Voltaire n’est ni un poëte lyrique, ni un poëte comique, ni un poëte tragique ; il est le critique indigné et attendri du vieux monde ; il est le réformateur clément des mœurs ; il est l’homme qui adoucit les hommes. […] Partout, dans toutes les rues, sur toutes les places, à chaque pas, de gigantesques points d’admiration sous forme de colonnes : colonne au duc d’York, qui devrait, celle-là, être faite en points d’interrogation ; colonne à Nelson, montrée du doigt par le spectre de Caracciolo ; colonne à Wellington déjà nommé ; colonnes pour tout le monde ; il suffit d’avoir un peu traîné un sabre. […] Il a fallu trois cents ans pour que l’Angleterre commençât à entendre ces deux mots que le monde entier lui crie à l’oreille : William Shakespeare. […] Il représente de plus en plus Paris, la ville cœur du monde.
Aussi sa composition comporte-t-elle moins de mouvement : la mobilité convient à l’atome, et le repos au monde. […] Vous aurez le front de leur suggérer que les passions et l’intérêt particulier mènent ce monde, que les philosophes s’occupent en vain à démontrer la vérité et à démasquer l’erreur ; que ce ne sont que de bavards inutiles et importuns, et que le métier des montesquieus est au-dessous du métier de cordonnier, et vous n’oserez pas leur dire on vous a fait un sot tableau. […] Je ne dis pas aux souverains, que les passions et l’intérêt particulier doivent mener ce monde, mais je dis que tout écrivain politique qui ne fait pas entrer dans ses calculs ces deux puissants ressorts, ne connaît pas les élémens de sa science, et qu’il est plus instant de trouver des remèdes contre les passions et l’intérêt que contre l’erreur. […] Fermez les yeux sur le reste de la composition, et dites-moi si vous reconnoissez là l’homme destiné à être le vainqueur et le maître du monde.
Ce lyrisme, auquel le poète s’est assoupli par la volonté, l’exercice et surtout le compagnonnage littéraire, est le plus grand ennemi de sa nature sincère, de cette poésie qui est la sienne, toute d’observation triste ou cruelle, qui se déchire le cœur dans un coin, et de ce petit coin sombre avec son noir chagrin, comme Alceste, allonge sur le monde extérieur un regard qui, comme celui de certains peintres malades de la bile ou du foie, teint, d’une nuance particulière et soucieuse, les objets sur lesquels il va lentement et longuement se fixer. […] Peut-être à votre vue elle a baissé la tête, Car, bien pauvre qu’elle est, sa naissance est honnête ; Elle eût pu, comme une autre, en de plus heureux jours, S’épanouir au monde et fleurir aux amours, etc. […] Ainsi elle est dans ces Rayons jaunes dont la Critique française, toujours française, s’est moquée presque autant que de la Ballade à la lune d’Alfred de Musset, et avec un sens poétique qui aurait indigné les poètes anglais, ces premiers poètes du monde ! […] Le monde extérieur qu’il décrit passe à travers son âme malade, avant d’éclore sous son pinceau, y charrie des couleurs prises à cette âme envenimée, et sa peinture n’en est que plus vraie, car, au lieu d’une, elle exprime deux vérités.
Sans doute ils n’ont plus la même précision ; mais en revanche ils retrouvent beaucoup d’impressions « subjectives » qui passaient inaperçues pendant la veille, quand nous nous mouvions dans un monde extérieur commun à tous les hommes, et qui reparaissent dans le sommeil, parce que nous ne vivons plus alors que pour nous. […] D’autre part, les âmes habitent dans le monde des Idées. […] Nos songes s’élaborent à peu près comme notre vision du monde réel. […] On a dit que dormir consistait à s’isoler du monde extérieur.
Rien n’est plus commun dans les annales du monde, que les vices & les vertus contraires mis au même rang. […] Dans la comédie, quel usage du monde, quelle connoissance de tous les états ! […] Le monde est l’école d’un comédien ; théatre immense où toutes les passions, tous les états, tous les caracteres sont en jeu. […] Pour voir le monde tel qu’il est, nous n’avons qu’à le voir en lui-même ; c’est un monde nouveau qu’on demande aux Arts ; un monde tel qu’il devroit être, s’il n’étoit fait que pour nos plaisirs. […] Hercule ne vainquit jamais pour lui-même ; il traversa le monde pour le venger, & non pour l’envahir.
. — Article de Charles Magnin sur Lucrèce dans la Revue des Deux Mondes. […] Arsène Houssaye. — La Revue des Deux Mondes reste aux mains de M.
Louis Ratisbonne, exécuteur testamentaire et légataire de M. de Vigny pour les choses littéraires et poétiques, m’a fait savoir que mon article sur son ami lui avait déplu ; il me l’a témoigné autant qu’il a pu en faisant imprimer dans la Revue moderne du 1er avril 1866 une note de M. de Vigny à mon égard, trouvée dans ses papiers, non destinée assurément à la publicité, et de laquelle il résulte que le poète n’était pas absolument satisfait du premier Portrait de lui que j’avais tracé dans la Revue des Deux Mondes en 1835 : « S. […] Les voici tels qu’ils sont venus au monde avec toutes les souillures baptismales.
Vinet, d’un guide connaissant mieux les profondeurs du monde moral, ses défilés étroits et ses détours, ses abîmes et même ses orages cachés. […] Il y a neuf ans278, je revenais de Rome, — de Rome qui était encore ce qu’elle aurait dû toujours être pour rester dans nos imaginations la ville éternelle, la ville du monde catholique et des tombeaux.
Depuis lors, certaines croyances, certaines doctrines morales sur la vie, sur les hommes, sur l’âme et sur Dieu, se sont répandues dans le monde et ont pénétré dans tous les cœurs. […] M. de Lamartine, le seul dont nous ayons à nous occuper, par cela même qu’il range humblement sa poésie aux vérités de la tradition, qu’il voit et juge le monde et la vie suivant qu’on nous a appris dès l’enfance à les juger et à les voir, répond merveilleusement à la pensée de tous ceux qui ont gardé ces premières impressions, ou qui, les ayant rejetées plus tard, s’en souviennent encore avec un regret mêlé d’attendrissement.
Pris ainsi au dépourvu par l’événement, les novateurs se sont crus obligés de finir en toute hâte ce qu’ils avaient jusque-là essayé avec plus de lenteur ; et sur quelques fondements réels, sur quelques faits ingénieusement observés, ils ont vite échafaudé leur monde ; ils ont bâti en un clin d’œil, temple, atelier, cité de l’avenir. […] La Revue encyclopédique n’a pas simplement pour objet d’être un magazine bien fait, bien meublé de morceaux divers et suffisamment assortis, comme l’est, par exemple, la Revue des Deux Mondes, la meilleure publication de ce genre ; mais c’est un recueil systématique, fidèle à son titre, ayant une sorte d’unité et une direction de doctrine dans tous les sens.
M. de Balzac a découvert cette veine ; c’est lui qui, le premier, après d’inconcevables écoles, a fini par bien saisir et par traiter dans ses moindres nuances la forme de sensibilité, d’imagination, de fatuité, de rouerie, qui caractérise un certain monde à la mode de notre temps. […] Eh bien, pour revenir à M. de Bernard, il pourra bien être, s’il le veut, l’Améric Vespuce de cette terre dont M. de Balzac est le Christophe Colomb ; oui, l’observation du monde des dix dernières années, il la possède ; ce fond nouveau de sensibilité, de coquetterie, d’art, de prétentions de toutes sortes, ce continent bizarre qui ressemble fort à une île flottante, il y a pied et n’en sort pas.
Il fallait se former soi-même : dans le monde, dans les lectures, au théâtre, payer de sa personne, et ne pas s’endormir ; hors de soi, ni en soi, on n’avait de souffleur, qui dispensât de la peine. […] Il faut donc résister à l’éducation, et résister ensuite au monde.
Cependant les idées de La Motte choquaient trop les habitudes d’esprit de la bonne société, les préjugés de l’éducation et du monde, pour avoir chance d’être reçues. […] La plupart sont écrits par des Hommes du monde qui n’ont vu la nature que dans leurs parcs ou à l’opéra.
Cet homme s’élève, avec chaleur, contre l’histoire imaginaire des amours d’une femme très-aimable avec celui qu’il appelle un sçavant, dans toute l’étendue du mot, un sçavant triste, pesant, sans graces & sans usage du monde. […] Si le stile de Bayle est souvent libre, indécent ; si cet écrivain s’arréte à des contes, à des historiettes scandaleuses, c’est qu’il ignoroit l’usage du monde & l’emploi de bien des mots dont il se sert.
Un jeune homme de condition des plus avant dans le monde, et de ceux qu’on appelle quelquefois en stile enjoué, la fine fleur de la cour, se piquoit de bien haranguer, et même de parler avec applaudissement devant les tribunaux dans les causes de ses amis, comme il se pique aujourd’hui d’avoir un équipage leste et des habits de bon goût. […] Qu’on se figure que ce monde à qui les jeunes gens ont tant d’envie de plaire, faisoit du moins autant d’accueil au jeune homme éloquent qu’au jeune homme bon officier.
Or, c’est lui, Alfred de Musset, qui le premier, en France, nous apprit le nom fascinant et menteur de Leopardi, qui cache en ses huit lettres tout ce qu’il y a de moins léopard au monde… Sous le rayon de quelques vers de de Musset, lueur de lampe dans un caveau funèbre, le poète italien brillait mystérieusement, depuis ce temps-là, dans la pénombre d’une langue étrangère, toujours d’accès plus ou moins difficile ou désagréable à l’esprit français. […] Il n’y a dans le monde que deux familles d’esprits, ceux qui ont la puissance du rire, les légers, les aériens, les fiers, les ironiques et les charmants, qui sonnent les fanfares de l’esprit et la marche triomphale des sentiments humains les plus vainqueurs, et les plaintifs, les gémissants, les lourds, les ténébreux, les accroupis dans la lamentation et dans les larmes, les Job enfin, avec plus ou moins de femmes, d’amis, de lèpre et de fumier !
Je ne veux pas être une pensée mutilée, fragmentaire, dans l’universelle raison, un être isolé dans la communauté des hommes : j’entends servir la société et non point par goût des louanges, ni par désir d’être aimé, ni par sympathie pour mes contemporains, mais parce que le monde est un et que je veux me conformer à ses lois, qui sont d’ailleurs harmonieuses avec ma raison. […] Toutefois, M. de Vogüé m’a dit aujourd’hui que dans son monde ce mot ne suffit pas.
L’hypnotisme confirme encore une dernière conséquence de la loi des idées-forces, qui veut que toute idée non contre-balancée par une autre apparaisse comme une réalité et soit projetée immédiatement dans le monde extérieur. Dans l’état de monoïdéisme, de même que la conscience est réduite tout entière à une sensation, de même le monde extérieur est tout entier réduit à une image. […] Ces animaux sentent donc déjà un monde intérieur et un monde extérieur, même en l’absence d’idées innées de causalité et probablement sans aucune conscience claire de l’espace. […] Il y a des réactions chimiques et aussi des phénomènes de vie végétative qui sont sous la dépendance des rayons ultraviolets : peut-être ce monde subspectral vous serait-il en partie révélé. […] Cet article a paru depuis la publication de nos études sur l’hypnotisme dans la Revue des Deux Mondes.
Ce monde n’est qu’un amas de molécules pipées en une infinité de manières diverses. […] Vos tourbillons de poussière, me dit-il avec un peu d’humeur, qui sont aussi bien ordonnés que le monde, m’ont fait passer une mauvaise nuit… ses bambins étaient à leurs devoirs, et il venait causer avec moi. […] Nous aimons mieux voir sur la scène l’homme de bien souffrant que le méchant puni, et sur le théâtre du monde, au contraire, le méchant puni que l’homme de bien souffrant. […] Je ne fuirai point les cours comme toi, je saurai me vêtir de pourpre ; je ferai ma cour aux maîtres du monde, et peut-être en obtiendrai-je ou l’abolition de la loi mauvaise, ou la grâce de l’homme de bien qui l’aura enfreinte. […] Jamais, depuis que le monde est monde, deux amans n’ont dit identiquement je vous aime ; et dans l’éternité qui lui reste à durer, jamais deux femmes ne répondront identiquement vous êtes aimé ; depuis que Zaïre est sur la scène, Orosmane n’a pas dit et ne dira pas deux fois identiquement : Zaïre, vous pleurez.
Le grand poète lyrique, à cet âge de calme et de mélancolique puissance, s’il se dérobe un instant aux obsessions des affaires et du monde pour remettre le pied dans ses solitudes, sent donc aussitôt et à chaque pas déborder en lui des chants involontaires ; il les livre comme la nature fait ses germes, il ne les compte plus. […] Abel était heureux à la face de ses parents inconsolés, le lendemain de la chute du monde : tandis que le sang d’André Chénier, de Marie-Antoinette et de madame Roland arrosait l’échafaud, l’hymne de ces deux enfants planait et montait au ciel dans le printemps d’avant Thermidor, et de dessus leur piédestal embaumé. […] Après un court voyage à Paris (vers 1800), où il retrouve, sans lui parler, Laurence en proie aux dissipations du monde, et après avoir aussi conçu une rapide et profonde idée de la renaissance du siècle, Jocelyn s’enfuit à la hâte vers ses montagnes et se replonge en cet air âpre et vivifiant dont il a besoin pour ne pas défaillir. […] Coleridge, dans sa jeunesse, a fait d’admirables Poëmes méditatifs, dans lesquels la nature anglaise domestique, si verte, si fleurie, si lustrée, décore à ravir, et avec une inépuisable richesse, des sentiments d’effusion religieuse, conjugale ou fraternelle ; soit que le soir dans son verger, entre le jasmin et le myrte, proche du champ de fèves en fleur, il montre à sa douce Sara l’étoile du soir, et se perde un moment, au son de la harpe éolienne, en des élans métaphysiques et mystiques, qu’il humilie bientôt au pied de la foi ; soit qu’il abandonne ensuite ce frais cottage, de nouveau décrit, mais trop délicieux, trop embaumé à son gré pendant que ses frères souffrent (vers l’année 93), et qu’il se replonge vaillamment dans le monde pour combattre le grand combat non sanglant de la science, de la liberté et de la vérité en Christ ; soit qu’envoyant à son frère, le révérend George Coleridge, un volume de ses œuvres, il y touche ses excentricités, ses erreurs, et le félicite d’être rentré de bonne heure au nid natal ; soit qu’un matin, visité par de chers amis, dans un cottage encore, et s’étant foulé, je crois, le pied, sans pouvoir sortir avec eux, du fond de son bosquet de tilleuls où il est retenu prisonnier, il fasse en idée l’excursion champêtre, accompagne de ses rêves aimables Charles surtout, l’ami préféré, et se félicite devant Dieu d’être ainsi privé d’un bien promis, puisque l’âme y gagne à s’élever et qu’elle contemple ; soit enfin que, dans son verger toujours, une nuit d’avril, entre un ami et une femme qu’il appelle notre sœur, il écoute le rossignol et le proclame le plus gai chanteur, et raconte comme quoi il sait, près d’un château inhabité, un bosquet sauvage tout peuplé de rossignols chantant à volée, en chœur, et entrevus dans le feuillage sous la lune, au milieu des vers luisants : Oh ! […] Nous avons Jocelyn aujourd’hui ; nous avons une révélation presque directe sur l’une des plus divines organisations de poëte qui aient été accordées au monde, sur une des plus nobles créatures.
vous avez beau l’ignorer ou l’oublier, ce contraste se reproduira chaque fois et chaque jour, pour qui le saura voir : publique ou cachée, il y aura toujours ce jour-là dans le monde une grande douleur, — une infinité de grandes douleurs. […] Il y a une jolie boutade de Désaugiers dont voici le premier couplet : Chien et chat, Chien et chat, Voilà le monde A la ronde, Chaque état, Chaque état N’offre, hélas ! […] Tant de glorieux sujets, tant de vaillants chefs y sont bien parfois un peu à l’étroit et un peu pressés comme dans le cheval de bois ; mais ils en sortent de même plus imprévus et plus impétueux, avec grandeur, avec éclairs. — Quoi qu’il en soit, c’est cette absence bien reconnue d’arrière-pensée qui fait passer chez Désaugiers certaines plaisanteries de rencontre, sur la création dans le Nouveau Monde, sur Adam et la pomme dans Verse encor, sur les diables et les damnés dans Il faut rire, sans qu’il ait été le moins du monde soupçonné d’impiété. […] Les instants où il parvenait à s’arracher au monde et où il s’asseyait parmi les siens, à sa table bourgeoise, étaient peut-être ses plus vrais jours de fête, à lui. — On a dit qu’il avait un certain fond mélancolique sous sa gaieté.
Mais avant de l’analyser en lui-même cet art, disons un mot de cette passion sereine et impersonnelle du beau qui possède certaines âmes d’élite venant en ce monde, qui les séquestre, pour ainsi dire, des vulgarités de notre vie à nous, active mais triviale, et qui les nourrit sans aliments visibles (excepté peut-être quelque amour sans récompense, voilé et innomé dans le rêve du cœur). […] Quand on sait toutes les œuvres du temps et qu’on en voit les débris sur toute la terre, on l’appelle de son vrai nom, le grand Créateur, mais aussi le grand destructeur du monde, ou plutôt le grand changeur, le grand rénovateur de tout ; mais le grand progressiste, c’est un contresens à son nom, car il démolit sans cesse tout ce que sans cesse il construit, à commencer par l’homme lui-même qu’il sème et qu’il fauche sans en oublier un seul sur la terre, pour lui apprendre qui est le grand ensevelisseur de la création et le fossoyeur des mondes ! […] Nous les avons lues une fois nous-même, d’emprunt, sans pouvoir jamais, depuis, retrouver cette délicieuse cassette, pour en extraire un des bijoux ciselés patiemment sur les hauts lieux du Jura natal, et pour les faire admirer à ceux qui goûtent encore les beaux vers, ces médailles d’une monnaie d’or qui n’a plus cours dans le monde actuel, mais qui a toujours son prix dans le monde du beau.
Évidemment, il y a une crise des prix littéraires, il y a des mœurs électorales, mais ça remonte à la création du monde — et même avant. […] Mais ces mutations sont la vie du monde et elles offrent d’agréables joies spirituelles à notre observation. […] Enfin, c’est un peu de gloire, un peu de bruit autour d’un livre et d’un nom — et dans notre monde moderne, si féru d’affaires, de sport et de divertissements médiocres, il est bon que de temps à autre l’Actualité s’occupe d’autre chose que d’un aviateur, d’un comédien ou d’un multimillionnaire. […] Et seule, cette médecine-là pourra guérir le monde littéraire de la maladie qui le ronge, l’empoisonne et le ridiculise. […] Or, ni l’un ni l’autre n’ont obtenu le prix, mais, par on ne sait quelle manœuvre électorale, un troisième larron, auquel les Dix n’avaient pas songé le moins du monde pendant les dix premiers tours de scrutin.
Le monde moral et le monde physique se confondent ; les sentiments sont des sensations ; les idées ont des contours ; l’abstrait prend un corps, et l’invisible même veut qu’on le voie. […] Ni révolution, ni dictature, mais l’étude continuelle et la pratique résolue du vrai progrès, parmi les impatiences qu’excite et les séductions qu’exerce le faux progrès : tel est l’esprit de ce bel ouvrage, et c’est par là qu’il prend une des premières places à côté de ce qui s’est écrit de durable sur les choses romaines, pour l’enseignement du monde moderne. […] Est-il vrai que plus d’un auditeur de la Sorbonne, sous le charme de tant de belles paroles sur Dieu, l’homme, le monde et leurs rapports, s’achemina vers Notre-Dame plus qu’à demi conquis aux vérités religieuses, qu’enseignaient, du haut de la chaire chrétienne, des prédicateurs plus loin des voies des grands sermonnaires que le philosophe ne l’était des voies de Descartes ? […] Ainsi il faut me taire sur ces écrits d’État, si ce mot m’est permis, bulletins de victoire, notes politiques, discours aux grands corps de l’État, par lesquels la France du dix-neuvième siècle a parlé au monde avec un si grand retentissement.
Nous sommes un atome dans l’univers, et il faut que cet atome devienne le miroir du monde. […] Ainsi deux opérations inverses constituent notre connaissance du monde : faire s’écouler l’espace sous la forme successive du temps, c’est la sensation ; fixer le temps sous les formes simultanées de l’espace, c’est la mémoire. […] Pour quelques-uns, l’action de reconnaître une idée est la chose du monde la plus secondaire ; c’est un phénomène d’éclairage intérieur qui se surajoute à tout le reste, mais qui n’est nullement nécessaire ; qu’importe que la mémoire soit consciente ou inconsciente ? […] — Parler ainsi, peut-on répondre, c’est oublier que les dimensions des choses sont toutes relatives, et que, par rapport à des vibrations infiniment petites, notre cerveau devient un monde infiniment grand. […] Allons plus loin ; dans le monde inorganique lui-même, toute forme durable ou susceptible de répétition peut être, par analogie et par métaphore, appelée une mémoire ; le système solaire, qui reproduit périodiquement les mêmes figures, est une mémoire, comme le système respiratoire qui reproduit périodiquement les mêmes soulèvements de la poitrine.
— Oui, a-t-on dit, parce qu’on en peut conclure que chaque être « tend à se faire le centre du monde » et poursuit ainsi sa propre utilité154. […] Un amas de terre qui se tasse et se concentre ne tend pas pour cela à se faire le centre du monde ; quand même il manifesterait des relations de plus en plus définies entre ses parties, par la séparation des diverses espèces de minéraux qu’il contient et par une disposition de plus en plus complexe de ces minéraux, ce mode de concentration serait toujours bien différent de l’utilité. […] Perrier, que cette proie « est, pour l’insecte adulte ; le monde entier ». […] Juger, c’est donc en définitive commencer à vouloir et à exécuter des mouvements comme si telles représentations et tels rapports de représentations étaient en accord ou en désaccord avec le monde où nous agissons163. Il y a ainsi un côté pratique jusque dans les plus idéales spéculations, en ce sens que nous les acceptons ou ne les acceptons pas dans le monde par nous conçu.