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569. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

L’école dont nous parlons (si on peut appeler du nom école la réunion assez nombreuse et peu homogène qui se groupa autour de quelques principes communs), réussit plus vite qu’on ne l’aurait osé croire d’abord, à se fonder une influence grave, salutaire, incontestable. […] Lerminier en a déjà parcouru une bonne longueur ; il est, pour quelques années encore, sur une ligne de travaux historiques, qui aboutissent de toute nécessité à une théorie plus ou moins formelle, dont au reste la tendance, les principes et de nombreuses parties s’aperçoivent aisément.

570. (1890) L’avenir de la science « XIV »

L’organisation, exigeant l’expérience et le balancement des principes par les faits existants, ne saurait en aucune façon être l’œuvre d’un jeune homme. Je ne ferai donc que poser les principes.

571. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Il serait libre de barrer le chemin à tous les mensonges, de quelque part ou de quelque parti qu’ils vinssent ; libre de s’atteler aux principes embourbés dans les intérêts ; libre de se pencher sur toutes les misères ; libre de s’agenouiller devant tous les dévouements. […] Cette vie imposante de l’artiste civilisateur, ce vaste travail de philosophie et d’harmonie, cet idéal du poëme et du poëte, tout penseur a le droit de se les proposer comme but, comme ambition, comme principe et comme fin.

572. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Montesquieu lui-même n’a souvent fait que développer les principes de l’évêque de Meaux, comme on l’a très bien remarqué. […] Mais tel était leur principe, qu’il ne faut pas faire un petit mal, même pour obtenir un grand bien 168, à plus forte raison pour des systèmes, dont le résultat est presque toujours effroyable.

573. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Les principes de morale où les grecs étoient alors élevez, ne leur permettoient pas d’avoir d’autres sentimens que des sentimens d’aversion pour un spectacle où, dans le dessein de divertir l’assemblée, on égorgeoit des hommes qui souvent n’avoient pas merité la mort. […] L’attrait de l’émotion fait oublier les premiers principes de l’humanité aux nations les plus débonnaires, et il cache aux plus chrétiennes les maximes les plus évidentes de leur religion.

574. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Dès que les sciences dont j’ai parlé ont operé en vertu de leurs principes, dès qu’elles ont produit quelque chose qui doit être utile ou agréable aux hommes en general, nous connoissons alors sans autre lumiere que celle du sentiment, si le sçavant a réussi. […] La philosophie qui enseigne à juger des choses par les principes qui leur sont propres, enseigne en même-temps que pour connoître le mérite et l’excellence d’un poëme, il faut examiner s’il plaît, et à quel point il plaît et il attache ceux qui le lisent.

575. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Parmi les citations manuscrites de notre dernier ouvrage, toutes n’ont pas évidemment la même importance ; il y en a de négligeables, que nous avons cru devoir donner cependant, pour être complet, par rigueur de doctrine, par excès de démonstration, en vertu de ce principe qu’on dépasse toujours un peu le but quand on veut prouver quelque chose. […] En fin de compte, quelle est la doctrine quels sont les principes de M. 

576. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Cette vérité, vous la faisiez trop matérielle, trop concrète ; au fond, cependant, vous aviez raison, et je vous remercie d’avoir imprimé en moi comme une seconde nature ce principe, funeste à la réussite mondaine, mais fécond pour le bonheur, que le but d’une vie noble doit être une poursuite idéale et désintéressée. […] J’existai pour lui, il fut pour moi ce qu’il était pour tous, un principe de vie, une sorte de dieu. […] Et cette vie n’avait qu’une seule source, un seul principe, M.  […] Adieu. » La punition même la plus légère implique un principe servile d’obéissance par crainte. Pour moi, je ne crois pas qu’à aucune époque de ma vie j’aie obéi ; oui, j’ai été docile, soumis, mais à un principe spirituel, jamais à une force matérielle procédant par la crainte du châtiment.

577. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Elle tire à elle, elle voudrait convertir à sa propre inertie et faire dégénérer en automatisme l’activité toujours en éveil de ce principe supérieur. […] Mais nous laisserons de côté les applications immédiates du principe et nous n’insisterons ici que sur des conséquences plus lointaines. […] Le corps vivant nous semblait donc devoir être la souplesse parfaite, l’activité toujours en éveil d’un principe toujours en travail. […] Elle serait la flamme même de la vie, allumée en nous par un principe supérieur, et aperçue à travers le corps par un effet de transparence. […] Supposons qu’au lieu de participer de la légèreté du principe qui l’anime, le corps ne soit plus à nos yeux qu’une enveloppe lourde et embarrassante, lest importun qui retient à terre une âme impatiente de quitter le sol.

578. (1890) Dramaturges et romanciers

Il semble admettre en principe que tout est digne d’intérêt, et qu’il n’y a qu’à copier toutes les formes que la réalité nous présente. […] Seulement nous prévenons d’avance nos modernes auteurs que si le verdict du public à leur égard devait être rendu d’après les principes exposés par M.  […] L’auteur a évité de donner à l’exposition des principes qui régissent les arts une forme pédantesque, et nous l’en félicitons. […] Puis, s’élevant de cette discipline équestre de la Grèce qui était toute douceur, toute sympathie, au principe de l’art, l’auteur découvre que ce principe n’est pas autre que celui qui présidait à l’équitation grecque, c’est-à-dire l’amour. […] Ils sont chargés non de se combattre, mais de se compléter, car un des buts de l’auteur a été de montrer combien tous les principes de l’art s’enchaînent étroitement, comment les divers systèmes qui ont été proposés sur les principes du beau ne sont ennemis qu’en apparence, et ne sont séparés que par les limites arbitraires qu’ils s’imposent.

579. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Au lieu de regarder au principe, elle ne vit que les apparences. […] Jacques Bainville, — que faire aujourd’hui sans le principe des nationalités et à l’encontre ou au mépris de ce principe ? […] … Et cependant, nous sommes revenus au principe des nationalités : c’est en vertu de ce principe que les nations lancent leurs armées ; c’est en fonction de ce principe que la carte d’Europe se refait. […] le principe des nationalités. […] Et les plus fous enveloppaient de généreux principes leur impertinence.

580. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Le Play remarquait surtout le contentement de cette population d’ouvriers condamnés à une vie dure et sévère, et même malsaine en définitive, mais garantie d’ailleurs par des institutions efficaces, et protégée par des principes subsistants de hiérarchie industrielle et de patronage. […] C’est le même langage uni et simple que dans son livre, avec l’abondance de plus, avec la particularité et un certain accent qui grave Il y a lieu de croire que la Révolution de 1848, les graves problèmes qu’elle souleva et les sombres pensées qu’elle fit naître, introduisirent un degré d’examen de plus dans quelques parties du livre, et tinrent plus constamment en éveil l’attention de l’observateur sur le principe moral qui maintient dans l’ordre certaines populations d’ouvriers, moins avancées et plus heureuses pourtant que d’autres. […] Le Play en vint à reconnaître que l’élément conservateur, le principe calmant et consolant, dans tous les cas qu’il avait observés, n’était pas distinct ni séparable de l’élément religieux.

581. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

La Revue des Deux Mondes et les écrivains qui tiennent à honneur de lui appartenir ont été récemment l’objet de telles attaques violentes et outrageuses, outrageuses et pour ceux qu’on y désignait malignement, et pour ceux qu’on y passait sous silence, en ayant l’air de les ménager, et pour ceux surtout qu’on cherchait à y flatter en se les donnant pour auxiliaires, que c’est un devoir à eux, non pas de se défendre (ils n’en ont pas besoin), mais de témoigner de leurs sentiments, de leurs principes, et de marquer de nouveau leur attitude. […] Quelles qu’en puissent être les causes très-complexes, le fait subsiste ; il s’est élevé depuis lors toute une race sans principes, sans scrupules, qui n’est d’aucun parti ni d’aucune opinion, habile et rompue à la phrase, âpre au gain, au front sans rougeur dès la jeunesse, une race résolue à tout pour percer et pour vivre, pour vivre non pas modestement, mais splendidement ; une race d’airain qui veut de l’or. […] Qu’il y ait lieu, par instants, en littérature, à une critique d’allure tranchée, plus dogmatique et systématique, plus dirigée d’après une unité profonde de principes, nous ne le nions pas, et simplement, sans exclure de son à propos cette haute critique d’initiative, ce n’est point celle à laquelle la Revue d’ordinaire prétend.

582. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dans ces temps, pour dominer à un certain degré les autres hommes, il faut qu’ils n’aient pas de données sûres pour calculer à l’avance votre conduite, dès qu’ils vous savent inviolablement attachés à tels principes de moralité, ils se postent en attaque sur la route que vous devez suivre. […] Cromwell est resté usurpateur, parce que le principe des troubles qu’il avait fait naître était la religion, qui soulève sans déchaîner, était un sentiment superstitieux, qui portait à changer de maître, mais non à détester tous les jougs. Mais quand la cause des révolutions est l’exaltation de toutes les idées de liberté, il ne se peut pas que les premiers chefs de l’insurrection conservent de la puissance ; il faut qu’ils excitent le mouvement qui les renversera les premiers ; il faut qu’ils développent les principes qui servent à les juger : enfin, ils peuvent servie leur opinion, mais jamais leur intérêt, et dans une révolution le fanatisme est plus sensé que l’ambition.

583. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] Mais au sein de la retraite, on l’appelle dans le tourbillon du monde ; ceux qui se livrent aux plaisirs tumultueux veulent avoir le suffrage de la présence ; jettez-vous dans le tourbillon, frivoles Ecrivains, qui pour écrire n’avez pas besoin de penser, vous y perfectionnerez cet esprit léger tout fier d’idées sémillantes, il vous faut des éclairs, il vous faut un langage brillant qui puisse servir de voile à vos connoissances superficielles ; promenez-vous avec la folie, vous n’avez rien à gâter ; mais toi homme de génie qui as sçu méditer, poser des principes, affermir ta marche, & comme d’un tronc fertile, en suivre toutes les conséquences, toi qui vois en grand, garde-toi d’asservir tes mâles talens au goût des Sociétés ; elles corromproient ton éloquence, tes vues hardies & sublimes, ton héroïsme vertueux.

584. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Il en fit le point d’appui de son action, ou, pour mieux dire, l’un de ses points d’appui ; car il avait un sentiment trop profond de son œuvre véritable pour l’établir uniquement sur des principes aussi fragiles, aussi exposés à recevoir des faits une foudroyante réfutation. […] Ce fantastique royaume du ciel, cette poursuite sans fin d’une cité de Dieu, qui a toujours préoccupé le christianisme dans sa longue carrière, a été le principe du grand instinct d’avenir qui a animé tous les réformateurs, disciples obstinés de l’Apocalypse, depuis Joachim de Flore jusqu’au sectaire protestant de nos jours. […] Mais entachées d’un grossier matérialisme, aspirant à l’impossible, c’est-à-dire à fonder l’universel bonheur sur des mesures politiques et économiques, les tentatives « socialistes » de notre temps resteront infécondes, jusqu’à ce qu’elles prennent pour règle le véritable esprit de Jésus, je veux dire l’idéalisme absolu, ce principe que pour posséder la terre il faut y renoncer.

585. (1915) La philosophie française « I »

C’est dire que la France a fourni à la science et à la philosophie, au XVIIIe siècle, le grand principe d’explication du monde organisé, comme, au siècle précédent, avec Descartes, elle leur avait apporté le plan d’explication de la nature inorganique. […] Tout le monde sait comment s’élaborèrent en France, au cours du XVIIIe siècle, les principes de la science politique en général, et plus particulièrement les idées qui devaient amener une transformation de la société. […] Lui aussi remit tout en question ; il voulut remodeler la société, la morale, l’éducation, la vie entière de l’homme sur des principes « naturels ».

586. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

C’est ce que fit Massillon, et je le dis plus à son excuse qu’à sa gloire : ces sortes de transactions compromettent le principe qui a cédé. […] L’autorité d’un moraliste lui vient du principe même de sa morale. […] Mais je préférerais moins de maximes et plus de principes. […] Il y a dans Vauvenargues beaucoup d’opinions honnêtes, d’impressions vertueuses qu’il convertit en maximes ; il n’y a pas de principes. […] Enfin, ne serait-ce pas, sous un autre nom, le même que Vauvenargues appelle ailleurs Lipse, ou l’homme sans principes ?

587. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Elle vient d’un principe immortel, de cette « chaleur de cœur » que Schiller exigeait pour écrire artistement l’histoire. […] Depuis, en effet, que l’Église romaine a posé dans le monde le principe de l’autorité sur les débris de l’oppression et de l’usurpation antiques, il n’y a pas eu et il ne pouvait pas y avoir un fait d’ordre intellectuel plus considérable dans les annales de l’Esprit humain que la négation et le renversement de ce principe qui avait régné quinze cents ans. […] En Saxe, l’anarchie brouilla tout, dans des torrents de fange et de sang qui ont séché où ils coulèrent ; mais, en Suisse, de ce sang et de cette fange, le despotisme fit un mortier singulièrement tenace, et en bâtit un édifice qui dure encore sur les débris du protestantisme allemand, pulvérisé par son propre principe, cette roue d’Ixion qui tourne toujours, même dans le vide, depuis que Luther lui a imprimé le mouvement ! […] Ils devaient grandir comme ces frères que nous avons vus, qui adhéraient par la poitrine, mystère de physiologie ; mais, plus effrayants que les frères de la chair, qui s’aimaient et ajoutaient tendrement à leur attache par l’entrelacement de leurs bras, ces frères de l’esprit, liés par le même principe, devaient se nier, se déchirer et se maudire. Jamais on ne vit rien de si différent et de si semblable, et, comme l’Erreur, en se faisant homme, se rame toujours de la même manière dans le tempérament de l’humanité, nous avons vu, quand, de religieux, le principe protestant est devenu politique, se reproduire le même phénomène d’identité dans le mal et d’antagonisme dans les facultés.

588. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Aujourd’hui nos principes politiques ne sont pas plus arrêtés que nos principes de littérature ; jamais on n’a passé avec plus de facilité du camp des Grecs dans le camp des Troyens. […] Avec ce principe on ne fait ni musique ni tragédie ; on fait seulement une grande dépense d’harmonie et de génie pour fatiguer ses auditeurs. […] Les compilateurs littéraires, les auteurs de ces rapsodies intitulées Leçons de littérature, Principes de littérature, etc., ont répété comme à l’envi cette erreur. […] Nous voyons dans Monime une véritable Grecque ; dans Roxane, une femme du sérail, une sultane qui n’a d’autre principe d’éducation que ses passions et ses caprices. […] Ce principe est de toute évidence, et je ne crois pas qu’on se soit jamais avisé de le contester.

589. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

L’opinion s’en est émue et le principe de la propriété des lettres privées a été posé de nouveau. […] Shakespeare en a donné le principe dans Hamlet. […] Non, la Science n’a pas fait faillite en tant qu’elle s’est conformée à son principe fondamental : la soumission devant l’objet. […] De prodigieuses découvertes ont démontré la supériorité de leurs méthodes, qui se résument toutes dans ce principe : la soumission à l’objet. […] Quant aux lettres, le principe de déformation n’est pas moins évident.

590. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Moreau, de la bibliothèque Mazarine, apportant sur ce sujet une critique exacte et bienveillante, a depuis considéré Saint-Martin dans le fond même et le principe de ses doctrines, et s’est attaché à montrer comment il avait servi la vérité à son heure, et en quoi aussi il y avait manqué, en quoi c’était un chrétien peu orthodoxe, un hérésiarque qui en rappelle quelques-uns du temps d’Origène46. […] — Et c’est sur cette base-là, ajoute-t-il, qu’a été élevé ensuite tout mon édifice. » Ce fut à la campagne, à la maison d’Athée qui lui venait de sa mère, qu’il éprouva une autre vive impression de lecture ; il vient de parler des jeux de son enfance : J’y ai joui aussi bien vivement, nous dit-il, dans mon adolescence, en lisant un jour dans une prairie à l’âge de dix-huit ans les Principes du droit naturel de Burlamaqui. […] Dans l’intervalle, il fit imprimer plusieurs ouvrages dont le premier, composé à Lyon, fut publié en 1775, sous le titre Des erreurs et de la vérité, ou les Hommes rappelés au principe universel de la science. Il y prend position contre la philosophie du jour : « J’ai été moins l’ami de Dieu, dit-il, que l’ennemi de ses ennemis, et c’est ce mouvement d’indignation contre les ennemis de Dieu qui m’a fait faire mon premier ouvrage. » Mais ce livre qui allait à défendre la Providence et les premiers principes ne porta point et fut comme non avenu.

591. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Ce personnage original et unique, en un temps où il y en a si peu de parfaitement entiers, était, comme on sait, sorti de souche janséniste ou plutôt d’une famille imbue des principes et des maximes de Port-Royal, ce qui est, à mes yeux, un peu différent ; c’était, en un mot, de la sévérité morale chrétienne plutôt encore que de la théologie qui l’avait environné et nourri dès l’enfance, et il n’avait eu sous les yeux que l’exemple des justes dans son petit pays de Sompuis en Champagne, où, par hasard, la bonne et forte semence du pur Port-Royal était allée tomber. […] Je répète exprès la double devise, pour mettre les deux principes et les deux mobiles en présence : « De l’audace ! […] Cette doctrine particulière, qu’il étudia et analysa avec une fermeté ingénieuse, ne fut jamais chez lui que secondaire et subordonnée à des principes religieux et moraux supérieurs ; il ne poussa jamais l’examen à ses dernières limites, et les aventures, les constructions de système de ceux qui affectaient en toute occasion de se proclamer ses disciples, par un sentiment de reconnaissance et de déférence sans doute, mais aussi pour se couvrir au besoin de lui, lui restèrent choses extérieures et presque étrangères. […] Royer-Collard par fragments ; on ne coupe pas à volonté cette chaîne logique étroite, serrée, tenue si ferme et de si haut, remontant par son principe et allant s’attacher par un premier anneau au trône des lois éternelles, et d’où l’éloquence jaillissait par la force même de la déduction et comme par une pression invincible.

592. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Je viens vous rappeler aujourd’hui que, parmi nos concitoyens, il existe, pour nous et pour la postérité, un vieillard vénérable qui fut aussi le précurseur de l’apôtre de la liberté, et dont la vieillesse est flétrie par un décret lancé contre sa personne et ses écrits : c’est l’abbé Raynal, qui réclame aujourd’hui par ma voix la justice, les principes et la protection de l’Assemblée nationale. […] La mort de Mirabeau, survenue le 2 avril 1791, dut en effet donner le coup de cloche, et l’on crut peut-être avoir trouvé cette occasion propice dans la discussion qui s’éleva sur les principes de la liberté religieuse. […] Mais il n’avait pas su profiter de cette chance unique, il avait manqué à la belle mission qui lui était échue par le bénéfice du temps ; et après lui avoir représenté les contradictions flagrantes dans lesquelles le plaçait sa démarche, le ton et le caractère de ses anciens écrits qui juraient du tout au tout avec ce dernier acte, la palinodie qu’il semblait s’être réservée pour son chant du cygne, André Chénier lui traçait en regard le canevas de la véritable lettre qu’il aurait dû écrire, lettre sévère et digne, qui eût pu contenir un examen critique et judicieux de la Constitution, sans rien rétracter, sans rien démentir des principes. […] Chapelier, qui, à l’exemple de Barnave, ne demandait pas mieux que d’entrer dans cette voie de transaction et qui en avait pris même l’engagement secret à la veille de l’ouverture des débats pour la révision de l’acte constitutionnel, fut le premier à y manquer quand on fut à la tribune ; il y manqua, parce qu’on n’est pas libre de rétrograder quand on marche en colonne, parce que la force des choses en ces moments domine les volontés particulières ; parce qu’il y a courant et torrent irrésistible au dedans des assemblées comme au dehors ; parce que les mêmes hommes ne peuvent pas jouer deux rôles opposés à quelques mois d’intervalle devant les mêmes hommes, devant les mêmes murailles ; parce que l’esprit même y consentant, la langue tourne et s’ refuse ; parce que les murs, à défaut des fronts, ont une pudeur ; parce qu’enfin les uns se lassant, d’autres tout frais et tout ardents succèdent, qui ne permettent pas ces petits compromis particuliers avant le complet déroulement des principes et l’entier épuisement des conséquences.

593. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il tendait à substituer aux jugements passionnés et contradictoires une critique relative, proportionnée, explicative, historique enfin, mais qui n’était pas dénuée de principes ; loin de là, une sorte d’austérité y mesurait à chaque moment l’indulgence. […] Le nôtre, en avançant, a de plus en plus marché dans cette voie d’intelligence et d’impartialité, mais en s’embarrassant de moins en moins des principes. Il est presque arrivé déjà à la moitié de son terme, et il semble vouloir justifier cette parole que Mme de Staël proférait sur lui dès l’origine : « Le xviiie  siècle énonçait les principes d’une manière trop absolue ; peut-être le xixe commentera-t-il les faits avec trop de soumission. […] Il n’en restera pas moins vrai en principe que, puisqu’après tout l’historien fait toujours quelque peu l’histoire, soit qu’il articule à l’occasion ses pensées, soit qu’il se borne à extraire, à disposer les faits de manière à produire indirectement l’effet qu’il désire, il n’y a pas lieu, dans le champ ordinaire de ce noble genre, à tant de scrupule artificiel, à tant d’effacement de soi, à tant de confiance surtout en la réflexion du lecteur.

594. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

La forme du drame cornélien Le principe fondamental du théâtre de Corneille, c’est la vérité, la ressemblance avec la vie. […] En fait, Corneille ne conteste pas du tout le principe des unités. […] Voilà comment Corneille a peint si peu de pures passions : il a peint des exaltés, des fanatiques, mais toujours des passionnés intellectuels, qui voient leur passion, la raisonnent, la transforment en idées, et ces idées en principes de conduite. […] Et de là tout principe d’agir est transporté à la raison, toute force d’agir à la volonté.

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