Saint-Pol-Roux a écrit la tragédie de la Mort d’une autre façon que M. […] Qu’un admirable poète, Saint-Pol-Roux, ait inventé cette image et fait, autour, bondir les passions d’une tragédie, c’est un espoir d’humanité rêveuse.
Cette pièce est divisée en trois actes : le premier est une comédie, le second une pastorale, et le troisième une tragédie ; le tout est écrit en prose mêlée de quelques stances disposées pour le chant. […] Les Fêtes théâtrales, dans lesquelles tous les genres se confondaient, remplacèrent et la comédie et la pastorale, et l’opera musicale proprement dit, et même l’ancien mystère ou tragédie sacrée.
Elle flaire un mystère, une tragédie. […] Je vois clairement que c’est une émouvante tragédie. […] Vous n’avez en vous ni ressouvenir ni désir de tragédie. […] Leitner ne jouera pas la tragédie, voilà tout. Il n’est jamais nécessaire de jouer la tragédie.
Et ce touchant et ensorcelant chef-d’œuvre de Juliette et de Roméo, ce n’est pas la tragédie qui intervient pour l’accomplir et pour le terminer, non ! ce n’est pas cette tragédie, toute pathétique qu’elle soit, qui peut nous étonner dans ce père de tant de tragédies, dans ce remueur de choses terribles, qui les pousse pêle-mêle du pied de son génie, comme le fossoyeur qu’il a inventé dans Hamlet remue les têtes et les os de morts à la pelle ! Mais ce qui nous étonne bien plutôt et a le droit de nous étonner, c’est la ravissante comédie qui précède cette tragédie épouvantable, cette foudre qui tombe d’un ciel bleu ! […] C’est la comédie encore plus que la tragédie qui fait le mérite sans pareil du poète anglais dans son drame de Roméo et Juliette. […] Ainsi, je parlais de paternité il n’y a qu’un moment, — mais, dans cette pièce, où tous les sentiments qui ont pour souche la paternité sont aux prises, il y a bien plus que la tragédie du sentiment paternel qu’on frappe et qui saigne !
L’objet de la tragédie en Grèce, Aristote nous l’a dit, c’est d’exciter la terreur et la pitié. […] Je comprends que la tragédie classique, telle que je viens de la définir et de l’expliquer, ait beaucoup de peine à plaire aux hommes de notre temps : c’est que nous préférons en tout le sensible à l’intelligible ; pour que le cœur humain nous intéresse, il faut qu’il soit mêlé à des événements réels plus ou moins semblables à ceux que nous connaissons. […] Chapelain, Conrart et tant d’autres oubliés auraient provoqué et dirigé les comédies de Molière et les tragédies de Racine ? […] La philosophie faisait table rase avec Descartes de tout le passé, la tragédie cherchait des héros dans la fable antique, dans l’histoire turque ou romaine, jamais en France.
De ce four, pour nous servir de ce terme assez plaisant, sont sortis différens Ouvrages, tous marqués au même défaut de coction & de maturité : des Héroïdes, qui, avec de l’aisance & de la douceur, manquoient absolument de cette énergie, de cette chaleur, de cette variété, de ces mouvemens qui font vivre le style & annoncent le Poëte vivant : des Poëmes, des Odes, des Epîtres, sans verve, sans goût, & dont l’unique effet a été de faire partager la honte de leur médiocrité aux Académiciens qui ont couronné plusieurs de ces Pieces : des Tragédies, qui, à l’exception de Warwick, ne s’élevent pas au dessus des Productions scholastiques ; & encore sur ce Warwick, M. de la Harpe peut-il dire, mille bruits en courent à ma honte. […] Magnan, d’un Pere Kéli, qui se mêloient de faire des Tragédies ; &, si la Tradition est vraie, la Piece, après avoir paru sur un Théatre de Collége, seroit venue se montrer sur celui de la Capitale, sans autre façon que de petits changemens, qui, dit-on, ne l’ont pas embellie.
Il en fit d’abord une tragédie qu’il a laissée à moitié, ensuite un poëme épique qu’il a fini. […] M. de Voltaire, sollicité par eux, vient d’attirer chez lui cet unique rejetton du père de notre tragédie.
Le poëte tragique doit atteindre le dégré de perfection où il est capable de monter, de meilleure heure que le poëte comique, le génie et une connoissance generale du coeur humain, telle que la donnent les premieres études, suffisent pour faire une tragédie excellente. […] Despreaux, quand il fit joüer Andromaque, qu’on peut regarder comme la premiere tragédie de ce grand poëte.
La tragédie française est ce que, dans notre race, devait donner la tradition antique à la cour de Louis XIV. […] Je comprends bien pourquoi il y a eu une tragédie française : mais pourquoi l’individu Corneille, pourquoi l’individu Racine ont-ils fait des tragédies ?
On a loué madame Racine de n’avoir jamais lu les tragédies de son époux. […] Un acteur, qui jouoit dans une de ses tragédies, fut prêt, un jour, d’être interrompu & chassé du théâtre, pour avoir rendu une maxime pernicieuse, dont on ne vit le contrepoison qu’au dénouement de la pièce. […] Un fameux peintre à portrait l’a représenté appuyé sur un bureau, ayant devant lui les œuvres de son illustre père, & sous ses yeux, ce vers d’Hippolyte, dans la tragédie de Phèdre : Et moi, fils inconnu d’un si glorieux père, Je suis encore loin… *.
« Ses imitations de poètes étrangers et ses essais malheureux dans la tragédie ont occupé Molière jusqu’à sa quarantième année. […] On s’imagine les causeries de ces trois hommes illustres, les conseils donnés par le créateur de la tragédie française à celui qui allait créer la comédie humaine. […] On le trouvait cependant inférieur dans les rôles tragiques, et même exécrable dans les personnages de la tragédie ; mais M. […] Il ne joua guère en effet de tragédie qu’à cette époque. […] Elle représentait à la fois les reines dans la tragédie et les soubrettes dans la comédie.
Il semblait qu’il y eût du nouveau à tenter dans la tragédie après Corneille et Racine. […] Le spectacle, la pompe, une vaste scène, ajoutent à l’effet de la tragédie ; ils mettent les portraits dans leurs cadres. […] Ce serait peut-être le bon moyen ; mais alors le drame se renie lui-même, et devient malgré lui la tragédie. […] Selon lui la tragédie grecque et la tragédie française ne touchent point. « Enlever, agiter, transporter, bouleverser le spectateur », voilà le but de l’art. […] Lamotte-Houdart n’avait pas si tort de n’en pas vouloir, même pour la tragédie, et de faire un Œdipe non rimé.
Il opposait l’impression fâcheuse qu’il avait reçue de la traduction de L’Iliade à celle que lui avait faite en sens contraire une traduction en prose de la tragédie de Caton, d’Addison : Cette traduction, disait-il, quoique inélégante, m’a donné une très haute idée de l’original, Je vois dans le poète anglais la grande partie qui caractérise notre Corneille. […] Prenant le sujet de Titus et Bérénice dont Racine a fait une tragédie, il montre comment, en le traitant narrativement, on pourrait en faire aussi bien un poème épique. […] Mœurs, caractères, il traite tout cela avec le même esprit de simplification. « Le mot de mœurs, appliqué singulièrement aux personnages du poème, n’est autre chose que les penchants habituels et les sentiments qui constituent le caractère du personnage. » Le but moral comme l’entend Mme Dacier, le but d’instruction expresse, le dessein prémédité de former les mœurs, il ne le voit pas, — pas plus dans Homère que dans Racine : Racine, dit-il, n’a pas blessé la morale dans ses tragédies ; je vois bien des gens qui les envisagent comme des poèmes favorables aux mœurs, mais ils ne font pas pour cela honneur à Racine de ne s’être proposé aucune autre fin que l’instruction. La fin générale que s’est proposée Racine dans ses tragédies, c’est le plaisir de ses auditeurs : il a donc voulu plaire, en excitant dans les âmes ces émotions vives qui naissent de l’admiration, de la compassion, de la terreur.
Don Carlos a été longtemps réputé sujet de roman et de tragédie. […] Et pourtant il est heureux pour Sophocle et Euripide, et pour l’honneur entier de leurs tragédies, que la légende ait régné dans l’antiquité sans partage, et nous ne pouvons savoir toute la gravité de l’échec qu’auraient subi leurs héros si l’on avait retrouvé au temps d’Aristote la correspondance d’Oreste et si l’on avait publié les papiers de Simancas de la famille d’Agamemnon. Aujourd’hui donc, c’en est fait de toute tragédie au sujet de don Carlos. […] Il n’y a plus rien des fictions de Saint-Réal, ni des rêves généreux et des crimes atroces mis en tragédie par Schiller et Alfieri.
Les traductions de quelques ouvrages d’Aristote n’impliquent aucune intelligence de la langue ni surtout de la pensée grecques : on lisait la Poétique, et nous voyons, dans un traité de métrique du xive siècle, les poèmes de Lucain et de Stace donnés comme exemples de tragédies. […] Puis on publie une grammaire, un dictionnaire, en 1523 deux chants de l’Iliade, en 1528 sept tragédies de Sophocle. […] Et, la première peut-être, la reine de Navarre a noté, entre la passion physique, seule connue aux conteurs bourgeois, et la passion intellectuelle, idée des lyriques courtois, une autre passion, qui est la vraie, la pure passion de l’âme, celle des tragédies de Racine170. […] Ce recueil de mésaventures conjugales, de tragédies galantes et de drôleries antimonastiques n’est immoral que selon les convenances de notre siècle : mais on sait combien les convenances sont chose relative et variable.
Judith, tragédie sacrée, s’est ressentie, à vingt ans de distance, de ce genre faux du poème de la Madeleine et de ces premiers séraphins de convention et de salon, qui étaient si dignes de figurer dans la chapelle de Mgr l’abbé duc de Rohan. […] Jouée pour la première fois au Théâtre-Français, le 13 novembre 1847, cette tragédie eut quelques soirs de succès, j’étais à cette première représentation, et j’en jouis encore, ainsi que de toute cette salle brillante, de cette foule d’élite, de cette jeunesse élégante et empressée à un triomphe que personne n’avait le mauvais goût de contester. […] Évidemment le premier genre Soumet est détrôné ; on sent que Théophile Gautier est venu, et que, tout à côté de l’auteur, il s’est beaucoup moqué de l’ancienne tragédie. […] Après cela, est-ce une tragédie que Cléopâtre ?
. — Tibère, tragédie de Marie-Joseph Chénier, au Théâtre-Français. — Article scandaleux de Janin 158 XXXIX. — Préface d’Ève, par Léon Gozlan 164 XL. — Réponse au Journal du Léman166 166 XLI. — Année stérile. — Article de M. […] Victor Hugo à la pairie. — Jasmin décoré de la Légion d’honneur 313 LXXIX. — A propos de la tragédie de Virginie, par M.
En conséquence, La Motte fait des tragédies en prose, des odes en prose. […] Antoine Houdar de la Motte, né à Paris en 1672, composa des opéras, des tragédies et des comédies ; Inès de Castro eut un grand succès en 1723.
Après le grand William Shakespeare, de qui les barbares tragédies bouleversèrent toutes nos conceptions de la Beauté vers le temps où les femmes se nommaient Corinne, Paméla — après Schopenhauer, si noir, si hypocondre, en compagnie duquel nous nous sommes souillés d’une épaisse tristesse, ce furent Wagner, Nietzsche et Ibsen qui nous tinrent dans une servitude spirituelle. […] Rousseau conta les amours de Julie, dans le but unique de tromper son cœur et d’utiliser les flammes de sa passion, la plupart des auteurs ne composent des odes et des tragédies que par une sorte de subterfuge à l’aide duquel ils oublient leur fortune, les voluptés que leur refusent d’exquises amantes et les guerrières expéditions à quoi semblaient les destiner leurs mérites et leurs sentiments.
Ce qui l’aigrit contre Quinault, ce ne fut pas tant ses opéra que ses tragédies. […] Boileau ne put souffrir qu’on mît dans la même balance Astrate, Stratonice, Amalazonte, Pausanias, & les tragédies de Racine. […] Cette persécution violente contre Quinault & la douceur naturelle de son caractère, qui ressembloit à celle de ses vers, furent cause qu’il abandonna la tragédie pour l’opéra.
Il débuta au Théâtre-Français par la comédie en vers des Fils ingrats, en 1728 ; et en 1730, par la tragédie de Callisthène. […] Après la tragédie, la farce. […] Grimm la jugeait ainsi, bien des années après, en mars 1766, à l’occasion de la pièce de La Harpe sur le même sujet : « Notre Piron a fait une tragédie de Gustave, il y a une trentaine d’années. […] Tout cela est fait à la française ; mais aussi longtemps que nos auteurs dramatiques ne sauront pas peindre les mœurs des personnages qu’ils mettent sur la scène, ni l’esprit des peuples et des siècles dont ils empruntent leurs sujets, je regarderai leurs pièces comme des ouvrages faits pour amuser ou épouvanter des enfants ; mais jamais je ne les croirai dignes de servir d’instruction et de leçon aux souverains et aux nations ; c’est pourtant là le véritable but de la tragédie. » Il nous est impossible aujourd’hui, — à moi du moins, — de nous former une idée nette de ces pièces, surtout des tragédies d’alors, ni d’y saisir quelque différence à la lecture ; elles me semblent à peu près toutes pareillement insipides et d’un ennui uniforme. […] « Je me rappelle, disait Fréron, l’avoir entendu dans une société déclamer ainsi toute sa tragédie de Fernand Coriez, qu’il avait entièrement composée de mémoire, et dont il n’avait pas encore écrit un seul vers. » Il se montait à lui-même la tête en récitant d’un air de rhapsode, et il se refusait ensuite aux corrections et observations des comédiens. — Mais Voltaire, lui disait-on, s’y prête bien et corrige. — « Il travaille en marqueterie, répondait Piron ; moi, je jette en bronze !
Dans cet ensemble de leçons, il aborde successivement les différents genres de poésie, l’épopée, l’ode, la tragédie, la satire, le poème didactique, l’églogue, la fable. […] Il ose dire, par exemple, que la tragédie classique est morte et de sa belle mort « de mort naturelle » ; que le drame est désormais la seule forme possible.
Deux excellens Poëmes Latins, l’un sur la Tragédie, l’autre sur la Peinture, lui ont mérité un nom distingué dans les Lettres. […] « Les deux Poëmes Latins de M. l’Abbé de Marsy, l’un sur la Peinture, l’autre sur la Tragédie, sont presque dignes de Virgile & d’Horace, & fort au dessus de Lucrece, autant qu’on en peut juger dans ce Siecle ».
Mais que donnez-vous aux héros des sereines épopées et des majestueuses tragédies ? […] Enfin de tous ces héros de tragédie ou d’épopée il n’en est pas un qui à son heure ne lui communique un austère et religieux enseignement.
Les étrangers n’adoptent point les comédies et les tragédies des autres nations avec le même empressement ni le même respect pour les auteurs, qu’ils adoptent les nôtres. Les étrangers traduisent nos tragédies, mais ils se contentent d’imiter celles des autres nations.
On trouve dans le Jules César de Shakespeare une imitation éloquente et forte de ce discours d’Antoine ; et le même morceau, fort embelli dans la tragédie française de La Mort de César, est sûrement un des discours les plus éloquents qu’il y ait jamais eu dans aucune langue. […] Il avait fait un poème sur la Sicile, et une tragédie d’Ajax.