Mais il n’avait pas perdu son temps à Uzès. […] Malgré tout, les peuples parcourus et conquis par lui gagnèrent plus qu’ils ne perdirent à son passage. […] Or, Andromaque, sur le point de perdre son fils, supplie Pyrrhus à genoux et met cette fois dans ses prières un je ne sais quoi qui fait perdre la tête à Pyrrhus. […] Visiblement elle a perdu la tête. […] Mais il n’est Turc qu’à moitié, et c’est ce qui le perd, — et c’est aussi ce qui rend son caractère très attachant.
La race n’en est pas perdue. […] À ma droite les marais s’étendaient à perte de vue, à ma gauche la mer couleur de plomb se perdait dans les brumes qui masquaient la côte. […] Il était perdu de dettes et traqué partout. […] Un billet de spectacle perdit tout. […] Cependant, le comité de la Société du Libre-Échange ne perdait pas son temps.
Quand je perdis la vieille tante qui m’a élevé, il m’écrivit : « Faites de belles lectures ». […] Sa fierté de gentilhomme ne lui fit jamais perdre de vue le soin de la publicité et de la réclame. […] Il vient de perdre, par impuissance de réagir et pour sauver les apparences, 1.200 francs. […] Il se laissa choir un jour maladroitement dans la salle des Pas Perdus du Palais de Justice. […] Il perdait son temps sans regret, dès qu’il s’agissait de littérature.
C’est précisément sa force spirituelle, qui était sa seule vraie force, qu’elle perdait de la sorte. […] Bataille perdue, que Luther a perdue comme ceux qu’il a vaincus à moitié, parce que vaincre à moitié, ou être vaincu à moitié, en cette affaire, c’était toujours perdre la bataille. […] Seulement, notez ce point, nous avons perdu bien du temps. […] Il doit y avoir dans l’idée de la figue un mythe perdu dont il importerait de retrouver le sens. […] On a perdu beaucoup de temps.
Le Journal de Trévoux perdit en lui un bon Littérateur, & Paris un homme de bien.
Le Roi de Prusse le défendit lui-même pendant sa vie ; il l’a même défendu après sa mort : preuve certaine que les véritables Grands Hommes ne perdent rien en cessant d’exister.
Voilà un assez bon artiste perdu sans ressource.
A deux pas elles se perdent. […] En mûrissant, en vieillissant, j’ai perdu de mon idéalisme. […] Cette félicité, il redoute presque tout de suite de la perdre. […] Sont-ils irréparablement perdus ? […] Mais on y perdrait trop.
Né en Belgique, le 12 mai 1735, de l’illustre famille qu’on sait, il n’aime pas à dire au juste son âge ; il dit que son extrait baptistaire a été perdu. […] Le 17 mai 1757, il vit pour la première fois les postes avancés ; il entendit siffler les premières balles : « J’étais heureux comme un roi. » Son impatience s’accommode assez peu en tout temps de la lenteur méthodique du maréchal Daun ; on chante, après chaque succès, des Te Deum qui font perdre le temps. […] Il fait ses premiers prisonniers ; c’étaient quinze ou seize hommes et un capitaine qui, se trouvant coupés, se rendirent : « Et je les fis passer derrière les rangs avec un plaisir qui tenait de l’enfance. » L’affaire faite, il a perdu plus de la moitié de son bataillon, et ces débris victorieux continuent de rester encore exposés au canon fort mal à propos : « Il n’était venu en tête à personne de nous mettre à l’abri ; cependant tout était fini, et notre artillerie répondait fort mal à celle des Prussiens.
Depuis, là comme ailleurs, le respect s’est perdu ; on a plus loué, et moins estimé ou considéré ; on a eu des veines et des accès d’idolâtrie, moins de religion. […] … C’est une pièce sur un défaut assez commun, mais qui n’est pas le vôtre, celui de ne rien faire, de remettre toujours au lendemain, de perdre son temps en niaiseries. […] Et pour terminer ce petit épisode de Picard que j’ai introduit ici avec plaisir : on le voit donc, l’effort qu’au milieu de sa carrière tenta ce spirituel auteur pour atteindre à la haute comédie, fut manqué ; il livra sa grande bataille en cinq actes et en vers, comme je l’ai appelée, et il la perdit.
Frédéric y gagne, et elle-même en définitive, quoique prise en faute, n’y perd pas. […] Parmi les hommes de lettres qui moururent à Berlin, il en est un assez peu estimé et dont les ouvrages sont dès longtemps au rebut : ne croyez pas que Frédéric les trouvât bons, mais il nous fait du personnage un portrait vivant et parlant, qui dit tout en quelques lignes : Nous avons perdu le pauvre La Mettrie (21 novembre 1751). […] Maupertuis venait de perdre le sien âgé de quatre-vingt-quatre ans ; Frédéric essaie de le consoler par toutes les raisons naturelles : « Vous l’avez vu rassasié de jours, il vous a vu couvert de gloire… » Et il ajoute : « Vous avez eu un bon père, c’est un bonheur que n’ont pas eu tous vos amis. » 63.
On décréta, sans demander à l’entendre, « qu’il perdrait sa place dans le conseil, qu’il serait condamné à 10000 livres d’amende, et qu’on lui écrirait une lettre dure par laquelle on lui ferait savoir que ce n’était qu’en faveur des services de ses ancêtres qu’on ne pousserait pas plus loin la punition. » Besenval eut le bon esprit de recevoir cet arrêt de condamnation, non en gentilhomme de Versailles, mais en homme resté de son pays et en sujet soumis aux lois. […] Vous savez que votre ministre de la guerre est de toute incapacité, qu’il perdra votre armée, comme l’autre a perdu vos finances77 ; mais vous ne le chasserez que lorsque tout sera si bien bouleversé, qu’il n’y aura plus de remède. » — « Ma foi !
Il assiste le jour de Noël (1580) à la messe du Pape à Saint-Pierre et n’y perd rien des cérémonies. […] Quand ils furent avancés jusqu’à être devant Sa Sainteté, l’ambassadeur, mettant lui-même un genou en terre, « retroussa la robe du Pape sur son pied droit, où il y a une pantoufle rouge avec une croix blanche au-dessus. » Montaigne ne perd pas une occasion de regarder et de bien voir. […] On ne perd jamais son temps à l’accoster.
Chapelain ne perdait aucune occasion ce revenir à la charge, de faire valoir son ami, ou de l’excuser quand le cardinal s’impatientait de ne voir rien venir de ce fameux Dictionnaire, dont la première édition devait mettre encore plus de cinquante ans à paraître Chapelain à M. de Bois-Robert. […] En un mot on n’y perd pas un moment, et Son Éminence le peut croire d’un homme comme moi qui en ai été le promoteur, qui y donne le plus cher de mon temps et qui en passionne l’accomplissement comme y ayant un plus particulier intérêt d’honneur que personne. » Ces lettres, tout en faveur de Vaugelas, prouvent bien en même temps à quel point il y avait réellement besoin et urgence d’un Vaugelas pour épurer et alléger un peu ce style lourd et pesant des doctes Chapelain. […] Cette différence entre le point de vue de Malherbe et celui de Vaugelas est capitale, et notre auteur, si déférant d’ailleurs envers l’illustre poète, ne perd aucune occasion de la marquer.
On rapporte qu’au moment où son père venait d’expirer, le jeune duc s’approcha de Mme Servien, femme de l’ambassadeur de France, et lui dit en pleurant « qu’il priait M. l’ambassadeur d’assurer Sa Majesté qu’il était son très humble serviteur, et qu’il le suppliait très humblement de vouloir lui servir de papa, puisqu’il avait perdu le sien. » Ce petit discours, suggéré ou venu naturellement, et prononcé d’une voix sanglotante, fut le premier acte politique de Victor-Amédée. […] s’écriait-il, si l’on veut me perdre auprès du roi, je prendrai la poste, j’irai le trouver ; je m’assure qu’un si grand monarque, et qui a tant de belles qualités personnelles, ne m’abandonnera point ; j’irai même servir de volontaire auprès de sa personne, en cas qu’il entreprenne quelque chose ; car j’ai fortement dans la tête de mériter son estime. » — « Mais, lui répondait-on, les princes comme Votre Altesse Royale n’ont point accoutumé d’aller ainsi ; une telle démarche surprendrait fort le roi de France. » — « Non, répliquait-il, je sais bien que je n’ai rien à craindre en me jetant entre les bras du roi, qui est aussi honnête homme que grand monarque. » Et Louis XIV, touché à l’endroit chatouilleux, s’adoucissait pour le jeune prince, dont les effusions lui arrivaient par le canal de M. de La Trousse et de Louvois, tandis que son envoyé officiel, l’abbé d’Estrades, lui écrivait dans le même temps : « L’on doit cette justice à M. le duc de Savoie que c’est un prince qui a beaucoup d’esprit, qui est fort éloigné de tous les amusements ordinaires aux personnes de son âge, et que toutes ses occupations marquent des sentiments fort élevés, et beaucoup d’inclination pour la guerre et pour les affaires. » Le duc de Savoie marchait sur ses dix-huit ans. […] On se perd dans ces mille artifices qui se croisent et se multiplient, jusqu’à ce qu’enfin l’hostilité se déclare et qu’il devienne et apparaisse, aux yeux de tous, ce qu’il est bien réellement quand il ose, un jeune prince glorieux, fier et obstiné.
Né clandestinement, nourri avec mystère dans un quartier désert de Paris, puis emmené et comme perdu dans une campagne de Normandie, ayant reçu les premiers, les seuls éléments indispensables du curé du lieu, il grandit librement, sans assujettissement aucun ni discipline, et arrivé à l’âge de sentir, il trouva à sa disposition, dans un château voisin, une bibliothèque de dix ou vingt mille volumes, composée en grande partie d’histoires, de romans. […] Une pensée généreuse de progrès et d’amélioration sociale qu’il ne perdait jamais de vue le lui disait non moins nettement : car cet homme, qui parut de bonne heure si mêlé et si plongé dans les affaires, avait son but, sa visée supérieure et constante. […] Il avait désormais contre lui tout un parti, tout un groupe d’hommes passionnés qui, ardents à venger les résultats d’une rencontre qui n’avait rien eu d’inévitable et qu’on aurait pu prévenir, s’étaient juré de tout faire pour le perdre politiquement, socialement, et qui ne reculèrent devant aucun moyen.
Buzot nous parle à son tour de ses relations d’amitié avec Roland, et ce n’était pas un homme à jouer avec l’un et avec l’autre deux rôles aussi opposés, Je sais bien que lorsque Buzot apprit à Saint-Émilion la mort de Mme Roland, il en perdit l’esprit pendant quelques jours ; mais l’intimité dans laquelle il vécut avec elle, l’estime qu’il eut pour ses talents, peuvent facilement expliquer cette circonstance, de la part d’une âme ardente. » Honorable héritier du nom et des sentiments de l’un des hommes les plus purs de l’ancienne Gironde, ce même M. […] Une femme paraissait là un peu déplacée ; mais elle ne se mêlait point des discussions ; elle se tenait le plus souvent à son bureau, écrivait des lettres, et semblait ordinairement occupée d’autre chose, quoiqu’elle, ne perdît pas un mot. […] Je suis venue ici, fière et tranquille, formant des vœux et gardant encore quelque espoir pour les défenseurs de la Liberté ; lorsque j’ai appris le décret d’arrestation contre les vingt-deux, je me suis écriée : Mon pays est perdu !
Elle n’a pas abdiqué, elle n’a pas renoncé à toute prétention, elle n’a pas perdu toute espérance du côté du roi. […] Les amis de la favorite, voyant la reine paraître et espérer dans sa candeur reconquérir d’une seule fois tout le terrain perdu, y compris le point essentiel du conjungo, usèrent de l’arme, alors si en usage, du ridicule. […] La reine perdit donc une dernière fois la bataille et subit sa dernière mortification.
C’est ainsi qu’on se perd, qu’on s’annule quand on est roi, et qu’avec toute la droiture intérieure on démoralise sa propre action. […] La reine se prêta vivement à cette idée sans se rendre assez compte que Brienne dès lors était un homme perdu sans ressources ; elle en a bien le soupçon, non la vue nette. […] Necker refusa et devait refuser ; touché des avances et des instances de l’ambassadeur, il lui répondait très sensément : « L’animadversion est au comble, et je vous demanderais comme mon ami de me retenir, si le désir de me rapprocher de Leurs Majestés et de travailler au bien public me rendait faible un moment ; car je serais sans force et sans moyens si j’étais associé avec une personne malheureusement perdue dans l’opinion, et à qui l’on croit encore néanmoins le plus grand crédit. » Dès ce moment, c’est la reine qui semble tenir le gouvernail, ce n’est plus le personnage d’au-dessus dont elle parlait tout à l’heure, ce n’est plus Louis XVI, qui n’a plus pour rôle que de céder sans cesse et qui se fait prophète de malheur en cédant.
» Dans toutes ces scènes qu’elle a commencé à nous décrire, à partir des Horizons prochains, et où la nature occupe le premier plan, mais où les humains ne sont pas oubliés ; dans toutes les courses et promenades qu’elle fait par monts et par vaux, en rayonnant tout à l’entour ; chez toutes ces bonnes gens qu’elle visite, vignerons, bûcherons, vachers, tuiliers et autres, tous les Jacques et les Jean-Pierre des environs, — et la mère Salomé la rebouteuse, — et Marguerite la désespérée, qui craint d’avoir commis le seul péché sans pardon, le péché contre le Saint-Esprit, — et une autre Marguerite, celle à Jean-Pierre, une Baucis sèche et fervente de quatre-vingt-sept ans, — dans toutes ces historiettes à conclusion édifiante, Mme de Gasparin a fait la Légende Dorée du protestantisme, légende très-modernisée, rehaussée et enluminée, à la mode du jour, de couleurs très-réelles, et présentée sous forme de mœurs populaires ; mais le protestantisme y est, il y revient bon gré, mal gré, il ne souffre jamais qu’on le perde de vue, et l’on pourrait intituler cet ensemble de volumes déjà si variés : le protestantisme dans la nature et dans l’art au xixe siècle. […] L’une, la plus jeune, semble se dérober à l’arrière-plan ; elle a le geste furtif, la démarche hésitante ; elle glisse et se perd à chaque instant dans les ombres froides qui emplissent le fond. […] — Sans les bontés de Dieu, j’aurais perdu courage ; à vrai dire, je ne l’aurais jamais eu.
Je le demande, si nous avions perdu tout témoignage positif concernant Charlemagne, si nous en étions réduits pour le reconstruire, lui et son époque, aux romans de chevalerie, aux chansons de Geste des xie et xiie siècles, où seraient l’étoile et la boussole pour s’orienter ? […] Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper. […] Vieil Homère, grâce à ces explications et à ces compromis du bon sens, du sentiment et de la science, nous ne t’avons pas tout à fait perdu ; tu n’as pas péri, tu n’as été qu’éclipsé et un peu divisé, ô noble demi-dieu !
Le maréchal de Noailles, dans un sentiment non de rivalité, mais d’intérêt public, croit devoir signaler au roi cette retraite précipitée, inexplicable, faite sans en avoir reçu l’ordre, comme la plus grande preuve du manque de concert et du peu de subordination qui compromet tout et tend à tout perdre. […] C’est ainsi d’une part que les monarchies grandissent : c’est ainsi de l’autre qu’elles dépérissent et se perdent. […] « Je ne m’étendrai pas davantage pour cette fois-ci, mais j’attendrai votre réponse avec honnêtement d’inquiétude ; pensez le reste. » Il y a là quelque bon désir, quelque étincelle ; et quinze jours après (9 août), lorsque la retraite de l’armée de Bavière a ramené la guerre à notre frontière du Rhin, Louis XV dira : « Si l’on mange mon pays, il me sera bien dur de le voir croquer, sans que je fasse personnellement mon possible pour l’empêcher ; mettons-nous au moins en état de réparer de bonne heure ce que nous aurons pu perdre toute cette année-ci. » Sous des expressions peu nobles on aime à surprendre de ces réveils d’honneur.
Le comte de Clermont avait quatorze ans, lorsqu’il perdit un singe favori, pour lequel il commanda des lettres de faire part platement rimées, et il lui fit élever un mausolée où l’on mit aussi des épitaphes en vers. […] Il ne perdait pas au change : il afferma l’abbaye de Saint-Germain pour 180,000 livres, « sans compter les prés réservés, et tout ce que les fermiers lui fournissaient de paille et avoine pour ses chevaux. » Avec cela, le Journal de Lhuynes nous apprend que certain jour il prétendit, ainsi que les princes du sang, ne pas devoir payer ses ports de lettres ; mais Louis XV, qui était assez ferme avec les personnes de sa famille, lui dit qu’il avait tort et qu’il devait les payer comme les autres. […] Il recourut à la mère du prince, Madame la Duchesse, pour l’empêcher de faire ce pas de clerc qu’il lui épargna en effet ; mais il y perdit la faveur, et un soir qu’il rentrait chez son prince, le suisse lui apprit que l’hôtel lui était dorénavant fermé.
Denys de Thrace raconte ainsi comment elles furent recueillies : « À une certaine époque, dit-il, les poèmes d’Homère furent entièrement anéantis, soit par le feu, soit par un tremblement de terre, soit par une inondation ; et, tous ces livres ayant été perdus et dispersés de toutes parts, on n’en conservait que des fragments décousus ; l’ensemble des poèmes allait tomber entièrement dans l’oubli. […] Il en eut une fille unique, à laquelle il donna le nom de Crithéis ; il perdit bientôt sa femme, et, se sentant lui-même mourir, il légua sa fille, encore enfant, à un de ses amis qui était d’Argos, et qui portait le nom de Cléanax. […] La tradition de la plage où le vieillard aveugle fut enseveli se perdit malheureusement dans la suite des temps et dans les vicissitudes de l’île.
Elles substituent au nom propre de l’objet le mot qui fait ressortir un attribut, une propriété, un caractère, sur lequel le mot propre n’appellerait pas suffisamment l’attention : ainsi lorsqu’Alfred de Musset représente les paysans de la Forêt-Noire qui viennent perdre leur argent à la roulette de Bade, il ne nomme pas l’argent, mais la sueur qu’il leur a coûtée, le pain qu’il leur donnerait : Je les ai vus, debout, sous la lampe enfumée, Avec leur veste rouge et leurs souliers boueux, Tournant leurs grands chapeaux entre leurs doigts calleux, Poser sous les râteaux la sueur d’une année, Et là, muets d’horreur devant la destinée, Suivre des yeux leur pain qui courait devant eux. […] Que vous servira d’avoir tant écrit dans ce livre, d’en avoir rempli toutes les pages de beaux caractères, puisque, enfin, une seule rature doit tout effacer : encore une rature laisserait-elle quelque trace, du moins d’elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d’un seul trait tout notre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant… Qu’est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ? […] S’il eût dit sans périphrase, cinquante mille soldats, qui ne sent ce que la pensée eût perdu ?
A peine y murmure-t-on quelque messe dans un recoin perdu. […] S’imaginaient-ils que j’allais réfuter et gourmander ceux pour qui il n’y a pas de Dieu à offenser, pas de grâce à perdre, pas d’âme à déshonorer ? […] Il a raison de ne prêcher que pour les croyants, puisqu’il n’a plus, comme j’ai dit, que des croyants autour de sa chaire et qu’il perdrait sa peine à haranguer des absents.