/ 3767
1387. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

En quel tems précisément ces théatres magnifiques, et dont la grandeur avoit donné lieu à mettre dans la représentation des pieces dramatiques tous les rafinemens dont nous avons parlé, furent-ils abandonnez ? […] Mais, ajoûte-t’il, tandis qu’on chassoit les sçavans comme bouches inutiles, et qu’on leur prescrivoit même un temps fort court pour sortir, on ne dit mot aux gens de théatre ni à tous ceux qui voulurent bien se mettre à l’abri de ce beau titre. […] Durant toute la nuit on y chantoit des airs profanes, et les gesticulateurs y déclamoient. " apparemment que quelque chrétien avoit mis en vers la passion de saint Cyprien, et qu’on executoit ce poëme sur son tombeau, de la même maniere qu’on executoit les pieces prophanes sur le théatre.

1388. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Si j’ai du succès, je te l’écris sans perdre une seconde. » Il y met le même cœur, la même ardeur et la même importance qu’il mettra plus tard aux plus grandes choses. […] — Tout cela, d’ailleurs, est gaiement dit, avec légèreté, entrain ; c’est alerte ; il met à raconter les choses la même action et le même geste qu’à les faire. […] Le général se prend de goût et d’amitié pour ce lieutenant de grenadiers si vif, si spirituel et si amusant ; il le mettra plus tard à l’épreuve et en vue dans toute circonstance de guerre, et le traitera comme son élève préféré. […] Il faut savoir les prendre et s’en faire aimer, et j’y mettrai mes soins. […] Il s’impatiente des lenteurs qu’on met à sortir du triste fossé où la France s’est jetée ; il n’aime pas la république, il la souffre ; il en souffre aussi.

1389. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Comme le fer mis au feu perd sa rouille et devient tout étincelant, ainsi celui qui se donne sans réserve à Dieu se dépouille de sa langueur et se change en un homme nouveau. […] Mettez-vous toujours à la dernière place, et la première vous sera donnée, car ce qui est le plus élevé s’appuie sur ce qui est le plus bas. […] Plusieurs mettent toute leur dévotion en des livres, d’autres en des images, d’autres en des signes et des marques extérieures. […] Mettez vos délices dans le Seigneur, et il vous accordera ce que votre cœur demande. […] L’antique serpent vous sollicitera, vous exercera ; mais vous le mettrez en fuite par la prière, et, en vous occupant surtout d’un travail utile, vous lui fermerez l’entrée de votre âme.

1390. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Une fois la société assise sur de nouvelles bases, une fois les lois mises en harmonie avec les idées des novateurs, c’est le régime politique qui se trouve à son tour en avance sur la littérature. Les formes que celle-ci employait hier encore paraissent vieillies, surannées ; elles ne sont plus adaptées au milieu environnant ; elles doivent changer pour se mettre en harmonie avec la société transformée. […] Il fut invité à ne pas mettre en scène des fonctionnaires. […] La République, instaurée pour la troisième fois, attend encore des mœurs et des lois républicaines qui justifient l’étiquette mise sur un ensemble incohérent d’institutions et de traditions rappelant la France féodale ou monarchique de jadis. […] Victor Hugo se vantait quand il disait : J’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.

1391. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Luisante et ronde tu frôles la cîme des monts comme la roue d’un char. » Et cet autre passage d’une mesure plus alanguie : « Il n’éprouvait pas à ses côtés ce ravissement de tout son être qui l’emportait vers Mme Arnoux, ni le désordre gai où l’avait mis d’abord Rosanette. […] Décrits, analysés, mis en scène, avec une moquerie tacite, mais aussi avec la pénétration adroite d’un connaisseur d’hommes, ils donnent de la vie et de la société une image au demeurant exacte pour une bonne part de ce siècle. […] Et quand il lui fallut, en quelques pages, mettre debout l’ancienne Byzance, Babylone sous Nabuchodonosor, évoquer les dieux et les monstres, il composa en sa cervelle ces visions de données aussi exactes et d’aussi minutieux renseignements que ceux pour les chasses de Julien, et celles-ci que les notes par lesquelles il décrivait un bal chez un banquier ou une noce au village. […] Voici qui montre son obséquiosité et son impersonnalité devant la nature : « Je me suis mal exprimé en vous disant qu’il ne fallait pas écrire avec son cœur ; j’ai voulu dire, ne pas mettre sa personnalité en scène. […] Et voici qui met sur la voie de la cause de cette opposition : « Je ne sais plus comment il faut s’y prendre pour écrire, et j’arrive à exprimer ’la centième partie de mes idées après des tâtonnements infinis. » (76, p. 17.)

1392. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il fallait une imagination comme la sienne, déréglée, excessive, capable d’idées fixes, pour mettre en scène les maladies de la raison. […] Miss Ruth est une fort gentille ménagère ; elle met son tablier : quel trésor que ce tablier ! […] Nous leur mettrons plutôt le feu au ventre pour la glus grande gloire du festin. […] On aura son portrait en se figurant un homme qui, une casserole dans une main et un fouet de postillon dans l’autre, se mettrait à prophétiser. […] Il essayera de mettre la concorde entre les hommes.

1393. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Zola, et lut ses romans ; sans compter que, pour pouvoir plus à l’aise éreinter le dramaturge, on commença à mettre en relief le talent du romancier. […] Nous allons mettre en regard quelques passages du roman, avec les passages correspondants du volume consulté. […] Busnach mit son point d’honneur à le faire mentir ; comme son plan plut à M.  […] Zola avait mis comme condition sine qua non à son autorisation, qu’il n’aurait absolument pas à s’occuper de la pièce, et que, dans aucun cas, son nom ne serait mis en avant. […] Pourquoi m’a-t-on mis ça dans la main ?

1394. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « À mon illustre ami, le comte Roselly de Lorgues » p. 

Comme une femme qui met ses diamants dans ses cheveux, j’ai toujours mis le nom d’un de mes amis à la tête de chaque volume des Œuvres et des Hommes.

1395. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Elle croyait que je pleurais de bonheur, et elle se mit à sangloter de joie… Elle appela son mari et sa fille. […] S’élèvera-t-il un homme qui se mettra à prêcher un culte nouveau ? […] Quelques jours après Céluta met au monde une fille qu’elle allaite sans la regarder. […] (Les « gestes » mêmes de Napoléon, d’ailleurs détestées de Chateaubriand, étaient trop proches pour être mises en épopée). […] Mais il n’eut ce ministère qu’à Gand, où il était déjà mis de côté avant qu’on fût rentré à Paris. » (Sainte-Beuve.)

1396. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Aujourd’hui encore un reste d’imbécillité barbare subsistant dans quelques esprits, refuse de mettre le Magistrat, le négociant, l’artiste renommé sur la même ligne que le militaire. […] quelle chaleur y mettent les deux parties ! […] C’est donc ainsi que les Poètes François se sont tous mis volontairement au cachot, en tendant les mains aux chaînes pesantes de ces deux unités. […] Demandez au premier Artiste, s’il faut plus d’efforts pour mettre sur la toile un habit doré, qu’un habit de burre. […] On a été jusqu’à dire que ceux qui admiroient Milton & Shakespear, étoient de mauvais citoyens, ennemis de la Nation, détracteurs de la France, tandis qu’on n’a jamais songé à faire le moindre reproche aux Académiciens & aux Gens-de-Lettres, qui ont mis & qui mettent Euripide & Sophocle au-dessus de tous nos Tragiques.

1397. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Pendant toute sa jeunesse, il mit en usage, tout à fait contre son gré, ces qualités. […] Pour qu’ils se mettent ensemble, que faut-il ? […] Mais ce n’est pas qu’il y mette aucune intention habile. […] C’est à quoi Ballanche met tout son dernier effort. […] Quelque adresse qu’on y mette, il ne paraît pas.

1398. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacaresco, Hélène (1864-1947) »

Elle ne s’y soumet d’ailleurs que pour mettre mieux en relief une originalité d’ailleurs très vive. […] La nature, apparaissant brusquement au cours de ses pages, y met un infini de perspective, un témoin solennel, toujours mystérieux et présent.

1399. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 280-281

Le Poëte a su y mettre en jeu, & toujours à propos, les différens ressorts du Théatre pour lequel il travailloit ; bien différent en cela de plusieurs Poëtes lyriques, qui n’ont pas craint de faire hurler la musique dans des vers durs & rocailleux, & de surcharger la scene d’un spectacle parasite, qui prouve le peu de ressource de leur génie. […] Ce Poëme a joui d’une grande réputation, pendant tout le temps que l’Auteur s’est borné à le lire dans les Sociétés ; mais depuis qu’il a été exposé au grand jour, le Public l’a mis au rang de ces Ouvrages dont les beautés de détails ne sont pas capables de racheter les défauts.

1400. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Point de superstition ni de routine ; le père met plutôt une sorte de superstition à se dégager de la routine. […] Qu’est-ce qui lui a mis en tête d’écrire ? […] Au reste, s’il ne la mit pas dans son livre, il eut soin de mettre dans sa vie quelque chose qui en pût tenir lieu. […] Qui veut nous dominer doit, ou créer des faits nouveaux, ou mettre à notre portée les faits connus. […] Nous le demandons, Messieurs, est-il de l’essence d’une loi de mettre quelque chose dans le cœur, si ce n’est la crainte ?

1401. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Dès qu’une immobilité absolue élimine l’un des deux éléments (la motilité), la fonction de l’autre est bientôt mise à néant. […] Nous étirons nos bras et nos jambes pour nous mettre en train de travailler, c’est-à-dire que nous réveillons les centres moteurs. […] Ils ne mettent en jeu dans l’organisme que les éléments nécessaires à leur exécution, et leur adaptation est parfaite. […] Ils y voient « une action de l’âme sur le cerveau pour le mettre en jeu ». […] Au centre, mettons l’attention spontanée moyenne.

1402. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Ai-je besoin de dire qu’il n’y met pas cette rigueur que nous y mettons pour le résumer, ni surtout cette suite ? […] Est-il bon, est-il selon l’art, que l’artiste se mette lui-même avec ses sentiments vrais et intimes, mette l’homme intérieur dans son œuvre ? […] On le pressa de les mettre au jour. […] Il a mis des airs de flûte jusque dans la Terreur. […] Il avait mis neuf ans à devenir capitaine.

1403. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Quoi qu’il en soit, à table, à la vue d’un mets dont elle a envie, elle dit plusieurs fois de suite oua-oua ; elle dit aussi, le même mot, quand, après en avoir mangé, elle veut en manger encore ; mais c’est toujours en présence d’un mets et pour désigner quelque chose de mangeable. […] Un jet d’eau qu’elle a vu pendant trois mois sous ses fenêtres la mettait tous les jours dans un transport de joie toujours nouvelle ; de même la rivière au-dessous d’un pont ; il était visible que l’eau luisante et mouvante lui semblait d’une beauté extraordinaire : « L’eau, l’eau !  […] C’est au quatrième mois qu’il a fait cette remarque : pendant un quart d’heure, il tâtait ses mains l’une par l’autre, lorsqu’on les avait mises au contact, et continuait ainsi d’un air aussi étonné qu’occupé. […] Pareillement, aussitôt qu’il a pu se mouvoir, il s’est mis à ramper vers la table, et, arrivé contre les pieds noirs, pendant trois ou quatre jours, il a passé une heure par jour à les palper, à joindre l’idée tactile à l’idée visuelle. […] À plusieurs reprises, je l’ai mis dans la même position vis-à-vis du même objet, sans pouvoir rien découvrir de constant dans les sons et articulations que cet objet et cette position lui suggéraient.

1404. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Il est clair que Renan, par exemple, qui d’ailleurs connaissait peu la littérature française contemporaine, demeurait possédé par la science et le génie allemands et mettait un Goethe, ou même un Herder, au-dessus de ce qu’il y a de mieux chez nous. […] On adora l’évangile russe, et tout le monde se mit à tolstoïser. […] Je ne puis mettre dans cette affaire plus de précision qu’Ibsen n’en met lui-même. […] De cette rencontre date une révolution morale dans l’âme de Pierre Bézouchof : le noble, le civilisé, le savant, se met à l’école de cette créature primitive ; il a trouvé enfin son idéal de vie, son explication rationnelle du monde dans ce simple d’esprit. […] Cette incapacité apparaît lorsqu’ils s’avisent de classer nos écrivains : ils mettent ensemble les grands et les médiocres.

1405. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Au temps où nous vivons, dans les circonstances de malheur qui nous cernent depuis surtout un siècle et demi, croit-on qu’il serait sans aucun inconvénient, par exemple, de mettre en saillie tous les détails du pontificat de Léon X ? […] il y a à faire entre la notion du pouvoir, incarnée toute dans un homme, et cet homme, signe vivant du pouvoir, une forte abstraction presque impossible au commun des intelligences lorsqu’il faut mettre à part le péché et le crime. […] Cette vie devient si étendue et si facile, que s’en mettre dehors volontairement c’est donner un grand avantage à ses ennemis. […] L’histoire en nommera deux surtout à qui elle demandera un compte sévère de leur influence si bassement mise au service de leurs cours. […] Les cabinets lui rappelèrent, avec un langage de créancier impitoyable, la mise à prix de cette popularité.

1406. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Il y a quelques années, une revue (La Revue nouvelle, 1846) a publié d’abondants et curieux extraits de Mémoires inédits du prince de Ligne, que des journaux ont reproduits depuis et ont mis en circulation. […] Il fait ses premiers prisonniers ; c’étaient quinze ou seize hommes et un capitaine qui, se trouvant coupés, se rendirent : « Et je les fis passer derrière les rangs avec un plaisir qui tenait de l’enfance. » L’affaire faite, il a perdu plus de la moitié de son bataillon, et ces débris victorieux continuent de rester encore exposés au canon fort mal à propos : « Il n’était venu en tête à personne de nous mettre à l’abri ; cependant tout était fini, et notre artillerie répondait fort mal à celle des Prussiens. […] Si l’on allait plus au fond, même sans prétendre au technique, on trouverait les caractères des divers généraux vivement dessinés d’après leurs actions mêmes : le maréchal Daun, prudent, circonspect, méthodique, à qui il arrive un jour de galoper pour la première et la dernière fois de sa vie, et qui, après la victoire de Hochkirch, se met à écrire à Marie-Thérèse pour sa fête de sainte Thérèse la relation de la victoire, au lieu de donner les derniers ordres pour la poursuivre ; il s’appuie sur une pierre pour écrire : « Cette pierre-là fut notre pierre d’achoppement », dit le prince de Ligne qui aimait les jeux de mots, surtout si dans ces gaietés sur le mot il y avait de l’imagination. […] Dans les entretiens qu’il eut avec Frédéric au camp de Neustadt (1770), la conversation étant venue à tomber sur la religion, le roi se mit à en parler librement et peu décemment, comme il faisait avec les La Mettrie et les d’Argens : « Je trouvai, dit le prince de Ligne, qu’il mettait un peu trop de prix à sa damnation et s’en vantait trop… C’était de mauvais goût au moins de se montrer ainsi… Je ne répondis plus toutes les fois qu’il en parla. » Avec Voltaire, autre souverain, chez qui il va faire un séjour à Ferney, et dont il nous rend la conversation, les gestes, les incongruités même dans tout leur déshabillé et leur pétulance, il a plus d’un propos sérieux : « Il aimait alors, dit-il de Voltaire, la Constitution anglaise. […] Vous vous croyez au dernier degré ; mais le prince de Ligne qui ne se contente pas à peu de frais, et qui porte dans cette grâce et dans cette félicité sociale quelque chose de ce feu, de cette poésie vivifiante que nous lui avons vu mettre dans les entreprises de guerre, dira en complétant son modèle et en nous laissant par là même son portrait : Si, ajouté encore à cela, on inspire l’envie de se revoir, si l’on y fait trouver un charme continuel, si l’on a une grande occupation des autres, un grand détachement de soi-même, une envie de plaire, d’obliger, de prendre part aux succès d’autrui, de faire valoir tout le monde ; si l’on sait écouter ; si l’on a de la sensibilité, de l’élévation, de la bonne foi, de la sûreté, et un cœur excellent ; oh !

1407. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Voltaire, qui en avait pris connaissance dès l’année 1739, l’appelait un « ouvrage d’Aristide », et Rousseau, qui s’en autorisa plus tard dans son Contrat social, a dit : « Je n’ai pu me refuser au plaisir de citer quelquefois ce manuscrit, quoique non connu du public, pour rendre honneur à la mémoire d’un homme illustre et respectable qui avait conservé jusque dans le ministère le cœur d’un vrai citoyen, et des vues droites et saines sur le gouvernement de son pays. » M. d’Argenson n’était pas encore ministre lorsqu’il composa cet ouvrage, et il était sorti du ministère lorsqu’il le revit pour y mettre la dernière main. […] Il se forma en grande partie lui-même, si l’on en juge par l’aperçu qu’il a donné de sa première éducation : À la fin de 1709, dit-il, je fus mis au collège avec mon frère. […] Il était dès le principe conseiller au Parlement ; il entra en 1720 au Conseil d’État, et fut envoyé à Lille « pour se mettre en train d’intendance » auprès de son beau-père M.  […] Il fut alors le premier à proposer et à mettre à exécution l’idée de distribuer simplement le grain aux troupes, pour être ensuite donné par les soldats mêmes à la mouture et converti en pain : On cria contre mon idée, comme on fait toujours en toute nouveauté ; les vieux commissaires des guerres disaient que c’était parce que je sortais du collège et que j’y avais lu que les Romains donnaient ainsi le blé à leurs légions. […] Issu d’une ancienne maison, fils d’un père noble et généreux qui s’était ruiné dans l’ambassade de Venise et qui vivait en Touraine, né dans Venise même où il avait eu pour marraine la République, et salué en naissant d’une lettre complimenteuse de Balzac, il fut d’abord et pendant des années simple lieutenant général du bailliage d’Angoulême : c’est là que dans une tournée de Grands Jours, vers 1691, il fut en quelque sorte découvert par M. de Caumartin, qui se prit aussitôt d’enthousiasme pour lui et le mit en relation étroite avec M. de Pontchartrain, contrôleur général et depuis chancelier.

1408. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Par Tourney et Ferney en France, il se rendait donc indépendant de Genève et des ministres calvinistes, et par le voisinage de Genève il se mettait à l’abri du côté de la France et des parlements. […] D’Olivet, ancien professeur de Voltaire, s’était mis à étudier Racine en grammairien et y avait relevé toutes sortes de fautes : Mon cher maître, lui écrivait Voltaire, je vous trouve quelquefois bien sévère avec Racine. […] Lorsqu’il quitta la Prusse après sa seconde épreuve douloureuse et quand était venue déjà la première vieillesse, il était le mieux muni et le mieux préparé des hommes pour mettre à profit les loisirs de la retraite où il sut entrer, et pour y multiplier les productions de tout genre avec une abondance et une facilité qui étonnerait moins aujourd’hui, mais qui parut phénoménale dans son siècle. […] Non seulement je n’en ai fait aucun, mais je les réprouve tous, et je regarde comme une injure cruelle l’artifice des auteurs qui mettent sous mon nom ces scandaleux écrits. […] Il n’est pas commode pour le lecteur que ces volumes, qui sont un supplément à la correspondance générale, renferment eux-mêmes deux suppléments subsidiaires ; dans une réimpression on devrait mettre ordre à ce dérangement.

1409. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

N’allons pas cependant, passant d’un premier effroi à la superstition, et pour nous payer de notre peine, nous mettre à admirer des choses très simples et des plus ordinaires, uniquement parce qu’elles sont revêtues de ces formes devenues pour nous un peu étranges. […] Après sa prière, il s’est mis à lire du saint Basile ; ce mot de saint est de moi : car, en sa qualité de protestant, Casaubon s’interdit ces mots de sanctus, de divus, ce qui ne l’empêche pas de se nourrir avec délices de ces écrits des Pères. […] J’ai mis le nez dans Sénèque, et je me suis profondément pénétré de ce précepte (l’endroit est dans l’épître xiii ) : Entre autres maux, la folie a cela de particulier ; elle est toujours à commencer à vivre. […] Dieu éternel, mets fin à cette tempête de mon âme ! […] Un jour que Casaubon l’était allé visiter (c’était dans le temps du procès du maréchal de Biron), l’aimable roi se mit d’abord à badiner avec lui en lui disant qu’il le croyait complice de la trahison de Biron ; puis tout d’un coup prenant un visage sérieux ; « Vous voyez, lui dit-il, combien j’ai de peine, moi, afin que vous puissiez étudier en paix. » Un tel mot rachète bien des ignorances82.

1410. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Louis XIV, attentif à tout ce qui se passait dans ces contrées, offre ses services et sa protection à l’Électeur et met aussi de la partie l’Évêque de Munster, prélat guerroyant. Voilà donc ses troupes qui, au commencement de 1672, en plein hiver, se mettent à filer du côté de l’Allemagne, de ce seul côté par où la Hollande était vulnérable. […] C’est ici du classique inédit, s’il en fut jamais, c’est du pur Louis XIV) « En effet, nous dit le roi, la profondeur, la rapidité et la largeur du Rhin pouvaient donner quelque confiance et mettre l’esprit en repos. […] Le prince ne songea d’abord qu’à mettre ce qu’il y avait de cavalerie passée en bataille, afin de marcher ensuite avec un corps réglé aux ennemis, ou pour les combattre, ou du moins pour les inquiéter dans leur retraite. […] Je lisais l’autre jour ce mot d’un savant célèbre50: « Il faut entreprendre quatre fois plus qu’on ne peut faire. » C’est une maxime que les hommes d’action et les ambitieux en tout genre sont assez disposés à mettre en pratique.

1411. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Si vous avez hâte de mettre Sa Majesté dans votre galerie, il paraît que Sa Majesté n’est pas moins impatiente de poser. […] Il a mis sous le nom et le masque de cette espèce de monstre, de ce personnage « à demi Quasimodo, à demi Diogène » (comme le définit M. de Saint-Victor), toute sa misanthropie et son amertume, son noir, ce qui reste de l’ancien Michel quand toutes les aurores sont éteintes, quand tous les soleils sont couchés. […] Le propre des séries de Gavarni est de vous mettre en train et de vous donner des idées dans le même sens. […] Mais, dans la première des séries, la manie est vue du côté jeune et sous un jour riant : dans l’autre elle est regardée sinon par un misanthrope, du moins par un observateur indifférent et un peu ironique, qui n’y met rien de flatteur. […] Son intelligence de la physionomie humaine est telle que rien qu’à voir un individu il lui arrive souvent de mettre sur son visage non seulement son caractère, mais sa profession.

1412. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Le livre d’Émile, résultat de sa première éducation romanesque, et où il jeta son premier cri, est à la fois une confession déguisée à peine, et une imitation littéraire du genre mis en honneur par Chateaubriand, et qui se continuait chaque jour avec faveur par Adolphe, Édouard, Ourika , … toute cette postérité de René. […] La description des préparatifs est très-sentie, et l’événement qui a tant marqué depuis dans la vie de M. de Girardin y donne un sens particulier et comme prophétique : « Le mystère qu’il faut mettre à tous les apprêts d’un duel, ces apprêts mêmes, ont quelque chose d’horrible ; les soins, les précautions qu’il faut prendre, le secret qu’il faut garder, tout cela ressemble aux préparatifs d’un crime. […] Rien ne lui paraît plus dans la nature qu’un enfant naturel ; s’il n’a pas de famille, il est mis dans un régiment ; à défaut de mère, il a son colonel, et s’il n’a pas de nom, qu’il s’en lasse un sur le champ de bataille. […] M. de Girardin, marié en 1831 avec la personne si distinguée qui doubla pendant tant d’années son existence, était mis en demeure plus que jamais de se frayer son chemin dans une société que les événements de 1830 avaient fort mélangée à la fois et simplifiée. […] Des instincts d’élégance et de distinction naturelle lui disaient assez en même temps que, si l’on se mettait au taux et au niveau de tout le monde, ce devait être pour élever ce niveau et non pour s’y rabaisser.

/ 3767