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2061. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Si cela n’avait l’air d’une plaisanterie à force d’être vrai, je dirais qu’il est le contraire des Marot, des Sarrasin, des Voiture, de Voltaire dans le genre léger. […] C’est joli, mais il me semble que la vraie mesure n’est pas où la met cet homme d’esprit, et de doctrine un peu trop idéale : Racine, par exemple, était un génie religieux et croyant, et nul n’a été plus que lui sensible et susceptible ; il était un amour-propre plus vulnérable que Molière ou Shakespeare. […] Mais, quels qu’aient pu être les faits antérieurs, et quand même les graves allégations de M. d’Allonville ne seraient pas tout à fait imaginaires, il n’est pas moins vrai qu’une fois l’éclat produit avec un prince du sang, la conduite que Buffon prescrivit à son fils est un modèle de dignité.

2062. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

I Le vrai titre que j’aimerais à donner à cette étude, en la résumant au point de vue moral, ce serait : Bonstetten ou le vieillard rajeuni. […] Bonstetten, en son premier temps, aux belles années du xvie  siècle, avait eu, il est vrai, une jeunesse fervente, enthousiaste, engouée, selon la forme d’idées et de sentiments qui régnaient alors, avec des teintes de Jean-Jacques et des reflets de Werther ; mais cela lui avait passé : il s’était rassis ; il était devenu vieux ; vers l’âge de trente-cinq à quarante ans, il était redevenu Bernois ou avait tâché de le redevenir, de se faire un homme sérieux, un homme politique, un bailli, un syndic ou syndicateur (comme ils disent), un aspirant au conseil souverain de son canton ; il s’acclimatait petit à petit à l’ennui ; en un mot, à l’exemple du commun des hommes, il était en train de vieillir, et il y réussissait par le cours naturel des ans et des choses, quand les événements qui, à la suite du grand mouvement de 89, bouleversèrent son pays, vinrent le secouer lui-même et le déranger, le déconcerter et l’affliger d’abord ; mais bientôt il se remit, il voyagea, il trouva des oasis et des asiles, des cercles heureux où l’amitié lui vint rendre la joie, l’espérance et l’harmonie de sentiments à laquelle il aspirait par sa nature : et c’est alors qu’il rajeunit tout de bon. […] Il est optimiste, sans doute, en parlant ainsi ; il juge des autres d’après lui-même ; mais cela reste vrai des belles âmes, des belles natures morales comme des beaux corps, et le divin aveugle l’a dit : Qu’aimable est la vertu que la grâce environne !

2063. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

On en était resté, avec lui, sous le coup de la fameuse note de la cinquième partie de La Nouvelle Héloïse : « Non, ce siècle de la philosophie ne passera point sans avoir produit un vrai philosophe. […] Par cette raison principalement, je le crois autant au-dessous de l’excellent, où la voix publique le place, qu’au-dessus du médiocre qu’il attaque avec succès dans ses satires ; et je suis persuadé que le temps, qui met le vrai prix aux auteurs, ne placera pas celui-ci au premier rang où son siècle le place. Savez-vous bien que, malgré tous nos efforts et nos plaidoiries incessantes (depuis que nous sommes revenus à résipiscence) pour le mérite, l’utilité critique et l’excellence relative de Boileau, ce jugement de M. de Muralt pourrait bien être vrai en définitive, surtout pour ceux qui regardent la littérature française à quelque distance, et qui prennent leurs termes de comparaison chez les grands poètes de tous les temps, de tous les pays, et dans la nature humaine ?

2064. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Sont-ce simplement des pauvres dans le sens propre, de vrais pauvres de biens, comme le dit saint Luc ? […] On reprochait à Aristote d’avoir secouru un homme qui ne le méritait pas : « Ce n’est pas l’homme que j’ai secouru, répondit-il, c’est l’humanité souffrante. » L’imagination de Platon avait fait plus et semblait s’être portée spontanément au-devant du christianisme : on le voit, dans un de ses dialogues, se plaire à figurer en face du parfait hypocrite, honoré et triomphant, le modèle de l’homme juste, simple, généreux, qui veut être bon et non le paraître : « Dépouillons-le de tout, excepté de la justice, disait un des personnages du dialogue, et rendons le contraste parfait entre cet homme et l’autre : sans être jamais coupable, qu’il passe pour le plus scélérat des hommes ; que son attachement à la justice soit mis à l’épreuve de l’infamie et de ses plus cruelles conséquences et que jusqu’à la mort il marche d’un pas ferme, toujours vertueux, et paraissant toujours criminel… Le juste, tel que je l’ai représenté, sera fouetté, mis à la torture, chargé de fers ; on lui brûlera les yeux à la fin, après avoir souffert tous les maux, il sera mis en croix… » C’est une vraie curiosité que ce passage de Platon, et même, à le replacer en son lieu et à n’y chercher que ce qui y est, c’est-à-dire une supposition à l’appui d’un raisonnement, sans onction d’ailleurs et sans rien d’ému ni de particulièrement éloquent, ce n’est qu’une curiosité. […] Le vrai chrétien a ses scrupules et ses repentirs, le véritable artiste également

2065. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Elle naquit telle quelle, comme tant de choses naissent ou renaissent, rognée, écourtée, incomplète, une vraie côte mal taillée ; n’importe ! […] Il a sa Laconie, son Arcadie, bien vraies et à lui, un Ladon joli et neuf, d’après nature. […] Le Grec a le génie du commerce ; il aurait fallu à la Grèce pour sa prospérité, non quelques îlots dépouillés ; mais les vraies îles.

2066. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il est vrai qu’une fois maître et arbitre de la situation en Allemagne, le vainqueur d’Austerlitz ne dut pas être fâché d’une infraction qui lui permettait de faire vaquer un trône en Italie. […] La reine, déclarée déchue, et à regret fugitive, rentra, pour n’en plus sortir, dans le vrai de sa passion, de ses haines, de ses exécrations et de ses vengeances. […] Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.

2067. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Modelon sur la vie, les malheurs et les pensées dernières d’un homme auquel il a voué un culte, et je crois pouvoir en effet appeler l’attention sur cette personnalité énergique et orageuse de Veyrat qui n’a fait que traverser autrefois notre monde parisien, qui n’y avait laissé qu’un souvenir vague, peut-être même équivoque, et qui ne s’est révélée entièrement, qui ne s’est expliquée ou justifiée au vrai dans ses conversions et ses repentirs qu’après le retour de l’exil et aux yeux de ses compatriotes. […] Il me semblait que je pleurais avec un ami dont la douleur était la même, et que nos sanglots éclataient sous le poids d’une commune destinée ; tant il est vrai que la nature même, ce poëme de l’Éternel, n’a qu’un chant de désolation pour l’âme qui s’est une fois éloignée de son divin Auteur !  […] Quand la cloche sonna l’office de minuit, il descendit à la chapelle, prit part aux prières des religieux, s’agenouilla comme eux, s’humilia comme eux et espéra : il date de là l’instant vrai de sa renaissance.

2068. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Ce qu’il y a de singulier et ce qui, à la réflexion, ne paraîtra point pourtant très extraordinaire, c’est que cette science qui de tout temps a été devinée, comprise et pratiquée par des hommes d’un génie naturel supérieur, et qui, dans les détails d’exécution, a été remaniée et travaillée à l’infini, n’a été rédigée et ramenée à ses vrais principes généraux qu’à une époque très récente, et quand elle atteignait à ses plus vastes applications. […] « Il était venu, comme l’a remarqué Jomini, un demi-siècle trop tôt ; il avait écrit dans un temps où la vraie tactique de son héros était encore méconnue, où un nouveau César n’y avait pas encore mis le complément. » Deux écrivains militaires du plus grand mérite n’avaient pas attendu toutefois le nouveau César pour entendre et commenter Frédéric : Lloyd, un Anglais qui servit avec distinction chez diverses puissances du continent, et Tempelhof, un général prussien, un savant dans les sciences exactes. […] On y lit en tête ces lignes, qui traduisent sa vraie pensée : « Cet ouvrage est un des plus distingués qui aient paru sur ces matières.

2069. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Une autre nation, non moins éloignée des vrais principes de la vertu, vint conquérir cette nation avilie. […] La religion des peuples du Nord leur inspirait de tout temps, il est vrai, une disposition à quelques égards semblable ; mais c’est au christianisme que les orateurs français sont redevables des idées fortes et sombres qui ont agrandi leur éloquence. […] Les progrès de la pensée ont fait trouver en peu de temps les principes du vrai beau dans tous les genres, et la littérature ne s’est perfectionnée si vite que parce que l’esprit était tellement exercé, qu’une fois rentré dans la route de la raison, il devait y marcher à grands pas.

2070. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les Italiens, si l’on en excepte une certaine classe d’hommes éclairés, sont pour la religion, comme pour l’amour et la liberté ; ils aiment l’exagération de tout, et n’éprouvent le sentiment vrai de rien. […] Leurs comédies ont beaucoup de cette gaieté bouffonne qui tient à l’exagération des vices et des ridicules ; mais on n’y trouve point, si l’on en excepte quelques pièces de Goldoni, la peinture frappante et vraie des vices du cœur humain, comme dans les comédies françaises. […] Il faut que l’auteur italien prenne tout en lui-même pour faire une tragédie, qu’il s’éloigne entièrement de ce qu’il voit, de ses idées et de ses impressions habituelles ; et il est bien difficile de trouver le vrai de ce monde tragique, alors qu’il est si distant des mœurs générales.

2071. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Depuis la gloire, qui a besoin du suffrage de l’univers, jusqu’à l’amour, qui rend nécessaire le dévouement d’un seul objet, c’est en raison de l’influence des hommes sur nous que le malheur doit se calculer ; et le seul système vrai pour éviter la douleur, c’est de ne diriger sa vie que d’après ce qu’on peut faire pour les autres, mais non d’après ce qu’on attend d’eux. […] Newton n’eût pas osé tracer les bornes de la pensée, et le pédant que je rencontre veut circonscrire l’empire des mouvements de l’âme ; il voit qu’on en meurt, et croit encore qu’on se serait sauvé en l’écoutant : ce n’est point en assurant aux hommes que tous peuvent triompher de leurs passions, qu’on rend cette victoire plus facile ; fixer leur pensée sur la cause de leur malheur, analyser les ressources que la raison et la sensibilité peuvent leur présenter ; est un moyen plus sûr, parce qu’il est bien plus vrai. […] 5 J’aurais pu traiter la générosité, la pitié ; la plupart des questions agitées dans cet ouvrage, sous le simple rapport de la morale qui en fait une loi, mais je crois la vraie morale tellement d’accord avec l’intérêt général, qu’il me semble toujours que l’idée du devoir a été trouvée, pour abréger l’exposé des principes de conduite qu’on aurait pu développer à l’homme d’après ses avantages personnels ; et comme, dans les premières années de la vie, on défend ce qui fait mal, dans l’enfance de la nature humaine, on lui commande encore ce qu’il serait toujours possible de lui prouver.

2072. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Là-dessus, les physiologistes oublient volontiers la seconde vérité et disent : « Les événements mentaux sont une fonction des centres nerveux, comme la, contraction musculaire est une fonction des muscles, comme la sécrétion de la bile est une fonction du foie. » — De leur côté, les philosophes oublient volontiers la première vérité et disent : « Les événements moraux n’ont rien de commun avec les mouvements moléculaires des centres nerveux et appartiennent à un être de nature différente. » Sur quoi les observateurs prudents interviennent et concluent : « Il est vrai que les événements mentaux et les mouvements moléculaires des centres nerveux sont inséparablement liés entre, eux ; il est vrai que pour notre esprit et dans notre conception ils sont absolument irréductibles entre eux. […] Quelle est la valeur de chacun des deux points de vue, et que faut-il en défalquer pour dégager la vraie nature de l’événement ?

2073. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Quand on ne cherche que le vrai, on ne mêle pas son émotion à ses arguments ; on respecte trop la vérité universelle pour y empreindre ses sentiments personnels ; c’est une lumière pure, dont on s’écarte pour ne pas l’offusquer. […] On remarquera que les êtres varient selon les temps et les lieux, et que, pour être vrai, il faut, avec les caractères, représenter les moeurs. […] Alors naîtra le vrai style poétique : la liberté des tournures, la variété des mètres, l’irrégularité des rimes et l’allure onduleuse de la phrase, ne détruiront pas l’unité de la période et la mélodie réglée des vers ; la diversité et l’aisance de la prose s’allieront à l’enchaînement et à la symétrie de la poésie ; et la fable sera en même temps une conversation et un chant.

2074. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Si quelque partie de la littérature devait souffrir de l’ardeur des discordes civiles, c’était, semble-t-il, la poésie, et pourtant il est vrai qu’elle leur doit quelques-unes de ses meilleures œuvres. […] Il suffit qu’ils soient aux prises avec de rudes réalités, secoués de vraie passion, et dès lors ils ne s’amusent plus à faire montre de leur savoir d’humanistes. […] Cependant les mêmes idées commençaient à agir sur les protestants : de larges esprits s’élevaient parmi eux, qui, revenant aux vrais principes de la première réforme, ne demandaient qu’à mettre d’accord leur conscience religieuse et leur devoir de Français au moyen des conditions posées par L’Hôpital et par Bodin.

2075. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Il croyait que « la vraie philosophie » était assez développée pour mener à bien cette vaste entreprise. […] Transposons ces termes violents en langage impartial : il est très vrai que l’Encyclopédie fit des philosophes un parti, et des idées individuelles un corps de doctrine. […] Il faisait dépendre tout le progrès de l’humanité, tout le développement de la civilisation de la conformation de nos organes ; et par une inconséquence singulière il croyait à la toute-puissance de l’éducation : il estimait que tous les esprits sont ù peu près égaux, et que toutes les différences intellectuelles résultent de l’inégalité de culture ; or, si l’on ramène tout au physique, c’est le contraire qui est vrai ; il n’y a pas d’éleveur qui croie que, pour avoir un bon étalon, il suffit de bien nourrir n’importe quel poulain.

2076. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Mais surtout, s’il est vrai qu’il ne puisse appliquer aux ouvrages de l’esprit une autre mesure que la sienne, il faut du moins qu’il n’en ait qu’une ; car, s’il en a plusieurs, il n’en a plus. […] Claretie avait contre lui (dans Monsieur le Ministre) d’abord son sujet, vrai sujet de haute comédie. » Voilà qui va bien. « — Seul sujet de haute comédie, avec Rabagas et Dora, auquel les gens du métier aient songé dans ces douze dernières années. » On se demande : Est-il donc décidément impossible d’en trouver un quatrième, en cherchant bien   « M.  […] Il est vrai que ces indulgences enveloppent peut-être quelque dédain.

2077. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Le peintre Gauguin, surnommé « le peau rouge », Vrai sauvage égaré dans la ville de pierre, incapable de s’adapter à notre civilisation, aspirait à retourner vivre dans les îles du Pacifique et papouanisait avec la négresse qu’il avait ramenée de Tahiti. […] Desrousseaux, nanti d’un vaste savoir, était la Providence à laquelle tous avaient recours dans les cas litigieux, lorsqu’il s’agissait d’invoquer l’autorité d’un texte ancien ou de rétablir le vrai sens d’une version mutilée. […] Brummel reste le vrai dandy qui sut s’imposer du regard.

2078. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Ceci est vrai non seulement pour la poésie, mais pour la critique et pour toutes les formes de la pensée. […] Là, le vrai chapitre commence, là il finit : le mérite de l’éditeur serait de marquer juste l’endroit. […] c’est quand il parle de Molière qu’il arrive à la vérité pleine et courante, « la bonne, la franche, l’aimable, la vraie vérité ».

2079. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

En cette soudaine atteinte où la mort la prit comme à la gorge, elle garda sa présence d’esprit, pensa aux choses essentielles, à Dieu, à son âme, à Monsieur, au roi, aux siens, à ses amis, adressa à tous des paroles simples, vraies, d’une mesure charmante et, s’il se peut dire, d’une décence suprême. […] Vous n’êtes qu’une misérable pécheresse, qu’un vaisseau de terre qui va tomber, et qui se cassera en pièces, et de toute cette grandeur il n’en restera aucune trace. » — « Il est vrai, ô mon Dieu !  […] Louis XIV, en se liant avec elle d’une amitié si vraie et qui avait dominé l’amour, semblait avoir voulu s’attacher à régler cet heureux naturel et à lui donner de ses propres qualités : « il la rendit en peu de temps une des personnes du monde les plus achevées ».

2080. (1903) Zola pp. 3-31

On étudie l’homme pour en avoir une idée bien incomplète, mais encore une idée ; dans les psychologues, dans les moralistes, dans les philosophes, pour voir quelle idée générale il se fait de l’ensemble des choses et par conséquent quelles sont les tendances générales, très différentes, du reste, de son âme ; dans les historiens, pour voir ce qu’il a été aux différents temps, ce qui élargit et complète et fait plus vraie la notion qu’on peut avoir de lui ; en lui-même enfin, ce qui n’est qu’une façon de parler et ce qui veut dire qu’on regarde avec attention ses amis, ses voisins et les gens que l’on rencontre. […] Il était moins net dans la réalité ; mais je l’ai vu. » Les personnages de Molière et de Balzac sont grossis, amplifiés, élargis, déformés déjà, parce que Molière et Balzac ont de l’imagination, mais ils sont très vrais en leur fond et ils nous font dire : « Je l’ai vu. […] Mais il faut qu’on sente chez le satirique un désir vrai, sincère et vif de corriger ses concitoyens en leur peignant leurs défauts ou leurs vices ; et il faut bien avouer que dans les livres de Zola on ne le sentait nullement, mais seulement une haine cordiale et un mépris de parti pris pour ceux dont il avait le malheur d’être né le compatriote, ou à peu près le compatriote ; et cela ne laisse pas d’être un peu désobligeant et un peu coupable.

2081. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Mallarmé a sévèrement et superbement parlé du vrai symbole. C’est vrai, que tout est relatif et que chaque phénomène s’explique éternellement par un autre, et notre vouloir doit travailler à pénétrer le plus de relations pour, si on les trouvait toutes, arriver ainsi à la Cause première. […] Ainsi travailla ma pensée ; Une proposition de tout le fatras philosophique ancien demeure vraie, et comme essence même du Transformisme, celle de Hégel : que la Matière est en éternel devenir.

2082. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Il est vrai que Raphael en a produit de cette espece ; mais ce peintre si sage ne les emploïe que dans les ornemens qui servent de bordure ou de soutien à ses tableaux dans l’appartement de la signature. […] Que les choses que vous inventez pour rendre votre sujet plus capable de plaire, soient compatibles avec ce qui est de vrai dans ce sujet. […] Il est vrai qu’il paroît impossible d’imaginer en ce genre rien de meilleur que cette idée élegante par sa simplicité, et sublime par sa convenance avec le lieu où elle devoit être placée.

2083. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Il est vrai que les psychologues parlent parfois des lois de l’association des idées, comme si elles étaient les mêmes pour toutes les espèces de représentations individuelles. […] Il est vrai que les habitudes, individuelles ou héréditaires, ont, à certains égards, cette même propriété. […] Il est vrai seulement que les individus en sont les seuls éléments actifs.

2084. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

S’il est très vrai, comme on disait autrefois, qu’une bonne comédie ne se peut juger qu’aux chandelles, il n’est pas moins véritable qu’il y a comme un jugement d’appel à porter sur elle et qui ne se peut porter qu’à la lecture. […] Le critérium, quoique insuffisant s’il est unique, est très juste : le poète dramatique se révèle vrai créateur d’hommes par plusieurs choses, en particulier par ceci qu’il a autant de styles qu’il a de personnages. […] Je ne dis pas pour cela que la lecture soit le vrai tribunal, ce qu’on pourrait toujours me contester et ce que rien ne me permet d’affirmer ; je dis seulement qu’il y en a deux et que la lecture en est un où il est agréable de siéger et autant ou moins que dans l’autre.

2085. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Voilà ce qui explique pourquoi, dans les livres saints, l’idolâtrie est caractérisée par tous les détails, même les plus repoussants, de la prostitution, et pourquoi le culte du vrai Dieu est caractérisé à son tour par tous les effets et tous les charmes de l’amour. […] Ces dégoûts de la société, qui viennent, à de certaines époques et dans de certaines circonstances, saisir les hommes chagrins et mélancoliques, sont une vraie maladie morale qu’il faut guérir. […] Le sentiment de l’avenir repose d’ordinaire dans le passé ; s’il est vrai que le passé nous échappe, nous ne pouvons pas en tirer des documents pour l’avenir.

2086. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Ceux qui avaient applaudi avec le plus d’enthousiasme l’étrange poète à trois voix, ont mieux aimé se déclarer dupes d’un faux artiste que de reconnaître la force réelle d’un talent vrai. […] vraies jusqu’à la maladie — n’étaient pas sincères. […] C’est ce tremblement, l’inspiration vraie de M. 

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