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841. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Ouvrez le premier dictionnaire venu : « Parnassien » signifie à peu de chose près un faiseur de vers médiocre et ridicule. Quelqu’un de bonne foi peut-il croire que de jeunes hommes affamés d’idéal et épris de gloire choisirent de propos délibéré une appellation qui eût affirmé leur ridicule et leur médiocrité ? […] Où était le mal, où était le ridicule ? […] Il eût été extraordinaire que ce ridicule leur manquât. […] Je dus lui sembler d’autant plus ridicule qu’il avait, je pense, trois ou quatre années de plus que moi.

842. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Le mot n’est point ici d’un ridicule aussi énorme qu’il paraît, à condition de lui donner le sens relatif qu’il convient, au surplus, de lui donner toujours. […] Nous avons aussi des pièces contemporaines qui nous mettent à la fois sous les yeux les variétés d’un même travers, d’un même ridicule ou d’un même vice. […] Une petite satire de ridicules extérieurs ; pas la moindre perfidie là dedans, ni le plus petit venin ; rien de glissé, ni d’insinué. […] Les autres sont ridicules !  […] Le portrait du poète ridicule, qui n’arrive pas à lire sa tragédie, semble exaspérer la Harpe.

843. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Sa morale, ce n’est point qu’il ne faut pas être vicieux, c’est qu’il ne faut pas être ridicule. […] Ainsi, voulant exposer à la risée publique tous les défauts opposés aux qualités de l’homme aimable, de l’homme de société, après avoir joué tant de ridicules, il lui restait à jouer celui que le monde pardonne le moins, le ridicule de la vertu. […] On n’a qu’à dire (et des milliers de candidats à la Licence ès lettres l’ont répété depuis cent ans) qu’Alceste est sans doute un homme vertueux et qu’il est aussi un personnage parfois ridicule ; mais qu’il n’est pas ridicule en tant qu’il est vertueux. […] Or, qu’Alceste soit ridicule, et par conséquent Jean-Jacques, Jean-Jacques n’admet pas ça. […] Il les voit comme ils sont, méprisables et ridicules.

844. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Elle serait tout à fait la bonne, si c’était seulement au nom de quelque principe plus relevé, de quelque morale plus haute que Le Sage eût raillé nos travers, bafoué nos ridicules ou condamné nos vices. […] Ce sont des vices ou des ridicules incarnés. […] L’auteur de Tanzaï s’en amusa comme d’un ridicule, mais l’auteur de Manon Lescaut s’en indigna comme d’un blasphème. […] Aussi, si je disais que le style de tel auteur est ridicule, je prétendrais en même temps qu’il pense ridiculement. » Et là-dessus il citait une phrase de Marivaux26. […] Dirai-je que ces inventions, qui nous paraissent aujourd’hui plus ridicules qu’émouvantes, étaient neuves alors, neuves dans le roman français et neuves dans le roman moderne ?

845. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

C’est au moins un ridicule. […] C’est depuis qu’ils ont cette prétention que l’expression de penseur revient si souvent avec une affectation ridicule dans le vocabulaire des poètes. […] S’il était mort il y a vingt-cinq ans, il aurait laissé la réputation d’un homme du monde lancé dans la politique, d’un Martignac en second, sachant parler en public deux heures de suite et tenir une assemblée sans conclure, flexible, assez intrigant, libertin, avec deux ou trois actes fâcheux ou ridicules dans sa vie (l’affaire Malet par exemple). […] — Ampère, chaque fois qu’il rencontrait de Vigny, ne pouvait s’empêcher, disait-il, de se rappeler les vers de Boileau dans la satire du dîner ridicule : Il est vrai que Quinault est un esprit profond, A repris certain fat qu’à sa mine discrète Et son maintien jaloux j’ai reconnu poète. […] Veuillot, selon son usage, n’a pu résister à la tentation du burlesque, et il a voulu me tourner en ridicule.

846. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il se travaillait pour avoir un beau style épistolaire, et se donnait le ridicule d’imiter dans ses lettres les gens d’académie et de cour. […] Il s’amuse à leurs dépens, met au jour leurs petits mensonges, leur parcimonie, leur badauderie, leurs prétentions, et les cent mille ridicules dont leur condition rétrécie ne manque jamais de les affubler. […] Son meilleur plaisir est de suivre tout au long non point même un vice, mais un travers, la manie du bric-à-brac dans l’antiquaire, la vanité archéologique dans le baron de Bradwardine, le radotage nobiliaire dans la douairière de Tillietudlem, c’est-à-dire l’exagération plaisante de quelque goût permis, et cela sans colère, parce qu’en somme ces gens ridicules sont estimables et parfois généreux. […] Il n’y a pas jusqu’au major Dalgetty, tueur de profession, sorti de l’atroce guerre de Trente ans, dont il ne couvre l’odieux sous le ridicule. […] Pendant longtemps, il parut dangereux ou ridicule. « Tout ce qu’on savait de l’Allemagne1216, c’est que c’était une vaste étendue de pays, couverte de hussards et d’éditeurs classiques ; que si vous y alliez, vous verriez à Heidelberg un très-grand tonneau, et que vous pourriez vous régaler d’excellent vin du Rhin et de jambon de Westphalie. » Quant aux écrit vains, ils paraissaient bien lourds et maladroits. « Un Allemand sentimental ressemble toujours à un grand et gros boucher occupé à geindre sur un veau assassine. » Si enfin leur littérature finit par entrer, d’abord par l’attrait des drames extravagants et des ballades fantastiques, puis par la sympathie des deux nations qui, alliées contre la politique et la civilisation françaises, reconnaissent leur fraternité de langue, de religion et de cœur, la métaphysique allemande reste à la porte, incapable de renverser la barrière que l’esprit positif et la religion nationale lui opposent.

847. (1864) Études sur Shakespeare

Tout l’avantage reste à Falstaff dans cette affaire, et Shallow, si clairement désigné par les armes de la famille Lucy, n’est nulle part aussi ridicule que dans la scène où il exhale sa colère contre son voleur de gibier. […] Se placer dans l’intérieur des familles et ressaisir par là cet immense avantage de la variété des conditions et des idées qui élargit le domaine de l’art sans altérer la simplicité de ses effets ; trouver dans l’homme des passions assez fortes, des travers assez puissants pour dominer toute sa destinée, et cependant en restreindre l’influence aux erreurs qui peuvent rendre l’homme ridicule sans aborder celles qui le rendraient misérable ; pousser un caractère à cet excès de préoccupation qui, détournant de lui toute autre pensée, le livre pleinement au penchant qui le possède, et en même temps n’amener sur sa route que des intérêts assez frivoles pour qu’il les puisse compromettre sans effroi ; peindre, dans le Tartufe, la fourberie menaçante de l’hypocrite et la dangereuse imbécillité de la dupe, pour en divertir seulement le spectateur et en échappant aux odieux résultats d’une telle situation ; rendre comiques, dans le Misanthrope, les sentiments qui honorent le plus l’espèce humaine en les contraignant de se resserrer dans les dimensions de l’existence d’un homme de cour ; arriver ainsi au plaisant par le sérieux, faire jaillir le ridicule des profondeurs de la nature humaine, enfin soutenir incessamment la comédie en marchant sur le bord de la tragédie : voilà ce qu’a fait Molière, voilà le genre difficile et original qu’il a donné à la France, qui seule peut-être, je le pense, pouvait donner à l’art dramatique cette direction et Molière. […] Elle y réussit en sortant hardiment de ces réalités où son domaine naturel n’était ni respecté ni même reconnu ; elle ne s’astreignit point à peindre des mœurs déterminées ni des caractères conséquents ; elle ne se proposa point de représenter les choses et les hommes sous un aspect ridicule, mais véritable : elle devint une œuvre fantastique et romanesque, le refuge de ces amusantes invraisemblances que, dans sa paresse ou sa folie, l’imagination se plaît à réunir par un fil léger, pour en former des combinaisons capables de divertir ou d’intéresser sans provoquer le jugement de la raison. […] C’est un essai dans ce genre savant où le ridicule naît du sérieux et qui constitue la grande comédie. […] Cet enfant d’une race humiliée a les vices et les passions qui naissent d’une condition pareille ; son origine l’a fait ce qu’il est, haineux et bas, craintif et impitoyable ; il ne songe point à s’affranchir de la loi, mais il est ravi de pouvoir l’invoquer une fois, dans toute sa rigueur, pour assouvir cette soif de vengeance qui le dévore ; et lorsque, dans la scène du jugement, après nous avoir fait trembler pour les jours du vertueux Antonio, Shylock voit inopinément se retourner contre lui l’exactitude de cette loi dont il triomphait avec tant de barbarie, lorsqu’il se sent accablé à la fois sous le péril et le ridicule de sa position, l’émotion et la moquerie s’élèvent presque en même temps dans l’âme du spectateur.

848. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Je demande à plaider à mon tour ; je demande à présenter sous un jour un peu plus favorable ce petit personnage, très spirituel en effet, mais qui n’était pas si ridicule de vouloir paraître philosophe, car il avait l’esprit naturellement philosophique ; et s’il s’est trompé sur la question d’Homère et des anciens, il s’est trompé en homme de pensée et avec beaucoup de distinction.

849. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

C’est avec la plaisanterie et l’arme du ridicule que Voltaire affaiblissait par degrés l’importance de quelques erreurs ; il déracinait tout autour ce que l’orage a depuis si facilement renversé ; mais il ne prévoyait pas, il ne voulait pas la révolution qu’il a préparée.

850. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Le pauvre garçon, qui eut tant de belles qualités, de si heureuses inspirations, et qui n’est arrivé qu’à être inconnu ou ridicule, est la vivante justification de Malherbe.

851. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Aussi cédera-t-elle bientôt, et le parler métaphorique sera vite ridicule.

852. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Orgueilleux, il craignait d’autant plus d’être ridicule ; sensible, il souffrait d’autant plus de cette crainte ; clairvoyant, il rencontrait partout des occasions d’en souffrir, ou même les faisait naître.

853. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Les maris que la marquise de Rambouillet donnait à ses filles, prouvent mieux son bon goût que le contraire n’est prouvé par la fréquentation de quelques écrivains ridicules dans sa maison qui était ouverte à tout le monde.

854. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

La symphonie de l’opera d’Issé dont je viens de parler sembleroit ridicule, si l’on la mettoit à la place de celle du tombeau d’Amadis.

855. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

On peut bien croire que Moliere qui composa ses femmes sçavantes vers mil six cens soixante et douze, et qui met si souvent dans la bouche de ses héroïnes les dogmes et le stile de la nouvelle physique, attaquoit dans sa comédie l’excès d’un goût regnant, et qu’il y joüoit un ridicule où plusieurs personnes tomboient tous les jours.

856. (1757) Réflexions sur le goût

Il prétendra que le plaisir, qu’elle nous procure est un plaisir d’opinion, qu’il faut se contenter, dans quelque ouvrage que ce soit, de parler à l’esprit et à l’âme : il jettera même par des raisonnements captieux un ridicule apparent sur le soin d’arranger des mots pour le plaisir de l’oreille.

857. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Mme de Staël, ce Diderot-femme et qui, parce qu’elle était femme, valait mieux que Diderot, a, offert le même spectacle que Diderot, dont Mme Necker disait, sans regarder sa fille : « Il n’eût pas été si naturel, s’il n’avait pas été si exagéré. » Mlle Delphine Gay, qui a presque failli être Corinne Gay, mais que l’esprit, l’esprit grandi et trempé, comme un acier, dans la vie, a sauvé du vertige, au bord du ridicule, Mlle Delphine Gay, cette de Staël, blonde et belle, et qui faisait des vers, trois supériorités qui eussent passionné, jusqu’à la petitesse de la jalousie, la grande âme de Mme de Staël, mais qui n’en restera pas moins inférieure à Mme de Staël, malgré ces trois supériorités, Mlle Gay, née à Aix-la-Chapelle, fut baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne et élevée à l’ombre de ce cap Misène, peint par Gérard, qui, alors, projetait sa cime lumineuse sur toutes les imaginations.

858. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Avec son titre prétentieux de Fleurange, d’un ridicule presque idéal, le roman de Mme Craven, qui pourrait se nommer maintenant Mme Berquin, a l’innocence de la fadaise et la sentimentalité de la fadeur… Cette fleur-ange ou cet ange-fleur a dû plaire aux académiciens comme les petites filles plaisent aux vieillards.

859. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Il n’est pas mal pensé ; il n’est pas mal écrit ; il n’est point déclamatoire ; il n’est point ridicule ; il n’a ni la fausse poésie, ni le faux enthousiasme, ni la fausse profondeur.

860. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

On ne sait pas bien, et c’est là ce qu’on ne pourrait affirmer quand on interroge le texte seul du rapport de cette espèce de Vidocq des ruelles de son temps, qui l’écumait chaque jour de ses sottises, de ses ridicules et de ses vices, au profit d’un mystérieux manuscrit qu’il devait laisser derrière lui à l’histoire, comme un document à apurer !

861. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

L’influence de la grande personnalité royale qui drape jusqu’à la garde-robe de ce grand Lama de Louis XIV, n’existant plus sous Louis XV, qui n’a de son grand-père que la manière de mettre son chapeau, non devant l’Europe, mais dans les petits cabinets, il se trouve que tel fait, qui paraissait étrange dans l’histoire de l’un, devient ridicule et insupportable dans l’histoire de l’autre ; et c’est ainsi que le duc de Luynes, valant plus peut-être personnellement que Dangeau, est très au-dessous de lui dans ses Mémoires.

862. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Il est sagace et non aveugle, comme la plupart de nos amours, qui sont d’épouvantables ou de ridicules égarements ; et c’est de la perfection morale, dans la personne aimée, qu’il est épris.

863. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Et c’est ainsi que fait pour être original quand il sera plus mûr, il manque, par la faute d’une culture dont il semble avoir la prétention, cette qualité suprême, et qu’il traîne presque un ridicule derrière son idéalité.

864. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Flanquer le Lara de Lord Byron en opéra-comique est tout à la fois une de ces spéculations et de ces caricatures qui dépassent en ridicule cette Histoire romaine en rondeaux de Benserade, dont le fort bon sens de Despréaux se moquait !

865. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

de témérité, de fatuité, de ridicule impertinence.

866. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Matter sur le ridicule et l’inutilité de ses apparitions, et la médiocrité de ses soixante voyages dans les astres ?

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