulait qu’on osât voir et sentir, qu’on se permît toutes les grandes et naturelles impressions, et qu’on ne résistât point à les exprimer. […]  » Mais je ne cite que des traits, car l’ensemble des tableaux dépasserait toutes les bornes que je me puis permettre. […] La saison était trop avancée pour lui permettre de l’aborder de front ; il se contenta de le côtoyer et de le contempler des plus rudes sentiers. […] Nous sommes moins susceptibles aujourd’hui, et Cuvier, dans le portrait assez complet qu’il a donné de l’homme, ne nous paraît avoir excédé en rien les limites permises.

102. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Cependant, dès la plus haute antiquité, un climat plus fixe, une contrée plus stable et mieux défendue ont permis à un empire plus durable que les autres de s’asseoir et de se perpétuer sans trop de révolutions. […] Zeller nous donne ici le tableau abrégé de l’Égypte des Pharaons selon les notions acquises et sans se permettre de conjectures. […] « C’est ce gouvernement qui a permis à Rome de conquérir l’Italie, et avec l’Italie, comme par le même procédé, le monde. » Quant aux arts de Rome, ils sont, comme ceux de la Grèce, l’image fidèle de son génie. […] Zeller hésite un peu sur ce point ; mais il n’hésite pas quand il attribue à César l’idée de fonder, sous un nom ou sous un autre, une monarchie populaire, universelle et, en quelque sorte, humaine : « Étendre le droit de cité à tous les hommes libres de l’Empire, régner sur le monde pour le monde entier, non pour l’oligarchie ou la démocratie quiritaires ; abaisser les barrières entre les classes comme entre les nations, entre la liberté même et la servitude, en favorisant les affranchissements et en mettant le travail en honneur ; avoir à Rome une représentation non du patriciat romain, mais du patriciat du monde civilisé ; fondre les lois de la cité exclusive dans celles du droit des gens ; créer, répandre un peuple de citoyens qui vivent de leur industrie et qu’on ne soit pas obligé de nourrir et d’amuser : voilà ce qu’on peut encore entrevoir des vastes projets de celui qu’on n’a pas appelé trop ambitieusement l’homme du monde, de l’humanité ; voilà ce dont témoignent déjà les Gaulois, les Espagnols introduits dans Rome, Corinthe et Carthage relevées, et ce qu’indiquent les témoignages de Dion Cassius, de Plutarque, de Suétone, bien qu’ils aient pu prêter peut-être à César quelques-unes des idées de leur temps. » César (s’il est permis d’en parler de la sorte à la veille d’une publication par avance illustre), César, au milieu de tous ses vices impudents ou aimables, de son épicurisme fondamental, de ce mélange de mépris, d’indulgence et d’audace, de son besoin dévorant d’action, et de cet autre besoin inhérent à sa nature d’être partout le premier, César, à travers ses coups de dés réitérés d’ambitieux sans scrupule et de joueur téméraire, avait donc une grande vue, une vue civilisatrice : il n’échoue pas, puisque son idée lui survit et triomphera, mais il périt à la peine, parce qu’il avait devancé l’esprit du temps, tout en le devinant et le servant, parce qu’il vivait au milieu de passions flagrantes et non encore domptées et refoulées. […] Il a eu, dans ces derniers temps, un rafraîchissement de renommée parmi nous, s’il est permis de le remarquer d’un souverain si uni, si simple, si étranger aux vaines idées de gloire.

103. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

La philosophie l’ennuya ; elle se faisait encore en latin et dans la forme du syllogisme : il demanda de s’en affranchir, et son père lui permit de terminer en liberté ses études sous ses yeux. […] Droz fut reçu par Carnot, qui, voulant lui être agréable, lui permit de passer quinze jours à Paris. […] Droz n’abjurera point ce premier culte de Montaigne : c’est en cela qu’il est permis de s’étonner sans doute et de différer d’opinion avec lui. […] Dans ses autres écrits, et quand il créait en partie ses sujets, il abondait trop dans son propre sens, s’il est permis de le dire ; il avait de l’onction, mais l’ironie d’un Socrate ou d’un Franklin, il ne l’avait pas. […] Grâce à lui, ce qu’il appelle les trois phases de la vie politique de Mirabeau depuis 89 jusqu’à sa mort, les circonstances particulières et les vicissitudes de ses relations avec la Cour, sont aussi éclaircies désormais qu’il est permis de l’espérer22, et, quelque jugement qu’on porte sur le caractère de l’homme, le génie de Mirabeau en ressort plus grand, il est piquant de voir cet esprit juste, droit et pur de M. 

104. (1887) Discours et conférences « Préface »

Le morceau de ce volume auquel j’attache le plus d’importance et sur lequel je me permets d’appeler l’attention du lecteur, est la conférence : Qu’est-ce qu’une nation ? […] On n’admet plus qu’il soit permis de persécuter les gens pour leur faire changer de religion ; les persécuter pour leur faire changer de langue ou de patrie nous paraît tout aussi mal.

105. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Qu’il soit permis à notre compagnie, gardienne des souvenirs et des œuvres du passé, de montrer les sources où M.  […] Quoique depuis des années sa santé ne lui permît pas de prendre part à nos discussions, nous le sentions présent parmi nous ; tout absent qu’il était, nous recherchions son suffrage.

106. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Devenu évêque, et absent depuis bien des années, il s’est empressé de se déclarer un peu vite et un peu à l’étourdie vraiment (si un tel mot est permis à l’égard de ces graves personnages) contre une institution qu’il ne connaissait pas encore. […] Paul Albert, le premier qui nous permette de lire ce qui se professait hier encore dans une salle de la Sorbonne, est le plus propre aussi à donner l’idée de cet enseignement judicieux et vivant, proportionné à son but et de tout point irréprochable. […] Paul Albert me permettra-t-il de lui dire que, large et accueillant comme il l’est pour Pindare, je ne le trouve pas également juste pour Horace, tant pour le lyrique que pour le satirique ?

107. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Cela est bien à nous ; nous avons du moins trouvé cela, si nous n’avons pas trouvé autre chose, et cela seul nous permettrait de dire que le progrès n’est pas un vain mot. […] C’est comme une convention allégeante et salutaire que l’écrivain nous demande d’admettre un instant. « Il n’y a rien… absolument rien… La douleur même est un pur néant quand elle est passée… L’univers n’existe que pour nous permettre de le railler par des assemblages singuliers de mots et d’images… » Voilà ce que nous admettons implicitement lorsque nous lisons une page de Grosclaude ; et de là cette impression de déliement, de détachement heureux, que nous font souvent éprouver ses facéties les plus macabres. […] Est-il défendu d’imaginer qu’une Puissance inconnue, ayant d’abord permis aux hommes d’établir entre les choses et les mots des rapports constants, universels et publics, a voulu enfouir en même temps dans les ténèbres des idiomes humains certains rapports secrets, absurdes et réjouissants des mots avec les objets ou des vocables entre eux, et en a réservé la découverte à quelques privilégiés du rire et de la fantaisie ?

108. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Suit-on, durant quelques siècles le développement du vers français de douze syllabes ; on remarque facilement que chez les poètes de la Pléiade il est souple, libre, aisé, qu’il se permet beaucoup d’enjambements et de rejets en même temps qu’il est richement rime ; qu’à partir de Malherbe et de Boileau, surtout au xviiie  siècle, une césure presque immuable le divise en deux parties égales, tandis que la rime devient souvent pauvre et banale ; que les romantiques, en disloquant, comme ils disaient, « ce grand niais d’alexandrin », rendent à la rime une plénitude de sonorité dont elle avait perdu l’habitude ; que Musset semble, il est vrai, faire exception en lançant aux partisans de la consonne d’appui cette moqueuse profession de foi : C’est un bon clou de plus qu’on met à la pensée ; mais qu’aussi ses vers, sauf dans ses poésies de jeunesse où il s’abandonne à sa fantaisie gamine, sont restés, bien plus que ceux de Victor Hugo ou de Sainte-Beuve, fidèles à la coupe classique. […] Pour en accroître le total, l’aide des sciences voisines est une ressource utile et permise. […] § 2. — De même que la comparaison d’un grand nombre de faits particuliers permet d’aboutir à des faits généraux, de même le rapprochement de plusieurs causes individuelles amène à constater des causes générales.

109. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Cette declamation arbitraire auroit mis souvent Roscius hors de mesure. à plus forte raison doit-elle déconcerter quelques-uns de nos comediens qui ne s’étant gueres avisez d’étudier la diversité, les intervalles, et s’il est permis de s’expliquer ainsi, la simpathie des tons, ne sçavent par où sortir de l’embarras où le défaut de concert les jette très-souvent. […] Aussi voïons nous que nos comédiens dont plusieurs n’ont d’autre guide que l’instinct et la routine, ne sçavent par où se tirer d’affaire lorsque l’acteur qui recite avec eux ne finit pas sur un ton qui leur permette de debuter par le ton auquel ils se sont preparez, autant par habitude que par reflexion. […] Il est impossible de noter tous les accens, les soupirs, les adoucissemens, les inflexions, les ports et les éclats de voix, en un mot, s’il est permis de parler ainsi, l’esprit de la déclamation dont la varieté des tons n’est que le corps.

110. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Ensuite on l’avertit qu’il est trop grand pour qu’il lui soit permis de pleurer. […] « Puisque Claude respire, dit-il, il ne vous est pas permis de vous plaindre : Claude est vivant, toute votre famille est vivante, vous n’avez rien perdu. […] » Et ensuite une prière à la fortune, pour qu’elle veuille bien permettre « qu’un si grand empereur remédie aux maux du genre humain désolé… Si elle regarde Rome en pitié, si elle n’a pas encore résolu d’anéantir le monde, ce prince, envoyé pour consoler l’univers, sera aussi sacré pour elle, qu’il l’est déjà pour tous les mortels26 ».

111. (1842) Discours sur l’esprit positif

Tel est l’heureux privilège des principes théologiques, sans lesquels on doit assurer que notre intelligence ne pouvait jamais sortir de sa torpeur initiale, et qui seuls ont pu permettre, en dirigeant son activité spéculative, de préparer graduellement un meilleur régime logique. […] Une telle prévision, suite nécessaire des relations constantes découvertes entre les phénomènes, ne permettra jamais de confondre la science réelle avec cette vaine érudition qui accumule machinalement des faits sans aspirer à les déduire les uns des autres. Ce grand attribut de toutes nos saines spéculations n’importe pas moins à leur utilité effective qu’à leur propre dignité ; car, l’exploration directe des phénomènes accomplis ne pourrait suffire à nous permettre d’en modifier l’accomplissement, si elle ne nous conduisait pas à le prévoir convenablement. […] Sans doute, la science et la théologie ne sont pas d’abord en opposition ouverte, puisqu’elles ne se proposent point les mêmes questions ; c’est ce qui a longtemps permis l’essor partiel de l’esprit positif malgré l’ascendant général de l’esprit théologique, et même, à beaucoup d’égards, sous sa tutelle préalable. […] On cesse alors de s’étonner que la constitution des êtres naturels se trouve, en chaque cas, disposée de manière à permettre l’accomplissement de leurs phénomènes effectifs.

112. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite » pp. 57-61

Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite Quand on a fait reflexion que la tragedie affecte, qu’elle occupe plus une grande partie des hommes que la comedie, il n’est plus permis de douter que les imitations ne nous interessent qu’à proportion de l’impression plus ou moins grande que l’objet imité auroit faite sur nous. […] Au contraire la tragedie répresente des heros à qui notre situation ne nous permet gueres de vouloir ressembler, et ses leçons et ses exemples roulent sur des évenemens si peu semblables à ceux qui nous peuvent arriver, que les applications que nous en voudrions faire seroient toujours bien vagues et bien imparfaites.

113. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Il commençait de parler, sans gestes, d’une voix plutôt monotone, qui ne se permettait aucun éclat, aucun soulignement. […] Il ne se le permettait pas non plus, ce désespoir, et il a toujours protesté contre la qualification de pessimiste. […] A cette minute même et devant ce monument, je ne peux m’empêcher de me demander s’il nous eût permis de l’honorer ainsi publiquement. […] Ils devaient en outre autoriser l’ouverture de plusieurs brèches qui permissent l’entrée de l’ennemi à sa convenance. […] Beyens nous raconte ses visites aux princes des divers États ainsi fédérés permettent de le croire.

114. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Et à ce propos si quelqu’un s’étonnait que, malgré la dignité académique qui nous a été conférée depuis, nous persistions dans cette voie pratique, nous donnerons une fois pour toutes une explication très-nette et très-franche : en ambitionnant et en obtenant cette dignité, la plus honorable à laquelle puisse aspirer un homme de lettres, nous n’avons jamais considéré qu’elle dût nous empêcher d’être ce que nous étions devant, ni de faire à très-peu près les mêmes choses que nous nous sommes de tout temps permises. […] Que si maintenant, nous relisant nous-même comme nous venons forcément de le faire, nous avions à confesser notre propre impression et à faire entendre un aveu, nous dirions que, dans la suite de ces articles critiques et dans leur mode de justice distributive (s’il nous est permis d’employer un tel mot), il est certains manques de proportions et de gradations que nous regrettons de n’avoir pu mieux rajuster.

115. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

On se voit, en même temps, initié au secret qui va permettre de réhabiliter le mensonge bovaryque et de lui restituer sa valeur positive. […] Loin d’être le point fixe sur lequel il était permis de s’appuyer pour mesurer tout le reste, elle est le prisme qui fausse et modifie à notre vue tous les aspects de l’univers.

116. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Sa fortune lui permettait de compléter, par des voyages sur le continent et par la pratique des langues étrangères, cette éducation soignée d’une fille unique. […] La seule distraction qu’il se permit après souper, le chapelet et la prière du soir, était un air de flûte, joué au bord de sa fenêtre donnant sur les prés de Tresserves. […] Il n’attendit pas ma demande pour me nommer à Florence auprès du marquis de La Maisonfort, et destiné à le remplacer en chef aussitôt que les convenances permettraient de rappeler ce ministre. […] Il prit en main la cause de sa patrie ; il fit imprimer contre moi une brochure dont l’honneur de mon pays et l’honneur de mon poste ne me permettaient pas d’accepter les termes. […] Milton, le Dante, le Tasse, sont dans le même cas : toute fiction a été de tout temps permise aux poètes, et aucun siècle, aucune nation ne leur a imputé à crime un langage conforme à leur fiction.

117. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

À côté du dogme qu’il définit avec scrupule et crainte, il osera davantage dans cette métaphysique qu’il a reçue de Platon et que la religion permet en la sanctifiant. […] car de quel autre nom est-il permis de te saluer ? […] car de quel autre nom est-il permis de te saluer ?  […] Permets-moi de me confondre dans la lumière créatrice ; permets que, sous ta garde paternelle, avec le chœur céleste, je t’offre des hymnes saintement spirituels ! Permets, ô Père, que, réunie à la lumière, je ne retombe plus dans les souillures de la terre !

118. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Le poète doit se ménager, autant que son sujet peut le lui permettre, quelque description brillante qui passionne son exposition, comme le discours de Cinna aux conjurés, comme le récit de la mort de Cresfonte dans Mérope. […] Quand la pièce est un tissu de caractères, il est permis de s’occuper de leur développement, plus encore que de l’exposition du sujet. […] Les mauvais poètes tombaient dans ce défaut par ignorance, et les bons par leur complaisance pour quelques acteurs aimés du public, à qui l’on voulait donner des rôles, sans que la contexture de la pièce l’exigeât ou le permît. […] Ces avertissements au parterre, où l’acteur annonce ce qu’il doit faire, ne sont plus permis ; on s’est aperçu qu’il y a très peu d’art à dire : je vais agir avec art. […] Sénèque le tragique s’en est permis de dix-sept vers.

119. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Appelé pour la première fois, Messieurs, et par un honneur que je ressens comme je le dois, à rendre compte des motifs et des choix de l’Académie, on me permettra de dire mon impression la plus sincère : c’est que jamais, devant aucun tribunal, examen ne s’est fait avec plus de scrupule et de conscience, que celui des dossiers qui chaque année nous sont soumis. […] Mais ce ne serait pas assez dire, Messieurs, à l’appui de la loi qui vous est soumise, et le rapporteur de votre Commission, homme de lettres lui-même, vous demande de vouloir bien lui permettre d’insister sur un ou deux points de vue. […] « Sans doute, disait M. le président trop long, l’œuvre de la pensée est la plus personnelle de toutes ; mais, tandis que le mari était occupé à ses compositions, la femme se dévouait aux soins du ménage, à l’éducation des enfants : chacun d’eux a donc mis à la masse commune sa part. » Et qu’il soit permis à l’homme de lettres célibataire d’ajouter quelques mots sur la condition de l’homme de lettres marié. […] Mais aussi il n’est rien de respectable et de touchant (je reprends le mot, et, pour ma part, je sais aussi de tels exemples) comme de voir un homme, lui-même laborieux ou distingué dans son étude, dans sa profession, s’honorer d’une femme remarquable par un talent et un don qui la rend célèbre et qui ne la laisse pas moins aimable ; lui en permettre le libre et facile exercice, s’y prêter ; ne parler d’elle qu’avec respect et une sorte de modestie ; oser l’admirer et cependant rougir presque lui-même quand on la loue. […] J’ai dit le côté de sentiment qui n’est pas étranger à la loi et qu’il est permis d’y apercevoir ; mais la loi est une œuvre non de sentiment, mais d’équité.

120. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Je pourrais insister sur bien des détails de cette édition nouvelle, en tirer peut-être quelques remarques piquantes sur les leçons successives dont on a essayé et dont plus d’une vient ici s’évanouir ; mais on me permettra de m’en tenir à quelques réflexions plus générales, que je ne crois pas moins essentielles, car il y a longtemps que, moi aussi, j’ai le cœur gros sur Pascal et que j’étouffe bien des pensées. […] Le devoir d’une critique saine, agissant à l’aise et à loisir, serait certes de moins se permettre ; le devoir d’une critique convenable et prudente était alors de transiger60. […] se peut-il que vous ayez permis une telle profanation du nom et de la mémoire de votre ami ? […] Un jour que je parlais de cette prétention à l’un des hommes de ce temps qui sont le plus faits pour avoir un avis sur Pascal (je ne me permets pas de le désigner autrement), il me fut répondu par quelques-unes de ces paroles énergiques, impatientes, puissamment familières, et qui se gravent : « Eh ! […] Mais reçois mon dernier salut, car il ne m’est pas permis de voir les morts ni de souiller mon regard par des exhalaisons mortelles, et déjà je te vois approcher du moment fatal. » Et elle disparaît.

121. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Vous désirez que je m’explique plus clairement, c’est me le permettre. […] La coutume du pays lui permet de disposer de son bien, toute jeune qu’elle est ; elle a donc fait son testament en faveur d’une amie (Mme de Saint-Belin), et, au premier éclat qu’elle attend, elle est résolue de s’ensevelir dans un cloître. […] … Puis tout aussitôt le galant homme, l’homme amoureux se retrouve : Permettez que je baise cette belle main : je fais serment d’y remettre le portrait et les lettres qu’elle a trop légèrement confiés. […] Toutes les adresses, toutes les audaces, il se les permettait : « Ce sont, disait-il, des ruses de bonne guerre ; mais trahir l’hospitalité, demander une grâce pour tromper son bienfaiteur, ce seraient d’horribles perfidies, et ce remords aurait empoisonné jusqu’à ses plaisirs. » Je donne ce sophisme de la passion pour ce qu’il vaut. […] « En un mot, le désœuvrement, l’agitation d’une santé superflue ; si vous me permettez de parler ainsi, m’ont conduit près de Belinde, que le hasard offrit la première à ma vue, que le voisinage recommandait à ma paresse et qui a le mérite de n’avoir que vingt ans.

122. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Malgré toutes les critiques que je me permettrai de lui adresser, il mérite pourtant notre reconnaissance ; je le dis en commençant comme je le répéterai en finissant. Depuis des années qu’il creuse et qu’il fouille, il a trouvé, — pas autant qu’il le voudrait et qu’il le croit, — il a trouvé pourtant assez pour modifier un peu les idées sur ce grand écrivain et peintre, La Bruyère ; il a permis de fixer des points qui, vagues ou incertains jusqu’ici, sont acquis désormais et ne varieront plus. […] Y mettre la lumière, si je pouvais, mais surtout l’attirer… J’ai jeté des hypothèses ; n’est-ce pas permis, d’autant qu’ayant pris exprès un titre de fantaisie, je ne me donne pas comme historien ? […] Intuition, induction, déduction, etc., sont permises en des choses plus graves, sinon plus sérieuses, par exemple en épigraphie — cet âge de pierre — de l’archéologie, — et Dieu sait si l’on y abuse de la faculté de voir, par la raison qu’on ne saurait voir mieux ! […] Au reste, si je m’égare, j’égare bien peu les autres : je reste dans le temps que j’ai fort étudié ; chez l’homme même que j’ai travaillé profondément, et avec qui, par là, à force de familiarité, j’ai cru pouvoir me permettre, j’en conviens, certains abandons d’hypothèses, où malgré soi l’on se laisse entraîner par la suite des faits réagissant l’un sur l’autre, et pour ainsi dire par l’engrenage des déductions trop tendues.

123. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Ces amitiés, Messieurs, s’il m’est permis désormais de leur donner ce nom, ces amitiés précieuses et illustres, en voulant bien me tendre la main du milieu de vous, m’ont enhardi et comme porté ; elles m’ont rendu presque facile un succès que d’autres plus dignes ont attendu plus longtemps ; il se mêle malgré moi aujourd’hui un reste d’étonnement et de surprise jusque dans la reconnaissance. […] Que du milieu de la moisson si riche de ses premiers triomphes, de cette ferveur généreuse des Vêpres Siciliennes, de cette exquise versification des Comédiens, il me soit permis de choisir, et d’exprimer ma prédilection toute particulière pour des portions du Paria : le jeune auteur y trouvait dans l’expression de l’amour des accents passionnés et vrais ; dans ses chœurs, surtout quand il exhale les tristesses et les langueurs de sa Néala, il arrivait au charme et nous rendait mieux qu’un écho de la mélodie d’Esther. […] Lui-même a consacré les prémices de son bonheur domestique dans les seuls vers peut-être où il se soit permis ce genre d’épanchement : Il n’est point de beaux lieux que n’embellisse encore Le sentiment profond qu’on éprouva près d’eux… De tels vers et ceux qui suivent, et que je regrette de ne pouvoir citer avec étendue, ont tout leur prix chez le poëte qui n’a laissé échapper de son âme discrète que de pudiques parfums. […] bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style, qu’il se fût moins permises auparavant, et dont la trace se retrouve évidente chez lui à dater de son Louis XI. […] Comme s’il avait compté ses moindres instants, il venait même assez peu à vos séances, Messieurs, et ne se permettait qu’à peine de se distraire à vos libres travaux : c’est par ce seul point peut-être de l’assiduité académique que celui qui a l’honneur de lui succéder peut espérer de le remplacer sans trop de désavantage.

124. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Et pour n’avoir pas à revenir sur ces détails de l’édition, on me permettra tout d’abord deux ou trois remarques. […] Enfin, s’il est permis d’entrer dans ces particularités, qui ne laissent pas d’avoir leur importance pour le lecteur, je me plaindrai, au nom de la France, qu’il n’existe pas à Paris un seul exemplaire complet des volumes jusqu’ici publiés. […] La monarchie qu’il avait laissée à ses descendants était, s’il m’est permis de m’expliquer ainsi (c’est toujours Frédéric qui parle), une espèce d’hermaphrodite, qui tenait plus de l’électorat que du royaume. […] Connaissant, comme il faisait, les hommes et les choses de ce monde ; il sentait bien qu’il n’est permis d’être un peu philosophe sur le trône qu’après qu’on a prouvé qu’on sait être autre chose encore. […] Il oubliait que lui-même, écrivant à Voltaire, lui avait dit : « Tout homme a une bête féroce en soi ; peu savent l’enchaîner, la plupart lui lâchent le frein lorsque la terreur des lois ne les retient pas. » Son neveu, Guillaume de Brunswick, se permit un jour de lui faire sentir l’inconséquence qu’il y avait à relâcher ainsi les liens religieux qui retiennent la bête féroce.

125. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Rappelant sa vie toute de labeur et d’intimes affections, il disait aux siens : « Nous avons été bien heureux ensemble, et nous le serons encore, si la santé le permet. » La santé ne l’a pas permis, hélas ! […] Et, il y a trois ans, lors de la reprise des Effrontés, il refusa de céder à ceux qui le priaient de permettre qu’on reprît le Fils de Giboyer, afin de ne pas réveiller des ressentiments assoupis et de ne pas soulever, à l’occasion d’une de ses œuvres, des polémiques irritantes sur la question religieuse. […] » Et lorsque l’on construisit l’église de Croissy, qui coûta deux cent mille francs, Augier tint à apporter son obole et m’envoya cinq cents francs… Il n’allait pas à la messe, il est vrai ; mais que de fois, il a donné le pain bénit… Un jour même, je m’en souviens, il blâma Victor Hugo de n’avoir pas voulu recevoir de prêtre à son lit de mort… » Aussi je suis persuadé que, s’il eût gardé sa connaissance, il eût été heureux de recevoir mes encouragements et mes exhortations au moment où il était rappelé vers un monde meilleur… » Les funérailles aux frais de l’État Les paroles si conciliantes et si prudentes du vénérable curé de Croissy, le souci que montra naguère l’illustre mort de s’opposer à la reprise du Fils de Giboyer, pour ne pas paraître s’allier au gouvernement républicain dans sa lutte contre le sentiment chrétien, cette vie de travail, de gloire et de probité, doivent, dans un journal catholique, épargner un blâme, si discret soit-il, à l’homme de génie qui meurt sans que les siens lui aient permis, dans un but que nous n’avons pas à juger, de mettre son âme en règle vis-à-vis de Celui dont émane tout génie. […] À peine se permettait-il çà et là quelques légères retouches.

126. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Qu’il me permette un regret plus mâle… Ce sont ses facultés. […] Mais, qu’il me permette de le lui demander, ces résultats sont-ils ce qu’il attendait, lui, quand, plus jeune et moins savant, il avait l’imagination saisie par un livre dont ridée était pour sa pensée tout à la fois un rêve et une caresse ? […] Un jour, quelque savant de son ordre déterrera son livre, comme un élégant monument enterré sous le sable ; car il se permet d’être élégant, ce monument, malgré sa solidité et sa masse ; il se permet d’être léger, travaillé, dentelé, d’un style délicieusement composite. […] VII Telle la critique que j’oserais me permettre sur la conception de la Critique comme l’entend du Méril Selon moi, il la mutile, et ce n’est pas seulement du coupant, du piquant, du perçant et de l’intéressant qu’il y perd, et tout cela pourtant est bien quelque chose !

127. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

C’est à cette époque de son séjour dans l’Ordre et de sa sortie que se rapportent quelques pièces qu’il nous a été permis de recueillir. […] Par quel malheur est-il donc arrivé qu’on n’a jamais cessé de me regarder avec défiance dans la Congrégation, qu’on m’a soupçonné plus d’une fois des trahisons les plus noires, et qu’on m’en a toujours cru capable, lors même que l’évidence n’a pas permis qu’on m’en accusât ? […] Si les hommes le connoissoient comme lui, ils sauroient que de malheureuses affaires m’avoient conduit au noviciat comme dans un asile, qu’elles ne me permirent point d’en sortir aussitôt que je l’aurois voulu, et que, forcé par la nécessité, je ne prononçai la formule de mes vœux qu’avec toutes les restrictions intérieures qui pouvoient m’autoriser à les rompre. […] Permettez que je salue ici très-humblement dom Thuillier, dom Lemerault, dom Du Plessis, dom Montfaucon, et tous ceux d’entre vos RR.

128. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Permettez-moi encore de comparer deux hommes, qui sont l’honneur de la Science française, qui nous ont été récemment enlevés, mais qui tous deux étaient depuis longtemps entrés dans l’immortalité. […] J’échoue d’abord ou je dois me contenter de démonstrations par à peu près ; je me décide enfin à donner à mon objet une définition précise, ce qui me permet d’établir cette propriété d’une manière irréprochable. […] Cela vous permettrait seulement de reconnaître que chaque coup a été joué conformément à ces règles et cet avantage aurait vraiment bien peu de prix. […] C’est elle qui leur permet non seulement de démontrer, mais encore d’inventer.

129. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Avant d’être un livre, cet exposé du xviiie  siècle a été un cours ; dans sa préface, l’écrivain a très habilement posé la différence du style à la parole, les sacrifices que l’un exige, auprès des licences heureuses que l’autre se permet. […] Si nous nous permettons de relever chez M.  […] Si nous nous sommes permis des critiques de détail sur quelques points du livre de M. 

130. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Me sera-t-il permis d’y joindre quelques pages signées de moi, non plus à titre de chef-d’œuvre, car l’imperfection en est trop évidente, mais pour marquer les questions dont se préoccupaient alors quelques jeunes esprits. […] Et j’imagine Corbière objectant : « Permettez ! […] Il n’est pas permis, fut-ce au dernier boulevardier, de l’ignorer.

131. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Tourgueneff13 Qu’on nous permette de poser une grave question de moralité littéraire. […] Eh bien, nous demandons s’il est permis de toucher à cette idée, de la modifier, de la changer, de la remplacer par une autre au gré de son intérêt, de son caprice ou des besoins quelconques de sa personnalité de traducteur ? […] Charrière — est devenu dans notre traduction les Mémoires d’un seigneur russe, c’est pour prendre avec ce titre le caractère du témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine. » Aveu plus forcé que naïf, et qu’il fallait bien faire tout d’abord pour expliquer ce changement de titre qu’on ose se permettre, mais qu’on expie presque immédiatement par un embarras qui commence : « Quelques fragments de cet ouvrage — ajoute le traducteur — avaient paru dans un journal de Moscou et frappé l’attention, quoique venant d’une plume inconnue et qui n’avait pas fait ses preuves devant le public… On était loin de prévoir l’impression que devait produire la réunion de ces morceaux, lorsque ayant été mis en volume et complétés dans leur ensemble, on put saisir la donnée supérieure qui s’en dégageait et qu’on vit s’y manifester la pensée intime de l’auteur ou plutôt l’inspiration sociale à laquelle il avait involontairement cédé… » Certes !

132. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Un tel abaissement ne peut que déshonorer et l’accusé qui se le permet et le juge qui le souffre. D’ailleurs, est-il permis, dit Socrate, de prier son juge ? […] Voyons, et si nous n’en trouvons pas de meilleurs, vous savez bien que je ne m’écarterai pas de ceux que j’ai toujours suivis ; non, quand tout un peuple me présenterait comme des spectres menaçants la pauvreté, les chaînes et la mort. » Alors il discute la question, et il examine s’il est permis de désobéir aux lois pour éviter la mort.

133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 453-457

qu’il est aussi permis aux Journalistes & aux Esprits éclairés qui en sentent les défauts, de les mettre en évidence, pour en corriger les autres, qu’il est permis à un Juge de rappeler à l’autorité des Loix quiconque s’en écarte ?

134. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Dans un gros livre sur Mme Guyon, est-il permis de n’en pas tenir plus de compte ? […] Car enfin est-il permis de dire que Lens et Rocroi traînent autant de calamités après elles que Ramillies et Malplaquet ? […] Il est permis de se plaindre de ne pas pouvoir agir, et permis encore d’essayer de surmonter, ou de tourner, ou de renverser les obstacles qui nous empêchent d’agir ; il n’est pas permis de soutenir que l’on n’agit pas quand on agit, et moins permis encore de se dérober par le mensonge à la responsabilité de ses actes ; mais ce qui ne peut être pardonné, c’est quand on se fait une politique de la détourner sur les autres. […] Les économistes avaient obtenu du gouvernement, en 1764, un édit permettant la libre exportation des grains. […] En effet, vous entendez quelque chose là-dessous, et vous en parlez, vous en dissertez, vous vous permettez même d’en juger.

135. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Je ne crois pas qu’il soit permis d’en douter. […] est-il permis d’en douter ? […] Je ne le pense pas ; je ne crois pas qu’il soit permis de le penser. […] Ici, l’indulgence n’est pas permise. […] Il est donc permis d’affirmer que la poésie lyrique de M. 

136. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Qu’il me soit permis de remarquer à cette occasion comment la combinaison du sens métaphorique des mots avec leur sens figuré peut aider l’esprit et la mémoire dans l’étude des langues. […] Qu’on nous permette de faire ici quelques réflexions sur cette différence entre la prononciation et l’orthographe ; elles appartiennent au sujet que nous traitons. […] Immolé à mes yeux n’est pas permis en poésie, et cependant est moins rude que l’autre : nouvelle bizarrerie. […] Faire des vers latins sans élision, c’est comme si on voulait faire des vers français sans se permettre d’e muet devant une voyelle. […] Qu’il nous soit donc permis de déplorer l’abus intolérable de panégyriques et de satires qui avilit la république des lettres.

137. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

L’art changera de face dès qu’il sera permis de changer le lieu de la scène, et, par exemple, dans la tragédie de la mort de Henri III, d’aller de Paris à Saint-Cloud. […] Tout ce que nous demandons, c’est que l’on veuille bien permettre à la tragédie en prose de nous entretenir cinq ou six fois par mois des grandes actions de nos du Guesclin, de nos Montmorency, de nos Bayard. […] L’exil à quarante lieues de Paris eût-il paru suffisant à M. le duc de R*** pour l’audacieux qui se fût permis cette phrase ? […] 1º Confier l’exercice de la censure à des hommes doux et raisonnables qui permettent toutes choses à M.  […] En français l’empire du rhythme ou du vers ne commence que là où l’inversion est permise.

138. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Il a parlé de son prédécesseur en des termes que je me permettrai tout bas de trouver indulgents, mais qui étaient convenables dans la circonstance et qui n’ont semblé que justes. […] Ponsard me permettre aussi d’ajouter que sur Goethe et les Allemands, tout en ayant raison peut-être dans le cas particulier, il n’a pas été juste pour l’ensemble : Goethe est un si vaste esprit et un critique d’un ordre si élevé, qu’il est mieux de ne pas prononcer son nom dans une grande assemblée littéraire que de ne l'amener uniquement que pour y rattacher une raillerie et un sourire.

139. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

La véritable mission des femmes, au contraire, est de secourir ceux qui luttent seuls et désespérément ; leur devoir est d’assister les héroïsmes en détresse ; il ne leur est permis de courir qu’après les persécutés ; qu’elles jettent leurs plus doux regards, leurs rubans, leurs bouquets, au chevalier blessé dans l’arène ; mais qu’elles refusent même un applaudissement au vainqueur félon qui doit son triomphe à la ruse. […] On s’était arrangé avec un libraire américain pour lui envoyer les bonnes feuilles et lui permettre de publier la traduction là-bas en même temps que l’ouvrage paraîtrait en France.

140. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

César et Strabon nous font un portrait des Gaulois de leur temps, où certains traits nous permettent de nous reconnaître : le courage bouillant et inconsidéré, le manque de patience et de ténacité, la soudaineté et la mobilité des résolutions, l’amour de la nouveauté, un certain sens pratique, et la pente à se mêler des affaires d’autrui pour la justice, le goût de la parure et de l’ostentation, celui de la parole et de l’éloquence, tout cela est français, si l’on veut, autant que gaulois. […] Car il s’en faut que, dans la latinité de l’époque impériale, les écrivains gaulois fassent un groupe aussi tranché, aussi caractérisé que les Espagnols et surtout les Africains ; et l’on ne trouverait rien chez eux qui ne se rencontre fréquemment chez des Italiens ou chez des Grecs : tout ce qu’il est permis d’inférer de la littérature gallo-romaine, c’est l’aptitude et le goût de la race pour l’exercice littéraire.

141. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

À travers tant de dangers, il persista à ne prendre pour guide que les maximes d’une piété superstitieuse ; mais c’est à l’époque où la religion seule triomphe encore, c’est à l’instant où le malheur est sans espoir, que la puissance de la foi se développa toute entière dans la conduite de Louis ; la force inébranlable de cette conviction ne permit plus d’apercevoir dans son âme l’ombre d’une faiblesse ; l’héroïsme de la philosophie fut contraint à se prosterner devant sa simple résignation ; il reçut passivement tous les arrêts du malheur, et se montra cependant sensible pour ce qu’il aimait, comme si les facultés de sa vie avaient doublé à l’instant de sa mort, il compta, sans frémir, tous les pas qui le menèrent du trône à l’échafaud, et dans l’instant terrible où lui fut encore prononcé cette sublime expression : Fils de Saint Louis, montez au Ciel. Telle était son exaltation religieuse, qu’il est permis de croire que ce dernier moment même n’appartint point dans son âme à l’épouvante de la mort. […] Alors qu’il naît du malheur, alors que l’excès des peines a jeté l’âme dans une sorte d’affaiblissement qui ne lui permet plus de se relever par elle-même, la sensibilité fait admettre ce qui conduit à la destruction de la sensibilité, ou du moins ce qui interdit d’aimer de tout l’abandon de son âme.

142. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Il serait imprudent de permettre qu’une portion aussi puissante des sujets que le clergé reconnût, de quelque manière que ce fût, un chef étranger ; ce serait la source d’une division perpétuelle entre l’Église et le sénat. […] Je ne pourrais donc approuver la politique qui regarderait le clergé avec la même indifférence que les autres corporations, et qui permettrait à chacun d’être prêtre, bon ou mauvais prêtre, comme il est permis, dans les contrées assez bien policées, pour que chaque citoyen puisse sans obstacle tirer parti de son talent, d’être bon ou mauvais tailleur, bon ou mauvais cordonnier.

143. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Avant que d’entrer en matiere, je dois demander à mon lecteur qu’il me soit permis de prendre ici le mot de siecle en une signification un peu differente de celle qu’il doit avoir à la rigueur. […] Les compatriotes des grands artisans, peuvent-ils donner aux beaux arts cette attention qui les encourage avec tant de succès, s’ils ne vivent pas dans un temps où il soit permis aux hommes d’être plus attentifs à leurs plaisirs qu’à leurs besoins. […] Or, toutes les loix du droit des gens, qui distinguent les combats des hommes des combats des bêtes féroces, s’observoient alors si religieusement, que les rhodiens aimerent mieux élever un bâtiment pour renfermer et pour cacher le trophée qu’Artemise avoit dressé dans leur ville après l’avoir prise, que de le renverser, s’il est permis de parler ainsi, d’un coup-de-pied.

144. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Cependant il y en a quelques-unes ou elle me semble manquer de réserve et de modestie ; je ne voudrais pas décider si elle a tort de penser et de sentir avec autant de chaleur, mais il est contre la décence qu’elle se permette de l’exprimer. […] J’écris, comme l’auteur, mes jugements sans beaucoup d’ordre, et à mesure que les idées me viennent ; les écarts qu’il se permet si fréquemment dans ses livres, doivent moins choquer dans celui-ci que dans aucun autre, parce que l’objet en est si vaste, qu’il n’y a, pour ainsi dire, rien qui n’y tienne. […] Le déchaînement qu’il se permet contre cette philosophie, soit par humeur, soit par franchise, soit par adresse, car J. 

145. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

… Francis Wey a le ferme bon sens qui devient, en toutes choses, très vite le grand sens, et il a aussi cette mâle finesse de la prudence qui n’est pas la prudence femelle, celle de la lâcheté… Son style, à la trame serrée, étoffée à pleine main, solide, et dont je me permettrai de dire qu’on en sent le grain comme celui d’un maroquin étincelant qui prend et retient la lumière, est bien le style qui convient à un esprit net, avisé (que les sots croiront retors parce qu’il est avisé), sagace enfin, et dont la sagacité naturelle a été aiguisée par l’étude première et continuée de toute sa vie, — l’étude de l’Histoire. […] Je me permettrai d’en indiquer une petite, — un grain de poussière que d’une chiquenaude Francis Wey fera tomber. […] Je me permets cette revendication, parce qu’il ne faut pas voler à un pauvre le seul écu qu’il ait jamais eu, fût-ce pour le donner à un autre pauvre, d’ailleurs, comme Esménard, plein d’indignité.

146. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Aujourd’hui, après tant d’années, quand ceux qui lui firent politesse et lui versèrent l’éloge sans doses, parce que peut-être ils ne le craignaient plus, sont endurcis, ou du moins endormis dans l’indifférence de la vieillesse, dans l’égoïsme des derniers jours, il nous sera permis, j’imagine, de juger froidement, sans faire crier et clabauder personne, ce surfait du compagnonnage et de la pitié, et d’en donner exactement la mesure pour que désormais l’opinion ne l’exagère plus. […] Gérard de Nerval, le rêveur, put se mettre, dans la réalité toujours, à la chasse de son rêve, ce qui n’est permis qu’aux heureux. […] Mais la plume qui se la permet n’est pas une plume vulgaire.

147. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

On nous permettra, en nous fiant à d’autres témoignages, de croire qu’Horace Walpole a trop penché dès lors dans le sens des explications malignes de Mme du Deffand. […] Je ne puis mieux la faire connaître qu’en rapportant ici son Portrait, fait par un homme à qui elle avait rendu le service important de le tirer du couvent et de le faire relever de ses vœux ; il lui dédia un ouvrage sans mettre son nom à la tête de l’Épître dédicatoire, parce qu’elle n’avait pas voulu le lui permettre. […] C’était une enfant gâtée qui, sous un air doux et ingénu, cachait de la finesse, même de la ruse, et se permettait tous ses caprices. […] Un jour que cette Cour était au château de La Muette, la duchesse de Polignac à qui Mme de Boufflers avait dit obligeamment de vouloir bien disposer, le cas échéant, de sa maison d’Auteuil, crut pouvoir profiter de l’offre ; mais la comtesse Amélie eut un caprice, et sa belle-mère, pour ne pas la contrarier, fut obligée de se dédire ; elle se permit donc de refuser très-poliment ce qu’elle avait offert de bonne grâce, et elle termina sa lettre d’excuse par les vers suivants : Tout, ce que vous voyez conspire à vos désirs : Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs ; La Cour en est pour vous l’inépuisable source, Ou si quelque chagrin en interrompt la course. […] « Ne se permettre que des railleries innocentes, qui ne puissent blesser ni les principes, ni le prochain.

148. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais si c’est un jugement impartial, désintéressé et historique, que M. de Noailles a prétendu porter, comme cela était si digne de son esprit, je me permets de croire qu’il n’a pas rendu à Saint-Simon l’éclatante justice que ce grand observateur et peintre mérite à tant d’égards, et particulièrement pour la bonne foi, pour la probité, pour l’amour de la vérité qui se fait jour jusque dans ses erreurs et ses haines, et pour un certain courage d’honnête homme dont on ne voit pas que, jusqu’en ses excès, il ait manqué jamais. […] Il commence dans l’introduction par se demander sérieusement, sincèrement, et avec une inquiétude presque naïve, s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, particulièrement celle de son temps. […] Après avoir mis assez adroitement le Saint-Esprit de son côté, puisque le Saint-Esprit lui-même n’a pas dédaigné de dicter les premières histoires, il en conclut qu’il est permis de regarder autour de soi, d’avoir pour soi-même cette charité bien ordonnée qui consiste à ne pas rester, en présence des intrigants, à l’état d’aveugles, d’hébétés et de dupes continuelles : « Les mauvais qui, dans ce monde, ont déjà tant d’avantages sur les bons, en auraient un autre bien étrange contre eux s’il n’était pas permis aux bons de les discerner, de les connaître, par conséquent de s’en garer… » Enfin, la charité, qui impose tant d’obligations, ne saurait imposer « celle de ne pas voir les choses et les gens tels qu’ils sont ». […] Son histoire est une fresque à la Rubens, jetée avec une fougue de pinceau qui ne lui permet pas de dessiner soigneusement et d’arrêter sa ligne avant de peindre : mais les physionomies, tant il en est plein, n’en ressortent que plus chaudement.

149. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

La facilité choisie de cette tâche permet qu’on l’accuse de manquer de psychologie, défaut dont la présence est confirmée par la fixité de ses caractères. […] Tout artiste choisit entre les diverses sensations d’un ensemble celles que ses nerfs lui permettent de sentir le plus vivement. […] Il est permis d’admettre qu’un esprit parvenu à ces sympathies, comparant leur objet — de pures idées — aux misérables éléments dont il est extrait — la réalité — se prenne de tristesse et de mépris pour l’imperfection et l’hostilité des choses, se sente irrité contre les vices mesquins et les vertus compromises des créatures vivantes, parvienne au pessimisme colère qui caractérise toute l’œuvre de M.  […] Zola ne possède aucune des qualités secondaires qui permettraient de lui attribuer de grandes aptitudes à la généralisation. […] Zola sur presque toute ses assertions par les autorités qu’il invoque et de lui montrer une bonne fois qu’il n’est plus permis aujourd’hui de lancer au hasard les affirmations que lui dicte son tempérament, qu’il y a des raisons aux choses et qu’en plusieurs points l’esthétique de ses adversaires, malheureusement médiocres et ineptes, des Feuillet, des Sand, est plus rationnelle que la sienne, qu’enfin Balzac, Tolstoï et même Flaubert, ont montré une bonne fois comment on peut embrasser la nature entière sans en omettre le couronnement et rester réalistes tout en analysant le génie et la noblesse morale.

150. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Je me suis donné assez de tourments pendant un demi-siècle ; je peux dire que, pour travailler à ce que la nature m’avait donné comme œuvre de mes jours, je ne me suis reposé ni jour ni nuit ; je ne me suis permis aucune distraction ; j’ai toujours marché en avant, toujours cherché, toujours agi aussi bien et autant que je pouvais. […] Je ne conseillerais pas à tous de l’imiter ; mais que cela lui soit permis, à lui ! […] Se permettant tout et n’accordant rien aux autres, il devait se perdre et soulever le monde contre lui. […] Mais de plus, par suite de cette agitation continuelle de l’âme, conséquence de ses goûts révolutionnaires, il n’a pas permis à son talent de prendre son complet développement.

151. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

On y assiste ; dans un tête-à-tête avec son fils, elle lui adresse successivement quatre requêtes, et lui demande au moins de quatre choses l’une : 1° de ne point mourir, lui son fils, de ne point souffrir mort, s’il est possible ; 2° cette première requête refusée, et puisque cette mort est jugée nécessaire, de ne point la souffrir si amère, si honteuse et si cruelle ; 3° cette requête rejetée encore par Jésus au nom des Écritures et des Prophéties, de permettre au moins que sa mère meure la première et n’ait point à voir de ses yeux une mort si terrible ; 4° puisque cette troisième pétition n’est pas plus accueillie que les deux autres, de vouloir bien qu’elle perde au moins connaissance pendant la durée de la Passion, qu’elle soit ravie en esprit et demeure comme une chose insensible, privée d’intelligence et de sentiment. […] Notre-Dame Doncques bien loin, s’il est permis ! […] Les spectateurs d’alors se contentaient à moins. » Quand des érudits des plus compétents parlent avec cette modestie et cette bonne foi de l’objet de leurs études, on se sent d’autant plus porté à leur accorder ce qui est juste, et on est tout prêt à placer avec eux leur vieux Mystère à son rang dans la série des anneaux intermédiaires qui permettent de mesurer les lents efforts, en tout genre, de l’esprit humain. […] Guessard et de Certain qu’il n’y a rien de tel, pour honorer le miracle de la patriotique jeune fille, que le vrai tout simple, et ce qui permet d’en approcher le plus, le Journal de ses actions et les pièces mêmes de son procès.

152. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Il n’était que d’être prince pour se permettre de ces trivialités. […] M. de Crémille, l’excellent major général, le Chanlay du règne de Louis XV, écrivait au prince, du camp de Malines, le 14 juin : « Permettez-moi, Monseigneur, d’oser assurer Votre Altesse Sérénissime du plaisir que j’ai à voir commencer, sous ses drapeaux, les opérations de cette campagne, dont les succès ne peuvent manquer de devenir bien glorieux, par les dispositions excellentes qui les dirigent, et dont la conduite est remise en de si bonnes mains. » Et le maréchal lui écrivait de Louvain, à la date du 27 juin : « Monseigneur, J’ai reçu les lettres que Votre Altesse Sérénissime m’a fait l’honneur de m’écrire le 25 et le 26, etc. […] Suivant les intentions de l’Académie française, Monsieur, j’ai demandé au  Roi qu’il voulût bien permettre que l’Académie réunit ses trois prix en un. Sa Majesté a eu la bonté de me dire qu’elle l’approuvait et le permettait, d’autant qu’Elle trouvait que les prix comme ils sont à présent sont trop médiocres.

153. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Celui-ci a découvert que les sutures du crâne22 ne se soudent que très tard dans les races supérieures, ce qui permet au crâne de grandir, et à l’encéphale de s’accroître avec lui. Chez les races inférieures, au contraire, la soudure des os du crâne n’en permet pas l’expansion, et le cerveau, enfermé comme une ville dans ses murailles, ne peut pas s’agrandir. […] J’ajouterai que, sans vouloir mêler la morale à la science, ni juger la valeur d’une dissection anatomique par ses conséquences sociales et religieuses, il est permis cependant, en présence de certains zoologistes si pressés de rabaisser l’homme jusqu’au singe et de se servir, pour le succès de leur thèse, de l’exemple du nègre, que cette thèse intéresse particulièrement, il est permis, dis-je, de demander d’où vient cette répulsion universelle que l’humanité civilisée éprouve aujourd’hui contre l’esclavage.

154. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Le goût, s’il est permis de le comparer à ce qu’il y a de plus grand parmi les hommes, le goût est fixe aussi dans ses principes généraux. […] Il n’existe de connexion nécessaire entre les défauts et les beautés, que par la faiblesse humaine, qui ne permet pas de se soutenir toujours à la même hauteur.

155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Est-il permis d’espérer que ce Journaliste puisse jamais trouver d’autres défenseurs, que M. son fils, après les anathêmes lancés contre lui, durant sa vie & depuis sa mort, par nos Littérateurs les plus célebres ? […] Seroit-il permis d’ajouter, que peu de Littérateurs ont eu le coup-d’œil plus juste pour découvrir les défauts d’un Livre, le tact plus fin pour en sentir les négligences & les beautés, qu’il a été long-temps le seul des Journalistes qui relevoit les fautes de langage aujourd’hui si communes, & qui, en matiere de style, ait su plus finement distinguer le simple du bas, le naturel du recherché, le sublime de l’enflure, le vrai du faux ?

156. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — V »

Voici pourtant un point où je me permets de me soustraire très décidément à son influence si notable.‌ […] J’ose dire que dans les œuvres dont la nature m’avait prescrit la tâche, j’ai travaillé nuit et jour sans me permettre la moindre distraction ; loin de là, mes efforts, mes recherches, mon activité, tout a été aussi consciencieux qu’il dépendait de moi.

157. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Il était à craindre sans doute que ce qui avait paru à une certaine dat etrèsneuf et à la limite la plus avancée de la hardiesse permise, ne fût jugé, vingt ans après, trop timide, et en arrière, ou des progrès, ou des licences dramatiques désormais autorisées. […] Son succès devant cette salle d’élite a été réel ; à quelques endroits on a pu regretter que le peu de force de son organe ne lui permît pas l’expansion. […] Tous ceux qui ont vu l’Empire en ont été fortement marqués dans leur imagination ; et j’appelle avoir vu l’Empire, non pas être né à telle date qui permît de le voir, mais, même très-jeune, avoir été placé dans une position et comme à une fenêtre d’où on le vît réellement se déployer. […] Le poëte, rassemblant toutes ses ardeurs et ses enthousiasmes du premier âge, ne craignait pas de s’y montrer plus napoléonien qu’on ne se le permettait généralement alors dans cette fraction du parti libéral qui confinait aux opinions doctrinaires. […] La pièce est inédite ; on saura deux fois gré à l’auteur de nous avoir permis de la citer : LA VALLÉE DE CHAMPROSAY le jour du sacre de charles x (29 mai 1825).

158. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

D’un autre côté, la théorie générale des classifications établie dans ces derniers temps par les travaux philosophiques des botanistes et des zoologistes permet d’espérer un succès réel dans un semblable travail, en nous offrant un guide certain par le véritable principe fondamental de l’art de classer, qui n’avait jamais été conçu distinctement jusqu’alors. […] Qu’il me soit permis de donner ici quelque développement à cette réflexion, que je crois importante pour caractériser la véritable difficulté de la recherche qui nous occupe actuellement. […] Mais à mesure que la science fait des progrès, l’ordre historique d’exposition devient de plus en plus impraticable, par la trop longue suite d’intermédiaires qu’il obligerait l’esprit à parcourir ; tandis que l’ordre dogmatique devient de plus en plus possible, en même temps que nécessaire, parce que de nouvelles conceptions permettent de présenter les découvertes antérieures sous un point de vue plus direct. […] En effet, regardât-on comme démontré, ce que permet à peine d’entrevoir l’état présent de la physiologie, que les phénomènes physiologiques sont toujours de simples phénomènes mécaniques, électriques et chimiques, modifiés par la structure et la composition propres aux corps organisés, notre division fondamentale n’en subsisterait pas moins. […] Car, quelque opinion qu’on adopte relativement aux affinités chimiques, et, quand même on ne verrait en elles, ainsi qu’on peut le concevoir, que des modifications de la gravitation générale produites par la figure et par la disposition mutuelle des atomes, il demeurerait incontestable que la nécessité d’avoir continuellement égard à ces conditions spéciales ne permettrait point de traiter la chimie comme un simple appendice de la physique.

159. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Il prenait, en quelque sorte, une photographie mentale du tout, qui permettait ensuite le rappel immédiat des parties. […] Elle consiste à faire prononcer d’abord des phrases dont on ne permet pas à l’élève de chercher la signification. […] Ce n’est pas un extrait des images, obtenu en appauvrissant chacune d’elles : on ne comprendrait pas alors que le schéma nous permît, dans bien des cas, de retrouver les images intégralement. […] Il obtient ainsi une représentation du tout qui lui permet, à un moment quelconque, de visualiser les éléments. […] Et c’est justement cette différence de physionomie qui permet de retenir plusieurs parties sans les confondre entre elles.

160. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Qu’on veuille bien me permettre ici une courte parenthèse à ce sujet. […] Il a pris au premier ce clapotement du mot, qui ne permet pas de voir au fond de l’idée, et s’il y a une idée, et emprunté au second le procédé économique de l’alinéa. […] Qu’on me permette d’abord de dégager l’opinion toujours un peu confuse et parfois contradictoire de mes confrères du grand et du petit format. […] Que mon excellent camarade en critique me permette de lui signaler une confusion involontaire, commise dans la rapidité de l’improvisation. […] Après avoir salué du bout de ma plume la senora Mariquita et ses deux compagnes, les danseuses Danoises, permettez-moi de finir par un rapide crayon de la figure d’une véritable artiste.

161. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

« Monsieur, « Voulez-vous permettre à un inconnu de vous demander un service ? […] « Permettez-moi, monsieur, de saisir cette occasion pour vous dire avec quel    plaisir j’ai lu    ces    pages    que vous avez consacrées au Père Lacordaire. […] Je lui répondis : « Mon cher Monsieur, « Vous me demandez de vous adresser quelques considérations à l’occasion du livre que vous imprimez en ce moment et que vous m’avez permis de lire à l’avance. […] Un autre lecteur ami, que j’ai ou vers le même temps, s’appelait Oger ; c’est lui encore dont je me suis permis d’esquisser le portrait dans cette même première pièce des Pensées d’Aout. […] Cet homme jeune encore, mais mûr, très-instruit, judicieux, me permit de marcher d’un pas plus ferme et plus assuré dans mes excursions historiques, dans cet ordre de considérations sérieuses que j’affectionne de plus en plus, à mesure que j’avance dans la vie.

162. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Les lotus lui sont cependant encore permis parce qu’il faut faire le voyage des Indes pour en voir. […] Savez-vous, Monsieur, que les décadents osent se permettre même l’hiatus ! […] Voilà encore, permettez-moi de vous le dire, des noms qu’on ne s’attendait point à voir réunis. […] Permettez-moi de vous dire, cher monsieur Jean Moréas, que si je suis embarrassé, c’est un peu de votre faute. […] Après cela, vous permettrez que j’essaye de me justifier sur certains points de votre critique : Vous voulez que j’écrive Comynes et non Commines.

163. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Et comment déterminer le degré d’utilité sociale qui doit permettre l’existence à certains sentiments ou à certaines pratiques ? […] Et une fois le luxe sexuel permis, qui fixera ses limites ? […] Quand nous aurons bien précisé les conditions qui permettent à la société en général ou à telle société de vivre et de prospérer, rien ne sera fait si l’individu n’agit pas dans le sens voulu. […] Elle permet à nos sentiments et à nos idées de s’organiser sans raideur et de conserver leur plasticité. […] Et l’ironie, ici encore, peut permettre à nos goûts et à nos idées de se déployer avec plus d’harmonie.

164. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Il n’est plus permis de dire, en réponse aux exemples empruntés des États-Unis, que ces exemples ne prouvent rien, appliqués à de vieux peuples civilisés, et venant d’un peuple véritablement enfant et encore à l’état élémentaire. […] Il a voulu montrer, par l’exemple de l’Amérique, que les lois et surtout les mœurs peuvent permettre à un peuple démocratique de rester libre, mais il est très loin de croire que nous devions suivre de près ces exemples et nous asservir à ces moyens. […] Permettez-moi, Monsieur, d’attacher à quelque chose plus d’importance encore qu’au jugement que vous portez sur la Démocratie américaine, c’est à voir continuer et devenir plus fréquents les rapports qui se sont établis entre nous.

165. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Cet honnête savant, c’est aujourd’hui Quitard, qui est spirituel aussi et même aimable dans son livre, — ce naïf et vieux sujet des proverbes le lui permettant. […] Quitard est un antiquaire à sa façon, — un antiquaire non plastique, mais verbal, — qui fait des fouilles, non dans la vile argile, mais dans l’histoire et la langue, — et encore non dans l’histoire écrite, mais dans l’histoire orale, dans la tradition par toute voie, — pour nous déterrer ces apophtegmes, ces aphorismes, ces axiomes de morale universelle qui valent mieux, à coup sûr, que des médailles de bronze, des vases étrusques, des torses de Vénus cassés ; car la plastique ne vient qu’après l’histoire, si vous voulez bien le permettre, et la forme n’emporte le fond que pour… Brid’oison ! […] Mais, qu’il me permette de le lui dire !

166. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Ils avaient enfin, — qu’ils me permettent le mot, — été des antiquaires… d’antiquailles ! […] Mais, sans italiques, ne me sera-t-il pas permis de signaler seulement deux métaphores de MM. de Goncourt qui donneront une idée suffisante de toutes les autres ? […] Mais qu’ils me permettent un conseil.

167. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! […] Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau : Attaquer Chapelain ! […] Théophile Gautier, l’ornemaniste avant tout, le descriptif qui a tout décrit et qui semble trouver que le détail matériel n’est jamais assez montré, assez accusé dans les choses, très-capable, comme il l’a quelquefois prouvé, d’écrire un conte fantastique, parce que dans ce genre-là on se permet tout, M. 

168. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Cependant, il est permis d’ajouter sans injustice, que M.  […] Or, une fois réduite à ces termes, la comparaison ne permet pas le doute. […] Mais il s’est permis une malice moins innocente. […] Le doute est-il permis ? […] Il peut tout se permettre sans danger.

169. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Que nous resterait-il de leurs chefs-d’œuvre sans l’écrit qui les enregistre, qui leur permet de se transmettre à nous ? […] Sans doute, il est permis d’imaginer un genre qui serait « le théâtre dans un fauteuil » et nous en avons des exemples ; mais autant dire roman dialogué. […] Il doit à son art, il se doit de tracer un rêve réalisable, viable, jouable et, si l’on me permet de forger un très vilain mot, « extériorisable ». […] une prise encore molle, timide, gênée par des conventions, — permettra à Émile Augier d’établir quelques caractères. […] Ce tour de passe-passe qui n’est pas neuf a toujours permis de s’y retrouver dans la masse des productions dont nous recevons l’héritage.

170. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard un fonds de vieux chrétien qui subsista toujours, qui se réveilla dans ses dernières années, mais qui, même dans la période la plus mondaine et la plus oublieuse, ne lui permit jamais de considérer la philosophie que comme la suivante et, tout au plus, comme la dame de compagnie de la religion. […] Et pressant le dilemme à leur sujet, le poussant à la dernière rigueur : « Sont-ils à l’abri de la confiscation, s’écriait-il ; la justice ne permet pas que d’autres en soient frappés. […] Sa longue et belle existence permit à toutes ses qualités, je l’ai dit, de se développer à leur avantage et à leur honneur ; il usa, à force de durer et de vivre, toutes les critiques dont il avait été l’objet, et celles qui étaient injustes, et celles qui n’étaient que transitoires. […] Royer-Collard fut l’âme ; je me permets plus de familiarité ; mais l’ouvrage de M. de Barante, sauf ce léger défaut de ne pas graver assez, est sage, judicieux, fin, net, excellent, comme tout ce qui sort de cette plume habile. […] Celui-ci le prit alors de très-haut, et me montrant un fauteuil près de la fenêtre dans son cabinet, il me dit un jour : « Il était assis là, Monsieur, et je l’ai fait pleurer. » A ces termes de « mépris » qu’il employait contre Jouffroy, je me permis, malgré mon peu de familiarité avec le haut personnage, de lui dire qu’il me semblait plus que sévère pour une faute de jeunesse, déjà si ancienne.

171. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Les amoureux sont aisément crédules ; elle est tentée de voir là-dedans un signe et une intention de la Providence : « Je ne veux point pénétrer les desseins du Ciel, je ne me permettrai pas de former de coupables vœux ; mais je le remercie d’avoir substitué mes chaînes présentes à celles que je portais auparavant, et ce changement me paraît un commencement de faveur. » Elle est extrêmement attendrie ce jour-là (7 juillet) ; les épanchements de la journée ne lui ont pas suffi ; elle s’y remet dans la soirée encore ; son âme déborde ; elle laisse échapper l’hymne intérieur comme dans un couplet mélodieux ; elle a beaucoup lu Thompson, elle l’imite ; elle a de sa prosodie scandée, elle a de la simplicité avec pompe : « Douce occupation, communication touchante du cœur et de la pensée, abandon charmant, libre expression des sentiments inaltérables et de l’idée fugitive, remplissez mes heures solitaires ! […] et si le sort ne nous permettait pas de nous réunir bientôt, faudrait-il donc abandonner toute espérance d’être jamais rapprochés, et ne voir que la tombe où nos éléments pussent être confondus ? […] « Il y a telle femme ; dit La Bruyère, qui anéantit ou qui enterre son mari, au point qu’il n’en est fait dans le monde aucune mention… » Elle, elle a trop éclairé le sien, elle l’a mis sur le pinacle, et elle a achevé par là même de l’écraser, de l’enterrer sous ses révélations dernières ; dans ses lettres à Buzot, elle l’appelle d’un ton où perce la pitié « le malheureux Roland » ; elle le montre à la fin abattu, baissé, démoralisé (c’était bien permis). […] Vouloir le remettre sur un pied d’égalité avec son illustre compagne en même temps que l’on consentait à donner les Mémoires de celle-ci dans l’intégrité de leurs aveux, c’était une erreur filiale d’Eudora et qui n’était permise qu’à elle. […] Faugère nous dit : « On raconte qu’au pied de l’échafaud, en ces derniers instants où, entrevoyant les ombres redoutables de l’Éternité, les cœurs les plus fermes se troublent, les plus incrédules commencent à douter, Mme Roland demanda qu’il lui fût permis d’écrire des pensées extraordinaires qu’elle avait eues dans le trajet de la Conciergerie à la place de la Révolution.

172. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Qu’il me soit permis, messieurs, de m’honorer à vos yeux d’une mission que je dois à l’amitié de cet homme célèbre… » Ce rapprochement de Raynal et de Franklin ne pouvait passer que grâce à l’illusion de l’amitié : Franklin, véritable patriarche, par un mélange unique de simplicité, de finesse et de douce ironie, avait offert à quiconque l’avait approché dans sa vieillesse le modèle du sage, conseillant à demi-voix et souriant, un des vrais pères ou parrains de la société de l’avenir. […] Un bruit affreux d’enthousiasme, d’admiration, au nom de l’abbé Raynal, ne permettait d’entendre autre chose que : Lisez ! […] Chapelier, qui, à l’exemple de Barnave, ne demandait pas mieux que d’entrer dans cette voie de transaction et qui en avait pris même l’engagement secret à la veille de l’ouverture des débats pour la révision de l’acte constitutionnel, fut le premier à y manquer quand on fut à la tribune ; il y manqua, parce qu’on n’est pas libre de rétrograder quand on marche en colonne, parce que la force des choses en ces moments domine les volontés particulières ; parce qu’il y a courant et torrent irrésistible au dedans des assemblées comme au dehors ; parce que les mêmes hommes ne peuvent pas jouer deux rôles opposés à quelques mois d’intervalle devant les mêmes hommes, devant les mêmes murailles ; parce que l’esprit même y consentant, la langue tourne et s’ refuse ; parce que les murs, à défaut des fronts, ont une pudeur ; parce qu’enfin les uns se lassant, d’autres tout frais et tout ardents succèdent, qui ne permettent pas ces petits compromis particuliers avant le complet déroulement des principes et l’entier épuisement des conséquences. […] La justesse de son esprit lui faisait apercevoir tout ce qu’exigeait sa position ; mais la faiblesse de son caractère ne lui permettait aucune mesure forte et décisive ; et la reine entretenait son indécision par l’exagération de ses espérances dans l’influence et les plans de l’empereur son frère et du roi de Prusse, quoique Louis xvi eût de l’inquiétude sur le résultat de leur intervention et beaucoup de répugnance à mêler les étrangers aux affaires de la France. […] Le roi consentait à signifier aux princes ses frères « que, dans aucun cas, il n’approuvait ni ne permettait leur entrée en France avec les armées ennemies, soit qu’ils s’y réunissent comme auxiliaires, soit qu’ils se crussent en état d’agir en corps séparé », Malouet proposa pour cette mission secrète auprès des princes son ami Mallot du Pan, qui voyait comme lui en politique : Mallet du Pan, après des retards, partit pour sa mission, muni d’instructions et d’un chiffre.

173. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Car on était humaniste alors, ce qui n’est presque plus permis aujourd’hui. […] C’est en ce sens que je dis qu’il n’est plus permis aujourd’hui d’être humaniste ; il faut être soi-même du métier, être armé de la loupe et du scalpel grammatical, il faut être philologue. […] C’est précisément le contraire qui est vrai historiquement : les langues sont nées comme plantes et herbes, avec toutes sortes de diversités, et la fantaisie des hommes qui s’y joue ne peut tirer d’elles, en définitive, que ce qu’elles permettent et ce qu’elles contiennent. […] Bien qu’il ait annoncé précédemment qu’il ne tracerait pas l’idée complète et exemplaire du poète, il va pourtant le dépeindre et le présenter dans les conditions qu’il estime les plus favorables pour entreprendre une telle œuvre, c’est-à-dire doué d’une excellente félicité de nature, instruit dès l’enfance de tous les bons arts et sciences, versé dans les meilleurs auteurs de l’Antiquité, nullement ignorant avec cela des offices et devoirs de la vie humaine et civile, pas de trop haute naissance surtout ni appelé au régime public, ni non plus de lieu abject et pauvre, afin d’être exempt des embarras et des soucis domestiques, mais tranquille et serein d’esprit par tempérament et aussi par bonne conduite : il est touchant de lui voir définir cette heureuse médiocrité de condition et de circonstances, qui permet mieux en effet toute sa franchise de vocation et tout son essor au génie. […] Les ouvriers, artisans, et jusqu’aux laboureurs, ont des mots de métier, naïfs et pittoresques : de temps en temps il doit être permis au poète d’introduire de ces mots, de ces locutions non vulgaires dans la langue générale.

174. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

De tous ces courants parallèles ou rivaux, de toutes ces lames redoublées (cette image physique et presque domestique est ici permise) il est résulté vraiment une manière de pile de Volta, un appareil littéraire considérable. — Je parlerai encore moins de ces autres influences incomparables qui ne se mesurent pas, et pour lesquelles il faudrait demander un nom aux muses. […] Qu’on ouvre les livres du Père Garasse, ceux de Pierre Mathieu, si étrangement réhabilité de nos jours ; la pensée n’y va qu’à travers toutes sortes d’allusions érudites et sous une marqueterie de métaphores, toutes plus raffinées les unes que les autres, et qui ne permettent presque jamais de saisir le fil direct et simple. […] Cette portion capitale de son enseignement n’est pas publiée encore ; mais nous qui l’avons entendu dans sa chaire, il nous est permis d’en juger. […] Il est juste pourtant d’excepter le tout premier discours sur l’état des lettres dans les Gaules, avant le christianisme ; dom Rivet, dans ce tableau général, aussi complet que le permettait l’archéologie de son temps, a échappé à l’inconvénient où est tombé M. […] Dans leurs cellules rigoureuses, dans ces chambres sans feu, même l’hiver172, les doctes religieux, le front baissé, s’appliquaient sans art à une besogne excellente : se seraient-ils permis même une fleur ?

175. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Même celui qui est soutenu dans l’accomplissement du devoir par sa situation sociale, le bourgeois vertueux, s’il est permis de s’exprimer ainsi, vous ne le couronnez pas. […] Dans un de ces sauvetages, Édouard tombe sur une chaîne, s’enfonce deux côtes, s’évanouit presque ; un heureux hasard lui permet de prendre pied. […] Enfin, un reliquat vous permet de donner mille francs à Jeanne Pécusseau, de Nantes, également enfant d’hospice, dont le dossier est un document inappréciable de ce qu’il peut y avoir de joie et d’affection dans un petit cercle de pauvres et d’humbles qui se connaissent et s’aiment entre eux. […] Permettez-moi de vous rappeler un souvenir de ces derniers mois. […] Je n’étais pas à la séance quand l’affaire est revenue ; je crois que les règles établies ne vous ont point permis d’accepter.

176. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Il semble que, Dieu ayant donné la raison aux hommes, cette raison doive les avertir de ne pas s’avilir à imiter les animaux, surtout quand la nature ne leur a donné ni armes pour tuer leurs semblables ni instinct qui les porte à sucer leur sang. » Ces mêmes obstinés, trouvant étrange qu’on offrît pour modèles à l’humanité les loups et les ours, ont dit encore : Quand même l’histoire prouverait que de grands empires d’autrefois se sont formés par ce vol à main armée qu’on appelle la conquête, quand même de grands empires d’aujourd’hui ne seraient qu’une agglomération de provinces ou de colonies soudées de force ensemble, s’ensuit-il que le passé puisse servir de règle à l’avenir et qu’il soit permis de confondre ce qui a été ou ce qui est avec ce qui doit être ? […] Comme elle a été tour à tour tranchée par la loi en deux sens opposés, elle permet de constater d’une façon très précise la curieuse dépendance qui relie certaines modifications littéraires et certaines modifications législatives. […] L’invention de l’imprimerie, en permettant la multiplication rapide et indéfinie de la pensée, est le fait capital qui en a rendu possible l’émancipation. […] Et le philosophe de s’écrier : « Messieurs, parlons de l’éléphant ; c’est la seule bête un peu considérable dont il soit permis de parler. » L’histoire du xviiie  siècle est pleine d’écrivains arrêtés ou exilés, d’ouvrages mis au pilon, lacérés, brûlés par la main du bourreau : l’Eglise et l’Etat, la Sorbonne et les Parlements collaboraient il cet étouffement. […] Je ne veux pas la détailler ; il me suffira de dire qu’en fixant pour combien de temps une œuvre appartient à l’auteur et à ses héritiers, au bout de quelle durée elle tombe dans le domaine collectif, elles ont permis aux écrivains de prendre dans le monde la situation confortable et nouvelle pour eux de propriétaires ; qu’elles leur ont fourni l’occasion et les moyens de s’organiser en corporation, de former des associations nationales et internationales ; bref qu’elles ont contribué puissamment à régulariser le métier littéraire avec ce que ce mot implique de bon et de mauvais : d’une part, l’indépendance de l’homme qui vit de son travail et ne relève que du public ; d’autre part, la littérature industrielle fabriquant à la vapeur des romans ou des pièces comme on fabrique des robes de soie ou des bas de laine.

177. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Suit alors l’énumération de ses talents, vers, prose, chansons improvisées : Elle exprime même si délicatement les sentiments les plus difficiles à exprimer, et elle sait si bien faire l’anatomie d’un cœur amoureux, s’il est permis de parler ainsi, qu’elle en sait décrire exactement toutes les jalousies, toutes les inquiétudes, toutes les impatiences, toutes les joies, tous les dégoûts, tous les murmures, tous les désespoirs, toutes les espérances, toutes les révoltes, et tous ces sentiments tumultueux qui ne sont jamais bien connus que de ceux qui les sentent ou qui les ont sentis. […] On ne veut point qu’elles soient coquettes ni galantes, et on leur permet pourtant d’apprendre soigneusement tout ce qui est propre à la galanterie, sans leur permettre de savoir rien qui puisse fortifier leur vertu ni occuper leur esprit. […] En le faisant, elle se flattait encore de concilier la fable avec l’histoire, l’art avec la vraisemblance : « Il n’est jamais permis à un homme sage, pensait-elle, d’inventer des choses qu’on ne puisse croire. […] Mlle de Scudéry approchait de la soixantaine lorsque Boileau parut et vint, dès ses premières Satires (1665), railler les grands romans et reléguer le Cyrus au nombre de ces admirations qui n’étaient plus permises qu’aux gentilshommes campagnards.

178. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Il se trouve encore des esprits qui, même dans l’ordre de la foi, voudraient que l’État intervînt pour fixer ce qu’il faut croire et ce qu’il est permis de ne pas croire. […] Il m’est permis, il m’est ordonné d’examiner, mais à la condition que je sois de votre avis. […] Là est le critérium qui nous permet de distinguer les vérités accessibles à l’examen des hommes et celles qui leur sont interdites et fermées, ce qui est abandonné aux disputes humaines et ce qui les surpasse. […] Que l’on ne nous dise pas que le libre examen ne convient qu’à certaines confessions religieuses, et non point à toutes, à celles qui, admettant l’autorité d’un livre sacré, permettent cependant de le discuter, et non à celles qui reconnaissent une autorité chargée d’interpréter ce qui est dans ce livre ; car ceux qui croient à cette autorité y croient ou bien à priori, parce qu’il leur semble que cela est nécessaire, logique, inévitable dans l’hypothèse d’une révélation, ou à posteriori, parce qu’ils ont cru trouver dans les livres saints un texte qui fonde cette autorité. […] Je pourrais éluder cette objection en disant que je me suis contenté d’établir que la liberté de penser, prise en elle-même, est un droit, sans rechercher à qui il appartient d’user de ce droit, et s’il est à l’usage de tout le monde ; j’avoue cependant ne pas trop voir comment l’on s’y prendrait pour fixer des limites, et à quel signe on reconnaîtra ceux à qui il serait permis de penser librement.

179. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Déjà en biologie, on remarque que le volume d’un organe et le nombre de ses cellules affectent, dans une certaine mesure, sa constitution même ; s’il est vrai que celle-ci doit s’expliquer, en dernière analyse, par les rapports des éléments biologiques, par les actions et réactions physico-chimiques qu’ils échangent, quoi d’étonnant à ce que l’accroissement de la quantité de ces éléments, multipliant ces rapports et permettant par suite à ces actions et réactions d’être plus intenses, plus complexes et plus variées, modifie jusqu’à la structure générale de l’organisme ? […] Permettant aux hommes de se mouvoir avec rapidité pour se rencontrer, ou même de commercer sans se mouvoir, ils font monter d’un chiffre incalculable le taux de toutes les espèces de relations humaines. […] On se tromperait donc étrangement si l’on croyait que les grandes proportions des sociétés modernes, par les formes de gouvernement qu’elles leur imposent, doivent les détourner d’adopter les idées égalitaires : plus vraisemblablement au contraire les petites proportions des cités antiques, par les formes de gouvernement qu’elles leur permettaient, les ont détournées de concevoir ces mêmes idées. […] Ce qui ne veut pas dire qu’il nous force à méconnaître, finalement, la différence de leurs actes ; il nous permet au contraire de l’apprécier justement. […] L’habitude, que seule notre civilisation nous permet, de vivre au milieu d’un nombre considérable d’individus qui changent, et défilent en quelque sorte devant nous pour se substituer les uns aux autres dans les mêmes places, n’est sans doute pas étrangère à l’assouplissement de nos conceptions juridiques : elle nous prépare à reconnaître des droits au premier « passant » venu, c’est-à-dire à tous les êtres, quels qu’ils soient, qui sont hommes.

180. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

DAGUESSEAU, [Henri - François] Chancelier de France, Commandeur des Ordres du Roi, né à Limoges en 1668, mort en 1751 ; un de ces hommes qui font l’honneur de leur siecle, de leur Nation, de l’humanité, & dont le culte, s’il nous est permis de nous servir de cette expression, ne peut qu’augmenter par la succession des temps. […] Qu’il nous soit seulement permis d’ajouter, que, si la Religion avoit besoin de suffrages pour triompher des efforts de l’impiété, un tel homme seroit bien propre, par ses lumieres & par ses mœurs, à confondre la présomption qui l’attaque, & à faire rougir les vices qui la déshonorent.

181. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Ce but, on ne lui supposera pas la présomption de croire qu’il l’a jamais atteint, ou même qu’il pourra jamais l’atteindre ; mais on lui permettra de se rendre à lui-même publiquement ce témoignage, qu’il n’en a jamais cherché d’autre au théâtre jusqu’à ce jour. […] À ce drame, qui serait pour la foule un perpétuel enseignement, tout serait permis, parce qu’il serait dans son essence de n’abuser de rien.

182. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Aujourd’hui on a permis, par indulgence, aux condamnés de présenter des successeurs. […] Cela a permis au goût individuel de se produire d’une façon souvent piquante. […] Il est permis seulement de publier l’accusation et la sentence. […] Ce sont là de ces choses pour lesquelles il sera toujours permis d’avoir des haines vigoureuses. […] À ce propos, qu’on me permette ici une anecdote qui expliquera ma pensée.

183. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Au retour de Novilars, il fréquenta à Besançon les cours de l’École centrale ; dès 1797, il était adjoint au bibliothécaire de la ville, avec de petits appointements qui lui permirent quelque indépendance. […] Jeune, deux choses entre autres le sauvèrent et permirent qu’à la fin, arrivé à son tour, reposé ou du moins assis, et comptant devant lui les débris amassés, il se fît une richesse. […] En 1806, son mandat d’arrêt fut levé et converti en un permis de séjour à Dôle, sous la surveillance du sous-préfet, M. de Roujoux, homme aimable, instruit, qui préparait dès lors son estimable essai des Révolutions des Arts et des Sciences. […] On se disait : Voilà pourtant ce que nous sommes, quand nous sommes tout ce qu’il nous est permis d’être au-dessus de notre espèce !  […] Ces sortes de questions dépassent de beaucoup le cercle des conjectures sur lesquelles nous nous permettons d’exprimer et même d’avoir un avis.

184. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Permettez-moi de vous dire que vous faites si bien des vers, que je crains que vous ne vous attachiez trop au métier ; il est séduisant, et il empêche quelquefois de s’appliquer à des choses plus utiles. […] Il y a des chapitres qui, pour la forme, sont dans le goût de Montesquieu : ainsi, le chapitre XV sur la France : « Il est un peuple à qui sa vivacité rend tout sensible à l’excès, à qui sa légèreté ne permet pas d’éprouver d’impressions durables. […] Quand un plan judicieux, éclairé, approprié à nos mœurs, sera substitué aux formes actuelles, les sciences seules pourront servir d’aliment à l’esprit ; mais l’inertie générale ne permettra pas une grande application. […] [NdA] On ne le pouvait dans un journal, je le puis dans un livre. — On lit dans les Considérations sur l’esprit et les mœurs de M. de Meilhan, à propos des femmes célèbres par leur galanterie, qui n’ont jamais eu pour amant leur égal et qui cherchent l’éclat par des choix disproportionnés : « Un mari disait à sa femme : Je vous permets tout, hors les princes et les laquais.

185. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Poujoulat a échappé assez heureusement à ce danger par une grande bonne foi de développement, par une sincérité de croyance qui lui a permis d’entrer dans la discussion du fond. […] Il serait facile ici de le mettre aux prises avec M. de Lamartine qui, tout en admirant Bossuet, est d’un avis contraire ; mais on me permettra plutôt de me détourner quelque temps des commentateurs et des peintres pour aller droit au maître. […] Et sans refuser la louange que méritent certains traits ingénieux et fins de ce portrait, je me permettrai de demander plus sérieusement : Est-il convenable, est-il bienséant de peindre ainsi Bossuet enfant, de caresser ainsi du pinceau, comme on ferait d’une danseuse grecque ou d’un bel enfant de l’aristocratie anglaise, celui qui ne cessa de grandir à l’ombre du temple, cet adolescent sérieux qui promettait le grand homme simple, tout esprit et toute parole ? […] Dans un sermon pour une prise d’habit qu’il prononça dans sa jeunesse, Bossuet parlant de la pudeur des vierges et l’opposant à ce que bien des filles chrétiennes se permettent dans le monde, disait : Qui pourrait raconter tous les artifices dont elles se servent pour attirer les regards ?

186. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Il n’était pas permis de tout dire ; il ne se croyait pas en mesure pour critiquer directement : il avait des tours, des finesses, pour faire entendre sa pensée ; l’ironie est sa figure favorite. […] Grammaticalement parlant, je me permettrai de faire observer qu’il n’est pas exact de dire qu’on est coalisé pour être réuni et rassemblé avec le gros du pays autour d’un pouvoir fort, national et tutélaire. […] Je ne crains pas d’aller plus à fond que ne se le permet ordinairement la critique dite littéraire. […] Saint-Marc Girardin, comme lui-même nous permet aussi de le conjecturer, puisqu’il a dit quelque part qu’il n’enviait rien de plus qu’une semblable destinée, il n’aurait pas même eu ce quart d’heure de puissance, cette participation d’un jour dans le gouvernement de son pays ; car M. 

187. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Avant d’analyser encore quelques autres avantages de la religion chrétienne, qu’il me soit permis de m’arrêter ici pour faire sentir un rapport qui m’a frappée entre cette époque et la révolution française. […] Plus de modestie, plus d’indulgence dans les principes, plus d’abandon dans les aveux permettaient davantage au caractère de l’homme de se montrer ; et la philosophie, qui a pour but l’étude des mouvements de l’âme, a beaucoup acquis par la religion chrétienne. […] Il fallait rendre au meurtre ses épouvantables couleurs ; il fallait faire horreur du sang et de la mort ; et la nature ne permet pas que la sympathie s’exerce tout entière au dehors de nous. […] C’est que l’art du raisonnement, la force de méditation qui permet de saisir les rapports les plus métaphysiques, et de leur créer un lien, un ordre, une méthode, est un exercice utile aux facultés pensantes, quel que soit le point d’où l’on part et le but où l’on veut arriver.

188. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

L’efficacité de la notion repose donc sur l’existence de ce pouvoir bovaryque qui permet à l’homme de s’approprier et de s’assimiler les résultats d’un effort qu’il n’a pas lui-même accompli. […] III À se départir de l’attitude du moraliste ou du conseiller pour se retrancher dans le point de vue positif de l’observateur, le Bovarysme fournit du moins un moins qui permet d’apprécier avec quelque rigueur le degré de force ou de santé d’un être — individu ou collectivité — et dans une certaine mesure de pronostiquer son destin. […] Il est permis de penser qu’il en est des groupes sociaux comme des organismes animaux, en sorte que l’apparition d’une conception bovaryque assume parmi les collectivités humaines une signification opposée selon qu’elle se manifeste parmi une société en formation ou parmi une société ancienne, pourvue par une longue hérédité historique d’organes religieux, moraux et politiques que coordonnent entre eux les fibres d’une sensibilité homogène et invétérée, élaborée aux sources de l’ethnicité de la langue et de l’habitat communs. […] La vitalité d’un peuple semble compromise par deux mesures extrêmes : l’imitation servile de l’ancêtre et l’imitation du modèle étranger dans des proportions trop fortes et qui ne permettent plus l’assujettissement des modes de la réalité imitée à ceux de la réalité ancienne.

189. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Au plus, entre deux de ces énormes productions qui se succèdent, y a-t-il quelquefois un joint, un interstice par où l’on puisse glisser une nouvelle, intéressante et courte, qui permette au lecteur de respirer un moment. […] que le glorificateur de la Renaissance, le philosophe de la libre pensée et l’admirateur de ce de Brosses à qui dernièrement on a fait une gloire parce qu’il aimait les priapées bien gravées sur un vase antique et se permettait d’indécentes plaisanteries contre l’Église, — oui ! […] La vengeance de Babou, dont la large justice se permet même d’être vaste, n’est pas le plat que Machiavel voulait qu’on servît froid. […] Cette sensibilité ondoyante, dont parfois les impressions sont justes et vraies, et d’autres fois injustes et fausses, cette sensibilité qui, dans les Lettres satiriques, tourne si brusquement de la haine à l’amour et de l’amour à la haine, tient évidemment trop la place de l’étude attentive d’une conscience sévère, et Babou en a donné une preuve particulièrement malheureuse, et que je me permettrai de citer, parce que je le dois.

190. (1890) L’avenir de la science « VI »

À part quelques cours d’un caractère tout spécial, le manque d’un auditoire constant et obligé ne permet pas une exposition d’un caractère bien scientifique. […] Sans doute, si l’école était dans les temps modernes ce qu’elle était dans l’antiquité, une réunion d’hommes poussés par le seul désir de connaître et réunis par une méthode commune de philosopher, on permettrait à la science de s’y renfermer. […] Elle peut se permettre des airs d’école et s’entourer d’un parfum de scolasticité qui, chez nous, passeraient pour scandaleux.

191. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Ce sont les Précieuses réhabilitées et Molière sifflé qui les siffla, ou c’est le sifflet de Molière qu’on s’est permis de ramasser et dont on tire un son… posthume ! […] Comme encore il n’y a que lui, lui, Livet, qui puisse trouver galantes, légères et agréablement mystificatrices les plaisanteries de cette société italiennement délicate, mais bouffonne, qui adorait les surprises, abandonnées depuis aux bourgeois, et vanter ces délicieuses attrapes qu’elle se permettait, comme celle de l’habit rétréci du comte de Guiche pour lui faire croire qu’il avait enflé pendant la nuit et qu’il était empoisonné. […] Lorsqu’on réédite Cyrus, il est bien permis à Livet de gratter le papier en l’honneur de Cotin ou de tout autre cuistre du xviie  siècle.

192. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

L’admiration n’est pas la moindre des insolences que la médiocrité, qui se permet tout, se permette envers le génie, lorsqu’elle croit pouvoir se mesurer avec des sujets plus grands qu’elle. […] Mais cette première partie est peut-être la plus curieuse, la plus réellement biographique de la vie de Bossuet, parce qu’elle était la plus obscure, — s’il est permis pourtant de dire qu’il y eût jamais de l’obscurité dans la vie de Bossuet, de ce soleil pour qui Dieu a essuyé l’azur dans lequel il devait monter avec une splendeur si tranquille, et préparé un firmament.

193. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

La solution de problèmes tels que ceux que nous avons énumérés nous permet de porter, sur l’idée de l’égalité des hommes, des jugements d’estimation morale, non d’explication scientifique. […] — Seule l’expérience, méthodiquement consultée, donnerait ici une réponse indiscutable : en nous faisant connaître les effets différents des différentes formes d’institutions, elle seule nous permettrait de distinguer celle qui produit bien les résultats demandés par l’idéal défini. […] Si la sociologie lato sensu , rejoignant la philosophie de l’histoire, ne peut être qu’une synthèse des sciences sociales particulières, il est permis de concevoir, en attendant l’heure de sa construction, une sociologie, stricto sensu qui serait elle-même une science sociale particulière — la science des formes des sociétés, de leurs causes et de leurs conséquences1.

194. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Il a été trop bien loué dans les deux discours qu’on va lire pour que je me permette d’y rien ajouter en ce moment. […] Dans le respect que nous avons pour de nobles pensées rendues avec énergie, il nous sera permis toutefois de faire remarquer que si c’est une politique positive qui doit sortir de telles études et de telles méditations, il importe fort de ne la point puiser trop haut.

195. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

Enhardi par la familiarité du voyage, par la présence de l’aide de camp favori, et surtout par les habitudes philosophiques de Catherine, M. de Ségur hasarda un conte galant, un peu léger, toutefois décent, qui avait fort bien réussi à Paris auprès du duc de Nivernais, du prince de Beauvais, et même de plusieurs dames dont la vertu s’était permis d’y sourire. […] Mais le ministère français avait déjà d’autres soins plus pressants que ceux de la politique extérieure, et les embarras des finances ne lui permettaient pas de s’exposer aux chances d’une nouvelle guerre.

196. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

Une nuit (c’est la nuit de Noël), il lui demande le mot d’ordre qui permettra d’accoster le navire. […] Et dès lors ces choses sont hors de notre prise  Précisément  Oui, mais cette obscurité même nous permet tous les rêves.

197. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Il est vrai que l’érudition de ce Savant a dû leur être incommode, par son zele à relever quantité de bévues répandues dans leurs Ecrits & à redresser les falsifications qu’ils se sont permises pour appuyer leurs systêmes. […] Il me fait Répétiteur au Collége Mazarin, moi dont la fortune a permis que j’eusse un Répétiteur.

198. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Peut-être il eût été à souhaiter qu’au moment où le premier orateur se présenta pour prononcer le premier panégyrique devant un prince, même vertueux, un citoyen plein de courage se mît tout à coup entre le prince et l’orateur, et élevant sa voix avec force, s’écriât : « Prince, qu’oses-tu permettre, et que vas-tu entendre ? Ferme l’oreille à des discours dangereux ; tu mérites sans doute l’hommage qu’on va te rendre, achève de le mériter en le dédaignant ; aujourd’hui la vérité te loue, demain la flatterie t’attend ; de tous côtés l’orgueil te tend des pièges et te poursuit ; l’esclavage en silence te trompe et te flatte ; iras-tu encore permettre à un orateur de te corrompre avec art ?

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Par une sorte d’émulation bien permise aux plus graves, et que n’eût point censurée Platon, M.  […] Comme Les Nièces de Mazarin ne se referont pas et qu’elles ont trouvé maître, je me permettrai seulement, en qualité de critique, de demander à M.  […] Elle fit des efforts pour éteindre d’abord les faibles restes de sa foi languissante, espérant par là calmer son inquiétude ; « mais Dieu ne permit pas qu’elle y réussît ». […] Le récit qu’on vient de lire et qui ne laisse rien à désirer, ce me semble, pour la précision et l’exactitude, nous permet aujourd’hui de faire à chacun sa part. […] Il fit les campagnes de Bohême, en 1742, et de Bavière, en 1743 ; mais déjà sa santé ruinée par les fièvres ne lui permettait plus d’encourir de nouvelles fatigues, et il dut renoncer pour toujours au service militaire.

200. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Je ne me permettrai qu’un léger reproche, relatif à la mimique de M. van Dyck. […] l’injure était permise au vaincu. Maintenant elle est permise au vainqueur ! […] Aussi, sur une aussi redoutable question, ne pouvons-nous nous permettre aucun jugement aventuré. […] Camille Benoît me permettra-t-il maintenant un reproche ?

201. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

A propos du Journal Helvétique, permettez, Monsieur, que je réponde à un autre objet qui me regarde. […] Permettez-moi, Monsieur, de faire une réflexion sur les motifs qui vous ont porté à agir à mon égard comme vous le faites. […] Je ne rapporterai pas non plus les choses horribles qu'on m'apprend sur son compte, quoiqu'on me permette de les rendre publiques : je me bornerai à citer les Morceaux où l'Auteur de la Lettre exprime le regret qu'il a de s'être fait l'organe du mensonge & l'instrument de la méchanceté. […] Je désire qu'elle serve de témoignage aux sentimens de considération & d'estime, avec lesquels j'ai l'honneur, &c. » Je ne me permettrai aucune réflexion sur cette Lettre, dont je n'ai cité que la fin : il n'est personne qui ne sente combien il est honorable d'avoir de pareils Personnages pour ennemis. […] Je n’en espere même pas ; je ne suis point dans les Ordres sacrés, & ma délicatesse ne me permettra jamais d’y entrer, comme tant d’autres, dans la vûe d’en obtenir.

202. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Ces diverses considérations nous permettent de comprendre pourquoi, a priori, on aboutit à deux conceptions opposées de l’activité humaine, selon la manière dont on entend le rapport du concret à l’abstrait, du simple au complexe, et des faits aux lois. […] Cela est permis, assurément, et les plus grands penseurs n’ont point hésité à le faire ; mais aussi, comme nous l’annoncions d’abord, ce n’est pas pour des raisons d’ordre physique qu’ils affirmaient la correspondance rigoureuse des états de conscience aux modes de l’étendue. […] Qu’on nous permette de rapporter ici une observation personnelle. […] Le matin, quand sonne l’heure où j’ai coutume de me lever, je pourrais recevoir cette impression xun holè tè psukhè, selon l’expression de Platon ; je pourrais lui permettre de se fondre dans la masse confuse des impressions qui m’occupent ; peut-être alors ne me déterminerait-elle point à agir. […] Mais nous établirons d’abord une distinction entre ceux qui pensent que la connaissance des antécédents permettrait de formuler une conclusion probable, et ceux qui parlent d’une prévision infaillible.

203. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Ceux-ci auront beau s’en défendre, ils n’empêcheront pas· leur essai de synthèse et d’explication universelle, auxquelles ils tendent dans la mesure où le permet l’état des sciences particulières, d’être comme le boulevard d’une philosophie première. […] Là encore, il sera facile de montrer en deux mots que l’esthétique symboliste., mieux que toute autre, permet au poète d’exprimer ses passions dans toute leur vérité, sans rien leur ôter de leur intensité intérieure, et d’atteindre jusqu’aux nappes profondes de la Vie. […]   En ce qui concerne l’expression correspondante à cette multiplicité d’état d’âmes deux attitudes sont permises. […] Trop d’autres illustres, trop d’autres, mes maîtres, ont offert des modèles définitifs du genre, pour que je me permette de les ignorer. […] Au surplus, je me permets de déplorer le vague dans lequel flottent la plupart des termes destinés à servir de fanion à toute école littéraire ou philosophique.

204. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Ils ont été nos guides et nos maîtres, il faut les estimer et les étudier, mais non pas comme des maîtres tyranniques, sur la parole de qui nous devions jurer toûjours, et qu’il ne soit jamais permis d’éxaminer. […] de la maniere de critiquer les auteurs. la critique est sans doute permise dans la république des lettres. […] Il s’avise d’un fort mauvais expédient pour fortifier les troyens, en permettant aux dieux de se mettre de la partie. […] Me D dans ces endroits ne sent que le merveilleux ; qu’elle me permette d’y sentir aussi le déraisonnable. […] Il n’y a pas moyen d’éviter un inconvénient, sans tomber dans un autre ; il faut opter, mais se souvenir toûjours, s’il m’est permis de badiner, que la raison même a tort dès qu’elle ennuye.

205. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

C’est là un noble désir assurément, une ambition bien permise. […] C’est là du bon style ; mais il est fâcheux encore que toutes les saines pensées et les maximes justes de la pièce se trouvent rejetées dans la bouche de ce triste Féline, et qu’elles s’y trouvent (notez-le), non pas comme des ressorts de son rôle, mais à titre même de choses justes ; il devient ainsi par moments une manière d’Ariste véritable ; c’est Tartufe et Cléante mis en un, s’il est permis d’amener ici ces grands noms

206. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Renan a créé assez d’œuvres pour qu’on lui permette la joie de faire paraître, de temps en temps, un livre né sans peine, par les soins du seul éditeur. […] Renan est gai, se permet des récréations dans son labeur.

207. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Rien de mieux exposé, de plus méthodique, de plus instructif, que tout ce qu’on y trouve sur les Loix, le Commerce, le Gouvernement de la Russie & de l’Angleterre : les observations & les recherches de l’Auteur sur ces deux Etats, sont d’autant plus curieuses, d’autant plus intéressantes, qu’il les a faites sur les lieux, & qu’il ne s’est jamais permis de trahir la vérité, au risque de déplaire à ceux qu’elle auroit pu blesser. […] Tout ce que nous nous permettons de dire, au sujet de ces événemens, c’est que, malgré ses démêlés avec plusieurs Ministres de France, elle n’a pas cessé d’être fidelle à son Roi, avec qui elle a eu une correspondance secrete qui a duré près de vingt ans, & qui duroit encore à l’époque de la derniere maladie de ce Prince.

208. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Il étoit trop ami de l’ordre établi dans toute société, pour se permettre aucune de ces déclamations indécentes que ses prétendus Imitateurs se sont si souvent permises.

209. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Préface Voici le premier volume d’un ouvrage qui doit en avoir beaucoup d’autres si la vie, avec ses ironies et ses trahisons ordinaires, permet à l’auteur de réaliser, au moins en partie, l’idée qu’il a en lui depuis longtemps. […] Sans être un Hercule, il file aux pieds d’une Omphale qui ne lui permettrait même pas de s’y asseoir, si elle était vivante ; mais nous n’en aurons pas moins probablement l’occasion de nous replier sur ses anciens travaux à propos de quelque édition de ses œuvres, et alors, il aura le jugement auquel il a droit comme Lamennais, Royer-Collard, Ballanche et tant d’autres qui — à quatre pas dans le passé, — semblent déjà s’enfoncer dans l’ombre d’un siècle.

210. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Le troisième et le quatrième étaient autant d’artifices salutaires que permettait la Providence, afin qu’il se formât des philosophes capables de la comprendre et de la reconnaître pour ce qu’elle est, un attribut du vrai Dieu. […] Nous essaierons dans ce livre de traiter le même sujet, autant que nous le permet la faiblesse de nos lumières et le peu d’étendue de nos connaissances.

211. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

C’est le lieu métaphysique des idées… Pour m’exprimer plus clairement, permettez-moi cette explication, un peu d’homme de lettres, mais brève : Dieu, c’est le mot propre. […] Il y a un instant (dans ce vaste poème auquel la forme dramatique a permis de tels développements) où le Faust rajeuni adore la Beauté et la choisit pour guide vers la vérité. […] Mais n’est-il pas permis d’en voir une correspondance exactement symétrique dans cette époque de la Renaissance : alors qu’en plein épanouissement chrétien une soudaine récurrence sensualiste ramena les artistes au culte et à l’imitation de l’antiquité païenne ? […] Le tort serait de ne pas voir que la Beauté, constante dans le degré, flottante dans l’expression, est l’assise incontestable et unique où l’humanité puisse trouver quelque point d’appui qui lui permette d’aller plus loin vers l’idéal moral et matériel de la vie. […] Voilà comment j’ai pu logiquement affirmer que la beauté est l’assise unique où l’humanité trouve quelque point d’appui qui lui permette d’aller plus loin vers l’idéal moral et matériel de la vie.

212. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Quoi qu’il en soit, voici ce qui me paraîtrait le plus vraisemblable : Louise Labé, jeune et libre, aurait aimé et chanté ses ardeurs, comme il était permis alors, et sans trop déroger par là aux convenances du siècle. […] Les mœurs de chaque siècle sont si à part et si sujettes à des mesures différentes, qu’il serait, après tout, très-possible que Louise, en sa qualité de bel-esprit, se fût permis, jusque dans le sein du mariage, ces chants d’ardeur et de regret, comme une licence poétique qui n’aurait pas trop tiré à conséquence dans la pratique. […] Ne permettez fascher celle que vous avez conservée jusques ici sans rides, et sans pas un poil blanc ; et n’ostez, à l’appétit de quelque colère, le plaisir d’entre les hommes. » L’arrêt de Jupiter qui remet l’affaire à huitaine, c’est-à-dire à trois fois sept fois neuf siècles, et qui provisoirement commande à Folie de guider Amour, clôt à l’amiable le débat : « Et sur la restitution des yeux, après en avoir parlé aux Parques, en sera ordonné. » Cet excellent dialogue, élégant, spirituel et facile, mis en regard des vers de Louise Labé, est un exemple de plus (cela nous coûte un peu à dire) qu’en français la prose a eu de tout temps une avance marquée sur la poésie. […] S’il m’est permis (et il est certes bien permis de dire la vérité), je dirai qu’elle tyrannise même la poitrine de Jupiter. Sans lance et sans glaive, Cypris met en pièces d’un seul coup tous les dessins des mortels et des Dieux. » Et puisque j’en suis à ces réminiscences des Anciens, à celles qui purent se rencontrer en effet dans l’esprit de Louise ou à celles qu’aussi elle nous suggère, on me permettra une légère digression encore qui, moyennant détour, nous ramènera à elle finalement.

213. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je sentis que j’étais étouffé de tendresse et de délire si je ne parvenais pas à me glisser dans quelque rue étroite, dont l’embouchure, resserrée par les maisons et presque invisible, rompît la masse de mes poursuivants et me permît de leur échapper en diminuant forcément leur nombre. […] « — N’y a-t-il point, dis-je au concierge, un moyen de sortir d’ici par quelque cour de service ouvrant sur une ruelle de derrière, et qui me permettrait d’atteindre inaperçu un quartier solitaire et vide ? […] Un tas de pierres, me servant d’échelle, me permit d’enjamber un mur de clôture, d’où je tombai dans une ruelle aussi silencieuse et aussi déserte qu’un cloître de chartreux pendant que les religieux sont au service. […] « — Voulez-vous me permettre, leur dis-je, de me reposer un moment ici pendant qu’on me cherche une voiture, et de me rafraîchir, en payant, avec un peu de pain, de gruyère et un demi-doigt de vin ? […] Ces vers, les voici : qu’on me permette d’ouvrir quelquefois mon écrin, comme un roi fugitif et découronné, et d’y contempler le plus beau joyau de ma couronne quand Hugo m’avait fait roi, maintenant que le sort m’a fait mendiant, mendiant non pour moi, mais pour mes frères !

214. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Il fut aussitôt enlevé de sa résidence ; puis, seul avec le cardinal Pacca, pro-secrétaire d’État, sans un domestique, sans personne des siens, — on ne permit ensuite qu’à un petit nombre de le suivre, — on le jeta dans une mauvaise voiture, sur le siège de laquelle le général français avait pris place. […] je le répète, votre devoir ne vous aurait pas permis de sacrifier le spirituel au temporel.” […] « Sa Sainteté Notre Seigneur le Pape le permettant, mes obsèques auront lieu, avec la décence convenable, dans l’église Saint-Marcel au Corso, où se trouve la sépulture de ma famille. […] « Quand, par la mort successive de la majeure partie de mes serviteurs et légataires annuels, les fonds de mon héritage permettront d’accroître la somme de 600 écus déterminée plus haut mon héritier fiduciaire pourra (sans pourtant y être positivement obligé de verser dans la caisse de la Sacrée Congrégation la nouvelle augmentation qu’il jugera pouvoir remettre, après avoir satisfait aux charges accessoires et aux dispositions reçues de vive voix. […] Le futur cardinal et l’immortel compositeur ne firent plus qu’un cœur ; il s’attacha à la femme et à la fille de Cimarosa, il s’incorpora à ce génie, et ne cessa, pendant toute sa vie, de prodiguer aux divers artistes les occasions et les faveurs que son rang dans l’Église lui permettait de prodiguer à son ami.

215. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Jacques Bainville À vos questions, permettez-moi de répondre par une autre : n’y a-t-il pas de grand poète français dont le père ait pu être de langue d’oïl et la mère de langue d’oc, ou inversement ? […] Van Bever et Léautaud, je ne me permettrai de nommer MM.  […] Cependant, de l’embouchure de la Gironde jusqu’au-dessus d’Angoulême, la différence des idiomes en contact est si tranchée que le doute n’est pas permis et que le partage peut être fait avec une précision mathématique, au point que l’on doit diviser les communes où se parle d’un côté un dialecte d’oïl, de l’autre un dialecte d’oc. […] D’autre part, quelle opinion qu’on ait de Rostand, son succès universel — en dehors bien entendu d’une grande partie des milieux littéraires — ne permet pas de l’oublier, ni Paul Arène, qui a fait des vers exquis — Navarrot, béarnais, était aussi un excellent poète français. […] Voulez-vous me permettre de vous apporter la réponse de Mistral ?

216. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

L’amitié certainement a des droits, la sincérité d’intention a des priviléges ; il est d’usage de penser et de dire sur l’auteur qu’on publie, sur l’ami dont on recueille les reliques, un peu plus que tout le monde, et la part d’illusion permise a sa latitude. […] Sabbatier a dit assez haut son avis pour qu’il nous permette de risquer le nôtre. […] Après de premières études, qu’il doit presque tout entières à lui-même, Victorin Fabre nous est présenté, vers la fin de 1799 (il avait quatorze ou quinze ans), comme un esprit dont le coup d’œil politique était dès lors aussi juste qu’étendu : « La manière dont s’était opérée la révolution du 18 brumaire, et surtout quelques dispositions captieuses placées dans la Constitution de l’an viii comme pierres d’attente, avaient excité son mécontentement, éveillé ses soupçons. » Voilà un Solon bien précoce qui nous arrive ; en conséquence de ses prévisions, Victorin Fabre, qui avait un moment songé, nous dit-on, à prendre la carrière des armes, s’en détourne et ne songe plus qu’aux lettres et à la philosophie ; nous concevons cette préférence ; qu’on nous permette seulement de croire, sans faire injure à tout ce puritanisme, que cela ne l’eût aucunement compromis de se trouver à Marengo.

217. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Elle permet de présenter une idée sous toutes ses faces, de la dépasser et de revenir en deçà, de la corriger à mesure qu’on la développe. Elle permet de s’abandonner librement à sa fantaisie, d’être artiste et poète en même temps que philosophe. […] Mais— et je retourne ici ma proposition, — s’il est candide, il reste complexe, et j’avoue que cette complexité ne permet pas de voir toujours très clairement l’homme de foi que j’ai découvert dans le Prêtre de Némi, et qui s’y trouve.

218. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Qu’il me soit permis, sans prétendre clore par une simple lettre une discussion à l’objet de laquelle je consacre tout un livre, de défendre contre les sévérités de M.  […] Comme ils ne font, à proprement parler, aucun héritage spirituel et ne subissent guère du temps d’autre atteinte que la dépravation d’une complication superficielle qui toutefois et déjà no leur permet plus de se complaire aux simplicités des premiers Ages, les peuples n’assument pas les graves soucis des générations antécédentes, et ces intelligences restées puériles voudraient toujours des refrains de berceau. […] Permettez-moi de dire que votre sévérité est un peu brève.

219. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

L’analyse que nous avons faite des rapports entre le génie et le milieu nous permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. […] L’étude du milieu, nous l’avons montré, doit permettre précisément de mieux comprendre ce qu’il y a d’individuel et d’irréductible dans le génie. […] D’après un auteur contemporain42, c’est dans les moments où le génie sommeille que l’artiste perd de son inconscience, et que, par là même, il permet le mieux au critique d’apercevoir ses procédés de facture et de composition.

220. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Baillarger, qu’on nous permette d’en ajouter un tout voisin de ceux-là, et qui les confirme. […] En résumé, nous ne nous permettrons pas de rien conclure dans une question si neuve et si controversée. […] S’il est juste de reconnaître que la théorie des localisations n’a pas dit encore son dernier mot, il est permis d’affirmer qu’elle n’a produit encore aucun résultat démonstratif et scientifiquement concluant.

221. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Nous aurons besoin plus d’une fois de supposer que les anciens se soient permis cette espece d’inexactitude. […] Je me contenterai de répondre ici, que l’art d’écrire les notes en geste, ou, si l’on veut, les dictionnaires des gestes (car nous verrons que les anciens avoient de ces dictionnaires là, s’il est permis d’user de cette expression) n’étoient point du ressort de la musique rithmique dont il s’agit presentement. […] Il faut que celui qui fait les gestes tombe en cadence à la fin de chaque mesure, quoiqu’il lui soit permis de laisser passer quelque temps de cette mesure sans faire aucun geste, et qu’il puisse mettre dans son jeu muet aussi souvent qu’il le veut de ces silences ou de ces repos qui se trouvent rarement dans la partie du recitateur.

222. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Qu’il me soit donc permis d’exprimer, à l’égard de ce qui a amené notre situation actuelle, un regret dont rien ne peut tempérer l’amertume. […] Ainsi donc, et c’est ce que j’espère faire sentir plutôt que prouver ; ainsi donc, lorsque l’homme veut hâter, par la violence, cette marche naturellement lente, aussi bien que lorsqu’il veut y apporter des délais et des obstacles, il met toujours la société en péril : il ne faut pas cesser de répéter cette vérité, sous toutes les formes ; il faut, s’il est permis de parler ainsi, en lasser les peuples et les gouvernements jusqu’à ce que la crise actuelle soit passée. […] Notre antipathie pour le passé nous force à nous réfugier dans l’avenir ; mais nous sera-t-il permis de soulever le voile encore si imposant qui nous cache nos destinées futures ?

223. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

… Certes, la vanité des bas-bleus a de singulières ivresses ; elle est quelquefois au-dessus de tout ce qu’on peut imaginer, Mais pour se permettre de toucher à un sujet sur lequel la main colossale de Balzac avait écrit à suivre ! […] Elle n’a rien cru, ni ne s’est rien permis ; mais elle voulait écrire, mais elle était piquée de la démangeaison d’écrire, mais elle avait le prurit du livre, dont elles sont toutes malades, les femmes du xixe  siècle ! […] On n’a eu que la peine de l’y porter, — et les premiers jours qu’on l’y a vue, elle y a été regardée avec l’œil rond d’une foule badaude, qui fait une plaisanterie morne et puis, qui s’en va… Le vieux xixe  siècle, — car le voilà vieux, — ressemble au vieux célibataire, qui souffre qu’une femme soit tout chez lui et s’y permette tout.

224. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Une combinaison fournie par le hasard lui permit de se montrer généreux sans porter atteinte aux traditions de l’économie. […] C’était la femme de chambre de l’amie chez qui je demeure qui l’avait emportée avec elle au bal de l’Opéra, où mon amie lui avait permis d’aller… — C’est bien contrariant ; néanmoins, permettez-moi de bénir le hasard… qui m’a permis de vous y rencontrer… (Ici tous les madrigaux d’usage.) […] lui a dit le savant d’une voix qui ne permet pas de réplique ; et qui vous a permis de faire faire votre besogne par le signe de la Vierge ? […] Seulement, comme la bourse de ses menus plaisirs était un peu plate, il ne pouvait acquitter le prix du billet en une seule fois, et il priait la dame patronesse de vouloir bien lui permettre de solder son entrée au bal par à-comptes. […] La Panthère, en entrant dans des eaux plus calmes, reprend des allures pacifiques qui permettent aux passagers de réparer par le sommeil les fatigues de la nuit.

225. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Ces paroles sont une faible traduction de la vérité, bien qu’elles nous permettent de l’entrevoir ; la comtesse d’Albany, en nous ouvrant son cœur, nous y eût montré certainement autre chose. […] La comtesse, femme d’une vertu rigide et d’une piété mystique, représentait dans cette société le respect pour cette légitimité des reines qu’elle ne permettait pas même au soupçon d’effleurer. […] Nous sûmes depuis, de la même manière, la catastrophe et les horreurs qui ensanglantèrent Paris le 2 septembre, et nous remerciâmes, nous bénîmes la Providence, qui nous avait permis d’y échapper. […] M. de Reumont parle ici de quelques légèretés amoureuses qu’Alfieri se permet à Florence, et dont il se vante dans des sonnets licencieux en contravention avec son amour déclamatoire pour la veuve du roi d’Angleterre. […] Le 5 au matin, après s’être rasé, il voulait sortir pour prendre l’air ; mais la pluie ne le permit pas.

226. (1903) La renaissance classique pp. -

Comme des terrassiers qui tranchent et qui nivellent, — à coups de pic et à coups de mine, — ils auront exécuté les gros ouvrages et construit les travaux d’approche qui nous permettront peut-être d’arriver jusqu’au cœur de la réalité. […] Les vérités les plus essentielles à l’humanité, celles qui lui ont permis d’ordonner sa conscience et ses actes, de prolonger son existence éphémère par la suite ininterrompue de la tradition, — ces vérités primordiales, c’est elle qui les a mises en circulation sous des formes indestructibles. […] comme nos maîtres nous ont abusés jadis et se sont abusés eux-mêmes en offrant à nos admirations la dramatique image d’un Théodore Jouffroy se demandant avec une anxiété douloureuse si sa raison lui permet de rester fidèle à l’idéal de ses pères, d’arracher de lui le vivant symbole de vérités qui compose la substance même de son âme ! […] Outre les qualités originales que l’artiste doit y apporter de lui-même, cela suppose une grande somme d’expérience, puis une grande somme de culture, non pas cette science indiscrète et chaotique des Allemands, mais une science à la fois étendue et précise, toujours guidée par un goût délicat, qui permet à l’écrivain, comme l’instinct permet à l’animal, de discerner sa pâture parmi les choses indifférentes et nuisibles. […] Des indices certains permettent d’espérer la guérison : quand ce ne serait que cet effort de quelques provinces pour recouvrer leur vitalité d’autrefois !

227. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Rien ne plaît parce qu’on ne saurait plus soi-même se plaire : on se venge sur tout ce qui nous environne des chagrins secrets qui nous déchirent ; il semble qu’on fait un crime au reste des hommes de l’impuissance où l’on est d’être encore aussi criminels qu’eux : on leur reproche en secret tout ce qu’on ne peut plus se permettre à soi-même, et l’on met l’humeur à la place des plaisirs. […] Massillon avait ce don qui lui permettait de décrire toutes les situations de l’âme, comme s’il y avait passé lui-même. […] Ce n’est point devant les Villeroi, les Fleury, les du Maine, devant ces vieillards et ces sages, et ces fidèles de l’ancien règne, tous ces tuteurs du royal enfant, qu’il se fût permis une pareille inconvenance ; mais, en parlant pour la paix contre les conquêtes, il exprimait le sentiment universel, celui que ces hommes prudents avaient été des premiers à partager avec tous. […] Il nous permit de lui en parler, et de lui faire hommage des religieuses larmes qu’elle nous avait fait répandre.

228. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Douce puissance de l’étude qui ne permet de connaître ni le poids du temps, ni le vide de l’âme, ni les regrets d’une ambition vulgaire, et qui montre à l’homme une source plus pure, où il ne tient qu’à lui de puiser tout ce qui lui appartient de bonheur et de dignité ! […] On a, dans les Mémoires de Napoléon, un récit de ce même accident, de cette catastrophe définitive ; elle est retracée avec une rapidité et avec une certitude péremptoire que lui seul, l’acteur principal et le conquérant, pouvait se permettre. […] Je n’ai point assez examiné toutes les faces de ce problème historique pour me permettre d’avoir un avis et pour dire si la question est aujourd’hui bien positivement résolue : seulement on ne saurait traiter le récit ou plutôt l’interprétation de M.  […] La facilité avec laquelle je travaillais m’a permis d’embrasser beaucoup d’objets à la fois, et de suffire à une assez lourde tâche ; de telle sorte que je suis peut-être redevable, en fin de compte, à mes études d’Horace et de Cicéron, du peu de succès que j’ai eu dans ma vie administrative et politique.

229. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Il me permettra cependant, avant d’entamer mon sujet, d’incidenter sur un point. […] On méditait, si j’étais bien informé, une sorte de petite révolution littéraire aux Débats ; le ministère Martignac (on était alors sous le ministère Martignac) permettait de s’occuper de discussions poétiques, d’odes et de drames, et s’il avait duré, tout promettait quelques saisons de luttes pacifiques très vives. […] Il y eut en effet au xviie  siècle une génération puissante et forte, et en quelque sorte privilégiée : c’est celle qui ayant vu la fin du régime de Richelieu, de ce despotisme patriotique qu’on détesta de près sans le comprendre, se trouva jeune encore pour jouir de la régence d’Anne d’Autriche, et qui ensuite assista ou prit part à la Fronde : elle put avoir elle-même ses illusions, elle fit ses fautes, elle commit bien des actes odieux ou ridicules ; elle les vit passer du moins et les toléra ou y trempa ; mais elle y gagna de l’expérience, et, quand l’autorité de Louis XIV fut venue enfin tout pacifier et tout niveler, elle conserva quelque temps sous ce règne égal et superbe un vif ressouvenir du passé, qui lui permit de faire tout bas des comparaisons et des réflexions dont les écrits, indirectement, profitèrent. […] La Révolution était trop forte pour permettre des observateurs et des curieux ; on était vainqueur ou vaincu, bourreau ou victime.

230. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ce qui a choqué en lui, on se le permet plus ou moins en s’en applaudissant. […] Lui est-il donc permis de se prendre d’autant plus à la légère, que le public l’a pris davantage au sérieux ? […] Sans avoir aucune autorité pareille, ne serait-il donc pas permis à ceux qui ne sont, qui ne veulent être que littérateurs et poètes, qui croient ainsi servir le monde à leur manière et y remplir leur humble rôle, qui s’y attachent d’autant plus que la vue des intrigues présentes leur donne plus fort la nausée ; à ceux qui écoutent avec bonheur la voix de M. de Lamartine s’élever un moment avec pureté du milieu des récriminations, et qui regrettent qu’elle n’y soit qu’une trêve, ne leur serait-il pas permis de lui demander qu’il leur laissât au moins la dignité de leur silence en politique ?

231. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

On sait les hautes qualités de M. de Vigny, son élévation naturelle d’essor, son élégance inévitable d’expression, ce culte de l’art qu’il porte en chacune de ses conceptions, qu’il garde jusque dans les moindres détails de ses pensées, et qui ne lui permet, pour ainsi dire, de se détacher d’aucune avant de l’avoir revêtue de ses plus beaux voiles et d’avoir arrangé au voile chaque pli. […] On a dit de Montesquieu qu’on s’apercevait bien que l’aigle était mal à l’aise dans les bosquets de Gnide : nous sera-t-il permis de dire que l’auteur d’Éloa a souvent dû être fort empêché en voulant déployer ses ailes de cygne dans la biographie de l’auteur de Joconde et des Deux Gendres ? […] Je sais tout ce que permet ou ce qu’exige le genre du discours académique, même avec la sorte de liberté honnête qu’il comporte aujourd’hui : aussi n’est-ce point d’avoir trop loué son prédécesseur que je ferai ici un reproche à l’orateur-poëte ; mais je trouve qu’il l’a par endroits loué autrement que de raison, qu’il l’a loué à côté et au-dessus, pour ainsi dire, et qu’il l’a, en un mot, transfiguré. […] M. de Vigny avait provoqué cette sorte d’explication, en indiquant expressément lui-même (je ne veux pas dire en accusant) la lenteur qui ne permettait à l’Académie de se recruter parmi les générations nouvelles qu’à de longs intervalles .

232. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Ils ne se permettaient, pour aucun motif, pas même pour un succès présent, ce qui pouvait porter atteinte aux rapports durables de subordination, d’égards et de sagesse. […] Ils permettaient qu’on jouât devant eux de certaines mœurs théâtrales, sans aucun rapport avec leurs vertus domestiques, des pantomimes, ou des farces grossières, des esclaves grecques faisant le principal rôle dans des sujets grecs, mais rien qui pût avoir la moindre analogie avec les mœurs des Romains. […] Ces ressorts, plus extérieurs qu’intimes, n’ont point permis à l’homme de connaître les secrets du cœur de l’homme ; et la philosophie morale y a perdu sous plusieurs rapports. […] L’austérité romaine donne un grand caractère aux affections qu’elle permet.

233. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Elle nous permet de prévoir les mouvements des planètes. […] Les effets que nos sens grossiers nous permettent d’observer sont les effets moyens, et dans ces moyennes, les grands écarts se compensent, ou tout au moins il est très improbable qu’ils ne se compensent pas ; de sorte que les phénomènes observables suivent des lois simples, telles que celle de Mariotte ou de Gay-Lussac. […] La loi étant une relation entre l’antécédent et le conséquent, nous permet également bien de déduire le conséquent de l’antécédent, c’est-à-dire de prévoir l’avenir et de déduire l’antécédent du conséquent, c’est-à-dire de conclure du présent au passé. […] Cela va nous permettre de revenir sur la question de la rotation de la Terre ce qui nous fournira en même temps l’occasion d’éclaircir ce qui précède par un exemple.

234. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Une servitude nouvelle est intervenue dans la vie des intellectuels, une servitude ignorée de leurs aînés et que la loi permettait d’éluder avant 1870 : le service militaire obligatoire. […] Les programmes surchargés ne permettent plus de rien étudier à fond. […] Elle est douée de facultés lui permettant d’agir en dehors de la sphère sensuelle, se communiquer à distance, dans les phénomènes télépathiques, de voir à travers les corps opaques de traverser l’espace et le temps, de lire le livre du Passé, comme le livre non écrit de l’Avenir. » À ceux qui s’étonneraient de la hardiesse de cette affirmation, M.  […] Sans doute pour rattraper la gaffe et s’excuser, Samain argua-t-il de son dénuement qui ne lui avait pas permis de se procurer les œuvres du Maître.

235. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Au moral c’était de même, et je me permettrai d’être ici moins circonspect que l’auteur de la Notice. […] » Et moi je me permets de poser la question précisément contraire : Pourquoi donc n’aurait-elle pas eu ce que presque toute princesse, toute grande dame se permettait d’avoir alors, et ce qu’elle passe aussi pour s’être légèrement accordé ? […] S’il est permis d’appliquer l’examen à de telles matières, on en peut seulement conclure qu’elle n’avait pas tout dit chaque fois bien en détail au père de La Rue, et qu’il lui coûtait trop d’avoir à réparer avec lui ces omissions légères dans une confession générale, telle que la commande à la conscience des mourants l’approche du moment suprême.

236. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

C’est qu’en effet Mazarin bien vu, et regardé de près comme si nous étions ses contemporains, avait de ces dons qui, dès qu’ils entraient en jeu, permettaient difficilement de lui échapper. […] La première fois qu’il le présenta à la reine après cette affaire de Casal : « Madame, lui dit-il, vous l’aimerez bien, il a l’air de Buckingham. » S’il se permit, en effet, une telle parole, il ne savait pas prédire si juste. […] Il est permis de croire que, dans ces premiers rapprochements, Mazarin, assez jeune encore, âgé seulement de quarante ans, ne négligea point d’user de ses avantages et de mettre en avant ces délicatesses de démonstrations dont il se trouvait si capable quand il en était besoin, et qui sont souveraines auprès de toute femme, surtout auprès d’une reine qui était aussi femme qu’Anne d’Autriche. […] Les lettres qu’on a de lui à la reine ne laissent aucun doute sur la vivacité des démonstrations passionnées qu’il se permettait ou peut-être qu’il se commandait en lui écrivant ; mais il paraîtrait, si l’on s’en rapportait au témoignage de Brienne et de sa vertueuse mère, que cet amour se contint d’ailleurs en des termes assez platoniques, que l’esprit de la reine s’avouait surtout charmé de la beauté de l’esprit du cardinal, et que c’était un amour enfin dont on pouvait parler à une confidente jusque dans l’oratoire et sur les reliques des saints, sans trop avoir à en rougir et à s’en accuser.

237. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Arrivé à Paris à la fin de 1818, l’abbé Gerbet entra au séminaire de Saint-Sulpice ; mais sa santé, déjà délicate, ne lui permettant pas d’y faire un long séjour, il s’établit comme pensionnaire dans la maison des Missions étrangères, où il suivait la règle des séminaristes. […] Cela tient, je suppose, à ce qu’il a toujours vécu trop près de sa pensée, n’ayant jamais eu l’occasion de la développer en public : en effet, sa santé délicate, sa voix faible et qui a besoin de l’oreille d’un ami, n’a jamais permis à ce riche talent de se produire dans l’enseignement ou dans les chaires. […] L’abbé Gerbet, s’il voulait s’y appliquer, et si sa nature physique le lui permettait avec suite, eût composé sans doute plus d’un de ces dialogues heureux : il a en lui ce qu’il faut pour être l’homme des Tusculanes chrétiennes. […] Je ne veux pas, censeur trop difficile, Blâmer un jeu que permet le salon, Mais je vous dis que, sous un air futile, Ce jeu vous donne une grave leçon.

238. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Il manque en effet à notre Charte ce que nous ne pouvons y ajouter, c’est qu’elle soit assimilée au peuple français par une lente et continuelle intussusception, s’il est permis de parler ainsi, qui est l’œuvre nécessaire des traditions. […] Mais à présent, si l’on voulait ramener tout à coup les mœurs au niveau des opinions, ce qu’il est permis à des hommes de bien de croire encore possible, il faudrait prendre garde de ne pas les blesser, car les mœurs aussi ont une puissance de révolte qui peut occasionner de grands malheurs. […] Qu’il me soit permis de citer un autre exemple d’un genre bien moins important. […] Nous ne pouvons pas l’accuser de ce qu’elle a été revêtue d’un tel ministère, puisqu’il lui a été délégué par la force même des choses ; seulement il nous serait permis d’examiner si elle a accompli ce ministère, tout le temps qu’il a duré, avec persévérance, zèle et dévouement : or il n’y a point de doute à cet égard, puisqu’elle a fini par nous donner la monarchie de Louis XIV.

239. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

L’écriture a eu nécessairement une origine, et il est permis de la chercher. […] L’oubli permet d’infinis renouvellements. […] C’est la seule, en effet, qui permette de se rendre compte exactement de la composition des corps. […] Cela nous permettra de méditer, sans trop d’amertume, sur les mouvements singuliers des passions humaines. […] On y peut trouver le pont qui permet dépasser du rêve à l’inspiration.

240. (1885) L’Art romantique

La moralité de ses œuvres si toutefois il est permis de parler de la morale en peinture, porte aussi un caractère molochiste visible. […] Elles ne connaissent pas et ne permettent pas les moyens poétiques de passer le temps. […] il y a des habits qu’il est au moins permis de mettre le dimanche ; mais les joujoux doivent se ménager bien autrement ! […] Là les mœurs le lui permettent. […] Il n’est pas plus permis que possible à l’homme, même à l’homme de génie, de reculer ainsi les siècles artificiellement.

241. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

N’est-il pas permis à ceux autour desquels s’amassent incessamment calomnies, injures, haines, jalousies, sourdes menées, basses trahisons ; hommes loyaux auxquels on fait une guerre déloyale ; hommes dévoués qui ne voudraient enfin que doter le pays d’une liberté de plus, celle de l’art, celle de l’intelligence ; hommes laborieux qui poursuivent paisiblement leur œuvre de conscience, en proie d’un côté à de viles machinations de censure et de police, en butte de l’autre, trop souvent, à l’ingratitude des esprits mêmes pour lesquels ils travaillent ; ne leur est-il pas permis de retourner quelquefois la tête avec envie vers ceux qui sont tombés derrière eux, et qui dorment dans le tombeau ?

242. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

J’ai, donc souvent cherché depuis quelques années (toutes les fois du moins qu’un peu de tranquillité me permettait de regarder autour de moi et de voir autre chose et plus loin que la petite mêlée dans laquelle j’étais engagé), j’ai cherché, dis-je, quel sujet je pourrais prendre ; et jamais je n’ai rien aperçu qui me plût complètement ou plutôt qui me saisît. […] Je ne puis rencontrer cela qu’en écrivant l’histoire, en m’attachant à une époque dont le récit me serve d’occasion pour peindre les hommes et les choses de notre siècle, et me permettre de faire de toutes ces peintures détachées un tableau. […] Elle jette, de plus, une vive lumière sur l’époque qui l’a précédée et sur celle qui la suit ; c’est certainement un des actes de la Révolution française qui fait le mieux juger toute la pièce, et permet le plus de dire sur l’ensemble de celle-ci tout ce qu’on peut avoir à en dire. […] Toutes les idées que je viens de t’exprimer l’ont mis fort en travail ; mais il s’agite encore au milieu des ténèbres, ou du moins il n’aperçoit que des demi-clartés qui lui permettent seulement d’apercevoir la grandeur du sujet, sans le mettre en état de reconnaître ce qui se trouve dans ce vaste espace. […] « Permettez-moi, Monsieur, d’attacher à quelque chose plus d’importance encore qu’au jugement que vous portez sur la Démocratie américaine, c’est à voir continuer et devenir plus fréquents les rapports qui se sont établis entre nous.

243. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il aurait pu revenir en France dans les dernières années : Louis XIV avait pardonné et le lui avait permis. […] Je me servirai de l’un et de l’autre selon que j’en jugerai à propos, et, s’ils font leur devoir, comme je suis persuadé qu’ils feront, j’espère que Votre Majesté aura la bonté de les ouïr nommer et permettre qu’ils méritent par leurs services qu’Elle leur pardonne, après une pénitence conforme à la faute. » Mais, après s’être galamment conduit en bon Français à l’occasion, Saint-Évremond rentrait dans sa philosophie et dans sa tranquillité. […] Giraud nous permet de lire de suite les morceaux les plus agréables sortis de sa plume sans avoir à les chercher dans le pêle-mêle de ses œuvres. […] Toute une littérature y circulait en manuscrit, et à petit bruit, à l’usage d’un petit nombre de lecteurs, qui ne souhaitaient pas d’autre publicité… » Maintenant, en juge plus froid et plus désintéressé du débat, je me permets de trouver qu’il y a un peu d’excès dans l’importance qu’on met à un semblable détail. […] Cet état d’amateur obstiné dans son indifférence et sa quiétude n’est plus permis.

244. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Ce qui permet aux guerriers de jeter quelque dédain sur les hommes de lettres, c’est que leurs talents ne sont pas toujours réunis à la force et à la vérité du caractère. […] Dans la seconde, j’examinerai l’état des lumières et de la littérature en France, depuis la révolution ; et je me permettrai des conjectures sur ce qu’elles devraient être et sur ce qu’elles seront, si nous possédons un jour la morale et la liberté républicaine ; et fondant mes conjectures sur mes observations, je rappellerai ce que j’aurai remarqué dans la première Partie sur l’influence qu’ont exercée telle religion, tel gouvernement ou telles mœurs, et j’en tirerai quelques conséquences pour l’avenir que je suppose. […] Les suites quelconques des actions des hommes ne sauraient ni les rendre innocentes, ni les rendre coupables ; l’homme a pour guide des devoirs fixes, et non des combinaisons arbitraires ; et l’expérience même a prouvé qu’on n’atteint point au but moral qu’on se propose, lorsqu’on se permet des moyens coupables pour y parvenir. Mais, parce que des hommes cruels ont prostitué dans leur langage des expressions généreuses, s’ensuivrait-il qu’il n’est plus permis de se rallier à de sublimes pensées ? […] Avant de répondre à cette question, qu’il me soit permis de transcrire ici une note de Rousseau, dans le second livre de son Émile.

245. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Mon frère Remy disait que le critique qui se permettait de juger sans avoir fait lui-même œuvre de créateur, était un malfaiteur. Demandez à tel classeur de fiches qui tient la férule dans tel grand journal sur quelles œuvres personnelles il appuie son « permis de conduire » et de critiquer ? […] La Société sera mal organisée, tant qu’elle ne permettra pas de vivre, tant qu’elle ne donnera pas automatiquement de quoi vivre aux hommes, dont les recherches intellectuelles sont importantes. […] « Demandez à tel classeur de fiches qui tient la férule dans tel grand journal sur quelles œuvres personnelles il appuie son “permis de conduire” et de critiquer ?  […] Jean de Gourmont, pour un peu, serait d’avis de retirer le permis.

246. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

C'est de quoi nous nous occupons nous-mêmes, dans un Ouvrage qui seroit déjà fait, si notre fortune nous eût permis de suivre les mouvemens du zele qui nous anime. […] Un Sauvage, qui n’auroit lu que les Ouvrages de nos Philosophes, qui apprendroit par eux la licence qu’ils permettent, les vices qu’ils préconisent, les devoirs qu’ils proscrivent, les sentimens qu’ils dégradent, l’indépendance qu’ils affichent, & qui prendroit ces Ouvrages pour nos Livres religieux, pourroit avec raison avoir une fort mauvaise idée de la Morale Chrétienne. […] Nous sommes bien éloignés de vouloir avilir nos Contemporains : mais quelle comparaison entre ces temps de grandeur & d'élévation, de franchise & de bonne foi, où la soumission religieuse contenoit les esprits, fixoit les sentimens, régloit les mœurs, & ce temps de vertige où tout paroît permis, où l'on n'est retenu par aucun frein, où l'on craint plus de manquer aux bienséances qu'à la vertu, où les rangs décident la Justice, où l'intérêt public est continuellement sacrifié à l'intérêt particulier ? […] Dans l'ordre philosophique, tout est permis, rien ne réclame, point de motif qui ramene au devoir ; les injustices, les crimes, les atrocités se consomment & subsistent sans aucune rétractation : l'endurcissement le plus absolu contre toute espece de considération, n'est-il pas en effet une suite nécessaire de l'incrédulité ? […] L’Homme religieux adore tout, &, malgré ses répugnances, se soumet à tout ; dans l’adversité ou dans la maladie, il dit à Dieu ce que lui disoit Pascal : « Vous m’aviez donné la santé pour vous servir, & j’en ai fait un usage tout profane : vous m’envoyez maintenant la maladie pour me corriger, ne permettez pas que j’en use pour vous irriter par mon impatience.

247. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Or, dans une société démocratique, c’est une compensation qu’il n’est pas permis de négliger et qu’on serait même coupable de ne pas rechercher. […] Sous aucun prétexte il n’est permis de s’y soustraire. […] Toute cette première partie de l’acte a un caractère délibératif qui permet à Thésée d’être assis. […] L’importance de ce costume de Phèdre est beaucoup plus grande qu’un examen superficiel ne permettrait de le croire. […] Et, s’il lui est permis d’envisager une telle perspective, quelles sont les limites infranchissables imposées à son ambition ?

248. (1890) Dramaturges et romanciers

Il lui manquait l’œuvre importante, capitale, qui classe définitivement un auteur, et ne permet plus à la critique de le contester désormais. […] Plus tard, un de ses grands désespoirs fut qu’on ne lui permît pas de chevaucher un des cygnes qui nageaient dans les bassins du jardin paternel. […] Feuillet me permettra-t-il de lui faire entendre l’expression d’un désir qui prend sa source dans la sympathie que m’inspire son talent ? […] Le souvenir est permis lorsque les matériaux empruntés à la mémoire sont ainsi transformés. […] Augier que parce qu’il lui permettait plus facilement que tout autre de donner corps aux éléments particuliers de génie comique qu’il sentait en lui.

249. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Depuis sa naissance Juliette avait été entourée d’aisance, de bien-être, de luxe ; mariée encore enfant à un homme dont la fortune était considérable, on ne lui avait jamais non-seulement demandé, mais permis de s’occuper d’un détail de ménage ou d’un calcul d’argent. […] Il lui répondit qu’il consentirait à l’annulation de leur mariage si telle était sa volonté ; mais, faisant appel à tous les sentiments du noble cœur auquel il s’adressait, il rappelait l’affection qu’il lui avait portée dès son enfance, il exprimait même le regret d’avoir respecté des susceptibilités et des répugnances sans lesquelles un lien plus étroit n’eût pas permis cette pensée de séparation ; enfin il demandait que cette rupture de leur lien, si madame Récamier persistait dans un tel projet, n’eût pas lieu à Paris, mais hors de France, où il se rendrait pour se concerter avec elle. […] Il savait se désintéresser complétement de lui-même, pourvu qu’on lui permît d’adorer le beau : le beau dans les idées, le beau dans les sentiments, le beau dans l’âme, dans le talent, dans le visage. […] Leur amitié complaisante lui permettait dans cette feuille ce qu’ils n’approuvaient pas eux-mêmes. […] Ballanche n’était là que pour en amortir les coups et pour en panser les blessures ; mais quelle touchante figure dans le tableau que ce philosophe amoureux sans récompense, et qui se nourrit de sa propre tendresse pourvu qu’on lui permette d’assister à la vie de celle qu’il aime !

250. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Et sera-t’il permis, après avoir montré les beautés, d’indiquer quelques taches légeres, d’après les gens de goût. […] Il se permet les personnalités les plus odieuses ; & il calomnie les mœurs de ceux qui n’avoient attaqué que ses écrits. […] Il s’en fâchera sans doute ; mais pour le consoler, nous lui permettons de nous placer dans la premiere diatribe qu’il donnera au public. […] Sa Muse a du naturel, de l’enjouement, de l’énergie ; mais elle se permet des libertés dignes d’un cynique. […] Nous n’adopterons pas cependant tous ses jugemens, & nous nous permettrons quelquefois de changer son style.

251. (1891) Esquisses contemporaines

La poésie de la nature est la seule que permette le positivisme. […] Ceux-ci du reste ont quelque chose de trop sacré pour qu’il soit permis de les violenter à ce point. […] Mais de tels découragements sont-ils permis ? […] Ce n’est pas son stoïcisme qui lui permet de finir comme un stoïcien, c’est sa vertu. […] La survivance de son mysticisme le lui permet et le lui permettra quelque temps encore.

252. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Cousin met en note et en les présentant en regard le projet d’article et l’article imprimé, « afin, dit-il, qu’on en saisisse mieux les différences. » Je le demande à tout littérateur de bonne foi ou, pour mieux dire, à tout homme honnête, est-ce que lorsqu’on s’empare ainsi d’une remarque, peu importante sans doute, mais qui a son prix et son piquant dans l’histoire littéraire, il est permis de le faire sans indiquer et mentionner celui qui vous a précédé et à qui on la doit ? […] Cousin est un des mille petits actes pareils qu’il s’est permis envers moi et envers d’autres, toutes les fois qu’il l’a jugé convenable.

253. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Sans entrer dans cette déploration tardive et sur laquelle il est permis à un membre de l’Académie française en 1857 de n’avoir point d’avis formel, on ne peut s’empêcher de remarquer que la personne qui eût été le plus à même de répondre aux regrets exprimés par M. de Falloux, et peut-être de les réfuter en les respectant, eût été M. le comte Molé, qui fut des premiers à accepter le régime issu des barricades de juillet, à le servir et à travailler à le constituer et à l’autoriser devant l’Europe, en qualité de ministre. […] Patin pour lecteur) a répondu par un compliment fort agréable, comme on en faisait dans l’ancienne Académie, comme on s’en permet trop peu dans la nouvelle, pas trop long, pas du tout théorique, où la fleur est sans épine, où l’anecdote pique sans arrière-pensée, et où les douceurs toutes bienveillantes ne laissent en rien apercevoir ce que M. 

254. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Des réflexions si justes et si élevées de mon ami Corréard, je vous engage particulièrement à retenir ceci, que nous ne sommes pas des isolés dans le temps ; que tout ce que la vie a pour nous soit de commodité, soit de noblesse, c’est à nos pères, à nos aïeux, à nos ancêtres que nous le devons ; que nous devons aux morts la culture même d’esprit qui nous permet, sur certains points, de penser autrement qu’eux  et mieux, je l’espère  et qu’enfin, suivant le beau mot d’Auguste Comte, l’humanité est composée de plus de morts que de vivants. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

255. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

On entend tous les jours, à propos de productions littéraires, parler de la dignité de tel genre, des convenances de tel autre, des limites de celui-ci, des latitudes de celui-là ; la tragédie interdit ce que le roman permet ; la chanson tolère ce que l’ode défend, etc. […] Qu’il lui soit permis de déclarer, avant de terminer, que l’esprit d’imitation, recommandé par d’autres comme le salut des écoles, lui a toujours paru le fléau de l’art, et il ne condamnerait pas moins l’imitation qui s’attache aux écrivains dits romantiques que celle dont on poursuit les auteurs dits classiques.

256. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Leur mobilité ne permet pas de les analyser en détail. […] Le nombre ne sera pas indéfini : La loi du nombre ne le permet pas. […] Nous y mettons un ordre factice qui nous permet de les comprendre. […] Voilà ce qui nous permet de généraliser le particulier. […] Elle nous permet de reconstituer l’œuvre de la nature.

257. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Ô mer, permets à son navire de se balancer sur tes flots tranquilles ; et toi, sois-lui favorable, pays lointain, où la mort est plus à redouter que les flots et l’orage auxquels il se sera soustrait. […] Tu as heureusement regagné le sol natal, quittant les campagnes lointaines et les flots de l’Orénoque. […] Le duc de Riario me présenta à eux ; ma jeunesse ou plutôt mon enfance les intéressa ; ils me permirent de les accompagner dans leurs excursions à travers la ville, et de passer la soirée avec eux. […] Les quinze jours que je passai dans cette société me permirent d’étudier en silence ce véritable grand homme, et de sortir de cette demi-intimité d’occasion plein de vénération pour lui. […] Homme naturel, grand de sa propre grandeur, modeste, paisible, et ne demandant à personne une grandeur supérieure à celle que Dieu lui avait permis de développer pour sa patrie. […] À Potsdam, à Berlin, dans tous les châteaux royaux, une demeure lui est ouverte, et il ne se passe pas un jour, quand sa santé le lui permet, sans qu’il aille voir le roi.

258. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Permettez-moi maintenant de reproduire, avec quelques modifications, la réponse déjà ancienne que j’avais faite à l’enquête sur la « Théâtromanie » de M.  […] Ils ne se permettraient même pas de siffler un chef-d’œuvre. […] Une des séductions du théâtre est, en outre, qu’il permet à chaque spectateur d’émettre « publiquement » son opinion, par l’applaudissement ou le silence, sur l’auteur et les interprètes. […] Si cette réponse odieusement terre à terre ne vous suffît pas, je me permets de vous renvoyer à un livre récent de M.  […] Dès lors, aucun directeur avisé ne pouvait se permettre la moindre tentative littéraire un peu hardie, où il risquait sa ruine.

259. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Ces trois éléments doivent rester dans une dépendance réciproque et rigoureuse sans se nuire ; mais l’unité qui les assemble possède une élasticité plus grande qui permet au poète de les faire plus sûrement converger vers leur but de Beauté. […] Sa strophe n’est pas très riche en rythmes neufs et la souplesse lui fait défaut mais, ses imbrications serrées ne permettant point de découvrir le poète qui parle, elle surgit d’elle-même et résonne comme au verbe d’une invisible bouche. […] Je me garde bien de l’en féliciter, mais je veux faire remarquer ceci : la rénovation du vers a permis le jaillissement ébloui de tout son être ; de livre en livre on a pu le voir se profiler plus nettement à mesure que se précisait sa technique. […] Car ce mot, la mélodie, je l’ai si souvent entendu prononcer, et par des bouches qui lui donnaient des significations si diverses, que je n’oserais permettre à mon meilleur ami de l’employer devant moi sans le définir. […] Cette manière de versifier, quand elle ne conduit pas à une sensualité vaine permet évidemment à l’instinct de s’épanouir en claires fleurs ; elle peut s’accorder souvent avec le talent et ils l’ont prouvé ; mais si elle favorise la naissance de mille compositions légères et charmantes, elle ne recèle pas assez de force vive pour s’ordonner en une œuvre décisive et grande.

260. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Jusqu’ici ma bourse ne me permet qu’à peine de me fournir les choses nécessaires. […] Je ne vous offre rien de ce pays-ci, car ma fortune ne me le permet pas encore ; mais à l’année prochaine. […] Il y a une Providence, et je n’ai qu’à la remercier de m’avoir permis dans une si mauvaise position d’avoir pu m’acquitter de 100 pistoles de mes dettes anciennes, entre autres du billet que j’avais fait à M.  […] Cette 2e édition s’écoule donc un peu lentement, mais elle s’écoule, et j’ai lieu de bénir le ciel qui a permis qu’en un an et demi j’aie tiré du fruit de mes travaux de quoi payer mes dettes, acquitter tous les frais de la présente édition qui m’appartient, et acquérir une petite maison qui sera, s’il plaît à Dieu, la retraite de ma vieillesse. […] [NdA] Bernardin de Saint-Pierre écrit des chaisnes : je me permets en quelques endroits de rectifier son orthographe, qui n’est pas plus mauvaise, d’ailleurs, que celle de beaucoup d’écrivains distingués et d’académiciens à sa date.

261. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Aussi, alors même que les théories de la psychologie ne peuvent pas suffire comme prémisses au raisonnement sociologique, elles sont la pierre de touche qui seule permet d’éprouver la validité des propositions inductivement établies. […] Si la société se forme, c’est pour permettre à l’individu de réaliser sa nature, et toutes les transformations par lesquelles elle a passé n’ont d’autre objet que de rendre cette réalisation plus facile et plus complète. […] Ils sont un point de départ qui permet d’aller plus loin ; mais qu’est-ce qui nous incite à aller plus loin ? […] À ce point de vue encore, la conception que nous venons d’exposer est, croyons-nous, fondamentale ; car, seule, elle permet d’expliquer comment le caractère utile des phénomènes sociaux peut varier sans pourtant dépendre d’arrangements arbitraires. […] Les règles que nous venons d’exposer permettraient, au contraire, de faire une sociologie qui verrait dans l’esprit de discipline la condition essentielle de toute vie en commun, tout en le fondant en raison et en vérité.

262. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Plus tard, quand il se flattait d’être tout à fait impartial et indifférent sur les croyances, il est permis de supposer que, même sans se l’avouer, il nourrissait contre la pensée religieuse une secrète et froide rancune comme envers un adversaire qui vous a un jour atteint au défaut de la cuirasse et qui vous a blessé. […] Ainsi considéré, Virgile, dans ses Géorgiques, n’est plus seulement un poète, il s’élève à la fonction d’un civilisateur et remonte au rôle primitif d’un Orphée, adoucissant de féroces courages. — Touchant, en passant, les travaux de Pouilly et de Beaufort qui, bien * avant Niebuhr, avaient mis en question les premiers siècles de Rome, Gibbon s’applique à trouver une réponse, une explication plausible qui lève les objections et maintienne la vérité traditionnelle : « J’ai défendu avec plaisir, dit-il, une histoire utile et intéressante. » Celui qui exposera le déclin et la chute de l’Empire romain se retrouve ici, comme par instinct, défendant et maintenant les origines et les débuts de la fondation romaine. — En ce qui est de l’usage que les poètes ont droit de faire des grands personnages historiques (car Gibbon, dans cet Essai, touche à tout), il sait très bien poser les limites du respect dû à la vérité et des libertés permises au génie : selon lui, « les caractères des grands hommes doivent être sacrés ; mais les poètes peuvent écrire leur histoire moins comme elle a été que comme elle eût dû être ». […] Le pressentiment de sa vocation se décèle lorsqu’il dit en parlant d’Auguste et regrettant que la variété de ses sujets l’empêche de l’étudier à fond : « Que ne me permet-elle (cette variété) de faire connaître ce gouvernement raffiné, ces chaînes qu’on portait sans les sentir, ce prince confondu parmi les citoyens, ce Sénat respecté par son maître !  […] Garat, qui n’avait pas cette crainte ni cette précaution, et dont la plume se permettait déjà bien des fantaisies à la mode de notre temps, a fait, au tome II de ses Mémoires sur M. 

263. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Le contrôle qu’on peut maintenant établir entre la dernière partie des mémoires de la margrave et sa correspondance authentique avec Frédéric permet de juger plus équitablement de quelques-unes de ses assertions. […] Après les heures qu’elle employait auprès de son estimable gouvernante Mme de Sonsfeld, personne de mérite qu’un coup du ciel lui donna pour remplacer l’abominable Leti, ses meilleurs moments, ses seuls bons moments étaient ceux qu’elle passait avec son frère, et si la raillerie, la satire, le rire aux dépens du prochain les occupaient trop souvent, il faut bien penser que c’était une revanche très permise à des natures supérieures entourées d’êtres grossiers, abjects ou méchants qui les opprimaient. […] La correspondance permet aujourd’hui de tout rectifier avec certitude. […] Parmi les lettres qui mènent à l’entière réconciliation, il faut surtout citer celle du 21 février 1748, dans laquelle la margrave s’épanche avec une tendresse sans réserve : Permettez-moi, lui dit-elle, que je vous ouvre mon cœur, et que je vous parle avec confiance et sincérité sur un sujet qui m’a causé depuis quelques années le plus mortel chagrin.

264. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Je vous laissai dans ma dernière lettre plus de jour et de lumière ; je tirai un peu le rideau ; mais, puisque cette ouverture ne vous satisfait pas encore, que votre amitié va plus loin, qu’elle me poursuit toujours, et qu’il m’est permis de voir dans un soin aussi constant le fond de votre cœur pour moi, j’aurais tort de vous rien cacher. […] Il n’est nullement en moi d’avoir à ma portée les objets que vous donnez à mon cœur ; je ne manque pas cependant de principes de conduite, et je les suis exactement ; mais, comme ils ne sont pas les mêmes que les vôtres, vous croyez que je n’en ai point, et vous vous trompez en cela, comme lorsque vous croyez que mon âme est inactive, quoiqu’elle soit sensible et présente, qu’elle ne supporte la solitude que par là, et qu’elle aime à se tourner sur ce qui peut la former et lui être utile, quand ma santé le permet. […] Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ? » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes.

265. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Qui vous permet de mutiler la créature de Dieu, de cacher l’infirmité, le défaut, le vice, la difformité, le malheur qu’a fait naître ou développer en lui telle passion, telle doctrine, telle habitude, tel milieu social ? […] Mais, à la différence de Mme de Sévigné, les gaillardises de Mme Roland ne viennent pas de tempérament ni de nature ; elles ne rappellent de près ni de loin le Rabelais ni le Molière ; elles sont, de parti pris, philosophiques, et on sent trop que l’auteur ne se les permet que d’après le ton d’alentour et comme pour être soi-même à la hauteur. […] Ce mot d’elle si énergique, si frémissant, et qu’on avait laissé par mégarde, donnait la note et ne permettait pas de s’y méprendre. […] Je me permets pourtant de lui signaler une faute évidente de transcription, page 377 ; il faut lire : « Rabaut, que l’on croit à Nîmes à répandre la vérité, végète obscurément dans un coin de Paris » ; et non pas : « Rabaut, que l’on croit à Nîmes, a répandu la vérité. »

266. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Catinat y est montré au vrai, au naturel, en action, d’après ses œuvres et ses paroles ; il n’y a guère qu’à l’y découper pour le dessiner aux yeux et le faire saillir avec plus de relief et de singularité qu’on ne se le permettait autrefois dans les plus beaux Éloges académiques. […] Je crois volontiers que la politique s’est fort épurée de nos jours, ou du moins que partout où pénètre vite la lumière, la publicité, on n’ose plus se permettre de telles fourberies. Mais alors c’était chose avouée et censée permise ; la diplomatie vivait là-dessus : c’était une guerre de ruses et de mensonges. […] Il est permis de penser qu’en plaidant cette mauvaise cause Catinat sentait le côté juste des raisons qu’on lui opposait ; il a des expressions d’estime, et presque des éloges pour la partie adverse : « J’ai trouvé, disait-il dans sa lettre à Louvois (15 octobre 1681), ces gens-ci tout autrement que je n’avais pensé ; j’espérais beaucoup de la permission d’offrir de l’argent ; à quoi ils m’ont paru fort insensibles, et toutes les offres qui ont tendu à cela ont été très-mal reçues.

267. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

S’il est permis de comparer le saint au profane, je dirai que de même, quand Mme de Gasparin s’aperçoit qu’elle s’est trop plongée dans la nature, au sein du grand Pan, ou qu’elle s’est oubliée trop longtemps à écouter le merle et le rouge-gorge, vite elle met le signet de ce côté et elle donne un ton d’orgue biblique. […] Permettez-moi de vous dire, avant tout, combien j’aime votre Eugénie de Guérin ! […] mais permettez-moi (je m’y entends, vous le savez) de faire un peu craquer et sauter le moule du type dans lequel vous m’avez enfermée. […] « Voulez-vous me permettre de vous dire encore que je ne me sens, dans mes petits livres, ni parti pris d’avance, ni désir prêcheur ?

268. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Et nous tous, qui que nous soyons, nés heureusement à une époque d’égalité, — de presque égalité, — quand nous avons à juger ces régimes antérieurs et les hommes qui en font partie, qui nous les représentent par des aspects criants, justice est que nous nous disions : Qu’aurions-nous été nous-mêmes, qu’aurions-nous fait, si nous étions venus dans des conditions pareilles où l’on se croit tout permis ? car il y a péril alors et chance, — neuf fois sur dix, — qu’on se permette à l’occasion tout ce qu’on peut impunément. […] Le public sera le sol de cette affaire, car quand un prince est brave et s’expose, lui qui pourrait s’en dispenser par sa qualité d’abbé de Saint-Germain-des-Prés, il lui est permis de faire ce qu’il veut à la ville, sans que de petits particuliers, qui auraient peur d’une fusée dans les rues, ou des femmes qui enragent de voir une fille dans une belle calèche, soient en droit d’y trouver à redire. » Bravo, monsieur Prudhomme ! […] Le ministre de la guerre d’Argenson, dans une lettre au maréchal de Saxe, du 9 septembre 1746, approuvait ce choix de Lœwendal en des termes faits pour ménager l’amour-propre du comte de Clermont : « Sa Majesté a aussi approuvé le choix que vous avez fait de M. le comte de Lœwendal, pour faire sous ce Prince le détail du siège, et pour le soulager, autant qu’il sera possible, dans les soins pénibles auxquels sa volonté le porterait à se livrer tout entier, mais que son état de convalescence ne peut ni ne doit lui permettre. » 35.

269. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Pourtant, je ne me permettrai ni de l’accepter ni de le contredire sous le point de vue de la vérité historique. […] Mais je fais des vœux très-sincères pour que l’avenir, en me rendant à l’étude et au silence, me permette de ne pas démentir le pronostic trop favorable que vous tirez sur moi. […] « Monsieur, « Me permettrez-vous de ne point résister au désir que j’éprouve de vous dire ma très-vive jouissance et ma sincère reconnaissance du charmant article que je viens de lire avec tant de bonheur dans le Constitutionnel ? […] Me permettra-t-il de le lui dire ?

270. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Elle permettra, dans son cadre en apparence uniforme, mille distinctions de pensées et bien des formes rares d’existences intérieures ; sans quoi elle serait sur un point très au-dessous de la civilisation précédente et ne satisferait que médiocrement toute une famille d’âmes. […] Dans Eugénie et Mathilde, où elle a peint l’impression des premiers événements de la Révolution sur une famille noble, il est permis de lui attribuer une part du sentiment de Mathilde, qui se dit ennuyée à l’excès de cette Révolution, toutes les fois qu’elle n’en est pas désolée17. […] (Janin) a été induit en erreur, ce mot fut attribué à un homme de lettres ; mais, quoiqu’il soit mort depuis longtemps, je ne me permettrai pas de le nommer. […] M’est-il permis le baiser de l’enfant, Ce vague oubli qu’en le berçant prolonge Ma solitude, et, la nuit, dans un songe L’enfant Jésus reparu plus souvent ?

271. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Sa soumission au sort dissimulait seulement l’intime fierté, comme sa simplicité courante permettait toutes les grâces, comme sa douceur recélait des flammes. […] Le courrier de Paris arrivait vers deux heures et demie, à l’issue du dîner ; bien peu après, dès que sa mère lassée commençait à sommeiller, Christel s’approchait sans bruit du bureau et faisait rapidement le départ ; puis elle prenait la lettre pour Hervé, mise tout d’abord de côté, et la tenait longtemps dans sa main, et non pas sans trembler, comme si elle se fût permis quelque chose de défendu. […] Une femme du grand monde, à laquelle il avait rendu de longs soins, avait paru l’accueillir, lui promettre quelque retour ; elle avait même semblé lui accorder, lui permettre sans déplaisir quelqu’un de ces gages qui ne se laissent pas effleurer impunément. […] Cette harpe immobile dans un angle de la chambre attirait aussi son regard, et il eût désiré que Christel y touchât ; mais la faiblesse de la jeune fille ne le lui eût pas permis sans une extrême fatigue.

272. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Mais c’est surtout que le métier de son héros permettait à M.  […] « Et Félicien aussi aurait bien voulu être le mari d’Angélique ; mais monseigneur l’évêque lui dit qu’il ne le lui permettrait jamais. « Un jour Angélique alla à la cathédrale, et elle se cacha dans un petit coin pour attendre monseigneur, et quand elle le vit, elle se jeta à ses pieds et pleura beaucoup, et elle le supplia de permettre ce mariage. […] Eût-il été d’un bon exemple que Dieu permît à l’auteur de Pot-Bouille et de Nana de raconter innocemment une histoire innocente ?

273. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Ils ne songent qu’à nous courber davantage vers la terre en nous alourdissant, nous, à qui notre pauvreté permet encore l’habitude droite et les regards dirigés vers le ciel, d’autant de besoins misérables que les riches. […] Une des rares phrases mal faites qu’on rencontre dans ses livres vante chez je ne sais plus quel écrivain « une verve amère dont le contour un peu sec de sa phrase permet de savourer toute la cruauté ». […] Cela permet parfois de conquérir le monde. […] Le procédé donne la liberté de ne pas choisir ; permet d’être soi en toute richesse complexe, sans souci d’harmonie ; autorise l’impudeur d’étaler sa beauté et ses verrues.

274. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

L’abbé Lacordaire est du siècle à un certain degré, je l’ai dit, et il le reconnaît avec une grâce touchante : Dieu nous avait préparé à cette tâche en permettant que nous vécussions d’assez longues années dans l’oubli de son amour, emporté sur ces mêmes voies qu’il nous destinait à reprendre un jour dans un sens opposé. […] Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion. […] Ses parents, témoins de son application toute volontaire, lui permirent, avec l’âge, de fréquenter des leçons plus élevées, mais sans lui rien épargner des devoirs et des gênes de leur maison. […] Ici, me permettra-t-il de lui représenter qu’il est injuste ?

275. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

La dernière moitié de son Histoire est très désirée : je profiterai amplement des deux volumes déjà publiés, en me permettant toutefois un peu plus de liberté ou de licence de jugement. […] Permis à elle de s’applaudir et de s’absoudre ; je n’appellerai jamais cela de la vertu. […] On n’a pas d’édition complète et tout à fait exacte de ses lettres, mais ce qu’on a permet d’asseoir un jugement et confirme ce qu’a si bien dit Saint-Simon de ce « langage doux, juste, en bons termes, et naturellement éloquent et court ». […] Toutes les deux coupent court au style traînant, négligé, irrégulier, que les femmes (quand elles n’étaient pas Mme de Sévigné) se permettaient trop au xviie  siècle.

276. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

À moins d’être historien, on aurait peu l’idée d’entrer dans une appréciation plus particulière de sa renommée, si l’on n’avait d’elle presque toute sa correspondance avec Mme de Maintenon : c’est par là qu’il nous est permis de l’approcher plus familièrement, de pénétrer dans son esprit, et de prononcer sur son compte avec plus d’estime qu’on ne fait d’ordinaire. […] Elle comprit quel genre de concessions commandait le génie de la nation espagnole, et quelles réformes aussi il permettait. […] On me permettra d’y insister. […] [NdA] Il n’est plus permis de dire qu’il fallut la prier, quand on a lu les lettres publiées depuis par M. 

277. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Mais il y a un autre point de vue, plus vrai, plus naturel et plus humain, qui, tout en laissant subsister les parties supérieures et de première trempe, permet de voir les défauts, d’entrevoir les motifs, de noter les altérations, et qui, sans rien violer du respect qu’on doit à une noble mémoire, restitue à l’observation morale tous ses droits. […] C’est ainsi que partout il prend et garde sa place : au bivouac, en Espagne, il s’isole et ne permet point la familiarité, sauf à offrir d’échanger un coup de sabre avec l’indiscret qui le dérangera ; et là où il n’a plus de sabre, dans les prisons de Toulouse ou de Perpignan, il tient également à distance et en respect la compagnie assez mêlée qui s’y rencontre. […] La fortune n’a point permis la réponse à cette question. […] Un exemplaire unique du National, dans lequel les noms des auteurs sont indiqués d’une manière authentique au bas des articles (presque tous alors anonymes), me permettra de l’étudier durant ce laps de six mois et de le présenter au public avec certitude.

278. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Et que ne dirait-il pas des autres Ordres s’il se permettait également d’en juger ? […] C’est toujours un rôle délicat de donner des conseils sur un ouvrage dans lequel on se trouve loué, soit que, comme M. de La Rochefoucauld, on revoie d’avance l’article que Mme de Sablé écrivait pour le Journal des Savants sur le livre des Maximes, soit qu’ici, comme Rancé, on soit simplement consulté par l’auteur sur la Relation d’un voyage à la Trappe, et qu’on lui suggère quelque idée de ce dont il serait plus à propos de parler : « Comme, par exemple, du nouvel air que vous respirâtes en arrivant dans la terre où habitent des gens qui font précisément et uniquement dans le monde ce qu’ils sont obligés d’y faire, etc., etc. ; faire un petit éloge de la solitude et des solitaires, autant que le peu de moments que vous les avez vus vous ont permis de les connoître, etc., etc. » Hâtons-nous de corriger ce que notre remarque semblerait avoir d’un peu railleur et enjoué, en déclarant qu’à part ce passage, rien dans cette correspondance n’accuse le moindre vestige subsistant d’amour-propre mondain ni de vanité. […] Nous nous permettons de les lui recommander, si le recueil en vient à une seconde édition.

279. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Les ornements de sculpture vivante, que les Hérodes se permettaient, au grand mécontentement des rigoristes, en étaient bannis et remplacés par une décoration végétale. […] Pleins d’égards à cette époque pour les religions étrangères, quand elles restaient sur leur propre territoire 604, les Romains s’interdirent l’entrée du sanctuaire ; des inscriptions grecques et latines marquaient le point jusqu’où il était permis aux non-Juifs de s’avancer 605. Mais la tour Antonia, quartier général de la force romaine, dominait toute l’enceinte et permettait de voir ce qui s’y passait 606.

280. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

C’est qu’elle permet à n’importe qui, doué de quelque style et de persévérance, de composer, avec des ressassements de toutes sortes, de fort bons vers, et même d’excellents vers et cela par milliers l’an. […] Le rôle, de la poésie ayant toujours été d’agrandir la conscience humaine au-delà même des vérités contrôlées, il ne nous est plus permis de tout ignorer de ce qui se passe autour de nous. […] Il n’est plus permis au poète de tout ignorer, disions-nous.

281. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée Qu’il me soit permis de réclamer ici un peu plus d’attention ; je me propose de pénétrer, pour me servir d’une expression énergique de Bacon, dans l’intimité même des choses. […] Il est permis de croire que cette classe, devenue ainsi la plus nombreuse, finira par être seule. […] Au reste, qu’il me soit permis de dire d’avance que si la mission de la parole est finie dans le monde intellectuel, elle n’est pas finie dans le monde moral, et qu’elle doit toujours trouver un asile dans les sentiments religieux.

282. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

C’est du moins un sujet unique, car Dieu, qui met parfois des échos dans les circonstances, n’a pas permis aux événements de le répéter. […] Dans ce sens-là, c’était, s’il est permis d’écrire le mot de réhabilitation dans la splendeur du nom de Colomb, une espèce de réhabilitation historique. […] Avec une sagacité singulière et une puissance de rapprochement qui n’oublie rien et centralise tout, il est allé chercher jusque dans le nom de Christophe Colomb (Christum ferens) et la légende du géant saint Christophe, qui passe le Christ sur ses épaules, à travers les eaux, des analogies prophétiques, comme la tradition catholique a toujours permis à l’écrivain d’en dégager… Par-là, il a complété le profond mysticisme de son œuvre.

283. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

On voit par ces passages qu’il n’était pas permis de louer indistinctement tous les morts ; on célébrait les grandes actions ou les vertus et non pas les titres, et le patricien qui n’avait pour lui qu’un grand nom, n’avait à espérer que des mépris pendant sa vie, et l’oubli après sa mort. […] Chez les anciens, la liberté républicaine permettait plus d’énergie aux sentiments, et de franchise au langage. […] que la faiblesse permette quelquefois à la force de se sentir elle-même : et s’il nous est possible, consentons à avoir de grands hommes, même à ce prix.

284. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Tel est le comique François, dont le théatre Anglois s’est enrichi autant que l’opposition des mœurs a pû le permettre. […] Voilà dans l’un & l’autre genre la seule exagération qui soit permise ; tout ce qui l’excede est vicieux. […] De-là vient que celle-ci manque de naturel, employée comme elle est dans une situation qui ne permet pas de parcourir tous ces rapports. […] c’est ce qui n’a pû tomber que dans l’idée d’un spéculateur qui veut mener, s’il est permis de le dire, le génie à la lisiere. […] N’est-il pas permis à ceux qui vivent dans les bois d’ignorer qui tu es & d’où tu viens  » ?

285. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il est permis de conjecturer que ses conversations se ressentaient de son métier, et que les problèmes de responsabilité y tenaient une grande place. […] Un total antagonisme des idées ne permet plus que la séparation et le silence entre deux hommes qui furent liés comme nous l’avions été. […] Le sentiment de l’universelle nécessité, quand, une fois, il s’empare d’un être, ne lui permet plus de se dévouer à une cause quelconque. […] La destinée ne lui a pas permis de remplir tout son mérite. […] Révolte tout intérieure, d’ailleurs, les mœurs et les lois n’en permettant pas d’autre.

286. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

En ce temps-ci, c’est chose aussi rare qu’édifiante de voir si bien réussir dans le monde un pauvre orphelin posthume, et de méchantes langues, qui cherchent malice à tout, se sont permis de gloser sur une adoption si paternelle. […] Ce sont là au reste des mystères de conscience, où chacun n’est juge que pour soi, et sur lesquels il est permis aux historiens de se partager.

287. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Désireux de donner tous les renseignements utiles, de mettre dans tout leur jour les monuments immortels que je reproduisais, je ne pouvais pourtant dépasser le but ; il ne m’était pas permis de les perdre de vue, de m’éloigner trop ; je devais me borner à en explorer, pour ainsi dire, attentivement les alentours. […] Malgré ces nombreux devanciers, le soin que j’ai pris de remonter autant que possible aux textes et aux documents originaux, m’a permis d’apporter dans cette étude quelques éléments nouveaux, que le lecteur qui a étudié ces questions saura facilement reconnaître.

288. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Voilà de quoi il est permis de douter. […] La vérité qu’il nous est permis d’entrevoir n’est pas tout à fait ce que la plupart des hommes appellent de ce nom.

289. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Sur ce théatre, il étoit permis à Jules Cesar de s’arracher les cheveux, ainsi que le feroit un homme de la lie du peuple, pour exprimer sa colere. Alexandre, pour mieux marquer son emportement, y pouvoit frapper du pied, démonstration que nous ne permettons pas aux écoliers qui joüent la tragedie dans nos colleges.

290. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Maintenant qu’il me soit permis de jeter un coup d’œil sur quelques détails, contenus dans les deux ouvrages, afin de donner une idée des notes qui auraient pu être faites, et dont j’ai cru devoir m’abstenir. […] La théorie que je m’y permets prouve qu’alors il y avait place à la théorie dans l’examen d’une institution si jeune encore, et si peu éprouvée, qui d’ailleurs a reçu, depuis, bien des modifications.

291. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Quand la question est ainsi posée, et elle l’est par la nature des choses, il n’est pas permis de rester froid, de tenir en suspens la décision de sa pensée et de jouer à une impartialité supérieure qui ne serait que l’impartialité de l’embarras. […] La forme de son livre, — et c’est la seule critique que nous nous permettrons, — la forme de son livre ne popularisera pas beaucoup les rares connaissances qu’il révèle.

292. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Lorsque tout éclate et crève de publicité autour de nous, c’est comme une fatuité profonde de garder l’anonyme ; et se le permettre, si on n’a pas le génie de Scott ou de Cooper, c’est courir le risque d’être puni par où l’on a péché. […] Chateaubriand a tatoué tellement le talent de l’auteur du Blessé de Novare, qu’il ne lui est plus permis d’effacer ce tatouage qui défigure ses traits primitifs… Quant à la manière dont l’Inde est peinte dans ce roman où elle a remplacé l’Amérique, prendre la flore d’un pays et la renverser, plante par plante, à travers une nature qu’on ne comprend pas, tant les mots indiens y abondent !

293. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

« Je m’étais levé pour sortir quand le signal divin accoutumé me retint ; je m’assis donc de nouveau194. » « Quand ceux qui m’ont quitté viennent de nouveau pour renouer commerce avec moi, la chose divine qui se produit en moi me défend de converser avec quelques-uns et me le permet avec quelques autres195. » « La cause (de ma réserve) n’était point quelque chose d’humain, mais un certain empêchement divin… Le dieu ne m’a pas permis de te parler jusqu’ici, afin que mes paroles ne fussent pas perdues ; j’attendais sa permission ; aujourd’hui il me le permet, car tu es capable de m’entendre… Mon tuteur est meilleur et plus sage que ton tuteur Périclès. — Qui est ce tuteur ? — Le dieu qui, avant ce jour, ne m’a pas permis de te parler196. » Voici maintenant deux passages plus explicites, tirés de l’Apologie ; le premier surtout est d’une remarquable précision ; il semble que Platon ait voulu donner là, pour n’avoir plus à y revenir, la formule authentique et rigoureusement exacte du phénomène dont il ne parle ailleurs qu’en termes abrégés : « Ce qui (m’a empêché de m’occuper des affaires publiques), ô Athéniens, c’est cette chose dont vous m’avez si souvent entendu parler, ce phénomène divin et démonique que Mélétus, pour plaisanter, a inscrit dans l’accusation Il a commencé pour moi quand j’étais encore enfant ; c’est une voix qui survient, toujours pour me détourner de ce que j’ai dessein de faire, car jamais elle ne m’exhorte (à rien entreprendre). […] Tous les phénomènes de conscience ont leur expression intérieure, quand ils sont bien distincts, à moins que l’activité de l’âme ne soit trop grande et ne permette pas de tout exprimer : au milieu d’un discours, Socrate n’éprouvait sans doute qu’un sentiment ; mais dans la promenade solitaire, par exemple, il était naturel que le sentiment s’exprimât par une forme brève de langage analogue ou équivalente à un impératif203 ; expression d’un sentiment, cette parole devait être sur un ton assez élevé ; étant vive et subite, elle avait les caractères d’une voix étrangère, et, n’étant accompagnée d’aucun phénomène spatial, elle ne paraissait pas avoir un lieu d’origine distinct de l’âme même qui la percevait204. […] Fouillée, les passages de Platon qui semblent contredire le texte formel de l’Apologie ; dans Platon, le signe divin s’oppose toujours et n’incite jamais, ou bien il défend et permet successivement, dans une même question, selon les cas qui se présentent ; il est clair qu’alors il permet implicitement parce qu’il s’abstient de défendre ; selon Xénophon, il aurait donné aussi des conseils positifs ; mais les textes de Platon sont si précis qu’il faut en conclure ou que Xénophon avait mal observé les habitudes de son maître, ou qu’en écrivant les Mémorables il fut mal servi par ses souvenirs sur ce point particulier210. […] Les uns et les autres nous permettront de confirmer et de préciser la distinction que nous avons faite de la parole intérieure passionnée et de la parole intérieure dramatique.

294. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Picard, le meilleur auteur comique du moment, s’était permis de ridiculiser des auditeurs au Conseil d’État. […] Notre littérature de la Révolution permet de les voir en pleine lumière. […] La puissance de l’argent, qui permet d’acheter des votes, des journaux, des sièges au Parlement, et les privilèges de l’Église qui a gardé mille moyens de peser sur les consciences, font échec à la liberté des citoyens. […] J’ai déjà dit pourquoi notre expérience historique, réduite sur ce point à cent années, court espace de temps pour une transformation sociale aussi grave, ne nous permet pas d’embrasser toutes les conséquences qui doivent en découler. […] Le chiffre seul était permis, honoré, protégé, payé.

295. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Par-dessus tout cela, Rivarol possède ce charme souverain de permettre le rêve à l’imagination. […] D’abord une césure mobile permet de varier la valeur de chaque partie d’une période poétique. […] tout mon talent pour un travail qui occupe les bras, brise le corps, et permette de vivre parmi les simples ! […] Vous me permettez de vous parler avec ma terrible franchise de positiviste ? […] Une éducation particulière de l’œil ne peut-elle pas permettre de diminuer ces intervalles ?

296. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Au moment du vote, les zélés ne permettaient pas aux tièdes de sortir sans avoir auparavant déposé leur scrutin dans l’urne. […] Cette dernière latitude est heureuse et permettra à l’Académie, au lieu de soutenir et de favoriser un genre faible et qui semble usé, de provoquer d’utiles travaux d’un intérêt actuel et bien vivant. […] Oui, mais la société a marché depuis ; bien ou mal, son milieu s’est déplacé ; ce déluge qu’annonçait et prophétisait Royer-Collard, la démocratie, a débordé dans toutes les sphères ; le gémissement est inutile, et il n’est pas permis de se renfermer dans le même cercle restreint, élevé, infranchissable. […] Pourquoi, deux ou trois fois l’an, des rapports spéciaux et succincts, confiés à deux ou trois de ses plus jeunes membres, ne lui permettraient-ils pas de connaître, à point nommé, le mouvement et le courant des esprits, le degré d’importance et d’intérêt des productions en vogue ? […] Quoiqu’on n’aime aujourd’hui que le saillant et le coloré, je citerai le passage : « En voyant un si grand homme dans le négligé de sa vie domestique, j’admirais encore en lui une simplicité de manières qui encourageait la modestie timide, sans permettre cependant la familiarité ; un entier oubli de sa gloire, mais qui n’excluait pas le goût de la louange ; une habitude de distractions toujours réparées par les retours d’une bonté naïve ; une vivacité de discours qui avait l’air de l’abandon, mais d’où s’échappaient des éclairs de génie. » C’était le goût d’alors, tout en nuances : on ne saurait moins appuyer et mieux dire. — Il y avait une chose que Suard n’eût jamais dite en pleine Académie, mais qu’il aimait à raconter.

297. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Il est vrai que Racine et Voltaire lui-même doivent à l’amour leurs plus sublimes compositions ; mais Voltaire et l’auteur de Britannicus ont senti quelquefois le besoin d’un autre ressort ; et s’il est permis de le dire, les spectateurs du dix-neuvième siècle compatiraient aux douleurs d’un citoyen, bien autant qu’à celles d’une amante ; s’ils gémissent sur Ariane abandonnée, Coligny massacré ne leur arracherait pas moins de larmes. […] Permis à vous, leur dirait-on, de contrevenir aux trois unités ; la haute censure ne s’en mêle point ; mais prenez-y garde, n’outragez que le bon goût, n’offensez que la raison ; romantiques ou classiques, évitez sur toute chose, les allusions directement ou indirectement inconvenantes ; et que la féodalité, la ligue et les étrangers, Dans vos plus grands excès vous soient toujours sacrés. […] On leur avait donc permis, ordonné même d’arranger ce qui précède la catastrophe, de manière à produire l’illusion la plus complète, l’émotion la plus vive. […] Voilà la poétique classique, la romantique en est le contrepied : elle ne permet de négliger que les mœurs, elle exige la vérité et le complet du matériel. […] Peut-être même si l’événement ne retentit pas avec autant d’éclat dans l’histoire, sera-t-il permis d’en modifier le dénouement.

298. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Adolphe Grossan, aujourd’hui l’exécuteur testamentaire de Wagner, après avoir par son concours assidu permis au maître de mettre en pratique à Bayreuth l’œuvre qu’il avait connue, a su, depuis au moment où chacun désespérait de les voir renouvelées, continuer les Fêtes et les garder dignes absolument de leur glorieux fondateur. […] Cette modification avait pour but — sans rien changer à l’esprit général et à l’organisation pratique de l’Association — de donner à l’Association un caractère légal qui lui permît d’établir ensuite une « Fondation-Wagner » et de recevoir des legs. […] L’orchestre invisible est une innovation favorable à l’audition plus encore qu’au spectacle : en atténuant la sonorité, il permet de donner aux instruments toute leur puissance, de déchaîner, sous les paroles et sans les couvrir, tous les éclats de l’instrumentation : à Bayreuth, on entend pour la première fois ce qu’est la musique de Tristan. […] On le voit, Wagner n’a fait que mettre sur le papier ce qu’il portait depuis longtemps en lui ; il serait absurde de vouloir dater l’œuvre qu’il méditait depuis trente ans, du jour où le hasard lui permit ce travail manuel. […] Permettez-moi de vous faire part des obligations que vous prendrez si vous me donnez, comme je vous en prie cordialement, la promesse de votre concours.

299. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Les grandes dames du xviie  siècle avaient trop captivé leur adorateur pour lui permettre de retourner à la philosophie. […] Lui qui se permettait de tout dire, il devait réussir pour les mêmes raisons, et il ne réussira pas ! […] Sous le règne de ce jeune Mélancolique, aussi farouche que le faon malade dans les bois, les femmes, longtemps blessées du sans-gêne qu’après les guerres civiles on s’était permis avec elles, se mirent à réagir contre les mœurs de mousquetaire, autorisées, par l’exemple du grand Henri, cette espèce de Louis XV-Rabelais, et pour cela elles se firent précieuses et dévotes. […] la fantaisie d’un homme à qui son temps en permet et qui a la fatuité de la faveur publique ! […] pour me répéter, au nom de l’Évangile et de la philosophie (c’était Platon), qu’il est bien temps de renoncer à tout ce qui passe, et que la seule pensée qui me soit désormais permise est celle de quelques travaux utiles, du devoir et de Dieu ! 

300. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

L’observation et l’expérience ne permettent pas d’adopter cette proposition. […] Cela permet de faire passer des gaz différents dans l’appareil, si l’on veut, ou bien d’extraire les gaz qu’il renferme pour les analyser. […] Leur petitesse leur permet de passer à travers les filtres, et l’on ne peut s’en débarrasser. […] Leur corps apointi en avant permet de distinguer 3 ou 4 articulations. […] Ce que l’on en sait suffit pourtant pour permettre de juger de l’importance de ces phénomènes.

301. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Ce que je connais de plus déplorable au monde, c’est de voir des vieillards avoir tort, et je n’ai jamais tant souffert qu’en voyant M. de Montlosier se permettre la violence et l’injure. […] Quand les plébéiens sont placés où vous êtes, ils peuvent s’oublier comme vous ; mais, en attendant que nous partagions vos torts, permettez-nous de les blâmer. […] Thiers un élève qui se permettait quelquefois de n’être pas de son avis et de le combattre : le digne homme d’État se plaisait à voir un jeune esprit net et ferme s’exercer ainsi à la discussion sérieuse, et il le favorisait. […] Les temps sont passés ; mais un style simple, vrai, calculé, un style savant, travaillé, voilà ce qu’il nous est permis de produire. […] Je n’ai certes pas la prétention de l’embrasser et de le définir dans toutes ses parties, mais je me plais à le parcourir librement dans quelques-unes de celles qui nous sont le plus ouvertes et le plus permises.

302. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Contentons-nous aujourd’hui d’avoir les six premiers livres de l’Iliade, traduits avec autant d’exactitude que les caractères différens des deux langues ont pu le permettre. […] Il n’épargna pas le vice, ni le ridicule ; mais sa satyre est fine & délicate ; sans oser se permettre d’odieuses personnalités, il corrige les hommes avec tous les égards qu’impose la probité. […] Son objet a été 1°. de rendre le Poëte latin avec la fidélité la plus scrupuleuse, sans couvrir ni déguiser ses défauts, & sans lui faire rien perdre, autant que pourroit le permettre le caractère de notre langue, de sa force & de ses agrémens. 2°. […] L’auteur dit qu’il s’est permis de supprimer, de transposer, de changer quelques vers, même d’augmenter, enfin d’ajouter à la pensée de Tibulle. […] Et quand même il auroit connu le monde, son état lui auroit peut-être interdit la liberté de donner à ses peintures toute l’énergie qu’un laïque peut se permettre sans conséquence.

303. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Il est vrai que l’examen qu’ils font d’eux-mêmes est tenu fort secret ; c’est un procès qui se plaide et qui se juge à huis clos, s’il est permis de se servir de cette expression ; et on serait bien fâché que l’arrêt sévère qui le décide fût ratifié par la multitude. […] Qu’il nous soit permis maintenant de peser de sang-froid, sans humeur comme sans flatterie, ces dispensateurs de la renommée, et le droit qu’ils s’arrogent ou qu’on leur accorde d’annoncer ses oracles. […] On ne doit point au reste exiger des critiques une injustice aussi basse que la flatterie ; mais il est au moins permis de les exhorter à distinguer l’ouvrage et l’auteur. […] Et pourquoi est-il plus permis d’outrager un homme de lettres qui honore la nation, que de rendre ridicule un homme en place qui avilit a sienne ? […] S’il n’est pas difficile de faire fortune par des voies louables, il l’est encore moins d’y parvenir quand on se permet tout pour cet objet.

304. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Si le sourire était permis en un tel sujet, on sourirait à voir la manière dont il présenta constamment, et de plus en plus, cette affaire, après tout sinistre, de Malplaquet. […] Lui, il avait l’air de la désirer beaucoup et de vouloir qu’on la lui permît, qu’on la lui ordonnât ; mais il était lui-même trop homme de sens pour l’engager à la légère. […] Ennuyé pourtant de voir prendre tant de places sous ses yeux sans qu’il lui fût permis ou possible d’agir, il revint d’assez bonne heure de l’armée, sous prétexte ou à cause de sa blessure. […] Vous le permettre et vous l’ordonner serait la même chose, et je ne veux pas que l’on puisse penser ni l’un ni l’autre. » Ce n’est pas Louis XIV qui manquera jamais à une noble et délicate convenance.

305. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Voilà où se bornent mes soucis… Mirabeau toujours expansif, abondant dans son propre sens, et d’ailleurs aussi cordial en ceci que clairvoyant, pousse sa thèse et, imbu des idées du jour, il prononce le grand mot, celui des lettres dont l’avènement et le règne étaient prochains dans la société et qui allaient faire l’opinion publique, cette autre reine : Je sais, dit-il à Vauvenargues, que votre peu de disposition3 et de santé ne vous permet pas de courir ce que quelqu’un comme vous doit appeler fortune ; mais quelle carrière d’agréments ne vous ouvrent pas vos talents dans ce qu’on appelle la République des lettres ! […] Il lui laisse le trait dans le cœur. — Et encore dans une lettre de ce même temps (14 juin 1739) : S’il est permis de se citer, j’ai, je crois, plus de feu, d’imagination, de santé que vous ; mais vous avez plus d’esprit et de suite ; cependant, si vous ne m’en imposez, il s’en faut de beaucoup que vous tiriez le même parti du temps. […] Il lui rend, comme on dit, la monnaie de sa pièce, et le réfute gaiement par une série et comme un feu roulant de questions ad hominem : Je reçois, mon cher Vauvenargues, votre lettre du 22 du mois passé (septembre 1739) ; permettez à mon amitié de vous dire ce que je vous crois nécessaire : Que faites-vous à Verdun ? […] Il nous reste à les voir avec le détail qu’elles méritent, paraissant aujourd’hui pour la première fois. — Heureux âge de vingt-cinq ans qui permet et sollicite de tels épanchements entre égaux, qui ouvre un infini de perspective dans toutes les carrières, les montre plus simples et plus droites qu’elles ne sauraient jamais l’être à les parcourir en réalité ; qui, des oppositions même et des contrariétés du sort, sait tirer des combinaisons nouvelles, et se fraye en idée, par-delà l’obstacle, de plus belles routes inconnues !

306. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Par exemple, je me suis dit : Est-ce qu’il ne serait pas permis de manger de la chair humaine ? […] Je ne vous le permets pas, moi. »  « (20 juin 1833.) […] Je n’insiste pas, vous le savez, mais il m’est bien permis de vous regretter comme un absent. […] J’aurais bien fait, dans mes intérêts, de publier, après Lélia, un roman plus rapproché du genre de Walter Scott, mais cette Quintilia était avancée dans mon portefeuille, et le besoin d’argent ne m’a pas permis de l’y garder plus longtemps.

307. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Il ne suffit pas de remuer l’âme ; il faut l’éclairer ; et tous les effets qui frappent seulement les yeux, les tombeaux, les supplices, les ombres, les combats, on ne peut se les permettre, que s’ils servent directement à la peinture philosophique d’un grand caractère ou d’un sentiment profond. […] Toutes les splendeurs qui dérivent des rangs suprêmes introduisent dans les sujets tragiques une sorte de respect qui ne permet pas à l’homme de lutter corps à corps avec l’homme ; ce respect doit jeter quelquefois du vague dans la manière de caractériser les mouvements de l’âme. […] La poésie d’imagination ne fera plus de progrès en France : l’on mettra dans les vers des idées philosophiques, ou des sentiments passionnés ; mais l’esprit humain est arrivé, dans notre siècle, à ce degré qui ne permet plus ni les illusions, ni l’enthousiasme qui crée des tableaux et des fables propres à frapper les esprits. […] Si l’on voulait se servir encore de la mythologie des anciens, ce serait véritablement, retomber dans l’enfance par la vieillesse : le poète peut se permettre toutes les créations d’un esprit en délire ; mais il faut que vous puissiez croire à la vérité de ce qu’il éprouve.

308. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Nous ne lui demandons pas ce que nous devons penser d’un auteur ou d’un ouvrage ; qu’il nous mette seulement en main les pièces qui nous permettront de juger par nous-mêmes. » Le malheur est que cette parfaite indifférence est. impossible. […] Je ne dis pas, sans doute, qu’il soit toujours aisé ni même possible de décider la question de préséance entre des œuvres supérieures appartenant à des époques ou à des races diverses ; il est permis d’hésiter entre le Parthénon et une belle cathédrale gothique, entre un drame de Shakespeare et une tragédie de Sophocle, entre le Faust de Gœthe et la Divine Comédie du Dante. […] Il ne lui est plus permis de remettre en vigueur le code suranné de nos classiques ; ce serait bâtir sur une base aussi étroite que fragile. […] Entre ces différentes supériorités il est permis d’hésiter, et chacun, suivant son tempérament, préférera l’une ou l’autre.

309. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il est parfois d’une netteté qui ne permet aucune supposition d’influence s’exerçant d’un pays ou d’un siècle à un autre. […] Il est donc permis de croire que les nations de l’Occident, unies par des intérêts solidaires et par des liens fraternels en dépit des barrières et des inimitiés qui les séparent, se sont par moments trouvées en communion spontanée de pensées et de désirs174. […] Rien ne permet mieux de marquer les étapes que traverse cette transfusion de pensée qui est parfois si difficile entre deux peuples, même très rapprochés. […] J’ai écrit ailleurs (Études sur la France contemporaine, p. 69) ces lignes que je me permets de reproduire, parce qu’elles achèvent ma pensée : « Les idées vont vite en notre siècle ; il leur faut cependant un temps appréciable pour passer de leur pays natal dans les autres.

310. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Les données actuelles de la paléontologie ne permettent de rien affirmer. […] Le puissant télescope de lord Rosse ayant permis de résoudre des nébuleuses jusque-là irrésolubles, on en a conclu que si nos moyens étaient assez puissants, nous pourrions résoudre toute nébuleuse en étoiles. […] De là vient que si nous voulons juger deux nuances de couleur, nous les plaçons côte à côte, que si nous voulons estimer deux poids, nous en prenons un dans chaque main, et que nous comparons leur pression, en faisant passer rapidement notre pensée de l’un à l’autre : et, « comme de toutes les grandeurs, celles d’étendue linéaire sont celles dont l’égalité peut être le plus exactement connue, il en résulte que c’est à celles-là qu’on doit réduire toutes les autres. » Car c’est le propre de l’étendue linéaire, que seule elle permet la juxtaposition absolue, ou pour mieux dire, la coïncidence, comme il arrive pour deux lignes mathématiques égales ; l’égalité devenant alors identité. […] Si, remontant l’évolution des choses, il se permet de supposer que toute matière exista jadis sous forme diffuse, il trouve impossible de concevoir comment cela a pu être ainsi.

311. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Cette méthode est telle, par le détail des preuves, par la nature et l’abondance des documents, qu’elle permet au lecteur de se former une opinion propre, qui peut, sur certains points, différer de celle même de l’historien et la contredire, ou du moins la contrôler. […] Thiers a connu, et qui lui a permis d’offrir du général Dupont la seule réhabilitation possible, celle qui concerne son honneur militaire. […] Me serait-il permis de dire que Napoléon ici faisait son métier de monarque en faisant la guerre à Tacite et à Shakespeare ? […] Thiers s’est donc permis d’ajouter dans sa traduction les erreurs des peuples, et cette variante d’Horace me plaît fort.

312. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Le jeune Bazin conçut de bonne heure l’aversion du régime qu’il voyait finir ; il était encore au collège, qu’il se permit un jour, m’assure-t-on, quelque espièglerie poétique qui courut, quelque Napoléone au petit pied, qui eut l’honneur d’inquiéter la police impériale. […] Je ne me permettrai ici qu’une remarque : de tous les écrivains distingués de nos jours, il n’en est, j’en suis certain, aucun qui ait fait plus d’épigrammes contre l’Académie française que M.  […] Il est permis de croire que, quand il s’adressait à l’époque assez peu étudiée de Louis XIII, avec le dessein de la poursuivre jusque sous la Fronde et de ne s’arrêter qu’à la mort de Mazarin, il était un peu conduit par le désir de contredire les idées communes, de faire justice de certaines préventions et de retourner du tout au tout certaines opinions consacrées. […] Je me permettrai seulement de demander si dans cette abstinence absolue de toute citation et de toute note en un genre d’ouvrage qui les réclame naturellement, si dans cette suppression exacte de tout nom propre moderne, là même où l’auteur y songe le plus et y fait allusion, si dans cette attention tout épigrammatique à ne laisser sans rectification aucune des petites erreurs d’autrui, il n’y a pas une autre sorte de pédantisme.

313. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Que ne se permit-elle point dans sa folle humeur ? […] Il est permis de croire que ce ne fut de sa part qu’un semblant pour conjurer la colère de ses ennemis et donner le signal à ses amis de la défendre. […] Avant le terme convenu, elle s’exécuta sur le tout, se piquant d’être, en cela, plus exacte même que Marc-Aurèle, empereur et philosophe, mais qui ne payait point d’avance ses créanciers : Cela hausse un peu le courage, répondait-elle à Saint-Évremond ; et, quand vous y aurez bien pensé, vous verrez qu’il ne faut pas railler avec un banquier sans reproche… Je vous ai mandé que mes agréments étaient changés en qualités solides et sérieuses, et vous savez qu’il n’est pas permis de badiner avec un personnage. […] Mais la santé de Mme de La Fayette, et son humeur qui la portait à ses aises, ne lui permirent pas de faire longtemps ce rôle.

314. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud et qui devait être mûr, s’en permettait alors tout autant et davantage, ce qui n’empêchait pas, nous a-t-on assuré depuis, son royalisme latent. […] Insistant sur les ressorts inexpliqués du cœur humain, sur ces mobiles d’amour-propre et d’honneur ou même de vanité, que l’orgueil de la raison s’attacha à détruire, mais que les hommes d’État savent créer et faire mouvoir, il les montrait en action sous Louis XIV, et regrettait que le temps fût passé où le grand roi, pour récompenser les services d’un maréchal de Villars, n’avait qu’à lui permettre simplement de paraître à son lever demi-heure avant les autres. […] « Qu’il soit permis aux journaux, disait-il, de faire l’office d’un réverbère. […] [NdA] Un jour, après les graves attaques qu’il s’était permises contre Mme de Staël, M. 

315. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Voilà ce que nous nous permettons d’appeler des préjugés ; mais ce n’est là qu’un détail, et le désaccord qui se rapportait à la prononciation en couvrait d’autres qui tenaient au fond des choses. […] Si nous n’avons pas à tracer ici de programme à une noble pensée, nous ne prétendons pas non plus en présenter un idéal anticipé ; ce que nous voudrions, ce serait, en remerciant M. de Salvandy de son heureuse initiative, de l’y encourager, si ce mot nous est permis, et de maintenir, pour peu qu’il en fût besoin, l’idée première dans sa libre et large voie d’exécution : ce qui rapetisserait, ce qui réduirait trop cette idée, ce qui la ferait rentrer dans les routines ordinaires, en compromettrait par là même la fécondité et en tuerait l’avenir.

316. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

L’homme, en effet, par les déterminations soudaines dont il est susceptible, peut à tout moment faire intervenir dans les événements auxquels il prend part une force nouvelle, imprévue, variable, qui dans beaucoup de cas en modifie puissamment le cours, et dont en même temps l’ordinaire mobilité ne permet pas l’exacte mesure. […] Pour ne parler que de la dernière livraison, l’époque qui s’étend depuis le 2 juin jusqu’au 9 thermidor permettait, réclamait plus que toute autre cette explication morale.

317. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Tout ce qu’il se permet, c’est de mystifier les autres, discrètement. […] Mérimée aime à voir se développer librement, bonne ou mauvaise, la bête humaine ; et quand elle est belle, il n’est pas éloigné de lui croire tout permis.

318. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

J’espère donc que d’abord vous me permettrez, que vous permettrez à M. 

319. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

Son goût naturel lui a permis de traverser l’emphase des orateurs populaires et des énergumènes de réunions publiques, sans s’y noyer. […] Dubois-Desaulle éprouve le besoin de conclure : « Ce qu’il y a de bon dans tout cela, c’est que ça m’a permis d’écrire un livre ! 

320. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Il a mieux aimé que les criminels échapassent souvent aux châtimens que l’interêt de la societé civile demande qu’on leur fasse subir, que de permettre qu’un innocent pût être jamais exposé à ces tourmens dont les juges se servent dans les autres païs chrétiens pour arracher aux accusez l’aveu de leurs crimes. Tous les supplices dont il permet l’usage, sont de ceux qui tuent les condamnez sans leur faire souffrir d’autre peine que la mort.

321. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Par exemple, un grand ministre, un grand general, un grand magistrat, ne deviennent ce qu’ils sont capables d’être, que dans un âge plus avancé que l’âge où les peintres et les poëtes atteignent le dégré d’excellence où leur étoile leur permet d’atteindre. […] Je crois donc que l’âge de trente ans, est l’âge où communément parlant, les peintres et les poëtes se trouvent être parvenus au plus haut dégré du parnasse, où leur génie leur permette de monter.

322. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Je me permettrai de signaler cette boutade (qui a tous les caractères d’apparente platitude qui caractérise le bon sens) à ceux que préoccupe la vaine querelle de l’amateur et du professionnel : elle contient la solution de leur débat.‌ […] Nul des sentiments que nous connaissons à Ernest Renan ne nous permet de le considérer comme ayant accepté le catholicisme à un instant quelconque de sa vie intellectuelle.

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