/ 2302
678. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Bignon, envoyé à Varsovie dès les premiers mois de 1811, n’était pas en mesure de tenir un pareil langage, eût-il observé les choses du même œil. […] Bignon, dans ses Souvenirs, a un avantage sur M. de Senfft dont il ne prévoyait pas les sévérités : il le réfute de la manière la plus propre à faire impression sur des lecteurs impartiaux ; il parle avec justice, et dans une parfaite mesure, de celui qui en a manqué à son égard : « M. de Sentit, dit-il, était en 1811 et est resté jusqu’à la fin de 1812 zélé partisan du système français (on le croyait, et il paraissait tel sans l’être au fond).

679. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ainsi en mesure et en règle à ses propres yeux, il le faisait bien vite payer aux autres ; il en est quitte pour se rattraper sur autrui : et, par exemple, le pauvre avocat, Me Doitot, qui, à son refus, accepte la défense de Mme de Lamotte, se voit drapé par lui de la belle manière. […]  » Plus tard, dans la prison, l’airain lui mesure les heures ; il nous parle de deux condamnés qui, avant de monter sur la fatale charrette, « épuisent encore une fois la coupe de la volupté. » C’est ce que j’appelle un style à la Vicq d’Azyr.

680. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Il est libre et ne peut être retenu… L’amour surtout n’a pas de mesure, et s’exalte dans une ardeur sans mesure… L’amour ne sent point le poids ni la peine, il veut plus que sa force, et n’allègue jamais l’impossibilité, et se croit tout possible et tout permis… L’amour veille ; en dormant même il veille… Celui qui aime, sait la force de ce mot — On ne vit point sans douleur dans l’amour.

681. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Ces cathédrales gothiques qui semblaient barbares aux lettrés du XVIIc siècle et qui, pour Fénelon, manquaient de mesure et de noblesse, elles nous éblouissent, elles nous charment, elles nous touchent. […] Or rien de tout cela, ou presque rien, entre la prise de Constantinople et la Révolution française… Mais ces réflexions sont d’une généralité tellement démesurée qu’elles s’évanouissent à mesure que je les exprime.

682. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Ses premiers vers sont pleins de reflets dorés, d’images qui brillent et chatoient ; mais cet éclat — qui fut d’ailleurs en quelque sorte « traditionnel » et nullement doué d’un coloris spécial, — s’est apaisé à mesure que le poète devenait moins exclusivement objectif. […] Les deux modes d’Espace et de Temps se pénètrent réciproquement il est vrai, puisque chacun d’eux est la mesure naturelle de l’autre, et les lignes précédentes ne peuvent être interprétées absolument ; car, à moins d’en revenir aux doctrines d’Élée, l’harmonie en soi et, pratiquement, l’harmonie d’une attitude même, ne sont concevables que comme un équilibre de mouvements, comme un accord unanime de directions compensées.

683. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Pasquariel vient tout doucement derrière lui, et par dessus ses épaules bat la mesure ; ce qui épouvante terriblement Scaramouche. […] — Nulle, Monsieur, lui répondis-je, à moins que de s’aider soi-même par de bonnes précautions, et Madame sait que je n’ai jamais parlé autrement à Votre Altesse Royale. — Non assurément, reprit Madame. — Mais ne m’aviez-vous pas dit, continua Monsieur, que le roi ne viendrait pas à Paris sans prendre des mesures avec moi ?

684. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

C’est par là qu’une fois établie historiquement dans cette mesure qui est belle encore, elle continuera d’intéresser à divers les âges tous ceux qui, de plus en plus indifférents aux formes politiques du passé, garderont les sentiments délicats et humains qui font partie de la civilisation comme de la nature, de tous ceux qui pleurent aux malheurs d’Hécube et d’Andromaque, et qui, en lisant le récit de malheurs pareils et plus grands encore, s’attendriront aux siens. […] Lorsqu’elle fut amenée à s’occuper habituellement des choses publiques et à avoir un avis sur les mesures et les événements extraordinaires qui, chaque jour, forçaient l’attention, elle y apporta les dispositions les moins politiques qui se peuvent imaginer, je veux dire l’indignation contre les lâchetés, des préventions personnelles dont son intérêt le plus évident ne parvenait point toujours à la faire triompher, un ressentiment des injures qui n’était pas le désir de la vengeance, mais bien la souffrance délicate et fière de la dignité blessée.

685. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

En plus d’un cas, Retz se voit compromis et manque de se décréditer parmi le peuple et parmi les exaltés du Parlement en s’opposant à des mesures absurdes ou à des actes de rapine et de vandalisme, tels que la vente de la bibliothèque du cardinal Mazarin. […] C’est plaisir d’opposer ce noble témoignage d’un homme d’esprit si estimable comme contrepoids aux imputations sans mesure de Gui Joly.

686. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Plusieurs de nos écrivains, par amour pour les difficultés, ou pour la poésie, ont prétendu qu’on ne pouvait rendre les poètes en prose, que c’était les défigurer, les dépouiller de leur principal charme, la mesure et l’harmonie. […] En cette matière, plus qu’en aucune autre, chaque lecteur a, pour ainsi dire, sa mesure particulière, et, si l’on veut, ses préjugés, auxquels il exige qu’un traducteur se conforme.

687. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Un autre mot est venu au secours de la métaphysique politique : il n’est pas encore consacré ; il ne peut tarder à l’être, puisqu’il est devenu nécessaire : ce mot est assez mystérieux aussi ; mais, à mesure qu’on l’adoptera, il sera convenu qu’il ne l’est point, et qu’il présente un sens très clair : ce mot, ou plutôt cette locution, est une certaine raison publique. […] Toutes ces choses seront expliquées à mesure que mes idées pourront se développer.

688. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

A mesure que leur point de vue se hausse, leur pensée monte.

689. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Il y faut de la mesure : peu de manies sont plus insupportables que celle de trouver partout des ressemblances ou des différences ; c’est une recherche des plus fatigantes, et qui sent l’artifice.

690. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Objections d’un moraliste contre l’exposition de 1900. » pp. 162-167

Mais une idée qu’ils ont, idée digne d’eux, la plus absurde et la plus antiesthétique des idées, c’est que la beauté d’une Exposition se mesure premièrement au nombre d’hectares qu’elle couvre.

691. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

En 1664, on voit la société des quatre amis devenir plus étroite, à mesure que leur talent se développe.

692. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 189-194

Ce disciple enthousiaste ne garda nulle mesure dans l’estime qu’il avoit pour Dorat, & observa encore moins les regles du goût, dans les louanges qu’il lui donnoit.

693. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Tout ce qui dépasse cette juste mesure risque de troubler et de rebuter le lecteur.

694. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

La réalité matérielle se formule dans la mesure où le pouvoir de cohésion triomphe partiellement de l’autre.

695. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XI. Le Guerrier. — Définition du beau idéal. »

Ainsi, à mesure que la société multiplia les besoins de la vie, les poètes apprirent qu’il ne fallait plus, comme par le passé, peindre tout aux yeux, mais voiler certaines parties du tableau.

696. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Tout prend sa juste mesure.

697. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

On ne peut être tenté de dépasser les faits, soit pour en rendre compte soit pour en diriger le cours, que dans la mesure où on les croit irrationnels.

698. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Si la mesure dit : agneau, la raison ne dit-elle pas : louveteau ? […] La mesure dans l’expression, quoi que puissent dire les panégyristes de l’improvisation, n’appauvrit pas la pensée. […] Il semble que l’auteur se soit proposé de prendre la mesure de la patience publique. […] La mesure de l’absurde est comblée. […] Vraiment, le peuple s’enhardit et se relève à mesure que la royauté chancelle et que la noblesse se dégrade ?

699. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

et, comment, à mesure qu’on y pénétrerait, ces raisons elles-mêmes, de « subjectives » ou de personnelles, ne deviendraient-elles pas de plus en plus générales, et proprement « objectives ?  […] La valeur des œuvres, leur intérêt même, ne se mesure pour lui qu’au nombre et à la grandeur des idées qu’elles expriment. […] L’individualité, qui mesure bien la supériorité des consciences, ne mesure pas la valeur des esprits. […] Il devra constamment s’efforcer de tout comprendre pour tout rendre ; et ses romans ne mériteront leur nom que dans la mesure exacte où il y aura réussi. […] Maurice Spronck ; et il est vrai que lui-même, sauf peut-être sur l’article de Baudelaire, a gardé généralement la mesure.

700. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Ce n’est probable que dans une mesure très inférieure à celle que comporte la guerre de 1914. […] L’accent ne trompe pas, et la mesure du bonheur d’un grand homme n’est pas donnée par ce qui de sa destinée comblerait un médiocre. […] En 1813, la Romantique monte sur un horizon, dans la mesure même où Napoléon décline sur l’autre. […] Le seul qui peut donner toute sa mesure, Fontanes, est aussi le seul qui ait eu de grandes parties de médiocrité. […] Tout bien pesé, l’œuvre de Hugo est plus grande, mieux accommodée à la mesure des siècles, que celle de Lamartine.

701. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

L’auteur les « corrigea », on ne peut pas savoir dans quelle mesure, et les fit paraître dans l’édition de ses œuvres complètes (1836). […] Mais on dirait que sa disposition d’âme a changé à mesure qu’il écrivait. […] Apparemment c’est à elle que furent lues d’abord, à mesure qu’elles étaient écrites, les pages du texte définitif. […] Je crois que le Christ n’est pas appelé une seule fois Jésus. — En résumé les Martyrs, — chose non prévue par l’auteur, — nous charment dans la mesure où ils sont pénétrés de paganisme, et par conséquent dans la mesure où ils prouvent le contraire de ce qu’ils prétendaient prouver. […] Son instinct et son délice, c’est de détruire à mesure qu’il construit.

702. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Quand l’enfant s’amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d’un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu’il s’exerce davantage. […] Ce double effort ne nous ferait-il pas, dans la mesure du possible, revivre l’absolu ? […] Il n’a pas jugé, dans sa Critique de la Raison pure, que la science devînt de moins en moins objective, de plus en plus symbolique, à mesure qu’elle allait du physique au vital, du vital au psychique. […] Mais supposons, au contraire, que la science soit de moins en moins objective, de plus en plus symbolique, a mesure qu’elle va du physique au psychique, en passant par le vital. […] La durée réelle est celle où chaque forme dérive des formes antérieures, tout en y ajoutant quelque chose, et s’explique par elles dans la mesure où elle peut s’expliquer.

703. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’ai visité quelques monuments, quelques cabinets pour l’acquit de ma conscience plus que pour mon plaisir… J’ai peu vu jusqu’à présent le théâtre ; l’heure des dîners et des soirées rend presque impossible d’en profiter… C’est donc dans la société presque uniquement que j’ai trouvé le charme de Paris, et ce charme va croissant à mesure qu’on remonte à des sociétés plus âgées ; je suis confondu du nombre d’hommes et de femmes qui approchent de quatre-vingts ans, dont l’amabilité est infiniment supérieure à celle des jeunes gens. […] Quant à la nation, de même et par un mouvement de sympathie généreuse, il se sentait redevenir Français à mesure que la France était plus malheureuse et plus écrasée ; il aimait à se confondre avec nous dans une même douleur unanime : « J’ai toujours la même aversion, disait-il (mai 1814), pour la toute-puissance partout où elle se trouve, parce qu’en effet je la vois partout également immodérée dans son ambition et son orgueil… Je crains pour les plus forts l’ivresse du pouvoir à laquelle si peu de têtes résistent ; je la crains encore après la modération, vraiment digne des plus grands éloges, du premier moment. […] Sismondi, tout en résistant, en vient à écrire sur le progrès des idées religieuses, et insensiblement il est entamé, il est gagné jusqu’à un certain point et selon sa mesure ; il regarde dans son cœur, et il écrit un matin dans son Journal : « 31 décembre 1835. — Je sens désormais les traces profondes de l’âge, je sais que je suis un vieillard (il avait 62 ans), je sais que je n’ai plus longtemps à vivre, et cette idée ne me trouble point.

/ 2302