Mais ils eurent des fortunes inégales et diverses selon la grandeur du rôle politique qui échut aux pays où ils étaient parlés. […] Insensiblement l’unité politique devenant plus étroite et plus réelle, la littérature d’autre part se faisant de moins en moins populaire, Paris dut à ses rois et a son université d’être le centre intellectuel du royaume. […] La terrible croisade des Albigeois fut un grand événement littéraire autant que politique et religieux : elle porta d’un coup la langue française jusqu’aux Pyrénées et jusqu’à la Méditerranée.
Ils n’ont rien vu, ils n’entendent rien, ils n’ont pas même de quoi établir le néant auquel ils espèrent après cette vie, et ce misérable partage ne leur est pas assuré. » Et quels rapports moraux, politiques ou religieux se sont dérobés à Pascal ? […] Une des choses les plus fortes que Rousseau ait hasardées en politique, se lit dans le Discours sur l’inégalité des conditions : « Le premier, dit-il, qui, ayant clos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, fut le vrai fondateur de la société civile. » Or, c’est presque mot pour mot l’effrayante idée que le solitaire de Port-Royal exprime avec une tout autre énergie : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; c’est ma place au soleil : voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » Et voilà une de ces pensées qui font trembler pour Pascal. […] Bossuet et Fénélon, le premier dans son Histoire universelle, dans ses Avertissements et dans sa Politique tirée de l’Écriture-Sainte, le second, dans son Télémaque, ont dit sur les gouvernements toutes les choses essentielles.
Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. […] En effet, dès qu’une fois les plébéiens ont reconnu qu’ils sont égaux en nature aux nobles, ils ne se résignent point à leur être inférieurs sous le rapport des droits politiques, et ils obtiennent cette égalité dans l’état populaire, ou sous la monarchie. […] … Il faut plutôt que Bodin, et avec lui tous les politiques, tous les jurisconsultes, reconnaissent cette loi royale, fondée en nature sur un principe éternel ; c’est que la puissance libre d’un état, par cela même qu’elle est libre, doit en quelque sorte se réaliser.
La pensée, nourrie par l’étude, prépare à l’action politique ; l’action politique donne un corps à la pensée, exerce le caractère, enseigne par l’expérience les choses humaines et construit en nous le suprême résultat d’une longue vie, la philosophie (ce que les anciens appelaient la sagesse). […] Il s’éleva aux causes politiques, les seules qui rendent historique le nom d’un orateur. […] Cependant c’était là encore le début de Cicéron dans les causes politiques. […] Ni les prières, ni les circonstances politiques, ni les difficultés, ni le temps, ne peuvent nous dispenser de la reconnaissance ; ses droits sont imprescriptibles. […] La politique l’avait odieusement rejeté dans la vie inactive.
La politique est retombée au calme plat. Les seuls petits événements, ridicules pour les salons, mais qui ont de la portée au dehors, au moins comme symptômes, ce sont les brochures qui éclosent autour de M. de Lamartine : il a ses publicistes à lui, qui le démontrent à la foule (comme nous-même l’avons démontré poëte il y a quinze ans) ; on le démontre réformateur et politique, philosophe, — révélateur.
Si Villemain n’a pas proposé cette année sa loi organique sur l’instruction secondaire, c’est que le roi ne s’en est pas soucié : « Laissons faire, disait-il au ministre, laissons-leur la liberté à tous, moyennant un bon petit article de police qui suffira. » — Le roi est peut-être meilleur politique en disant cela, mais Villemin est meilleur universitaire. — Ces querelles religieuses détournent de la politique active immédiate.
Le plus connu de ses autres Ouvrages est celui qui a pour titre, Annales politiques de Louis XIV, où l’Auteur offre un tableau frappant des progrès de l’esprit chez notre Nation, pendant le regne de ce Monarque, & où M. de Voltaire. a puisé l’idée si mal remplie de son Siecle de Louis XIV, & le plan de son prétendu Essai sur l’Histoire générale. […] Ils ont contribué à étendre les lumieres politiques, à éclairer sur les objets qui peuvent augmenter le bien général & diriger la Morale vers la pratique.
Sa politique conseillée, dit-on, par le grand ministre Cécil, était ignoble, mais elle était anglaise. […] Ces pensées étaient justes en politique, mais les avouer était humiliant pour une reine et surtout pour une femme, encore plus pour une parente. Tout le secret de la temporisation d’Élisabeth est dans cette impossibilité d’avouer une politique qui la servait, mais qui la déshonorait devant l’Europe. […] La politique inhumaine et déloyale de la reine d’Angleterre la justifiait de sa propre duplicité. […] Les massacres de la Saint-Barthélemy, ces vêpres siciliennes de la religion et de la politique, firent frémir Élisabeth.
Ce fut là un des plus beaux résultats de la politique de Louis XIV ; et le dépit qu’en montre Saint-Simon, si entêté de titres et de rangs, prouve tout à la fois et la nécessité et la difficulté de ce changement. […] Enfin, sous le règne d’un prince dont le premier acte politique avait été de faire reconnaître par l’Espagne la préséance de l’ambassadeur français sur l’ambassadeur espagnol à Rome, l’imitation, étrangère disparut. […] La langue espagnole, si longtemps familière à tous les esprits cultivés, une politique malheureuse l’avait introduite en France ; une grande politique l’en bannit. […] La tragédie, qui emprunte ses personnages aux traditions héroïques ou à l’histoire, peut naître et fleurir même aux époques d’agitation politique. […] C’était un des fruits de cette intervention étrangère, que je charge de tous nos défauts d’alors, et qui ajoutait à la dépendance politique la servitude littéraire.
La crainte de Henri IV, en apprenant ces ouvertures faites sans lui et sans son conseil, c’était que les Hollandais ne se laissassent leurrer par l’Espagne, qu’une fois amorcés à cette idée de paix, ils ne la voulussent à tout prix et ne s’y précipitassent sans conditions suffisantes ; il y aurait perdu un allié utile qui occupait puissamment les forces de l’Espagne, en même temps que sa réputation politique en Europe eût grandement souffert d’un traité d’où il aurait été exclu. […] Le président Jeannin, amateur de la paix et sachant qu’au fond c’était aussi la politique de Henri IV, sut dissimuler dans l’origine et ne pas donner son dernier mot : Il était, a dit Grotius, si puissant en paroles et tellement maître des mouvements de son visage, que, quand il cachait le plus ses sentiments, il semblait toujours qu’il parlât à cœur ouvert (Vultus autem sermonisque adeo potens, ut cum maxime abderet sensus apertissimus videretur). […] Le point était habilement choisi par l’Espagne, si elle avait voulu rompre décidément en rendant odieux le roi de France allié des Hollandais, et en le présentant comme opposé aux intérêts et aux droits de sa propre religion : mais il n’entrait point en cela une si profonde politique, et bientôt, lorsque le président Jeannin eut introduit dans l’assemblée des États-Généraux (27 août 1608) sa proposition d’une trêve à longues années au lieu d’une paix, on vit (tant les mots sont puissants sur les hommes !) […] C’était, en effet, le dédale, en apparence inextricable, d’où le président avait su tirer un résultat politique et juste39. […] [NdA] « Il fut l’introducteur des Provinces-Unies dans la société politique du xviie siècle. » C’est ainsi que le caractérise M.
Elle semblait avoir un but politique et de circonstance, un but oblique. […] Il est presque plaisant aujourd’hui d’assister aux étonnements de De Maistre, d’entendre ses exclamations d’homme scandalisé, ses cris d’effroi comme si tout l’ordre politique était bouleversé, quand il voit en 1812 le prince royal de Suède acquérir auprès des souverains des droits dont il lui sera tenu compte. […] Cet esprit perçant, élevé, reste trop absolument l’homme de la politique sacrée, d’un ordre de choses qui avait la prétention d’être établi une fois pour toutes et de ne plus avoir à se renouveler. […] c’est un grand problème. » Il reconnaît donc le grand fait, bien que sans l’accepter : « Le monde que nous avons connu il y a trente ou quarante ans n’existe plus. » Philosophe politique, pourquoi se cabrer ainsi, pourquoi se roidir de toute la hauteur de son intelligence ? […] Mais je ne sais pourquoi je fais cette remarque ; de Maistre ne serait pas lui-même, il dérogerait s’il ne s’exprimait ainsi. — Sa supériorité est dans le monologue politique : de ces deux volumes, il y a les deux tiers très intéressants.
Plus tard, dans son application à la politique, ce fut de même : il était très travailleur en économie politique, en finances, écoutant Vauban et d’autres dans leurs plans de réforme et les discutant avec intérêt : en cela, le premier élève du duc de Chevreuse, ayant comme lui une curiosité infinie et une attention disséminée aux plus minutieux détails. […] Dans ce court espace, les projets politiques, les plans de réformé de l’État abondèrent autour de lui ; il les avait depuis longtemps provoqués, par des questions adressées en son nom à tous les intendants du royaume pour connaître par eux le détail de leurs généralités et s’en former un tableau de toute la France. […] Il n’est pas moins clair que le duc de Bourgogne cherchait, étudiait toujours, et n’avait rien trouvé de précis, n’avait rien de positivement arrêté ; que ses intentions étaient droites, pures, chrétiennes, tournées tout entières au bonheur et au soulagement des peuples, mais qu’avec tant d’instruction et le désir continuel d’en acquérir encore, il manquait de lumières supérieures, de génie politique, de ce génie qui tient surtout au caractère et à la conduite, à la décision de vue dans les crises, bien plus qu’aux règlements écrits et aux procédés mécaniques de constitution. […] Pour moi, je me suis persuadé, par l’expérience autant que par la réflexion, que ce serait une très mauvaise politique d’augmenter sans discrétion la classe des gens de Lettres.
Et à toutes les époques de trouble et de renouvellement, quiconque, témoin des orages politiques, en saisira par quelque côté le sens profond, la loi sublime, et répondra à chaque accident aveugle par un écho intelligent et sonore ; ou quiconque, en ces jours de révolution et d’ébranlement, se recueillera en lui-même et s’y fera un monde à part, un monde poétique de sentiments et d’idées, d’ailleurs anarchique ou harmonieux, funeste ou serein, de consolation ou de désespoir, ciel, chaos ou enfer ; ceux-là encore seront lyriques, et prendront place entre le petit nombre dont se souvient l’humanité et dont elle adore les noms. […] Patience, nous y arrivons. — Les odes sont, ou sacrées, ou politiques, ou personnelles. […] L’ode politique n’a aucun caractère dans Rousseau : il en partage la faute avec les événements et les hommes qu’il célèbre. […] De telles choses ont suscité le poëte qui les devait célébrer ; l’ode politique a été véritablement fondée en France ; les Funérailles de Louis XVIII en sont le chef-d’œuvre. Rousseau ne s’est pas contenté de mettre du pindarisme extérieur et de l’enthousiasme à froid dans ses odes politiques, pour tâcher d’en réchauffer les sujets : il a porté ces habitudes d’écolier jusque dans les pièces les plus personnelles et, pour ainsi dire, les plus domestiques.
La guerre pour de simples intérêts politiques, entre des peuples également éclairés, est le plus funeste fléau que les passions humaines aient produit ; mais la guerre, mais la leçon éclatante des événements peut quelquefois faire adopter de certaines idées par la rapide autorité de la puissance. […] Le caractère romain, ce miracle de l’orgueil national et des institutions politiques, n’existait plus : les habitants de l’Italie étaient dégoûtés de toute idée de gloire ; ils ne croyaient plus qu’à la volupté, ils admettaient tous les dieux en l’honneur desquels on célébrait des fêtes ; ils recevaient tous les maîtres que quelques soldats élevaient ou renversaient à leur gré ; sans cesse menacés d’une proscription arbitraire, ils bravaient la mort, non par le secours du courage, mais par l’étourdissement du vice. […] Nous marcherons plus vite que nos ancêtres, parce qu’à la tête des hommes sans éducation il se trouve quelquefois des esprits remarquablement éclairés, parce que le siècle où nous vivons, la découverte de l’imprimerie, les lumières du reste de l’Europe doivent hâter les progrès de la classe nouvellement admise à la direction des affaires politiques ; mais l’on ne saurait prévoir encore par quel moyen la guerre des anciens possesseurs et des nouveaux conquérants sera terminée. […] Les connaissances politiques avaient fait de grands progrès dans les premières années de la révolution française, parce qu’elles servaient l’ambition de plusieurs, et agitaient la vie de tous. […] Si l’esprit humain n’avait pas marché pendant les siècles même durant lesquels on a peine à suivre son histoire, aurait-on vu dans la morale, dans la politique, dans les sciences, des hommes qui, à l’époque même de la renaissance des lettres, ont de beaucoup dépassé les génies les plus forts parmi les anciens ?
J’appelle philosophie, l’investigation du principe de toutes les institutions politiques et religieuses, l’analyse des caractères et des événements historiques, enfin l’étude du cœur humain, et des droits naturels de l’homme. […] Les Italiens auraient de la dignité, si la plus sombre tristesse formait leur caractère ; mais quand les successeurs des Romains, privés de tout éclat national, de toute liberté politique, sont encore un des peuples les plus gais de la terre, ils ne peuvent avoir aucune élévation naturelle. […] Tel est l’effet que doivent produire sur un peuple des préjugés fanatiques, des gouvernements divers que ne réunissent point la défense et l’amour d’une même patrie, un soleil brûlant qui ranime toutes les sensations, et doit entraîner à la volupté lorsque cet effet n’est pas combattu, comme chez les Romains, par l’énergie des passions politiques. […] Depuis que ce pays a perdu l’empire du monde, on dirait que son peuple dédaigne toute existence politique, et que, suivant l’esprit de la maxime de César, il aspire au premier rang dans les plaisirs, plutôt qu’à de secondes places dans la gloire. […] C’est que, dans leur situation politique et morale, l’âme ne peut avoir son entier développement ; leur sensibilité n’est pas sérieuse, leur grandeur n’est pas imposante, leur tristesse n’est pas sombre.
De tout temps elle posséda des écrivains véritables, un plus grand nombre de vagues prosateurs et poètes assaisonnés de puissances éphémères : hommes de Cour autrefois, hommes politiques depuis 1830. […] Elle est bien fournie, certes, de guerriers et d’hommes politiques. […] Qui est plus apte à la chose qu’un homme politique habitué à solliciter dès son premier mandat ? À noter aussi que par un échange de bons procédés, l’Académie a, de plus en plus, droit d’entrer dans la politique. […] Indépendamment de quelques misérables grands-hommes de lettres, l’Académie réserve ses faveurs à des numéros exceptionnels, vedettes de l’Église, de la politique, du grand-monde, à un clown, M.
Des services politiques il descend volontiers aux services privés. […] Seuls les hommes politiques et les militaires ont échappé à cette universelle lèpre. […] Jules Ferry, qui est un grand politique. […] Il est vieux comme la politique ; et la politique est vieille comme le monde. […] — que, désabusé de la politique militante et des rigodons patriotiques, M.
J’étais engagé dans les luttes quotidiennes de la politique qui ne laissent guère de répit. […] Est-ce là connaître l’homme, même politique ? […] Veut-on voir l’homme positif et le politique habile qu’il aurait pu être ? […] Le politique n’a qu’une heure dans la suite des siècles. […] Ce qu’il déteste dans la roture, c’est la prépondérance politique croissante de la richesse.
Ces gens-là font reculer l’idée politique qui avancerait sans eux. […] Dans les très nombreuses pages de cet entretien on trouvera le résumé de toute la politique du Saint-Père, politique libérale qui, si elle est approuvée par le plus grand nombre des cardinaux, ne l’est pas par tous. […] Qui ne connaît que le Blanqui jouant son rôle politique, ne le connaît pas. […] Pour finir, un petit cours de politique : il m’a expliqué pourquoi la Hollande, jadis républicaine, s’accommode si bien d’une monarchie. […] C’est là une question à soumettre à ceux qui ne font pas de politique.
L’oubli ne lui prendra que sa politique et ses regains de Béranger. […] La célèbre pièce sur la Voulzie respire une mélancolie, un désenchantement et un sentiment de la nature qui n’ont pas vieilli et qui contrastent avec l’âpreté de ses satires politiques de haut style et, richement ornées à la rime de ces fameuses « consonnes d’appui » que Banville a tant réclamées plus tard.
De là, dans ce livre, ces cris d’espoir mêlés d’hésitation, ces chants d’amour coupés de plaintes, cette sérénité pénétrée de tristesse, ces abattements qui se réjouissent tout à coup, ces défaillances relevées soudain, cette tranquillité qui souffre, ces troubles intérieurs qui remuent à peine la surface du vers au dehors, ces tumultes politiques contemplés avec calme, ces retours religieux de la place publique à la famille, cette crainte que tout n’aille s’obscurcissant, et par moments cette foi joyeuse et bruyante à l’épanouissement possible de l’humanité. Dans ce livre, bien petit cependant en présence d’objets si grands, il y a tous les contraires, le doute et le dogme, le jour et la nuit, le coin sombre et le point lumineux, comme dans tout ce que nous voyons, comme dans tout ce que nous pensons en ce siècle ; comme dans nos théories politiques, comme dans nos opinions religieuses, comme dans notre existence domestique ; comme dans l’histoire qu’on nous fait, comme dans la vie que nous nous faisons.
Pour nous, ce qui nous attire et ce qui nous en plaît aujourd’hui, ce n’est pas tant ce canevas sentimental aisé à imaginer, et qui est traité d’ailleurs avec grâce et délicatesse, comme aurait pu le faire Mme de Souza ; ce sont moins les personnages amoureux que des personnages au premier abord accessoires, mais qui sont en réalité les principaux : c’est un président de Longueil, forte tête, à idées politiques, à vues étendues, une sorte de Montesquieu consultatif en 89, et qui, en écrivant à Saint-Alban, lui communique ses appréciations supérieures et son pronostic chaque fois vérifié ; — c’est aussi le père du jeune Saint-Alban, espèce de Pétrone ou d’Aristippe, qui, pour se livrer à ses goûts d’observation philosophique et de voyages, a renoncé dès longtemps aux affaires, aux intérêts publics, même aux soins et aux droits de la puissance paternelle, et s’en est déchargé sur son ami le président de Longueil. […] Expressément questionné sur ce point par son ami Saint-Albanan, il lui fait, dans une certaine lettre LVIIe, une réponse qui est un excellent chapitre de politique clinique, si je puis dire, une leçon de politique au lit du malade. […] La Révolution de la France, unique dans son espèce, a donné aux esprits une commotion violente, qui leur a fait parcourir en tous sens les sentiers de l’économie politique et de la législation. […] Toutes les idées politiques répandues et dans L’Esprit des lois, et dans l’ouvrage si bien fait, si sagement ordonné, sur la grandeur et la décadence des Romains, sont contenues en germe dans les Lettres Persanes, et le sujet y permet certaines idées qui déparent la dignité d’un ouvrage aussi grave que L’Esprit des lois. […] Ces recommandations d’un père philosophe dans une Révolution m’en ont rappelé d’autres d’un très ancien poète grec, Théognis, qui avait assisté également à des révolutions politiques, et subi des confiscations, des exils : « Ô misérable pauvreté, s’écrie Théognis, pourquoi à cheval sur mes épaules déshonores-tu mon corps et ma pensée ?
Toujours est-il que ce mémoire mi-parti politique, mi-parti militaire, d’un examen serré et approfondi, présageait l’ensemble des opérations stratégiques qui allaient être dirigées par Napoléon le mois suivant contre l’aile gauche des forces prussiennes. […] Un auteur a dit que « la géographie était la maîtresse de la politique. » Jomini, qui cite le mot, et qui l’adopte, savait encore mieux que la géographie est la maîtresse de la guerre. […] Napoléon penchait vers ce dernier parti, et il commençait dès lors à entrer sans retour possible dans le système d’exagération qui devait forcer tous les ressorts, ceux de la guerre comme ceux de la politique. Jomini, qui était un politique aussi, eut l’idée de raisonner à ce moment, de confier son raisonnement au papier, et de faire une tentative auprès de l’Empereur. […] vous voilà, monsieur le diplomate, je vous connaissais bien comme un bon militaire, mais je ne savais pas que vous fussiez un mauvais politique. » Jomini ne laissa pas de rester toute cette campagne dans la confiance du maître.
Elle était à la poésie, elle roule désormais à la politique ; il est orateur. […] La littérature et la politique le disputèrent bientôt à l’Université. […] Son plus piquant et son plus solide écrit politique est intitulé : Guerre à qui la cherche, ou Petites Lettres sur quelques-uns de nos écrivains ; il tire à droite et à gauche, sur M. de Bonald d’une part, sur Benjamin Constant de l’autre. […] Sa renommée littéraire a souffert, dans le temps, de ses qualités politiques ; sa modération lui avait fait bien de vifs ennemis. […] Un jour, il y a quelques années, vers 1841, au plus fort des luttes politiques, dans une discussion d’adresse où il avait parlé plusieurs fois, M.
Indépendamment de son idéal, il avait l’instinct politique. […] Il avait poussé le défi politique jusqu’au crime aux journées de septembre. […] Venait-il chercher des inspirations politiques sous les arbres à l’ombre desquels son maître avait écrit le Contrat social ? […] J’en ai commis une autre et que j’aurai le courage d’avouer aussi, dans ma carrière d’orateur politique, peu de temps avant le jour où la monarchie de 1830, ébranlée par d’autres coups que les miens, s’écroula, comme un rempart d’une ville sapée par ses propres défenseurs, sur leur tête et sur la mienne, et où il nous fallut supporter seul le poids de ce formidable écroulement. […] XIX Cette faute politique, je ne me la suis jamais pardonnée, pour mériter que le Juge suprême (qui n’est pas l’homme) me la pardonne.
La France, victime de cette politique de conquête, en est devenue bientôt la complice, et on a pu la voir figurer au nombre des puissances européennes, qui, fières de leur haute culture attestée par des millions de soldats et des canons d’acier, se sont ruées (de quel appétit !) […] C’était un abandon volontaire des réformes promises par les républicains avant leur arrivée au pouvoir ; c’était, sous l’étiquette équivoque d’opportunisme, le dessein bien arrêté de subordonner toute application de principes à l’intérêt du moment ; c’était, par crainte des aventures et de l’inconnu, une prédilection avouée pour une politique d’affaires qui risquait fort de dégénérer en une politique d’expédients. […] Si l’on essayait de déterminer dans quel ordre s’est opéré l’affranchissement des diverses matières qui peuvent faire l’objet des livres, on verrait que la littérature pure, celle qui borne ses visées à plaire et à divertir, qui par conséquent ne heurte aucun intérêt grave et ne peut guère commettre d’autre méfait que d’ennuyer, a la première, comme il est naturel, obtenu sa place au soleil ; que la science, grande redresseuse de préjugés et par là suspecte, mais protégée contre les défiances du pouvoir par sa sereine impassibilité comme par les formules mystérieuses dont elle est d’abord enveloppée, a eu déjà plus de peine à se dérober au contrôle des gouvernants excités contre elle par l’Eglise ; que les écrits philosophiques et religieux ou antireligieux, malgré de nombreux retours offensifs de la même Eglise, ont su ensuite se libérer de la surveillance officielle ; enfin que l’histoire, les mémoires, et surtout les ouvrages traitant de questions politiques et sociales, exprimant de la sorte des idées pouvant du jour au lendemain se transformer en actes et troubler l’ordre établi, ont été les derniers à conquérir la faculté de paraître sans encombre. […] Est-il bien certain que dans les chansons de Béranger le gouvernement de la Restauration eût songé à poursuivre la gaudriole, si elle n’eût été assaisonnée de satire politique ? […] Comme en pareil cas, les sujets politiques et religieux sont d’ordinaire ceux qu’on lui interdit (on l’a vu sous le premier Empire et sous le second), le livre reprend faveur, parce qu’il est seul admis à traiter certaines questions graves, et le journal pour remplir ses colonnes recourt à cette causerie sur les faits du jour qu’on nomme la chronique, au récit des crimes et des accidents, aux commérages de salon ou de coulisses, aux descriptions de cérémonies, aux feuilletons ; il se fait de la sorte plus littéraire, à condition de se maintenir dans ce que des mécontents ont baptisé dédaigneusement « la littérature facile » ; ou encore il invente, pour toucher aux matières brûlantes, une série d’allusions, de périphrases, de réticences, de malices sournoises qui passent, comme des pointes d’aiguille, à travers les mailles du réseau où la loi s’efforce de l’emprisonner.