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810. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Si Erckmann-Chatrian avait eu la moindre puissance fantastique, il l’aurait prouvé dans cette histoire si bien commencée, entre cet homme atteint d’une maladie sans nom, qui hurle comme un loup blessé au fond de son château féodal, et dont les crises deviennent de plus en plus épouvantables à mesure que s’avance dans la plaine, à travers les neiges, la vieille sorcière, ou plutôt la vieille inconnue, que la terreur de tout le pays a surnommée la Peste Noire.

811. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Du Belloi, Lemierre, Ducis, étaient auprès de Voltaire ce qu’est une vieille suivante auprès d’une jeune coquette. […] Il n’est pas toujours nécessaire de parler humblement pour émouvoir : le courage et la grandeur d’âme d’un vieux guerrier ne s’accordent point avec d’humbles plaintes. […] Les citadins de Rome pouvaient-ils tenir contre la vieille infanterie de César ? […] Cette reine forcenée d’ambition, de haine et de vengeance, doit-elle calculer froidement, comme un vieux ministre dans son cabinet, le résultat de ses projets ? […] Cette espièglerie n’est point un tour de force de jeune homme ; c’est le dernier effort d’un vieux poète.

812. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

J’ai peu le goût du prosélytisme, et la solitude ne m’effraie pas ; mais je suis trop vieux de trois mille ans au moins, et je vis, bon gré mal gré, au dix-neuvième siècle de l’ère chrétienne. […] Rien ne revit dans ces maigres pamphlets à refrains, pauvrement conçus, pauvrement écrits, si ce n’est l’inutile souvenir de vieilles et puériles polémiques étrangères à la poésie. […] Il me sera désormais prouvé qu’il ne faut point heurter de front l’armée compacte des dupes littéraires, et que c’est une aventure dangereuse que de troubler, dans les mares stagnantes, la quiétude des grenouilles, jeunes et vieilles. […] Ce sont des vers spacieux et marmoréens, d’une facture souveraine, dignes d’exprimer les passions farouches de ces vieux chevaliers géants du Rhin. […] Nous assistons à cet écroulement sinistre d’une multitude qui se rue, tourbillonne et se heurte avec une clameur désespérée contre les carrés de la Vieille Garde immobile au milieu de la flamme et de l’averse des balles et des boulets.

813. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

À la première secousse elle a craque, tant était vermoulue cette solive de la vieille masure scolastique ! […] Jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l’art ! […] Elle souligne le vieux Corneille pour ses façons de dire crûment : … Un tas d’hommes perdus de dettes et de crimes. […] Au lieu d’une individualité, comme celle dont le drame abstrait de la vieille école se contente, on en aura vingt, quarante, cinquante, que sais-je ? […] Mais ce qu’il faut détruire avant tout, c’est le vieux faux goût.

814. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

. — Tenez, voilà la vieille comtesse qui continue d’arracher les yeux à son partner, sur une invite qu’il n’a pas répondue. […] Je vous raconte simplement la chose ; dans un moment plus poétique j’aurais déchaîné les vents, soulevé les flots, montré la petite nacelle tantôt voisine des nues, tantôt précipitée au fond des abymes, vous auriez frémi pour l’instituteur, ses jeunes élèves et le vieux philosophe votre ami. […] Imaginez au devant de ce rocher, et beaucoup plus voisine, une fabrique de vieilles arcades, sur le ceintre de ces arcades une plate-forme qui conduisait à une espèce de phare. […] Il est bien plus aisé de démêler le vice d’un raisonnement que la raison d’une beauté ; d’ailleurs, l’une est bien plus vieille que l’autre. […] Une nation est vieille quand elle a du goût.

815. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Que celui de vous qui veut vivre vieux — me donne secours. […] … Hors d’ici, vieille chèvre ! […] Bien dit, vieille taupe ! […] Elles y trouvent le vieux duc, père de Rosalinde, qui, chassé de son État, vit avec ses amis en philosophe et en chasseur. […] Le vieux duc se trouve heureux de son exil.

816. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Pour eux, pour Pascal et pour Clotilde, ils ne font que recommencer l’histoire du vieux roi David et de la jeune Sulamite. […] Mais, comme l’a dit un vieux marin : « C’est dans le sang !  […] Vieux jeu, je le sais, mais beau jeu ! […] On l’a donc traîné depuis le moulin jusqu’à la vieille guérite de Rathdrum. […] Nous nous sommes rallié à son drapeau en disant, comme le vieux paysan de Godefroy Cavaignac : “Il ne s’agit plus de Bonaparte.

817. (1895) Hommes et livres

L’infatigable liseur, depuis qu’en son enfance il avait trouvé dans un vieux coffre des livres que les rats commençaient à ronger ! […] L’âge féodal dure encore ; l’ordre européen est fondé sur ces vieilles chartes que déchiffrent nos moines. […] Il fût tombé moins doucement, il eût vécu moins vieux s’il n’eût été que l’abbé Alberoni. […] C’est le « vieux jeu », qui n’est pas le pire. […] L’esprit n’y est pas toujours de qualité : il y a là beaucoup de « bourre », comme disait le vieux Malherbe.

818. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Un vieux noël salinois consacre un couplet à certain chanoine Magnin qui devait être, un grand-oncle, et en remontant on trouverait toujours dans les registres des couvents ou chapitres de la ville quelque religieux ou chanoine de ce nom de Magnin. […] Ampère, Duvergier de Hauranne), voyageurs intellectuels, éclaireurs toujours en mouvement, perçaient à jour la vieille poétique par des exemples frappants ou l’attaquaient par des raisons décisives. […] La Révolution de juillet 1830, qui ramena sur la scène tant de vieux masques et de revenants, fut aussi, dans une bonne moitié, la prise de possession du pouvoir par les hommes nouveaux et en définitive par les hommes jeunes, longtemps tenus à l’écart et évincés. […] Magnin que vieux, intimidé, paisible, et qui ne l’ont connu que comme un érudit ingénieux et patient, ne sauraient se faire idée de ce qu’il était alors dans le vif et le dégagé de sa polémique. […] Quand il en vient aux farces, à cette veine heureuse et riche de notre vieux théâtre, à cette première forme de la comédie, M. 

819. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Vieux ami des poëtes ! […] On ne sait rien d’ailleurs de précis ; il parlait peu de son passé et de ses aventures de jeunesse, ou du moins il n’en parlait qu’en courant, entre la coupe et les lèvres ; il en disait quelquefois : « J’écrirai tout cela un jour, quand je serai vieux ; » mais ce souvenir, chez lui, n’était qu’un éclair ; et l’abondance de la vie présente, le jet de chaque moment, recouvrait tout20. […] Dans un dîner du 2 fructidor an iv (1796), dix-sept gens d’esprit dont on a les noms, et parmi lesquels on distingue les deux Ségur, Deschamps, père des poëtes Deschamps d’aujourd’hui, Piis, Radet, Barré, Després, etc., posèrent entre eux les bases d’un projet de réunion mensuelle qu’ils rédigèrent le mois suivant en couplets ; c’était l’ère des constitutions nouvelles et des décrets de toutes sortes ; on ne manqua pas ici d’en parodier la formule : En joyeuse société, Quelques amis du Vaudeville, Considérant que la gaieté Sommeille un peu dans cette ville, Sous les auspices de Panard, Vadé, Piron, Collé, Favart, Ont regretté du bon vieux âge Le badinage Qui s’enfuit ; Et, pour en rétablir l’usage, Sont convenus de ce qui suit : et, après la rédaction rimée-de divers articles du règlement, la commission signait en bonne forme : Au nom de l’Assemblée entière, Paraphé, ne varietur. […] Il a, du premier jour et sans y songer, effacé le pâle Laujon, redonné la main aux maîtres gaulois de vieille race, et n’a pas été détrôné à cet endroit, même par Béranger. […] Mais Désaugiers était de l’ancienne race, de cette malice du bon vieux temps et d’avant Voltaire ; on lui pardonnait de rire comme dans les vieux noëls, sans que cela tirât à conséquence.

820. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

C’est plus joli, ces choses nouvelles, mais pourquoi est-ce que je regrette les vieilles et replace de cœur les portes ôtées, les pierres tombées ? […] Je ne sais si l’on doit croire à cette fatalité des jours. » XIV Un passage de Bossuet, qui atteignait à la mélancolie par la grandeur, surtout dans ses vieux jours, la frappe et se grave dans sa mémoire : « En effet, ne paraît-il pas un certain rapport entre les langes et les draps de la sépulture ? […] les vieux châteaux, avec leurs grandes salles, leurs meubles antiques, leurs larges fenêtres d’où l’on voit tout le ciel, les portraits de belles dames et de grands seigneurs, cela fait je ne sais quel plaisir à voir, à s’y voir errant de chambre en chambre. […] j’aime les vieux châteaux, et je me complais depuis un jour dans cette jouissance. […] Description de journées de joie et d’ennui dans son vieux château du Berry et de quelques courses jusqu’aux neiges de l’Auvergne.

821. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Les roues massives, les ridelles ou balustrades du chariot étaient tout encerclées de festons de branches en fleurs ; sur le plancher du chariot, grand comme la chambre où nous sommes, il y avait des chaises, des bancs, des matelas, des oreillers, des coussins, sur lesquels étaient assis ou couchés, comme des rois, d’abord les pères et les mères des fiancés, les frères et les sœurs des deux familles, puis les petits enfants sur les genoux des jeunes mères, puis les vieilles femmes aux cheveux d’argent qui branlaient la tête en souriant aux petits garçons et aux petites filles ; tout ce monde se penchait avec un air de curiosité et de bonté vers moi pour voir si l’éventail de la belle fiancée et les gouttes de rosolio de son sposo me rendraient l’haleine dans la bouche et la couleur aux joues. […] — Je vous le disais bien, reprit-elle, en se retournant avec un air de contentement vers son fiancé et vers ses vieux et jeunes parents qui regardaient tout émus du haut du char. […] Ces autres hommes, jeunes et vieux, et ces femmes qui tiennent des fiasques à la main ou qui jouent au jeu de la morra sur le matelas, sont les parents et les parentes du village de Buon Visi : les oncles, les tantes, les cousins, les cousines de nous autres ; ils viennent avec nous pour nous faire cortège ou pour se réjouir, tout le jour et toute la nuit, avec nous passer le jour de la noce à Lucques chez le bargello (le geôlier, officier de police dans les anciennes villes d’Italie) ; car, voyez-vous, cette belle fiancée, la sposa de mon frère, ce n’est ni plus ni moins que la fille unique du bargello de Lucques. […] Elles filent d’elles-mêmes, pourvu que les jeunes filles et les vieilles femmes leur apportent, quatre fois par jour, les feuilles de mûrier dans leur tablier, et qu’on leur change souvent la nappe verte sur la table, comme à des ouvriers délicats qui préfèrent la propreté à la nourriture. […] Je frissonnai, je pâlis, je chancelai sur mes jambes, comprenant bien qu’il s’agissait de Hyeronimo ; mais, comme je marchais derrière le bargello, il ne s’aperçut pas de mon trouble et il poursuivit : CLXXX Un des hommes est un vieillard de Lucques qui n’avait qu’un fils unique, soutien et consolation de ses vieux jours ; la loi dit que quand un père est infirme ou qu’il a un membre de moins, le podestat doit exempter son fils du recrutement militaire ; les médecins disaient au podestat que ce vieillard, quoique âgé, était sain et valide, et qu’il pouvait parfaitement gagner sa vie par son travail.

822. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Souvenez-vous des hautes et vastes collines, du vieux manoir à tourelles démantelées, jetant son ombre aux pieds des forêts sur les prés de la pente, du ruisseau qui coulait à voix basse sous la rangée de saules, dans le vallon auprès du château, des troupeaux de moutons sous la conduite du vieux berger qui montaient après que l’humidité malsaine était évaporée sur la colline élevée ; souvenez-vous des attelages luisants de bœufs qui descendaient pour labourer la glèbe dans les terres qui dominaient les prairies fumantes du paysage. […] Le domaine paternel, détaché des immenses domaines de mon grand-père, n’était pas considérable par son étendue, mais nous possédions en réalité tout le pays circonvoisin et toutes les familles rurales par la vieille affection qu’on portait au nom de mon père, aux vertus de ma mère, aux grâces naissantes de mes sœurs. […] Tout ce que je trouvais sous la main dans la petite bibliothèque très-expurgée et très-dépouillée de la chambre haute où les vieux livres de la maison gisaient épars sur les rayons. […] Tout ce que l’émigré nous racontait de la vie de Clotilde dans sa terre de l’Ardèche, et des malheurs de son petit-fils M. de Surville, découvrait ces chefs-d’œuvre inconnus d’une existence de son vieux château, de son long exil sur la terre étrangère, et de sa mort héroïque couronnant une si noble existence, toute cette vie de son aïeule dans ce pays reculé, sauvage, alpestre, au milieu des rochers, des torrents et d’une population d’habitants dont elle était la sœur et la mère, enfin toute cette poésie si longtemps ensevelie avec elle dans cet oubli, et ne ressortant que sous la pieuse et chevaleresque curiosité d’un arrière-petit-fils, nous faisaient rêver à tous des destinées semblables.

823. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Quand on sait ou qu’on devine beaucoup, qu’on est d’une vieille race fatiguée et sans naïveté, il peut arriver qu’on en souffre, et ce malaise redouble l’ardeur de connaître et de sentir ; il nous fait chercher l’oubli dans la curiosité croissante ou dans une sorte de sensualisme esthétique. […] Il est bien jeune et bien naïf, le vieux Kaïn, et trop dupe de son bon cœur. […] Et dans ton ciel mystique Tu rentreras, vêtu du suaire ascétique, Laissant l’homme futur, indifférent et vieux, Se coucher et dormir en blasphémant les dieux4. […] Le vieux barde de Temrah se tue sous les yeux du beau jeune homme inspiré qui, tour à tour, lui parle divinement du Christ et le menace sauvagement de l’enfer14; et les prêtres et les vierges se laissent massacrer en chantant par le chef chrétien Murdoch, un farouche apôtre15. […] Or, l’union de ces deux sentiments semble devoir être, dans l’art, le produit extrême d’une civilisation très vieille et très savante, comme est la nôtre.

824. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Les vieilles filles poitrinaires ont le droit de faire des vers lamartiniens que nous restons libres de ne point lire. Il est toutefois excessif d’élever un monument à une vieille prude parce qu’elle se crut idéaliste et qu’elle fit des vers lamartiniens. […] Faguet est vulgaire d’imprécision, sa syntaxe est une vulgarité lourde : « Le gouvernement, quand il voudra, les fera voter comme il voudra, comme il fait juger ses juges comme il veut qu’ils jugent. » — « Nous retombons dans cette considération de majorité et de minorité que nous avons vu qui, de l’avis même de Montesquieu, ne doit pas intervenir dans les questions de choses spirituelles. » La première de ces deux phrases est négligée, comme presque toutes les phrases de Faguet ; on y entend traîner de vieilles pantoufles misée en savates. […] Mais l’académie des Vandal et des Costa de Beauregard a suffisamment oublié le français pour serrer Faguet sur son vieux sein. […] Louis Arnould, professeur à l’Université de Poitiers, essaie de faire revivre ce vieux mort.

825. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

. — Suzanne entre les deux vieillards— du moins en voyons-nous un derrière elle, M. le marquis de Thonnerins, un vieux gentilhomme dont elle a été la maîtresse, et qui lui a donné cent mille écus de gages en la congédiant. […] Il y a du vieux garçon dans ce jeune homme qui se blottit, de si bonne heure, dans la coquille du petit rentier. […] Cependant, sur les instances de René, la comtesse vient de renvoyer le Scapin d’ancien répertoire qui lui servait d’intendant, et de prendre à sa place M. de Roncourt, un vieux gentilhomme ruiné par l’héritage de son frère, — cent mille écus de dettes qu’il a héroïquement endossés. Mais, en se ruinant, M. de Roncourt a sacrifié sa fille Élisa, une jeune fille qui sera bientôt une vieille fille. […] Les accusations arrivent trop tard, elles semblent fabriquées pour le besoin de la cause ; des actions véreuses, des pêches en eau trouble, d’anciens trous faits à de vieilles lunes ne suffisent pas pour rendre subitement odieux un caractère qui, jusque-là, n’avait pas semblé déplaisant. « Vous m’ennuyez à la fin ! 

826. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Dès qu’à la tribune sacrée,       De ses vieux défauts épurée, Il monte étincelant de génie et d’ardeur ; Des grands talents soudain la palme ceint sa tête,       Et l’art dont il fait sa conquête       Luit d’une plus vive splendeur. […]       Quel précoce amant de la gloire,       Dans ses yeux portant la victoire, Rompt tes vieux bataillons jusqu’alors si vaillants ? […] Grâce à lui, le blasphème, et piquant et frivole, Circulait embelli des traits de la gaîté ; Au bon sens il ôta sa vieille autorité, Repoussa l’examen, fit rougir du scrupule, Et mit au premier rang le titre d’incrédule. […] qui n’a parcouru, d’un pas mélancolique, Le dôme abandonné, la vieille basilique, Où devant l’Éternel s’inclinoient ses aïeux ? […] Écoutez le récit des crédules hameaux : Un fantôme, à minuit, dans la vieille chapelle, Par d’affreux tintements a troublé leur repos, Et chaque nuit amène une terreur nouvelle.

827. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Mais, s’il est immérité, par hasard, et qu’un second, plus vrai, plus justifié, n’en vienne pas couvrir la chance menteuse, on fait pis que de tomber, on sombre… Le Public, désabusé, de taupe devenu lynx, et furieux d’avoir été taupe, prend une revanche cruelle, et on paie en même temps pour la réalité nouvelle et pour la vieille illusion. […] Il n’y avait dans l’auteur de Fanny rien du tout… qu’un écrivain qui cherchait, n’importe où, le sujet d’un livre, et qui, ennuyé et dégoûté (avec juste raison) de cette éternelle tombola littéraire où l’adultère gagnait toujours, s’était dit : « Mais si je renversais la thèse pour faire du neuf… » et qui l’a renversée, qui a tout simplement retourné ce vieux gant sali… Daniel nous apprend aujourd’hui que dans l’auteur de Fanny il n’y avait pas davantage. […] Le Manfred bourgeois croisé de Werther, qu’il a appelé Daniel, ne sera pas la floraison et l’épanouissement d’une branche de plus sur cette vieille souche de types connus et coupables, et qu’il faut à présent couper au ras de terre pour tout le mal qu’elle nous a fait. […] En d’autres termes, c’est cette vieille et éternelle histoire, toujours vulgaire et toujours nouvelle, d’une femme séduite, enlevée et trahie par un homme, et que le romancier le moins éloquent, le moins pathétique et le moins habile, pourra toujours recommencer avec une inépuisable chance de succès, tout le temps que les hommes seront ce qu’ils sont, à si peu d’exceptions près, — de vrais jeunes gens jusqu’à la tombe. […] Il est impossible, en effet, que des rhétoriciens, si forts sur la division des vieux genres, ne sachent pas que le mélodrame est un drame où les entrées des personnages se font au son de la musique, ce qui n’arrive pas une seule fois (nous en donnons notre parole d’honneur !)

828. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

On ne saurait comprendre la belle pièce des Petites Vieilles si on n’y voit précisément quelque Feuille d’automne transposée entièrement, toutes les proportions et toutes les notes étant conservées, en un paysage urbain, où de l’humanité tombe en débris, avec le vieux rythme selon lequel, dans les vers des poètes, tombent les feuilles des arbres. […] que j’en ai suivi, de ces petites vieilles ! […] Elle correspond à un raffinement — appelez-le maladif si vous voulez — de civilisation dans un vieux pays. […] Son père et sa mère ont le tort d’être vieux, d’avoir des idées de vieillards. […] Il passe tristement le temps de la guerre à Saint-Maurice, auprès d’une femme neurasthénique et d’une vieille mère malade.

829. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Mais il est jeune et elle est vieille ; elle chevrote et radote : il parle. […] Voilà, quant au fond. — Quant à la forme, il remua la vieille langue et lui donna les allures de la vie. […] Car il faut être vieux pour s’intéresser exclusivement à sa sensation, pour l’observer et l’analyser, pour la suivre dans ses causes, ses accidents et ses effets. — L’homme moderne se fit vieux par réaction. […] Il y a de vieilles définitions, polies et usées par la citation et qu’on a un peu honte de rééditer. […] Les jeunes Naturalistes — ils sont déjà bien vieux ! 

830. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Nulle splendeur, nulle couleur dans son récit : son style est tout à fait nu, jamais de figures ; on peut lire dix mille vers de ces vieux poëmes sans en rencontrer une. […] Ils s’y attachent comme nos vieux érudits aux vers latins ; ils se francisent comme ceux-ci se latinisaient, de force, et avec une sorte de crainte, sachant bien qu’ils ne sont que des écoliers et des provinciaux. […] Est-ce que la vieille souche sur laquelle sont venues se greffer les brillantes fleurs continentales n’a produit aucune pousse littéraire qui lui soit propre ? […] C’est que cette vieille poésie populaire n’est pas l’éloge d’un bandit isole, mais de toute une classe, la yeomanry. « Dieu fasse miséricorde à l’âme de Robin Hood,  — et sauve tous les bons yeomen !  […] On sait que l’original où Wace a puisé pour sa vieille Histoire d’Angleterre est la compilation latine de Geoffroy de Monmouth.

831. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Machiavel serait inexplicable pour eux, Bossuet serait trop beau, Tacite est trop vieux. […] En somme il n’est pas assez sûr des antécédents de ces vieux monarques. […] C’est le vieux Rhin allemand qui déplore sa mauvaise destinée. […] Heine, le bon vieux fleuve, plus sensé que l’intrépide Prussien, M.  […] Ils ont perdu des tours, des églises, la vieille bourse ; mais ils ont sauvé la banque et les gros livres.

832. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Les vieux la voient venir avec angoisse, car ils craignent de ne pas être témoins de sa fin. […] Entre les fenêtres se hérissent des trophées d’épées, poignards, masses d’armes et vieux pistolets à rouet. […] La vieille scolastique voulait faire de la philosophie la « servante de la théologie ». […] Puis l’infâme… Si la vieille folie était encore en route ? […] Ils organisèrent en l’honneur de Moréas un banquet où, au dessert, on l’adora comme le libérateur qui brisait les vieilles formes et les vieilles idées, comme le Sauveur qui amenait le royaume de Dieu de la vraie poésie.

833. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

C’était un reste des vieilles opinions, qui tenaient le commerce à déshonneur. […] Pénétrez dans ces forêts américaines aussi vieilles que le monde, etc., etc. […] C’est agir comme le vieux Caton, et parler comme le vieux Corneille. […] Ma vieille expérience lui en marquera les écueils ; et, en bon frère d’armes, je me réjouirai de ses succès. […] Car, entre nous, je le soupçonne de se connaître en littérature un peu mieux qu’il ne convient à un chevalier du vieux temps.

834. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

N’est-ce pas une stance, carrée et massive, dans la forme du vieux Malherbe, que ce début de la Besace ?‌ […] Sa famille était de vieille noblesse italienne. […] Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. […] Toutes périphrases au fond desquelles se retrouve la vieille conception utilitaire. […] Il est lui-même spirituel et ironique, ou, pour employer la vieille formule toujours vraie, il est blagueur.

835. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Ils mangent et boivent, bâtissent et défrichent, surtout pullulent : les peuplades éparses qui ont passé la mer sur des bateaux de cuir deviennent une forte nation compacte, trois cent mille familles, riche, pourvue de bétail, largement épanouie dans l’abondance de la vie corporelle, à demi assise dans la sécurité de la vie sociale, avec un roi, des assemblées respectées et fréquentes, avec de bonnes coutumes judiciaires ; chez elle, parmi les fougues et les violences du tempérament barbare, la vieille fidélité germanique maintient les hommes en société, pendant que la vieille indépendance germanique maintient l’homme debout. […] Il gronde et beugle éternellement, le vieux monstre rauque, et le train aboyant de ses vagues avance comme une armée infinie devant laquelle toute force humaine doit plier. […] Les vieilles forêts antédiluviennes, en accumulant ici les aliments du feu, y ont emmagasiné la puissance qui remue la matière, et la mer fournit le vrai chemin sur lequel la matière peut être transportée. […] D’ailleurs toutes les personnes convenables sont aux offices ; les bancs regorgent ; et ce ne sont pas les servantes, comme chez nous, les vieilles femmes, quelques rentiers assoupis, une volée de dames élégantes qui sont là ; ce sont des gens bien vêtus, ou du moins proprement habillés, et autant de gentlemen que de femmes. […] Ainsi parlent les vieilles et graves prières, les chants sévères qui roulent dans le temple, soutenus par l’orgue.

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