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1578. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Entre la science grecque et la science moderne, il y a bien une différence de degré ; mais il n’y a pas une différence de nature ; et, pour rappeler une très équitable opinion de Leibniz, Aristote n’est pas du tout inconciliable avec des successeurs dont les travaux n’eussent peut-être point été aussi heureux, si les siens ne les eussent précédés. […] Je ne dis pas certainement que Descartes ou Newton y eussent rien appris ; mais, en écoutant un moment ces leçons de l’antique sagesse, ils se seraient aperçus combien de choses ils avaient eux-mêmes omises, les supposant probablement assez connues, ou trop claires pour qu’il fût nécessaire de les rappeler. […] Que si l’on s’étonnait qu’il ne l’ait point achevée et faite tout entière à lui seul, je rappellerais l’aveu modeste et fier par lequel il termine sa Logique : « Si, après avoir examiné nos travaux, dit le philosophe, il vous paraît que cette science, dénuée avant nous de tous antécédents, n’est pas trop inférieure aux autres sciences qu’ont accrues les labeurs de générations successives, il ne vous restera plus, à vous tous qui avez suivi ces leçons, qu’à montrer de l’indulgence pour les lacunes de cet ouvrage, et de la reconnaissance pour toutes les découvertes qui y ont été faites. » Histoire des animaux par Aristote VII M. 

1579. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il me sembla que je le connaissais depuis mon enfance : il me rappelait ces aimables curés de campagne de l’ancien régime, avec quelques boucles de cheveux sur le cou, et toute la charité joviale du christianisme sur les lèvres. […] La maison paternelle ne le rappela que quatre ans après. […] Il aima toujours ces jeux en mémoire d’elle ; il s’y rappelait ses paroles, et un de ses gestes retrouvé lui semblait un bonheur arraché à la tombe !

1580. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Notre époque rappelle par plus d’un côté celle de la Restauration, — et la Restauration n’a duré qu’un temps. […] Rappelons-nous ce mot de Stendhal : « le beau idéal de la Raison ». […] Rappelé par Pierre Gilbert, La Forêt des cippes, essais critiques, t. 

1581. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Et si nous nous rappelons que le premier projet d’un drame fondé sur les fables de l’Edda, cette « Esquisse d’un drame », date de 1848, et qu’il est le résultat de longues études, nous ne nous tromperons certainement pas de beaucoup en assignant au temps écoulé entre la première idée de ce drame et sa terminaison complète, une période de trente ans, de 1844 à 1874, c’est-à-dire, de la trente-et-unième à la soixante-et-unième année de la vie du maître. […] Je rappellerai, mêlant les noms avec le plus parfait éclectisme, que MM.  […] Et c’est l’occasion de se rappeler ici la parole évangélique : Qui amat animant suam, perdet eam.

1582. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Qui ne connaît les vers tant cités sur Une charogne : Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,     Ce beau matin d’été si doux : Au détour d’un sentier une charogne infâme,     Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,     Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique     Son ventre plein d’exhalaisons. […] On se rappelle le jugement sommaire porté par Vauvenargues et, avec lui, par tout le dix-huitième siècle sur La Fontaine, ce représentant unique, au siècle précédent, de la vie animale, de la nature et presque du naturel : « Il n’a écrit ni dans un genre assez noble ni assez noblement. » L’art, de nos jours, est devenu de plus en plus (démocratique, et il a fini même par préférer la société des vicieux à celle des honnêtes gens. […] Ces vers rappellent ceux de Sapho.

1583. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Que l’on énumère les grands écrivains, dramaturges et romanciers qui, épris de vérité, ont senti obscurément que l’homme, la société et la nature représentés et recréés tels qu’ils sont, forment les livres les plus mûrement et les plus sérieusement admirés ; que l’on rappelle Shakespeare, Balzac, le morne Flaubert, Zola, l’on pourra assimiler à ses tragédies, aux tableaux plus populeux de leurs romans, cet immense déroulement d’êtres, d’aspects, d’actes, d’événements, de houles humaines, de méditations solitaires, de batailles humides de sang, de souples et tendres caresses de jeunes filles à d’indulgentes vieilles mères, d’amours, de morts, de carrières, cet abrégé de toutes les existences que présente La Guerre et la Paix et Anna Karénine ; l’esprit le plus négateur du progrès artistique et le plus respectueux des modèles, sera frappé de l’élargissement que ces romans massifs, déduits au-delà des dimensions habituelles, donnent à la description coordonnée de l’ensemble des phénomènes sociaux intimes et publics. […] Et que l’on mette en regard de ces personnages douteux toute la masse des hommes et des femmes qui peuplent les grands romans de Tolstoï ; que l’on se rappelle cet ensemble de physionomies gracieuses, mâles, vieillottes, vénérables, nobles ou basses, du capitaine, Timokhine à Sonia, du colonel Berg à la princesse Bolkonsky, que l’on énumère Karénine, Drone Dologhof, le prince Basile, la princesse Hélène, qu’on les mette en regard des types usuels de la jeune fille, de l’officier, de la femme corrompue, de l’intendant, du joueur, du fonctionnaire, tels que les aurait conçus par exemple Victor Hugo, et que l’on ressaisisse du même coup la différence de deux arts, et celle qui sépare un être véritablement existant à part lui, d’une personnification fictive de catégorie qui n’a en somme d’autre titre à la vie que le mot même qui la désigne. […] Il fut à l’origine celui qui, doué d’une merveilleuse faculté de percevoir et de se rappeler, connut les mille aspects de la nature, les innombrables et particulières manifestations humaines ; qui sut deviner, par on ne sait quelle intuition de soi-même et des autres, les âmes et les agitations d’âmes doutées dehors sont les signes ; embrassant dans son large esprit tout l’individuel des personnes, et ce qu’elles ont d’universel, les lois déliées, les indices délicats de leur permanence, de leur variabilité, de leur mobilité ; il conçut encore, le premier à ce degré, toute retendue presque du monde et de notre espèce, contempla cet immense spectacle de ses yeux novateurs et, le reproduisant entier, sut tacitement s’y enclore avec tous en des livres auxquels personne ne peut se prétendre étranger ; et comme l’essentiel de l’artiste est de connaître les choses et les gens, non pas objectivement et intellectuellement, mais sous leur aspect sensible, en la boulé de ses personnages, en leur âme aimante, en leur noblesse morale, en leur méditation douloureuse de la mort, et leur résignation à d’humbles solutions, ce sont ses vertus, ses angoisses et sa simplicité d’esprit qui transparaissent, comme s’accuse en leur impuissance spéculative la sienne propre, comme se marque sa répulsion pour le mal dans le rôle effacé qu’il lui assigne, et son détachement final de tout l’ensemble de la vie et du monde, dans le ton lointain et las dont il en parle.

1584. (1894) Textes critiques

— Et je ne vois pas que le « Nave nave moe » de Gauguin « rappelle une imitation des plus mauvais imitateurs de M.  […] Rappelons pourtant la grève profonde, peinte de la falaise assis, jambes pendantes, le sable couleur de paupières que l’eau découvre de son couvercle à coulisses ; les champs bretons, marqueterie, habits rapiécés dont l’éloignement repasse le velours à côtes, une maison blanche dans un sentier, au toit rouge, dent et gencive sens dessus dessous. […] Et surtout on n’a pas compris — ce qui était pourtant assez clair et rappelé perpétuellement par les répliques de la mère Ubu : « Quel sot homme !

1585. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Je ne me lassais pas de contempler ces nobles figures de paysans ou de paysannes, qui me rappelaient les scènes patriarcales de la Bible dans l’opulence de la cité des arts. […] Tout à coup le nom d’Aloysia de Stolberg, comtesse d’Albany, me rappela que j’avais dans ma malle une lettre de recommandation pour une dame de ce nom à Florence, lettre que j’avais jusque-là négligé de porter à son adresse. […] Rien ne rappelait en elle, à cette époque déjà un peu avancée de sa vie, ni la reine d’un empire, ni la reine d’un cœur.

1586. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Écoutez-en seulement les derniers vers ; ils rappellent, par leur fruste énergie, le poil hérissé et la gueule sanglante de ce sanglier de Calydon qu’on voit sur la place du marché de Florence : Ainsi, quand, désertant sa bauge solitaire,         Le sanglier, frappé de mort, Est là, tout palpitant, étendu sur la terre,         Et sous le soleil qui le mord ; Lorsque, blanchi de bave et la langue tirée,         Ne bougeant plus en ses liens, Il meurt, et que la trompe a sonné la curée         À toute la meute des chiens ; Toute la meute, alors, comme une vague immense,         Bondit ; alors chaque mâtin Hurle en signe de joie, et prépare d’avance         Ses larges crocs pour le festin. […] Cette coterie littéraire, toute-puissante et comme inviolable dans l’opinion, rappelait assez l’école dogmatique qui a prévalu depuis trente ans parmi nous en politique et même en littérature, par une volonté tenace et bien disciplinée plus que par une véritable supériorité de génie. […] Il lui rappelle l’abandon dans lequel le siècle avait laissé mourir quelques jours avant Molière.

1587. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Ou je retiens chacune de ces sensations successives pour l’organiser avec les autres et former un groupe qui me rappelle un air ou un rythme connu : alors je ne compte pas les sons, je me borne à recueillir l’impression pour ainsi dire qualitative que leur nombre fait sur moi. […] Rappelons-nous ce que nous disions un peu plus haut de l’intensité de certains états psychiques. […] Il n’a pas besoin non plus d’oublier les états antérieurs : il suffit qu’en se rappelant ces états il ne les juxtapose pas à l’état actuel comme un point à un autre point, mais les organise avec lui, comme il arrive quand nous nous rappelons, fondues pour ainsi dire ensemble, les notes d’une mélodie.

1588. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

direz-vous peut-être… Ne soyez pas trop sévère, et rappelez-vous que ce fut par une méthode analogue que le christianisme appela à lui les âmes de l’ancien monde. […] Rappelez-vous encore l’histoire du captif et les louanges prodiguées à la belle Zoraïde pour avoir trahi son pays, son père et sa religion. […] Rappelez-vous l’incrédulité de l’hôtelier lorsqu’on veut lui prouver que ces récits sont faux. […] Rappelez-vous le saut d’Alvarado. […] Ce livre n’a pas le don divin des miracles et ne peut ni ressusciter les morts ni rappeler les agonisants à la santé.

1589. (1924) Critiques et romanciers

Mais Filon ne croit pas inopportun de rappeler que le roman n’a pas besoin d’être ennuyeux. […] Le style dans le roman ne saurait, sans fausser le genre, rappeler celui du poème en prose. […] Rappelez-vous la sauterelle : « Serait-ce le gendarme des insectes ? […] L’œuvre de M. de Régnier, son œuvre entière et ses romans, est là pour rappeler aux imprudents ces vérités principales. […] Et la similitude ainsi proposée nous invite à nous rappeler qu’une certaine liberté du langage, mais surveillée, n’est pas d’hier et est le ton de qui, chez nous, parle franc.

1590. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Elle comprend ou ne comprend pas, trop visiblement, selon qu’il y a longtemps ou peu de temps qu’elle n’a parlé, et selon que Fontenelle sent ou ne sent point le besoin de nous rappeler sa présence. […] Il y a dans ce livre une conception de la vie, que chaque page suggère, rappelle, dessine de plus en plus vivement en notre esprit, et que la dernière complète. […] C’est ce que disait La Bruyère de Cydias ; et ce que ces singulières productions dramatiques rappellent le plus, c’est bien en effet les Dialogues des morts de Fontenelle, et leur banalité attifée de paradoxes. […] Une figure pleine et grasse, des yeux qui luisent sous des paupières discrètes, les lignes arrondies d’une chatte gourmande, voilà ce que je me rappelle, et c’est quelque chose, mais c’est tout. […] Elle me rappelle M. de Voltaire, comte de Tournay. » — Le propos est injurieux ; mais il y a du vrai.

1591. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

» Rappelez-vous la vieille marquise qui voyait monter au ciel la montgolfière et qui s’écriait : « Mon Dieu, mon Dieu ! […] C’est alors qu’un poète, dont je cherche en vain à me rappeler le nom, s’écriait : Oh ! […] Vous vous rappelez que l’ironie et le sarcasme étaient les charmes essentiels du premier ouvrage de M.  […] Il rappelle Lamarck, Goethe, Malthus, bien entendu ; mais il aime Surtout à citer saint Thomas, saint Paul et, comme vous vous y attendiez, la Genèse elle-même. […] Je rappelle le texte (Ép. aux Rom.

1592. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

On a causé jusqu’à près de minuit, de toutes choses, du palais, des souvenirs qu’il rappelle, de Marier Antoinette, de Monaldeschi, de Mme de Motteville. […] J’aurais pu vous rappeler un peu plus tôt. […] C’est aussi un moyen de fixer au passage, en de brèves esquisses, la figure des vaillants hommes qu’il a connus là-bas, et dont il aime à se rappeler la mâle vertu. […] Il les vit un jour brimer un « nouveau », cela lui rappela ses débuts de collégien. […] Cependant, il n’y avait rien, dans leur personne, qui rappelât le Premier Consul ni même l’Empereur.

1593. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

« En fouillant dans d’autres papiers, je trouvai une autre lettre d’une de mes parentes, qui, en me parlant de mon père, me peignait son mécontentement de ce que je n’avais point d’état, ses inquiétudes sur l’avenir, et me rappelait ses soins pour mon bonheur et l’intérêt qu’il y mettait. […] — Si vous vous rappelez son auteur, c’est ma meilleure amie et la plus aimable femme que je connaisse117. Si je ne me rappelais votre amour pour la médisance, je me mettrais à la louer. […] Le grand papier sur lequel je vous écris me rappelle la longue lettre que je vous écrivais en revenant d’Écosse, et dont vous avez reçu les trois quarts. […] Cela me rappelle un psaume143 où on célèbre tous les hauts faits du Dieu juif : il a tué tels et tels, dit-on, car sa divine bonté dure à perpétuité ; il a noyé Pharaon et son armée, car sa divine bonté dure à perpétuité ; il a frappé d’Égypte les premiers-nés, car sa divine bonté, etc., etc., etc.

1594. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce vers me rappelle celui de d’Aubigné exprimant les massacres de la Saint-Barthélemy et cette buée de sang qui s’exhale des carnages, À l’heure que le ciel fume de sang et d'âmes. […] Bret rappelle le motif (toujours le même dans la grande cité industrielle, la question du salaire des ouvriers en soierie) qui amena la première insurrection de Lyon en 1831, où l’armée fut battue et dut opérer une retraite sous la fusillade des ouvriers à travers le faubourg de Bresse, ce qui, selon le mot officiel et authentique qui circula alors, appelait, de la part des autorités, une revanche .

1595. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Les mémoires du temps rappellent à toutes les pages leur nom à propos de leur familiarité avec les grandes figures de Genève, de Paris, de Berlin, de Londres, de Coppet ; ils étaient chez eux partout par droit de bienvenue, de bon goût, d’intimité avec les célébrités européennes. Un de leurs descendants, héritier de leur naturalisation universelle, le colonel Huber, à la fois homme de guerre, homme de lettres volontaire, diplomate dans l’occasion, poète quand il se souvient de ses Alpes, romancier quand il se rappelle madame de Montolieu ou madame de Staël, habite encore aujourd’hui tantôt Paris, tantôt une délicieuse retraite philosophique au bord de ce lac Léman, site préféré de cette famille.

1596. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

J’aime à me les rappeler et à revivre avec eux, comme si toutes les années qui se sont écoulées entre ces moments et ceux où j’écris ressuscitaient tout à coup pour eux et pour moi, et nous replaçaient dans les mêmes rapports. […] Je comprends votre prétendue nécessité, mais je ne puis vous dire que je l’excuse. » Il s’éloigna sans me répondre, et je le laissai partir sans le rappeler et sans croire à ces prétendues nécessités de librairie.

1597. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Qu’on se rappelle la mort de la jeune Napolitaine dans les Harmonies (le Premier Regret) : Mon image en son cœur se grava la première, Comme dans l’œil qui s’ouvre au matin la lumière ; Elle ne regarda plus rien après ce jour ; De l’heure qu’elle aima, l’univers fut amour ! […] Ce tableau me rappela la fille d’Ischia que j’avais tant aimée et qui était morte de son amour, quelque temps après mon départ de Naples.

1598. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Enfin, quand il s’autorise du Misanthrope pour condamner Scapin, c’était le cas de se rappeler Qu’un sonnet sans défauts vaut seul un long poème. […] On se rappelle que pour justifier Homère et Pindare, Boileau ne trouvait rien, sinon qu’en grec les mots âne et eau sont très nobles.

1599. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

A peine rentré, il se rappelle à Napoléon par un article du Mercure, qui fait supprimer le journal. […] Je ne puis que rappeler ici les canards sauvages, le cou tendu et l’aile sifflante, s’abattant tout d’un coup sur quelque étang, lorsque la vapeur du soir enveloppe la vallée — le jour bleuâtre et velouté de la lune descendant dans les intervalles des arbres, et ce gémissement de la hulotte qui avec la chute de quelques feuilles ou le passage d’un veut subit remplit seul le silence nocturne— les premiers reflets du jour glaçant de rose les ailes noires et lustrées des corbeaux de l’Acropole — ces Arabes accroupis autour d’un l’eu dont les reflets colorent leurs visages, tandis que quelques têtes de chameaux s’avançaient au-dessus de la troupe et se dessinaient dans l’ombre 664.

1600. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Oui, ils sont les dignes fils de ce grand et noble poète tant bafoué et calomnié de son vivant, et si mal connu encore à cette heure ; de ce pur artiste qui écrivait : « … La poésie, pour peu qu’on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d’enthousiasme, n’a pas d’autre but qu’elle-même ; elle ne peut pas en avoir d’autre et aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d’écrire un poème. » Et, en remontant jusqu’aux premières années du siècle, on trouverait un autre ancêtre, Alfred de Vigny, l’auteur de Moïse, de La Colère de Samson, de La Maison du berger et de ce délicieux mystère où … les rêves pieux et les saintes louanges, Et tous les anges purs et tous les grands archanges… chantent sur leurs harpes d’or la naissance d’Éloa, cette ange charmante née d’une larme de Jésus. […] C’est le danger des systèmes ; je veux vous en rappeler un illustre exemple.

1601. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Duperron ne les avait vues qu’en manuscrit, quand il en porta le jugement que j’ai rappelé, et qu’il s’avoua surpassé par un jeune homme de vingt ans, dans la seule chose qu’il pensât posséder du consentement de tous. […] « J’ai reçu, dit-il, le discours latin que vous avez fait : je n’oserais l’appeler votre jugement sur mes écrits, parce qu’il m’est trop avantageux et que peut-être votre affection a corrompu votre intégrité. » Dans cette lettre, Balzac rappelle à Descartes L’Histoire de son esprit.

1602. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

L’ironie peut simplement diriger d’une main légère l’enthousiasme, lui rappeler sa condition humaine et s’effacer discrètement, sans trop s’éloigner, quand le moment en est venu. […] Il se rappellera que tout sentiment, tout acte n’est bon ou mauvais que dans des circonstances précises et que sa valeur dépend de ces circonstances ; que le meurtre, par exemple, est quelquefois moralement supérieur à la pitié.

1603. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Je me rappelle Mlle Céleste ; dans le souvenir reconnaissant que beaucoup d’ecclésiastiques conservaient d’elle, il n’y avait rien qui, au point de vue des canons les plus sévères, ne se pût avouer. […] Notre amitié me rappelle celle de François de Sales et du président Favre : « Elles passent donc ces années temporelles, monsieur mon frère ; leurs mois se réduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en moments, qui sont ceux-là seuls que nous possédons ; mais nous ne les possédons qu’à mesure qu’ils périssent… » La conviction de l’existence d’un objet éternel, embrassée quand on est jeune, donne à la vie une assiette particulière de solidité.

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