, c’est par la peinture de genre qu’il vivra, s’il vit, ce peintre effrayant de nature humaine, de société, de caractère, d’histoire, qui allait être encore un peintre de batailles, s’il n’était pas mort !
Seulement il faut aujourd’hui le rappeler, au moment où ils prirent pour champ d’analyse et de peinture les mœurs populaires, ils étaient, l’un et l’autre, dans cette ébriété Je jeunesse qui se grise même avec de l’eau claire et oui la croit pure, quand elle est sale.
Nous possédions, il y a quelques années, plusieurs précieuses peintures de Goya, reléguées malheureusement dans des coins obscurs de la galerie ; elles ont disparu avec le Musée espagnol.
Il fit à Marc-Aurèle une peinture touchante des malheurs de cette ville ; Marc-Aurèle, attendri, fit rebâtir Smyrne et les habitants élevèrent Une statue de bronze à l’orateur.
Son style est une suite de tableaux ; on pourrait peindre ses idées, si la peinture était aussi féconde que son langage.
Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.
Cette formule suppose, en effet, qu’il y a une langue poétique spéciale, laquelle a sa beauté propre, comme la langue de la musique et comme celle de la peinture. […] C’est vrai de la musique, comme de la poésie, de la peinture et de la sculpture. […] L’autre jour il m’avait exposé une théorie de la musique ; maintenant c’est une hypothèse sur la peinture. […] C’est à la recherche et à la peinture de ces dernières qu’il se voua. […] Son but est d’imposer à l’attention de deux mille personnes réunies dans une salle une peinture de mœurs ou de passions.
De même que, dans un portrait, la nature de l’artiste se combine avec celle du modèle, de sorte qu’on y trouve à la fois quelque chose de l’un et de l’autre, et que, plus est vigoureux le génie ou le tempérament du peintre, plus intense est cette combinaison, cette complexité, ce mariage des deux natures, cette harmonie, — exemple, le Portrait de Charles Ier , par Van Dyck, — de même chaque génération survenante, involontairement et sans le savoir, mêle ses propres impressions aux œuvres de génie des siècles passés, soit en littérature, soit en peinture, soit en musique, et cela donne lieu à des effets nouveaux, que n’ont pas prévus les auteurs eux-mêmes. […] Ils sont des éducateurs et des nourriciers ; ils nous élèvent et nous fortifient : quand ce n’est pas directement par leurs idées, c’est par la puissance de leurs peintures, par leurs analyses si profondes et si déliées, à représenter la vie humaine ; c’est par les nobles sentiments qu’ils prêtent à leurs personnages et qu’ils tirent de leurs cœurs pour relever les nôtres. […] L’auteur, dans l’Examen de sa pièce, s’applaudit avec une franchise ingénue « d’avoir, sans connaître les règles, trouvé l’unité d’action, pour brouiller quatre amants par une seule intrigue », et fait « une peinture de la conversation des honnêtes gens ». — C’est plutôt en effet cela qu’une farce, quoi qu’ait voulu dire le mot attribué à Alexandre Hardy. […] Le Cardinal n’aurait souhaité qu’une modification à cette belle peinture de la cane et du canard : au lieu de La cane, s’humectant de la bourbe de l’eau, il aurait préféré, pour plus de vérité encore, La cane barbotant dans la bourbe de l’eau. […] Ils ne comprenaient pas ou ne voulaient pas admettre ce que Corneille, lui, concevait et sentait si bien, et se proposait de réaliser ; à savoir : la peinture de la vie humaine en sa complexité, en ses divers aspects, tantôt élevés, tantôt bas, au moyen de ces sortes de drames mixtes, familiers et héroïques, et aussi de ces expressions prises de la langue populaire ou bourgeoise, qui parfois surprennent, mais qui n’en sont pas moins justes et vraies.
Il y a des théoriciens de l’histoire de la peinture aussi, — je crois qu’on les appelle des préraphaélites, — qui, dans l’excès de leur admiration, je ne dis pas pour les Pérugin ou pour les Mantegna, mais pour les trecentisti, et je dis les plus inconnus, les Guido de Sienne et les Coppo di Marcovaldo, font dater de Raphaël le commencement de la décadence. Comme si la peinture n’était pas d’abord le charme des yeux ! […] Commençait-il plutôt « par une peinture de l’homme, dans laquelle il n’oubliait rien de ce qui peut servir à le faire connaître » ? […] Il voulait peindre l’avarice, il a donc rassemblé tous les traits qui pouvaient convenir à sa peinture, et déterminé toutes les situations qui devaient donner à l’abstraction du type le relief et la vie ; mais il n’a pas eu le temps de mettre à son tableau la dernière main, d’exercer sur ces éléments l’ordinaire sévérité de son choix, de concilier et de fondre les contradictions : de là je ne sais quoi d’incohérent, et l’infériorité relative du caractère d’Harpagon. […] C’est encore ainsi que, s’il s’était agi de peinture, j’aurais sacrifié, sans balancer, toute l’école française — depuis Clouet jusques et y compris M.
Divan oriental, cabinet italien ébène et ivoire, peintures moyen-âgeuses aux murs, bureau de chêne, grands fauteuils Louis XIII. […] Ce qui remplacera la grossièreté des peintures et les jongleries de mots et de mètres ? […] Je crois à une peinture de la vérité plus large, plus complexe, à une ouverture plus grande sur l’humanité, à une sorte de classicisme du naturalisme. […] — Au fond, voyez-vous, c’est de la peinture que j’aurais dû faire, dit-il avec un peu de tristesse. […] Wagner en musique, Puvis de Chavannes en peinture, sont pour quelque chose dans tout cela. — Leur voyez-vous aussi des ancêtres littéraires ?
Enfin, pour ce que Cyrus ou Clélie contiennent de peintures de la société française du temps, qui ne le saurait pas, c’est qu’il faudrait qu’il fût sourd, de ne pas l’avoir entendu crier par la voix emphatique, et même tonitruante, de Victor Cousin. Si d’ailleurs ces peintures sont aussi fidèles que le paraît croire M. […] Mais, par malheur, et en attendant que Racine paraisse, voici qu’aux mains des dramaturges qui pendant vingt-cinq ans ne vont guère s’inspirer que de l’Astrée, comme aux mains des romanciers qui l’imitent, la peinture de l’amour, monotone et métaphysique, va dégénérer en celle d’une fade galanterie qui n’en est que la contrefaçon. […] En tant que les romanciers proposaient à l’admiration de leurs lecteurs le spectacle des grands événements de l’histoire, ou, comme ils disaient alors, la peinture des « belles âmes », la tragédie, dont c’était précisément aussi l’ambition, remuait bien plus fortement et bien plus profondément les imaginations et les cœurs. […] La peinture ou l’imitation d’une réalité toute prochaine encore devenait l’une des conditions du genre.
La peinture des caractères est humaine : celle des conditions l’est fort peu. […] Il ne l’a jamais vue qu’en peinture ! […] À ses peintures flamboyantes et mouvementées il ne préfère pas les tours d’adresse et les manèges savants d’un Scribe. […] » Il a dû avoir ainsi bien des amoureuses en peinture. […] Comment ne goûterait-il pas en effet ce genre de peinture qui a le velouté vivant et le frêle coloris de l’aile du papillon ?
Si les fresques de l’Angelico ont « passé », ce n’est pas parce que le temps les a rendues moins belles, c’est parce que l’humidité a gonflé le ciment où la peinture est embue. […] « La description est la peinture animée des objets. » Il veut dire que, pour décrire, il faut se placer comme un peintre devant le paysage, soit réel, soit intérieur. […] » Il faut savoir que le ripolin est une peinture toute préparée que le premier venu peut étaler sur une boiserie ; on comprendra alors toute la sincérité de ce vœu et son ingénuité. […] La peinture claire et les étoffes transparentes sont incompatibles avec la nécessité de la houille ; là où il faut se chauffer beaucoup et beaucoup activer des machines, le plaisir est d’avoir une maison solide, de manger des choses fortes, de boire en écoutant la pluie battre les vitres. […] Ce personnage sortait évidemment d’une histoire illustrée de la peinture italienne, feuilletée le matin.
Rien de plus frais, de plus distinct et de plus net que cette peinture ; pas un trait n’y est vague ni de convention ; tout s’y anime et y vit aux regards, et y luit de sa juste couleur, ce qui fait que l’image est restée toute jeune, toute neuve et comme d’hier, dans un si vieux sujet. […] » Bien que le plus grand nombre des traits qui composent ce tableau entre d’ordinaire, bon gré, mal gré, dans toute description du printemps, et que la poésie, en émigrant vers le nord, n’ait cessé de s’inspirer et de se ressouvenir de ces mêmes anciennes peintures du midi, comme si dans leurs objets elles restaient toujours présentes, on peut s’assurer qu’il n’en était pas ainsi pour Méléagre, et qu’il avait bien réellement sous les yeux le spectacle fortuné qu’il décrit.
» En avançant, l’idée s’est agrandie et transformée : le jeune amoureux se trouve mêlé aux grandes affaires ; le ministre, père d’Inès, de celle qu’il faudrait aimer, a pris plus de place, et la peinture de son caractère a envahi le premier plan. […] On devine, pour une foule de scènes et pour un certain fond permanent, combien M. de Talleyrand a posé ; et la peinture, extrêmement reconnaissable, peut sembler en général adoucie plutôt que déguisée par l’amitié.
Il ne se bornait pas aux simples faits principaux ni à l’analyse des ouvrages, ni même à la peinture de la physionomie et du caractère ; il voulait tout savoir, renouer tous les rapports du personnage avec ses contemporains, le montrer en action, dans ses amitiés, dans ses rivalités, dans ses querelles ; il visait surtout à ajouter par quelque page inédite de l’auteur à ce qu’on en possédait auparavant. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
À ce point de vue on ressent encore en eux le souvenir des écoles anciennes, avec la prédominance qu’elles accordaient à la peinture, à l’architecture, à la sculpture. […] Mais les correspondances de rapports lumineux (ce qu’on appelle « valeurs » en peinture) à harmonie (rapport des tons sonores) et de timbre à coloris, ne pourraient être démontrées sans une dissertation longue et subtile que je n’oserais tenter aujourd’hui ; d’ailleurs, je m’en aperçois, les dissertations de ce genre font écrire de bien mauvaise prose.
À ce propos, Zola nous entretenait de Courbet, qu’il avait vu planté devant un de ses tableaux, se caressant la barbe, et riant tout de bon, avec la répétition de cette phrase : « C’est comique, cette peinture ! […] C’est ce Polonais étrange qui, après s’être manqué d’un coup de pistolet dans la bouche, est devenu peintre de Sa Hautesse, dans le palais duquel il a passé une fois cinq cents jours de suite, sans en pouvoir sortir une minute, occupé de l’éternelle et colossale mise en peinture des batailles, hantant la cervelle du Sultan : pauvre peintre qu’on faisait, lorsqu’il était malade, traverser les cours à cheval, en lui tenant les genoux, de peur qu’il ne tombât, qu’on asseyait sur une chaise, et qui devait quelquefois travailler douze heures sans manger.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler, dans la fable des Lapins, cette peinture du crépuscule du matin qui est si charmante et qui, comme vous le savez, chez La Fontaine, était un thème qu’il a traité à plusieurs reprises…. […] Etudier l’homme, toujours l’homme, ne pas sortir de l’étude de l’homme et de la peinture de l’homme tel qu’il est ; étant toujours permis, du reste, d’ajouter un peu d’imagination pour faire rayonner, en quelque sorte la vérité, pour donner le radium à la vérité.
Les peintures que font les anciens historiens des mœurs, des habitudes, des institutions de ces peuples, semblent avoir été écrites aujourd’hui par des voyageurs qui en arrivent. […] Mais ici nous serions ramenés à cette autre difficulté, déjà signalée par nous, de la langue écrite ; car, même pour les peuples où la langue parlée et la langue écrite sont la même, il est certain que la langue écrite n’est que par convention, et non point essentiellement la peinture de la langue parlée.
Comme ce dernier il a sa Camille ; il la chante et a des tons de Properce dans l’ardeur de ses peintures.
Servois, l’ancien élève de l’École des chartes, un M. de Garriod, ancien officier savoisien, homme modeste et d’un vrai mérite, profond connaisseur en peinture, il ajoutait ce fin portrait d’un troisième : « J’attirais aussi quelquefois le professeur de belle littérature de l’Université (à la Sapience), dont j’ai entendu les leçons avec plaisir : mémoire facile et sûre des plus beaux textes latins et italiens, prononciation parfaite, et sur le tout un sentiment irréprochable d’excellent humanisme pour rapprocher, à chaque leçon, quelques beaux passages classiques de l’antique et de la moderne Italie.
Dans la peinture des passions qui s’essayent tour à tour à ternir notre âme, le poëte les montre Qui viennent bien souvent trouver l’homme au saint lieu, Et qui le font tinter pour d’autres que pour Dieu.
Le grand a Frédéric l’a conservé jusqu’à sa mort. » Nous avons voulu citer la peinture de cet iris, pour montrer avec quelle facilité lumineuse écrit notre Vénitien, et comme je ne sais quelle grâce des Sévigné, des Choisy et des Bussy a passé par là et voltige sous cette plume d’au-delà des monts.
La meilleure démonstration serait celle qui transpirerait dans une suite de récits fidèles et de peintures variées ; on oublierait souvent le but, on ne le discuterait jamais ; puis, à un certain moment, comme après un doux et captivant séjour chez, des amis heureux, on se sentirait devenu autre, converti à leur vertueux bonheur et le voulant mériter.
Un livre sur les principes du goût, sur la peinture, sur la musique, peut être un livre philosophique, s’il parle à l’homme tout entier, s’il réveille en lui les sentiments et les pensées qui agrandissent toutes les questions.