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431. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

La masse totale ou apparente que l’on mesure se compose donc de deux parties : la masse réelle ou mécanique de la molécule, et la masse électro-dynamique représentant l’inertie de l’éther. […] Eh bien, ainsi que nous l’avons vu plus haut, pour rendre compte de ces résultats, Lorentz a été obligé de supposer que toutes les forces, quelle que soit leur origine, étaient réduites dans la même proportion dans un milieu animé d’une translation uniforme ; ce n’est pas assez, il ne suffit pas que cela ait lieu pour les forces réelles, il faut encore qu’il en soit de même pour les forces d’inertie ; il faut donc, dit-il, que les masses de toutes les particules soient influencées par une translation au même degré que les masses électro-magnétiques des électrons.

432. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

On connaît le mot de Joubert : « Le talent de Racine est dans son œuvre ; il n’y est pas lui-même. » Admettons que ce soit une boutade, excessive comme le sont souvent les boutades ; il n’en est pas moins vrai que l’homme tout entier n’est jamais dans ses discours et ses écrits, et que parfois l’homme réel n’y est qu’à demi. […] L’œuvre recouvre son sens vrai, reprend sa portée réelle.

433. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Ainsi la confiance en sa propre idée, la certitude dans l’affirmation, avant d’être de l’autorité réelle, peut ressembler à de la témérité. […] Mais ici l’éloquence est bien réelle et sentie ; elle est brûlante.

434. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

  Empiriste d’abord, le roman des Goncourt qui fut, qui plus qu’il ne fut encore, voulut être une notation successive d’instants, une sorte de cinématographe littéraire, et dont le souci d’art réel resta extérieur, à fleur de peau, tout pittoresque. […] Les jeunes combattants ne pouvaient se tromper sur la valeur des forces ennemies… Car il est temps de rendre à la poussée lyrique dont la clameur emplit ces quinze ou vingt dernières années, son sens réel et sa juste physionomie.

435. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

L’âme humaine, chose importante à dire dans la minute où nous sommes, a plus besoin encore d’idéal que de réel. C’est par le réel qu’on vit ; c’est par l’idéal qu’on existe.

436. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Il fallait une époque comme la nôtre, un temps amoureux fou des mots, pour songer à introduire dans l’auréole sanglante du vainqueur d’Hermosillo et du condamné de Guaymas l’auréole, si pâle à côté, d’un talent littéraire réel, mais qui ne trouva sa sincérité et sa plénitude que dans les lettres où l’observateur politique, l’homme d’intuition et d’exécution, le lutteur contre la difficulté, dominent tout ! […] Mais la Madelène, qui est de son temps, et de plus écrivain, n’a pu s’empêcher de découvrir ce petit côté de poésie et de phrase que le xixe  siècle aime à choyer dans les plus mâles et les plus réels d’entre nous.

437. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Qu’il y ait là une puissance réelle, un art persévérant et singulier, quoiqu’il touche à l’enfantillage et à la folie, nul ne le niera. […] Ils ont payé de leur talent et de leur gloire réelle et durable les tapages de leurs systèmes et le fanatisme de leurs cénacles, et le dernier des imitateurs qui, sans personnalité supérieure, a de la main, du métier, de la volonté (cette chose qu’on a fait entrer depuis quelque temps dans la poésie), peut obtenir et nous donner du Ronsard, du Wordsworth ou du Victor Hugo, à faire illusion même au maître qu’il imite.

438. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Ces signes étaient, si je l’ose dire, des paroles réelles, et la nature entière était la langue de Jupiter. […] Le cinquième aspect est une histoire idéale éternelle dans laquelle tournent les histoires réelles de toutes les nations.

439. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas, qui part du réalisme, mais pour le dépasser, qui a pour base le réel, pour fin un idéal. […] Ce n’est pas de la vie réelle, à coup sûr. […] Ces êtres sont-ils réels ? […] Toutes les rhétoriques se ressemblent, en ce qu’elles dérangent et altèrent l’ordre réel des choses. […] Ce poète a le sens du réel ; cet observateur patient a des échappées de fantaisie.

440. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIII » pp. 244-246

est-ce réel ?

441. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 5-9

Lacombe auroit pu rendre des services plus réels aux Lettres, en usant avec plus de fermeté de la surintendance qu’il s’étoit établie sur un grand nombre de nos Journalistes ; car il a su soumettre au joug de sa presse, non seulement tous les petits Journaux, mais encore le Mercure.

442. (1902) La poésie nouvelle

Les romanciers conçoivent leur art, non plus comme une œuvre plaisante d’imagination, mais comme une reproduction très documentée du réel. […] Car le mystère n’est pas extérieur au réel, il est dans le réel même ; l’Inconnaissable ne côtoie pas le Connaissable, il le pénètre. […] Mais son obscurité, réelle cependant, tient à plusieurs causes. […] Renseigné comme peu d’écrivains sur le sens authentique des mots et sur la valeur réelle des tours qu’il emploie, il arrive à une remarquable plénitude d’expression. […] Et lui, perçoit toute douleur, et non seulement la sienne, mais toute la douleur réelle et toute la douleur possible.

443. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

C’est ainsi que le professeur Owen dit, en parlant du Dugong : « Les organes de la génération étant les moins directement en relation avec les habitudes et la nourriture d’un animal, je les ai toujours considérés comme fournissant les plus claires indications sur ses affinités réelles. […] — En partant des mêmes principes, on comprend aisément quelle importante distinction il faut faire entre des affinités réelles et des ressemblances purement analogiques ou d’adaptation. […] En partant de ce principe que les particularités caractéristiques de l’organisation n’ont d’importance réelle, en matière de classification, qu’autant qu’elles révèlent les affinités généalogiques, on peut aisément comprendre pourquoi de simples caractères analogiques ou d’adaptation, bien que très importants pour le bien-être des individus, sont presque sans valeur pour les systématistes. […] Et comme on admet que les affinités de la Viscache avec les Marsupiaux ne sont pas seulement le résultat d’adaptations récentes, mais sont au contraire bien réelles, d’après ma théorie, elles seraient dues à un héritage commun. […] Dans toute classification, depuis Aristote jusqu’à nous, il y a toujours eu deux éléments distincts, l’élément purement verbal ou lui logique, servant à désigner les choses par des noms exprimant autant que possible leur nature : puis l’élément réel ou loi sériaire, qui a pour objet de rapprocher des objets divers suivant leurs rapports mutuels.

444. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

Paul Bourget seraient assez inintelligibles, ou du moins n’auraient pas leur sens réel et profond, si l’on n’y retrouvait pas l’écho de cette religion de la Beauté qui a la vertu d’un opium délicieusement mystique, l’attrait d’une révolte, la douceur d’une rédemption.

445. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Le réel ne suffit pas au poète, s’il ne l’a sauvé de la condition illusoire du vulgaire où tout est enchaîné. […] En quelque sorte, faute de grandeur, il n’est pas de passion réelle. […] Rien n’est plus réel et rien n’est plus accompli. […] Si tu as si allègrement et si sincèrement ri des hommes et si sincèrement pleuré sur eux et si tu les as laissé rire de toi, c’est que tu n’as jamais accepté de compromis réel avec leurs intrigues. […] Le réel n’a de prix que s’il lui sert continuellement de tremplin pour bondir, à perte de vue, bien au-dessus, quitte à retomber, par une trajectoire harmonieuse, sur un autre petit lambeau de réel qui se trouve, ainsi, relié an premier, aussi mystérieusement mais aussi infailliblement qu’un astre à un astre.

446. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Mais ce n’est là qu’un mérite négatif, et n’être pas faux ne signifie point du tout être réel. […] Un grand homme, comme Napoléon, est parfaitement réel ; seulement il ne semble pas l’être. […] Il doit imaginer des choses réelles. […] Il a fait trêve ainsi au réel. […] Elle est réelle, puisqu’elle ne capitule point ; mais elle négocie.

447. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

La douleur n’est pas sans doute toujours nuisible dans ses effets ; elle donne souvent des avertissements utiles, elle fortifie même quelquefois les organes physiques, comme elle imprime plus d’énergie et de force d’action au système moral ; mais elle est si bien un mal réel par elle-même, qu’elle est contraire à l’ordre de la nature, qu’elle annonce une altération de cet ordre, et souvent son entière destruction dans les êtres organisés. […] Baggesen était personnellement un caractère plein de saillie, d’imprévu, et d’une bizarrerie qui ne devait pas déplaire ; il avait parfois dans l’esprit une gaieté très-originale qui contrastait avec ses tourments perpétuels et ses mésaventures réelles ou imaginaires. […] Dans les sciolti, au contraire, le poëte, n’étant plus provoqué par la rime, doit tirer tout de son fonds et défrayer en quelque sorte son vers avec ses seules ressources ; il peut viser plus librement au simple et au principal, mais à condition d’avoir en lui la force qui approprie le style et le ton aux choses, la fertilité des images et le mouvement des pensées, en un mot les qualités les plus réelles du talent. […] Je vous exprime ici d’une manière bien vague et bien incomplète un sentiment réel et pénible. […] Celui-ci, dans son premier article sur Lope, n’avait point déduit les preuves de sa conviction concernant la Dorothée ; il n’avait point dit d’après quel ensemble de circonstances et de signes distinctifs il croyait pouvoir assigner à cette pièce l’importance réelle d’une espèce de biographie.

448. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cros, Charles (1842-1888) »

Ce livre unique est celui d’un vrai poète, au charme étrange et réel, qui procède de Baudelaire et des Parnassiens, mais qui n’imite personne.

449. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Il n’en est pas de même pour la comédie : les caractères de la nouvelle comédie à Athènes furent tous imaginés par les poètes du temps, auxquels une loi défendait de jouer des personnages réels, et ils le furent avec tant de bonheur, que les Latins, avec tout leur orgueil, reconnaissent la supériorité des Grecs dans la comédie.

450. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Le monde des lectures devient vite pour lui le monde réel. […] Mais précisément cette critique idéale n’existe pas, il n’existe que des critiques réels, en chair et en os, et dans lesquels domine l’une des deux tendances. […] La précision, c’est un art de transformer efficacement la qualité en quantité et de trouver à la complexité réelle un équivalent pratique simple. […] Mais il nous importe beaucoup que le tableau du critique ressemble le plus possible à l’homme ou à l’œuvre réels. […] Engendrer une figure géométrique, c’est établir une identité entre cette figure et le mouvement qui l’a décrite, et ce rapport d’identité n’est réel que parce que ni cette figure, ni ce mouvement ne sont réels.

451. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il existe en Dieu une idée universelle de tout ce qui existe ici-bas à l’état de chose réelle. […] Les idées sont beaucoup plus réelles et beaucoup plus vivantes que les choses réelles. […] Il n’y a rien donc de plus réel et de plus vivant au monde. […] Il est juste que l’injuste souffre ; mais c’est, aussi, très réel. […] L’iconoclaste brise une statue qu’il voulait briser, il n’y a rien de plus réel.

452. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

La sagesse se compose de vertu et de sens du réel. […] L’homme est fait pour penser plus loin et plus haut que le réel. […] Ils voulaient échapper au réel et ils y échappaient comme ils pouvaient. […] Il n’y a là rien de régulier, de normal, ni d’équitable et de juste, ni, pour ainsi dire, de réel. […] Sainte-Beuve a en toutes choses une sincérité réelle, mais discrète et comme sournoise, et son scepticisme a été, lui aussi, réel, sincère, discret, sournois et un peu craintif du grand jour.

453. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

Le saint- simonisme, sous ce rapport, a eu l’immense mérite de soulever et de poser avec audace les vraies questions, celles qui ressortent de l’examen réel de la société d’à présent, et bien que ses solutions aient été hasardées et mystiques parfois jusqu’à la folie, il a déchiré le voile d’une fausse pudeur et a montré au christianisme attiédi ce qu’on oubliait trop et ce qu’il fallait guérir. — M. 

454. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Se croyant destiné à atteindre la vérité, l’homme à tout moment crée le réel.

455. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Vue étroite, travail insignifiant, avec de la science pourtant, une science réelle !

456. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Qu’ensuite Bergson ait réussi à imposer à l’univers pensant, et même à soi-même, et pour toujours, la considération du réel pur, c’est une autre question, c’est une question ultérieure. […] Je vois partout dans Bergson le souci de la considération du réel pur. […] Là-dessus le voyage cartésien réel est un aller, puis un retour et aller. […] Quand on dit que le platonisme est une philosophie de la dialectique, et le cartésianisme une philosophie de l’ordre, et le bergsonisme une philosophie du réel, on les prend tous les trois dans leur temps de méthode.

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