Tertullien surtout avait faveur dans l’esprit du prélat, et au jugement des auditeurs, ce lui était une marque de plus de mauvais goût. […] Quelque jugement que l’orateur de la compagnie porte en secret sur celui qu’il est chargé de recevoir, lui eût-il refusé son suffrage, eût-il traversé son élection, fût-il même son ennemi, il doit oublier tout, dès qu’il se trouve à la tête de la société respectable qui vient d’adopter le nouvel académicien. […] » Je retire donc ma remarque, et si je laisse l’endroit, c’est pour montrer combien nos jugements rapides sont incertains et pour avertir que je ne livre mes conjectures que sous bénéfice d’inventaire.
Il n’est pas difficile, après une vie longue, quand on a entendu tout le monde et vu les dénouements, de venir faire, à propos de chaque personnage célèbre, une espèce de compilation de jugements, une cote tant bien que mal taillée, et de la donner sans y mettre le relief et la façon. […] Quel qu’ait été et que soit mon goût pour Beyle, je ne puis en mon âme et conscience consentir à un tel jugement, et je ne pense pas qu’aucun de ceux qui ont connu le personnage y souscrive. […] la plupart de ses jugements littéraires d’alors, courus et touchés à peine, sont restés charmants : — et sur Xavier de Maistre et son frère, si différents, mais semblables en un point, et en général sur les écrivains de Savoie, fins, sagaces et jamais lourds, et desquels on peut dire que « la finesse italienne a passé par là » ; — et sur Mme de Souza, le romancier aux aimables nuances, qui excelle à cent pages d’amour délicat, mais chez qui « cette délicatesse est compensée par l’absence de tout trait fort et profond : le premier volume de ses romans amuse beaucoup, le quatrième lasse toujours » ; — et sur Mme de Staël, contre laquelle il lance des paroles d’un pronostic, effrayant ; et sur Mme de Genlis, qui a trouvé moyen, avec infiniment d’esprit, de faire entrer l’ennui dans ses livres, car l’hypocrisie de salon les glace ; et sur M. de Jouy, à qui il accorde un peu trop en faveur de son Sylla et de ses vers tragiques dignes de la prose ; et sur Andrieux, dont on essaya un moment de faire l’arbitre du goût ; il écrivait de ce dernier en janvier 1823 : « M.
Ses livres préférés, c’était Commynes, c’était Thucydide ; et si, à l’article de la mort, la pensée du jugement dernier n’avait tant préoccupé et offusqué son imagination espagnole et sombre ; s’il avait pu, lui aussi, rêver son rêve de Champs Élysées, c’est avec ces politiques consommés et parfaits qu’il eût aimé à se figurer la rencontre et les entretiens d’au-delà. […] L’ambassadeur vénitien dont nous avons déjà donné un jugement le peignait de la sorte à cette date : « Sa Majesté césaréenne est de taille moyenne, d’aspect grave. […] Gachard, dans deux Introductions de la plus exacte analyse qui précèdent les pièces et documents publiés par lui et tirés des archives de Simancas, et dans ces pièces mêmes, nous a donné et distribué, en les interprétant, les éléments positifs à l’aide desquels chacun peut désormais se former un jugement propre.
Mais, à propos de Boileau, puis-je donc accepter ce jugement étrange d’un homme d’esprit, cette opinion méprisante que M. […] Ses jugements sur les auteurs, ses propos sur tous sujets, particulièrement sur les matières littéraires, sont d’une vérité exquise. […] J’emprunte ces jugements à l’un des plus fins et des plus exacts critiques anglais. — Voir trois Leçons données à Oxford sur la manière de traduire Homère, par M.
Une audience si bénigne du Pape n’est pas, on en conviendra, la meilleure préparation philosophique pour un jugement de Galilée. […] Biot, et qu’on mette dans la balance les travaux et les jugements de M. […] Le Galilée de Ponsard a fait éclore en une semaine des jugements à foison et selon le goût de chacun. — Mais, bon Dieu !
Chéruel s’attache à démontrer la partialité, l’inexactitude des assertions et des jugements de Saint-Simon en ce qui est de Louis XIV lui-même, de Mazarin, de Louvois, de Lamoignon, Harlay, Vendôme, Villars, Noailles, etc. […] Là où il prend plus directement Saint-Simon en faute et où il lui conteste avec rudesse sa qualité d’historien, c’est dans les récits et jugements sur Louis XIV, sur Mme de Maintenon, sur le duc de Vendôme, sur les maréchaux de Villars et de Noailles, sur le premier président de Harlay, etc. […] » Nous en serions le plus souvent à répéter des éloges officiels et convenus, à compulser des jugements timides et neutres, ou même à accepter, avec les années, de ces réhabilitations complètes qui tendent toujours à se faire tôt ou tard par la découverte de certains papiers.
Mais ce n’est pas impunément qu’on place ses plus hauts horizons d’antiquité à un siècle si rapproché de nous : il en résulte un dégagement d’arriéré, une légèreté de mouvement et d’allure, une hardiesse et, par moments, une irrévérence de jugement qui tient au manque de religion littéraire première. […] De là des jugements qui, pour avoir leur part de justesse, ne laissent pourtant pas d’étonner et de déconcerter à première vue. […] Tous leurs jugements se tiennent et sont d’accord ; ils sont conséquents avec eux-mêmes.
Mais ce jugement même serait trop incomplet. […] L’hymne des brahmes au soleil et leur cantique du Jugement dernier, en faisant ressouvenir des trois premiers chœurs d’Athalie, ne pâlissaient pas auprès, mais semblaient s’être éclairés à cette magnificence. […] L’intérêt dramatique, qui animait l’œuvre au gré de la foule, vient assez confirmer ce jugement.
Le jugement est le quatrième, parce qu’il nous enseigne seul dans quel ordre, dans quelle proportion, dans quels rapports, dans quelle juste harmonie nous devons combiner et coordonner entre eux ces souvenirs, ces fantômes, ces drames, ces sentiments imaginaires ou historiques, pour les rendre le plus conformes possible à la réalité, à la nature, à la vraisemblance, afin qu’ils produisent sur nous-mêmes et sur les autres une impression aussi entière que si l’art était vérité. […] Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] Homère lui révèle d’abord un monde supérieur, une immortalité de l’âme, un jugement de nos actions après la vie, une justice souveraine, une expiation, une rémunération, selon nos vertus ou nos crimes, des cieux et des enfers ; tout cela altéré de fables ou d’allégories, sans doute, mais tout cela visible et transparent sous les symboles, comme la forme sous le vêtement qui la révèle en la voilant.
Guizot, pour les compléter, les corriger, et pour me confirmer dans certains jugements que j’essaierai ici d’exprimer en toute convenance. […] Mais, même en ne considérant que les jugements relatifs à la révolution anglaise, l’enchaînement des causes et des effets y paraîtra trop tendu. […] Mais ceux d’entre-deux (comme il les appelle) nous gâtent tout ; ils veulent nous mâcher les morceaux : ils se donnent loi de juger, et par conséquent d’incliner l’histoire à leur fantaisie ; car depuis que le jugement pend d’un côté, on ne se peut garder de contourner et tordre la narration à ce biais.
Mais l’idée, l’intention première surnagea, et la postérité, de loin, a fixé son jugement sur l’ensemble de l’apparence. […] il nous sera défendu de porter notre jugement sur les ouvrages d’Homère et de Virgile, de Démosthène et de Cicéron, et d’en juger comme il nous plaira, parce que d’autres avant nous en ont jugé à leur fantaisie ! […] Il avait toujours fait grand cas de leur jugement, et il était d’avis que, dans les matières de goût, leur préférence est décisive : « On sait la justesse de leur discernement, pensait-il, pour les choses fines et délicates, la sensibilité qu’elles ont pour ce qui est clair, vif, naturel et de bon sens, et le dégoût subit qu’elles témoignent à l’abord de tout ce qui est obscur, languissant, contraint et embarrassé. » Dans la préface de L’Apologie, Perrault reprochait à Boileau, entre autres choses, que « les vers de sa satire étaient plus durs, plus secs, plus coupés par morceaux, plus enjambants les uns sur les autres, plus pleins de transpositions et de mauvaises césures que tous ceux qu’il avait faits jusqu’ici ».
En général, il ne faut prendre ces maximes, ces aphorismes littéraires de Courier que comme les saillies extrêmes d’un goût excellent ; c’est au jugement de chacun ensuite à les entendre sobrement et à les réduire. […] Par un jugement aussi absolu, Courier fait tort, ce me semble, à son esprit, je ne dirai pas militaire, mais historique, et il montre qu’il n’a pas embrassé un ensemble. […] Cette affaire du pâté, et les tracasseries qui s’ensuivirent, donnèrent dès lors à Courier une sorte de misanthropie, à laquelle il était assez naturellement disposé, et qui d’ailleurs n’altérait pas son humeur ; mais le mépris des hommes perce de plus en plus, à cette date, dans tout ce qu’il écrit : Les habiles, dit-il à ce propos, qui sont toujours en petit nombre et ne décident de rien… » — Pour moi, écrivait-il au médecin helléniste Bosquillon, ces choses-là ne m’apprennent plus rien ; ce n’est pas d’aujourd’hui que j’ai lieu d’admirer la haute impertinence des jugements humains.
» Il s’agissait pour Boileau de rendre désormais la poésie respectable aux Pascals eux-mêmes, et de n’y rien souffrir qu’un bon jugement réprouvât. […] Elle ne frappait pas moins directement ces oracles cérémonieux et empesés qui s’étaient fait un crédit imposant en cour à l’aide d’une érudition sans finesse de jugement et sans goût. […] Sa passion (car en ce sens il en avait) était toute critique, et s’exhalait par ses jugements.
Au milieu des jugements divers et contradictoires, plus souvent rigoureux qu’indulgents, qu’a provoqués la littérature de l’ancien Empire, la critique d’alors a toujours été exceptée, et elle a laissé une tradition de haute estime. […] Gaie, modeste, pleine d’attentions, douée de la plus heureuse propriété d’expression, et d’une très grande promptitude de raison et de jugement, vous la prendriez pour la reine d’un poème allégorique. […] Elle varie quelquefois sur lui ; le fond de son jugement, c’est que l’abbé Barthélemy est véritablement attaché à Mme de Choiseul : « Et c’est un homme tel qu’il le faut pour une compagnie journalière. » Aux heures de mécontentement et de méfiance, elle le soupçonne d’être peu sincère, et, à propos de je ne sais quelle tracasserie entre elle et les Choiseul, elle écrira à Walpole : « Je vous ai dit que je vous parlerais de l’abbé ; je pense qu’il est Provençal, un peu jaloux, un peu valet, et peut-être un peu amoureux. » Elle écrivait cela en 1770, c’est-à-dire quand l’abbé Barthélemy était déjà uni aux Choiseul par une liaison qui datait de près de quinze ans ; l’extrémité de son soupçon ne va pas au-delà, et on ne voit pas même qu’à part deux ou trois lettres qui sont du même moment, elle y soit jamais revenue depuis.
Après la mort de Luynes, Richelieu n’entre pas encore au ministère ; les ministres qui sont en cour le redoutent, lui sachant tant de lumières et de force de jugement ; ils retardent le plus qu’ils peuvent le moment où le roi prendra de lui quelque connaissance particulière, de peur de le voir aussitôt à la tête des affaires : « J’ai eu ce malheur, dit-il, que ceux qui ont pu beaucoup dans l’État m’en ont toujours voulu, non pour aucun mal que je leur eusse fait, mais pour le bien qu’on croyait être en moi. » Ils ont beau faire, ils ont beau s’opposer à la destinée et s’enfoncer chaque jour dans leurs dilapidations et dans leurs fautes, le moment approche, il est venu, Richelieu désormais est inévitable. […] Il y a beaucoup à craindre des esprits dont la vivacité est accompagnée de peu de jugement, et, quand ceux qui excellent en la partie judiciaire n’auraient pas une grande étendue, ils ne laisseraient pas de pouvoir être utiles aux États. […] En lisant avec soin ces maximes d’État de Richelieu, un doute m’a pris quelquefois : je me suis demandé si, dans le jugement historique qui s’est formé sur lui, il n’entrait pas un peu trop de l’impopularité qui s’attache aisément aux pouvoirs forts considérés aux époques de relâchement, et si, de loin, nous ne le jugeons pas trop, jusque dans sa gloire, à travers les imputations des ennemis qui lui survécurent.
J’ai dit ce que je pensais de ses résumés historiques dont le groupement rappelle la vaste manière de Macaulay, de ses jugements, à grands coups de scalpel à fond, sur ces immenses et ruminantes pécores orientales (la Chine et l’Inde) qui n’ont ni rire ni comédie, quoiqu’elles aient des spectacles ; mais je n’ai pas dit comme je le sais la force d’imagination et d’observation équilibrées qui distingue cette encyclopédie de facultés qu’on appelle Édelestand du Méril, car peut-être ne me croirait-on pas. […] On s’ouvrait les veines, dit-il quelque part, pour sauver la caisse, et c’était vrai, puisqu’en se tuant on évitait le jugement, et par conséquent la confiscation ; mais l’expression n’est-elle pas d’autant plus méprisante qu’elle est plus basse ? […] Comme discernement et jugement littéraire, comme caractérisation des divers génies et des diverses œuvres, dans son beau chapitre sur la Comédie italique, le plus intéressant de second volume, il vaut encore le critique anglais qu’il rappelle.
Mais ce jugement n’est point une vue spontanée, il n’est qu’une croyance acquise. […] Votre jugement est le même que le sien : donc, comme le sien, votre jugement n’est qu’une croyance.
Dans ces trois Ouvrages, Dom Calmet s’attache moins aux réflexions qu’aux faits, en quoi il faut rendre justice à son jugement ; car tout ce qu’il tire de lui-même est souvent lourd & peu intéressant.
Nous n’avions pas encore parcouru tous ses Ouvrages, pour en porter un jugement décidé, & nous n’avions nul besoin des avertissemens de certains petits* Critiques qui nous ont reproché amérement cette omission.
A l’égard de Voltaire, il en a fait un excellent Ecolier de Rhétorique, qui lutte contre tous ceux qu’il croit Empereurs de sa classe, & qu’aucun de ses pareils n’ose entreprendre de dégoter, se contentant de s’en rapporter au jugement de la Postérité, unique & seul Préfet des études de tous les Siecles ».
Son jugement excellent et fin lui montre les sottises des hommes ; mais Rabelais ne va pas jusqu’à s’en affliger. […] la premiere chose qu’il appelle à la consultation de son jugement, c’est son exemple : selon qu’il en va chez luy, selon cela va l’ordre du monde. […] Cette action est manifeste, du moins quant aux jugements que l’auteur a portés sur les femmes. […] C’est du cœur qu’il faut partir dans le jugement qu’on porte sur les hommes, fort différent de celui que les doctrines méritent. […] Une justice vraie, une équité délicate, se montrent ordinairement dans le jugement qu’il porte des hommes.
Je sais bien que George Sand exprime déjà cette opinion dans ses Impressions d’Italie, mais, pour si respectable que m’apparaisse en d’autres matières littéraires le jugement de George Sand, je ne saurais me ranger à cet avis.
Tous les objets sont présentés sous un jour qui aide autant le jugement que la mémoire.
Auteur de plusieurs Ouvrages de Philosophie & de Morale, qui font honneur à son esprit & à son jugement.
Ignorance de l’écriture ; caractère religieux des guerres et des jugements, asiles, etc.
Telle qu’elle se peint dans le récit de l’historien, la seconde moitié de la Convention ne dépare pas la première, elle en est digne, et quoique le jugement dans notre esprit ne soit pas pleinement un éloge, c’est encore moins une injure. […] En même temps, la déportation déjà prononcée contre Billaud, Collot et Barrère, parut trop douce, et l’on décida de les soumettre à un nouveau jugement, c’est-à-dire de les envoyer à la mort.