Une déviation semblable, plus abstraite, a organisé la morale en réalité indépendante et absolue, et l’a placée au-dessus de la fin vers laquelle elle tend et qui est sa justification.
Or Descartes est un homme qui dans la deuxième partie du Discours de la Méthode veut que l’on n’avance que pied à pied et qui dans la quatrième partie, se plaçant, allant se placer par le Je pense au cœur même de l’être et du moi et de la pensée, procède pour partir au bond le plus prodigieux qu’il y ait peut-être dans l’histoire des métaphysiques.
Si l’on veut travailler, on y est admirablement placé pour cela.
Par une de ces ironies que font quelquefois les hasards de la conversation, le monteur de la campagne de 1870 tombe au milieu de paroles, qui, tout le temps du dîner, font l’éloge d’Annibal, célèbrent la puissance d’organisation qui permit aux Carthaginois de se maintenir vingt ans en Italie, chantent les talents militaires de cet homme unique, que Napoléon plaçait le premier parmi les hommes de guerre du passé.
On les réfuta par le succès prodigieux & constant de ce genre ; par l’intérêt vif qu’y prenoient les femmes ; par l’impression que laissent toujours sur les cœurs même les moins vertueux les tableaux de la vertu, quoique placés dans un faux jour ; par la nécessité d’admettre un commencement à toute nouveauté utile.
À vrai dire, ce projet demeura pendant toute la vie de l’auteur de Faust, comme durant la courte vie d’André Chénier, placé devant ses yeux comme un idéal à réaliser.
À titre d’expérience, placez en regard de son étude sur Flaubert l’article de Sainte-Beuve sur Madame Bovary, et vous sentirez entre les deux manières l’abîme. », Fernand Vandérem, Le Miroir des lettres, 1re série (1918), Paris, Flammarion, 1919, p. 115.
Après François Ier, c’est Henri II, dont le règne passa entre le coup d’épée de Jarnac et le coup de lance de Montgomery ; Henri II, livré à un autre croissant, non moins honteux que celui du Turc, car c’était le croissant de Diane, la concubine de son père, contre lequel l’auteur des Guise ne trouve que cette phrase à coller : « Guerres malheureuses, pays plus malheureux encore, prodigalités mal placées ; il n’en fut pas moins pleuré par les Français. » Et cela le désarme, ces larmes françaises.
La Correspondance serait un commentaire intéressant des Œuvres, et qui sait si un jour un éditeur intelligent ne la placera pas en notes sous les pieds du texte ?
Il faudra que la raideur mécanique n’ait plus besoin, pour se révéler, d’un obstacle placé devant elle par le hasard des circonstances ou par la malice de l’homme.
Dans un très joyeux vaudeville, on nous présente un fonctionnaire de Monaco dont l’uniforme est couvert de médailles, bien qu’une seule décoration lui ait été conférée : « C’est, dit-il, que j’ai placé ma médaille sur un numéro de la roulette, et comme ce numéro est sorti, j’ai eu droit à trente-six fois ma mise. » N’est-ce pas un raisonnement analogue que celui de Giboyer dans Les Effrontés ?
La philosophie, spéculant sur les résultats de l’expérience et de la science positive, et en formant telle ou telle de ces synthèses qu’on nomme des systèmes, a besoin de voir les choses de très-haut pour pouvoir en saisir les rapports généraux, et s’élever ainsi, selon le sujet de ses recherches, à l’unité de loi, de type, de cause ou de substance, Or, dans cette contemplation suprême, il est presque inévitable, ou bien que les caractères propres de la réalité échappent au philosophe placé à un tel point de vue d’observation, ou bien qu’ils s’effacent et tendent à disparaître dans le vaste horizon ouvert sous ses pieds à ses yeux éblouis.
Plaçons, si vous voulez, les Pléiades à un niveau intermédiaire et équidistant entre la Chartreuse et le Comte Kostia. […] Mais il était peut-être excessif de placer ce persiflage dans la bouche de Renan qui, malgré quelques sourires, prenait sa tâche et sa gloire d’historien fort au sérieux. […] Ce n’est point sans doute aux pensionnats de demoiselles, où les notices placées en tête des éditions classiques des Fables suffisent largement. […] Tout le monde n’a pas la vocation du martyre : tous les torts sont au bourreau, et l’un des plus graves est de placer les gens tranquilles dans une pareille situation. […] On est également bien placé, à l’extrême droite ou à l’extrême gauche, pour invectiver contre le centre.
Avant de l’ouvrir, nous étions au parterre, à distance, placés comme il fallait pour admirer et admirer toujours. […] De là une échelle immense, le roi au sommet, dans une gloire surhumaine, sorte de dieu foudroyant, si haut placé, et séparé du peuple par une si longue suite de si larges intervalles, qu’il n’y avait plus rien de commun entre lui et les vermisseaux prosternés dans la poussière, au-dessous des pieds de ses derniers valets. […] Il semblait que la nature eût pris plaisir à placer ce qu’elle donne de plus beau dans les plus grandes princesses et dans les plus grands princes.
Voilà les caractères que je retrouve à des degrés divers, plus ou moins nets ou mêlés selon la diversité des tempéraments et la nature des ouvrages, chez tous les écrivains, poètes ou prosateurs, qui se placent entre la Ligue et Richelieu, qui sont venus après la Pléiade et avant l’hôtel de Rambouillet. […] Dans le Mémoire sur un arrêt du Conseil, nous voyons Montesquieu faire acte de propriétaire, et très partisan de la plantation des vignes dans le Bordelais : nous savions déjà qu’il était vigneron, et que sa gloire littéraire l’aidait à placer ses vins en Angleterre. […] On voit combien nous sommes loin ici de la sociologie rationnelle qui occupe les premiers plans de L’Esprit des lois ; ce fondateur de la politique abstraite, qui monte les constitutions comme des machines, qui s’imagine avoir assuré le bonheur social, quand il a bien équilibré toutes les pesées dans ses artificieuses constructions de cadres législatifs, sans se douter que ses formules n’enchaînent pas l’humanité vivante, ce sociologue trop convaincu est placé juste à l’opposé du très original et très moderne point de vue où les Réflexions sur la politique nous invitaient à nous mettre. […] Elle se tire d’un changement qui s’est opéré dans les mœurs, des conditions nouvelles où sont placés les écrivains. […] Écoutez Fabrice nous conter ses aventures : « J’aimais une fille de famille d’Oviedo, j’en étais aimé… J’enlevai la petite personne… Je la promenai pendant six mois dans le royaume de Galice ; de là, comme je l’avais mise dans le goût de voyager, elle eut envie d’aller en Portugal, mais elle prit un autre compagnon de voyage… Je me plaçai chez un gros marchand de drap qui avait un fils libertin… Le père m’ordonna d’épier son fils, le fils de l’aider à tromper son père : il fallait opter.
Quant à l’autre couplet, j’y reprends la nature, Qui des corps azurés a formé la structure, De n’avoir su placer à ce haut firmament Qu’un soleil seulement. […] Et il ajoute pour Costar : « Sans doute elles voudraient toujours écrire, s’il voulait toujours dicter. » Balzac, en louant Costar, savait à quel homme il avait affaire, à quel intérêt il plaçait ses louanges.
La vie ne lui avait pas été toujours facile et il en gardait une amertume qui s’exhalait en âpres diatribes et en paradoxes truculents. « Seules les guerres civiles sont intéressantes, disait-il, car on y a chance de connaître ceux que l’on tue. » Des propos comme celui-là, qu’Anatole France lui emprunta pour le placer dans son Jérôme Coignard, lui faisaient tort et trompaient sur son compte. […] Le coffre à bois ne contenait qu’une grosse bûche, et, au lieu de la placer dans le poêle, M.
Essayez d’isoler Jean-Jacques Rousseau de son siècle ; essayez de le placer entre Pascal et Racine. […] Je demande comment on a pu confondre la phrase libre, ample et flottante de cette époque littéraire, cette grande phrase dans laquelle les mots viennent se placer comme d’eux-mêmes, sans travail et sans effort ; cette phrase toujours simple, toujours légère sous les plus riches ornements, avec le style guindé, tourmenté, bizarrement attifé qu’affecte M.
De plus, dans les tables dont nous parlons, il faudra observer de placer les mots suivant leur sens propre et primitif, et non suivant leur sens métaphorique ou figuré ; ce qui abrégera beaucoup ces différentes tables : un autre moyen de les abréger encore, c’est d’en exclure d’abord tous les mots dérivés et composés qui viennent évidemment d’autres mots, et tous les mots qui ne renfermant pas des idées simples, ont évidemment besoin d’être définis ; ce qu’on distinguera au premier coup d’œil. […] Dans un dictionnaire latin, on pourra joindre au mot de la langue les étymologies tirées du grec ; on pourra placer les longues et les brèves sur les mots : cette précaution, il est vrai, ne remédiera pas à la manière ridicule dont nous prononçons un très grand nombre de mots latins, en faisant long ce qui est bref, et bref ce qui est long, mais elle empêchera du moins que la prononciation ne devienne encore plus vicieuse : Enfin, il serait peut-être à propos, dans les dictionnaires latins et grecs, de disposer les mots par racine, suivis de tous leurs dérivés, et d’y joindre un vocabulaire, par ordre alphabétique, qui indiquerait la place de chaque mot, comme on a fait dans le dictionnaire grec de Scapula, et dans quelques autres.
Comme un rêve est placé dans une atmosphère qui lui est propre, de même une conception, devenue composition, a besoin de se mouvoir dans un milieu coloré qui lui soit particulier. […] De plus, il est un des rares, le seul peut-être, qui ait gardé un profond sentiment de la construction , qui observe la valeur proportionnelle de chaque détail dans l’ensemble, et, s’il est permis de comparer la composition d’un paysage à la structure humaine, qui sache toujours où placer les ossements et quelle dimension il leur faut donner.
Mais Rousseau croit avoir ruiné l’objection et il continue en disant : « Sans quoi [si les moyens de le rendre ridicule ne sont pas assortis à son caractère] c’est substituer un autre homme au misanthrope et nous le peindre avec les traits qui ne sont pas les siens. » Reparti ainsi, Rousseau n’approuve dans les incartades amusantes d’Alceste que ce qui ressortit à l’âpreté, à l’escarpement de son caractère, à son stoïcisme, et toutes les autres lui semblent, à côté, surajoutées, adventices et inventées uniquement pour faire rire le parterre : « Voilà donc de quel côté le caractère du misanthrope doit porter ses défauts [mal écrit, veut dire sans doute : les défauts d’Alceste ne doivent être que ceux qui dérivent de son caractère tel que je le conçois : austérité intransigeante] , et voilà aussi de quoi Molière fait un usage admirable dans toutes les scènes d’Alceste avec son ami, où les froides maximes et les railleries de celui-ci, démontant l’autre à chaque instant, lui font dire mille impertinences très bien placées. » Mais en dehors de son « caractère âpre et dur », tous les traits par où il se montre ridicule sont faux. […] Mais je puis être un homme assez haut placé dans le degré de l’humanité, si je suis sensible aux injustices dont je suis l’objet, à la condition de l’être aussi aux autres, et si je suis également affecté des injustices qui frappent les autres et de celles qui m’atteignent. […] J’aurais tendance à placer au Misanthrope, en 1666, la ligne de partage, nécessairement très flottante, entre le Molière encore provincial, ou pour mieux dire encore personnel, et le Molière dressé et plié peu à peu par son public parisien. […] Placez un homme entre deux femmes avec chacune desquelles il aura des liaisons secrètes, puis observez quelle sotte figure il y fera. Placez en même cas une femme entre deux hommes, et sûrement l’exemple ne sera pas plus rare, vous serez émerveillé de l’adresse avec laquelle elle donnera le change à tous deux et fera que chacun se rira de l’autre.
Descendant des hauteurs inaccessibles où jusqu’alors on l’avait placée, n’est-il pas vrai qu’ici l’idée de la Providence ne s’abaisse assurément pas, mais enfin s’humanise ? […] Il est vrai que Bossuet lui avait répondu par avance : « Ceux qui se trouveront trop resserrés dans [ma] supputation des années pour y ranger à leur gré tous les événements et toutes les dates qu’ils croiront certaines, pourront se mettre au large tant qu’il leur plaira dans la supputation des Septante, que l’Église leur laisse libre, pour y placer à leur aise tous les rois qu’on donne à Ninive avec toutes les années qu’on attribue à leur règne ; toutes les dynasties des Égyptiens, en quelque sorte qu’ils les veuillent arranger ; et encore toute l’histoire de la Chine, sans même attendre, s’ils veulent, qu’elle soit plus éclaircie. » Et, en effet, pourvu que la splendeur de Babylone ou de Ninive ait été jadis éclipsée par celle de Persépolis ou d’Ecbatane ; pourvu que l’empire des Perses ait à son tour succombé sous les coups d’Alexandre, traînant après lui toute la Grèce ; et pourvu qu’enfin Rome ait hérité du pouvoir encore agrandi d’Alexandre, la philosophie de Bossuet ne subsiste-t-elle pas tout entière ? […] On peut même aller plus loin ; et — puisqu’il fallait que son œuvre fût faite, puisqu’il fallait que la morale, dans sa longue évolution, après avoir été placée dans la tutelle, sous la dépendance, et consacrée par les sanctions de la religion et de la philosophie, s’en affranchit, pour essayer de se constituer sur une base plus large, — on peut dire, et nous dirons que son œuvre fut bonne. […] Si l’on fait attention, maintenant, où Diderot a placé ces quelques lignes, en quel endroit de l’œuvre commune — dans cet article Encyclopédie, qui en est avec le Discours préliminaire de d’Alembert, le morceau capital, — on reconnaîtra que, pour avoir tracé d’abord le plan de leur Encyclopédie sur celui de la Cyclopædia de Chambers, ce n’en est pas moins de l’esprit de Bayle que se sont inspirés d’Alembert et Diderot. […] Peu favorisée de la fortune, on la plaça, toute jeune encore, auprès de Mme de Guise, comme fille d’honneur, et quelques biographes racontent qu’elle attira, pour son coup d’essai, l’attention du dauphin, fils de Louis XIV.
Saint Augustin la plaçait dans la nuit d’avant la naissance ; les Tahitiens la situaient dans les ténèbres d’après la mort. […] C’est que le succès, et surtout pour les œuvres de théâtre, peut naître spontanément d’un hasard, de l’agréable visage d´une actrice, d’un beau geste, d’un applaudissement bien placé, du caprice ou de l’émotion d’un petit groupe de spectateurs. […] Parmi les émotions qui retentissent le plus sûrement sur tout organisme un peu sensible, il faut placer au premier rang les émotions esthétiques. […] Que voilà donc encore de la morale mal placée !
Je crois que c’est à ce moment de la préhistoire qu’il faut placer les débuts de la vie pastorale. […] Le Dictionnaire des sciences philosophiques (édition de 1845) résume et complète cet exposé en termes beaucoup plus clairs que ceux qu’emploie l’auteur, souvent empêtré dans un singulier latin de mathématicien, fort difficile à traduire : « Les éléments de la matière sont des points indivisibles et inétendus, placés à distance les uns des autres et doués d’une double force d’attraction et de répulsion. […] Léon Blum n’est pas très bien placé pour observer la jeune fille de France. […] Ici se placerait un peuple encore inconnu, mais de langue indo-européenne, et qui aurait été le parrain d’un grand nombre de nos rivières.
Depuis longtemps, on avait reconnu que le chœur était le symbole de la « masse » placée dans l’état d’exaltation dionysiaque. […] Placé entre la Mort de Siegfried et Frédéric Barberousse, il condamne le drame non musical qui est l’œuvre du seul poète dramatique ; et il va à la Mort de Siegfried, d’où sortira l’Anneau de Nibelung, qui sera la création de son génie musical. […] La musique de Wagner, non placée sous la protection du goût de théâtre, — un goût très tolérant, — est simplement de la mauvaise musique, la plus mauvaise peut-être qui jamais ait été écrite. […] Il y a sur ce sujet, dans Choses humaines, quelques lignes fort intéressantes, à placer à côté des pages que Tolstoï consacre au même problème.
Il n’est que de se cantonner dans le coin de monde et dans le coin de vie où la destinée nous a placés et de regarder on soi. […] Il ne se contente plus de se placer en dehors de ses personnages pour faire saillir leurs ridicules et leurs travers, pour éclairer les replis obscurs où se cachent de puissants et honteux mobiles, ou encore pour les humilier devant l’inutilité de leurs efforts et devant les résultats dérisoires où aboutissent leurs meilleures intentions. […] En sorte qu’on peut poser cette loi : que, toutes choses égales d’ailleurs, une œuvre littéraire sera d’autant plus haut placée qu’elle réalisera davantage les conditions de la beauté qui lui est spéciale. […] D’où vient donc que Molière soit si haut placé au-dessus de Regnard, sinon de ce qu’il a enfoncé plus avant dans les caractères, de ce qu’il a imité plus fidèlement la vie, et de ce que son œuvre nous donne à penser ?