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119. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Je dois dire que les insurgés ont été parfaits. […] Il y a une impératrice, la plus inquiète des femmes, dont la principale ambition est d’être une parfaite écuyère, qui vit si complètement à sa guise et de façon si fantasque que, si elle était une bourgeoise de Paris, nous ne verrions en elle qu’une très sympathique et très originale « névrosée ».

120. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Albert Giraud Qui donc remplacerait, à l’heure actuelle, Leconte de Lisle, si ce n’est le pur et parfait poète des Trophées , M.  […] Ces vers parfaits sont le corps rythmique d’une divinité.

121. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Au Xe siècle, dans les premières chansons de geste, qui sont un miroir si parfait de l’esprit du temps, tous les habitants de la France sont des Français. […] Le roi de France, qui est, si j’ose le dire, le type idéal d’un cristallisateur séculaire ; le roi de France, qui a fait la plus parfaite unité nationale qu’il y ait ; le roi de France, vu de trop près, a perdu son prestige ; la nation qu’il avait formée l’a maudit, et, aujourd’hui, il n’y a que les esprits cultivés qui sachent ce qu’il valait et ce qu’il a fait.

122. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Tout Platon est une aspiration au parfait ; et le parfait par excellence, si je puis ainsi parler, est pour lui la perfection morale. […] À un autre point de vue, l’amour est aspiration au parfait. […] Pour Platon comme pour Renan, le monde est créé pour réaliser le parfait. […] Il s’assimile le procédé courant et il s’y tient avec une parfaite fidélité. […] C’est la fraternité parfaite et par conséquent le communisme absolu.

123. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] Il se déclare de l’avis que nous avons vu de nos jours partagé par Courier, lire et relire sans cesse les anciens, les traduire si l’on peut, et les imiter quelquefois : « On ne sauroit en écrivant rencontrer le parfait, et, s’il se peut, surpasser les anciens, que par leur imitation. » Aux anciens, La Bruyère ajoute les habiles d’entre les modernes comme ayant enlevé à leurs successeurs tardifs le meilleur et le plus beau. […] La pensée du difficile, du mûr et du parfait l’occupe visiblement, et atteste avec gravité, dans chacune de ses paroles, l’heure solennelle du siècle où il écrit. […] « L’on peut être touché de certaines beautés si parfaites et d’un mérite si éclatant, que l’on se borne à les voir et à leur parler146. » Il y a moyen, avec un peu de complaisance, de reconstruire et de rêver plus d’une sorte de vie cachée pour La Bruyère, d’après quelques-unes de ses pensées qui recèlent toute une destinée, et, comme il semble, tout un roman enseveli. […] Fabre, après une analyse complète de ses mérites, conclut à le placer dans le si petit nombre des parfaits modèles de l’art d’écrire, s’il montrait toujours autant de goût qu’il prodigue d’esprit et de talent 152.

124. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le plus parfait des écrivains devait être le plus parfait des voyageurs. […] LXIV Chateaubriand crut, comme un enfant, que le poëme épique pouvait renaître et conquérir un renom impérissable à son auteur, pourvu qu’il eût un grand talent ; il oublia du même coup le fond qui était la foi, et la forme qui était le vers, forme idéale et parfaite du langage humain. […] Ce don, comme tous les dons parfaits, est un mystère que les hommes n’ont jamais pu se donner, parce qu’ils n’ont jamais su le définir. […] De là il va jusqu’à la cataracte du Niagara, ce qui est plus douteux encore, car il ne tente pas même, lui si parfait descripteur, de décrire ce miracle des eaux, mais ce qu’il imagine est mieux que ce qu’il décrit ; il rêve des amours sauvages et des mélancolies de solitude.

125. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

D’après les œuvres de l’école, et Floupette nous venant en aide, voici comment nous nous représentons le parfait décadent. […] Moréas, il se croira prince en Tartarie : Que l’on m’emporte dans la ville   Où je serai le khan Infaillible comme un prophète Et dont la justice parfaite   Prodigue le carcan. […] Lui-même est un masque tragique ou bouffon, d’une humanité toutefois parfaite bien que rationnelle. — Tantôt des foules, superficiellement affectées par l’ensemble des représentations ambiantes, se portent avec des alternatives de heurts et de stagnances vers des actes qui demeurent inachevés. […] Le grand Augustin Thierry établit vers 1835 que tout ce qui avait eu lieu dans notre pays, depuis les Romains, n’était qu’une préparation à la monarchie de Juillet, et que, par conséquent, l’histoire de France était désormais parfaite. […] Je pense qu’Eschyle, par exemple, Sophocle et Euripide sont des poètes de tout point dissemblables ; ils furent aussi tous trois de parfaits révolutionnaires à leur époque.

126. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Dans l’ordre naturel, chaque individu est parfait et le plus convenablement approprié à sa destination, en sorte que la connaissance qu’on en a est parfaite et profitable comme celle de toute vérité. […] Qu’est-ce donc que l’art, dans l’acception la plus élémentaire, si ce n’est l’expression de vérités générales dans un langage parfait, c’est-à-dire parfaitement conforme au génie du pays qui le parle et à l’esprit humain ? Et qu’est-ce que cette parfaite conformité du langage au génie particulier d’une nation et à l’esprit humain en général, sinon cet ensemble de qualités qui le rendent immédiatement clair et intelligible pour cette nation et pour les esprits cultivés de toutes les nations ? Ne serait-ce pas vouloir trop pousser la définition, que d’ajouter que, pour la France en particulier, il faut entendre par un langage parfait, celui dont tout le monde est d’accord, et qui est considéré comme définitif ?

127. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Dirons-nous que la santé, consistant dans un heureux développement des forces vitales, se reconnaît à la parfaite adaptation de l’organisme avec son milieu, et appellerons-nous, au contraire, maladie tout ce qui trouble cette adaptation ? […] De plus, et quand bien même ce critère serait vraiment distinctif de l’état de santé, il aurait lui-même besoin d’un autre critère pour pouvoir être reconnu ; car il faudrait, en tout cas, nous dire d’après quel principe on peut décider que tel mode de s’adapter est plus parfait que tel autre. […] Ce minimum de fait n’est donc pas la preuve d’une parfaite adaptation, ni, par suite, l’indice sûr de l’état de santé si l’on s’en rapporte à la définition précédente. […] Imaginez une société de saints, un cloître exemplaire et parfait. […] C’est pour la même raison que le parfait honnête homme juge ses moindres défaillances morales avec une sévérité que la foule réserve aux actes vraiment délictueux.

128. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

L’artiste qui la réalisera sera le dichter, le créateur parfait. […] Leur but doit être le style, qui consiste dans l’expression parfaite et dans l’union libre des tendances musicale et dramatique. […] Savoir nous indiffère, ensuite, si cette peinture peut, ou non, être parfaite. […] Les peintures sont chez lui plus fréquentes que chez les maîtres classiques, et parfaites. […] Wilder, en somme, que l’on est redevable de la possibilité de cet essai d’acclimatation d’un parfait chef-d’œuvre.

129. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Il faut une sorte d’analogie, il faut être différemment semblables pour s’entendre tout à fait, pénétrer dans tous les replis, et acquérir cette parfaite connaissance d’un autre qui découvre entièrement son âme à nos yeux… Il me semble toujours que les âmes se cherchent dans le chaos de ce monde, comme les éléments de même nature qui tendent à se réunir ; elles se touchent, elles sentent qu’elles se sont rencontrées : la confiance s’établit entre elles sans qu’elles puissent souvent assigner une cause valable ; la raison, la réflexion viennent ensuite apposer le sceau de leur approbation à ce traité, et croient avoir tout fait, comme ces ministres subalternes qui s’attribuent les transactions faites entre les maîtres, rien que parce qu’il leur a été permis de placer leur nom au bas. Non, je ne crains pas de mécomptes avec vous, et ma reconnaissance seule peut égaler la parfaite sécurité que vous m’inspirez. » L’amitié épurée, exaltée, entre ces deux jeunes personnes vivant dans le grand monde artificiel de Pétersbourg et y réfléchissant chacune à sa manière les mystiques influences qui traversaient alors le ciel d’Alexandre, me fait l’effet de ces parfums légèrement enivrants et qui entêtent, exhalés par deux plantes rares nourries en serre chaude et trop poussées. […] Une parfaite latitude nous est laissée à cet égard par la Religion ; et l’assentiment, ou plutôt le pressentiment universel (de toutes les preuves de sentiment la plus forte) semble le garantir comme fondé. […] soyez sûre qu’avec la plus parfaite vérité je puis vous dire oui.

130. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Tant qu’il n’a été que modeste, on n’a eu qu’à louer son zèle et ses recherches, sans trop demander à son style l’exactitude, ni à ses jugements une parfaite justesse. […] Je suis né susceptible, et j’eusse eu tous les jours des sujets de chagrin avec quelques-uns de mes confrères que j’étais bien loin d’estimer. » Collé était un parfait honnête homme et même, comme on disait alors, un bon citoyen. […] Collé, de sa personne, était et reste, à nos yeux, le plus parfait exemple, et peut-être le dernier, de la pure race gauloise non mélangée ; c’est le dernier des Gaulois : ennemi de l’anglomanie, de la musique italienne, des innovations en tout genre, ennemi des dévots et des Jésuites, il ne pouvait non plus souffrir Voltaire, trop brillanté selon lui, trop philosophique, trop remuant, un Français du dernier ton et trop moderne, il l’appelait « ce vilain homme », et il abhorrait aussi Jean-Jacques à titre de charlatan. […] Jamais, de mes jours, je n’ai vu autant de sortes d’esprit que dans ces Mémoires… Je n’aime point Rousseau ; personne ne rend plus de justice que moi à son éloquence, à sa chaleur et à son énergie, mais je trouve Beaumarchais mille fois plus vrai, plus naturel, plus insinuant et plus entraînant que cet orateur, qui veut toujours l’être, le paraître, qui est d’ailleurs sophiste à impatienter son lecteur que l’on sent qu’il méprise, et dont il se joue perpétuellement comme le rat fait de la souris. » Sauf le dernier trait contre Rousseau qui n’est pas juste (car Rousseau n’y met pas tant de malice), l’ensemble du jugement est parfait.

131. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Les lettres de Mme Roland à ses jeunes amies me démontrent la vérité de cette idée : l’être moral parfait en nous, s’il doit exister, existe de bonne heure ; il existe dès vingt ans dans toute son intégrité et toute sa grâce. […] » On voit le ton où elle se montait ; c’est comme dans la scène sublime : Adieu, trop malheureux et trop parfait amant ! […] En vain se répète-t-elle le plus qu’elle peut et avec une grâce parfaite : « Je veux de l’ombre ; le demi-jour suffit à mon bonheur, et, comme dit Montaigne, on n’est bien que dans l’arrière-boutique ; » sa forte nature, ses facultés supérieures se sentent souvent à l’étroit derrière le paravent et dans l’entresol où le sort la confine. […] De nos jours, les trois quarts des gens ne croient à rien après la tombe, et ne se doutent pas qu’ils sont athées pour cela ; ils font de la prose sans le savoir, en parfaite indifférence, et on ne le remarque guère.

132. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Son contour est d’un ovale parfait, et son profil agréable. […] Si nos lecteurs n’ont pas tout à fait oublié un charmant Portrait, que nous avons cité autrefois, d’une grande dame du xviie  siècle, se dépeignant elle-même, la marquise de Courcelles4, ils peuvent se représenter les deux tons et les deux siècles dans leur parfaite opposition : d’un côté, la grâce fine, délicieuse et légère ; de l’autre, des traits plus fermes, plus dessinés, nullement méprisables, et un tour de grâce auquel il ne manque qu’une certaine négligence aisée et naturelle. […] En voyant en elle son ouvrage, il ne pouvait s’empêcher de le trouver trop parfait. […] On a publié dernièrement à Édimbourg une Vie de Hume qui met en parfaite lumière cet épisode de la vie de Rousseau.

133. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker en matière religieuse, c’est la sincérité parfaite, c’est l’onction, un sentiment profond et persuasif qui passe dans ses paroles, et qui remplace souvent la métaphysique par une morale touchante. […] Courez-vous après les honneurs, après la gloire, après la reconnaissance, partout il y a des erreurs, partout il y a des mécomptes… Si vous laissez votre vaisseau dans le port, les succès des autres vous éblouissent ; si vous le mettez en pleine mer, il est battu par les vents et par la tempête : l’activité, l’inaction, l’ardeur et l’indifférence, tout a ses peines ou ses déplaisirs… Rien n’est parfait que pour un moment… Tout ce motif est développé avec bonheur, et vraiment comme l’eût fait un Bourdaloue. […] Beaucoup de gens ont parlé après lui de l’accord parfait de la morale et de la politique ; il n’en parlait pas seulement, il y croyait, et s’y astreignait aussi scrupuleusement que possible en toute circonstance ; mais il entendait cette morale au sens strict et particulier de l’homme de bien agissant dans la sphère privée. […] Et c’est ici qu’il se trahit à ravir dans toute l’indécision naturelle de sa pensée : il propose à la fois deux plans parallèles, l’un de parfaite république, l’autre de monarchie exemplaire ; il construit tour à tour ces deux plans avec une grande habileté d’analyse, il les balance, et, les ayant pondérés de tout point, il dit à l’homme proclamé par lui nécessaire : « Prenez l’un de mes projets, ou prenez l’autre. » Puis, si on ne les prend pas, il se console par la vue de son propre idéal, et, comme tous les théoriciens satisfaits, il en appelle à l’avenir et au bon sens qui, tôt ou tard, selon lui42, est le « maître de la vie humaine ».

134. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Voilà qui est bien conforme et « en parfaite harmonie avec le goût théâtral du moment où nous vivons71. » Pour peu donc qu’on ait le sentiment dramatique et qu’on se mette à envisager les choses à ce point de vue, on indiquerait d’avance, comme dans un bon cours de rhétorique, les endroits, les motifs qui prêtent à une jolie lettre et qui font canevas ou thème :   Le moment où la Dauphine quitte les terres de l’empire ; Le moment où elle met le pied sur la terre de France ; Le moment, la minute qui suit la célébration du mariage ; Le moment, la minute où elle devient reine, Louis XV venant de rendre le dernier soupir ; Le moment où, souveraine outragée, elle apprend l’Arrêt du Parlement dans l’affaire du Collier, etc., etc. […] C’est merveille comme le hasard est tombé juste et s’est montré cette fois un parfait rhétoricien.

135. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

En un mot, madame des Ursins est le parfait contraste de madame de Maintenon ; jamais parallèle historique n’a prêté autant que celui de ces deux dames à cette heureuse ou malheureuse symétrie, si conforme aux règles de l’Académie et de la rhétorique. […] La lettre où elle rapporte la mort du dauphin et le deuil du roi est pleine de larmes, d’une simplicité parfaite et d’une onction pénétrante.

136. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Buffon543 fait avec Diderot le plus parfait contraste. […] Son esprit de savant accoutumé à considérer l’immensité des périodes géologiques et la lenteur des transformations de l’univers n’avait pas la fièvre, l’impatience, les révoltes, les illusions puériles, les faciles espérances qui échauffaient les esprits de ses contemporains : il ne croyait pas aux brusques renversements qui renouvellent le monde, il ne croyait pas surtout toucher de la main l’ère de la raison universelle et du bonheur parfait.

137. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Quelque effort que fasse l’esprit pour attribuer à la vie une autre signification, il n’aboutit qu’à des conceptions puériles où il construit, avec des matériaux fragiles et éphémères, dont l’instabilité fait seule le charme, un état qu’il imagine heureux et parfait. Mais il n’imagine cet état heureux et parfait qu’en attribuant à ce qui est privé de mouvement, à ce qu’il formule éternellement semblable à soi-même, les propriétés et les passions de ce qui est en mouvement incessant sous l’aiguillon d’un désir inassouvi et qui ne se peut procurer de la joie que par l’intermédiaire de la douleur et de la privation.

138. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

On vouloit qu’il eût les avantages de toutes les langues de l’Europe, sans en avoir les défauts : on en faisoit enfin une langue parfaite. […] S’il y a une langue parfaite, c’est assurément le Grec.

139. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Conclusions Avant de conclure, nous ne croyons pouvoir mieux faire que citer les principaux passages de la préface dont Alfred de Musset fit précéder la première édition de ses comédies et qu’il supprima dans les autres : « Goethe dit quelque part, dans son roman de Wilhelm Meister, « qu’un ouvrage d’imagination doit être parfait, ou ne pas exister ». […] Tout le monde sent qu’il y aurait un parfait ridicule à venir dire aux gens : Voilà un livre que je vous offre : vous pouvez le lire et non le juger.

140. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Il y a entre l’être de nature le plus parfait et ce modèle primitif et vague une latitude sur laquelle les artistes se dispersent. […] Mais toute nature exagérée, agrandie, embellie au-delà de ce qu’elle nous présente dans les individus les plus parfaits n’est-elle pas romanesque ?

141. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

S’il est vrai que la perfection de l’esprit français au dix-septième siècle ait consisté dans son intime union avec les deux antiquités païenne et chrétienne, le jour où cette union sera rompue, ce jour-là verra l’esprit français déchoir, et le temps sera passé des œuvres parfaites. […] Ils n’avaient pas sous les yeux, pour peindre l’homme, l’idéal du Clovis, le guerrier sans faiblesse, toujours égal à lui-même, que son courage n’emporte ni ne trahit jamais, un héros dans la langue des romans, un parfait dans la langue de la théologie. […] Je vois au sein de la nature L’idée invariable et sûre De l’utile beau, du parfait. […] Destinée unique, vie qui recommence après un demi-siècle, et pour un demi-siècle encore ; je ne m’étonne pas que, de tant de conditions heureuses, il soit sorti un livre à beaucoup d’égards parfait, par la convenance de l’entreprise au but et de l’œuvre à l’ouvrier. […] Il est très vrai que ces grands principes n’ont pas reçu dans leurs livres l’expression parfaite des vérités immortelles.

142. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Le lecteur sait que les objets géométriques n’existent pas dans la nature ; nous ne rencontrons pas, et probablement nous ne pouvons pas rencontrer, des cercles, des cubes, des cônes qui soient parfaits. Ceux que nous voyons ou faisons ne sont tels qu’à peu près. — Et cependant nous en concevons de parfaits ; nous raisonnons sur des figures dont la régularité est absolue. […] Bien mieux, quand, pour comprendre un théorème de géométrie, nous traçons une figure sur le tableau, nous nous soucions fort peu que sa justesse soit parfaite ; nous la fabriquons grossièrement à la craie ; nous souffrons sans difficulté des lignes tremblotantes à notre polygone, ou une rondeur bosselée à notre cercle.

143. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

C’était le cas déjà de Marguerite : c’est celui d’Heroet, le subtil, mystique et platonicien poète de la Parfaite Amye, c’est celui de Pelletier, le chercheur de voies ignorées, le curieux ouvrier de formes et de rimes. […] Du Bellay veut la rime volontaire, propre, naturelle, juste enfin « comme une harmonieuse musique tombante en bon et parfait accord ». […] Mais ce précédent, autorisé par tant de chefs-d’œuvre, a fasciné nos poètes ; d’autant qu’une idée erronée les poussait encore dans le même sens : c’est qu’une langue est d’autant plus parfaite qu’elle a plus de mots.

144. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Ajoutez le parfum d’honnêteté antique qui circule à travers ces pages et qui trouve moyen de se mêler jusqu’au milieu de la chronique scandaleuse à laquelle elles sont souvent consacrées, un profond et naïf amour des lettres et de tout ce qu’elles amènent de délicat avec elles, une bonhomie parfaite qui épouse son sujet tout entier avec tendresse et réussit, après un peu de résistance, à nous le faire aimer et embrasser jusque dans ses replis. […] J’ai le nez d’une régularité parfaite. […] Dans cet embarras, dont je ne savais par où sortir, je m’avisai un jour heureusement que j’avais des moyens sûrs pour cette persuasion, et que ce qu’elle m’avait écrit était si beau et si parfait qu’il ne fallait que le montrer pour persuader mieux que ce que je pouvais dire.

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