La ligne droite prolongée sans fin serait peut-être plus belle, parce qu’elle jetterait la pensée dans un vague effrayant, et ferait marcher de front trois choses qui paraissent s’exclure, l’espérance, la mobilité et l’éternité.
À peine savent-ils manier le pinceau et tenir la palette, qu’ils se tourmentent à enchaîner des guirlandes d’enfants, à peindre des culs joufflus et vermeils, et à se jeter dans toutes sortes d’extravagances qui ne sont rachetées ni par la chaleur, ni par l’originalité, ni par la gentillesse, ni par la magie de leur modèle.
» Cette fois encore, la petite me jeta un coup d’œil chargé de supplications qui m’émurent. […] … Mais le Grand Esprit eut pitié d’elle, et une dernière décharge la jeta à terre, morte cette fois. […] Notre cavalerie se trouvait entièrement détruite ; et nos cavaliers démontés jetaient jusqu’à leurs armes que leurs mains gelées ne pouvaient plus tenir. […] L’explosion de mon pistolet surprend son frère qui se jette par la fenêtre. […] Là, ils veulent les jeter à l’eau ; mais je m’y oppose, et je les remets à la garde d’une compagnie des Gravilliers.
Tout y est juste, poli, judicieux… » Fléchier n’eut jamais honte de jeter un regard en arrière vers le premier idéal poétique qu’il avait conçu et cultivé dans sa jeunesse. […] M. de Novion a l’air de s’en applaudir, et, dans une lettre adressée à Colbert, il disait (octobre 1665) : Nous avons quantité de prisonniers ; tous les prévôts en campagne jettent dans les esprits la dernière épouvante. […] Un gentilhomme me vient de faire plainte qu’un paysan lui ayant dit des insolences, il lui a jeté son chapeau par terre sans le frapper, et que le paysan lui a répondu hardiment qu’il eût à lui relever son chapeau, ou qu’il le mènerait incontinent devant des gens qui lui en feraient nettoyer l’ordure. […] Marigny était une des créatures de Retz, à qui il s’était comme donné durant la Fronde, et qui l’employa plus d’une fois à jeter du ridicule sur ses adversaires.
Dumouriez, leur homme de guerre, avait trahi la république, et jeté sur eux, par cette trahison, le soupçon de complicité. […] Comme ce peintre qui, désespérant de rendre l’expression complexe d’un sentiment mixte, jeta un voile sur la figure de son modèle et laissa un problème au spectateur, il faut jeter ce mystère à débattre éternellement dans l’abîme de la conscience humaine. […] Il s’y jeta par désespoir.
Qu’on prenne tout, qu’on nous jette tout nus dans le chemin, mais qu’on nous rende nos deux pauvres innocents ! […] CCXXXII Mais quand ce message muet eut été ainsi échangé entre nous, je ne pus contenir toute ma joie en moi-même, je saisis toute joyeuse la zampogne suspendue au dossier de mon lit ; sans y chercher aucun air de suite, je lui fis rendre en désordre toutes les notes éparses et bondissantes qui répondaient, comme un écho ivre, à l’ivresse désordonnée de ma propre joie : cela ressemblait à ces hymnes éclatantes que l’orgue de San Stefano jette, parfois, les jours de grande fête, à travers l’encens du chœur, et qui sont comme le Te Deum de l’amour ! […] CCXLIII Il nous attendait, le pauvre enfant ; il se jeta, quand il nous vit, aux genoux de son oncle et de moi comme pour nous demander pardon de toutes les tribulations involontaires que l’ardeur de défendre sa cousine et nous avait fait fondre sur la maison. […] Je me jetai tout habillée sur mon lit ; je fermai les yeux et je recueillis en moi toutes mes forces dans ma tête pour inventer le moyen de nous sauver ensemble ou de le faire sauver au dernier moment, en le trompant innocemment lui-même et en mourant pour lui toute seule.
Si vous montez l’escalier sans marches du Vatican, comme une colline aplanie pour laisser les vieux pontifes monter sans perdre haleine au sanctuaire de leurs oracles ; si vous entrez dans la chapelle Sixtine pour contempler sur ses murs et sur ses voûtes le tableau du Jugement dernier, ce poëme dantesque du pinceau, peint par un géant, où l’imagination, le mouvement, l’expression, la forme, la couleur semblent défier la création par son image, et si vous demandez quelle main de Prométhée moderne a jeté derrière lui ces gouttes d’huile pour en faire des hommes, des anges, des démons, des dieux ? […] N’ayant trouvé à Venise ni protection ni travail, il revint à Bologne ; on l’y jeta en prison comme un aventurier qui n’avait ni passe-port ni répondant. […] À la fin, le pontife, impatienté de cette longue attente, viola l’enceinte, fit renverser les échafaudages, déchirer les toiles qui masquaient la voûte et jeta une longue exclamation de joie et d’admiration. […] Si le scepticisme osait jamais revendiquer son siècle, on ne pourrait lui contester celui-là ; il fut la grande orgie de la pensée italienne, bruyant, éclatant, scandaleux et court, comme une orgie entre des tombeaux ; une grande débauche de l’esprit humain ; mais du sein de cette débauche, il jeta une lueur immense sur la terre et il laissa dans les lettres et dans les arts plus de monuments que les dix siècles de barbarie qui l’avaient précédé et que les quatre siècles de civilisation disciplinée qui l’ont suivi : argument bizarre, mais argument sans réplique en faveur des libertés et des licences même de la pensée.
Si bien qu’en cet âge de trouble et de misère, l’Université, sous son vêtement ecclésiastique, sous les privilèges de ses clercs et de ses docteurs, abritera la raison indépendante, pour lui permettre d’atteindre le temps où elle pourra jeter bas la défroque scolastique et se risquer hors de la rue du Fouarre ou du Clos-Bruneau. […] Tous ces mots n’ont pas été consacrés par l’usage : nos érudits, dès lors, comme plus tard au xvie siècle, les jetaient dans la langue avec une facilité un peu téméraire, effrayés et comme étourdis qu’ils étaient de la disproportion qu’ils apercevaient entre la pensée antique, si riche, si complexe, si élevée, et notre pauvre vulgaire, bornée jusque-là aux usages de la vie physique et des intérêts matériels. […] Il y eut certainement au xiie siècle une prédication en langue vulgaire, active, vivante, puissante, qui entraînait grands et petits à la croisade, peuplait les cloîtres, jetait des villes entières à genoux, et dans tous les excès de la pénitence. […] Elle le suit partout, et dans ses sermons jette à l’improviste de douloureux et pathétiques mouvements : prêchant un jour de Noël, il pose que Jésus est venu apporter la paix aux hommes, et ce mot de paix évoquant en son esprit l’ardente et toujours vaine aspiration des peuples, il adresse au roi et aux princes une exhortation singulièrement émue et touchante : il n’y a pas beaucoup de pareils morceaux dans l’éloquence religieuse avant Bossuet.
Magistrat, d’une vieille famille de magistrats de Savoie, jeté hors de chez lui par la Révolution française qui annexa son pays, Joseph de Maistre671, s’en alla à l’autre bout de l’Europe représenter son maître le roi de Sardaigne : il passa quatorze ans de sa vie (1802-1816) dans cet exil de Saint-Pétersbourg, vivant pauvrement, stoïquement, jugeant de haut les événements et les hommes, et composant dans son loisir ses principaux ouvrages. […] Sans s’être classé dans aucun parti, et siégeant, comme il disait, au plafond, Lamartine s’était donné le rôle de jeter, au travers de la discussion des intérêts, toutes les nobles idées de justice, d’humanité, de générosité, sans esprit et sans ambition de parti, faisant simplement sa fonction de poète, tâchant d’élever les consciences, et versant sur les politiciens toute la noblesse de son âme en larges nappes oratoires. […] La peur de la démocratie le jeta dans les bras des évêques, ce sont ses termes ; elle fit plus, elle en fit un évêque, impérieux catéchiseur et pasteur autoritaire. […] Dans ses conférences de Notre-Dame et dans celles qu’il prêcha un peu partout, il jeta hardiment le catholicisme en pleine actualité.
Celui qui nous présente des mains pures, jamais notre colère ne se jette sur lui, il passe une vie saine et sauve. […] Compagne de Zeus luttant contre les Titans, elle jette l’Etna sur Encelade écrasé. […] Elle plante sur la colline sainte le tribunal infaillible, à l’ombre duquel prospérera son peuple ; elle le consacre par des paroles solennelles comme les médailles qu’on jette dans les fondations d’un sanctuaire. — « Écoutez maintenant la loi que je promulgue, citoyens d’Athènes, vous, les premiers juges du sang versé ! […] La cause a été jugée par suffrages égaux, il n’y a pour vous nulle offense. » Puis ce sont de splendides promesses, des dons magnifiques : pour fermer ces gueules aboyantes, Pallas leur jette des gâteaux de miel. — « Ne vous irritez donc point, ne frappez point cette contrée de votre colère ; n’y semez pas la stérilité en distillant sur elle la bave des démons, ce poison rongeur qui dévore le germe des êtres.
Il quitte sa maîtresse, se bat avec son ami et est blessé ; guéri, il se jette dans la débauche, dans l’orgie, jusqu’à ce que la mort de son père l’en tire. […] Le trait est jeté au passage, comme négligemment ; mais l’œil délicat le relève, et toute illusion a disparu.
La république des lettres ne s’étend point dans des lieux où elle sait qu’elle n’a que des ennemis, occupés sans cesse à désapprendre ou à oublier ce que la curiosité leur avoit fait rechercher, pour renfermer toute leur application et leur étude dans le seul livre de Jésus-Christ. » Chaque fois que l’incorrigible Nicaise recommence, Rancé réitère cette profession d’oubli : « Tous les livres dont vous me parlez ne viennent point jusqu’à nous, parce qu’on les regarde comme perdus et comme jetés dans un puits d’où il ne doit rien revenir. » Le bon abbé Nicaise ne se décourage point pourtant ; à défaut des ouvrages d’autrui, il enverra les siens propres, et il espère apprendre du moins ce qu’on en pense. […] pour le coup, Rancé ne put s’empêcher de sourire, et on surprend ce mouvement de physionomie, chez lui si rare, à travers les simples lignes de sa réponse : « J’ai jeté les yeux sur votre ouvrage des Sirènes, mais je vous avoue que je n’ai osé entrer avant dans la matière.
Depuis la révolution, on s’est jeté dans un défaut singulièrement destructeur de toutes les beautés du style ; on a voulu rendre toutes les expressions abstraites, abréger toutes les phrases par des verbes nouveaux qui dépouillent le style de toute sa grâce, sans lui donner même plus de précision69. […] Ce retour vers la Providence ne nous indique-t-il pas qu’aucun ridicule n’est jeté dans ce pays éclairé, ni sur les idées religieuses, ni sur les regrets exprimés avec l’attendrissement du cœur.
Cependant deux choses tendent à ramener les ouvrages de science et d’érudition dans notre domaine : la langue française, quand on l’emploie, toute concrète encore et chargée de réalité, et dont les mots apportent, au milieu des abstractions techniques, les formes, les couleurs et comme le parfum des choses sensibles ; ensuite, le tempérament individuel, mal plié encore à la méthode scientifique, et qui jette sans cesse à la traverse des opérations de la pure intelligence l’agitation de ses émotions et les accidents de sa fortune. […] Il y a dans cet inventeur des rustiques figulines un philosophe qui jette des vues profondes auxquelles nul ne fait attention, et que la postérité s’étonnera de rencontrer chez lui, quand le progrès de la science y aura lentement ramené les hommes : ainsi cette grande idée, liée à tout un système de la nature, en même temps qu’elle est la base de l’agriculture scientifique, cette idée que, les plantes empruntant au sol les aliments qui les accroissent, pour entretenir la fécondité de la terre, il faut lui rendre l’équivalent de ce que les récoltes lui enlèvent.
On se jette en avant, on s’engage, on est en peine ensuite pour revenir. […] Il a des commencements de chapitres, parfaits de ton, de tenue, de sévérité, d’une haute critique ; puis il descend ou plutôt il s’élance, il saute à des points de vue tout opposés. « Mais ce n’est point ma faute à moi, dira le critique ; je n’invente pas mon sujet, je suis obligé d’en descendre la pente, et de suivre les modernes dans ces recoins du cœur humain où ils se jettent, après que les sentiments simples sont épuisés. » — Pardon, répondrai-je encore ; votre ingénieuse critique, en faisant cela, n’obéit pas seulement à une nécessité, elle se livre à un goût et à un plaisir ; elle s’accommode à merveille de ces recoins qu’elle démasque, et dont elle nous fait sentir, en se jouant, le creux et le faux.
Il le prend par la peau du cou, comme un chat méchant, et le jette par la fenêtre. […] Le mot restera et suffit à la gloire d’un homme. » Voilà comment Stendhal est notre bête noire33 ; voilà notre mépris et notre pitié, et c’est ce qu’on appelle « prendre quelqu’un par la peau du cou et le jeter par la fenêtre », Nous avons, au contraire, on le voit, loué précisément ce qui, de l’avis de tous, caractérise le talent et l’originalité de Stendhal.
Cette observation doit toujours être présente à l’esprit du lecteur : sans cela je pourrais courir le risque de passer pour un homme que la trop grande préoccupation de certaines idées jette dans le paradoxe et dans l’exagération. […] Professons un culte religieux pour la cendre de nos ancêtres, si nous voulons que notre poussière, lorsque nous aurons cessé de vivre, ne soit pas, à son tour, jetée aux vents.
Ce n’est point une doctrine métaphysique que je prétends établir : je ne veux, quant à présent, que jeter des pontons pour traverser le fleuve ; nous verrons si nous pourrons ensuite construire un véritable pont. […] Ceux qui, dans ce moment, professent, à cet égard, les doctrines anciennes, croient jeter dans la société une lumière nouvelle, en annonçant, comme une vérité qui va être admise, que l’homme n’a pas le pouvoir de créer sa langue.
Je sais bien qu’il y a la lâche rubrique de « l’Église libre dans l’État libre », que les hypocrites, qui n’y croient pas, débitent aux imbéciles qui y croient, mais ce n’est là qu’une pierre d’attente, que le radicalisme, qui, comme son nom le dit, doit en finir avec les racines de tout, saura bien jeter un jour à la tête de la Papauté ! […] On a placardé des manifestes, roué de coups les gendarmes qu’on a voulu jeter dans la Marecchia.
» Mais il y a à dire nettement et sans broncher : « Tu es une coquine à prendre au chignon, comme les exempts du roman t’y prennent pour te jeter à la charrette ! […] C’est elle-même, cette fleur de dix-sept ans et du mal, dirait Baudelaire, qui, dans cette auberge pleine, descend le matin, tire les verrous et se jette à Desgrieux qui l’enlève !
J’en fais ce qu’il est, l’hébétement, la destruction et la mort… Je n’aperçois qu’un monde d’insectes de différentes espèces et de tailles diverses, armés de scies, de pinces, de tarières et d’autres instruments de ruine, attachés à jeter à terre mœurs, droits, lois, coutumes, ce que j’ai respecté, ce que j’ai aimé ; un monde qui brûle les villes, abat les cathédrales, ne veut plus de livres, ni de musique, ni de tableaux, et substitue à tout la pomme de terre, le bœuf saignant et le vin bleu. […] A le bien prendre, un misanthrope n’est qu’un optimiste renversé, un optimiste désespéré, qui jette les hauts cris.
Ainsi ce serait aux philosophes à construire l’édifice des langues, à en jeter les fondements, à en fixer les proportions et la hauteur, comme les poètes en sont, pour ainsi dire, les décorateurs et les peintres. […] Cicéron, qui nous apprend tous ces détails, se plaignait même que ces éloges eussent jeté de l’embarras et de l’obscurité dans l’histoire9.
Il est clair que tous les artistes ne sont pas jetés dans le même moule. […] Nous ne saurions avoir la prétention de trancher, d’un mot jeté en passant, ce grand débat. […] Un musicien jette les yeux sur cette page. […] Pourquoi jeter sur les épaules de ce personnage un manteau d’un rouge si flamboyant ? […] Le sculpteur se gardera de jeter toutes ses statues dans le même moule.
Cette fois, il oublia de moucher les chandelles, ou, pour mieux dire, il jeta les mouchettes par terre et il les foula aux pieds. […] l’infortuné perd le fil de sa douce gaieté ; et il se jette à tête perdue, dans les cent mille détours de ses diverses comédies ! […] Pourquoi copier ces tableaux sur lesquels, l’instant d’après il vous faudra nécessairement jeter un voile ? […] Quelle gaieté jetée à pleines mains comme l’esprit ! […] Gros-René, qui se jetait si bien aux genoux de Mari nette ?
Nos romanciers savent très exactement ce que rapporte une moralité bien placée et ce que vaut une ordure jetée au bon endroit. […] Le prisonnier que l’on jette là peut croire habiter quelque grotte marine ou quelque égout. […] Le héron, sur ses échasses, attendait que le gardien de sa geôle vînt lui jeter quelques poissons sous le bec. […] Ces dames disaient : « Non, il n’est pas possible qu’une femme se jette ainsi à la tête d’un homme ». […] … Ce qui surtout jetait le petit Pouvillon dans l’enthousiasme, c’était la vue des suisses à culottes courtes.
Ainsi, page 315, dans la strophe : Mais à moins qu’un ami menacé dans sa vie Ne jette en appelant le cri du désespoir, Ou qu’avec son clairon la France nous convie, etc.