Les éditeurs de ses œuvres avaient toujours jugé à propos d’éliminer un écrit, selon eux, trop familier : « Ce fut pendant ce voyage (d’Auvergne), est-il dit dans le Discours préliminaire de l’édition de 1782, et à l’occasion de tous les événements dont il y fut témoin, qu’il composa la relation des Grands-Jours, ouvrage écrit à la hâte, et qui ne ressemble en rien ni pour la gravité du ton, ni pour l’élégance du style, aux autres productions de sa plume… Aussi Fléchier, parvenu aux honneurs de l’Église et compté déjà parmi les hommes célèbres de son temps, n’a-t-il jamais permis que cette bagatelle devînt publique par l’impression. […] Il a écrit avec succès, il a parlé en public, même avec applaudissement « Sa conversation n’est ni brillante ni ennuyeuse ; il s’abaisse, il s’élève quand il le faut.
Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ? […] Ce dernier s’était habitué peu à peu (le cœur humain est ainsi fait) à confondre son échec de 1812 avec les calamités publiques qui suivirent.
L’artiste, sur ces réunions, ne fait donc aucunement l’épreuve du public, même de ce public choisi, bienveillant à l’art, accessible aux vraies beautés, et dont il faut en définitive remporter le suffrage.
Borel, parce qu’il a assez de talent pour mériter qu’on le soit avec lui, et parce qu’il l’est en vérité trop peu, lui et quelques-uns de ses amis, avec le public. […] Il en est résulté chez quelques-uns un contentement précoce, un mépris du grand public, des formes étranges et maniérées qui ne sont pas comprises hors du cercle, et, pour ainsi dire, une sorte d’argot maçonnique qui souvent fait tort à leur pensée.
Il diffère du second en ce qu’il n’est point le mandataire du peuple ; son devoir ne le soumet point à l’intérêt public, et il est au-dessus des lois. […] Toutes les forces privées et publiques se rassemblent en sa personne, mais ce n’est pas pour assouvir l’homme, c’est pour glorifier le roi.
» Si Lamotte s’était plus mêlé de moraliser, je croirais le reconnaître dans cette image de vertus humaines, qui, « nées le plus souvent dans l’orgueil et dans l’amour de la gloire, y trouvent un moment après leur tombeau », ou qui, « formées par les regards publics, vont s’éteindre le lendemain, comme ces feux passagers, dans le secret et les ténèbres19. » Suis-je même bien sûr de ne pas faire tort à Lamotte, en le supposant capable de ces figures ? […] Le public confondait les qualités avec les défauts.
Le séjour au désert de Judée était généralement considéré comme la préparation des grandes choses, comme une sorte de « retraite » avant les actes publics. […] L’homme surtout préoccupé des devoirs de la vie publique ne pardonne pas aux autres de mettre quelque chose au-dessus de ses querelles de parti.
Nous passons au bureau, deux ou trois heures par semaine, à attendre, chaque fois que s’entend un pas dans cette rue où l’on passe peu, à attendre l’abonnement, le public, les collaborateurs. […] une chose neuve pour le public, allons donc !
On entend, par exemple, distinctement le passage où Suetone dit que Caligula aimoit avec tant de passion l’art du chant et l’art de la danse, que même dans les spectacles publics il ne s’abstenoit pas de chanter tout haut avec l’acteur qui parloit, ni de faire le même geste que l’acteur qui étoit chargé de la partie de la gesticulation, soit pour approuver ce geste, soit pour y changer quelque chose. […] Ciceron veut bien qu’un homme qui se destine à parler en public tâche d’acquerir la grace et l’air aisé de Roscius, mais il ne veut pas qu’il moule son geste sur le geste qu’on enseignoit aux gens de théatre.
Cela pourrait ajouter à la beauté du coup d’œil les jours de fête publique. […] — Eh bien, le public des théâtres aussi aime la crinoline, et ailleurs que sur la scène.
si on réussit, on l’ôtera, ce masque, et on jouira de sa petite gloire, à visage découvert… Or, comme en attendant cet heureux jour, on l’avait levé pour la Critique qu’il faut séduire, et qui n’étant pas une Lucrèce, mais une femme des plus galantes, avait fait à l’auteur du Bluet force articles favorables et madrigalesques, la personne mystérieuse qui signe Gustave Haller, avait, enchantée, levé un bout de masque aussi du côté du public. […] Ce livre est même plus gros, plus long, plus lourd, et à plus grandes prétentions que le premier, Mme Gustave Haller n’est plus une jolie femme, qui a voulu changer de succès et qui a jeté, avec une grâce impertinente, au nez du public, un petit livre auquel elle ne pense déjà plus.
Étude, c’est l’essai solitaire qui risque une confidence avec le public, et le monde est brutal ; il ne veut que des choses accomplies. […] Les vestiges qui nous restent de ces sociétés, de leurs travaux publics, de leurs architectures, doivent paraître à des âmes d’architectes, d’antiquaires et d’académiciens, des civilisations colossales.
deux fois nouvelle, puisqu’il atteste des modifications inespérées et profondes dans la pensée de son auteur, connu déjà par des publications importantes et tout un enseignement public. […] On légifère beaucoup en Grèce ; on y fait des constitutions comme des tragédies ; on y fait des discours comme des statues ; on agite les places publiques, et on y commande des armées qui réalisent de magnifiques œuvres d’art militaire à Marathon et à Salamine ; mais on n’y gouverne pas.
Après nous avoir exposé le jeu de cette roue fatale dans laquelle tournait Rome, — les extorsions des proconsuls dans les provinces servant à payer les suffrages, puis les charges publiques rapportant à leur tour de meilleures provinces à piller et de plus grands proconsulats, — comment Champagny n’a-t-il pas vu surgir tout à coup la nécessité d’un pouvoir qui, n’ayant pas à se faire élire, n’eût point à faire payer aux provinces son élection ? […] Ce sentiment de l’unité de son sujet s’est affaibli — et on le conçoit — dans les mille recherches de la vie privée et publique, deux terribles complications du temps des Césars !
Augmenter de plus en plus la richesse publique, tel est, pour Jobez, le but véritablement social et la seule amélioration possible de la dure condition humaine. […] Dès qu’il ne s’agissait plus de la rigueur d’une solution absolue, mais tout simplement d’un moyen à prendre pour arriver aux bénéfices de cette solution, c’est-à-dire, pour nous, en d’autres termes, à un accroissement relatif de la fortune publique, Jobez, qui sait les faits, ne pouvait se tromper.
L’homme et le saint sont tellement fondus en lui par le miracle d’une grâce infinie, que dans sa vie publique il est le même que dans sa vie privée. […] Il en est de même de la vie publique et privée de Saint Louis, jointes ensemble, comme les morceaux de la Croix qu’il adorait, dans sa pratique et sa conscience de fort chrétien.
Dans l’indigence de la pensée publique qui se rue si badaudement aux Expositions, et le néant des œuvres qu’on publie, la Critique est heureuse de pouvoir, en se retournant, mettre la main sur un livre resté dans l’obscurité de son mérite, — le destin, d’ailleurs, de tout ce qui est élevé en littérature. Ce livre du comte de Gobineau, quand il le publia, a fait moins d’effet sur le pauvre public qu’on patine avec des journaux, que Le Bouton de rose, par exemple, de l’odoriférant M.
c’est une bonne aubaine pour lui-même et pour le public. […] La première condition d’une œuvre littéraire, c’est le temps, le sérieux, l’effort, la conscience, le respect de soi et du public, auquel on ne jette pas les bavures de son portefeuille à la tête.
Qui s’est trompé une fois peut se tromper une seconde, et l’Opinion, la grosse Opinion publique, qui n’en fait jamais d’autres d’ailleurs, s’est assez longtemps méprise sur Lamennais, M. […] Forgues, ont cité des passages de la plus merveilleuse éloquence, il est vrai, mais qui étaient dans la donnée du talent connu et presque public de l’homme qui a écrit l’Essai en matière d’indifférence, les Paroles d’un croyant, la Révolution et l’Église, etc. ; ces passages, magnifiques comme expression, n’apprenaient rien de nouveau, ne modifiaient rien de ce qu’on sait sur la manière de Lamennais, et n’avaient le droit d’étonner personne.
Saint-Bonnet a prouvé à quelle race d’esprits il appartenait, en donnant pour base à une question de réforme dans l’éducation publique cette histoire de l’affaiblissement de la raison en Europe, qui serait la plus sûre prophétie de notre prochaine décadence, si le livre où elle est annoncée ne renfermait pas les meilleurs moyens de l’éviter ! […] Seulement, applaudi ou délaissé du public, ce livre n’en formule pas moins, sur la question de l’enseignement classique, les grandes considérations qui doivent rester et auxquelles il faudra bien revenir.
Lacordaire n’a pas fait œuvre de philosophe complet encore, il n’a pas fait œuvre de prêtre : un prêtre n’eût pas tant attendri, tant mondanisé et tant vulgarisé la langue sévère du catholicisme en abaissant, devant les exigences publiques, son surnaturel et merveilleux idéal ; un prêtre ne demande pas pardon pour la divinité de son Dieu !! […] Mais sur ces pages qui restent là, qu’on peut reprendre et qu’on peut relire pour les juger, ce traître style écrit, qui n’a ni la voix, ni le geste, ni l’émotion de la chaire qu’on a sous les pieds, ni les mille yeux attentifs du public qu’on a devant soi, ce traître style écrit dénonce la médiocrité, ou le néant, ou les défauts de l’écrivain.
Mais sans sa prétention à être une religion, elle a bien, je vous assure, tout ce qu’il faut pour dompter la pensée publique. Elle doit lui plaire, par son apparente simplicité de point de vue et de déduction, et la faire trembler, par les connaissances terribles qu’elle exige… Or la pensée publique, en France surtout, ressemble aux femmes, qui doivent toujours un peu trembler pour bien nous aimer.
Quel critique enfin a signalé au public, d’une façon quelconque, l’existence d’une traduction qui met à sa portée une œuvre littéraire, comptée au premier rang dans la littérature espagnole, et qui de plus lui fait connaître une de ces prodigieuses individualités, comme on dit maintenant, d’autant plus curieuse qu’elle est inexplicable à la sagacité purement humaine de l’Histoire, mais dont, pour cette raison peut-être, l’Histoire aime peu à s’occuper. […] Sainte Térèse, grâce à la traduction que M. l’abbé Bouix vient de nous donner de ses œuvres complètes, peut être maintenant aussi profondément connue du public français que jusqu’ici elle l’était peu ; et nous désirons qu’elle le soit.
Et le Public s’y prit aussi, et plus franchement que la Critique. […] On en faisait un monument… public !
Ces enfants gâtés du soleil et souvent terribles, M. de La Madelène les a fait vivre tels qu’ils sont, non pas seulement dans leur vie domestique et de foyer, mais dans leur vie collective, leur vie d’assemblée, d’émeute, de farandoles et de batailles, car le plein air, le dehors, la place publique, sont pour eux bien plus le foyer que le coin du feu de la maison ; il nous les a montrés en plein dix-neuvième siècle et à cette heure du dix-neuvième siècle, dominés par l’incoercible élément méridional, qui leur donne encore la physionomie des ancêtres ; par ce caractère héréditaire et local que la poussière humaine ne perd que le dernier, et qui se révolte avec tant d’énergie sous l’émiettant et l’aplanissant rouleau que la civilisation, cette Tarquine à la main douce, qui ne fait pas voler les têtes de pavot sous les coups de baguette, mais qui se contente de les coucher par terre en les caressant, promène par-dessus toutes choses, comme dans une allée de jardin ! […] Dans ce roman, — qu’on pourrait appeler une immense tragi-comédie à tiroirs, et à tiroirs pleins de choses, — il y a un amour jeté là, en passant, cet amour exigé dans toutes les pièces françaises par l’imagination du public, mais cet amour n’est qu’une visée secondaire dans la préoccupation de l’auteur, sous la main duquel le vaste cœur compliqué des foules palpite mieux que les cœurs grêles de moineau de ses amoureux !
L’auteur de La Guzla, qui nous apprend, dans la préface de la seconde édition de cet ouvrage, qu’il s’est amusé à mystifier le public en traduisant un livre qui n’a jamais existé, et qu’il a écrit de manière à ce que les plus savants de l’Europe y ont été pris, tout simplement pour l’avoir poudré, ici et là (Macpherson à trop bon marché !) […] Mérimée, pour le connaisseur comme pour le public.