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1004. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Dans ce portrait dont il est question, son front, qui surplombe un visage tranquillement triste, jette l’ombre de sa voûte puissante à ces yeux rêveurs qui cherchent involontairement le ciel, mais qui, dans la réalité, revenaient se tourner vers les vôtres avec des airs fins et spirituels comme nous entendons le regard, nous autres polissons de la terre ! […] Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ; Car ce sommet de tout, dominant toute gloire, Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire. […] quand je lis : Les Destinées, La Mort du Loup, dont les détails sont d’une réalité de description incomparable : Qui, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri !

1005. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

De larges teintes, une plénitude de ton qui pousse à l’impression de l’ensemble, des ondées de lumière et d’ombre, des nuances uniques dans l’épaisseur des feuillages et dans la profondeur des lointains, nuances devinées et pressenties, qu’un œil vulgaire ne discernerait pas dans la nature, qui ne se révèlent qu’à la prunelle humide de larmes, et qui nous plongent en de longues et ineffables rêveries durant lesquelles nous nous mêlons à l’âme du monde. […] Je publiai dans le Globe du 23 octobre l’article que je reproduis ici, et qui retrouve à mes yeux un triste à-propos dans la mort trop soudaine du paysagiste, notre ami, survenue le 9 janvier 1809.

1006. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Il trouvait la vieille terre adorable, il la contemplait avec des yeux d’amant. […] Nous n’apercevons le ciel qu’entre deux toits, nous ne saluons jamais l’aurore chez elle, le couchant déroule ses pourpres loin de nos yeux.

1007. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Cependant elle se lève, et, descendant les degrés, elle franchit le seuil de pierre, et va s’asseoir à la lueur du feu, en face d’Ulysse, qui était lui-même assis au pied d’une colonne, les yeux baissés, attendant ce que lui dirait son épouse. […] Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer.

1008. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Bathild Bouniol7 C’est sous ce ciel-là, retrouvé enfin par la muse de l’auteur des Chants du Passé, que se tient la muse de notre autre poète, Bathild Bouniol, mais elle a les pieds sur la terre, et son œil, plus attentif qu’inspiré, est fixé sur les hommes, qu’elle regarde jusqu’au fond du cœur. […] a dit, l’œil larmoyant, Certaine dame au bras d’un étourneau riant.

1009. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Mais dans cette nuit sombre dont est couverte à nos yeux l’antiquité la plus reculée, apparaît une lumière qui ne peut nous égarer ; je parle de cette vérité incontestable : le monde social est certainement l’ouvrage des hommes ; d’où il résulte que l’on en peut, que l’on en doit trouver les principes dans les modifications mêmes de l’intelligence humaine. […] Cette erreur est venue de l’infirmité de l’intelligence humaine : plongée et comme ensevelie dans le corps, elle est portée naturellement à percevoir les choses corporelles, et a besoin d’un grand travail, d’un grand effort pour se comprendre elle-même ; ainsi l’œil voit tous les objets extérieurs, et ne peut se voir lui-même que dans un miroir.

1010. (1897) Aspects pp. -215

Les étoiles ferment leurs yeux las. […] comme joyeusement il s’étalait aux yeux !  […] Les Sincères eux, se sont crevés les yeux et ils ont reculé éperdument. […] Les yeux droits et incisifs disent la volonté. […] J’ai sous les yeux les élucubrations d’un de ces Doumic.

1011. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Comme si la peinture n’était pas d’abord le charme des yeux ! […] En usant leurs yeux sur la lettre gothique, c’est leur goût aussi qui s’est oblitéré dans l’admiration des fabliaux et des chansons de geste. […] Pascal est à ses yeux « un philosophe catholique ». […] On avait cependant sous les yeux, comme nous, l’Entretien de Pascal avec M. de Saci. […] Ainsi jadis les spectateurs de la Révolution croyaient voir commencer sous leurs yeux une époque nouvelle de l’histoire du monde.

1012. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

J’ose au moins sans terreur me montrer à vos yeux. […] Si l’amour de la poésie me forçait, malgré moi, de lui sacrifier quelques heures, je ne peignais que mes douleurs ou les tableaux de la campagne que j’avais sous les yeux. […] Quand je portais les yeux sur Paris, j’étais effrayé des périls où je m’exposerais en m’y montrant. […] Craignant de rencontrer ton œil victorieux, Te cède la moitié de l’empire des cieux. […] Faut-il ajouter qu’il en voulait à Talma d’être l’objet de je ne sais quelle, phrase de madame de Staël, où elle disait qu’il avait dans les yeux l’apothéose du regard ?

1013. (1903) La pensée et le mouvant

Comment demander aux yeux du corps, ou à ceux de l’esprit, de voir plus qu’ils ne voient ? […] Vous avez fermé les yeux à la réalité vraie. […] Qu’est-ce que le « mobile » auquel notre œil attache le mouvement, comme à un véhicule ? […] Que pourra bien être ce souvenir, s’il résulte véritablement de la fixation, dans le cerveau, de l’impression reçue par l’œil ? […] Ce serait de prolonger la vision de l’œil par une vision de l’esprit.

1014. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

La reine, après l’avoir parcourue des yeux, commanda à la princesse de Conti, qui était présente, de la lire tout haut. […] Il eut en effet une pension. — Voilà bien tout Malherbe : grandeur, élévation de talent, et l’œil au pécule. […] Rien que ton intérêt n’occupe sa pensée, Nuls divertissements ne l’appellent ailleurs ; Et de quelques bons yeux qu’on ait vanté Lyncée,     Il en a de meilleurs. […] Leur fortune doit se confondre sans arrière-pensée dans celle de l’État : « Au demeurant, on se tromperait de s’imaginer qu’en bien faisant il eût devant les yeux autre chose que la gloire. […] Il a eu cependant d’heureux mouvements dans ses amours de tête, et l’on chante encore avec plaisir : Ils s’en vont, ces rois de ma vie,     Ces yeux, ces beaux yeux, etc.

1015. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Si on ne la voit pas ou si on la nie, aucun raisonnement ne saurait ouvrir les yeux aux aveugles, ni fermer la bouche aux sophistes. […] L’auteur n’a eu qu’à copier ce qu’il avait sous les yeux. […] Plaute et Térence n’ont d’autre importance à mes yeux que de nous aider à deviner la forme de la comédie de Ménandre. […] Je serai pour Molière un juge sans faiblesse ; je saurai voir et montrer ses défauts ; mais je ne veux fermer ni mes yeux ni ma bouche sur ses qualités. […] Le second des critiques allemands, je viens essayer d’ouvrir les yeux de la France et de l’Europe sur le chef-d’œuvre le plus original de la littérature d’outre-Rhin.

1016. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Brûlez toutes les histoires, vous ferez la nuit dans le monde comme si vous éteigniez le soleil : la mémoire est l’œil qui voit ce qui fut. […] Le succès ferme trop souvent les yeux de M.  […] Il n’y manque, pour fanatiser l’œil du peuple, que ce général équestre franchissant au galop de son cheval aux jarrets tendus la cime des Alpes, comme dans le portrait de Bonaparte par David. […] Quoique élevé à la sévère école de l’armée du Rhin, il s’était enthousiasmé pour les campagnes d’Italie, il avait voulu voir de ses yeux les champs de bataille de Castiglione, d’Arcole et de Rivoli. […] Fouché, elle avait pris ce dernier en gré, parce que, tout jacobin qu’il était, disait-elle, il osait faire entendre la vérité au premier Consul, et, à ses yeux, faire entendre la vérité au premier Consul, c’était lui conseiller la conservation de la République, sauf à augmenter son pouvoir consulaire.

1017. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Mais l’intoxication ne devait être à ses yeux que l’occasion. […] A nos yeux, l’aboutissement du mysticisme est une prise de contact, et par conséquent une coïncidence partielle, avec l’effort créateur que manifeste la vie. […] La raison en est que la connaissance fut toujours à ses yeux un moyen plutôt qu’une fin. […] L’élan d’amour qui les portait à élever l’humanité jusqu’à Dieu et à parfaire la création divine ne pouvait aboutir, a leurs yeux, qu’avec l’aide de Dieu dont ils étaient les instruments. […] Pour en référer à elle, l’artiste avait chaque fois à donner un effort, comme l’œil pour faire reparaître une étoile qui rentre aussitôt dans la nuit.

1018. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Des draperies tortillées tombent alentour en forme d’alcôve, et les yeux plongent par une échappée sur les allées d’un grand parc dont la solitude sera commode à leurs plaisirs. […] Les yeux et l’odorat n’aidaient plus l’humanité de leurs répugnances ; les sens étaient aussi amortis que le cœur. […] Il prend à tâche de révolter même les sens ; l’odorat, les yeux, tout souffre devant ses pièces ; il faut que ses auditeurs aient eu des nerfs de matelot. […] Son poëme est comme un parc monarchique, digne et nivelé sans doute, mais arrangé pour le plaisir des yeux et rempli de points de vue choisis. […] Il rentre enfin « couvert de sang et de boue », grondant comme un dogue, les yeux gonflés, rouge, appelant sa nièce salope et sa femme menteuse.

1019. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Quiconque est vivement émû, voit les choses d’un autre oeil que les autres hommes. […] On ne sauroit trop remettre devant les yeux les crimes & les malheurs causés par des querelles absurdes. […] De quel oeil voyoient-ils donc les statues de leurs fausses divinités dans les temples ? du même oeil, s’il étoit permis de s’exprimer ainsi, que nous voyons les images des vrais objets de notre vénération. […] Quoi de plus naturel que de révérer la force invisible qui faisoit luire aux yeux le soleil & les étoiles ?

1020. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Je me disais tout cela en regardant ce front bosselé qui, certes, manque beaucoup moins d’énergie que de vraie noblesse et de grandeur ; cet œil inégal et mobile sous un sourcil disgracieux ; cette dent vive, en saillie, prompte à la morsure ; et je me demandais comment ce masque vivant d’orateur allait s’employer dans la harangue académique d’usage, quand M. de Jouy a déclaré la séance ouverte, et M.  […] Arrivant à parler de lui-même et de l’éloquence de barreau et de tribune, l’orateur, que la froideur de l’auditoire semblait de plus en plus gagner, s’est retrouvé un moment : il caractérisait l’improvisation, il la montrait inégale, incorrecte peut-être, mais indispensable, irrésistible dans les luttes publiques, toujours sur la brèche, le glaive acéré et nu : « L’orateur, s’est-il écrié alors, n’a pas un cahier à la main, il ne lit pas, son œil ne suit pas des lignes, son geste n’y est pas enchaîné ; mais il vit, il regarde, il s’anime de l’impression universelle, etc., etc. » Et, tout en parlant ainsi, son doigt froissait le papier, son regard le dédaignait, et, l’oubliant durant quelques minutes, il s’est mis à lancer de rapides étincelles que le public lui a rendues en longs applaudissements.

1021. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Sous prétexte que toucher ou convaincre son lecteur, c’est sacrifier l’art en le subordonnant à une autre fin que lui-même, on vide son discours de toute vérité, que la raison, la conscience ou le cœur pourraient saisir : on poursuit une beauté toute matérielle et physique, que nul mélange du vrai, du bien, du beau moral même ne vient corrompre, et l’on travaille son style pour l’œil et l’oreille du public : on se fait ciseleur, coloriste ; on sculpte des phrases marmoréennes, on exécute d’étourdissantes variations ; on a une riche palette, un clavier étendu. […] Les mots propres à être ouïs de tous, et les phrases propres à ces mots, sont ridicules, lorsqu’on ne doit parler qu’aux yeux et pour ainsi dire à l’oreille de son lecteur. » On ne parle pas devant cent personnes comme devant une seule ; le choix de mots, la correction de phrases, qui sont nécessaires, quand on écrit, deviennent ridicules quand on cause ; et je ne sais pas de gens plus fastidieux que ceux qui, dans la conversation, parlent comme un livre.

1022. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Et si l’on recherche dans le livre du poète la raison d’un si mauvais état de conscience, et sur la face de l’acteur, pourquoi il se convulse, élève sa moustache en découvrant la bouche, cligne des yeux terribles, montre les dents et prend un air de tigre pour chanter les papillons, on voit que cette raison est la femme. […] C’est un musicien d’originalité étrange, aussi un très sincère et intuitif peintre de la nature, des plaines profondes où l’œil s’hallucine d’infini, des maisons tristes aux tristes hôtes, des banalités inquiétantes d’une ferme ou d’une métairie, du petit monde bourbeux et féroce d’une mare, des grenouilles, des crapauds.

1023. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Tous les obstacles ont été surmontés ; il a su même dérober, aux yeux du Lecteur, les efforts pénibles qu’exigeoient le débrouillement des matieres & l’ingratitude du sujet qu’il avoit à traiter. […] Semblable à un Architecte, qui, sur les débris informes d’un édifice miné, en traceroit le plan, en dessineroit les proportions, en sentiroit les beautés & les défauts, & assigneroit, sur les plus foibles indices, la cause de sa chute : son génie, par d’heureuses combinaisons, a ranimé les objets effacés, a rappelé ceux qui avoient disparu, en a recréé de nouveaux, pour achever le tableau qu’il vouloit mettre sous les yeux.

1024. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Autour, le prévôt des marchands, ou une monstrueuse femme grosse déguisée, tout l’échevinage, tout le gouvernement de la ville, une multitude de longs rabats, de perruques effrayantes, de volumineuses robes rouges et noires, tous ces gens debout, parce qu’ils sont honnêtes ; et tous les yeux tournés vers l’angle supérieur droit de la scène, d’où Minerve descend accompagnée d’une petite paix, que l’immensité du lieu et des autres personnages achève de rapetisser. […] Il y a un autre mérite que peu d’artistes auroient eu et que beaucoup moins de spectateurs auroient senti ; c’est dans une multitude de figures, toutes debous, toutes vêtues de même, toutes rangées autour d’une table quarrée, toutes les yeux attachés vers le même point de la toile, des positions naturelles, des mouvements de bras, de jambes, de tête, de corps si variés, si simples, si imperceptibles, que tout y contraste, mais de ce contraste, inspiré par l’organisation particulière de chaque individu, par sa place, par son ensemble ; de ce contraste non étudié, non académique, de ce contraste de nature.

1025. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Tel est l’interêt que prend une nation au poëme qui décrit les principaux évenemens de son histoire, et qui parle des villes, des fleuves et des édifices sans cesse présens à ses yeux. […] Il est vrai que toutes les nations de l’Europe lisent encore l’éneïde de Virgile avec un plaisir infini, quoique les objets que ce poëme décrit ne soïent plus sous leurs yeux, et quoiqu’elles ne prennent pas le même interêt à la fondation de l’empire romain que les contemporains de Virgile, dont les plus considerables se disoient encore descendus des heros qu’il chante.

1026. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

» — Le tout finit et se couronne par un pompeux éloge de la France : « Charles, Clotilde, augustes époux, vous allez retracer à nos yeux les vertus de Ferdinande et de Victor ! […] Raymond n’en indique que deux, mais j’ai eu sous les yeux la quatrième  ; elles parurent d’avril à juillet 1793. […] N. vous gardait même après cette déclaration, elle vous aimerait comme ses yeux ; c’est moi qui vous le dis. […] Vous couronnerez avec certitude la révolution commencée par la philosophie. » « Il faudrait avoir les yeux pochés pour ne pas voir ici un homme en colère, qui se console du décret dans la préface. […] Si j’avais sous les yeux le tableau des ordinations, je pourrais prédire de grands événements…. » En effet, sur ce tableau des ordinations, il aurait trouvé, parmi les noms de la noblesse française qu’il y cherchait, celui de l’abbé-duc de Rohan.

1027. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Je viens de lire sa correspondance, il n’y a pas peut-être dix lettres vraies ; il est écrivain jusque dans ses épanchements ; ses confidences sont de la rhétorique compassée, et quand il cause avec un ami, il songe toujours à l’imprimeur qui mettra ses effusions sous les yeux du public. […] Cette sorte de poésie ressemble à la cuisine ; il ne faut ni cœur ni génie pour la faire, mais une main légère, un œil attentif et un goût exercé. […] Est-ce qu’il est bien agréable de s’entendre dire : « Vous avez les plus beaux yeux du monde, mais vous vivez de fadaises ?  […] L’attention ne se portait plus que sur les raffinements ; une broderie plus ouvragée, un velours plus éclatant, une plume plus gracieusement posée, c’est à cela que se réduisaient les audaces et les tentatives ; la moindre incorrection, la disparate la plus légère eût choqué les yeux ; on perfectionnait l’infiniment petit. […] Ce désaccord va croître, et des yeux attentifs découvrent vite sous l’enveloppe régulière une espèce d’imagination énergique et précise qui la rompra.

1028. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Le front large et bossué, l’œil bleu et à fleur de front, le nez gros et arqué, les pommettes relevées, les joues lourdes, les lèvres épaisses, le menton à fossette, le visage rond plutôt qu’ovale ; le cou bref, mais relié par de beaux muscles à la naissance de la poitrine ; les épaules massives, la taille carrée, les jambes courtes ; la stature pesante en apparence, mais souple au fond, tant il y avait de ressort physique et moral pour l’alléger ; mais ce front était si pensif, ces yeux si transparents et si pénétrants à la fois, le nez si aspirant le souffle de l’enthousiasme par ses narines émues, les joues si modelées de creux et de saillies par la pensée ou par les sentiments qui y palpitaient sans cesse, la bouche si fine et si affectueuse, le sourire bon, l’ironie douce et la tendresse compatissante s’y confondaient tellement pour plaisanter et pour aimer sur les mêmes lèvres ; le menton si téméraire, si sarcastique, si défiant et si gracieux tout ensemble en se relevant contre la sottise ; de si belles ombres tombées de ses cheveux, et de si belles lumières écoulées de ses yeux flottaient sur cette physionomie pendant qu’elle s’animait de sa parole ; l’accent de cette parole elle-même, tantôt grave et vibrante comme le temps, tantôt sereine et impassible comme la postérité, tantôt mélancolique et cassée comme la vieillesse, tantôt badine et à double note comme le vent léger de la vie qui se joue le soir sur les cordes insouciantes de l’âme ! […] De son œil malicieux et fin, il les regarde avec un sourire d’intelligence qui leur dit : Je suis un d’entre vous, je suis votre compère, je suis votre ménétrier. […] Chacune de ses chansons prenait ainsi la physionomie de son visage : le front candide, les yeux clignés, la bouche équivoque, les joues joviales, le regard narquois, le demi-sourire, le doigt sur les lèvres ! […] Une laborieuse et fidèle domesticité ne l’aurait pas, à mes yeux, subalternisé moralement davantage ; mais il faut appeler les choses par leur nom : le petit Béranger n’était pas garçon d’auberge ; il était le neveu et le pupille chéri d’une tante aisée, pieuse, lettrée pour sa condition, qui lui prêtait sa maison, sa bourse et son cœur pour l’élever, par une éducation vigilante, à une honorable profession dans la société. […] De ces hameaux c’est la plus belle ; Je veux l’effacer à leurs yeux.

1029. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Mais bientôt, par cette mobilité de résolution, effet de la peur, qui fait que, parmi les choses qu’on redoute, celles qu’on a sous les yeux paraissent toujours plus redoutables, il revient furtivement dans son palais, qu’il trouve vide et désert, car tous ses serviteurs étaient dispersés ou s’évadaient pour éviter sa rencontre. […] » XXXII « Les deux complices, dit Tacite, également frappés, supportaient les opprobres avec une physionomie différente : Marcellus, la menace dans les yeux ; Crispus, un faux sourire sur les lèvres. […] XXXVII Quelle tragédie feinte de poète est comparable à ce quatorzième livre des Annales où Néron, en proie aux trois plus fortes passions de l’homme, l’amour, l’ambition de régner et la peur d’être prévenu dans le crime, se précipite, les yeux fermés, dans le parricide pour y trouver à la fois sa maîtresse, le trône et la vie ? […] « À son départ, il la reconduisit jusqu’au rivage, couvrant des plus tendres baisers les yeux et le sein d’Agrippine, soit pour achever la dissimulation, soit que le dernier aspect de sa mère, qui allait périr, attendrît son âme toute féroce qu’elle était. […] Voyez l’assassin qui sourit pour donner confiance à sa victime, qui s’avance à sa rencontre, qui l’embrasse sur les yeux et sur le sein.

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