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495. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Leur grief n’était pas de servir, mais les conditions du service, et d’être jetés, sans transition, du milieu intelligent des écoles à la crudité rustique des chambrées et de la vie sédentaire des livres à l’activité physique des camps. […] Bakounine avait jeté le germe de l’anarchie que fécondera l’Italien Carlo Cafiero et que formulera un autre Russe, Kropotkine. […] Il faillit être jeté à la porte.

496. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Elle ne nie pas les trois amants qu’il lui jette au visage, elle les avoue et elle les explique : celui-ci par l’ennui, cet autre par l’abandon, le troisième par la convoitise de la grande fortune qu’il va lui apporter, en devenant son mari. […] Plus enivrée que confiante, voulant le croire malgré tout, elle se jette entre ses bras, et s’y berce comme un enfant, pour endormir l’angoisse douloureuse qui l’oppresse encore. […] Tout l’excite à le pousser vers le châtiment : son ressentiment, sa nature ardente, l’idée de justice et de talion conjugal qu’elle n’a, jusqu’ici, cessé de poursuivre ; l’espoir, à jamais perdu, de ramener cet homme perverti par une passion basse… A peine a-t-il fait un pas vers la porte qu’elle se jette au-devant de lui et, de ses bras ouverts, qui bientôt l’enlacent, lui barre le passage. — « N’y va pas !

497. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il nous montre l’homme, le seul de tous les animaux, jeté nu sur la terre nue, signalant son entrée dans le monde par des pleurs, ignorant le rire avant le quarantième jour ; et il s’attache, en toute rencontre, à nous faire voir, par une sorte de privilège fatal, ce maître de la terre malheureux, débile, toujours en échec, et, jusque dans l’éclair du plaisir, toujours prêt à se repentir de la vie. […] Il faut voir dans le texte (car les meilleures traductions sont pâles en ces endroits) avec quelle effusion il célèbre ce beau génie, le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire : « Je te salue, ô toi, s’écrie-t-il, qui le premier fus nommé Père de la patrie, toi qui le premier méritas le triomphe sans quitter la toge… » À quelques livres de là nous apprenons à regret que le fils indigne de l’illustre orateur était un buveur éhonté ; qu’il se vantait d’avaler d’un seul trait des mesures de vin immenses ; qu’un jour qu’il était ivre, il jeta une coupe à la tête d’Agrippa : « Sans doute, dit ironiquement Pline, ce Cicéron voulait enlever à Marc-Antoine, meurtrier de son père, la palme du buveur. » Le livre de Pline sur l’Homme est rempli de particularités, d’anecdotes intéressantes et qu’on ne trouve que là. […] À chaque pas, et même à ne voir les choses qu’en profane, on rencontrerait des portraits pleins de vie et de talent (celui du Coq, du Rossignol, par exemple, au livre des Oiseaux) ; à chaque pas on trouve aussi des anecdotes plus ou moins authentiques, mais piquantes, et qui toutes, même dans leurs erreurs, jettent un grand jour sur les habitudes, les manières de voir et les superstitions de l’Antiquité.

498. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Marguerite, à la date où Brantôme traçait d’elle ce portrait tout d’inspiration et d’enthousiasme, et jetait sur le papier cet éloge qu’on peut véritablement appeler délirant (1593), était enfermée au château d’Usson, en Auvergne, où elle était non pas prisonnière, mais bien maîtresse. […] Son frère d’Anjou, qui fut depuis Henri III, avait beau lui jeter au feu ses Heures pour lui donner en place des Psaumes et prières huguenotes, toujours elle tint bon et se préserva de cette manie de huguenoterie, qui, en effet, à cette date de 1561, était à la Cour une vanité, une mode française et mondaine, attrayante un moment pour ceux même qui peu après devaient tourner contre et la réprimer. […] qui se jette sur elle pour se couvrir contre les assassins du corps de sa reine, elle ne sachant si elle a affaire à un fou ou à un téméraire.

499. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

tout le temps du livre ; car son amour de la fin, sorti des boues remuées de sa nature, — il y a des boues dans cette femme de marbre blanc, — n’a été mis là par les auteurs que comme une ressource de dénouement pour qu’aux dernières pages le lecteur, écœuré de cette femme, ne jetât pas le livre de dégoût ! […] Ce jeune écrivain, qui s’est intitulé Bachaumont et qui vaut dix fois mieux, que le masque qu’il a pris, ne se contente pas, comme l’homme de son masque, de ramasser, sans choix et à la pelle, les cancans et les mots et tous les détritus d’un siècle, et de les jeter dans un tombereau qu’il pousse à la postérité. […] Il continue ce difficile exercice dans son livre des Femmes du Monde, et il s’en tire avec sa souple habileté ; mais, malgré le gant de velours avec lequel il touche les papilles nerveuses des amours-propres ; malgré les clairs-obscurs qu’il jette sur cette vieille société qui, comme les femmes passées, ne peut plus faire d’illusion qu’à contre-jour et dans les pénombres, on voit bien ce qu’elle est devenue, on sent bien que ce qui était « le monde » autrefois est fini.

500. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Dans son Stello, vous l’avez vu, comme Rousseau, jeter sa malédiction à la face de l’ordre social ; puis, comme Pascal, — mais un Pascal doux et calme, quoique sans crucifix, — ramasser cette malédiction et la replacer sur le cœur troublé dont elle est sortie. […] C’est une autobiographie, — prise à la source même de de toute autobiographie, — qui est la pensée exprimée, la sensation notée, le cri jeté, à mesure qu’on vit ! […] Alfred de Vigny n’eut point cette lâcheté ou ce courage de se jeter dans les bras de la Foi, puisque la Certitude est comme la Vénus de Milo, et n’a pas de bras dans lesquels l’homme puisse trouver un asile… Alfred de Vigny, le poète, fut moins violent, moins exaspéré que le géomètre et le logicien ; mais, désespéré, il le fut davantage… Il fut Pascal, mais moins la foi.

501. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Jetez les yeux sur telle œuvre de Burne-Jones ou de Watts32 et voyez si l’un ou l’autre de ces artistes semble avoir, un seul instant, possédé la notion de ce que peut valoir l’atmosphère dans une œuvre d’art, de ce que signifient la lumière et la couleur, un être vivant au plein air, un visage humain, de ce qu’est en un mot la vie dans son essence et sa réalité, dans sa multiple et permanente expression. […] Si l’on jette ensuite les yeux sur le second, la différence éclate. […] Et nous estimons que Ruskin fut mauvais prophète, lorsqu’il affirma que les préraphaélites « jetteraient en Angleterre les fondations de l’école d’art la plus noble qu’on ait vue depuis trois cents ans38 ».‌

502. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 17

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les Sermons du P. de la Colombiere, imprimés en 6 vol.

503. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Les sons affaiblis, mais clairs, d’une sonorité charmante, jetaient par la nuit douce un murmure d’opéra. […] — Je viens me jeter aux pieds de Votre Grandeur…, bredouilla-t-il. […] C’était à eux qu’on jetait ces insultes, mais c’était aussi au marquis, de Louverchal. […] Malgré la pluie ou la chaleur extrême, il ne quitte pas les abords de la jetée. […] Abdallah me regarda avec un œil fauve et jeta à mes pieds cette tête qui alla rebondir deux ou trois fois jusqu’à un buisson.

504. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Le lendemain, ils se jettent sur les journaux afin d’y voir leur nom imprimé. […] Il n’est pas jusqu’aux architectes, qui n’aient jeté de jolies formes et de fraîches nuances sur leurs châssis. […] Qui se jette avidement sur le manger. […] Le mulâtre, débusqué par la meute, se jeta dans une rivière et nagea éperdument. […] On jette le corps par la portière et tout est dit.

505. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

J’ai vu naître moi-même cette fantaisie royaliste, et non cette politique sérieuse, dans le cabinet d’un ministre des affaires étrangères des Bourbons que je ne nommerai pas ; mais je dois attester que cette fantaisie diplomatique, que les historiens de cette époque prennent aujourd’hui au sérieux, n’alla jamais plus loin que la porte de ce cabinet, et qu’elle ne fut jamais qu’un sujet de conversation entre des diplomates français étourdis et impatients des tracasseries de l’Autriche contre nous, forfanterie de cabinets, politique désespérée qu’on jette au vent comme une menace, mais qui ne retombe que sur ceux qui ont rêvé l’absurde ou imaginé l’impossible. […] XXIII Ainsi encore, qu’un jeune roi de Naples, à peine échappé à la tutelle ombrageuse de son père, élevé, dans la solitude royale de Caserte, à cultiver un jardin royal pour toute instruction politique, monte, encore enfant, sur le trône et s’y tienne à tâtons pendant un orage ; qu’ensuite il jette une constitution hasardée à ses peuples pour apaiser l’insurrection de Sicile, comme on jette un à un ses vêtements royaux derrière soi pour retarder la poursuite de la révolution pendant qu’elle les ramasse ; Qu’il décompose lui-même son armée par les conseils de ministres incapables ou perfides ; Que ses oncles même abandonnent ce malheureux neveu pour aller se joindre à ses ennemis ; Qu’il sorte de sa capitale pour en écarter les bombes et les obus des Piémontais ; qu’il reprenne courage dans l’honneur et dans le désespoir ; qu’il s’abrite avec ses derniers défenseurs, avec sa mère, ses frères, ses jeunes sœurs, dans une ville de guerre pour tomber au moins avec la majesté, le courage du soldat, sur le dernier morceau de rocher de sa patrie ; et que le Piémont, étranger à cette question entre les Napolitains et leur jeune roi, avec lequel le patriotisme et la liberté les réconciliaient, entre, sans querelles, sans déclaration de guerre, avec ses armées dans le royaume, et vienne, auxiliaire de l’expulsion, écraser de ses boulets les casemates de Gaëte devenues le dernier palais d’un dernier Bourbon : quel droit peut alléguer contre son parent innocent le roi de Piémont, pour s’emparer du trône démoli par ses canons ? […] Le roi de Piémont abuse évidemment de l’héroïsme ; brave comme s’il n’était que soldat, et encouragé à tout oser par l’Angleterre, à qui tout convient de ce qui peut nous nuire, le roi de Piémont, comme le grand Condé, qui jetait son chapeau au milieu de la mêlée, a jeté sa couronne de Sardaigne par-dessus les Apennins à Florence, à Rome, à Naples, à Palerme, pour que les soldats lui rapportent celle d’Italie !

506. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

La réaction nationale de la licence contre l’intolérance sénile et dévote de la fin du règne de Louis XIV jetait l’esprit dans le désordre des mœurs et dans l’indépendance sans limites. […] On lui avait refusé une sépulture décente en terre consacrée ; sa dépouille mortelle avait été jetée nuitamment dans une voirie humaine. […] Cette exigence brutale et cette petite persécution d’un poëte couronné envers un poëte désarmé et fugitif firent jeter à Voltaire des cris d’indignation qui retentirent dans toute l’Europe. […] Il n’est que trop vrai qu’un petit nombre de boutades d’esprit, éparses çà et là dans ses lettres au roi de Prusse, à d’Alembert, à Diderot, à madame du Deffand surtout, semblent jeter quelques doutes ou quelques dédains sur la nature et sur l’immortalité de l’âme, sur la personnalité et sur la providence de cet être suprême et infini appelé Dieu, auteur de tous les êtres, sans lequel tous les êtres seraient des effets sans cause ou des existences plus irrationnelles que le néant ; mais ces crimes de la raison contre elle-même dans Voltaire sont de lâches complaisances de plume, de honteuses concessions de bon sens faites par adulation à la femme impie, au prince immoral, aux écrivains sceptiques à qui ses lettres étaient adressées. […] Rousseau, de Mirabeau dans leurs lettres ou dans leurs controverses, mais un polémiste incomparable par le don du rire comique ou du rire amer jeté comme le sel de la raison sur les ridicules des hommes ou sur les erreurs de l’humanité, le plus grand dériseur de l’esprit humain qui ait jamais vécu !

507. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Dimanche, de Jacques Bonhomme et de Voltaire ; nous nous sentions devant eux comme des écoliers pris en faute ; nous regardions avec chagrin notre triste habit noir, héritage des procureurs et des saute-ruisseaux antiques ; nous jetions les yeux au bout de nos manches, avec inquiétude, craignant d’y voir des mains sales. […] Un jour ayant vu une phrase injurieuse dans les Mémoires de la Rochefoucauld, « il se jeta sur une plume, et mit à la marge : L’auteur en a menti. » Il alla chez le libraire, et fit de même aux autres exemplaires ; les MM. de la Rochefoucauld crièrent : il parla plus haut qu’eux, et ils burent l’affront. — Aussi roide envers la cour, il était resté fidèle pendant la Fronde, par orgueil, repoussant les récompenses, prédisant que le danger passé on lui refuserait tout, chassant les envoyés d’Espagne avec menace de les jeter dans ses fossés s’ils revenaient, dédaigneusement superbe contre le temps présent, habitant de souvenir sous Louis XIII, « le roi des nobles », que jusqu’à la fin il appelait le roi son maître. […] Cela en vint au point qu’un jour, au sortir d’un conseil où, après l’avoir forcé de rapporter une affaire que je savais qu’il affectionnait, et sur laquelle je l’entrepris sans mesure et le fis tondre, je lui dictais l’arrêt tout de suite, et le lisais après qu’il l’eut écrit, en lui montrant avec hauteur et dérision ma défiance et à tout le conseil ; il se leva, jeta son tabouret à dix pas, et lui qui en place n’avait osé répondre un seul mot que de l’affaire même avec l’air le plus embarrassé et le plus respectueux : Mort… dit-il, “il n’y a plus moyen d’y durer ! […] « Une foule d’officiers de Monseigneur se jetèrent à genoux tout du long de la cour, des deux côtés sur le passage du roi, lui criant avec des hurlements étranges d’avoir compassion d’eux qui avaient tout perdu et qui mouraient de faim. » Doré seul rendrait cette scène et ces deux files de mendiants galonnés, agenouillés avec des flambeaux, criant après leur marmite.

508. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 285

On est en droit d'espérer que le goût plus exercé de l'Auteur resserrera davantage son élocution quelquefois diffuse, & en écartera certaines métaphores outrées & captieuses, si l'on peut se servir de ce terme, qui, sans rendre la pensée plus vive, n'y jettent qu'un éclat plus éblouissant que lumineux.

509. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 459

La nécessité vraisemblablement le jeta dans le métier d’Ecrivain.

510. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Si je n’ai jamais éprouvé les transports où il jette J. […] Le beau jeune homme vient à la cour ; il est arrêté, jeté en prison, condamné à mort. […] Il est persuadé qu’on a jeté un sort sur son étable. […] … C’est un sort qu’on a jeté à Phèdre ; c’est un sort qu’on a jeté à Oreste ; c’est un sort qu’on a jeté à Macbeth… Le peuple sait du moins donner des noms saisissants aux choses qu’il ne peut expliquer. — Mais qui jette les sorts ? […] Le « sort jeté » en est une.

511. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Cette lettre, le regret sourd de la quitter, le dépit d’avoir manqué cette affaire, le souvenir de quelques conversations attendrissantes que nous avions eues ensemble, me jetèrent dans une mélancolie sombre. […] Vous descendez le long de votre petit escalier tournant, vous jetez un petit regard sur ma chambre, vous pensez un peu à moi. […] Je me suis jeté sur la jeunesse, et, quoi qu’on die, je ne parle presque plus à des femmes de plus de trente ans. […] Il était temps, on le voit, que la politique vînt jeter quelque variété et quelque ressource, susciter un but, même factice, à travers ces misères obscures où il se consumait. […] Je ne puis trouver malaisé de lui jeter, comme vous dites, quelques éloges.

512. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

(Il arrache l’autre œil de Glocester et le jette par terre.) […] Au premier regard jeté sur Roméo, Juliette dit à sa nourrice : « Va, demande son nom. […] Jetez leur pouvoir dans la poussière270. » Le tribun crie trahison et veut le saisir. […] Un rayon de soleil égaré sur un vieux mur, une folle chanson jetée au milieu d’un drame les occupaient aussi bien que la plus noire catastrophe. […] Le premier jette une pensée, et les autres la répètent.

513. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

En adressant ses Essais à M. de Latour, avec une demande de souscription, Mme Valmore débutait par cet apologue à la manière du poète persan Saadi, dont elle avait lu quelque chose et que, disait-elle, elle adorait : « Monsieur, « Il est dit dans un livre qu’un pauvre oiseau jeté à terre et roulé dans le vent de l’orage fut relevé par une créature charitable et puissante, qui lui remit son aile malade comme eût fait Dieu lui-même ; après quoi l’oiseau retourna où vont les oiseaux, au ciel et aux orages. […] On a vu de reste toutes ses douces superstitions légendaires et les crédulités qu’elle avait gardées du pays natal ; mais il est un point sur lequel elle ne fléchit pas ; si elle est catholique d’imagination, elle a, si je puis dire, le catholicisme individuel ; elle n’entend y faire intervenir personne ; elle est surtout pour qu’on respecte la paix des mourants, et elle écrit à sa nièce, fille d’Eugénie, de se bien garder d’alarmer sa mère à l’instant suprême : « (5 septembre 1850)… J’attends une lettre avec la plus grande anxiété, et votre silence me jette dans l’effroi. […] n’est exempt ni pur de semblables calamités et n’a droit de jeter la pierre à l’autre. […] Des pères de famille égorgés au milieu de leurs enfants, parce que des malfaiteurs avaient tiré à leur insu de dessus leur toit ; des rues entières saccagées ; du sang et des morts, voilà tout ce qui reste : du deuil, des larmes, et la ruine d’un grand nombre de familles… « Mon cher enfant, jette-toi avec ardeur dans les arts ou dans les sciences : avec eux, jamais de remords… » (L’honnête homme qui parlait ainsi n’est autre que M. 

514. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

C’est ce qui doit consoler et soutenir les artistes jetés en des jours d’orages. […] Je pensais qu’il me verrait, que je me jetterais entre ses bras, que nous pleurerions tous les deux, et que tout serait oublié. […] Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument. « Ou plutôt ce monument existe, mais par fragments ; et, comme un esprit unique et substantiel est empreint en tous ces fragments épars, le lecteur attentif, qui lit Diderot comme il convient, avec sympathie, amour et admiration, recompose aisément ce qui est jeté dans un désordre apparent, reconstruit ce qui est inachevé, et finit par embrasser d’un coup d’œil l’œuvre du grand homme, par saisir tous les traits de cette figure forte, bienveillante et hardie, colorée par le sourire, abstraite par le front, aux vastes tempes, au cœur chaud, la plus allemande de toutes nos têtes, et dans laquelle il entre du Gœthe, du Kant et du Schiller tout ensemble. » 89.

515. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

C’est ce que je ne saurais dire ; mais ce Vaï se comprend et se répète même quand on ne peut l’expliquer : c’est un cri de détresse jeté aux échos comme la dernière note prolongée d’un chant montagnard. […] « Aux rayons de la lune, qui répand une si douce lueur dans ces régions asiatiques, aux derniers bruits que la mer apaisée jette sur la plage, les filles de Scio venaient, sur le banc de pierre dressé à la porte de leur maison, écouter les plaintes et les déclarations d’amour des jeunes hommes, quelquefois mêler leurs voix aux chants passionnés, au son du téorbe ou de la mandoline. […] Ulysse, jeté sur cette île par la tempête et accablé de lassitude, est couché sur des feuilles sèches, à l’abri des roseaux, au bord du fleuve qui se jette dans la mer. » Alors, continue M. de Marcellus, le vieillard Manos, aux cheveux blancs et à la longue barbe, vêtu de cette robe orientale qui fait partie du costume grec à Constantinople, se redresse sur le divan où nous restons accoudés.

516. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Ce qui le prouve, c’est la vivacité de son désappointement quand Rabelais tourna le dos à la Réforme, et en vint, comme dit Henri Estienne, jusqu’à jeter des pierres dans le jardin des réformés. […] En 536, à la suite de cette tragique affaire des placards qui coûta la vie à six malheureux suppliciés sur la place de l’Estrapade, Marot s’enfuyait à Ferrare auprès de Renée de France et Étienne Dolet était jeté dans les prisons de Lyon. […] Le mot étudier est trop faible pour peindre cette ardeur de curiosité avec laquelle il se jeta sur tout ce qui avait été retrouvé de l’antiquité, philosophie, morale, médecine, anatomie, astronomie, marine, guerre, jeux, gymnastique, tout jusqu’à ces raretés de bibliographie qui ont été le produit de quelques cerveaux malades. […] Rabelais ne s’attache pas aux vérités qu’il rencontre, comme s’il n’en sentait pas le prix et qu’elles fussent plutôt l’effet du hasard qui les a jetées sous sa plume, que le fruit de ses réflexions.

517. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Sa vue d’une droiture introublée se jette au loin. […] Si l’esprit français, strictement imaginatif et abstrait, donc poétique, jette un éclat, ce ne sera pas ainsi : il répugne, en cela d’accord avec l’Art dans son intégrité, qui est inventeur, à toute Légende. […] Car la Fin des Dieux, maintenant, s’encrépuscule : ainsi, je jette l’incendie en le burg resplendissant de Walhall. »   Elle lance le tison dans le bûcher, qui, rapidement et clairement, s’allume. […] À leur vue, Hagen jette ses armes et s’élance dans les flots, criant : « Arrière, vous !

518. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Jetez un regard sur les planches d’un livre de physiologie, vous serez frappé de l’inextricable écheveau que présentent les fibres grossies au microscope : c’est un tissu où l’action du temps, par l’hérédité et par la sélection naturelle, a fait des milliards de nœuds gordiens non encore dénoués par la science. […] Richet hypnotise une femme et lui dit : « Quand vous serez réveillée, vous prendrez ce livre qui est sur la table et vous le remettrez dans ma bibliothèque. » Une fois réveillée, la femme se frotte les yeux, regarde autour d’elle d’un air étonné, met son chapeau pour sortir, puis, avant de sortir, jette un coup d’œil sur la table : elle voit le livre en question, le prend, lit le titre : « Tiens, vous lisez Montaigne. […] O.., et vous le jetterez dans le feu. Réveillée, elle veut prendre un mouchoir et ne veut prendre que celui de O… Et après divers prétextes, elle jette le mouchoir au feu. » Encore une pensée suggérée, puis reproduite, et non reconnue comme telle.

519. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

L’un des plus inattendus n’est-il pas de voir un philosophe qui ne s’était guère occupé que de psychologie et de métaphysique ; qui, s’il n’a pas eu d’idées en propre, un système construit à la façon de Hegel ou de Schelling, a du moins eu de belles parties de discussion, souvent de l’aperçu entre deux idées fausses et surtout un style, beaucoup trop admiré, il est vrai, car il n’est pas sincère, oublier, tout à coup, ce qu’il est et ce qu’il fut, abandonner la philosophie qui meurt plus par le fait de ses partisans que de ses adversaires, laisser là l’habituel sujet de ses méditations et se jeter obstinément dans les petits et obscurs détails de la biographie, et de quelle biographie encore ! […] Venue à une époque de trouble, de mouvement, d’anarchie, elle se jeta de premier bond et d’entêtement dans tout ce qu’une pareille époque eut de plus fou et de plus avorté. […] Ce dessillement, cette lumière de la vérité, cette fonction qui grandit tout, l’objet qu’on voit et l’œil qui regarde, ce seau d’eau glacée que la Responsabilité jette à la figure de l’homme pour le calmer, toutes ces choses qui atteignent même les femmes, M.  […] âmes aussi fortes que tendres qui, après avoir jeté tant d’éclat, avez voulu vous éteindre dans l’obscurité et le silence ; enseignez-moi à sourire comme vous à la solitude, à la vieillesse, à la maladie, à la mort !

520. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Par surcroît, les Anglais avaient eu le temps de jeter à terre des compagnies de débarquement. […] Alors, voyant que sa bonne farce est découverte, il avoue son identité, se jette au cou de sa femme, l’embrasse sur les deux joues. […] Cette déposition d’un diplomate volontiers psychologue, jette parfois une vive lumière en des âmes obscures, que nous connaissons mal. […] Alors les soldats jetèrent des cris de joie qui me firent horreur, comme s’ils voulaient dire : « Nous voilà sur le territoire ennemi ! […] Il a, sur ses carnets de route, jeté des notes où l’influence de Taine s’unit à la hantise de Loti.

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