Gare au coup de sang de l’empereur Nicolas !
Lorsque, arrêtée sur les plaines de Lens ou de Fontenoy, au milieu des foudres et du sang fumant encore, aux fanfares des clairons et des trompettes, une armée française, sillonnée des feux de la guerre, fléchissait le genou, et entonnait l’hymne au Dieu des batailles ; ou bien, lorsqu’au milieu des lampes, des masses d’or, des flambeaux, des parfums, aux soupirs de l’orgue, au balancement des cloches, au frémissement des serpents et des basses, cette hymne faisait résonner les vitraux, les souterrains et les dômes d’une basilique, alors il n’y avait point d’homme qui ne se sentît transporté, point d’homme qui n’éprouvât quelque mouvement de ce délire que faisait éclater Pindare aux bois d’Olympie, ou David au torrent de Cédron.
Il n’y a pas encore bien longtemps que le sang nous faisait horreur.
Je m’étends sur les couvertures, lorsque Thessein revient, écumant, les yeux injectés de sang, furieux. […] Tu te figures que tu es de chair, de sang et d’os ? […] Son sang fatal, de ci, de là, Sur la ronce éparse coula. […] Voici l’heure Où ton sang coulera comme un ruisseau vermeil ! […] Celle qu’un sang farouche et radieux arrose !
Ainsi il qualifie le même Victor Hugo de « Parisien pur sang ou impur sang, comme on voudra ». […] Sur la mer Rouge, les bateaux laissent un sillage couleur de sang. […] Voilà, n’est-il pas vrai, un sang qui a menti. […] Il parle, je ne sais où, de la fougue du sang malouin. […] Elle a du sang de corsaires dans les veines.
Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu. […] … Je me suis demandé si cela ne pourrait pas venir encore de ce que Corneille, né à Rouen, a du sang normand dans les veines. […] du sang de mon père encor toute trempée ! […] Prêts à verser du sang, regardez-vous des pleurs ? […] Le monde dirait : « Il n’est pas du sang de Talbot, celui qui a fui lâchement, quand le noble Talbot restait !
Un soufflet est l’avant-coureur du sang qui doit couler pour l’expier, suivant les maximes inexorables du point d’honneur reçues dans le monde et au théâtre. […] Une jeune fille ne doit demander le sang de personne : cela répugne au caractère de son sexe ; la nature ne lui a point donné une voix douce pour faire entendre des cris de mort. […] Le résultat fut une guerre qui eût été longue et meurtrière, si l’on n’eût trouvé le moyen de la terminer sur-le-champ par un combat singulier qui épargna bien du sang. […] Celle qui avait dit avec tant d’emphase : Et c’est vendre son sang que se rendre aux bienfaits, finit par vendre elle-même son sang, et se rend au bienfait d’Auguste qui lui donne la vie. […] L’opinion sur Auguste est une affaire de calcul : il a fait pendant trente ans le bonheur du monde ; il a épargné infiniment plus de sang qu’il n’en a répandu.
Il trouvait que le tout était fortement mêlé de vers à la moderne, à la Victor Hugo ; il me citait, par exemple, cette apostrophe de Brutus qui se dit à lui-même de dissimuler encore : Noble sang des aïeux, qui me gonfles le cou, Redescends, indigné, dans les veines du fou !
Si elle écrit au courant de la plume une page qui est un chef-d’œuvre, c’est qu’elle avait au cours de toute sa vie lu, pensé, causé ; c’est que dans son intelligence toujours active les sentiments, les idées circulaient incessamment comme le sang dans son corps et entretenaient la vie ; que toute son âme était toujours debout, prête au service, et que chaque mot, chaque phrase était le produit et l’expression de toute son existence intellectuelle et morale.
Dêdé alors se lava les mains dans le sang de l’aventurière150 et prit la place à laquelle elle avait droit.
Quelle plus vile profession de foi d’un matérialisme absolu, réduisant toute la sociabilité, même celle de l’amour, de la génération et du sang, à la grossière sensation de la peine, du plaisir, ou des besoins physiques dans le père, dans la mère, dans l’enfant, blasphème qui donne pour toute moralité à cette trinité sainte de la famille, quoi ? […] Il s’approprie, par l’acte même de la respiration, l’air nécessaire au jeu de ses poumons et à la circulation de son sang, et, si on l’en dépossède, il étouffe, il meurt exproprié de sa part d’air respirable. […] Cette contagion a possédé Platon, les premiers économistes populaires, affamés de l’école néo-chrétienne, les sectaires musulmans de la Caramanie et de la Perse, les anabaptistes allemands, ivres de sang et de rêves, et enfin les philosophes prolétaires de nos jours, insensés de misère, vivant du travail industriel, et demandant l’extinction du capital pour multiplier le revenu, l’anéantissement du travail pour multiplier le salaire, et l’égalité du salaire pour égaliser l’oisiveté avec le travail ! […] L’expulsion du toit et du champ paternels, la mendicité aux portes des seuils étrangers, la glane dans le sillon sans cœur, le vagabondage à travers la terre, la couche sous le ciel et sur la neige, la séparation des membres errants de la même chair, le déchirement de tous ces cœurs qui ne faisaient qu’un, la destruction de la parenté, cette patrie des âmes, cet asile de Dieu préparé, réchauffé, perpétué pour la famille ; les mœurs, l’éducation des enfants, la piété filiale et la reconnaissance du sang pour la source d’où il a coulé et qui y remonte par la mémoire en action qu’on appelle tendresse des fils pour leur père et leur mère ; tout cela (et c’est tout l’homme, toute la société), tout cela, disons-nous, périt avec l’hérédité des biens dans la loi.
Car la seule digne histoire du sang et du rêve, n’est-ce pas de l’initial Tressaillement du prime plasma qui veut sentir à l’extase de l’homme génial, de la dualité alvine et idéale qui… […] — Caillot de sang, l. cruor, sang. […] Les mouvantes, mouvantes aurores des taches hectiques aux pommettes de sa sœur et les lunules de sang à ses mouchoirs.
Mazarin ne versait point de sang ; il en a peu répandu, c’est qu’il aimait mieux sucer en détail celui de tous. […] Il détestait d’instinct les grands, la noblesse, les princes du sang même : il les raille, il les méprise, il les appelle anthropophages ; il a, en s’exprimant, de ces hyperboles à la Juvénal et à la d’Aubigné, et qui font rire. […] Diafoirus dit en parlant de son fils : « Mais sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine. » Les créations comiques de Molière sont immortelles en ce qu’elles ont pied à tout moment dans la réalité.
Pour Néron, tout pur de sang qu’il est encore, son naturel féroce gronde depuis longtemps en son âme et n’épie que l’occasion de se déchaîner ; il a déjà essayé d’un poison lent contre Britannicus. […] La scène se passe sous un péristyle grec un peu nu, et je me sens déjà moins disposé à admettre le sacrifice de sang et l’immolation par le couteau sacré, que si le poëte m’avait transporté dans ce temple colossal où Salomon, le premier jour, égorgea pour hosties pacifiques vingt-deux mille bœufs et cent vingt mille brebis. […] Quand il arme les lévites, et qu’il leur rappelle que leurs ancêtres, à la voix de Moïse, ont autrefois massacré leurs frères (« Voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : « Que chaque homme place son glaive sur sa cuisse, et que chacun tue son frère, son ami, et celui qui lui est le plus proche. » Les enfants de Lévi firent ce que Moïse avait ordonné. »), il délaie ce verset en périphrases évasives : Ne descendez-vous pas de ces fameux lévites Qui, lorsqu’au dieu du Nil le volage Israël Rendit dans le désert un culte criminel, De leurs plus chers parents saintement homicides, Consacrèrent leurs mains dans le sang des perfides, Et par ce noble exploit vous acquirent l’honneur D’être seuls employés aux autels du Seigneur ?
La génération qui nous suivra examinera peut-être aussi la cause et l’influence de ces deux années ; mais nous, les contemporains, les compatriotes des victimes immolées dans ces jours de sang, avons-nous pu conserver alors le don de généraliser les idées, de méditer des abstractions, de nous séparer un moment de nos impressions pour les analyser ? […] et le courage de tant d’armées, et le sang de tant de héros serait-il versé au nom d’une chimère dont il ne resterait que le souvenir des crimes qu’elle a coutés. […] Ceux qui détestent les principes de la constitution de France, qui se montrent les ennemis de toute idée libérale, et font un crime d’aimer jusqu’à la pensée d’une république, comme si les scélérats qui ont souillé la France pouvaient déshonorer le culte des Catons, des Brutus et des Sidney : ces hommes intolérants et fanatiques ne persuadent point par leurs véhémentes déclamations les étrangers philosophes ; mais que l’Europe écoute les amis de la liberté, les amis de la République Française, qui se sont hâtés de l’adopter, dès qu’on l’a pu sans crime, dès qu’il n’en coûtait pas du sang pour la désirer.
Il suffit des moindres notions physiologiques pour savoir qu’elle est un état d’équilibre instable, lequel dépend de l’état non moins instable du cerveau, des nerfs, du sang et de l’estomac. […] Il s’assoupit, à moins que la voix vibrante ne réveille en lui par contagion les instincts de la chair et du sang, les convoitises personnelles, les sourdes inimitiés qui, contenues par une discipline extérieure, sont toujours prêtes à se débrider. — Chez le demi-lettré, même chez l’homme qui se croit cultivé et lit les journaux, presque toujours les principes sont des hôtes disproportionnés ; ils dépassent sa compréhension ; en vain il récite ses dogmes ; il n’en peut mesurer la portée, il n’en saisit pas les limites, il en oublie les restrictions, il en fausse les applications. […] Il y en a plusieurs, et des plus forts, qui, livrés à eux-mêmes, ne feraient que du ravage. — En premier lieu, s’il n’est pas sûr que l’homme soit par le sang un cousin éloigné du singe, du moins il est certain que, par sa structure, il est un animal très voisin du singe, muni de canines, carnivore et carnassier, jadis cannibale, par suite chasseur et belliqueux.
Un enfant de huit ans, Jean Galéas, hérita de ce sang. […] Il ne fallait qu’un événement pour passionner l’enthousiasme de ce peuple et du sang pour sacrer cette monarchie de l’opinion. […] Bandini, plus résolu, se jeta sur lui avec son poignard encore dégouttant du sang de Julien ; mais il rencontra François Nori, un des familiers des Médicis, accouru au secours de son maître, qui le fit tomber mort à ses pieds.
Pas une goutte de sang ne pesait sur son âme ; il s’était borné à être ce qu’avait été son père, un grand citoyen. […] Par cet amour qui vous fait embrasser tout le genre humain, qui vous a fait descendre du ciel et revêtir notre humanité nue, qui vous a fait souffrir la faim, la soif, le froid, la chaleur, le labeur, les moqueries, le mépris, les coups, la flagellation, la mort enfin sur une croix ; par cet excès d’amour, ô mon Sauveur Jésus, je vous supplie et vous conjure de détourner vos regards, votre face de mes péchés, afin que cité à comparaître devant votre tribunal, ce que je sens devoir être très-prochain, je ne sois pas puni pour mes fraudes, mes péchés, mais pardonné par les mérites de votre croix : qu’il plaide, qu’il plaide en ma faveur, ce sang, le plus précieux de tous, que vous avez répandu sur ce sublime autel de notre rédemption, et pour rendre l’homme libre, donner à l’homme la liberté. » Après ces paroles et d’autres encore, devant tous les assistants en pleurs, le prêtre ordonna qu’on le relevât et qu’on le mît dans son lit pour qu’on lui administrât plus facilement le sacrement : il s’y opposa d’abord ; mais, de crainte de manquer d’obéissance au vieillard, il se laissa fléchir, et répétant avec fermeté les paroles sacramentales, déjà sanctifié et vénérable par une sorte de majesté divine, il reçut le corps et le sang du Seigneur.
Homère, Il errait, poursuivant, fidèle à tous ses dieux, Sa beauté, — strophe ardente ou marbre radieux, — Où coulât le sang pur de la Gaule, sa mère ! […] Et poussant bien fort de longs cris d’alarmes, Ils t’ont refusé blessure et tourments, Parce que ton sang, parce que tes larmes Étaient des rubis et des diamants.
Je te vois fier Lucain, c’est sous un Néron que tu composes ton Poëme ; c’est à son orgueil barbare que tu osas disputer la palme de la Poësie, c’est toi qui péris à vingt-sept ans pour la liberté ; les flots de ton sang rougissent ton bain, tu souris, & tu abandonnes un monde où ne pouvoit plus respirer un homme. […] Sans l’amour sacré de la liberté & d’une noble vengeance, où auroit-il trouvé le courage d’écrire l’histoire de monstres paîtris de sang & de boue ?
Alors dans les vastes pensées d’une sublime méditation, le livre antique lui tombe des mains, le soufle inspirateur se répand dans son ame, son cœur s’échauffe ; son imagination s’allume, un frémissement délicieux coule dans ses veines, l’enthousiasme le saisit ; sur des aîles de feu, son esprit s’élance, il franchit les limites du monde, il plane au haut des Cieux : là, il contemple, il embrasse la vertu dans sa perfection, il s’enflamme pour elle jusqu’au ravissement & à l’extase, je vois son front riant tourné vers le Ciel, des larmes de joie coulent de ses yeux, l’amour sacré du genre humain pénetre son cœur d’une vive tendresse, son sang bouillonne ; la rapidité de ses esprits entraîne celles de ses idées ; c’est alors qu’il peint avec sentiment, qu’il lance les foudres d’une mâle éloquence, qu’il crée ces chefs-d’œuvres l’admiration des siécles ; il donne l’ame, la vie, ou plutôt il embrâse tout ce qu’il touche. […] Je goûterai tes images tour à tour sublimes & gracieuses, & cette chaîne d’or qui tient l’Univers suspendu devant le maître des Dieux, & la ceinture de la mere des graces, & le sang immortel de Venus qui coule sous la lance du fougueux Diomede, & Junon qui sur le mont Ida enveloppé d’un nuage impénétrable aux rayons du Soleil, désarme dans ses bras le Dieu qui lance la foudre ; tout sera pour moi un tableau de la Nature, tout m’offrira sous d’aimables fictions l’emblême de la vérité.
L’instinct du sang ne saurait être aboli à ce point dans l’âme d’un fils par les plus graves fautes de son père. […] La nature humaine est faite de chair et de sang, de va-et-vient et d’alternatives, de sentiments qui luttent et se contredisent : elle n’est point fabriquée avec des ressorts montés et pointés sur une idée fixe.
Sacrifie-lui ton or, et ton sang qui est plus que ton or, et ta pensée qui est plus que ton sang, et ton amour qui est plus que ta pensée ; sacrifie-lui tout, excepté la justice.
Cette pureté en Madame Récamier, qu’elle conserva et qui le lui rendit, cette pureté était en elle comme le cours du sang et le mouvement des yeux, comme tout ce qu’il y a de plus involontaire, et faisait d’elle le Génie, sous la forme la plus parfaite, de ces sentiments qui n’ont pas de sexe parce qu’ils sont plus divins que les autres : la Bonté, la Pitié, l’Amitié… L’amitié était, en effet, pour l’âme de Madame Récamier, la limite de la passion humaine, et jamais elle ne la dépassa pour entrer dans un sentiment plus troublé. […] Personne ne faisait plus vite et d’une main plus douce Une ligature à ces vanités qui s’en vont tachant tout de leur vilain sang empoisonné, et n’en fermait mieux la blessure.
Car l’un des deux plus grands poëtes, depuis le chantre de l’Iliade, Eschyle, était initié à la secte de Pythagore, partageait son horreur du sang des animaux, et alliait également aux spéculations sur le système de l’univers l’enthousiasme de la vertu. […] Si par égarement quelque génie a souillé de sang sa substance, parmi ceux-là même qui ont en partage la vie céleste, il est, pendant trois mille saisons, banni loin des bienheureux.
Par exemple, le comte de Charolais s’amusait, comme on sait, par manière de passe-temps, à tirer sur les couvreurs pour les précipiter des toits : ce n’était là, selon elle, qu’un effet du sang qui fermentait avec violence ; ces moments passés, personne n’était d’une probité plus intacte.