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1209. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Une soif d’Au-delà persiste malgré tout, et, de quelque côté que nous nous tournions, nous nous heurtons au Mystère, ce mystère dont la plupart des symbolistes, à la façon de Maeterlinck, ont fait leur spécial élément et où ils ont pris la révélation du « tragique quotidien ». […] Il a pris sa doctrine à l’Église, mais non sa révérence, ni les fleurs du beau langage. […] Mal lui en prit, une décision de l’Index désapprouve le livre et le condamne au pilon. […] Voltaire, pour le définir en passant, est un imbécile malpropre19. » Ernest Hello nous rappelle, comme Pascal, à notre néant et veut humilier notre orgueil, mais ce péché satanique d’orgueil, qu’il dénonce chez les autres, a pris, sans qu’il s’en doute, racine chez lui et il offre un magnifique exemple de la vanité contemporaine. […] Ainsi prit naissance l’Ordre cabalistique de la Rose-croix, qui avait ses aspirants, ses grades, ses trois chambres, son conseil suprême.

1210. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Prenez, de ces œuvres, les plus saluées d’abord et les plus applaudies : combien de places déjà mortes, combien de couleurs déjà pâlies et passées ! […] Ce que les imitateurs prennent toujours, la forme, la superficie, le ton leste, le geste cavalier, les défauts fringants, toutes choses qui, au moins chez lui, sont portées avec une certaine grâce et désinvolture, et qu’eux ils se sont mis à copier religieusement. […] Ils ont pris le genre et le tic ; mais la flamme, la passion, l’élévation et le lyrisme, ils se sont bien gardés, et pour de bonnes raisons, de les lui emprunter. […] Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main, Alors qu’une si douce et si vieille habitude               Me montrait ce chemin ? […] Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ; Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées               Vous ne marchez jamais.

1211. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Tel a été le sort de l’histoire de la philosophie, si populaire il y a trente ans, un peu oubliée aujourd’hui, et qui a vu l’archéologie, l’histoire des langues ou la critique religieuse prendre sa place dans l’opinion. […] L’individu, étant presque à lui seul un petit monde, surtout quand il est grand, prend une place et joue un rôle qu’aucun individu n’occupe dans la nature extérieure. […] C’est que l’accident prend ici la valeur d’un fait général. […] Aujourd’hui la critique religieuse a pris un intérêt supérieur et jouit d’une très-grande faveur ; mais l’histoire religieuse a été préparée et facilitée par l’histoire de la philosophie. […] Sans ce secours indispensable, on prendra les religions par le dehors, on n’en comprendra ni le sens ni les développements.

1212. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

On conçoit bien comment les pantomimes pouvoient venir à bout de décrire intelligiblement une action, et de donner à entendre par le geste les mots pris dans le sens propre, comme le ciel, la terre, un homme, etc. […] Mais, dira-t-on, comment pouvoient-ils donner à entendre les mots pris dans le sens figuré, qui sont si fréquens dans le stile poëtique. Je répondrai en premier lieu, que le sens de la phrase donnoit quelquefois l’intelligence de ces mots pris au sens figuré. […] Cet auteur prend pour l’art des pantomimes, qui consistoit à réciter une piece ou une scéne suivie sans parler, ce que Tite-Live appelle amitandorum carminum actum, l’art d’exprimer à son gré et arbitrairement en dansant, quelques passions, art qui étoit certainement plus ancien qu’Auguste. […] Nous voïons même dans une lettre de Cassiodore que les pantomimes avoient pris des livrées differentes à l’imitation de ceux qui conduisoient les chariots dans les courses du cirque.

1213. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Pour prendre, ici encore, un exemple moderne, lorsque M.  […] Mais il est surtout un genre dans lequel cette fantaisie des titres s’était toujours un peu exercée et qui prit, avec la découverte de l’imprimerie, une extension énorme : je veux parler des écrits religieux. […] D’ailleurs, vers la même époque, du genre mystique et religieux, cette habitude de prendre des titres allégoriques s’étendit, sans que cela parût le moins du monde ridicule, à des livres de toute espèce. […] * *   * Une plus grande variété des titres s’introduisit dans la littérature lorsque, au xviiie  siècle, un genre qui, jusque-là, n’avait eu qu’un développement médiocre, le roman, prit tout à coup une extension considérable, et destinée à devenir plus vaste encore de notre temps. […] Au xviiie  siècle, où le roman commençait à prendre son essor, les titres varièrent surtout selon les modes.

1214. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Ce fut le premier âge de sa pensée, et c’est alors qu’il fut pris par la philosophie allemande. […] Cousin, dit-il, m’a pris quelques poissons, mais il les a bien noyés dans sa sauce. » M.  […] Le nôtre prendra en aversion une métaphysique qui fait de Dieu non un roi et une personne, mais une loi abstraite et une force fatale, et qui remplace l’immortalité de l’individu par l’immortalité de la civilisation ou de l’espèce. […] Je prends pour doctrine « cette philosophie qui commence avec Socrate et Platon, que l’Évangile a répandue dans le monde, que Descartes a mise sous les formes sévères du génie moderne, qui a été au dix-septième siècle une des gloires et des forces de la patrie, qui a péri avec la grandeur nationale, et qu’au commencement de celui-ci M.  […] Nous prendrons pour arguments ceux des philosophes qui nous ont précédés.

1215. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Sera-ce alors que l’on descendra dans soi-même, que l’on interrogera sa vie, que l’on se demandera ce que l’on a fait de grand ou d’utile, que l’on prendra la résolution de se consacrer enfin à des travaux pour l’État ou pour soi-même, que le fantôme de la postérité qui n’existait point pour l’âme indifférente, se réalisera enfin à ses yeux, et qu’elle consentira à mépriser la fortune, à irriter l’envie ? […] Qu’un homme se livre à un de ces mouvements, l’effet est prévu, il ne produit rien ; on croit voir quelqu’un qui s’échafaude pour étonner, et cette espèce d’appareil fait rire ; quelques hommes même ont pris ces formules pour de l’éloquence : autre source de ridicule. […] Cette connaissance, cette méditation profonde, vous donnera le plan et le dessein de votre ouvrage ; alors il en est temps, prenez la plume. […] Dans ce contraste, et d’organisation et de caractère, chacun cependant prend pour la nature ce qui est lui : nos passions ou nos faiblesses, voilà la règle de nos jugements. […] Mais soit que vous soyez éloquent, ou que vous ne le soyez point, soit qu’en célébrant les grands hommes vous preniez pour modèle ou la gravité de Plutarque, ou la vigueur de Tacite, ou la sagesse piquante de Fontenelle, ou de temps en temps l’impétuosité et la grandeur de Bossuet, n’oubliez pas que votre but est d’être utile.

1216. (1886) Le naturalisme

Balzac, certes, ne prit jamais la peine de recopier. […] Tel est le drame simple et terrible, pris dans la réalité, qui immortalise Flaubert. […] Il rentre chez lui, prend ses pinceaux et, sans le moindre scrupule, reproduit sur la toile ce qu’il a vu. […] Il prit courage. […] On le prit pour un client du cabaret qu’il décrivait.

1217. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Je n’osais me renseigner, craignant d’être pris pour un fou. […] Ainsi comprise, cette pratique absurde prend un sens raisonnable. […] On ne prend pas la parole le premier, on attend. […] Prendre le chemin de fer, c’était imiter tout le monde. […] Dans l’un et l’autre cas, ils ont pris parti contre la foule.

1218. (1888) Poètes et romanciers

En toute chose, il ne prend que la fleur. […] À la longue, on y prend une courbature. […] Le poids prit une forme, et la matière fut. […] il a pris la Bastille ! […] Il faut en prendre son parti avec nous.

1219. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Prenons cependant un dogme plus concret, dont la liaison soit plus évidente avec la morale, ou avec la pratique. […] Nous prenons aujourd’hui la religion par sa poésie ; nous la prenons par sa morale ; nous la prenons encore plus habituellement par son utilité sociale. […] Mlle de la Force prit le second parti, qu’elle dut tenir onze ou douze ans, de 1702 à 1713. […] Remarquez aussi le ragoût d’impiété dont ces dames prennent plaisir à relever leur libertinage. […] Elle le prend dans les entretiens la part que naguère encore y tenait la controverse.

1220. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Elle eut la bonne fortune de prendre une enseigne et de daguer un cacique. […] Pour lui, gibier traqué est gibier pris. […] Rendez-vous est pris. […] On ne prend pas congé de Sa Hautesse. […] Fréquenter Richelieu, c’est prendre des leçons de volonté.

1221. (1924) Critiques et romanciers

Il convient de renoncer aux doctrines, ou du moins de renoncer à les prendre pour ce qu’elles ne sont pas, à les prendre pour des réalités incontestables. […] Une seconde de plus, il était pris et dévoré par les chiens. […] Il vous a pris, comme on dit volontiers, en traître ? […] La Guélotte a pris en détestation le pauvre Miraut, bon chien pourtant. […] Notre société, soumise au gouvernement des idées, prend leurs maladies.

1222. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Grâce à Dieu, Chapus a maintenant assez vécu pour prendre enfin cette revanche, attestation de sa force, qu’un homme de talent finit toujours par prendre contre une société sans sympathie ! […] Chapus prendrait facilement la tête de la high life littéraire.

1223. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Nous prendrons les lois telles que les sciences nous les présentent, réparties en groupes distincts. […] Ensuite, je prends un détour, et je dis : supposons que (a − 1) + 1 = 1 + (a − 1). […] Mais les catégories de Kant les laissent, comme elles les prennent, extérieures et étrangères les unes aux autres. […] Avec Descartes, la science, dans sein ensemble, prend un tout autre caractère. […] Aujourd’hui que les sciences naturelles prennent un admirable essor, on se les propose pour modèle.

1224. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

La mère de Duclos, voyant ses dispositions précoces, prit sur elle de l’envoyer tout enfant à Paris pour y faire ses études, ce que bien des gens de qualité ne faisaient pas pour leurs fils et ce que nul bourgeois du pays n’osait alors se permettre. […] Chaque trait y est net, exact, mesuré, pris sur nature : ce sont des dessins excellents de justesse et de ressemblance. […] Il s’abandonnait chaque jour au même mouvement, pour lui facile, au même entrain sans cesse répété ; il ne se renouvelait pas, il ne grandissait pas : « Il n’est pas rare, disait-il, qu’on prenne dès la première entrevue l’opinion qu’on a de mon esprit. » Et en effet, c’est que, dans sa verve improvisatrice mondaine, il donnait d’abord sa mesure ; il jetait à tous venants ce qu’il avait de mieux, ce qu’il avait de plus original et de plus vif. […] Celle-ci a bien des défauts sans doute ; elle a aussi ses grossièretés, ses restes de détails matériels, ses affectations de sentiment ; on y voit l’échafaudage ; mais l’élévation y est, mais on entre décidément dans un ordre supérieur et habituel de pensées attachantes et de nobles désirsi : laissez-en la première partie, ne prenez que la seconde : un souffle d’immortalité y a passé. […] La plupart étant incapables d’un tel examen doivent consulter le sentiment intérieur : les plus éclairés pourraient encore en morale le préférer souvent à leurs lumières, et prendre leur goût ou leur répugnance pour la règle la plus sûre de leur conduite.

1225. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Qualités et défauts ainsi amalgamés et arborés avec faste faisaient de lui un homme des plus en vue, toujours en avant, actif, infatigable, moins incommode encore qu’amusant, dont tout le monde se moquait, mais qui dans ce rôle naïf qu’il avait accepté, et dont il prenait les bénéfices avec les charges, trouvait parfois des mots piquants, des ripostes imprévues, comme il arrive aux sots qui ont quelque esprit. […] disait-il, le sublime génie qui anime et soutient cet illustre corps m’a seul inspiré le glorieux dessein d’en être membre ; et comme, étant supérieur à tout, il n’a que de grandes vues, j’en reçois heureusement celles que je n’aurais osé prendre de mon chef, et que vous avez bien voulu rendre effectives. […] Vous le prenez, vous le quittez selon qu’il vous convient, et il est de l’intérêt de votre gloire de vous en détacher quelquefois, afin que les honneurs qu’on vous rend ne soient attribués qu’à votre seul mérite. L’ayant ainsi habilement dépouillé des grandeurs mêmes dont il vient de l’envelopper et de le draper à plaisir, il va prendre le prélat, sinon comme un écrivain, du moins comme un orateur, comme un des maîtres de la parole ; et c’est ici qu’il entre dans le vif, que le persiflage s’aiguise et s’enhardit, et que l’exécution commence. […] Le roi prit mal cette espièglerie d’un homme d’esprit dans un personnage public.

1226. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Le Gouvernement, là même où il ne prenait pas l’initiative, était envahi, débordé et obligé de céder. […] D’autres, simples assistants et hommes de désir, se plaisaient à voir le catholicisme s’essayer à des interprétations compatibles peut-être avec les progrès de la science et avec ceux de l’humanité ; ils prenaient goût à de hauts entretiens qui rappelaient ceux des philosophes ou des chrétiens alexandrins. […] Qu’elle n’en soit pas moins chère cependant, pour ne plus exister que dans le souvenir, cette union d’un jour, cette sympathie toute désintéressée des intelligences, et qu’aucun de ceux qui y ont pris part ne devrait oublier ! […] Certains corps religieux ont eu, de tout temps, l’art d’élever et de captiver les jeunes esprits : ils ne négligent rien pour cela, ni les méthodes nouvelles, ni les études variées, ni même l’agrément et les grâces : tout est bon pour prendre les enfants du siècle. […] C’est à croire que la Nature, après avoir produit l’auteur des Maximes, c’est-à-dire le moins dupe des hommes, s’est fait un malin plaisir de lui opposer le plus parfait contraste dans un de ses rejetons et qu’elle a voulu prendre sa revanche dans la même famille.

1227. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Les choses prises sur le vrai, dans le vif, voilà son champ et son horizon ; l’art au premier degré et de premier jet, ce fut le sien. […] Son père, qui s’en méfiait, prit de bonne heure ses précautions et coupa court à ses velléités guerrières en le mariant dès l’âge de vingt ans c’est vers ce même temps (1809) qu’Horace commença à exposer7. […] Se livrant avec une imagination vive et sensible à l’impression des objets, il en prend tour à tour le caractère : il change alternativement de style, de couleur, de moyens, et ne se ressemble qu’en une seule chose, la grâce et le naturel. […] Le tableau qu’il exposa en 1822 et qui représente l’Intérieur de son atelier donnerait, je crois, une idée un peu fausse si on le prenait au pied de la lettre et si on ne voyait Horace Vernet que dans cette heure de spirituelle ivresse, dans cette débauche de gaieté perpétuelle. […] » Si on prenait son dire au pied de la lettre, on serait tenté de moins l’estimer.

1228. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je crains aussi que le public (ne) nous force à prendre un parti beaucoup plus humiliant pour les ministres et beaucoup plus fâcheux pour nous, en ce que nous n’aurons rien fait d’après notre volonté. Enfin je suis bien malheureuse… « Je crains beaucoup, dit-elle encore, que l’archevêque ne soit obligé de partir tout à fait, et alors quel homme prendre pour mettre à la tête de tout ? […] D’une part, la reine qui a bien conscience de l’énorme responsabilité qu’elle prend, écrit au comte de Mercy le 25 août 1788 : « L’archevêque est parti. […] À un moment, elle négocie avec Mirabeau ; elle prend sur elle et triomphe de ses préventions de femme en consentant à voir le monstre : elle le trouve de près plus séduisant qu’effrayant. […] Évidemment, un jour que l’office lui avait paru trop long, elle avait eu l’idée de faire ainsi arranger le volume pour le prendre une autre fois et se désennuyer en le lisant.

1229. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Autrement on semble pris au dépourvu, et la place est enlevée avant qu’on ait paru en mesure de la défendre. […] Elle avait besoin d’être pressée, et j’avais le plaisir de voir qu’elle prenait souvent le bon parti… » Voilà la véritable Marie-Antoinette, celle, à l’origine, dont la personne avait du charme, mais dont l’esprit n’avait certes rien du prodige. […] Il fait allusion à la jalousie et aux tracasseries dont il est l’objet et dont on peut prendre idée par les accusations grossies de Mme Campan : « Je ne parlerai pas à Votre Excellence, dit-il, de mille petites peines que j’ai souffertes presque continuellement : ce ne sont que des piqûres d’épingle, mais leur nombre creuse des plaies et rend la vie amère. » Le dauphin, le futur Louis XVI, n’aimait pas l’abbé et le lui marquait rudement. […] Il se rapporte à l’année 1776 : nous en donnerons les parties principales ; de telles esquisses d’après nature dispensent de bien des imaginations et des songes plus conformes à la poésie qu’à la réalité, et elles viennent à propos pour rompre de temps en temps la légende toujours prête à empiéter sur l’histoire : « La reine est très-bien de figure, et quoiqu’elle ait pris assez d’embonpoint, il n’y a néanmoins pas encore d’excès. […] Il est au fond assez naturel que cette princesse qui, étant arrivée si jeune en France, a pris tout à fait le ton et les goûts de la nation, cherche et trouve du plaisir à la fréquentation de ce qu’on appelle dans ce pays-là bonne compagnie.

1230. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Il parle de chaumière, et on le prendrait pour un pasteur quand il dit en beaux vers à son initiateur chéri : C’est toi qui fus pour moi cet ange de lumière Qui se laisse tomber du haut du firmament, Et qui, sur le palais comme sur la chaumière, Se repose indifféremment. […] Il était triste encore quand, après la foire, où il avait rempli sa petite bourse en portant des paquets, il la donnait à sa mère, et qu’il voyait celle-ci la prendre avec soupir en disant : « Pauvre enfant, tu viens bien à propos. » La pauvreté s’annonçait ainsi par de rares pensées, que bientôt dissipait la légèreté de l’âge. […] Il y a là un art de poëte qui prend le soin d’interrompre, par une touche sensible, ce qui deviendrait un badinage trop prolongé. […] Au moment où elle prend un couteau pour trancher le mouton, il jette un coup d’œil sur sa main qu’elle voudrait dérober : ce n’est que trop vrai ! […] Est-ce que saint Joseph voudrait nous faire entendre, le bon saint, qu’à l’amour trop pressé il ne reste rien à prendre ?

1231. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

André Chénier, en effet, à le prendre comme un de nos contemporains, selon la fiction qu’on aime, serait du groupe de Béranger, Victor Hugo et Lamartine ; c’est un des quatre, si l’on veut, et à ce titre il ne représenterait qu’un des côtés de la poésie de notre époque, ce qui est tout différent. […] Et souvenez-vous de moi dorénavant lorsqu’ici viendra, après bien des traverses, quelqu’un des hôtes mortels, et qu’il vous demandera : « O jeunes filles, quel est pour vous le plus doux des chantres qui fréquentent ce lieu, et auquel de tous prenez-vous le plus de plaisir ?  […] remy aura pris, de réminiscence, ce Centaure pour la montagne. […] Qu’on relise la pièce originale, qu’on relise ensuite l’élégie xxxii de Chénier, et l’on verra, dans un excellent exemple, comment l’aimable moderne prend naturellement racine chez les Anciens, et par quel art libre il s’en détache. […] Celui qui demain va mourir sent un regret à quitter la vie que consolait sous les barreaux une vue si charmante, mais il exprime ce regret à peine, et son émotion prend encore la forme d’une pensée légère, de peur de jeter une ombre sur le jeune front souriant94.

1232. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Rien n’est mieux pris sur le fait que le mal et l’idée fixe d’Ourika, une fois éclairée sur sa couleur : « J’avais ôté de ma chambre tous les miroirs, je portais toujours des gants ; mes vêtements cachaient mon cou et mes bras ; et j’avais adopté, pour sortir, un grand chapeau avec un voile que souvent même je gardais dans la maison. […] Dans Édouard on voit deux siècles, deux sociétés aux prises, et le malheur qui frappe les amants devient le présage d’un avénement nouveau. […] L’une perdit son premier mari, l’autre son père sur l’échafaud ; toutes deux subirent l’émigration ; mais les idées de l’une de ces personnes distinguées étaient déjà faites, pour ainsi dire ; ses impressions, la plupart, étaient prises. […] Elle prenait même, on peut le soupçonner, une part assez active à la politique d’alors par ses amitiés et ses influences. […] En réalité, Mme de Duras avait pris l’idée première d’Édouard et de cette situation inégale dans l’inclination marquée que témoignait pour sa fille Clara (depuis duchesse de Rauzan) M.

1233. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Marivaux est trop près de Fontenelle, pour qu’on s’étonne de le voir prendre ce rôle : il le fait sans violence et sans âpreté, avec une grâce malicieuse, semant les hypothèses et les paradoxes de l’air d’un homme qui n’en soupçonne pas la portée. […] Il a posé en face l’un de l’autre ces deux êtres destinés à s’aimer, qui se sentent disposés à s’aimer avant de se connaître, et qui font effort pour se connaître avant de s’aimer, qui s’observent, s’étudient, se tendent des pièges, tâchent de forcer le mystère de l’âme par laquelle ils se voient pris irrésistiblement. […] Dans la Surprise de l’amour, c’est le heurt de la vanité qui fixe l’attention : chacun des deux personnages est fâché de n’être pas unique en sa bizarrerie, fait effort pour réduire la bizarrerie de l’autre à la banalité des façons universelles, et se prend en voulant prendre. […] Quand toutes les pensées de l’homme se rabattent vers la terre, le plaisir prend une valeur infinie. […] Laissant la peinture du monde et des ridicules mondains, La Chaussée prend pour objet la vie intime, les douleurs domestiques : il développe les tragédies des existences privées, le mari libertin ramené à sa femme par la jalousie, le riche ou noble fils de famille épris d’une pauvre fille, le fils naturel en face de son père, etc.

1234. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Il devient réellement insupportable de converser avec des hommes qui n’ont, dans le cerveau, que des cases où tout est pris, et où rien d’extérieur ne peut entrer. […] Paul Raynal, n’avait pris le soin pieux de recueillir ces fragments, de les enchâsser dans un certain ordre, et d’en faire comme une suite de pierres précieuses. […] C’est de l’esprit distillé et fixé dans tout son suc : on n’en saurait prendre beaucoup à la fois. […] Puis, j’ai pris La Bruyère au chapitre des « Ouvrages de l’esprit ». […] Joubert dans les papiers de Chênedollé, qui en avait pris note en le quittant.

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