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2979. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Ensuite la pensée des jours sans fin que nous avions passés ensemble, depuis que nous respirions et que nous grandissions dans le berceau, dans la cabane, dans la grotte, dans la vigne, dans les bois, sans songer que jamais nous pourrions être désunis l’un d’avec l’autre, et puis ceci, et puis cela, que nous n’avions pas compris d’abord dans nos ignorances, et que nous nous expliquions si bien à présent que nous nous étions avoué notre penchant, contrarié par nous seuls, l’un vers l’autre ; et puis la fatale journée de la coupe du châtaignier, et puis celle de ma blessure par le tromblon du sbire, quand il avait étanché mon sang sur mes bras avec ses lèvres ; et puis ma folie de douleur et ma fuite de la maison sans savoir où j’allais pour le suivre, comme la mousse suit la pierre que l’avalanche déracine ; et puis ma pauvre tante et mon père aveugle abandonnés à la grâce de Dieu et à la charité du père Hilario, dans notre nid vide ; et puis l’espérance que les anges du ciel nous délivreront des pièges de la mort où nous étions pris, tels que deux oiseaux, pour nous punir d’en avoir déniché, les printemps, tant d’autres dans nos pièges de noisetier, quand nous étions enfants ; et puis la confiance de nous sauver de là, plus tard, d’une manière ou d’autre, car les quatre semaines et les quatre jours nous paraissaient si longs, que nous ne pensions jamais en voir la fin.

2980. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

La dernière fois qu’elle passa devant les barreaux, je ne pus pas me retenir, et je dis à demi-voix, de manière qu’elle m’entendît sans que les autres puissent m’entendre : — Fior d’Aliza, que veux-tu de nous ?

2981. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Même le type du héros, que nous avons vu déjà dégradé, s’abaissent encore plus bas qu’on ne saurait dire : après les deux types épiques, dont le second est déjà moins grand, après le preux défenseur de la France ou de la foi, après le violent batailleur qui garde ou gagne des fiefs, on aura les types romanesques, le féroce baron, l’extravagant chevalier, tous les deux aimés des dames, et l’on aboutira au soudard ; le mauvais sujet, casseur de cours, bâtard et semeur de bâtards, vulgaire, jovial, et surtout fort comme Hercule ou Porthos, délices du populaire par le sans-façon de ses manières et parce qu’il dit son fait à la noblesse, c’est Baudouin de Sebourc49, dernier et indigne rejeton de la lignée de Roland.

2982. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

En deux mots, ils ont sans doute été catholiques par l’imagination et par la sympathie, mais surtout pour s’isoler et en manière de protestation contre l’esprit du siècle qui est entraîné ailleurs  par dédain orgueilleux de la raison dans un temps de rationalisme  par un goût de paradoxe  par sensualité même  enfin par un artifice et un mensonge où il y a quelque chose d’un peu puéril et à la fois très émouvant : ils ont feint de croire à la loi pour goûter mieux le péché « que la loi a fait », selon le mot de saint Paul : péché de malice et péché d’amour… Catholiques non pas pour rire, mais pour jouir, dilettantes du catholicisme, qui ne se confessent point et auxquels, s’ils se confessaient, un prêtre un peu clairvoyant et sévère hésiterait peut-être à donner l’absolution.

2983. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Toutefois, le plaisir bas, mais réel, de rendre autrui ridicule, ou de l’épouvanter, ou simplement de le faire souffrir, expliquait en quelque manière la peine que prenaient ces bizarres spécialistes, et leurs feintes prolongées, et leurs attentes, et leur endurance de Peaux-Rouges.

2984. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

. — Appartient au chant de Walther et caractérise la « manière » du jeune poète.

2985. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Elle proclame à sa manière le droit divin du despote indiscutable et irresponsable, — « Certes, sachez-le, mon fils, s’il réussit, sera le plus glorieux des héros ; vaincu, il n’aura nuls comptes à rendre.

2986. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Tous s’accordent à le mettre à la porte du temple classique, depuis le pédant jusqu’au bel esprit, depuis Saumaise qui méprise en us, son « fatras », farrago, jusqu’à Fontenelle, qui l’appelle « une manière de fou ».

2987. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Jeudi 18 juillet En réfléchissant combien mon frère et moi, nous sommes nés différents des autres, combien notre manière de voir, de sentir, de juger était particulière, — et cela tout naturellement et sans affectation et sans pose — combien en un mot notre nous n’était pas une originalité acquise à la force du poignet, je ne puis m’empêcher de croire que l’œuvre que nous avons produit, ne soit pas un œuvre très différent de celui des autres.

2988. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Son visage se décomposait à mesure que j’allais, accumulant les faits précis, traquant son mensonge comme on traque une bête sauvage et lui prouvant que son frère s’était défendu, à sa manière, comme il se défendait lui-même. […] C’était une manière de fixer le plus possible ma vie qui passait, de lutter contre le temps rapide, contre la fragilité des choses et de moi-même. […]   Je fis remarquer à Julien Viaud que bien que ne faisant que dépouiller des notes de calepin, des impressions prises au jour le jour, il lui était nécessaire de faire un travail de rajustement de toutes ces observations, de ces souvenirs épars, en un mot qu’il devait avoir, comme tous les romanciers, une manière de bâtir ses livres. […] Nous la servons à notre manière. […] Je pourrais citer bien d’autres passages des deux cents chansons qui viennent de paraître dans ce recueil publié par Bourbier et Lamoureux ; mais, si petit qu’il soit, j’ai tenu à donner cet échantillon de la manière et du poète et du chansonnier.

2989. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Elle est une manière de précaution qu’il a paru honnête et prudent de prendre. […] la splendeur du vrai… Platon, Plotin… la qualité de l’idée se produisant sous une forme symbolique… un produit de la faculté d’idéer… la perfection conçue d’une manière confuse… la réunion aristotélique des idées d’ordre et de grandeur… Est-ce que je sais ? […] Personnage symbolique, en effet, ce roi très chrétien et très catholique qui choisit son dernier amour chez une fille de ces Huguenots qu’il avait persécutés : ainsi l’exagération de l’austérité catholique la rapprochait de la sécheresse protestante, car elle resta protestante, la femme de Scarron, en dépit de toute conversion, protestante dans le maintien, les manières, les pensées, dans l’esprit et dans l’âme. […] Tout est devenu normalement anormal et les grands criminels, qui ne sont, à proprement parler, que de grands lâches, passent pour des manières de héros qu’on aime, qu’on célèbre : mais, encore une fois, cela reste dans l’imagination, on ne les imite guère et les romantiques, dans leurs ménages vrais ou faux, sont des citoyens paisibles que le code ne gêne pas. […] Le style d’un homme est dans l’habitude de son attitude, dans le son de sa voix, dans sa manière de regarder, de marcher, de s’asseoir, de porter ses vêtements, jusque dans les plis que prennent à la longue ces vêtements — puisque le corps n’est que la forme de l’âme — aussi bien que dans son écriture.

2990. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ce plaisir ne ressemble en rien à la joie physique qui est méprisable parce qu’elle est grossière ; au contraire, il aiguise l’intelligence, et fait découvrir mainte idée fine pu scabreuse ; les fabliaux sont remplis de vérités sur l’homme et encore plus sur la femme, sur les basses conditions et encore plus sur les hautes ; c’est une manière de philosopher à la dérobée et hardiment, en dépit des conventions et contre les puissances. […] « Dès l’an 652, dit Warton, l’usage commun des Anglo-Saxons était d’envoyer leurs enfants dans les monastères de France pour y être élevés ; et l’on regardait non-seulement la langue, mais encore les manières françaises, comme un mérite et comme le signe d’une bonne éducation. » 99.

2991. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Le sacrifice est voté par acclamation ; ils viennent d’eux-mêmes l’offrir au Tiers-état et il faut voir dans les procès-verbaux manuscrits leur accent généreux et sympathique. « L’ordre de la noblesse du bailliage de Tours, dit le marquis de Lusignan545, considérant que ses membres sont hommes et citoyens avant que d’être nobles, ne peut se dédommager, d’une manière plus conforme à l’esprit de justice et de patriotisme qui l’anime, du long silence auquel l’abus du pouvoir ministériel l’avait condamné, qu’en déclarant à ses concitoyens qu’elle n’entend plus jouir à l’avenir d’aucun des privilèges pécuniaires que l’usage lui avait conservés, et qu’elle fait par acclamation le vœu solennel de supporter dans une parfaite égalité, et chacun en proportion de sa fortune, les impôts et contributions générales qui seront consenties par la nation. » — « Je vous le répète, dit le comte de Buzançais au Tiers-état du Berry, nous sommes tous frères, nous voulons partager vos charges… Nous désirons ne porter qu’un seul vœu aux états et, par là, montrer l’union et l’harmonie qui doivent y régner.

2992. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Mon cœur décida : je courus après elle, je la rejoignis bientôt et je lui dis : « “Ma mère n’a pas seulement mis dans mon chariot du linge pour ceux qui en manquent, elle y a joint aussi diverses provisions qui sont là dans les coffres ; je veux remettre tout cela entre tes mains ; je suis plus sûr que, de cette manière, ses intentions seront bien accomplies ; car tu partageras ces provisions avec discernement, au lieu que moi je serais obligé de m’en rapporter au hasard. — Je les partagerai avec conscience, répondit-elle ; elles réjouiront celui qui est dans le besoin.”

2993. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Depuis dix-huit années que je suis sous vos verrous, de combien de manières votre reine et le peuple anglais ne l’ont-ils pas méconnu en ma personne ? 

2994. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Ce noble et respectable vieillard était venu me chercher avec ses fils et quelques-uns de ses serviteurs, jusqu’aux environs de Tripoli de Syrie, et m’avait reçu dans son château d’Éden avec la dignité, la grâce de cœur et l’élégance de manières que l’on pourrait imaginer dans un des vieux seigneurs de la cour de Louis XIV.

2995. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

On pourrait définir une partie de sa manière : la profusion du symbole.

2996. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Ce n’est pas la manière de réussir dans le monde. […] Se vaincre soi-même ils savent que c’est la seule manière infaillible d’être vaincu. […] La seule manière irrévocable d’être vaincu. […] Et en effet de toutes les manières de se faire annoncer la salutation est bien celle qui est plus que tangente et plus qu’immédiate. […] Les économiques, les civiques, les morales, les métaphysiques sont commandées par la manière dont elles traitent ce point du présent.

2997. (1899) Arabesques pp. 1-223

J’ai par devers moi de quoi prouver ce que j’avance à ceux qui n’auraient pas gardé la mémoire de cette manière d’agir. […] Mais qu’ils se gardent de fondre en larmes, d’abuser du style exclamatif et de cultiver la pastorale dans la manière de Bernardin ou l’idylle dans le goût de Florian : les grâces fripées du xviiie  siècle ne pourraient que les égarer. — Et qu’ils se gardent aussi de la Napoléonite préconisée par M.  […] Ce qui attire ces jeunes gens à Wagner, c’est que son art est si riche en charades, c’est qu’il y joue à cache-cache sous cent symboles ; c’est la polychromie de son idéal ; c’est son génie nuageux, sa manière de saisir, de glisser, d’errer dans les airs, son partout et nulle part, exactement les mêmes choses avec lesquelles Hegel les attirait et les égarait de son temps.

2998. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Mercredi 29 mars L’atticisme d’Athènes et l’atticisme du grand siècle se révèlent, d’une manière bien ironique, en deux monuments littéraires contemporains, dans Aristophane et dans Molière. […] La grande destruction commence, se suivant d’une manière continue au Châtelet. […] C’est une sœur qui a la tête d’un chancelier d’Angleterre, une sœur aux manières hommasses, au langage peuple, avec de la douceur au milieu de tout cela.

2999. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Lui seul peut aussi vous inspirer un véritable attrait, non de quelques instants, mais constant et soutenu, pour des œuvres et des occupations qui seraient, en effet, bien appropriées à la bonté de votre cœur, et qui rempliraient d’une manière douce et utile beaucoup de vos moments.

3000. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

« Pour résumer en terminant ce qui peut être résumé et traduit en résultats positifs dans tout ce que nous venons d’indiquer, nous nous bornerons à constater qu’en dix-neuf ans, Jean Valjean, l’inoffensif émondeur de Faverolles, le redoutable galérien de Toulon, était devenu capable, grâce à la manière dont le bagne l’avait façonné, de deux espèces de mauvaises actions : premièrement, d’une mauvaise action rapide, irréfléchie, pleine d’étourdissement, toute d’instinct, sorte de représailles pour le mal souffert ; deuxièmement, d’une mauvaise action grave, sérieuse, débattue en conscience et méditée avec les idées fausses que peut donner un pareil malheur.

3001. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

D’ailleurs ce Duncan est né d’un caractère si doux, il a rempli sa tâche de roi d’une manière si irréprochable, que ses vertus, comme des anges à la voix de trompette, s’élèveront contre la damnable atrocité du crime de sa destruction ; et la pitié, semblable à un pauvre petit nouveau-né tout nu, fendant les tourbillons, ou portée comme un chérubin au ciel sur les invisibles courriers de l’air, frappera si vivement tous les yeux de l’horreur de cette action que leurs larmes en éteindront le souffle du vent.

3002. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Mais les musées, les églises l’attirent autant que la nature ; il rapportera d’Espagne des paysages admirablement nets et objectifs, mais aussi de curieuses impressions d’art, des copies, à sa manière, de Ribera, de Valdès Leal, de Zurbaran785.

3003. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

On chuchotait, sans le dire tout haut, qu’il avait été employé par la diplomatie secrète de Louis XV dans le nord de l’Europe ; qu’il avait vécu longtemps à Berlin et à Pétersbourg dans l’intimité confidentielle de Catherine II et du grand Frédéric ; qu’il avait été lié avec les politiques, les philosophes, les écrivains de cette dernière cour, et qu’il avait puisé là cette universalité de connaissances, cette fleur d’élocution et cette élégance exquise de manières dont il faisait preuve quand il revenait dans le monde.

3004. (1914) Boulevard et coulisses

Cet écrivain était Étienne Grosclaude, et il fut un des premiers pour qui le journalisme, tout en conservant sa verve d’actualité, sa force satirique, sa manière légère, devenait en même temps une des catégories de la littérature.

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