La pièce est curieuse, plus oratoire que lyrique, avec plus de raisonnement que de passion, et un emploi significatif du lieu commun moral : Comtes ni ducs ni tes rois couronnés Ne se pourront à la mort dérober : Car, quand ils ont grands trésors amassés, Plus il leur faut partir à grand regret. […] Ainsi les éléments intellectuels et moraux dominent dans l’amour courtois. […] Le début a du sentiment, j’en conviens : mais la suite est un discours moral, à la mode de nos odes classiques.
Sont-ils esthétiques, moraux, religieux ? […] Autrement dit : idées relatives à ce qui est du domaine des sciences physiques et naturelles ; idées morales ; idées politiques et sociales ; idées esthétiques ; idées philosophiques et religieuses ; tels sont les principaux cadres qu’il faudra remplir les uns après les autres. […] Plus d’une fois, sans doute, un ouvrage est fait pour laisser une impression double ou multiple, comme telle fable de La Fontaine qui se termine par deux morales.
Au physique comme au moral, Raphaël réunit toutes les perfections, tous les dons de l’ange, son patron, et du grand peintre, son homonyme. […] Il me rappelle un vers d’André Chénier : Et nous aurons Julie au rire étincelant… Il y a des nuances morales attachées aux noms. […] Ici, l’anachronisme moral devient évident.
Il lui faut des faits pour prouver ses assertions générales, le désir qu’ont les menuisiers de ne travailler que pour le théâtre, une fois qu’ils ont goûté de cette gloriole, pour montrer la séduction que celui-ci exerce sur tout ce qui l’approche ; des faits pour trait final à une analyse de caractère, ou à la notation d’un changement moral ; la mère des Zemganno appelée en justice, ne voulant témoigner qu’en plein air, pour montrer le farouche amour de la bohémienne pour le ciel libre ; pour représenter la modification produite en Chérie par sa puberté, décrire en détail la gaucherie et la timidité subite de ses gestes. […] Que l’on réfléchisse que cette méthode où le fait concret et caractéristique prime le général, que M. de Goncourt parmi les romanciers observe seul scrupuleusement, est celle des sciences morales modernes, qui l’ont prise aux sciences naturelles ; que M. […] III À ce sentiment vif et pénétrant de la vie en acte, de ses remuements physiques et des ses agitations morales, à cette recherche appliquée et reprise de l’enveloppement du fait par la phrase, se joint en M. de Goncourt le goût particulier d’une certaine sorte de beauté, qu’il recherche avidement et rend amoureusement, dont l’attrait l’a guidé dans ses courses de collectionneur, dans la détermination des sujets et des scènes de la plupart de ses romans : le goût passionné du joli.
Pour régénérer les peuples et relever le tempérament moral de l’humanité, il proposait de remplacer la pomme de terre par la purée de pois, aliment très phosphore. […] Vogt s’étonne que certains listes, ne considérant que les différences corporelles, trouvent à peine de quoi faire du genre humain une famille distincte, tandis qu’à considérer les différences morales et intellectuelles ils en feraient volontiers un règne à part ; mais c’est précisément cette antinomie qui doit étonner et faire réfléchir tous ceux qui n’ont pas de parti-pris, et n’ont pas pour leur propre système cette foi aveugle qu’ils reprochent aux autres. […] Je suis d’avis que l’on ne doit pas mêler les questions morales et sociales aux questions zoologiques ; je voudrais cependant que l’histoire naturelle ne montrât pas une trop grande indifférence morale, et que par sa prétendue impartialité elle ne blessât pas trop l’humanité.
Pour bien apprécier l’époque actuelle, il s’agirait surtout d’évaluer la distance qu’il y a entre l’être moral et l’être intelligent. Sans doute ces deux êtres ne sont pas séparés dans l’homme ; mais il est évident que les facultés qui appartiennent à l’être intelligent ont pris l’ascendant, pour la direction générale de la société, sur les facultés qui sont le partage exclusif de l’être moral. […] Ainsi, lorsque la nation française vint à tourner les yeux du côté de la terre de l’exil, elle sembla proclamer la pensée généreuse, de revenir au culte si moral des aïeux, de renoncer à l’idolâtrie.
À ces causes, ou politiques ou morales, s’en joignent encore d’autres. […] En général, l’être vertueux et moral s’affectera bien plus que celui qui est sans principes ; le malheureux, plus que celui qui jouit de tout ; le solitaire, plus que l’homme du grand monde ; l’habitant des provinces, plus que celui des capitales ; l’homme mélancolique, plus que l’homme gai ; enfin, ceux qui ont reçu de la nature une imagination ardente qui modifie leur être à chaque instant, et les met à la place de tous ceux qu’ils voient ou qu’ils entendent, bien plus que ceux qui, toujours froids et calmes, n’ont jamais su se transporter un moment hors de ce qui n’était pas eux. […] Qu’ainsi, dans l’ordre politique, l’orateur se pénètre des grands rapports du prince avec les sujets, et des sujets avec le prince ; qu’il sente avec énergie et les biens et les maux des nations ; que, dans l’ordre moral, il s’enflamme sur les liens généraux de bienfaisance qui doivent unir tous les hommes, sur les devoirs sacrés des familles, sur les noms de fils, d’époux et de père ; que dans ce qui a rapport aux talents, il admire les découvertes des grands hommes, la marche du génie, ces grandes idées qui ont changé sur la terre la face du commerce, ou celle de la philosophie, de la législation et des arts, et qui ont fait sortir l’esprit humain des sillons que l’habitude et la paresse traçaient depuis vingt siècles.
Il appuyait sa foi sur une suite régulière de discussions historiques905 ; il établissait l’existence de Dieu par une suite régulière d’inductions morales ; la démonstration minutieuse et solide était partout le guide et l’auteur de ses croyances et de ses émotions. […] Il se confiait en Dieu, comme un être bon et juste qui se sent aux mains d’un être juste et bon ; il vivait volontiers dans sa pensée et en sa présence, et songeait à l’avenir inconnu qui doit achever la nature humaine et accomplir l’ordre moral. […] Ses journaux sont tout moraux, conseils aux familles, réprimandes aux femmes légères, portrait de l’honnête homme, remèdes contre les passions, réflexions sur Dieu, la religion, la vie future. […] Ainsi naît la piété active, et la religion ainsi faite double la trempe du ressort moral. […] À travers les discrètes moqueries ou les intentions morales, on sent que son imagination est heureuse, qu’elle se plaît à contempler les balancements des forêts qui peuplent les montagnes, l’éternelle verdure des vallées que vivifient les sources fraîches, et les larges horizons qui ondulent au bord du ciel lointain.
Le sens moral des faits est dans la moralité historique de l’écrivain. […] Il n’y a pas deux morales, parce qu’il n’y a pas deux consciences dans l’homme ; il n’y en a qu’une. […] Nous faisons donc un grand reproche moral et politique à M. […] Cette analyse, cependant, a ce mérite d’être une excellente leçon de politique réelle en opposition avec la politique géométrique et scolastique d’un de ces illuminés du Contrat social qui croient pouvoir appliquer les lois de la mécanique aux intérêts moraux et aux passions des peuples. […] Toutefois il avait un mérite moral : c’était d’aimer la paix sous un maître qui aimait la guerre, et de le laisser voir.
Dans un petit récit, dont l’intention philosophique importe peu ici, Stendhal a assez bien représenté l’imprévu du dictamen moral. […] Dans les révélations qu’elle reçoit, les préceptes moraux dominent ; aussi disait-elle souvent : « mon conseil », pour « mes voix » ; ce terme indique à la fois que les paroles étaient l’élément essentiel de ses visions, et que les préceptes pratiques formaient, soit à ses yeux, soit en réalité, la partie la plus importante des paroles qu’elle entendait. […] Ordres et défenses, quand le devoir est clair, simple permission dans le cas contraire, sentiment dramatisé du démérite, aucun phénomène moral ne manque au tableau, si ce n’est peut-être le moins moral de tous, le sentiment du mérite, la satisfaction du devoir accompli ; encore peut-on le voir dissimulé sous une forme discrète, la seule qu’admette une conscience scrupuleuse, dans la promesse du secours de Dieu et dans l’annonce du succès final. […] La prosopopée est donc une parole intérieure morale fictive, à laquelle, par une nouvelle fiction, l’orateur ou l’écrivain refuse l’intériorité, pour l’attribuer à une personnalité étrangère, soit humaine, soit divine, soit abstraite, soit indéterminée, dans laquelle enfin l’impératif moral est complété par une démonstration tantôt concise, tantôt développée selon les règles de l’art. […] Chaignet (Vie de Socrate, p. 118, 124-125, 147-148), la voix du demonium n’aurait aucun rapport avec ce que nous appelons la parole intérieure morale, car le demonium et, en général, les dieux auraient révélé seulement l’avenir, y compris les conséquences de nos actes, laissant à la raison humaine la tâche et l’honneur de découvrir le devoir ; « la théorie de Socrate exclut l’intervention du surnaturel dans les questions d’ordre moral ». — Nous ne voyons pas comment l’avenir et la moralité pouvaient former, selon Socrate, deux domaines distincts.
La cause métaphysique de ce malaise moral gît dans l’esprit, lequel répugne à transgresser sa loi fondamentale et à s’évader de son orbe, l’univers intelligible. […] D’étroites corrélations, objet de la statique sociale dans le système de Comte, soudent une époque à chacune de ses manifestations intellectuelles et morales, rayons issus d’un même centre. […] Je trace des portraits, je situe chaque événement moral dans un paysage approprié. […] * * * Enfin ils ont bien compris, les symbolistes, puisque la Vie se définit le continu, que l’expression de fini n’a pas plus de sens dans le monde moral que dans le monde sensible. […] Il suffit que chacun puisse se dire à lui-même les affirmations premières de la conscience soient empiriques, soit morales : ce n’est que par un travail ultérieur qu’on les comparera en vue de les exprimer analogiquement. — C’est ce fond du moi, proprement impensable, qui sera la source de tous les faits mystiques.
Je ne sais si je n’ai pas à me reprocher la même faute envers les maîtres dont j’ai essayé d’étudier les idées morales. […] Elle l’est davantage encore au point de vue moral, pour des raisons qu’il nous reste à indiquer. […] Sa transformation : retour aux idées morales. […] Elle est donc beaucoup plus apparente que réelle : nous nous en convaincrons mieux encore en établissant le bilan doses idées morales. […] Conflit entre son être intellectuel et son être moral.
C’est une sensation physique transportée dans l’ordre moral, et même cette frénésie se manifeste assez ordinairement par des symptômes extérieurs. […] Un homme véritablement criminel, ne peut donc point être ramené ; il possède encore moins de moyens en lui-même, pour recourir aux leçons de la philosophie et de la vertu ; l’ascendant de l’ordre et du beau moral perd tout son effet sur une imagination dépravée ; au milieu des égarements, qui n’ont pas atteint cet excès, il reste toujours une portion de soi qui peut servir à rappeler la raison : on a senti dans tous les moments une arrière-pensée, qu’on est sûr de retrouver quand on le voudra, mais le criminel s’est élancé tout entier ; s’il a du remord, ce n’est pas de celui qui retient, mais de celui qui excite de plus en plus à des actions violentes ; c’est une sorte de crainte qui précipite les pas : et, d’ailleurs, tous les sentiments, toutes les sources d’émotion, tout ce qui peut enfin produire une révolution dans le fond du cœur de l’homme, n’existant plus, il doit suivre éternellement la même route.
L’état quelconque du mouvement qu’il immobilise apparaît sous le regard de la conscience, comme le seul état parfait ; il emporte la foi absolue en lui-même et fait tenir le nombre illimité des possibles dans les limites qui le définissent. « Je suis, dit-il toujours, la vérité et la vie. » Et la force avec laquelle ce pouvoir d’arrêt s’affirme sous forme de vérité dans le monde moral traduit expressément le degré du pouvoir de réalisation dont il est l’interprète. […] Que l’on mette en cause une conception de l’ordre moral, politique, social ou religieux, il ne s’agit plus de la comparer avec un modèle idéologique d’une valeur présumée absolue, dont on sait maintenant l’origine arbitraire, avec une idée divinisée de vérité ou de justice, dont on connaît qu’elle n’exprime autre chose qu’un état de sensibilité particulier et propre à un temps donné.
; 2º La poésie sacrée telle qu’elle existe dans les psaumes, dans les prophètes et dans les traités moraux, etc. […] Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula.
Ni l’un ni l’autre, il est vrai, de ces grands esprits différents, ne connut les honnêtes gens du Journal des Débats ; mais tous deux savaient ce qui se cache sous cette vague expression d’honnêtes gens, qui se dilate à mesure qu’on la presse pour envelopper mieux toutes les défaillances et toutes les lâchetés morales, et que les fats du vice élégant ou lettré jettent par-dessus leurs mauvaises mœurs ou leurs mauvaises doctrines. […] Personne n’avait dit qu’être évasif dans les questions du bien et du mal littéraire, du bien et du mal moral, — car tout livre pose le double problème, — était le devoir, la fonction et la gloire de la critique !
. — Ses préoccupations morales. — Comparaison de la critique en France et en Angleterre. — Pourquoi il est religieux. — Liaison de la religion et du libéralisme en Angleterre. — Libéralisme de Macaulay. — Essai sur l’Église et l’État. […] Macaulay porte dans les sciences morales cet esprit de circonspection, ce besoin de certitude et cet instinct du vrai qui composent l’esprit pratique, et qui, depuis Bacon, font dans les sciences le mérite et la puissance de sa nation. […] Southey a complétement abandonné la narration, et essayé de traiter des questions morales et politiques, sa chute a été complète et ignominieuse. […] Là-dessus, Macaulay insère une dissertation de quatre pages, fort bien faite, pleine d’intérêt et de science, dont la diversité nous repose, qui nous fait voyager à travers toutes sortes d’exemples historiques, et toutes sortes de leçons morales. […] Southey has completely abandoned narration, and has undertaken to argue moral and political questions, his failure has been complete and ignominious.
Jamais je n’ai goûté autant la sobre et fine puissance de l’esprit, et je n’ai eu plus vif le sentiment moral de la pensée. […] Sobre et fine puissance de l’esprit, sentiment moral de la pensée, voilà ce que je goûte chez Vinet, dit Sainte-Beuve. […] Il y a eu, je pense, une vocation plus sincère, un sentiment plus sérieux dans ce choix, que le tempérament moral rendait probablement inévitable. […] la parole sur tous les sujets qui tiennent au monde moral, n’est-elle pas réduite à l’approximation ? […] Tout le monde aura reconnu quelle juste importance, sous le point de vue moral, il attribue à la scène grave et attendrissante du Guichet.
Ainsi la théorie positiviste du beau dans les lettres et les arts est la plus conforme que je connaisse à l’idéal élevé, sévère et moral de M. […] Le service qu’il rend ainsi n’est pas moral seulement, mais aussi littéraire. […] Il y a la volonté, le sentiment, ’les dispositions morales et affectives. […] Pourtant elle s’accorde par quelque côté aux préoccupations morales de ceux qui sentent et comprennent notre temps et cherchent à le définir sans convention. […] Léon Blum nous démontrât qu’il y a parité de niveau moral et que le socialisme collectiviste n’est pas matérialiste avant tout, incapable de dépasser le matérialisme.
D’illustres savants, que j’ai nommés déjà, et dont on a relevé fréquemment les sécheresses morales, conservèrent aussi jusqu’au bout, et malgré beaucoup d’autres côtés moins libéraux, le goût, l’amour des sciences et de leurs progrès ; mais, notons-le, c’était celui des sciences purement mathématiques, physiques et naturelles. […] En même temps que, déjà jeune homme, les livres, les idées et les événements l’occupaient ainsi, les affections morales ne cessaient pas d’être toutes-puissantes sur son cœur. […] Je cite quelques passages religieusement, et sans y altérer un mot : J’ai reçu, mon cher ange, ton billet consolateur ; il a versé un baume vivifiant sur les plaies morales que fait à mon âme le regret d’être méconnu par mes concitoyens, qui m’interdisent, par la plus cruelle séparation, une patrie que j’ai tant chérie et dont j’ai tant à cœur la prospérité. […] Je trouve des scènes écrites d’une tragédie d’Agis, des fragments, des projets d’une tragédie de Conradin, d’une Iphigénie en Tauride…, d’une autre pièce où paraissaient Carbon et Sylla, d’une autre où figuraient Vespasien et Titus ; un morceau d’un poëme moral sur la vie ; des vers qui célèbrent l’Assemblée constituante ; une ébauche de poëme sur les sciences naturelles ; un commencement assez long d’une grande épopée intitulée l’Américide, dont le héros était Christophe Colomb. […] dans le monde, où tous les sentiments s’affaiblissent, où toutes les douleurs morales finissent, on trouvera très-naturel votre second mariage ; on croira qu’il est le fruit de l’inconstance de nos affections et de l’instabilité de nos sentiments, même les plus vils et les plus profonds.
Parmi les œuvres glorieuses de Wagner — je nomme ici la Tétralogie, Tristan et les Maîtres, les pièces symphoniques, enfin le Parsifal — m’apparaît une marche en avant, un progrès continu que je définirai ainsi : D’abord l’œuvre théâtrale, c’est-à-dire l’œuvre amalgamant tous les modes d’expression sous l’unité du drame théâtral ; l’œuvre théâtrale, une action morale symbolisée sous une action légendaire et s’exprimant par le complexe moyen de littératures, de musiques et de cette très grossière et primitive forme des arts plastiques, le trompe-l’œil des décors et de personnages animés (époque des écrits théoriques de 1849 et 1852) ; Puis une transition, l’œuvre théâtrale où prédomine largement un mode d’expression aux dépens des autres ; le drame moral plus net symbolisé par un drame légendaire atténué ; la musique accaparant toute importance, la littérature s’effaçant, les décorations se faisant inutiles ; le drame moral devenant drame de musique ; Enfin l’œuvre musicale, sous la glose des additions littéraires et décoratives ; l’œuvre de pure musique, où le texte littéraire et le spectacle n’ont plus d’autre valeur que d’être les commentaires à l’intelligence des musiques ; l’action purement morale, sous le symbole quelconque d’une fable (époque initiée au Beethoven af et accomplie à Art et Religion). […] Le Rheingold : l’artiste a été ému de ce fait moral, la lutte dans l’âme entre le désir des apparences et le désir du bien véritable, la contamination par le désir mauvais en l’attente dès lors de la rédemption dernière. […] l’action extérieure est si simple que quelques mots l’expliquent amplement ; en leurs situations morales, en leurs multiples nuances, l’attente des amants, leur réunion, l’entrée de la voix de remords, l’adieu final, sont totales en la musique ; n’est-ce pas de toute évidence que le décor est posé musicalement et toute mimique inutile ? […] Le troisième acte montre plus évidente encore l’exclusive expansion de la musique ; l’historiette qui encombrait le premier acte est annulée ; ce n’est plus que le fait moral ; une agonie d’amour, et une agonie d’amour ; nul mot qui ajoute une sensation dans le drame émotionnel ; et tous les mots que prononcent et Tristan et Isolde, et Kurwenal, la voix des lointains joyeux, inutiles en fait, mais admirables articulations syllabiques des mélodies, commentent aux badauds que nous sommes les trop hautaines symphonies. […] Alors vient ce troisième acte composé après un très long intervalle ; et entendez d’abord le fulgurant prélude ; c’est la musique toute qui institue cette évocation d’âme dans le sombre des solitudes morales ; puis, les deux scènes corrélatives de Wotan en face de son rêve et en face de son acte, fondamentales du drame, et nécessairement mêlées de littératures explicatives du symbole originel ; mais dans ces scènes, rien aux mimiques, les décorations et les gestes étant dans l’orchestre.
Mais avant nous devons dire ce que nous pensons de l’origine des théologies, des religions, des morales, des philosophies sur la terre, à ces époques antéhistoriques de l’humanité. […] Des livres, aussi vieux que les fondements de l’Himalaya, nous parlent de l’homme, de ses sens, de ses formes, de sa stature, de son état physique et moral. […] Nous croyons voir ce fanal à quelques vagues de nous sur notre globe flottant, mais il brille en effet sur une autre sphère, et il nous conduit, en nous trompant, au perfectionnement moral et au bonheur éternel. […] « Moi-même », poursuit le demi-dieu Krisna dans sa leçon à son disciple, « moi-même je pratique les bonnes œuvres ; et cependant, par ma nature divine, je n’ai rien à faire, rien à désirer pour moi-même dans les trois parties (les trois continents connus du globe alors), et cependant je vis dans l’accomplissement des devoirs moraux. […] » Y a-t-il rien dans ce langage et dans ces doctrines théologiques et morales, datant de quatre mille six cents ans, qui atteste la prétendue barbarie et la grossière superstition que certains philosophes ont besoin d’attribuer au vieux monde pour motiver leur orgueilleux système ?
Dans ce discours, il dénonçait d’un ton de conviction profonde le danger moral qui, selon lui, menaçait la société. Il croyait voir un plan arrêté chez les ennemis de l’ordre, un dessein d’arriver à détruire tout frein moral et religieux. […] Je ne comprendrais pas que sous le règne d’un Napoléon47, c’est-à-dire d’un souverain qui est jaloux sans doute de garantir tous les intérêts moraux, d’abriter toutes les craintes même et les délicatesses des consciences, mais aussi de réserver tous les droits sérieux et légitimes issus de la Révolution, il y eût un accord aussi surprenant contre cette classe plus ou moins nombreuse qu’on n’appelle qu’en se signant les libres penseurs, et dont tout le crime consiste à chercher à se rendre compte en matière de doctrines. […] Si rassurer et consoler les intérêts et les instincts conservateurs est une partie essentielle de sa tâche, ne pas déserter, ne pas laisser entamer les droits acquis par la Révolution, ses conquêtes morales, est une partie non moins essentielle, plus essentielle encore (s’il était possible) de sa vie.
Mais c’est par des calculs positifs et non par des pensées sensibles ou morales qu’on éloigne ou prévient de semblables peines ; le bonheur des caractères passionnés au contraire, étant tout à fait dépendant de ce qui se passe au-dedans d’eux, ils sont les seuls qui trouvent quelque soulagement dans les réflexions qu’on peut faire naître dans leur âme. […] Loin donc de ceux qui ont quelque valeur personnelle, toutes les dénominations d’esclaves et de factieux, de conspirateurs et d’anarchistes, prodiguées aux simples opinions ; les actions doivent être soumises aux lois : mais l’univers moral appartient à la pensée ; quiconque se sert de cette arme, méprise toutes les autres, et l’homme qui l’emploie est par cela seul incapable de s’abaisser à d’autres moyens. — Plusieurs ouvrages de très bons auteurs renferment des raisons en faveur de l’hérédité modifiée, ou comme en Angleterre, c’est-à-dire, composant deux branches du gouvernement, dont le troisième pouvoir est purement représentatif ; ou comme à Rome, lorsque la puissance politique était divisée entre la démocratie et l’aristocratie, le peuple et le sénat ; il faudrait donc déduire tous les motifs qui ont fait croire que la balance de ces intérêts opposés, pouvait seule donner de la stabilité aux gouvernements ; que l’homme qui se croit des talents, ou se voit de l’autorité, tendant naturellement, d’abord aux distinctions personnelles, et ensuite aux distinctions héréditaires, il vaut mieux créer légalement ce qu’il conquerra de force. […] On m’objectera, peut-être aussi, qu’en voulant dompter les passions, je cherche à étouffer le principe des plus belles actions des hommes, des découvertes sublimes, des sentiments généreux ; quoique je ne sois pas entièrement de cet avis, je conviens qu’il y a quelque chose de grand dans la passion ; qu’elle ajoute, pendant qu’elle dure, à l’ascendant de l’homme ; qu’il accomplit alors presque tout ce qu’il projette, tant la volonté ferme et suivie, est une force active dans l’ordre moral. […] Dans l’analyse des diverses affections morales de l’homme, il se rencontrera quelquefois des allusions à la révolution de France ; nos souvenirs sont tous empreints de ce terrible événement : d’ailleurs, j’ai voulu que cette première partie fut utile à la seconde, que l’examen des hommes un à un put préparer au calcul, des effets de leur réunion en masse ; j’ai espéré, je le répète, qu’en travaillant à l’indépendance morale de l’homme, on rendrait sa liberté politique plus facile, puisque chaque restriction qu’il faut imposer à cette liberté, est toujours commandée par l’effervescence de telle ou telle passion.
Dans le Vieux Testament, quelques touches du caractère de Caïn, une esquisse du pathétique moral auquel le sacrifice d’Abraham peut donner lieu dans les rôles du père et du fils, une notation un peu sèche, mais essentiellement juste des sentiments respectifs de Samson et de Dalila, une discrète et délicate peinture de la belle âme de Suzanne, d’heureux traits de foi timide dans Enther, et d’orgueil féroce dans Aman : voilà où l’esprit aime à se reposer dans la platitude aride de l’immense mystère. […] On pourra, si l’on veut, lire dans les ouvrages spéciaux les analyses ou les textes de l’Assomption, de Mundus, Caro, Daemonia, de Bien advisé et Mal advisé, des Enfants de maintenant, de la Condamnation de Banquet, et autres moralités mystiques, morales, pédagogiques, qui sont toutes également traitées en lourdes allégories. […] Avec cela, il a trois parties sensibles : la peau, la bourse et la femme : être rossé, volé, trompé, voilà les trois mésaventures qui le font rire quand elles arrivent aux autres, parce qu’elles le fâcheraient si elles lui arrivaient, il est peu sensible, il a peu d’idées : les peines morales et le tourment d’esprit n’ont guère de prise sur lui. […] Étant du xve siècle, et profondément bourgeoise, l’œuvre manque manifestement d’élévation morale : elle est plutôt prosaïquement insoucieuse de l’idéal moral, qu’effectivement immorale.
Voilà le second des conseils moraux de La Fontaine, la résignation. […] Il est certain que de fables véritablement morales, dans La Fontaine, de fables qui dépassent résignation, prudence, goût de la médiocrité et goût du travail, vous n’en trouverez point, si ce n’est les cinq ou six que je viens de mentionner. […] Jean-Jacques Rousseau j’ai encore le temps de vous indiquer une très jolie contradiction de Jean-Jacques Rousseau Jean-Jacques Rousseau, dans l’Emile, reprochait très vivement à La Fontaine d’avoir recommandé de véritables vices moraux par le tour qu’il donne à ses fables : « Voyons, dit-il en substance, le Renard et le Corbeau. […] si c’est ainsi que cela commence pour la première fable, si je suis forcée de rectifier dans le sens moral toutes les fables de La Fontaine successivement, j’aime mieux y renoncer et donner à l’enfant des fables plus à sa portée ».